La lettre juridique n°576 du 26 juin 2014 : Baux commerciaux

[Textes] Modification du statut des baux commerciaux par la loi du 18 juin 2014, relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises - Première partie

Réf. : Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises (N° Lexbase : L4967I3D)

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N2904BU4

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[Textes] Modification du statut des baux commerciaux par la loi du 18 juin 2014, relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises - Première partie. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/17756793-textes-modification-du-statut-des-baux-commerciaux-par-la-loi-du-18-juin-2014-relative-a-lartisanat-
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par Julien Prigent, Avocat à la cour d'appel de Paris, Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Baux commerciaux"

le 04 Juillet 2014

La loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, relative à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, modifie de manière importante de nombreuses de dispositions applicables aux baux commerciaux. L'objectif de départ était d'améliorer la situation locative des commerçants (petites entreprises commerciales ou artisanales) en centre-ville (cf. projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, étude d'impact, 20 août 2013). Les modifications apportées au statut apparaissent ainsi essentiellement, à première vue, comme favorables au preneur. Cette première partie (pour la seconde partie de cette étude, cf. N° Lexbase : N2905BU7) est consacrée :
- au champ d'application du statut des baux commerciaux ;
- à la durée du bail commercial ;
- à la forme du congé ;
- à la condition du droit au renouvellement ;
- et à la reprise pour habiter. I - Champ d'application du statut des baux commerciaux

A - Baux dérogatoires

1° - Allongement de la durée du ou des baux dérogatoires

L'ancien article L. 145-5 du Code de commerce (N° Lexbase : L2320IBK) disposait que "les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans".

Le nouveau texte allonge le délai du ou des baux dérogatoires successifs à trois ans (C. com., art. L. 145-5 N° Lexbase : L5031I3Q).

L'allongement de cette durée a été justifiée par le fait que la durée initiale de deux années n'était "pas nécessairement suffisante pour tester la rentabilité d'une activité commerciale ou artisanale, tout particulièrement dans cette période d'incertitude pour le commerce" (projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, étude d'impact, 20 août 2013)

2° - Allongement du délai pendant lequel le maintien dans les lieux du preneur peut entraîner la création d'un bail dérogatoire

Dans son ancienne rédaction, l'article L. 145-5 du Code de commerce prévoyait que si à l'expiration de la durée pendant laquelle un ou des baux dérogatoires peuvent être conclus, "le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre".

Ce texte comporte deux conditions :
- le preneur doit être resté en possession des lieux ;
- et le preneur doit être laissé (par le bailleur) en possession des lieux.

A défaut de sommation notifiée au preneur avant le terme du bail dérogatoire, il s'opérait immédiatement un nouveau bail soumis au statut des baux commerciaux (en ce sens, Cass. civ. 3, 2 juin 2004, n° 03-13.377, F-D N° Lexbase : A7723MRH).

Le nouveau texte modifie la solution. Le nouvel article L. 145-5 du Code de commerce dispose que "si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance [nous soulignons] le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre".

En conséquence, et désormais, un bail soumis au statut ne s'opérera que si :

- le preneur reste en possession des lieux pendant au moins un mois après la date d'échéance du bail dérogatoire. Le bailleur (qui peut également invoquer la création d'un bail soumis au statut à l'issue d'un bail dérogatoire : Cass. civ. 3, 27 avril 1988, n° 87-11.667 N° Lexbase : A8437AAQ) ne pourra donc invoquer la création d'un bail commercial si le preneur restitue les locaux avant l'expiration de ce délai ;

- le bailleur n'a pas notifié au preneur sa volonté de ne pas le laisser dans les lieux avant l'expiration du délai de un mois courant à compter de l'échéance du bail dérogatoire. Il ne s'opérera donc pas un nouveau bail, à défaut pour le bailleur d'avoir manifesté son intention de ne pas laisser le preneur en possession des lieux avant la date d'échéance, mais seulement le jour suivant l'expiration d'un délai d'un mois courant à compter de cette échéance.

