La lettre juridique n°413 du 21 octobre 2010 : Rel. collectives de travail

[Jurisprudence] Le Conseil constitutionnel, les syndicats catégoriels et la réforme de la démocratie sociale

Réf. : Cons. const., 7 octobre 2010, n° 2010-42 QPC (N° Lexbase : A2099GBD)

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par Christophe Radé, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

le 04 Janvier 2011

Comme on pouvait s'y attendre, l'entrée en vigueur de la procédure de question prioritaire de constitutionnalité a créé un appel d'air dans lequel s'est engouffré un certain nombre de justiciables, convaincus que leurs droits et libertés garantis par la Constitution ont été bafoués par le législateur, ou simplement soucieux de se ménager une voie de droit supplémentaire pour tenter d'obtenir gain de cause en justice. Seule une question intéressant directement le droit du travail a été transmise au Conseil constitutionnel qui devait déterminer si le mode de calcul de l'audience électorale des syndicats catégoriels affiliés était conforme à la Constitution. Sans surprise, le Conseil constitutionnel a validé cette disposition particulière de la loi du 20 août 2008 dans une décision rendue le 7 octobre 2010 (I). Parallèlement, la Cour de cassation a continué à examiner un certain nombre de QPC et a confirmé, à cet égard, sa politique très stricte de transmission, politique qui pourrait bien être affectée par la décision du 7 octobre 2010 (II).

La différence de traitement qui résulte des articles L. 2122-1 (N° Lexbase : L3823IB9) et L. 2122-2 (N° Lexbase : L3804IBI) du Code du travail entre syndicats catégoriels et syndicats intercatégoriels ne méconnaît pas le principe constitutionnel d'égalité devant la loi.

I - Conformité à la Constitution du mode de décompte de l'audience électorale des syndicats catégoriels affiliés dans l'entreprise

Une décision prévisible. Le 8 juillet dernier, la formation ad hoc de la Cour de cassation, chargée d'examiner les questions prioritaires de constitutionnalité transmises par les juridictions du fond, décidait de transmettre au Conseil constitutionnel une question portant sur la conformité au principe d'égalité de "l'article L. 2122-2 du Code du travail, qui dispense une organisation syndicale catégorielle de devoir franchir le seuil de 10 % des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires au comité d'entreprise dans tous les collèges, contrairement aux syndicats intercatégoriels visés par l'article L. 2122-1 du Code du travail"(1). La décision du Conseil constitutionnel était donc attendue avec curiosité, même si nous avions pronostiqué une validation du texte, compte tenu de la marge d'appréciation laissée au Parlement s'agissant de l'appréciation des différences de situations et des motifs justifiant qu'il soit porté atteinte au principe d'égalité ; on ne sera donc nullement surpris par la teneur de la décision rendue le 7 octobre 2010 qui a "confirmé" l'article L. 2122-2 du Code du travail (2). Nous regrettons toutefois que le Conseil n'ait pas été plus loin dans son analyse et n'ait pas subordonné la validité de ce texte à l'affirmation d'une "représentativité catégorielle" des syndicats catégoriels affiliés, capacité qui ne rayonnerait pas en dehors du ou des collèges "cadre", et d'une "capacité catégorielle" de ces mêmes syndicats qui leur permettrait de signer "seuls" des accords catégoriels mais non des accords intercatégoriels (3).

Confirmation de la marge de manoeuvre laissée au législateur s'agissant de la mise en oeuvre du principe d'égalité. La validation sans réserves de l'article L. 2122-1 du Code du travail confirme la modestie du contrôle exercé par le Conseil constitutionnel s'agissant de la mise en oeuvre par le Parlement du principe d'égalité qui se contente de vérifier que ce dernier n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation, en appréciant les différences de situation entre les sujets de droit ou les motifs, justifiant qu'il soit dérogé au principe d'égalité de traitement. Reprenant une analyse vieille de plus de vingt ans, la Conseil constitutionnel a ainsi rappelé, dans cette décision du 7 octobre, que "le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit" (4).

