La lettre juridique n°235 du 9 novembre 2006 : Droit financier

[Textes] Refonte des dispositions réglementaires relatives aux OPA (2ème partie)

Réf. : Arrêté du 18 septembre 2006, portant homologation de modifications du règlement général de l'Autorité des marchés financiers (N° Lexbase : L2145HSA)

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N4879ALB

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le 07 Octobre 2010

Impatiemment attendue, la réforme du cadre réglementaire des offres publiques d'acquisition (OPA) vient d'être opérée par un arrêté du 18 septembre 2006, paru au Journal officiel du 28 septembre 2006 (1), portant homologation de modifications du règlement général de l'Autorité des marchés financiers (AMF) . Conçu et adopté dans le sillage de la loi du 31 mars 2006 (loi n° 2006-387, relative aux offres publiques d'acquisition N° Lexbase : L9533HHK) (2), dont il constitue l'indispensable prolongement, le présent texte poursuit et parachève largement le processus de conformation du droit français à la treizième directive communautaire sur les OPA (Directive 2004/25, du 21 avril 2004, concernant les offres publiques d'acquisition N° Lexbase : L2413DYZ) (3). Mais, comme son pendant législatif, il ne s'épuise pas à cette activité de stricte transposition. L'occasion est opportunément saisie de satisfaire à d'autres attentes d'amélioration et de modernisation, récemment exprimées par le "rapport Naulot" sur le renforcement de l'évaluation financière indépendante (4) ou encore le "groupe de travail OPA" mis en place par l'AMF en octobre 2005 (5). Loin de nuire à la cohérence de l'ensemble, les options retenues dans le cadre du pouvoir réglementaire autonome du régulateur se combinent aux exigences communautaires et législatives, pour gommer certains particularismes traditionnels de notre droit des offres publiques et amplifier son exposition aux influences "anglo-saxonnes". (cf. Refonte des dispositions réglementaires relatives aux OPA (1ère partie) N° Lexbase : N4877AL9).

II - La réglementation des offres publiques articulée au Titre III du Livre II du règlement général AMF fait, pour sa part, l'objet d'une complète réécriture. Certes, au plan formel, la structuration et l'intitulé des chapitres évoluent peu, préservant ainsi les familiers de la matière d'une inutile perte de repères. Mais cette permanence n'est que de façade, tant sont nombreux les changements matériels opérés.

On laissera de côté les changements indirects, résultant de facteurs juridiques exogènes. De fait, le règlement général reprend, à droit apparemment constant, d'anciennes prescriptions, dont la portée risque, néanmoins, d'être sensiblement altérée par suite de l'application de règles externes nouvelles. Allusion peut être ainsi faite à l'obligation, à compter du début de la période d'offre, d'exécuter sur les marchés réglementés les ordres portant sur les titres visés par l'OPA (Règl. gén. AMF, art. 231-7), qu'il convient d'apprécier au regard du principe d'égalité de traitement des systèmes de négociation d'instruments financiers posé par la Directive MIF (Directive 2004/39, du 21 avril 2004, concernant les marchés d'instruments financiers, modifiant les Directives 85/611/CEE et 93/6/CEE du Conseil et la directive 2000/12/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la Directive 93/22/CEE du Conseil N° Lexbase : L2056DYS) (6) ; ou encore à l'énoncé des "principes généraux" des OPA (Règl. gén. AMF, art. 231-3), dont l'interprétation doit à présent composer avec les dispositions spéciales du droit des sociétés, inscrites dans le Code de commerce par la loi du 31 mars 2006, relativement aux défenses anti-OPA (7).

L'accent sera mis, au contraire, sur les modifications internes du règlement général AMF, dont la présentation conduit naturellement à distinguer selon qu'elles interviennent dans le champ des dispositions générales ou celui des dispositions spéciales régissant les offres publiques.

A - Au titre des dispositions générales, l'on remarque, tout d'abord, l'introduction d'une obligation pour l'initiateur d'une offre publique d'échange (OPE) de proposer, en certains cas, une option en numéraire aux actionnaires de la société visée.