En revanche, la date d'effet du nouveau bail semble devoir rester le jour qui suit celui de l'échéance du bail dérogatoire et non le jour suivant l'expiration du délai de un mois.

3° - Impossibilité pour les parties de conclure un nouveau bail dérogatoire pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux

Le premier alinéa du nouvel article L. 145-5 du Code de commerce comporte une nouvelle disposition selon laquelle "à l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux".

La question se pose de savoir si cette précision ne condamne pas la possibilité de conclure un nouveau bail dérogatoire à l'expiration du délai prévu par l'article L. 145-5 du Code de commerce, une fois que le droit des parties de se prévaloir d'un bail commercial est né, la jurisprudence ayant reconnu la dans ce cas possibilité de renoncer à ce droit (voir, par exemple, Cass. civ. 3, 5 avril 2011, n° 10-16.456, F-D N° Lexbase : A3435HNK).

Cette précision permettrait par ailleurs de "clarifier utilement le fait qu'on ne peut pas conclure un nouveau bail dérogatoire lorsqu'on a épuisé la durée légalement prévue pour un bail dérogatoire ou plusieurs baux dérogatoires successifs" (Sénat, avis présenté au nom de la commission des lois sur le projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, par Mme Nicole Bonnefoy, 9 avril 2014, page 16).

Le texte prévoyait et prévoit toujours une disposition analogue : "il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre [...] à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local".

Les nouvelles dispositions sont plus souples quant à l'impossibilité de conclure un nouveau bail dérogatoire puisqu'elles ajoutent une condition liée à l'identité du fonds.

Cette nouvelle précision serait de nature à remettre en cause la jurisprudence sur ce point. Il avait été jugé en effet que "les dispositions de l'article L. 145-5 du Code de commerce n'imposaient pas l'exercice de la même activité dans les locaux concernés", le statut des baux commerciaux s'appliquant au bail conclu entre les mêmes parties et pour les mêmes locaux même si l'activité était différente (Cass. civ. 3, 31 mai 2012, n° 11-15.580, FS-P+B N° Lexbase : A5198IMH : en l'espèce, le nouveau bail avait été conclu avant l'expiration du bail dérogatoire précédant à l'issue duquel le preneur était resté et avait été laissé en possession des lieux).

Il existe cependant une contradiction entre les deux règles coexistant dans le nouveau texte :

- la nouvelle règle interdisant de conclure un nouveau bail à l'expiration de la durée pendant laquelle un ou des baux dérogatoires peuvent être conclus "pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux" ;

- la règle, déjà posée par l'article L. 145-5 du Code de commerce et qui a été maintenue, prévoyant qu'il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du statut des baux commerciaux à l'expiration de cette durée, en cas de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local, ces dispositions n'excluant pas les baux conclus entre les mêmes parties sur les mêmes locaux mais pour une activité différente.

4° - Etat des lieux

La loi du 18 juin 2014 introduit deux nouveaux alinéas à l'article L. 145-5 du Code de commerce qui prévoient qu'en cas de conclusion d'un bail dérogatoire :
"Un état des lieux est établi lors de la prise de possession des locaux par un locataire et lors de leur restitution, contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elles, et joint au contrat de location.
Si l'état des lieux ne peut être établi dans les conditions prévues à l'avant-dernier alinéa, il est établi par un huissier de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire
".

Il n'est prévu aucune conséquence à l'absence d'état des lieux, contrairement à ce qui est prévu pour les baux soumis au statut des baux commerciaux par le nouvel article L. 145-40-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L4974I3M). Ce dernier comporte en effet des dispositions identiques pour ces baux, tout en précisant que " le bailleur qui n'a pas fait toutes diligences pour la réalisation de l'état des lieux ne peut invoquer la présomption de l'article 1731 du Code civil (N° Lexbase : L1853ABA)". L'article 1731 du Code civil institue une présomption, plutôt favorable au bailleur, en l'absence d'état des lieux, le preneur étant présumé les avoir reçus en bon état de réparations locatives et doit les rendre tels, sauf preuve contraire.