Principe de participation et critère de représentativité syndicale. Pour le Conseil, "il était loisible au législateur, pour fixer les conditions de mise en oeuvre du droit des travailleurs de participer par l'intermédiaire de leurs délégués à la détermination des conditions de travail ainsi qu'à la gestion des entreprises, de définir des critères de représentativité des organisations syndicales".

L'affirmation est inédite, mais guère surprenante.

Le rôle du Conseil constitutionnel n'est pas en effet de se substituer au Parlement dans la détermination des modalités de mise en oeuvre des droits et libertés que la Constitution garantit, mais simplement de vérifier que "l'exercice de ce pouvoir" n'aboutisse "à priver de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel". Ainsi, le Conseil constitutionnel a considéré, s'agissant de la mise en oeuvre du principe de participation du Préambule de Constitution de 1946 (N° Lexbase : L1356A94) (5), que "c'est au législateur qu'il revient de déterminer, dans le respect du principe qui est énoncé au huitième alinéa du Préambule, les conditions et garanties de sa mise en oeuvre" (6). Il est donc logique de considérer que la mise en oeuvre du critère de représentativité syndicale constitue une modalité de mise en oeuvre de ce droit, dont le Conseil doit vérifier qu'il n'a pas pour effet d'en restreindre de manière injustifiée et disproportionnée l'exercice.

Or, comme le relève le Conseil constitutionnel, "la disposition contestée tend à assurer que la négociation collective soit conduite par des organisations dont la représentativité est notamment fondée sur le résultat des élections professionnelles [et] le législateur a également entendu éviter la dispersion de la représentation syndicale", ce qui constitue d'évidence un motif d'intérêt général suffisant.

La Cour de cassation n'avait d'ailleurs pas jugé autrement dans ses décisions refusant de transmettre les QPC portant sur le seuil de représentativité syndicale de 10 % lorsqu'elle avait affirmé que "l'exigence d'un seuil raisonnable d'audience subordonnant la représentativité d'une organisation syndicale ne constitue pas une atteinte au principe de la liberté syndicale et la représentation légitimée par le vote", et que "loin de violer le principe de participation des salariés à la détermination collective de leurs conditions de travail par l'intermédiaire des syndicats, en assure, au contraire, l'effectivité" (7).

Principe de liberté syndicale et audience électorale de 10%. Interrogé sur la compatibilité de l'exigence de 10 % avec le principe de liberté syndicale, le Conseil considère également que "la liberté d'adhérer au syndicat de son choix, prévue par le sixième alinéa du Préambule de 1946, n'impose pas que tous les syndicats soient reconnus comme étant représentatifs indépendamment de leur audience".

On reconnaît également ici le principe selon lequel, c'est au Parlement qu'il appartient de déterminer les conditions et modalités de mise en oeuvre de la liberté syndicale reconnue par le Préambule de la Constitution de 1946 (8).

Ici encore, la décision confirme que la liberté syndicale doit être mise en oeuvre par le législateur qui n'y porte d'ailleurs pas atteinte de manière excessive en réformant les critères de la représentativité syndicale, ne serait-ce que parce que ce critère concerne l'exercice des prérogatives syndicales et non la liberté syndicale en elle-même, entendue essentiellement comme la liberté d'adhérer (ou ne pas adhérer un syndicat), et accessoirement comme la liberté de se livrer à une activité syndicale.

Conformité à la Constitution du seuil d'audience de 10 %. Il est extrêmement intéressant de relever ici que le Conseil constitutionnel se prononce à l'occasion de l'examen de la constitutionnalité de l'article L. 2221-2 du Code du travail sur la conformité à la Constitution du seuil d'audience de 10%, alors qu'il n'était interrogé que sur une éventuelle rupture d'égalité entre syndicats catégoriels et intercatégoriels.

Certes, s'il avait préalablement établi que ce seuil d'audience était contraire aux droits et libertés que la Constitution garantit, il aurait réglé la question posée en censurant le seuil d'audience pour les syndicats catégoriels, ouvrant ainsi la voie à l'abrogation de l'ensemble des dispositions du Code du travail de même nature. Mais cette analyse liminaire constitue aussi, et peut-être surtout, une réponse aux refus de transmission des QPC portant précisément sur le seuil d'audience des 10 %, refus qui avait déclenché l'ire du Président du Conseil constitutionnel, à juste titre (9).

