La lettre juridique n°406 du 2 septembre 2010 : Droit de la famille

[Textes] Les femmes et les enfants d'abord : les nouvelles compétences du juge aux affaires familiales en matière de lutte contre les violences familiales

Réf. : Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010, relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein du couple et aux incidences de ces dernières sur les enfants (N° Lexbase : L7042IMR)

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par Adeline Gouttenoire, Professeur à l'Université Montesquieu-Bordeaux IV, Directrice de l'Institut des Mineurs de Bordeaux

le 07 Octobre 2010

La loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010, relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein du couple et aux incidences de ces dernières sur les enfants, tend à mettre en place de nouveaux moyens pour protéger les victimes de violences familiales, qui puissent s'appliquer à toutes les structures familiales. La création dans le Code civil d'un nouveau titre XIV intitulé "Des mesures de protection des victimes de violences" qui a vocation à s'appliquer à tous les couples constitue une avancée symbolique majeure dans la création d'un droit unique du couple (1). Même si les femmes mentionnées dans le titre de la loi ne sont pas formellement visées par les dispositions du texte -susceptible de s'appliquer également aux hommes battus qui ne doivent pas être oubliés-, la loi du 9 juillet 2010 constitue, à l'évidence, une loi essentiellement destinée à celles qui sont les victimes les plus nombreuses des violences familiales, et à leurs enfants dont on ne peut nier qu'ils en sont, au moins, les victimes indirectes. La loi du 9 juillet 2010 contient un certain nombre de dispositions pénales destinées à renforcer la lutte contre les violences familiales notamment en permettant la répression des violences psychologiques (C. pén., art. 222-14-3 N° Lexbase : L7208IMW) ou en faisant de la qualité de conjoint, concubin ou d'ancien conjoint ou concubin une circonstance aggravante du harcèlement moral (C. pén., art. 222-33-2-1 N° Lexbase : L7209IMX) et des menaces (C. pén., art. 222-18-3 N° Lexbase : L7187IM7). Surtout, l'assignation à résidence exécutée sous le régime du placement sous surveillance électronique mobile peut désormais être ordonnée lorsque la personne est mise en examen pour des violences ou des menaces, punies d'au moins cinq ans d'emprisonnement, commises contre son conjoint, son concubin, son partenaire lié par un pacs ou ses enfants ou les enfants de conjoint, concubin, partenaire (C. pén., art. 142-12-1 N° Lexbase : L7188IM8 et 131-36-12-1 N° Lexbase : L7186IM4). La victime des violences conjugales peut également bénéficier d'une mesure de télé-protection si elle le souhaite (Loi du 9 juillet 2010, art. 6, III (2)). Ce dispositif s'accompagne d'un certain nombre de mesures de droit des étrangers qui permettent à la victime de violences conjugales de rester sur le territoire français ou, le cas échéant, d'y revenir (C. entr. séj. étrang. et asile, L. 313-12 N° Lexbase : L9203H3A, L. 431-2 N° Lexbase : L7194IME et L. 316-3 N° Lexbase : L7197IMI, L. 316-4 N° Lexbase : L7196IMH, L. 211-2-2 N° Lexbase : L7198IMK).

La loi du 9 juillet 2010 a, également, pour objectif de renforcer la lutte contre les mariages forcés en réprimant pénalement les comportements visant à contraindre une personne à contracter une union. Les violences, les actes de torture et de barbarie, le meurtre font ainsi l'objet d'une répression aggravée lorsqu'ils sont commis "contre une personne afin de la contraindre à contracter un mariage ou à conclure une union" ou "contre une personne en raison de son refus de contracter un mariage ou de conclure une union" (C. pén., art. 221-4, 10° N° Lexbase : L7211IMZ, 222-8, 6° N° Lexbase : L9343IMY, 222-10, 6° N° Lexbase : L9342IMX, 222-12, 6° N° Lexbase : L9341IMW et 222-13, 6° N° Lexbase : L9340IMU). Dans ces circonstances, il faut noter que la loi française est désormais applicable lorsque l'infraction est commise à l'étranger à l'encontre d'une personne résidant habituellement en France (Loi du 9 juillet 2010, art. 6, II).

Au-delà de la répression des violences familiales, l'objet principal de la loi du 9 juillet 2010 est la protection des femmes et des enfants qui en sont victimes. Si quelques dispositions pénales participent de cette protection, l'essentiel du dispositif relève du droit civil. C'est le juge aux affaires familiales qui est au coeur du nouveau dispositif. Celui-ci repose sur deux moyens principaux : l'ordonnance de protection au bénéfice de la personne en danger (I) et la prise en compte des violences dans le cadre de l'autorité parentale (II).

