La lettre juridique n°202 du 16 février 2006 : Marchés publics

[Evénement] Réforme du Code des marchés publics : compte-rendu de la conférence ECOTER du 30 janvier 2006

Réf. : Projet de Code des marchés publics 2006, disponible sur le site internet du Minéfi

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N4570AKH

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[Evénement] Réforme du Code des marchés publics : compte-rendu de la conférence ECOTER du 30 janvier 2006. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/3208107-evenement-reforme-du-code-des-marches-publics-compterendu-de-la-conference-ecoter-du-30-janvier-2006
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par Compte-rendu réalisé par Anne-Lise Lonné, Rédactrice en chef de la Revue Lexbase de Droit Public

le 07 Octobre 2010

Lors d'une conférence organisée le 30 janvier dernier, par la mission ECOTER, organisme dédié aux collectivités membres, consacrée, notamment, au nouveau Code des marchés publics, Jérôme Grand d'Esnon, directeur des affaires juridiques au ministère de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, est venu présenter les principaux apports de cette réforme. Son intervention méritait, notamment par sa clarté, de faire l'objet d'un compte-rendu. Les explications qu'il apporte et qui sont à l'origine des divers changements permettront aux acteurs de mieux comprendre et accepter les réformes qui leur sont imposées. Avant tout, Jérôme Grand d'Esnom a jugé nécessaire de procéder à un bref rappel historique du contexte des marchés publics, depuis cinq ans, afin d'apporter une explication à ce "télescopage" de textes. En effet, une première réforme a été opérée en 2001. Dès 2002, un constat de réforme inachevée s'est imposé et l'idée a été d'élaborer, le plus vite possible, un nouveau Code des marchés publics. Ce travail a été mené en parallèle avec celui effectué au niveau communautaire, de manière à ce que le nouveau code anticipe et intègre les dispositions des futures Directives européennes. Toutefois, au moment de la publication de la version 2004 du Code des marchés publics, au mois de janvier, celle des Directives n'étant plus tout à fait certaine à l'époque, les pouvoirs publics n'ont pas tenu compte de l'ensemble de ces dispositions. Finalement, les Directives européennes ont vu le jour le 31 mars 2004, avec pour date de transposition en droit interne, le 31 janvier 2006 (Directive (CE) n° 2004/18 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services N° Lexbase : L1896DYU et Directive (CE) n° 2004/17 du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004, portant coordination des procédures de passation des marchés dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux N° Lexbase : L1895DYT). Le dossier a donc été réouvert immédiatement pour la transposition et, quitte à revoir une nouvelle fois le Code des marchés publics, la solution retenue par le Minéfi a été l'adoption d'une double démarche d'amélioration et d'innovation par rapport à la version de 2004. La version de 2006 s'inscrit, ainsi, dans le prolongement de celle de 2004 et il n'y a aucun risque de collision entre les deux.

Aujourd'hui, force est de constater que les délais n'ont pas été respectés, les rédacteurs de la version 2006 ayant été victimes de leurs nouvelles méthodes. En effet, l'innovation a été de vouloir réglementer "à ciel ouvert", avec une mise en ligne des projets, et la mise à disposition d'une boîte e-mail aux acteurs et praticiens de la commande publique leur permettant d'adresser des remarques et critiques. La première mouture, mise en ligne en juillet 2005, a ainsi donné lieu à plus de 250 contributions, toutes traitées sans exceptions. Dès lors, lorsque la deuxième version a été publiée au mois de novembre 2005, ses rédacteurs estimaient que le nombre de remarques serait nettement moins important, ce qui n'a pas été le cas. Face à une telle situation, deux solutions se présentaient : soit il s'agissait de respecter les délais de transposition et la date butoir du 31 janvier 2006, soit il s'agissait de jouer le jeu jusqu'au bout en tenant compte de toutes les contributions. C'est cette seconde solution qui a été retenue, dans la mesure où le code de 2004, largement proche de la Directive de 2004, ne place pas les acheteurs publics en situation de danger juridique. En effet, durant cette période transitoire, depuis le 1er février 2006 jusqu'à la publication du nouveau code de 2006, les règles qui doivent être appliquées sont celles des Directives du 31 mars 2004 précitées. Or, tous les outils actuels sont compatibles avec ces Directives. Le seul élément qui peut poser problème concerne les variantes : l'acheteur qui veut les autoriser dans le cadre d'un marché doit le préciser dans les documents de la consultation, alors que le système était inversé dans le cadre du code de 2004.

C'est ainsi que le Code des marchés publics 2006 sera immédiatement applicable au jour de sa publication, les contraintes d'adaptation des acteurs étant presque inexistantes.

A l'instar du code de 2004, le nouveau Code des marchés publics sera accompagné d'une circulaire. En revanche, celle-ci sera relativement courte et ne sera pas détaillée article par article.