On notera d'ailleurs que le sens de la réponse apportée par le Conseil à la question de la constitutionnalité des seuils d'audience donne paradoxalement raison à la Cour de cassation qui avait considéré que ces derniers ne portaient pas sérieusement atteinte aux droits et libertés que la Constitution garantit, et que leur transmission au Conseil ne s'imposait pas ...

S'agissant précisément du régime propre à la mesure de l'audience électorale des syndicats catégoriels, le Conseil considère, ici encore sans surprise, compte tenu de la marge d'appréciation laissée au Parlement dans la mise en oeuvre du principe d'égalité, "que les organisations syndicales qui, selon leurs statuts, ont vocation à représenter certaines catégories de travailleurs et qui sont affiliées à une confédération syndicale catégorielle interprofessionnelle nationale ne se trouvent pas dans la même situation que les autres organisations syndicales", et "qu'en prévoyant que, pour les organisations syndicales catégorielles, le seuil de 10 % est calculé dans les seuls collèges dans lesquels elles ont vocation à présenter des candidats, le législateur a institué une différence de traitement en lien direct avec l'objet de la loi" (10).

Conclusion. Au final, la décision est sans surprise, même si la question du rayonnement de la représentativité des syndicats catégoriels affiliés au-delà du ou des collèges "cadres" et de leur capacité à conclure seuls des accords intercatégoriels dès lors que le nombre des suffrages exprimés dans leurs collèges représenteraient au moins 30 % de l'ensemble des collèges, demeure ; mais le Conseil n'était pas interrogé sur ce point, ni sur les dispositions correspondantes du Code du travail issues de la loi du 20 août 2008 (N° Lexbase : L7392IAZ), de telle sorte qu'il appartiendra à la Cour de cassation de prendre position sur ces questions délicates (11), voire au Conseil s'il devait être ultérieurement saisi sur la conformité des autres dispositions de l'article 2 de la loi du 20 août 2008.

II - La confirmation par la Cour de cassation d'une politique restrictive de transmission des QPC

Contexte. La Cour de cassation a été saisie, depuis le mois de juillet, d'un certain nombre de QPC concernant le droit du travail. Comme on pouvait s'y attendre, la plupart d'entre-elles n'ont pas été transmises en raison de leur absence de caractère "sérieux".

Refus de transmission de questions portant sur les seuils d'audience. La Cour a confirmé son refus de transmettre de nouvelles questions portant sur l'exigence d'un seuil d'audience de 10 % pour qu'un syndicat puisse être représentatif dans les établissements, entreprises et groupes d'entreprises. Selon la Haute juridiction, en effet, "la condition tenant à une audience électorale de 10% posée par les articles L. 2122-1 et L. 2143-3 seuls visés en l'espèce s'impose à toutes les organisations syndicales, de sorte qu'elle ne porte pas atteinte au principe d'égalité invoqué" (12).

La Cour de cassation a également transmis toutes les QPC dont elle était saisie concernant le régime applicable aux syndicats catégoriels dans la loi du 20 août 2008 (13), et ce dans la droite ligne de sa précédente décision en date du 8 juillet 2010 (14).

La décision de conformité, rendue sur l'article L. 2122-1 du Code du travail, le 7 octobre 2010, ferme bien entendu la voie à toute nouvelle décision sur le sujet, le Conseil devant les rejeter conformément aux dispositions de l'article 23-2 modifié de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, portant loi organique sur le Conseil constitutionnel. Il faudra alors attendre un "changement de circonstances" pour que le Conseil puisse de nouveau être saisi d'une question portant sur ce même texte, ce qui ne pourra intervenir que dans quelques années (15).

Impact de la décision du 7 octobre 2010 sur l'ensemble du contentieux de l'article 2 de la loi du 20 août 2008. Reste à déterminer l'impact de cette décision sur les autres dispositions litigieuses du Code du travail, qu'il s'agisse de celles qui régissent la représentativité des organisations catégorielles dans les branches et au niveau interprofessionnel (16), ainsi que celles qui sont applicables à la mesure du critère d'audience de 30% pour la conclusion des accords collectifs (17).