L'article 3, II, de la loi du 18 juin 2014 comporte des dispositions transitoires relatives à l'établissement des lieux : pour les baux conclus avant l'entrée en vigueur de cette loi, ces nouvelles dispositions s'appliquent en ce qui concerne la restitution des locaux dès lors qu'un état des lieux a été établi lors de la prise de possession.

6° - Application des nouvelles dispositions relatives aux baux dérogatoires

Aux termes de l'article 21 de la loi du 18 juin 2014, l'article 3 de cette loi qui modifie l'article L. 145-5 du Code de commerce est applicable aux contrats conclus ou renouvelés à compter du premier jour du troisième mois suivant la promulgation de la loi.

Toutefois, l'article 3, II, de la loi du 18 juin 2014 prévoit des dispositions transitoires dérogatoires en ce qui concerne les nouvelles dispositions relatives à l'état des lieux à établir lors de la restitution des locaux qui s'appliquent aux baux conclus antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014.

B - Les conventions d'occupation précaire

Un nouvel article L. 145-5-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L4973I3L) a été créé.

Il dispose que "n'est pas soumise au présent chapitre la convention d'occupation précaire qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties".

La convention d'occupation précaire doit être distinguée du bail dérogatoire, bien qu'en pratique, il n'est pas rare que ces deux types de conventions, pourtant différentes, soient confondus.

Le bail dérogatoire est un bail qui n'est pas soumis au statut des baux commerciaux car une disposition de ce dernier (C. com., art. L. 145-5) offre cette possibilité, à certaines conditions, notamment de durée.

La convention d'occupation précaire est une création prétorienne qui permet la conclusion de baux non soumis au statut des baux commerciaux parce que le bailleur n'est pas en mesure, en raison de circonstances extérieures à sa volonté, de garantir une jouissance pérenne à son locataire (voir, par exemple, Cass. civ. 3, 24 septembre 2002, n° 01-11.060, inédit N° Lexbase : A5160AZ7 : précarité liée aux projets d'aménagement du quartier dans lequel se situaient les locaux objet de la convention comportant la démolition des bâtiments existant).

Le nouvel article L. 145-5-1 du Code de commerce " codifie la notion jurisprudentielle admise de longue date par la Cour de cassation de convention d'occupation précaire. Une telle convention vise par exemple le cas d'un local loué dans l'attente de sa démolition" (Sénat, avis présenté au nom de la commission des lois sur le projet de loi relatif à l'artisanat, au commerce et aux très petites entreprises, par Mme Nicole Boennefoy, 9 avril 2014, page 17). Se trouve ainsi entérinée, au mot près, la solution, adoptée par la Cour de cassation en matière de convention précaire qui ne permet d'échapper à l'application du statut des baux commerciaux qu'en présence "de circonstances particulières, indépendantes de la seule volonté des parties" (Cass. civ. 3, 29 avril 2009, n° 08-13.308, FS-P+B N° Lexbase : A6514EGD et nos obs. Sur les conditions de la possibilité de conclure une convention d'occupation précaire, Lexbase Hebdo n° 350 du 14 mai 2009 - édition privée N° Lexbase : N0694BKW).

C - Application du statut des baux commerciaux pendant la période prévue pour rétrocéder le fonds ou le bail préempté

L'ancien article L. 145-2, II, du Code de commerce (N° Lexbase : L5741ISG) prévoyait que les dispositions du statut des baux commerciaux "ne sont également pas applicables, pendant la période de deux ans mentionnée au premier alinéa de l'article L. 214-2 du Code de l'urbanisme (N° Lexbase : L5040I33), aux fonds artisanaux, aux fonds de commerce ou aux baux commerciaux préemptés en application de l'article L. 214-1 du même code (N° Lexbase : L5041I34)".

L'article L. 214-1 du Code de l'urbanisme prévoit la possibilité pour un conseil municipal de délimiter un périmètre de sauvegarde du commerce et de l'artisanat de proximité, à l'intérieur duquel sont soumises au droit de préemption les aliénations à titre onéreux de fonds artisanaux, de fonds de commerce ou de baux commerciaux, ainsi que les aliénations à titre onéreux de terrains portant ou destinés à porter des commerces d'une surface de vente comprise entre 300 et 1 000 mètres carrés.

