La lettre juridique n°574 du 12 juin 2014 : Avocats/Procédure

[Jurisprudence] La notification des conclusions d'appel en cas de constitution tardive de l'intimé : précisions sur le champ d'application de l'article 911 du Code de procédure civile

Réf. : Cass. civ. 2, 10 avril 2014, deux arrêts, n° 12-29.333, F-P+B (N° Lexbase : A0900MKK) et n° 13-11.134, F-P+B (N° Lexbase : A1018MKW)

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par Uguette Pétillion, Avocate au barreau de La Rochelle - Rochefort

le 12 Juin 2014

Par deux arrêts rendus le 10 avril 2014, la Cour de cassation a précisé le champ d'application de l'article 911 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0351IT8) relatif à la notification des conclusions d'appel aux avocats des parties intimées. Il importe de rappeler que dans le cadre de la procédure d'appel avec représentation obligatoire, les parties sont tenues de constituer avocat. Tels sont les termes de l'article 902 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0377IT7), institué par le décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009, réformant la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile (N° Lexbase : L0292IGW), et modifié par le décret n° 2010-1647 du 28 décembre 2010 (N° Lexbase : L9934INA), entré en vigueur le 1er janvier 2011. Dans l'hypothèse où l'intimé n'aurait pas constitué avocat, l'appelant dispose d'un délai d'un mois, à compter de l'avis donné par le greffe, pour lui signifier la déclaration d'appel, ce à peine de caducité de ladite déclaration. Par ailleurs, l'article 908 (N° Lexbase : L0162IPP) institué dans un but de lutter contre les recours dilatoires et d'accélérer l'évacuation de l'appel, impose une célérité et une rigueur absolue à l'appelant. Aussi, il est tenu, à peine de caducité de sa déclaration d'appel, relevée même d'office, de déposer ses conclusions dans le délai de trois mois. Ces conclusions doivent, dans le même délai être adressées à l'intimé. Le statut de ce dernier au moment de ce dépôt est déterminant pour éviter à l'appelant d'encourir la sanction prévue en cas d'inobservation des dispositions de l'article précité. Aussi lorsque l'intimé a constitué avocat à ce moment, l'appelant procède à une simple notification à celui-ci de ses conclusions. En revanche, en l'absence de constitution, l'appelant procède conformément aux dispositions de l'article 911 du Code de procédure civile, selon lesquelles : "Sous les sanctions prévues aux articles 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées dans le mois suivant l'expiration de ce délai aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat". La rédaction ambiguë de cet article suscite des interprétations contradictoires et rend la computation des délais assez délicate. Elle peut être constitutive de pièges pour les plaideurs (1). Par les deux arrêts du 10 avril 2014, la Cour de cassation a précisé le champ d'application de cet article au regard de l'obligation pour l'appelant de notifier ses conclusions à l'avocat de l'intimé en cas de constitution tardive. Il en ressort que l'appelant dispose d'un délai supplémentaire d'un mois pour notifier ses conclusions (I) et qu'il n'est tenu à aucune notification s'il les a précédemment signifiées à l'intimé en personne (II).

I - La prorogation du délai de notification à l'avocat

Eu égard aux termes de l'article 911 précité, il était permis de s'interroger sur le point de départ du délai supplémentaire d'un mois laissé à l'appelant pour signifier ses conclusions à l'intimé : s'agit-il de la date de notification des conclusions au greffe ou de la date d'expiration du délai de trois mois imparti pour conclure ? Telle est la difficulté à laquelle les plaideurs ont été confrontés dans la première espèce (n° 12-29.333).