Techniquement, il ne nous semble pas que le Conseil puisse décider qu'une QPC portant sur les autres dispositions voisines de la loi du 20 août 2008 serait irrecevable ; seuls les textes visés par le Conseil dans le motif et le dispositif sont, en effet, insusceptibles de faire l'objet d'un nouveau recours, sauf changement de circonstances (18) ; or, si d'autres dispositions relatives au volet "démocratie sociale" ont été visées par le Conseil dans ces motifs, et singulièrement celles qui concernent le seuil d'audience de 10 % nécessaire à l'établissement de la représentativité des syndicats, seul l'article L. 2122-1 du Code du travail l'a été dans le dispositif. Toutes les autres dispositions du Code du travail qui n'ont pas été visées dans le dispositif de la décision rendue en 2008 lors de l'examen initial de la loi du 20 août 2008 peuvent donc faire l'objet d'une QPC (19).

Mais, sur un plan plus général, la volonté clairement affichée par le Conseil dans les motifs de la décision du 7 octobre 2010 d'affirmer non seulement la conformité à la Constitution du seuil d'audience de 10 %, mais également de justifier le régime propre applicable aux syndicats catégoriels, laisse clairement entendre que toutes les QPC qui lui seront transmises sur le sujet recevront le même traitement.

La Cour de cassation pourrait donc se fonder sur cette "opinion" du juge constitutionnel pour continuer de bloquer les QPC concernant ces questions, en raison précisément du sort qui leur est promis.

Comme nous l'avons déjà signalé, tant que la Cour refusera de transmettre ces questions, elle les verra revenir devant elle ; seule une transmission et une décision de conformité prise par le Conseil constitutionnel serait susceptible de purger toute contestation pour l'avenir sur les textes visés dans les motifs et le dispositif des décisions du Conseil puisque dans cette hypothèse, les QPC portant sur l'examen de la conformité de dispositions validées par le Conseil devraient être déclarées irrecevables par les juridictions du fond, ce qui mettrait un terme aux contentieux engagés depuis mars par les syndicats.

Autres questions bloquées. La Cour de cassation était également saisie d'autres questions qu'elle a refusé de transmettre.

Gérants de succursale. Une première question concernait l'article L. 7321-2 du Code du travail (N° Lexbase : L1885IEK), concernant les gérants de succursales, "en tant qu'il utilise le terme "presque exclusivement"" et en ce que cet adverbe "contrevient-il aux articles 2 (N° Lexbase : L1366A9H), 4 (N° Lexbase : L1368A9K), 6 (N° Lexbase : L1370A9M), 16 (N° Lexbase : L1363A9D) et 17 (N° Lexbase : L1364A9E) de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen, en lien avec les articles 34 (N° Lexbase : L1294A9S) et 37 (N° Lexbase : L1297A9W) de la Constitution ?". Rappelons que ce texte dispose que "Est gérant de succursale toute personne : 1° Chargée, par le chef d'entreprise ou avec son accord, de se mettre à la disposition des clients durant le séjour de ceux-ci dans les locaux ou dépendances de l'entreprise, en vue de recevoir d'eux des dépôts de vêtements ou d'autres objets ou de leur rendre des services de toute nature ; 2° Dont la profession consiste essentiellement : a) Soit à vendre des marchandises de toute nature qui leur sont fournies exclusivement ou presque exclusivement par une seule entreprise, lorsque ces personnes exercent leur profession dans un local fourni ou agréé par cette entreprise et aux conditions et prix imposés par cette entreprise [...] ".

Or, la Chambre sociale de la Cour de cassation, directement saisie de la QPC, a considéré, dans un arrêt en date du 28 septembre 2010, que cette question n'était pas sérieuse "dès lors que les termes "presque exclusivement" contenus dans l'article L. 7321-2 du Code du travail, tels qu'interprétés à de nombreuses reprises par la Cour de cassation, ne sont ni imprécis ni équivoques et ne peuvent porter atteinte aux objectifs à valeur constitutionnelle d'intelligibilité et d'accessibilité de la loi ni, en conséquence, aux droits et libertés visés dans la question" (20).

Cette décision n'est pas contestable.