I - L'ordonnance de protection

La loi du 9 juillet 2010 crée une mesure originale : l'ordonnance de protection rendue par le juge aux affaires familiales dont l'objet est d'organiser la protection d'une victime de violences familiales en la mettant dans la mesure du possible hors d'atteinte des violences. Le domaine d'application du dispositif permet d'englober toutes les violences familiales quelle que soit la structure dans laquelle elle s'exerce (A). L'objectif est de mettre en place une procédure simplifiée et facile d'accès (B) et de prévoir un éventail de mesures suffisamment large pour donner au juge des moyens efficaces pour protéger la victime de violence (C).

A - Le domaine de l'ordonnance de protection

Couples et anciens couples. L'ordonnance de protection des nouveaux articles 515-9 (N° Lexbase : L7175IMP) et suivant du Code civil reprend pour l'élargir le "référé-violence" de l'ancien article 220-1 (N° Lexbase : L2779DZX) du même code (3) qui permettait à un époux d'obtenir l'expulsion de son conjoint violent du domicile conjugal (4). Ce dispositif avait en effet suscité de nombreuses critiques en raison de son inapplicabilité aux couples non mariés (5). Le dispositif est étendu à tous les couples, mariés ou non, et peut également être mis en place lorsque des violences sont exercées par un ancien conjoint, un ancien partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou un ancien concubin.

Danger. L'ordonnance de protection est délivrée dans un contexte de violences au sein d'un couple qui mettent en danger l'un des membres du couple ou un ou plusieurs enfants. Selon l'article 515-11 du Code civil (N° Lexbase : L7173IMM), le juge aux affaires familiales prend une ordonnance de protection s'il estime au vu des éléments produits devant lui, "qu'il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables, la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime est exposée". La délivrance de l'ordonnance de protection n'est donc pas subordonnée à l'existence de poursuites pénales contre l'auteur des violences. Le juge aux affaires familiales dispose d'un pouvoir souverain d'appréciation pour décider si le danger invoqué est réel et suffisant.

Mariage forcé. L'article 515-13 du Code civil (N° Lexbase : L7171IMK) prévoit qu'une ordonnance de protection peut également être délivrée par le juge aux affaires familiales à la personne majeure menacée de mariage forcé.

B - La procédure de l'ordonnance de protection

Saisine du juge. Selon l'article 515-10 du Code civil (N° Lexbase : L7174IMN), l'ordonnance de protection peut être demandée au juge aux affaires familiales par la personne qui s'estime victime des violences de son conjoint ou de son ex-conjoint. Le juge aux affaires familiales peut également être saisi d'une demande d'ordonnance de protection par le ministère public, avec l'accord de la personne en danger. Le texte ne précise pas le mode de saisine du juge. Pour l'instant aucune disposition réglementaire n'est intervenue pour insérer dans le Code de procédure civile une disposition équivalente à l'ancien article 1290 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L2247H4Y) selon lequel, dans le cadre du "référé-violence" les demandes ne pouvaient être formées que par assignation en référé. Compte tenu de la compétence du ministère public pour saisir le juge aux affaires familiales d'une demande d'ordonnance de protection et de la volonté du législateur de mettre en place une procédure facilement accessible, on peut penser que la voie de l'assignation ne devrait pas être exigée. Il convient alors d'appliquer les dispositions de droit commun relatives aux "autres procédures relevant de la compétence du juge aux affaires familiales" contenues aux articles 1137 (N° Lexbase : L1712H48) et suivants du Code de procédure civile. Le premier de ce texte permet la saisine du juge aux affaires familiales par requête. Il semble donc que l'ordonnance de protection puisse être demandée au juge aux affaires familiales par simple requête.

Avocat. Le texte mentionne que la personne qui sollicite une ordonnance de protection peut être "si besoin assistée", ce qui signifie sans doute que l'assistance d'un avocat est possible mais pas obligatoire (6) et, peut être, que la personne en danger peut être assistée par quelqu'un d'autre.

