La lettre juridique n°302 du 24 avril 2008 : Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique mensuelle de droit des entreprises en difficulté

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N7479BEQ

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le 07 Octobre 2010

Lexbase Hebdo - édition privée générale vous propose, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre et Emmanuelle Le Corre-Broly, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Se trouve, au premier plan de cette actualité, une décision rendue par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 18 mars 2008, portant sur l'application dans le temps de la loi de sauvegarde et la question de la résolution des plans de continuation. Une décision d'un grand intérêt a, également, été rendue par cette même chambre le 1er avril dernier, concernant l'absence d'incidence de l'extinction de la créance sur la revendication du vendeur réservataire.
  • L'application dans le temps de la loi de sauvegarde et la question de la résolution des plans de continuation (Cass. com., 18 mars 2008, n° 06-21.306, M. Gérard Boudin de l'Arche, FS P+B+I+R N° Lexbase : A4155D7Z)

La loi de sauvegarde des entreprises du 26 juillet 2005 (loi n° 2005-845 N° Lexbase : L5150HGT) a modifié en profondeur la question de la résolution des plans de continuation, aujourd'hui dénommés plans de redressement.

Les plans de redressement empruntent leur régime aux plans de sauvegarde, sous une double réserve. D'abord, les conditions des licenciements économiques sont assouplies en plan de redressement, alors qu'il y a lieu d'appliquer le droit commun dans le plan de sauvegarde. Ensuite, une discrimination nette, qui constitue une prime à la sauvegarde, intéresse les garants personnes physiques, qui bénéficient des dispositions du plan de sauvegarde, alors qu'ils n'en bénéficient pas dans le cadre des plans de redressement.

En ce qui concerne spécialement la résolution des plans de redressement et de sauvegarde, l'article L. 626-27 du Code de commerce (N° Lexbase : L4076HBL) innove à deux égards : celui des conditions du prononcé de la résolution des plans et celui des effets de cette même résolution.

Sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L7852AGW), l'article L. 621-82 du Code de commerce (N° Lexbase : L6934AIN) pose un principe général : l'inexécution du plan de continuation emporte sa résolution. Certes, le tribunal dispose d'un pouvoir d'appréciation sur la gravité des manquements constatés, à l'instar d'une juridiction chargée de statuer sur la résolution d'un contrat. Mais, dès lors qu'il estime l'inexécution suffisamment grave, il a l'obligation de prononcer la résolution du plan de continuation, sans se préoccuper de savoir si le débiteur est ou non en état de cessation des paiements.

Au contraire, l'article L. 626-27-I du Code de commerce (N° Lexbase : L4076HBL) distingue clairement deux hypothèses : celle où le tribunal, saisi de la demande de résolution du plan, constate la cessation des paiements et celle où il constate que ce même état de cessation des paiements fait défaut. Dans le premier cas, l'article L. 626-27-I, alinéa 2, du Code de commerce indique que "lorsque la cessation des paiements du débiteur est constatée au cours de l'exécution du plan, le tribunal qui a arrêté ce dernier décide, après avis du ministère public, sa résolution et prononce la liquidation judiciaire". La résolution est, ici, obligatoire. Dans le second cas, l'article L. 626-27-I, alinéa 1er, du même code dispose que "le tribunal qui a arrêté le plan peut, après avis du ministère public, en décider la résolution si le débiteur n'exécute pas ses engagements dans les délais fixés par le plan". Il est donc clair qu'en l'absence de cessation des paiements, la résolution est une simple faculté pour le tribunal.

Les différences, qui existent au stade du prononcé de la résolution, se poursuivent lorsque l'on s'intéresse aux effets de la résolution du plan.

Sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, lorsque le tribunal prononce la résolution du plan, il ouvre une procédure de liquidation judiciaire, dans tous les cas. L'article L. 621-82, alinéa 1er, du Code de commerce est, ici, sans ambiguïté.