Comme cela a été indiqué à de nombreuses reprises au moment de l'adoption de la réforme (21) et confirmé par le Conseil constitutionnel lui-même, l'exigence de clarté et d'intelligibilité de la loi, dont le Conseil constitutionnel contrôle le respect lors de l'examen "initial" des lois (22), n'entre pas dans la catégorie des "droits et libertés que la Constitution garantit" mais un "simple" objectif de valeur constitutionnelle dont la violation ne justifie pas,en "elle-même", une QPC, à moins qu'elle ne porte atteinte à la substance même de droits et libertés (23).

L'intégration de l'interprétation jurisprudentielle des normes légales dans le contrôle du caractère sérieux des griefs. En se référant à sa propre interprétation des termes litigieux de l'article L. 7321-2 du Code du travail pour considérer que ce texte ne pouvait être sérieusement considéré comme contraire aux droits et libertés que la Constitution garantit, la chambre sociale de la Cour confirme par ailleurs que le contrôle de contrôle de constitutionnalité des lois doit tenir compte de leur interprétation jurisprudentielle. On sait que la formation ad hoc de la Cour de cassation avait jugé autrement en refusant de transmettre des QPC lorsque les griefs formulés par les demandeurs visaient non pas directement la loi en elle-même, mais son interprétation jurisprudentielle (24), voire des principes généraux du droit sans base textuelle précise (25).

Or, dans une décision rendue le 6 octobre 2010 concernant l'article 334 du Code civil (N° Lexbase : L8836G97), le Conseil constitutionnel a contredit cette interprétation et affirmé au contraire "qu'en posant une question prioritaire de constitutionnalité, tout justiciable a le droit de contester la constitutionnalité de la portée effective qu'une interprétation jurisprudentielle constante confère à cette disposition" (26). C'est bien ce que considère la Chambre sociale de la Cour de cassation dans son arrêt du 28 septembre 2010 lorsqu'elle considère que les termes litigieux de "l'article L. 7321-2 du Code du travail, tels qu'interprétés à de nombreuses reprises par la Cour de cassation, ne sont ni imprécis ni équivoques".

Prescription d'un an des actions en contestation des procédures du licenciement pour motif économique. La Cour de cassation a également été saisie d'une question portant sur la conformité des "dispositions prévues par l'article L. 1235-7, alinéa 2, du Code du travail ([LXB=L1351H9W) [...] aux droits et libertés de la personne garantis par la Constitution et notamment, aux principes constitutionnels d'égalité, de l'accès au juge et de l'inviolabilité du droit de propriété et aux articles 1 (N° Lexbase : L1365A9G) et 17 (N° Lexbase : L1364A9E) de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ". Il s'agit ici de la disposition du Code du travail qui permet, à condition d'en informer le salarié lors de son licenciement, de limiter à une année le délai de contestation des licenciements pour motif économique en raison du non-respect des règles imposant la consultation du comité d'entreprise.

Dans plusieurs arrêts en date du 16 juillet 2010, l'assemblée plénière de la Cour de cassation a refusé de transmettre cette question après avoir relevé que "la question posée ne présente pas un caractère sérieux dès lors que l'article L. 1235-7 du Code du travail instaurant un délai d'un an pour contester la validité d'un licenciement pour motif économique ne distingue pas entre les salariés placés dans la même situation, ne prive pas le salarié licencié d'un droit d'accès au juge et est étranger au droit de propriété", ce qui semble parfaitement justifié (27). Rappelons d'ailleurs que la Cour de cassation avait également refusé de transmettre une question portant sur la constitutionnalité de la prescription quinquennale des gains et salaires, ce qui nous était également apparu justifié (28).

Droit pénal du travail. Indiquons également que la Chambre criminelle de la Cour de cassation a refusé de transmettre une question qui tendait "à faire constater que les dispositions de l'article L. 324-10, second alinéa, du Code du travail (N° Lexbase : L3593H9X), dans sa rédaction applicable entre le 13 mars 1997 et le 30 avril 2008, et reprises à l'article L. 8221-5 du même code (N° Lexbase : L3597H94), à ce jour en vigueur, portent atteinte aux droits et libertés garantis par l'article 9 de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen du 26 août 1789 (N° Lexbase : L1373A9Q), en ce qu'elles instituent une présomption de culpabilité", et ce dans la mesure où "le texte visé, s'agissant d'une infraction intentionnelle, n'emporte aucune atteinte au principe de la présomption d'innocence" (29).