Il en va ainsi, en premier lieu, "lorsque les titres remis en échange ne sont pas des titres liquides admis aux négociations sur un marché réglementé d'un Etat membre de la Communauté européenne ou partie à l'accord sur l'Espace économique européen" (Règl. gén. AMF, art. 231-8, al. 5). Protecteur des intérêts des destinataires de l'OPE, assurés de recevoir en échange des titres d'une qualité intrinsèque au moins équivalente à ceux dont ils sont titulaires, le texte est curieusement présenté comme la transposition de l'article 5 § 5 de la Directive OPA (8), lequel ne concernait pourtant que les seules offres publiques obligatoires. Comme ce dernier, il laisse clairement apparaître le caractère cumulatif des conditions d'admission aux négociations sur un marché réglementé et de liquidité, sans apporter plus de précision sur le niveau minimum de liquidité requis.

L'option en numéraire s'impose, en second lieu, lorsque "l'initiateur, agissant seul ou de concert, a acquis en numéraire, au cours des douze mois précédant le dépôt du projet d'offre, des titres conférant plus du vingtième du capital ou des droits de vote de la société visée" (Règl. gén. AMF, art. 231-8, al. 6). Obligation qui paraît ici fondée sur un principe de cohérence et d'égalité de traitement des actionnaires de la société cible.

Mais, c'est au plan de l'information communiquée et de son contrôle que les changements se donnent le plus à voir.

D'une part, l'information du marché se fait plus précoce. Rapprochant le droit français de la procédure en vigueur outre-Atlantique, l'article 231-16 I du règlement général impose désormais la publication du projet de note d'information établi par l'initiateur (ou conjointement avec la société visée) dès le début de la période d'offre (9). Cette diffusion, réalisée essentiellement par tenue à disposition gratuite au siège de la (ou des) société(s) concernée(s), par envoi sur demande et/ou par mise en ligne sur le site de la(les)dite(s) société(s) et sur celui de l'AMF, ne nécessite plus, autrement dit, l'imprimatur préalable de l'AMF. Afin d'en avertir les destinataires, il est prévu que le projet de note d'information, comme le communiqué qui l'accompagne (Règl. gén. AMF, art. 231-16 III), mentionne que : "Cette offre et le projet de note d'information restent soumis à l'examen de l'AMF" (Règl. gén. AMF, art. 231-16 IV).

Importante, cette avancée marque le point d'achèvement d'une conception de la communication, entamée il y a quelques années. La première étape avait consisté à exiger la publication d'un communiqué dans la presse reprenant les grandes lignes de la note d'information de l'initiateur ou de la note conjointe. Elle satisfaisait alors à un double objectif. Le premier correspondait au souhait de faire bénéficier le marché, le plus tôt possible, de l'information utile à la construction d'une opinion sur l'offre de contrat sans attendre le label apposé par l'autorité de marché. Compte tenu, au surplus, de la brièveté du délai de recours contre la décision de recevabilité, il existait une vraie difficulté à ne mettre à leur disposition l'information nécessaire à l'élaboration de leur contestation qu'à la toute dernière minute. Aujourd'hui, ce point se trouve heureusement résolu grâce à la disponibilité de cette information au moment du dépôt. Le deuxième objectif consistait à pouvoir reprendre rapidement les cotations, en particulier pour les valeurs très liquides, ce qui supposait que l'information fût très tôt accessible au marché. Cet objectif est renforcé dans le nouveau dispositif car un temps très long peut s'écouler entre le dépôt du projet d'offre et la déclaration de conformité en cas d'expertise indépendante. Il est difficilement envisageable dans ces hypothèses que le cours puisse rester suspendu durant tout ce temps. D'où la nécessité d'une information rapide, même susceptible de modifications ultérieures.