La loi de sauvegarde des entreprises prolonge, au niveau des effets, la distinction qu'elle établit au stade des conditions de la résolution du plan. Lorsque la résolution du plan est facultative, c'est-à-dire lorsqu'il n'y a pas cessation des paiements, l'article L. 626-27-I, alinéa 1er, du Code de commerce observe le mutisme complet sur les conséquences de cette résolution. Faut-il comprendre qu'il y aura place à ouverture d'une nouvelle procédure, qui pourrait être un redressement judiciaire ? La solution est inconcevable si le plan résolu est un plan de sauvegarde. Faut-il comprendre que la résolution du plan ne s'accompagne pas de l'ouverture d'une nouvelle procédure et qu'il n'y a donc pas, ici, place au prononcé d'une liquidation judiciaire ? Les travaux préparatoires de la loi de sauvegarde répondent plus clairement à la question : "une fois le plan résolu, le débiteur ne ferait pas nécessairement l'objet d'une procédure collective. Toutefois, si l'effet de la résolution était de le conduire à la cessation des paiements, il ferait alors l'objet d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire" (1). Ainsi, la résolution du plan n'entraînera pas ouverture d'une procédure collective. Le débiteur n'étant pas en cessation des paiements pourrait obtenir l'ouverture d'une conciliation ou d'une sauvegarde (2). En pratique, il faut bien admettre, cependant, que la résolution du plan devrait, le plus généralement, entraîner la cessation des paiements (3), puisque les délais du plan prendront fin, ce qui aura des conséquences sur la composition du passif exigible, donc sur l'état de cessation des paiements. En ce cas, le débiteur pourra obtenir un redressement judiciaire pouvant déboucher sur un second plan de redressement (4).

Les solutions nuancées issues de la loi de sauvegarde des entreprises, et plus spécialement de l'article L. 626-27-I du Code de commerce, sont applicables, en vertu de l'article 191-2° de la loi du 26 juillet 2005, aux procédures en cours au jour de l'entrée en vigueur de cette loi, soit le 1er janvier 2006. Elles s'appliquent, donc, à la résolution des plans de continuation arrêtés en application de procédures ouvertes avant cette date.

En l'espèce, un plan de continuation a été arrêté en 2004 au profit d'une personne physique. N'ayant pas exécuté correctement son plan et, spécialement, ayant laissé impayés des dividendes, le tribunal a prononcé, le 27 décembre 2005, la résolution de ce plan de continuation et l'ouverture d'une liquidation judiciaire. Le débiteur reprochait au tribunal d'avoir ainsi statué, alors que ce dernier n'avait pas constaté l'état de cessation des paiements du débiteur. La cour d'appel n'avait pas été sensible au reproche. Devant la Cour de cassation, la problématique de l'application de la loi de sauvegarde dans le temps était au coeur du débat. Le débiteur reprochait à la cour d'appel d'avoir méconnu les dispositions de l'article L. 626-27-I du Code de commerce, applicables, selon lui, "à toutes les procédures en cours au 1er janvier 2006".

La question posée à la Cour de cassation était, donc, de savoir si l'article L. 626-27-I du Code de commerce, dans la rédaction que lui donne la loi de sauvegarde des entreprises, a vocation à s'appliquer lorsque la résolution du plan a été prononcée entre le 27 juillet 2005, date de promulgation de la loi de sauvegarde des entreprises, et le 1er janvier 2006, date d'entrée en vigueur de cette même loi ? C'est à cette question que répond l'arrêt de la Chambre commerciale du 18 mars 2008, décoré de toutes les médailles possibles (il s'agit d'un arrêt FS-P+B+I+R), qui est, en conséquence, appelé à la diffusion la plus large, afin que nul ne l'ignore.

La Cour de cassation apporte à la question posée une réponse négative : "ayant constaté que le plan de continuation arrêté par le jugement du 8 juin 2004 avait ordonné le remboursement du passif sur dix ans et relevé que, faute par M. B. d'avoir réglé les échéances dues à compter du 8 décembre 2004, un jugement du 27 décembre 2005 avait prononcé la résolution du plan, la cour d'appel a fait une exacte application de l'article L. 621-82 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, dès lors que le plan de continuation de M. B. avait été résolu avant le 1er janvier 2006".

La notion de procédures en cours au 1er janvier 2006 est, ici, au centre des débats. Peut-on considérer qu'un plan de redressement résolu le 27 décembre 2005 et ayant donné lieu à ouverture d'une liquidation judiciaire à cette même date est une procédure en cours au 1er janvier 2006 ? Une réponse négative s'impose assurément. La solution de la Cour de cassation apparaît, donc, indiscutable. Certes, il y a bien, au 1er janvier 2006, une procédure en cours. C'est la procédure de liquidation judiciaire. Ce n'est pas la procédure de redressement judiciaire ayant conduit à l'arrêté du plan de continuation. En conséquence, les dispositions de l'article L. 626-27-I du Code de commerce ne peuvent régir la résolution d'un plan de continuation antérieure au 1er janvier 2006. Elles ne régiront que les résolutions de plans de continuation intervenant après cette date. Il n'y a aura pas lieu de se placer au jour de la saisine de la juridiction aux fins de résolution du plan, mais seulement au jour où la juridiction prononce la résolution. C'est cette date qui permettra de déterminer si la procédure est en cours au 1er janvier 2006.