Comme nous l'avons évoqué plus haut, deux axes ont guidé cette réforme. D'une part, l'amélioration du code de 2004, d'autre part, l'innovation.

I. L'amélioration du Code des marchés publics 2004

L'amélioration du code de 2004 se traduit, notamment, à travers le dialogue compétitif, la dématérialisation, et la suppression de la personne responsable des marchés (PRM).

  • Le dialogue compétitif

Le dialogue compétitif reste une procédure intelligente, mais compliquée. Il commence et il se termine comme un appel d'offres. L'erreur qui a été commise en 2004 a été de vouloir imposer l'obligation finale de rédiger un cahier des charges. En effet, le dialogue compétitif a pour but d'améliorer la définition du besoin. Or, l'on peut aboutir à plusieurs solutions différentes. Contraindre, alors, l'acheteur à rédiger un cahier des charges ne fait que compliquer. La bonne méthode doit consister, à la fin du dialogue, à laisser chaque entreprise présenter son offre, d'où la suppression pure et simple de cette obligation.

Quoi qu'il en soit, la procédure du dialogue compétitif reste une procédure compliquée, lourde et longue, mais qui ne doit pas être négligée dans les cas où le dialogue est nécessaire. Elle devient, ainsi, systématique dans certains secteurs, tels que les marchés de communication.

  • La dématérialisation

Depuis le 1er janvier 2005, les personnes publiques ont l'obligation d'être en mesure de recevoir des candidatures et des offres par voie électronique.

Il faut reconnaître que ce qui fonctionne bien, aujourd'hui, en termes de dématérialisation des marchés publics, c'est le transfert de l'information de l'acheteur vers les entreprises, c'est-à-dire la mise à disposition des documents de la consultation par voie électronique. Le taux de téléchargement des marchés est d'environ 20 à 25 %. Ces chiffres traduisent que le monde des entreprises est parfaitement équipé. Pourtant, le taux de remise des offres par voie électronique est quasi nul (de l'ordre de 1 à 2 %).

Quels sont, alors, les freins à la dématérialisation, dans le sens entreprises-acheteurs, des marchés publics ?

Le dispositif actuel est alternatif, c'est-à-dire que l'entreprise a le choix entre la forme papier ou la forme dématérialisée. En cas de problème informatique, le risque pour l'entreprise est que son offre ou sa candidature ne soit pas ouverte.

La solution consistait, donc, à remplacer ce dispositif alternatif par un double dispositif, avec l'idée d'une "roue de secours". L'enveloppe papier ne sera ouverte qu'en cas de défaillance avérée lors de l'ouverture sous forme électronique.

Mais, cette solution était-elle suffisante pour inciter les entreprises à répondre en ligne ? Sans doute pas... En effet, il existe un autre frein, celui de l'obligation de certification de signature, qui s'avère extrêmement dissuasif. Sur ce thème, lire "Pratique de la signature et de l'archivage électronique (PSAE)", Fabien Girard de Barros, Lexbase Hebdo n° 199 du Mercredi 25 janvier 2006 - Edition Affaires (N° Lexbase : N3517AKH).

Les coûts de certification de signature sont non négligeables, et l'offre des certificateurs est particulièrement large. Le risque que peuvent, alors, rencontrer les entreprises, est de s'adresser à un certificateur reconnu sur un marché, et pas sur un autre.

Force est de constater que dans tous les pays ayant retenu le niveau de sécurité 2 (certification de signature), la dématérialisation, en termes de réponses des entreprises à un marché public, ne fonctionne pas du tout, alors qu'elle fonctionne relativement bien dans les autres pays, dans lesquels le niveau de sécurité est moindre, tels que la Finlande ou le Royaume-Uni.

A partir de ce constat, la question s'est posée en ces termes : A quoi sert la signature ? La réponse est très claire. Pour Jérôme Grand d'Esnom, elle ne sert à rien. En effet, la signature n'a de sens que si elle représente une contrainte, un engagement. Or, la signature de l'offre par l'entreprise, ne l'engage pas, par la suite, à s'engager dans le marché, puisqu'elle dispose d'un moyen très simple : il lui suffit de ne pas présenter ses certificats fiscaux et sociaux. Il faut reconnaître, alors, que les éléments préliminaires du contrat ont été mélangés au contrat lui-même.

L'idée a donc été de supprimer l'obligation de certification de signature des offres, qui est tout simplement inutile. L'objectif est, en effet, rappelons-le, d'inciter les entreprises à la dématérialisation, celle-ci permettant de réaliser des gains de productivité. La certification de signature reste, en revanche, obligatoire pour signer le marché.

Pour devancer les critiques qui pourraient être formulées à l'encontre de cette mesure, par les professionnels de la certification, il leur est précisé que, quoi qu'il en soit, pour l'instant, les certifications de signature ne sont pas pratiquées.