Aux termes de l'article L. 214-2 du Code de l'urbanisme, le titulaire du droit de préemption doit, dans un certain délai courant à compter de la prise d'effet de l'aliénation à titre onéreux, rétrocéder le fonds artisanal, le fonds de commerce, le bail commercial ou le terrain à une entreprise immatriculée au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, en vue d'une exploitation destinée à préserver la diversité et à promouvoir le développement de l'activité commerciale et artisanale dans le périmètre concerné.

L'ancien article L. 145-2, II, du Code de commerce prévoyait que pendant le délai imparti pour rétrocéder, le statut des baux commerciaux n'était pas applicable.

Le nouvel article L. 145-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L5029I3N) dispose désormais que :
"En cas d'exercice du droit de préemption sur un bail commercial, un fonds artisanal ou un fonds de commerce en application du premier alinéa de l'article L. 214-2 du Code de l'urbanisme, le bail du local ou de l'immeuble demeure soumis au présent chapitre.
Le défaut d'exploitation ne peut être invoqué par le bailleur pour mettre fin au bail commercial dans le délai prévu au même article L. 214-2 pour sa rétrocession à un nouvel exploitant
".

Le bail reste donc désormais soumis au statut des baux commerciaux pendant le délai prévu pour la rétrocession. Le nouveau texte précise également que le défaut d'exploitation ne peut être invoqué par le bailleur pour mettre fin au bail. Il doit être rappelé à cet égard, en l'état actuel de la jurisprudence, que le défaut d'exploitation ne peut pas entraîner la résiliation du bail en l'absence d'une clause imposant l'exploitation effective et continue du fonds dans les lieux loués (Cass. civ. 3, 10 juin 2009, deux arrêts, n° 07-18.618, FS-P+B (N° Lexbase : A0616EIN et n° 08-14.422, FS-P+B N° Lexbase : A0693EII). Le défaut d'exploitation peut, en revanche, justifier une dénégation du droit au renouvellement, le fonds devant "avoir fait l'objet d'une l'exploitation effective au cours des trois années qui ont précédé la date d'expiration du bail ou de sa prolongation" (C. com., art. L. 145-8 N° Lexbase : L5735IS9). S'il est certain, selon la rédaction du nouveau texte, que le bailleur ne pourra pas, même en présence d'une clause imposant l'exploitation du fonds, obtenir la résiliation du bail pour défaut d'exploitation, les nouvelles dispositions ne sont pas aussi claires concernant la possibilité ou non d'invoquer le défaut d'exploitation pour dénier tout droit au renouvellement.

Aucune disposition expresse de la loi ne prévoit les modalités d'application dans le temps de ces nouvelles dispositions.

II - Durée du bail commercial

A - Limitation de la possibilité de conclure des baux à durée ferme

Dans sa rédaction initiale, les deux premiers alinéas de l'article L. 145-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L0803HPG) disposaient que :
"La durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans.
Toutefois, à défaut de convention contraire, le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, dans les formes et délai de l'article L. 145-9
".

Tout en imposant une durée minimale de neuf ans au bail soumis au statut des baux commerciaux, ce texte accorde au preneur la possibilité d'y mettre fin avant le terme contractuel, à l'expiration de chaque période triennale.

Dans son ancienne rédaction, l'article L. 145-4 du Code de commerce prévoyait qu'il était possible pour le preneur de renoncer dès la conclusion du bail à sa faculté de résiliation triennale puisque cette dernière lui était reconnue "à défaut de convention contraire".

Le nouvel article L. 145-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L5030I3P) dispose désormais que :
"La durée du contrat de location ne peut être inférieure à neuf ans.
Toutefois, le preneur a la faculté de donner congé à l'expiration d'une période triennale, dans les formes et délai de l'article L. 145-9. Les baux conclus pour une durée supérieure à neuf ans, les baux des locaux construits en vue d'une seule utilisation, les baux des locaux à usage exclusif de bureaux et ceux des locaux de stockage mentionnés au 3° du III de l'article 231 ter du Code général des impôts
(N° Lexbase : L3966I3B) peuvent comporter des stipulations contraires".