Dès lors que le tribunal statue sur la résolution avant le 1er janvier 2006 et qu'il prononce la résolution avant cette date, il ne doit appliquer que les règles qui gouvernent, sous l'empire de la législation antérieure à la loi de sauvegarde des entreprises, la résolution du plan. Le tribunal n'a pas à constater l'état de cessation des paiements et, s'il prononce la résolution, il est contraint de prononcer la liquidation judiciaire. Au contraire, si au 1er janvier 2006, le tribunal n'a pas encore statué sur la résolution du plan de continuation, il doit appliquer, en vertu de l'article 191-2° de la loi du 26 juillet 2005, l'article L. 626-27-I du Code de commerce. En conséquence, il doit se demander s'il y a ou non cessation des paiements. S'il n'y a pas cessation des paiements, il aura la faculté de prononcer ou non la résolution du plan de continuation, qui n'entraînera pas l'ouverture d'une nouvelle procédure de liquidation judiciaire. Le plan prendra fin, ce qui entraînera la disparition des délais de paiement et des remises de dettes. Si, au contraire, en statuant sur la demande de résolution du plan de continuation, le tribunal constate que le débiteur est en état de cessation des paiements, il est contraint de prononcer la résolution du plan et d'ouvrir une liquidation judiciaire.

Pour leur part, les créanciers ont un intérêt tout particulier à ce que la résolution d'un plan de continuation soit prononcée après le 1er janvier 2006. L'article L. 626-27-II du Code de commerce conduit, en effet, à admettre au passif, sans déclaration de créance, les créanciers ayant été admis au passif de la première procédure (5). Seuls seront contraints de déclarer leur créance, les créanciers dont la créance est née après l'adoption du plan et ceux dont la créance est née après l'ouverture de la procédure collective. Au contraire, si la résolution du plan intervient avant le 1er janvier 2006, les créanciers admis au passif de la première procédure restent contraints de déclarer leur créance au passif de la liquidation judiciaire, l'admission au passif de la première procédure n'ayant pas autorité de chose jugée dans le cadre de la seconde procédure (6).

Ainsi, on le voit, l'intérêt de savoir s'il convient d'appliquer ou non à une résolution de plan de continuation les dispositions nouvelles de la loi du 26 juillet 2005 est majeur et l'importance de l'arrêt ici commenté apparaît, donc, capitale.

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du CERDP (ex Crajefe)

  • L'absence d'incidence de l'extinction de la créance sur la revendication du vendeur réservataire de propriété et les effets de celle-ci (Cass. com., 1er avril 2008, n° 07-11.726, F-P+B N° Lexbase : A7699D7B)

Sous l'empire de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985, l'absence de déclaration de la créance entraînait l'extinction de celle-ci (C. com., anc. art. L. 621-46, al. 4, N° Lexbase : L6898AIC). Cette sanction a fait naître plusieurs interrogations en matière de réserve de propriété. Le vendeur réservataire de propriété peut-il revendiquer le bien objet du contrat de vente nonobstant le défaut de déclaration de sa créance de prix ? Dans l'affirmative, doit-il, après avoir revendu le bien qu'il a revendiqué, restituer à la procédure la différence entre le montant de sa créance et le prix de vente du bien revendiqué, c'est-à-dire, si sa créance est éteinte, l'intégralité du prix de revente ? C'est sur cette dernière question que s'est prononcée la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans son arrêt rendu le 1er avril 2008.

