La lettre juridique n°162 du 7 avril 2005 : Baux commerciaux

[Jurisprudence] Rappels sur les modalités de la cessation d'un bail commercial

Réf. : Cass. civ. 3, 9 mars 2005, n° 03-15.734, Société Résid'Hôtel Savoie c/ M. Rémi Chatel, FS-D (N° Lexbase : A2578DHX)

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par Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris

le 07 Octobre 2010

Le bailleur qui s'abstient de procéder par acte extrajudiciaire ne donne pas valablement congé. Tel est l'enseignement d'un arrêt du 9 mars 2005 qui rappelle une règle solidement établie, mais encore parfois méconnue. Cette décision est, également, l'occasion de revenir sur les modalités de cessation d'un bail commercial sur initiative de l'une des parties. En l'espèce, par acte sous seing privé du 2 mai 1991, un locataire avait pris à bail un appartement en vue d'une exploitation para-hôtelière. Ce bail, soumis au statut des baux commerciaux, avait été conclu pour une durée de neuf ans et devait se terminer le 31 décembre 2000. Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 juillet 1999, le bailleur avait informé le locataire de son intention de ne pas renouveler le bail à son échéance. Par acte du 18 octobre 2000, le locataire avait sollicité le renouvellement de son bail. Le bailleur ayant conservé les clés de l'appartement après l'avoir occupé à la fin du mois de décembre 2000, le locataire l'a assigné en restitution et en paiement, à titre provisionnel, d'une indemnité d'occupation. Le bailleur s'est opposé à ces prétentions, et a demandé que le locataire soit condamné sous astreinte à lui communiquer certaines pièces.

I - L'exigence d'un congé : principe et exceptions

Selon le droit commun, un bail cesse à l'expiration du terme contractuel sans qu'il soit nécessaire de donner congé (C. civ., art. 1737 N° Lexbase : L1859ABH). La règle est différente en matière de bail commercial, où l'une des parties devra délivrer un congé pour qu'il y soit mis fin (C. com., L. 145-9, al. 1er N° Lexbase : L5737AIC). A défaut de congé, le bail se poursuivra par tacite prorogation, et non par tacite reconduction, selon le terme maladroitement utilisé par l'article L. 145-9 du Code de commerce, dans la mesure où c'est le même bail, et non un nouveau bail, qui se poursuivra à l'expiration du terme contractuel. Le bail qui se poursuit sera à durée indéterminée et il y sera mis fin, là encore, par la délivrance d'un congé donné suivant les usages locaux et au moins six mois à l'avance (Cass. civ. 3, 7 décembre 2004, n° 03-19.226, Société La Belle Bleue c/ Société civile immobilière (SCI) Billancourt, F-P+B N° Lexbase : A3705DEX).

Cette règle, selon laquelle un bail commercial ne cesse que par l'effet d'un congé, connaît, cependant, deux exceptions et un tempérament. Tout d'abord, il a toujours été admis que les parties puissent valablement mettre fin au contrat les liant en concluant une convention de résiliation amiable ou un nouveau bail (Cass. civ. 3, 10 octobre 2001, n° 00-10.807, M. Tixier c/ M. Lecaudey N° Lexbase : A2026AWX, AJDI 2002, p. 373, obs. J.-P. Blatter) ou en prévoyant, dès la conclusion du bail initial, que ce dernier sera automatiquement renouvelé à son expiration (Cass. civ. 3, 27 octobre 2004, n° 03-15.769, FS-P+B N° Lexbase : A7412DDU, Rev. loyers, 2005, note J. Prigent), le renouvellement d'un bail impliquant in fine sa cessation. Ensuite, il doit également être relevé qu'à défaut de congé, le preneur peut former une demande de renouvellement (C. com., art. L. 145-10, al. 1er N° Lexbase : L5738AID), dont les effets sont assimilables à ceux d'un congé. Il sera mis fin au bail initial qui se trouvera renouvelé, si le bailleur garde le silence dans les trois mois de cette demande ou l'accepte expressément. Il sera simplement mis fin au bail initial sans renouvellement s'il refuse, ce refus devant, à l'instar du congé et de la demande, être donné par acte extrajudiciaire.