Urgence. L'article 515-9 du Code civil (N° Lexbase : L7175IMP) dispose que le juge aux affaires familiales peut délivrer en urgence une ordonnance de protection. Cette référence à l'urgence évoque la procédure de référé ou celle de l'ordonnance sur requête. L'une et l'autre de ces procédures paraissent cependant exclues, la première faute d'assignation, la seconde en raison du débat contradictoire que le juge doit organiser (cf. infra). La mention de l'urgence pourrait seulement signifier que le juge doit statuer dans les plus brefs délais. L'article 515-10, alinéa 2, prévoit d'ailleurs que "dès la réception de la demande d'ordonnance de protection, le juge convoque, par tous moyens adaptés, pour une audition, la partie demanderesse et la partie défenderesse, assistées, le cas échéant, d'un avocat, ainsi que le ministère public". Cette disposition supprime ainsi le délai de quinze jours habituellement accordé au juge aux affaires familiales par l'article 1138 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1732H4W) pour convoquer le défendeur.

Auditions. La gravité des mesures susceptibles d'être prises dans le cadre de l'ordonnance de protection et la nécessité d'établir la réalité des violences alléguées justifient que le juge aux affaires familiales entende les deux parties concernées. Toutefois, compte tenu du contexte, pour éviter à la personne en danger d'être confrontée avec l'auteur des violences dont elle est victime, les auditions peuvent avoir lieu séparément (7) et en chambre du conseil (8). La procédure reste cependant contradictoire.

Nature de la décision. La loi du 9 juillet 2010 qualifie expressément la décision de juge aux affaires familiales d'ordonnance. Cette qualité procédurale est cependant contestable dans la mesure où l'ordonnance de protection n'est semble-t-il ni une ordonnance sur requête, en raison du débat contradictoire qui la précède, ni une ordonnance en référé, puisqu'elle n'a pas été demandée par assignation, sauf précision complémentaire que pourrait apporter un éventuel -et souhaitable- décret de procédure. L'ordonnance de protection paraît donc plutôt entrer dans la catégorie des jugements provisoires ou plus précisément des jugements contenant des mesures provisoires (9) ; si l'on retient cette qualification de jugement, l'ordonnance de protection est susceptible de faire l'objet d'un appel dans un délai d'un mois.

C - Le contenu de l'ordonnance de protection

Effets. L'article 515-11 du Code civil (N° Lexbase : L7173IMM) établit une liste exhaustive de mesure que le juge aux affaires familiales peut prendre dans le cadre de l'ordonnance de protection. Le texte reprend le dispositif de l'ancien référé-violence qui permettait l'expulsion du conjoint violent du domicile familial. Il est, désormais, compétent pour attribuer la jouissance du logement du couple au conjoint, partenaire ou concubin qui n'est pas l'auteur des violences, et ainsi permettre l'expulsion du conjoint violent (10), et préciser les modalités de prise en charge des frais afférents à ce logement. La loi du 9 juillet 2010 a élargi les possibilités offertes au juge aux affaires familiales pour assurer la protection de la victime des violences. Il peut ainsi interdire au conjoint violent d'entrer en relation avec certaines personnes (dont évidemment la victime (11)) ou de détenir une arme. Il peut également autoriser la personne qui désire bénéficier d'une ordonnance de protection à dissimuler son domicile et à élire domicile pour les besoins de la procédure -et pour toutes les instances civiles dans lesquelles elle est également partie- chez l'avocat qui l'assiste ou auprès du procureur de la République près le tribunal de grande instance (12). Dans le cadre de l'ordonnance de protection, le juge aux affaires familiales organise également les relations des enfants avec leurs parents après la séparation "forcée". Il statue sur l'exercice de l'autorité parentale et détermine la répartition des charges matérielles selon les règles propres à chaque couple (contribution aux charges du mariage pour les époux, aide matérielle pour les pacsés, contribution à l'entretien des enfants pour tous les couples).

Les mesures d'interdiction et la dissimulation du domicile de la personne en danger peuvent être prises dans le cadre d'une ordonnance de protection délivrée au profit d'une personne menacée de mariage forcé. Dans cette hypothèse, le juge aux affaires familiales peut également ordonner, à sa demande, une interdiction temporaire de sortie de territoire de la personne menacée ; cette dernière sera inscrite sur le fichier des personnes recherchées (13) par le procureur de la République, pour empêcher qu'elle soit emmenée de force dans son pays d'origine pour être soumise à un mariage forcé.