En l'espèce, un vendeur avait vendu, sous clause de réserve de propriété, des marchandises. Dans la procédure de liquidation judiciaire, ultérieurement ouverte à l'égard de l'acquéreur, le vendeur réservataire avait omis de déclarer sa créance de prix de vente. Ce dernier, en sa qualité de propriétaire, avait, cependant, pris soin de procéder à la revendication du bien. La cour d'appel avait accueilli sa demande. Le liquidateur entendait, toutefois, demander la restitution des sommes que le vendeur réservataire de propriété aurait perçues en excédent par rapport à la créance restant due quant au prix. De façon parfaitement pertinente, le mandataire estimait que, puisque la créance de prix n'avait pas été déclarée et qu'elle était donc éteinte, le propriétaire devait, certes, être autorisé à revendiquer, mais devait restituer la fraction du prix de revente du bien revendiqué supérieur au montant de sa créance. Cela aurait donc a priori conduit à la restitution de la totalité du prix, la créance étant éteinte. Cette position ne devait, cependant, pas être entendue par les juges du fond, pas plus que par la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui rejette le pourvoi formé par le liquidateur judiciaire. La position prise par les Hauts magistrats est parfaitement nette : la Cour considère qu'"ayant constaté que la valeur des biens restitués n'excédait pas le solde du prix restant dû, lequel devait s'entendre de la fraction du prix convenu entre les parties demeurée impayée, indépendamment d'une déclaration de créance y correspondant totalement ou partiellement, la cour d'appel en a exactement déduit qu'aucune somme n'était due par [le vendeur réservataire de propriété]".

On sait que le créancier réservataire de propriété qui a obtenu la revendication du bien et qui a, par la suite, procédé à la revente de celui-ci, doit restituer à la procédure collective l'excédent qui se dégage à la suite de la revente du bien (7). Mais, plus précisément, par rapport à quoi doit se dégager cet excédent ? La Chambre commerciale répond clairement qu'il doit émerger au regard "de la fraction du prix convenu entre les parties demeurée impayée" et non pas par rapport à la somme restant due quant au prix -laquelle est inexistante en cas d'extinction de la créance-.

La précision fondamentale apportée par la Chambre commerciale, dans cet arrêt du 1er avril 2008, se situe dans le prolongement d'une position qu'elle avait eu l'occasion d'adopter lorsqu'elle s'est prononcée sur la déclaration de créance comme condition d'acceptation de la revendication. La Cour de cassation avait répondu à cette question par la négative (8). La solution était somme toute logique au regard de la différence de nature des deux droits en question. En effet, si la déclaration de créance est effectuée en considération de la qualité de créancier, titulaire d'un droit personnel de créance, en revanche, la revendication l'est au regard du droit réel de propriété. Une barrière étanche était, a priori à juste titre, dressée par la Cour entre ces deux sphères. Toutefois, à y regarder de plus près, cette solution n'était pas évidente. En effet, la clause de réserve de propriété est analysée en une sûreté (9), par conséquent accessoire de la créance de prix de vente (10). Or, sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985, l'absence de déclaration de la créance entraînait l'extinction de celle-ci et, par voie de conséquence, aurait dû emporter, également, la disparition de l'accessoire que constitue la réserve de propriété sur laquelle était fondée l'action en revendication. Il aurait donc semblé logique de considérer que l'absence de déclaration de la créance de prix entraînait l'impossibilité pour le revendeur réservataire de revendiquer. Cependant, la Cour de cassation s'est prononcée en sens contraire (11), en considérant que l'extinction de la créance n'équivalait pas à son paiement et que, en conséquence, la condition suspensive du paiement du prix ne s'étant pas réalisée, le transfert de propriété n'était pas intervenu au profit de l'acheteur. Comme l'a souligné la doctrine, "la survivance de la clause de réserve de propriété, accessoire de la créance du prix, à la disparition de la créance, apparaît cependant bien difficile à justifier" (12).

Dans l'arrêt rapporté, la Chambre commerciale de la Cour de cassation confirme que la faculté de revendiquer est indépendante de l'existence préalable d'une déclaration de créance. En outre, elle tire les conséquences de la solution qu'elle avait adoptée, et donne, ainsi, toute la portée qu'elle souhaitait y attacher. Il aurait été parfaitement inutile de considérer que le vendeur réservataire de propriété ayant omis de déclarer sa créance pouvait revendiquer le bien, mais devait restituer l'intégralité du prix de revente de celui-ci après revendication dans la mesure où, en l'absence de déclaration de sa créance, aucune somme ne lui restait due quant au prix : cela aurait abouti à reprendre d'une main ce que l'on avait donné de l'autre ! Au contraire, la Chambre commerciale considère qu'après revendication du bien et revente de celui-ci, le vendeur réservataire de propriété n'a à restituer que la fraction excédentaire par rapport "à la fraction du prix convenu entre les parties demeurée impayée" et non pas par rapport à la somme restant due quant au prix, laquelle aurait été nulle dans l'hypothèse de l'extinction de la créance non déclarée. Ainsi, ce qui importe, ce n'est pas le montant de la créance du vendeur, mais le montant du prix convenu qui n'a pas été payé. Il faut, dès lors, bien se garder d'assimiler l'extinction de la créance à son paiement. Tout comme l'interdiction de paiement ne vaut pas paiement, l'extinction de la créance ne vaut pas davantage paiement.