Les termes "à défaut de convention contraire" ont été supprimés. Dans la mesure où les dispositions de l'article L. 145-4 sont impératives (C. com., art. L. 145-15 N° Lexbase : L5032I3R), les parties ne pourront plus, en principe, faire renoncer le preneur à sa faculté de résiliation triennale.

Toutefois, le nouveau texte prévoit la possibilité de déroger ("des stipulations contraires") à la faculté pour le preneur de résilier le bail à l'expiration d'une période triennale lorsque le bail :
- a une durée contractuelle initiale supérieure à neuf ans ;
- porte sur des locaux construits en vue d'une seule utilisation (locaux monovalents) ;
- porte sur des locaux à usage exclusif de bureaux ;
- porte sur des locaux de stockage mentionnés au 3°du III de l'article 231 ter du Code général des impôts ("locaux ou aires couvertes destinés à l'entreposage de produits, de marchandises ou de biens et qui ne sont pas intégrés topographiquement à un établissement de production").

La loi du 18 juin 2014 ne prévoit pas l'application dans le temps de ces nouvelles dispositions.

B - Possibilité pour les ayants-droit du preneur décéder de résilier le bail de manière anticipée

L'article L. 145-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L5030I3P) a été modifié afin de permettre aux ayants-droit du preneur décédé de mettre fin au bail de manière anticipée.

Cette faculté peut être exercée pour les baux en cours dès lors que la succession aura été ouverte postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 18 juin 2014 (article 21 de la loi).

III - Forme du congé

L'ancien article L. 145-9 du Code de commerce (N° Lexbase : L5736ISA) imposait que le congé soit délivré par acte extrajudiciaire. A défaut, et en principe, il ne produisait aucun effet. Désormais, le congé peut être délivré par lettre recommandée avec demande d'avis de réception (C. com. art. L. 145-9 N° Lexbase : L5043I38).

Cette modification répondrait à un souci de simplification. Elle risque au contraire de susciter des difficultés.

Par ailleurs, la demande de renouvellement du preneur ou la réponse du bailleur à cette demande doit toujours être notifiée par acte extrajudiciaire (C. com., art. L. 145-10 N° Lexbase : L5734IS8 et L. 145-11 N° Lexbase : L5739AIE).

IV - Condition du droit au renouvellement

La loi du 18 juin 2014 a abrogé l'article L. 145-13 du Code de commerce (N° Lexbase : L5741AIH).

Ce texte disposait que :
"Sous réserve des dispositions de la loi du 28 mai 1943 relative à l'application aux étrangers des lois en matière de baux à loyer et de baux à ferme, les dispositions de la présente section ne peuvent être invoquées par des commerçants, industriels ou personnes immatriculées au répertoire des métiers de nationalité étrangère, agissant directement ou par personne interposée, à moins que, pendant les guerres de 1914 et de 1939, ils n'aient combattu dans les armées françaises ou alliées, ou qu'ils n'aient des enfants ayant la qualité de Français.
L'alinéa précédent n'est pas applicable aux ressortissants d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen
".

Il avait été jugé que cet article "en ce qu'il subordonne, sans justification d'un motif d'intérêt général, le droit au renouvellement du bail commercial, protégé par l'article 1er du 1er protocole additionnel de la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L1625AZ9), à une condition de nationalité, constitue une discrimination prohibée par l'article 14 de cette même Convention (N° Lexbase : L4747AQU)" (Cass. civ. 3, 9 novembre 2011, n° 10-30.291, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A8907HZW, nos obs. La condition du droit au renouvellement liée à la nationalité du preneur est contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, Lexbase Hebdo n° 275 du 1er décembre 2011 - édition affaires N° Lexbase : N9061BSE).