D'autre part, le contenu de la note d'information subit un réaménagement significatif. Suivant en cela les prescriptions de la Directive OPA, il est désormais centré, aux dires de l'AMF, "sur la description du contrat d'offre" (10) ou plutôt, serait-on tenté de dire, de l'offre de contrat. Il renferme ainsi : l'identité de l'initiateur ; la teneur de son offre et, en particulier le prix ou la parité proposé, le nombre et la nature des titres qu'il s'engage à acquérir, les conditions auxquelles l'offre peut être subordonnée, le calendrier prévisionnel de l'offre, le nombre et la nature des titres remis en échange par l'initiateur, les conditions de financement de l'opération et leurs incidences sur les actifs, l'activité et les résultats des sociétés concernées ; les intentions de l'initiateur pour une durée couvrant au moins les douze mois à venir ; les orientations en matière d'emploi ; les accords relatifs à l'offre, et s'il y a lieu, l'avis motivé du conseil d'administration ou du conseil de surveillance de l'initiateur (11) (Règl. gén. AMF, art. 231-18 ; instruction AMF, n° 2006-07 du 25 juillet 2006 relative aux offres publiques d'acquisition). Les "autres informations", celles "relatives caractéristiques, notamment juridiques, financières et comptables, de l'initiateur et de la société visée", font, quant à elles, l'objet d'un document distinct, déposé parallèlement auprès de l'AMF et mis à la disposition du public, au plus tard le jour de l'ouverture de l'offre (Règl. gén. AMF, art. 231-28 ; instruction AMF, n° 2006-07 préc.). Outre cette disparité de traitement temporel et procédural interne, d'autres effets juridiques procèdent de la distinction opérée entre ces deux documents d'information. Ils tiennent, par exemple, au rôle dévolu aux commissaires aux comptes, à présent limité aux "autres informations" (Règl. gén. AMF, art. 231-28 III), leur attestation n'apparaissant plus sur la note d'information ; ou à leur régime de circulation communautaire, la note d'information, une fois approuvée, étant soumise à la procédure de reconnaissance mutuelle prévue à l'article 6 § 2, al. 2, de la directive OPA (Règl. gén. AMF, art. 231-25), tandis que le document comportant les "autres informations" pourra être éventuellement "passeporté" au titre de la Directive "Prospectus" (Directive 2003/71, du 4 novembre 2003, concernant le prospectus à publier en cas d'offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l'admission de valeurs mobilières à la négociation, et modifiant la Directive 2001/34 N° Lexbase : L4456DMY).

Pour la troisième partie de cet article, lire (N° Lexbase : N4883ALG).

Alain Pietrancosta*
Professeur à l'Université Paris I (Panthéon-Sorbonne)
Directeur du Master Droit financier
Centre de Recherches en Droit financier