La Cour de cassation se livre, ainsi, à des subtilités de langage, marquant une nette différence entre "prix convenu" et "somme due", pour justifier le paiement d'une créance éteinte auquel doit être assimilée la possibilité pour le créancier réservataire de conserver le prix de revente d'un bien, alors, pourtant, que la propriété réservée n'est que l'accessoire de sa créance... éteinte. Au regard de la nature de sûreté accessoire d'une créance de la réserve de propriété, la position adoptée par la jurisprudence peut paraître choquante, et ce, d'autant que le nouvel article 2371 du Code civil (N° Lexbase : L1198HI9) prévoit, d'une part, que "la valeur du bien repris est imputée, à titre de paiement, sur le solde de la créance garantie" (et non "du prix convenu") et, d'autre part, que "lorsque la valeur du bien repris excède le montant de la dette garantie encore exigible [ce que ne peut être une créance éteinte !], le créancier doit au débiteur une somme égale à la différence". Le caractère choquant de cette solution reste, cependant, cantonné aux espèces régies par la loi du 25 janvier 1985. En effet, désormais, le défaut de déclaration de la créance ne conduit plus à son extinction mais à une simple inopposabilité de la créance à la procédure collective (13). Il en résulte que s'efface alors toute difficulté : puisque la créance non déclarée n'est plus éteinte, il est logique que le créancier réservataire de propriété puisse revendiquer le bien puis en conserver le prix de revente à hauteur de sa créance, nonobstant le défaut de déclaration de celle-ci.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences des Universités, Directrice du Master 2 droit de la banque de la faculté de Toulon