Pour plus de précisions sur la dématérialisation des marchés publics, lire "La dématérialisation des procédures de passation encouragée par la réforme en cours", Chrystel Farnoux, Revue Lexbase de Droit Public, n° 3 du Mercredi 18 Janvier 2006 (N° Lexbase : N3203AKT), et "La dématérialisation des marchés publics : bilan et perspectives", Anne-Lise Lonné, Revue Lexbase de Droit Public, Mercredi 16 novembre 2005 (N° Lexbase : N0795AKN).

  • La suppression de la personne responsable du marché

Concernant les règles prévoyant la désignation d'une personne responsable du marché, finalement, il s'agit d'une règle d'organisation interne, qui n'a pas sa place dans le code. Il s'agit donc de laisser chaque acheteur s'organiser librement, dans le cadre de ses règles d'organisation, ce qui fonctionne très bien depuis 1993, dans le cadre des délégations de service public. Pour plus de précisions sur ce sujet, lire "Réforme du Code des marchés publics : la disparition de la Personne responsable du marché", Marie-Hélène Sanson, Revue Lexbase de Droit Public, n° 3 du Mercredi 18 Janvier 2006 - Edition Publique (N° Lexbase : N3201AKR).

II. L'innovation : les nouveaux outils offerts par le futur Code des marchés publics 2006

  • L'acquisition dynamique

Il s'agit d'une technique que la commission est allée chercher dans le secteur des industries de transformation. C'est un système qui permet de maintenir un vivier permanent d'entreprises : au moment où le besoin se fait sentir, l'acheteur met en concurrence tous ceux qui sont inscrits.

Mais il s'agit d'un dispositif compliqué pour une économie d'achat final. Jérôme Grand d'Esnom avoue ne pas être convaincu de sa pertinence et de son opportunité, lesquelles ne pourront, toutefois, s'apprécier réellement qu'une fois le dispositif testé.

Pour plus de précisions sur ce thème, lire "La transposition française de procédures européennes et le cas du système d'acquisition dynamique", Chrystel Farnoux, Revue Lexbase de Droit Public n° 4 du Mercredi 15 février 2006 (N° Lexbase : N4396AKZ).

  • L'accord-cadre

L'accord-cadre, en revanche, constitue enfin la solution au problème récurrent de la lenteur de l'achat public. La solution pour y remédier consiste à découpler la phase lente de la phase rapide du processus d'achat.

Avec ce système, la mise en concurrence débouche sur un engagement d'exclusivité pour une durée de quatre ans. Durant cette période, lorsqu'un besoin se crée, la personne publique ne pourra s'adresser qu'aux entreprises présélectionnées (une ou plusieurs sachant, toutefois, que le véritable intérêt de ce dispositif réside dans la multi-attribution), en organisant une nouvelle mise en concurrence entre elles, très rapidement, en 24 heures.

Il s'agit, ni plus, ni moins, du principe des marchés à bons de commande, mais sans minimum ni maximum : le contrat passé avec l'entreprise est un pré-marché, et non un marché. Il pourra arriver, dans le cas de multi-attribution, que l'accord passé avec une entreprise ne débouche sur aucun marché.

En réponse à la critique du gel de la mise en concurrence, l'obligation de renouveler s'effectue tous les quatre ans. Ainsi, pour tous les achats courants, les principes de transparence seront respectés tous les quatre ans.

Pour plus de précisions sur ce thème, lire "Les accords-cadres et les marchés à bons de commande", Marie-Hélène Sanson, Revue Lexbase de Droit Public du Mercredi 15 février 2006 (N° Lexbase : N4610AKX).

  • Les enchères inversées

Il s'agit d'un outil efficace, permettant de réaliser des économies allant jusqu'à 20 %, mais il présente le risque de contribuer à faire disparaître le tissu PME. C'est pourquoi, il est réservé aux marchés de fournitures dépassant un certain seuil, et n'est pas utilisable dans le cadre des marchés de services et des marchés de travaux.

  • La place des PME

Concernant la place des PME, il n'a pas été adopté une démarche de politique large, mais plutôt une politique de "bon achat public", celle-ci passant par la diversité, et s'opposant aux mesures de discrimination en faveur des PME, telles qu'elles avaient été envisagées, mais qui étaient contraires aux principes de la commande publique.

Il existe, donc, un ensemble de "petites" mesures, mises à la disposition des acheteurs public, destinées à rééquilibrer l'accès des PME aux marchés publics. Il s'agit, en premier lieu, de l'obligation d'allotir les marchés chaque fois que cela est possible, ou encore de l'introduction du respect d'un nombre minimal de PME parmi les candidatures à certains marchés publics (possible tant que ne concerne pas les offres). En outre, il s'agit de proportionner les exigences aux marchés. Cela doit passer par le respect d'une stricte corrélation entre le niveau de capacité requis et les caractéristiques des prestations attendues.

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