II - La forme du congé

Aux termes de l'article L. 145-9, alinéa 5, du Code de commerce, le congé doit être donné par acte extrajudiciaire. La Cour de cassation veille scrupuleusement au respect de cette règle, qu'elle a érigé en règle impérative insusceptible d'être mise à l'écart par la volonté des parties (voir, par exemple, Cass. civ. 3, 24 janvier 1996, n° 94-13.095, Société Les Produits franco-helléniques c/ Société du 206-208, rue de Noisy-le-Sec à Bagnolet N° Lexbase : A9726ABT), même lorsque le statut des baux commerciaux est applicable en raison de son extension conventionnelle (Ass. plén., 17 mai 2002, n° 00-11.664, M. Caporal c/ Société Groupe Ribourel, P N° Lexbase : A6534AYN, Précisions sur la liberté des parties de procéder à une extension conventionnelle du statut des baux commerciaux, J. Prigent, Lexbase Hebdo n° 26 du 6 juin 2002 - édition affaires N° Lexbase : N3027AAD). Seul un accord des parties postérieur à cette délivrance pourra couvrir la nullité des formalités préalables à la convention (voir, par exemple, Cass. civ. 3, 15 mai 1996, n° 94-16.407, Société Agence Z c/ Société Financière Générale d'Investissements N° Lexbase : A9919ABY et CA Paris, 16ème ch., sect. A, 13 octobre 2004, n° 03/04330, SARL Edex Val de Seine c/ Compagnie Financière Savoy N° Lexbase : A8071DDB).

Le congé qui n'a pas été délivré par acte extrajudiciaire est nul, sans que celui qui invoque cette nullité soit contraint de prouver qu'il a subi un grief du fait de ce vice de forme (voir, par exemple, Cass. civ. 3, 8 juin 1982, n° 81-10.365, Amblard c/ SARL Sodasem, Fiorino N° Lexbase : A8820AH7 et Cass. civ. 3, 13 décembre 2000, n° 99-14.878, Société CAPIM et autre c/ Société Erca Gec N° Lexbase : A1161AIT), l'article 114 du Nouveau Code de procédure civile (N° Lexbase : L1950ADL) ne trouvant pas à s'appliquer. L'arrêt rapporté censure les juges du fond, qui avaient décidé que le bail avait effectivement pris fin par l'effet du congé délivré par le bailleur, alors que ce congé avait été donné par simple lettre recommandée avec accusé de réception.

Il convient de relever, par ailleurs, que la nullité sanctionnant le non-respect de cette formalité est une nullité relative qui ne peut être invoquée que par le destinataire du congé (Cass. civ. 3, 20 décembre 1982, n° 81-13.495, SARL Télé Rapid c/ Consorts Bricard N° Lexbase : A7585AGZ, Bull. civ. III, n° 257; Cass. civ. 3, 19 mai 1993, n° 91-16.254, Mlle Marie-José Soyez c/ Société générale N° Lexbase : A8443AGS; Cass. civ. 3, 18 mai 1994, n° 92-17.028, Société Astrid c/ Société Chassialu N° Lexbase : A7140AB3, Bull. civ. III, n° 103). Le bailleur ne saura, ainsi, être admis à contester la validité d'un congé qu'il a délivré par lettre simple. Le preneur, en revanche, pourra, soit se prévaloir de ce congé, soit lui dénier tout effet. Il a, également, été jugé que le bailleur professionnel de l'immobilier qui recevait un congé par lettre recommandée avec accusé de réception, conformément aux stipulations du bail, devait informer son locataire de la nullité du congé. A défaut, le bailleur engage sa responsabilité (Cass. civ. 3, 5 novembre 2003, n° 01-17.530, FS-P+B N° Lexbase : A0655DAI).

Enfin, lorsque le preneur forme une demande de renouvellement, cette dernière doit également être effectuée sous forme d'acte extrajudiciaire. A défaut, elle ne produit aucun effet, sans que le bailleur n'ait, également, à apporter la preuve d'un grief (Cass. civ. 3, 11 février 1987, n° 85-16.162, M Bouayad c/ Mme Naret N° Lexbase : A6607AAX; Cass. civ. 3, 10 juillet 1996, n° 94-18.249, Consorts Bourse c/ Société Caprigem N° Lexbase : A9989ABL; CA Paris, 16ème ch. B, 21 décembre 1994, SCI 28, Bd Poissonière c/ Société International Language School for adults).

Faute de congé régulier, le bail se poursuit. Dans l'espèce rapportée, le preneur avait donc pu valablement, après la délivrance d'un congé par lettre recommandée, former une demande de renouvellement auprès du bailleur. Les juges du fond avaient, toutefois, relevé que cette demande avait été formée à une mauvaise date et qu'aucun effet ne pouvait y être accordé. La Cour de cassation ne s'est pas prononcée directement sur cette question. Or, il semble qu'en ce qui concerne la date à laquelle elle a été formée, la demande soit régulière. En effet, la demande de renouvellement doit intervenir dans les six mois précédents le terme contractuel ou, en cas de tacite prorogation, à tout moment (C. com. art. L. 145-10). Or, en l'espèce, le bail expirait le 31 décembre 2000 et le renouvellement du bail avait été sollicité par le preneur le 18 octobre 2000. Il appartiendra à la cour d'appel de renvoi, après avoir constaté que le bail s'était poursuivi faute de congé régulier, de confirmer ce point et de tirer les conséquences de cette demande.

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