(1) J.O. n° 225 du 28 septembre 2006, p. 14210. Sur le projet de règlement, v. O. Douvreleur, C. Uzan, Projet de modification du règlement général de l'Autorité des marchés financiers : vers un renouveau du droit des offres publiques d'acquisition ?, Bull. Joly Bourse et produits financiers, juin 2006, p. 275-291.
(2) V. I. MacElhone, C. Maison-Blanche, Les récentes réformes en matière d'offres publiques induites par la loi du 31 mars 2006, Fusions & Acquisitions, mars-avril 2006, p. 30 ; RDBF, mai-juin 2006, p. 40, chron. H. Le Nabasque et P. Portier ; J.-B. Lenhof, Aspects de droit des sociétés de la réforme sur les offres publiques d'acquisition (première partie), Lexbase Hebdo n° 217, du 1er juin 2006 - édition affaires (N° Lexbase : N9036AKU), et (seconde partie) (N° Lexbase : N9296AKI) ; J.-F. Biard, Les nouvelles dispositions du droit des offres publiques en France, Option Finance, 10 juillet 2006, n° 891, p. 34-38 et in La lettre Vernimmen.net, n° 48, juin 2006 ; C. Malecki, La loi du 31 mars 2006 relative aux OPA et l'information des actionnaires et des salariés, Recueil Dalloz, 28 septembre 2006, n° 33, p. 2314-2318.
(3) V. A. Pietrancosta, La directive européenne sur les offres publiques d'acquisition enfin adoptée !, RD banc. et fin., septembre-octobre 2004, p. 338 ; M. Haschke-Dournaux, L'adoption de la directive européenne relative aux offres publiques d'acquisition, LPA, 26 avril 2004, n° 83, p. 7 ; F. Peltier, F. Martin-Laprade, Directive 2004/25/CE du 21 avril 2004 relative aux OPA ou l'encadrement par le droit communautaire du changement de contrôle d'une société cotée, Bull. Joly Bourse et produits financiers, 2004/5, p. 610 ; A. Couret, La fin d'une trop longue saga : l'adoption de la 13e directive en matière de droit des sociétés concernant les offres publiques d'acquisition, Mélanges Béguin, Litec, 2005, p. 195 ; P. Servan- Schreiber, W. Grumberg, Défenses anti-OPA, Adoption de la directive européenne sur les OPA et enjeux pour les entreprises françaises, JCP éd. E, n° 44, p. 1774 ; T. Granier, La directive concernant les offres publiques d'acquisition, Europe, n° 11, novembre 2004 ; Reforming Company and Takeover Law in Europe, edited by G. Ferrarini, K. J. Hopt, J. Winter, E. Wymeersch, Oxford University Press, 2004 ; S. V. Simpson, L. Corte, The Future Direction of Takeover Regulation In Europe, 1520 PLI/Corp 759, Practising Law Institute, December, 2005.
(4) V. A. Pietrancosta, Loi n° 2006-387 du 31 mars 2006 relative aux offres publiques d'acquisition : des "options" françaises, Lexbase Hebdo n° 211, du 19 avril 2006, et n° 212 du 26 avril 2006 - édition affaires, première partie (N° Lexbase : N7263AK9), deuxième partie (N° Lexbase : N7294AKD), troisième partie (N° Lexbase : N7295AKE), quatrième partie (N° Lexbase : N7386AKR) et cinquième partie (N° Lexbase : N7390AKW).
(5) Groupe présidé par Claire Favre et Dominique Hoenn, membres du collège de l'AMF ; et RTDF 2006/1, p. 5-18, spéc. n° 3, p. 7.
(6) A noter que la loi n° 2005-811 du 20 juillet 2005 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des marchés financiers (N° Lexbase : L5010HGN) (JO n ° 168 du 21 juillet 2005, p. 11835) a abrogé les articles L. 421-12 (principe général de centralisation des ordres N° Lexbase : L2756G9X) et L. 421-13 (règle renforcée applicable en période d'offre publique N° Lexbase : L2215AT9) du Code monétaire et financier.
(7) V. not. A. Pietrancosta, Lexbase Hebdo n° 211 et n° 212, préc. , et RTDF 2006/1, p. 5-18, spéc. n° 3, p. 7 ; N. Bombrun, F. Moulin, Défenses anti-OPA : le point après la loi "OPA" du 31 mars 2006, RTDF 2006/1, p. 19-26 ; A. Viandier, Défenses en cours d'offre : les règles de compétence des organes sociaux après la loi du 31 mars 2006, RJDA, 5/06, p. 435 ; H. Le Nabasque, Les mesures de défense anti-OPA depuis la loi n° 2006-387 du 31 mars 2006, Rev. soc., 2006/2, p. 237. Adde, M.-N. Dompé, La transposition de la directive OPA et les principes directeurs des offres, à paraître.
(8) V. AMF, Consultation publique sur le projet de règlement général relatif aux offres publiques et à l'expertise indépendante, 25 avril 2006, Annexe, p. 30.
(9) Début que marque la publication par l'AMF des principales dispositions du projet d'offre (Règl. gén. AMF, art. 231-14).
(10) V. AMF, Consultation publique sur le projet de règlement général relatif aux offres publiques et à l'expertise indépendante, 25 avril 2006, p. 3.
(11) Présenté comme la transposition de l'article 9 de la Directive (V. AMF, Consultation publique sur le projet de règlement général relatif aux offres publiques et à l'expertise indépendante, 25 avril 2006, Annexe, p. 48), lequel n'évoque pourtant que l'avis motivé du conseil de la société visée.


* L'auteur tient à remercier chaleureusement Catherine Maison-Blanche pour sa relecture attentive et ses précieuses observations.

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