(1) Cass. QPC, 8 juillet 2010, n° 10-60.189, P+B (N° Lexbase : A2179E4H), et nos obs., Les syndicats catégoriels devant le Conseil constitutionnel, Lexbase Hebdo n° 404 du 22 juillet 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N6449BPK).
(2) Cons. const., 7 octobre 2010, n° 2010-42 QPC (N° Lexbase : A2099GBD), [Représentativité des syndicats].
(3) V. nos obs., préc..
(4) Cons. 5. Sur cette jurisprudence, Cons. const., 7 janvier 1988, n° 87-232 DC, cons. 10 (N° Lexbase : A8176ACS).
(5) Cons. const., 28 décembre 2006, n° 2006-545 DC (N° Lexbase : A1487DTA), cons. 4. ; Cons. const., 28 avril 2005, n° 2005-514 DC (N° Lexbase : A0576DI8), cons. 25. ; Cons. const., 29 avril 2004, n° 2004-494 DC (N° Lexbase : A9945DBX), cons. 7.
(6) Cons. const., 29 avril 2004, préc., cons. 8.
(7) Cass. QPC, 18 juin 2010, 4 arrêts, n° 10-40.005 (N° Lexbase : A4056E3M), n° 10-40.006 (N° Lexbase : A4057E3N), n° 10-40.007 (N° Lexbase : A4058E3P), voir nos obs., La Cour de cassation, juge constitutionnel ?, Lexbase Hebdo n° 403 du 15 juillet 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N6300BPZ).
(8) Sur cette décision Cons. const., 25 juillet 1989, n° 89-257 DC (N° Lexbase : A8199ACN) ; Cons. 28 avril 2005, n° 2005-514 DC (N° Lexbase : A0576DI8), cons. 25 ; Cons. const., 28 décembre 2006, n° 2006-545 DC, cons. 4.
(9) V. nos obs., préc..
(10) Cons. 7. Sur cette analyse, nos obs., préc..
(11) Notre chron. "Les syndicats catégoriels et la réforme de la démocratie sociale", Dr. soc., 2010, pp. 821-825.
(12) Cass. soc., 20 septembre 2010, n° 10-40.023 (N° Lexbase : A3430GAB) - Cass. Ass. plén., 8 juillet 2010, n° 10-60.189 (N° Lexbase : A2179E4H).
(13) Cass. soc., 20 septembre 2010, n° 10-40.025, visant à vérifier la conformité à la Constitution des articles L. 2121-1 et L. 2122-1 à L. 2122-2 du Code du travail (N° Lexbase : A9182E9X) - Cass. soc., 20 septembre 2010, n° 10-18.699, visant à faire vérifier la conformité des articles L. 2122-1, L. 2122-2 et, par conséquent, L. 2143-3 du Code du travail (N° Lexbase : A9180E9U).
(14) V. préc..
(15) Cf. la décision intervenue sur le régime des gardes à vue, qui a admis un tel changement compte tenu de l'augmentation sensible du nombre des gardes à vue depuis la précédente décision intervenue en 2004 : Cons. const., 30 juillet 2010, n° 2010-1422 QPC (N° Lexbase : A4551E7P), cons. 15 à 18.
(16) C. trav., L. 2122-7 (groupe) (N° Lexbase : L3739IB4) et L. 2122-10 (national et interprofessionnel) (N° Lexbase : L3797IBA).
(17) C. trav., art. L. 2232-2-1, al. 2 (N° Lexbase : L3741IB8), L. 2232-7, al. 2 (N° Lexbase : L3784IBR) et L. 2232-13, al. 2 (N° Lexbase : L3827IBD).
(18) Cass. soc., 20 septembre 2010, n° 10-19.113 (N° Lexbase : A9181E9W) : la question posée ne visant que l'article L. 2122-1 du Code du travail, elle ne sera peut-être pas recevable.
(19) Cons. const., 7 août 2008, n° 2008-568 DC (N° Lexbase : A8775D9U), qui n'a visé que les articles 3 et 18 de la loi. Or, les dispositions relatives à la démocratie sociale litigieuses figurent dans l'article 2.
(20) Cass. soc., 28 septembre 2010, 2 arrêts, n° 10-40.027 (N° Lexbase : A1250GBW) et n° 10-40.028 (N° Lexbase : A1251GBX).