En effet, par déclaration effectuée au greffe le 13 mai 2011, trois sociétés ont interjeté appel d'un jugement qui les a déboutées de leurs demandes indemnitaires à l'égard de leur adversaire, une société tierce. L'intimée n'a pas constitué avocat dans le délai d'un mois suivant la notification de la déclaration adressée par le greffe. Par exploit du 25 juillet 2011, les appelantes lui ont alors signifié cette déclaration d'appel. Elles ont, par ailleurs, déposé leurs conclusions au greffe le 4 août 2011. Le 10 août 2011, la société intimée a constitué avocat. Le 9 septembre 2011, les appelantes ont notifié leurs conclusions, précédemment déposées au greffe, à l'avocat ainsi constitué. L'intimée a soulevé la caducité de l'appel au motif que la notification par les appelantes de leurs conclusions à l'avocat constitué serait intervenue après le délai de trois mois prévu à l'article 908 du Code de procédure civile. La cour d'appel a prononcé la caducité de l'appel au motif que la société intimée a dûment informé les appelantes de sa constitution d'avocat le 10 août 2011, avant l'expiration du délai de trois mois imparti pour le dépôt de leurs conclusions au greffe, de sorte qu'elles ne bénéficiaient pas du délai supplémentaire d'un mois prévu à l'article 911 du Code de procédure civile pour les lui notifier.

La Cour de cassation, au visa des articles 906, 908 et 911 du Code de procédure civile, casse cette décision en rappelant, dans un attendu de principe qu'"à peine de caducité de sa déclaration d'appel, l'appelant dispose d'un délai d'un mois, courant à compter de l'expiration du délai de trois mois pour la remise de ses conclusions au greffe, pour les signifier aux parties qui n'ont pas constitué avocat, ou, pour celles qui ont constitué avocat après la remise des conclusions au greffe, les notifier à ce dernier". Elle retient alors que la remise des conclusions au greffe des appelantes étant intervenue avant la constitution d'avocat de l'intimé, les appelants disposaient donc du délai supplémentaire d'un mois suivant l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article 908 du Code de procédure civile pour notifier leurs conclusions à l'avocat ainsi constitué.

La deuxième chambre civile réaffirme ici sa position précédemment adoptée dans un arrêt du 27 juin 2013 (2), également rendu au visa des articles 906, 908 et 911. La cour d'appel de Poitiers (3) s'était précédemment prononcée sur cette question en adoptant la même solution. Le point de départ pour le bénéfice du délai supplémentaire d'un mois pour notifier ses conclusions à l'avocat de l'intimé constitué tardivement est donc fixé à la date d'expiration du délai de trois mois prévu à l'article 908 du Code de procédure civile. Cet allongement est néanmoins subordonné à la constitution de l'intimé postérieurement à la remise par l'appelant de ses conclusions au greffe. Celui-ci devra donc particulièrement vérifier si au moment du dépôt de ses conclusions au greffe, l'intimé a ou non constitué avocat. En effet, il ressort que le fait générateur du bénéfice du délai supplémentaire est la remise au greffe des conclusions d'appelant avant la constitution d'avocat de l'intimé.

Dans l'arrêt commenté, la Cour de cassation réaffirme donc sa position selon laquelle l'appelant dispose d'un délai de quatre mois (3 + 1) à compter de la déclaration d'appel pour notifier ses conclusions à l'avocat de l'intimé qui s'est constitué postérieurement au dépôt de ses conclusions au greffe. Cet arrêt a le mérite d'anéantir toute velléité dilatoire de la part de l'intimé dont l'intention serait de rechercher la caducité de la déclaration d'appel en constituant avocat à la lisière de l'expiration du délai imparti à l'appelant pour déposer ses conclusions. Pour éviter toute difficulté, il serait judicieux pour l'appelant, de signifier ses conclusions à l'intimé en même temps qu'il en effectue le dépôt au greffe. Dans ce cas, il n'est tenu à aucune notification à l'avocat constitué postérieurement.

II - L'absence de notification à l'avocat constitué après signification à partie

La lecture des dispositions de l'article 911 précité suscite pour le plaideur une autre interrogation à savoir : l'appelant est-il tenu de notifier ses conclusions au conseil de l'intimé alors même qu'une signification a précédemment été faite à ce dernier en personne ? Cette difficulté a été soulevée dans la seconde espèce soumise à l'examen de la Cour de cassation le 10 avril 2014 (n° 13-11.134).