(1) Voir rapport de J.-J. Hyest, n° 335, p. 289.
(2) Lire F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté Instruments de crédit et de paiement, LGDJ, 7ème éd., 2006, n° 385.
(3) En ce sens aussi, voir D. Voinot, Droit économique des entreprises en difficulté, LGDJ, 2007, n° 431.
(4) En ce sens aussi, voir Ph. Roussel Galle, Réforme du droit des entreprises en difficulté De la théorie à la pratique, 2ème éd., Litec, 2007, n° 651.
(5) Sur cette question, voir nos obs., Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz Action, 2008/2009, 4ème éd., n° 524.34.
(6) Voir Cass. com., 3 décembre 2003, n° 02-14.474, Mme Bernadette Baptiste, veuve Cultru c/ M. Hervé Dechriste, FS-P+B+I (N° Lexbase : A3722DA4), Bull. civ., IV, n° 190, D., 2004, AJ, p. 62 ; Act. proc. coll., 2004/2, n° 15, note C. Régnaut-Moutier ; RD banc. et fin., 2004, p. 103, n° 78, obs. F.-X. Lucas ; JCP éd. E, 2004, chron. 783, p. 858, n° 9, obs. Ph. Pétel ; RTD com., 2004, p. 373, n° 4, obs. A. Martin-Serf ; lire nos obs., Autorité de chose jugée de l'admission des créances au passif et résolution du plan de continuation, Lexbase Hebdo n° 103 du 15 janvier 2004 - édition privée générale (N° Lexbase : N0082ABN) ; voir Cass. com., 3 décembre 2003, n° 02-14.477, Mme Bernadette Baptiste, veuve Cultru c/ Société Sepac, FS-D (N° Lexbase : A3723DA7), Cass. com., 28 janvier 2004, n° 02-15.157, M. Christian Dumay c/ Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Alpes-Provence, F-D (N° Lexbase : A7461DDP), Cass. com., 28 septembre 2004, n° 02-21.351, M. Jean-Marie Dominici c/ Caisse régionale de Crédit agricole mutuel (CRCAM) Provence-Côte-d'Azur, F-D (N° Lexbase : A4711DDT), Cass. com., 24 janvier 2006, n° 04-19.304, Mme Paulette Thaurin, épouse Degoud c/ Crédit agricole mutuel de Franche Comté, F-D (N° Lexbase : A5554DMN), Cass. com., 24 janvier 2006, n° 04-19.305, Mme Paulette Thaurin, épouse Degoud c/ Caisse de crédit mutuel Dijon Darcy, F-D (N° Lexbase : A7223DMH) et Cass. com., 30 janvier 2007, n° 06-10.838, Société Paolini Corse "Sopac", F-D ([LXB=A7908DT3 ]).
(7) Voir Cass. com., 5 mars 1996, n° 93-12.818, Société Le Droff c/ M. Pernaud, ès qualités de mandataire-liquidateur de la liquidation (N° Lexbase : A1154ABD), Bull. civ., IV, n° 72 ; D., 1996, somm. 222, obs. F. Pérochon ; JCP éd. E, 1996, 584, n° 11, obs. M. Cabrillac ; RTD civ., 1996, p. 443, obs. P. Crocq ; solution reprise par l'ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés (N° Lexbase : L8127HHH), cf. C. civ., art. 2371, al. 3 (N° Lexbase : L1198HI9).
(8) Voir Cass. com., 20 octobre 1992, n° 90-18.867, SA Jamdis c/ Lemee et autre (N° Lexbase : A2237AZU), Rev. proc. coll., 1992, 425, n° 7, obs. B. Soinne ; Cass. com., 9 janvier 1996, n° 93-20.109, Société Robatherm, Société à responsabilité limitée c/ M. Jeannerot et autres (N° Lexbase : A0666CQQ) ; JCP éd. E, 1996, I, 554, n° 19, obs. M. Cabrillac ; Cass. com., 11 mars 1997, n° 94-20.069, Société Constructions navales d'Aquitaine c/ Société Sofice (N° Lexbase : A1548ACC) ; Rev. proc. coll., 1997, 196, n° 6, obs. B. Soinne ; Adde, C. Larroumet, Le vendeur bénéficiant d'une clause de réserve de propriété peut-il revendiquer sans avoir déclaré sa créance à la procédure collective de l'acheteur ?, D. Affaires, 1996, n° 20, p. 603.
(9) Voir Cass. com., 9 mai 1995, n° 92-20.811, M. Roger Leclerc, mandataire liquidateur c/ Société anonyme Diac Equipement (N° Lexbase : A2436AGC) ; Rev. proc. coll., 1995, 487, n° 28, obs. B. Soinne ; RTD civ., 1996, p. 441, obs. P. Crocq ; Cass. com., 23 janvier 2001, n° 97-15.817, M. Jean-Claude Masson, Act. proc. coll., 2001/4, obs. C. Régnaut-Moutier ; JCP éd. E, 2001, chron. 755, n° 13, obs. M. Cabrillac ; D., 2001, AJ, p. 702, obs. A. Lienhard ; la solution est reprise par l'article 2368 du Code civil (N° Lexbase : L1195HI4) issu de l'ordonnance n° 2006-346 du 23 mars 2006, relative aux sûretés (N° Lexbase : L8127HHH).
(10) Voir Cass. com., 15 mars 1988, n° 85-18.623, Crédit général industriel (N° Lexbase : A7584AA7) ; D., 1988, p. 330, note F. Pérochon ; Banque, juin 1988, p. 699, obs. J.-L. Rives-Lange ; Gaz. Pal., 1988, I, 244, note B. Soinne ; JCP éd. G, 1989, II, 21348, note M.-L. Morançais-Demester ; RTD civ., 1988, p. 791, obs. M. Bandrac ; RD Banc. et Bourse, 1988, n° 7, p. 103, obs. F. Dekeuwer-Défossez ; RD Banc. et Bourse, 1988, n° 8, p. 129, obs. J. Credot et Y. Gerard.
(11) Voir Cass. com., 20 octobre 1992, n° 90-18.867, précité ; Cass. com., 9 janvier 1996, n° 93-20.109, précité ; Cass. com., 11 mars 1997, n° 94-20.069, précité.
(12) Lire P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 2008/2009, nº 813.72 ; voir, également, F. Pérochon et R. Bonhomme, Entreprises en difficulté - Instruments de paiement et de crédit, LGDJ, 2006, 7ème éd., n° 288.
(13) Lire P.-M. Le Corre, Droit et pratique des procédures collectives, Dalloz action, 2008/2009, n° 665.75.

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