La loi du 18 juin 2014 tire les conséquences de cette contrariété de ces dispositions à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

V - Fixation du loyer révisé ou renouvelé

1° - Fixation du loyer plafond en fonction de l'indice des loyers commerciaux ou de l'indice des loyers des activités tertiaires

La modification du loyer en renouvellement (C. com., anc. art. L. 145-34 N° Lexbase : L5732IS4) ou dans le cadre d'une révision triennale (C. com., art. L. 145-38 N° Lexbase : L3107IQ7) était en principe plafonnée en fonction de l'évolution "de l'indice national trimestriel mesurant le coût de la construction ou, s'ils sont applicables, de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires".

Le principe du plafonnement a été maintenu mais la loi du 18 juin 2014 a supprimé la référence à l'indice INSEE du coût de la construction. Le loyer sera donc en principe plafonné, en renouvellement (C. com., art. L. 145-34 N° Lexbase : L5035I3U) et dans le cadre d'une révision triennale (C. com., art. L. 145-38 N° Lexbase : L5034I3T), en fonction, soit de l'indice trimestriel des loyers commerciaux, soit de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires. Le texte ne précise pas lequel de ces deux indices doit s'appliquer. Selon toute vraisemblance, ce sera l'indice dont le champ d'application quant à sa validité dans le cadre d'une clause d'indexation (C. mon et financier, art. L. 112-1 et L. 112-2) correspond à l'activité autorisée par le bail. Ce qui ne sera pas sans poser de difficulté lorsque le champ d'application de ces indices en suscite.

Il doit être noté que les dispositions de l'article L. 112-2 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L3110IQA) n'ont pas été modifiées. Ce texte répute en relation directe avec l'objet d'une convention relative à un immeuble bâti toute clause prévoyant une indexation sur la variation de l'indice national du coût de la construction, étant rappelé que cette relation directe entre l'indice et la convention est une condition de validité de la clause d'indexation.

2° - Augmentation par paliers du loyer révisé ou renouvelé

En l'absence de plafonnement du loyer en renouvellement ou en cas de déplafonnement du loyer en renouvellement ou révisé à la suite d'une révision triennale, le loyer était fixé à la valeur locative et, si cette dernière était supérieure au loyer modifié, l'augmentation s'appliquait en totalité dès la date d'effet du nouveau loyer.

En cas de modification du loyer à la suite d'une révision fondée sur l'article L. 145-39 du Code de commerce, ancien (N° Lexbase : L5767AIG) -augmentation du loyer de plus de 25 % par le jeu d'une clause d'indexation-, le loyer, qui n'est pas plafonné dans ce cas, était fixé à la valeur locative et si cette dernière était supérieure au précédent loyer, l'augmentation s'appliquait en totalité.

La loi du 18 juin 2014 remet en cause cette règle puisqu'elle prévoit, dans certains cas, une augmentation par paliers du loyer en renouvellement ou révisé. Il doit être noté qu'en revanche seule l'augmentation du loyer est lissée et non sa diminution.

L'augmentation par paliers suscitera, par ailleurs, des difficultés quant à l'application et aux effets des révisions triennales, à l'application des clauses d'indexation et à la détermination du loyer de base à retenir pour le calcul du loyer plafond (J.-P. Blatter, Le bail commercial dans le projet de loi relatif à l'artisanat, au commercer et aux TPE, AJDI, 2014, p. 118)

a) Loyer en renouvellement

L'article L. 145-34 du Code de commerce (N° Lexbase : L5035I3U) comporte un nouvel alinéa qui dispose que : "en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente".

L'étalement de la hausse du loyer est donc prévu dans deux hypothèses :
- lorsque le déplafonnement est lié à une modification notable des éléments de la valeur locative ;
- lorsque le loyer en renouvellement échappe au plafonnement en raison de la stipulation d'une clause qui prévoirait une durée du bail supérieure à neuf années. Ce dernier cas ne semble pas pouvoir concerner l'absence de plafonnement du loyer en renouvellement du bail d'une durée contractuelle de neuf années mais dont la durée effective est supérieure à douze ans par l'effet de la tacite prolongation (C. com., art. L. 145-34, al. 3).