En l'espèce, les appelants ont effectué leur déclaration d'appel le 8 juillet 2011 contre un jugement qui les a déboutés de leur demande à l'encontre de l'intimé. Ils ont déposé leurs conclusions au greffe de la cour le 5 septembre 2011, puis les ont signifiées à l'intimé, qui n'a constitué avocat que le 3 octobre 2011, soit postérieurement à cette signification. Celui-ci a sollicité la caducité de la déclaration d'appel au motif que les appelants n'ont pas notifié leurs conclusions à son conseil, dans le délai de trois mois, alors même qu'ils ont été informés de sa constitution avant l'expiration dudit délai.

La cour d'appel a prononcé la caducité de la déclaration d'appel en considérant qu'il résulte des dispositions des articles 908 et 911 du Code de procédure civile que les conclusions de l'appelant doivent être notifiées aux avocats constitués dans le délai de trois mois de la déclaration d'appel, délai éventuellement augmenté en application de l'article 911-2 du même code ; que l'intimé ayant informé les appelants de sa constitution dans le délai de trois mois, ceux-ci étaient tenus de notifier leurs conclusions à son conseil, dans le même délai, augmenté d'un mois, un des appelants résidant en France métropolitaine, ce qu'ils n'ont pas fait.

La deuxième chambre civile sanctionne cette décision en considérant que la cour d'appel a violé les dispositions des articles 906 et 911 du Code de procédure civile. Au visa de ces articles et dans un attendu de principe, elle retient que "l'appelant ayant remis au greffe et signifié ses conclusions à partie n'est pas tenu de les notifier à l'avocat de cette partie constitué postérieurement à la signification".

Cette solution s'explique aisément puisque qu'il ressort de la lecture a contrario de l'arrêt de la cour d'appel qu'elle semble avoir posé une double condition sous laquelle les appelants pourraient échapper à la caducité attachée à l'obligation de notifier leurs conclusions au conseil de l'intimé tardivement constitué. Il en résulte l'exigence d'une part, d'une constitution de l'intimé après le troisième mois à compter de la déclaration d'appel, et d'autre part, d'une signification préalable des conclusions à l'intimé dans ce même délai. Dans ces conditions, l'appelant n'encourt pas de caducité en raison de l'absence de notification de ses conclusions au conseil de l'intimé postérieurement constitué.

La Cour de cassation sanctionne ce raisonnement qui est totalement contraire aux dispositions de l'article 911 du Code de procédure civile. Aussi, l'appelant qui a remis ses conclusions au greffe et les a signifiées à partie n'est pas tenu de les notifier au conseil de celle-ci, constitué postérieurement à cette signification. La seule signification à partie des conclusions antérieurement à la constitution de l'avocat suffit. L'obligation de notification des conclusions à l'avocat de l'intimé prévue à l'article 911 précité n'existe donc que dans la mesure où la signification n'a pas été faite à l'intimé avant la constitution de son avocat. Il importe, en conséquence, peu que cette constitution soit intervenue dans le délai de trois mois imparti à l'appelant pour conclure. Ce qui est totalement conforme à la lettre de cet article in fine qui exige la notification à l'avocat constitué que dans l'hypothèse où la constitution est effectuée "avant la signification des conclusions".

Les précisions apportées par les arrêts rapportés, lesquels ont été publiés au Bulletin civil ainsi qu'au bulletin bimensuel de la Cour de cassation, ont le mérite de la simplification de la computation des délais dans la pratique de la procédure d'appel avec représentation obligatoire.


(1) Voir à ce titre J. Junillon et R. Laffly, Décrets Magendie, deux années de jurisprudence, JCP éd. G, n° 9, 25 février 2013, p. 434 et s..
(2) Cass. civ. 2, 27 juin 2013, n° 12-20.529, FS-P+B (N° Lexbase : A2974KIY).
(3) CA Poitiers, 27 février 2013, n° 12/00129 (N° Lexbase : A7653I8X).

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