Durée. L'article 515-12 du Code civil (N° Lexbase : L7172IML) prévoit que les mesures prises dans le cadre de l'ordonnance de protection le sont pour une durée maximale de quatre mois. Elles peuvent être prolongées si durant ce délai, une requête en divorce ou en séparation de corps a été déposée. Cette dernière disposition ne concernant par hypothèse que les couples mariés, il semble que l'ordonnance de protection ne puisse avoir d'effets plus de quatre mois lorsqu'elle concerne un couple non marié, ce qui est regrettable. Durant toute la durée des mesures, le juge aux affaires familiales peut, à l'issue d'un débat contradictoire, les modifier dans un sens ou dans un autre.

Sanction. La violation d'une mesure prise dans le cadre d'une ordonnance de protection constitue un délit puni de deux ans d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende (C. pén., art. 227-4-2 N° Lexbase : L7181IMW).

II - La prise en compte des violences dans le cadre de l'autorité parentale

L'originalité du dispositif de lutte contre les violences familiales mis en place par la loi du 9 juillet 2010 est de prévoir également une protection des enfants du couple. Les violences exercées par un membre du couple ou de l'ancien couple, entendues au sens large, -comprenant notamment les enlèvements d'enfant- peuvent ainsi être prises en compte à plusieurs niveaux, dans le cadre des différentes décisions relatives l'autorité parentale.

Retrait de l'autorité parentale. Le retrait de l'autorité parentale était jusqu'alors une mesure que le juge pénal pouvait prendre (14) à l'encontre d'un père ou d'une mère condamné comme auteur, co-auteur ou complice d'un délit ou d'un crime commis sur la personne de leur enfant ou par leur enfant. La loi du 9 juillet 2010 introduit un nouveau cas de retrait de l'autorité parentale fondé sur l'idée que l'enfant est indirectement victime des violences exercées à l'encontre d'un de ses parents. Désormais, lorsque les violences exercées par un parent contre l'autre ont été suffisamment graves pour être qualifiées de crimes, leur auteur peut se voir retirer l'autorité parentale par le juge pénal (C. civ., art. 378, al. 1er N° Lexbase : L7192IMC).

Détermination des modalités d'exercice de l'autorité parentale. "Les pressions ou violences, à caractère physique ou psychologique, exercées par l'un des parents sur la personne de l'autre" sont également, selon l'article 373-2-11 du Code civil (N° Lexbase : L7191IMB), un élément que le juge aux affaires familiales doit prendre en compte, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 9 juillet 2010, lorsqu'il se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Cet ajout à la liste, non exhaustive, des critères de détermination des modalités d'exercice de l'autorité parentale témoigne d'une volonté manifeste d'appréhender les violences d'un membre du couple comme un problème touchant la famille toute entière et pas seulement les membres du couple. On peut cependant penser que les juges aux affaires familiales n'ont pas attendu la recommandation formelle du législateur pour tenir compte, dans leur décision relative à l'autorité parentale, du caractère violent d'un des parents, même si cette violence ne s'était pas manifestée directement à l'égard des enfants.

Droit de visite. La loi du 9 juillet 2010 a également prévu l'hypothèse dans laquelle un parent qui a exercé des violences contre son conjoint, concubin ou partenaire, se verrait attribuer un droit de visite et d'hébergement à l'égard de son enfant. Cette situation ne constitue pas une hypothèse d'école, le juge pouvant considérer que les violences contre le conjoint sont indépendantes de l'attitude du parent à l'égard de son enfant. En tout état de cause, même si les violences contre l'autre parent sont prises en compte pour déterminer les relations de l'enfant avec leur auteur, elles ne caractériseront pas dans tous les cas le motif grave, nécessaire à la suppression du droit de visite du parent qui n'exerce pas l'autorité parentale (15) ou qui, dans le cadre d'un exercice en commun de celle-ci, ne réside pas avec l'enfant (16). Un parent victime de violences de la part de son ancien conjoint, concubin ou partenaire peut donc être tenu de lui "remettre" son enfant à l'occasion de l'exercice par celui-ci de son droit de visite. Pour prévenir tout risque de réitération des violences, l'article 373-2-1 du Code civil (N° Lexbase : L7190IMA), dans le cadre de l'exercice unilatéral de l'autorité parentale, et l'article 373-2-9 (N° Lexbase : L7189IM9), dans le cadre de l'exercice en commun, prévoient que "lorsque l'intérêt de l'enfant le commande ou lorsque la remise directe de l'enfant à l'autre parent présente un danger pour l'un d'eux, le juge en organise les modalités pour qu'elle présente toutes les garanties nécessaires. Il peut prévoir qu'elle s'effectue dans un espace de rencontre qu'il désigne, ou avec l'assistance d'un tiers de confiance ou du représentant d'une personne morale qualifiée". La loi distingue ainsi le déroulement du droit de visite, qui pouvait déjà avoir lieu en "lieu neutre" selon ces mêmes dispositions, et la remise de l'enfant, au début du droit de visite. La remise de l'enfant peut ainsi avoir lieu en lieu neutre sans pour autant que le droit de visite lui-même soit médiatisé. L'objectif est d'éviter d'imposer au parent victime de violence une rencontre avec son ancien conjoint violent.