Dans les autres cas, l'augmentation s'appliquera dans sa totalité à compter de la date d'effet du nouveau loyer.

b) Loyer fixé dans le cadre d'une révision triennale

L'article L. 145-38 du Code de commerce (N° Lexbase : L5034I3T) comporte de nouvelles dispositions selon lesquelles "i>la variation de loyer qui découle [d'un déplafonnement] ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente".

c) Loyer fixé dans le cadre d'une révision fondée sur l'article L. 145-39 du Code de commerce

Le nouvel article L. 145-39 du Code de commerce (N° Lexbase : L5037I3X) précise désormais que "la variation de loyer qui découle de cette révision ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente".

d) Modalités de l'augmentation par paliers

Dans chacune de ces trois hypothèses, l'augmentation ne pourra être supérieure, pour une année, à 10 % du loyer "acquitté" au cours de l'année précédente. La référence au loyer acquitté interroge, dès lors qu'il ne saurait être retenu, pour calculer le montant de l'augmentation, le montant du loyer effectivement réglé par le preneur et non celui qui était dû.

e) Possibilité de prévoir des conventions contraires en matière de loyer en renouvellement

Il doit être rappelé que les règles de fixation du loyer en renouvellement ne sont pas d'ordre public et que les parties peuvent y déroger. Les parties à un bail devraient pouvoir en conséquence mettre conventionnellement à l'écart l'augmentation du loyer par paliers, ce qui ne pourra être le cas pour les baux déjà conclus.

En revanche, pour le lissage de l'augmentation du loyer révisé, les parties ne pourront convenir d'un accord contraire dès lors que les articles L. 145-38 et L. 145-39 du Code de commerce sont d'ordre public aux termes de l'article L. 145-15 du Code de commerce.

f) Application des règles du lissage de l'augmentation dans le temps

L'article 21 de la loi du 18 juin 2014 prévoit que ces nouvelles dispositions s'appliqueront aux contrats conclus ou renouvelés à compter du premier jour du troisième mois suivant la promulgation de ladite loi.

3° - Extension de la compétence de la commission départementale de conciliation

L'article L. 145-35 du Code de commerce a été modifié. Alors qu'il réservait initialement la compétence de cette commission à l'application de l'article L. 145-34 du Code de commerce (plafonnement ou non du loyer en renouvellement : C. com., anc. art. L. 145-35 N° Lexbase : L5763AIB), il prévoit désormais sa compétence (expressément facultative) en matière de révision triennale (C. com. art. L. 145-38 N° Lexbase : L5036I3W) -mais pas pour la révision fondée sur l'article L. 145-39 du Code de commerce-.

4° - Date d'effet du loyer révisé

Il est ajouté une phrase à l'article L. 145-38 du Code de commerce qui précise que "la révision du loyer prend effet à compter de la date de la demande en révision".

Il doit être rappelé que l'article R. 145-20 du Code de commerce (N° Lexbase : L0050HZU), relatif à la révision du loyer, dispose que "le nouveau prix est dû à dater du jour de la demande à moins que les parties ne se soient mises d'accord avant ou pendant l'instance sur une date plus ancienne ou plus récente".

L'objectif de la modification sur ce point de l'article L. 145-38, d'ordre public, semble être de faire obstacle aux clauses du bail qui prévoiraient une date d'effet antérieure à la demande (rapport fait au nom de la commission des affaires économiques, F. Verdier, 29 janvier 2014, page 60).

V - Reprise pour habiter

La loi du 18 juin 2014 a abrogé l'article L. 145-23 du Code de commerce (N° Lexbase : L5751AIT).

Ce texte subordonnait à la nationalité française du bailleur sa faculté d'exercer le droit de reprise des locaux d'habitation accessoires des locaux commerciaux prévu à l'article L. 145-22 du Code de commerce (N° Lexbase : L5750AIS).

Ces dispositions étaient probablement contraires à la Convention de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, à l'instar de ce qui avait été jugé à propos de l'article L. 145-13 du Code de commerce ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 4840707, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "L145-13", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: L5741AIH"}} ; cf. Cass. civ. 3, 9 novembre 2011, n° 10-30.291, FS-P+B+R+I, préc.), également abrogé, compte tenu de leur caractère discriminatoire.

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