La lettre juridique n°248 du 15 février 2007 : Fiscalité des particuliers

[Jurisprudence] Faut-il encore préconiser une acquisition en démembrement familial lorsque celle-ci est concomitante à une donation de fonds ?

Réf. : Cass. com., 23 janvier 2007, n° 05-14.403, Directeur général des impôts, ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, F-P+B (N° Lexbase : A6790DTN)

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par Daniel Faucher, Consultant au CRIDON de Paris

le 07 Octobre 2010

On sait qu'il existe une exception légale à l'article 1133 du CGI (N° Lexbase : L9702HLW), selon lequel au décès de l'usufruitier, le nu-propriétaire recueille l'usufruit en franchise de droits de mutation à titre gratuit. En effet, l'article 751 du CGI (N° Lexbase : L8088HL7) répute faire partie de la succession de l'usufruitier tout bien mobilier ou immobilier lorsque la nue-propriété appartient à ses héritiers, à moins que ces derniers ne l'ait reçue par donation régulière, et que cette donation, si elle n'est pas constatée dans un contrat de mariage, ait été consentie plus de trois mois avant le décès de l'usufruitier. Cette présomption supporte la preuve contraire. Pour l'application de ce texte, l'administration considère que la donation, préalable à l'acquisition en démembrement, d'une somme d'argent à un présomptif héritier qui se porte acquéreur de la nue-propriété d'un bien dont le donateur acquiert, lui, l'usufruit, ne fait pas obstacle à la présomption (QE n° 7827 de M. Fréville, rép. publ. JOAN 24 janvier 1994, p. 366 N° Lexbase : L3741HU4). Cette doctrine vient d'être validée par la Haute juridiction qui s'est placée sur le terrain de la fictivité. En statuant ainsi, la Cour met à mal un outil de transmission qui permettait de s'affranchir du barème légal en matière de démembrement. 1. Les charmes discrets de l'acquisition en démembrement...

L'effet de levier lié à une acquisition en démembrement, usufruit pour les parents, nue-propriété pour les enfants, n'est plus à démontrer. En effet, l'accroissement de la valeur de la nue-propriété profite uniquement au nu-propriétaire. Par ailleurs, le décès de l'usufruitier entraîne, en principe, la consolidation de l'usufruit sur la tête du nu-propriétaire sans qu'il ne soit exigé de lui aucun droit. Enfin, n'étant pas tenu d'évaluer l'usufruit acquis par eux selon le barème de l'article 669 du CGI (N° Lexbase : L7730HLU), les parents, en recourant à une méthode économique, accroissent la valeur de l'usufruit qui sera transmise en franchise de droits (cet avantage était encore plus important lorsque le barème applicable était celui prévu à l'article 762 du CGI (N° Lexbase : L8123HLG).

2. ... remis en cause au nom de la fictivité...

Conformément au schéma maintes fois utilisé, un enfant avait, en 1989, acquis un bien immobilier en démembrement avec sa mère. Il ressortait, sans ambiguïté, de l'acte constatant le démembrement que l'acquisition de la nue-propriété de l'immeuble était financée par une donation de fonds que lui avait consentie sa mère le jour même. En effet, une déclaration d'origine des deniers, déclaration de remploi, avait été insérée dans l'acte. Au moment du décès de l'usufruitière, en 2000, après celui du nu-propriétaire intervenu en 1990, l'administration a réintégré à l'actif de la déclaration déposée par le petit-fils la valeur du bien démembré en pleine propriété. Ainsi, étaient soumis aux droits de mutation par décès non seulement la valeur de l'usufruit au jour de l'acquisition, mais également la plus-value prise par le bien immobilier entre 1989, date d'acquisition, et 2000, année du décès ! Pour confirmer le jugement de première instance, favorable au redevable qui contestait cette réintégration, la cour d'appel de Dijon (arrêt du 8 février 2005, n° 04/00730) avait précisé que le "démembrement résultant d'un don manuel constaté dans un acte notarié dont la date est antérieure de trois mois au décès, la présomption édictée par l'article 751 du CGI ne peut trouver à s'appliquer". Un tel arrêt encourait la cassation puisque, selon le texte même, la donation de plus de trois mois qui permet d'écarter la présomption, est celle de la nue-propriété. Ce que n'a pas manqué de décider la Haute juridiction (Cass. com, 23 janvier 2007, n° 05-14.403). Mais, dans un attendu, elle précise également que la donation d'une somme d'argent "permettant d'acheter fictivement la nue-propriété ou l'usufruit" d'un bien n'écarte pas la présomption "quand bien même cette donation serait elle même réalisée régulièrement".

Cette décision, qui condamne les acquisitions en démembrement familial dans lesquelles les fonds utilisés par le nu-propriétaire proviennent d'un don préalable de l'usufruitier, repose, à notre avis, sur l'argumentation suivante : la preuve du caractère sincère et réel du démembrement ne se confond pas avec la preuve du caractère onéreux de l'acquisition par le nu-propriétaire. Or, pour contester l'application de la présomption de l'article 751 du CGI, le redevable doit établir la sincérité et la réalité de l'opération que la loi présume fictive (Cass. com., 12 décembre 1995, n° 94-11.491, Mme Geneviève Patry épouse Villanneau N° Lexbase : A2809CST). Le juge avait déjà précisé que la preuve contraire à la présomption n'est pas rapportée lorsque l'héritière s'acquittait de la nue-propriété au moyen de fonds donné par l'usufruitier, donation n'ayant pas fait l'objet d'une révélation à l'administration (Cass. com., 27 janvier 1998, n° 96-13.595, Directeur général des Impôts c/ Mme Rémy-Thevenin N° Lexbase : A2682ACC).

Cette jurisprudence est donc étendue au cas où la donation préalable des fonds est faite régulièrement, c'est à dire par acte notarié enregistré ou par don manuel révélé à l'administration. Autrement dit, la sincérité de l'opération n'est pas établie lorsque l'usufruitier a fourni, seul, la totalité des fonds nécessaire à l'acquisition.

3. ... ce qui conduit à la naissance d'une présomption irréfragable ?

La conclusion provisoire est que la sincérité et la réalité du démembrement ne pourront être démontrées, en cas d'acquisition en démembrement dans un cadre familial, que si les fonds permettant l'acquisition de la nue-propriété ont une origine autre qu'une libéralité de l'usufruitier. Autrement dit, la présomption sera irréfragable lorsque des fonds auront été donnés aux enfants pour acquérir la nue-propriété puisque la preuve contraire ne pourra être considérée comme rapportée que lorsque les héritiers, nus-propriétaires, démontreront qu'ils se sont acquittés du prix correspondant à leurs droits par des fonds propres, tels qu'économies ou le produit de la cession d'autres biens, ou grâce à un prêt consenti à cet effet par un organisme de crédit. On remarquera, par ailleurs, que, faute de pouvoir imputer les éventuels droits de donation acquittés lors de l'enregistrement de la donation des fonds sur les droits de mutation par décès exigibles du fait de la mise en oeuvre de l'article 751, la règle "non bis in idem" est transgressée.

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