Interdiction de sortie de territoire. L'enlèvement de l'enfant par l'un de ses parents et son déplacement à l'étranger constitue un risque majeur dans le cadre des séparations conflictuelles des couples dont l'un des membres a des attaches à l'étranger. Le déplacement illicite d'enfant fait l'objet d'un dispositif de lutte conséquent sur le plan européen et international (17), dont la mise en oeuvre en France est relativement efficace. Des mesures préventives avaient, par ailleurs, déjà été introduites dans le Code civil par la loi du 4 mars 2002, relative à l'autorité parentale (N° Lexbase : L4320A4R) (18). L'article 373-2-6 du Code civil (N° Lexbase : L7178IMS) permettait, notamment, au juge d'ordonner l'inscription sur le passeport des parents de l'interdiction de sortie de l'enfant du territoire français sans l'autorisation des deux parents.

Le nouveau mécanisme d'interdiction de sortie de l'enfant issu de la loi du 9 juillet 2010 vise à garantir plus efficacement l'objectif poursuivi par la loi de 2002, en contrecarrant les écueils rencontrés par l'ancien mécanisme. Parmi ceux-ci, se trouvait d'abord l'impossibilité pour le juge français d'ordonner l'apposition d'une mention sur un passeport étranger alors que c'est justement lorsque l'un des parents est étranger ou binational que la mesure était particulièrement utile. Ensuite, depuis le décret n° 2005-1726 du 30 décembre 2005, relatif aux passeports électroniques (N° Lexbase : L6439HE9), le mineur doit avoir son propre passeport et l'article 373-2-6, alinéa 3, ancien du Code civil (N° Lexbase : L6973A4Z) ne visait que l'inscription de l'interdiction sur le passeport des parents. On a pu en déduire que "le dispositif [...] d'inscription sur le passeport parental de l'interdiction de sortie du territoire [était] dépourvu de toute effectivité" (19).

Le nouvel alinéa 3 de l'article 373-2-6 du Code civil (N° Lexbase : L7178IMS) permet au juge "d'ordonner l'interdiction de sortie de l'enfant du territoire français sans l'autorisation des deux parents" (sans limite de durée) et supprime toute référence au passeport des parents en assurant la publicité de cette interdiction sur un document unique et national : le fichier des personnes recherchées (20). Si le nouveau mode de publicité de l'interdiction de sortie du territoire de l'enfant constitue sans aucun doute un progrès non négligeable en faveur de l'efficacité de la prévention des enlèvements internationaux d'enfant, il n'est pas certain que la formulation de l'interdiction elle-même ne produise pas l'effet contraire à celui recherché. On pourrait, en effet, considérer qu'en permettant au juge, non pas seulement d'inscrire l'interdiction de sortie de territoire de l'enfant comme auparavant, mais d'ordonner l'interdiction de sortie de territoire de l'enfant, le nouvel article 373-2-6 signifie que la sortie du territoire national de l'enfant est autorisée sans l'autorisation des deux parents si le juge ne l'interdit pas. Cela reviendrait à dire que la sortie du territoire national constitue un acte usuel dont chacun des parents peut décider seul, alors que la qualification d'acte non usuel, nécessitant le consentement des deux parents, aurait sans aucun doute été préférable, et plus respectueuse des droits respectifs des deux parents.

L'interdiction de sortie de l'enfant du territoire français peut, également, être ordonnée dans le cadre de l'assistance éducative en vertu du nouvel article 375-7 du Code civil (N° Lexbase : L7179IMT), pendant une durée maximale de deux ans, lorsque le mineur est placé. Cette disposition signifie que le placement prive les parents du droit d'emmener leur enfant à l'étranger. Elle a pour objectif de les empêcher d'échapper, à l'occasion notamment d'un droit de visite, à la mise en oeuvre de la mesure d'assistance éducative.