(21) V. nos obs., L'avenir de la question prioritaire de constitutionnalité en droit du travail à partir de quelques interrogations concrètes, Lexbase Hebdo n° 379 du 21 janvier 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N9622BMC).
(22) Ainsi dans sa Décision Cons. const., 17 janvier 2008, n° 2007-561 DC (N° Lexbase : A7427D3H) concernant la loi de ratification de l'ordonnance du 12 mars 2007 portant recodification de la partie législative du Code du travail.
(23) Cons, const., 22 juillet 2010, n° 2010-417 QPC (N° Lexbase : A9190E47), cons. 9 ("ne peut en elle-même fonder... ").
(24) A propos de l'absence de motivation des arrêts rendus par les Cours d'assise : Cass. crim., 19 mai 2010, n° 09-83.328 (N° Lexbase : A3861GBM). Même solution : Cass. crim., 23 juin 2010, n° 09-87.307 (N° Lexbase : A5079E8M) ; Cass. crim., 30 juin 2010, n° 09-82.582 (N° Lexbase : A6906E38). ; Cass. QPC, 31 mai 2010, n° 09-87.578 (N° Lexbase : A0819EZD) : "la question posée tend, en réalité, à contester non la constitutionnalité des dispositions qu'elle vise, mais l'interprétation qu'en a donnée la Cour de cassation au regard du caractère spécifique de la motivation des arrêts des cours d'assises statuant sur l'action publique ; que, comme telle, elle ne satisfait pas aux exigences du texte précité". ; Cass. QPC, 9 juillet 2010, n° 10-40.010, F-D (N° Lexbase : A7685E4E) : "la question ne présente pas un caractère sérieux en ce qu'elle tend, en réalité, non à contester la constitutionnalité des dispositions qu'elle vise, mais l'interprétation qu'en a donnée la Cour de cassation au regard des conditions de la constitution des organismes de sécurité sociale".
(25) Cass. QPC, 19 mai 2010, n° 09-87.651, P+F (N° Lexbase : A8743EX4) : la question posée ne présente pas un caractère sérieux en ce qu'elle critique non pas l'article 598 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L4430AZ4) mais la "théorie de la peine justifiée", élaborée à partir de cette disposition législative.
(26) Cons. const., 6 octobre 2010, n° 2010-39 QPC (N° Lexbase : A9923GAR) [Adoption par une personne seule].
(27) Cass. Ass. Plén., 16 juillet 2010, n° 10-40.015, F-P+B (N° Lexbase : A0212E7Y), Cass. QPC, 16 juillet 2010, 3 arrêts, n° 10-40.016, F-P+B (N° Lexbase : A0213E7Z) et n° 10-40.017, F-P+B (N° Lexbase : A0214E73), n° 10-40.018, F-P+B (N° Lexbase : A0215E74).
(28) Cass. QPC, 25 juin 2010, n° 10-40.009 (N° Lexbase : A7369E3C), et V. nos obs., La Cour de cassation, juge constitutionnel ?, préc. (N° Lexbase : N6300BPZ).
(29) Cass. crim., 25 juin 2010, n° 10-90.068, inédit (N° Lexbase : A7372E3G).

Cons. const., 7 octobre 2010, n° 2010-42 QPC (N° Lexbase : A2099GBD)

Renvoi Cass. QPC, 8 juillet 2010, n° 10-60.189, P+B ([LXB=A2179E4HA])

Dispositions applicables : C. trav., art. L. 2122-1 (N° Lexbase : L3823IB9) et L. 2122-2 (N° Lexbase : L3804IBI)

Mots clef : Question prioritaire de constitutionnalité, syndicats catégoriels et intercatégoriels, égalité devant la loi

Liens base : (N° Lexbase : E1798ETR)

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