(1) M. Mestrot et J. Marrocchella, Violences conjugales : vers un droit spécifique ?, Blog Dalloz, 13 juillet 2010.
(2) Cf. infra note 6.
(3) Le troisième alinéa de l'article 220-1 du Code civil est supprimé par la loi du 9 juillet 2010.
(4) M. Azavant, Regards civilistes sur la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple, Dr. fam., 2006 , Etude n° 40.
(5) I. Coppart, L inapplicabilité de l'article 220-1 du Code civil : les lacunes du dispositif de protection civile des concubines subissant des violences "conjugales", Dr. fam., 2006, comm. n° 41.
(6) Comme le prévoit pour toutes les autres procédures devant le juge aux affaires familiales l'article 1139 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1735H4Z).
(7) Dans le même sens, l'article 41-1, 2° du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7207IMU) dispose désormais que "la victime est présumée ne pas consentir à la médiation pénale, lorsqu'elle a saisie le juge aux affaires familiales en application de l'article 515-9 du Code civil en raison de violences commises par son conjoint, son concubin ou le partenaire avec lequel est liée par un pacte civil de solidarité".
(8) Il est étonnant que le texte ne mentionne qu'une possibilité alors que les audiences du juge aux affaires familiales ont en principe lieu en chambre du conseil selon l'article 1074 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0825IGN).
(9) J. Héron et T. Lebars, Droit judiciaires privé, Montchrestien, éd. 2006, n° 371 ; l'article 515-12 du Code civil permet d'ailleurs au juge aux affaires familiales de modifier ou supprimer à tout moment à la demande d'une partie ou du ministère public, les mesures contenues dans l'ordonnance de protection.
(10) Selon l'article 66-1 de la loi du 9 juillet 1991 modifié par la loi du 9 juillet 2010, les dispositions relatives au sursis à l'exécution des mesures d'expulsion ne sont pas applicables à l'expulsion du conjoint, du partenaire lié par un pacs ou du concubin violent ordonné par le juge aux affaires familiales sur le fondement de l'article 515-9 du Code civil.
(11) Ce dispositif avait en réalité déjà été mis en place par le décret n° 2010-355 du 1er avril 2010 (N° Lexbase : L9022IGA) (V. Larribeau-Terneyre, Le dispositif de télé-surveilllance destiné à la protection des victimes de violences au sein du couple est opérationnel, Dr. fam., 2010, comm. n° 73). Lorsque l'auteur des violences a été assigné à résidence sous surveillance électronique mobile et qu'il lui a été interdit de rencontrer la victime, cette dernière peut, si elle y consent expressément, se voir proposer l'attribution d'un dispositif de télé-protection lui permettant de signaler à distance que la personne mise en examen se trouve à proximité.
(12) Si pour les besoins d'exécution d'une décision de justice, l'huissier chargé de cette exécution doit avoir connaissance de l'adresse de cette personne, celle-ci lui est communiquée, sans qu'il puisse la révéler à son mandant.
(13) Cf. infra.
(14) Il doit cependant, depuis l'entrée en vigueur de la loi du 12 décembre 2005, relative au traitement de la récidive (N° Lexbase : L4971HDH), obligatoirement se prononcer sur le retrait de l'autorité parentale lorsque des faits de viol, agression sexuelles ou autres atteintes sexuelles sont commis contre un mineur par une personne titulaire sur celui-ci de l'autorité parentale.
(15) C. civ., art. 373-2-1 (N° Lexbase : L7190IMA).
(16) Cass. civ. 1, 14 mars 2006, n° 04-19.527 (N° Lexbase : A5237DNB), Dr. fam., 2006, comm. n° 157, obs. P. Murat ; AJFamille, 2006, p. 202.
(17) P. Bonfils et A. Gouttenoire, Droit des mineurs, Précis Dalloz, 2008 p. 318 et s..
(18) Ibidem, p. 315 et s..
(19) Rapport "Léonetti", Intérêt de l'enfant, autorité parentale et droits des tiers, p. 63.
(20) Décret n° 2010-569 du 28 mai 2010, relatif au fichier des personnes recherchées (N° Lexbase : L3703IM4), art. 1er : "Le ministre de l'Intérieur (direction générale de la police nationale et direction générale de la gendarmerie nationale) est autorisé à mettre en oeuvre un traitement automatisé de données à caractère personnel dénommé 'fichier des personnes recherchées'. Ce traitement a pour finalité de faciliter les recherches et les contrôles effectués, dans le cadre de leurs attributions respectives, par les services de la police nationale, les unités de la gendarmerie nationale et les agents des douanes exerçant des missions de police judiciaire ou des missions administratives".

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