Lexbase Droit privé n°572 du 29 mai 2014 : Procédure civile

[Chronique] Chronique de procédure civile - mai 2014

Lecture: 18 min

N2414BUX

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

[Chronique] Chronique de procédure civile - mai 2014. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/16854538-chronique-chronique-de-procedure-civile-mai-2014
Copier

par Etienne Vergès, Professeur à l'Université de Grenoble, membre de l'Institut universitaire de France

le 29 Mai 2014

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique d'actualité en procédure civile réalisée par Etienne Vergès, agrégé des facultés de droit et Professeur à l'Université de Grenoble II, membre de l'Institut universitaire de France. L'auteur fait, d'abord, une présentation de l'action de groupe, introduite par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation ; ensuite, il s'intéresse à certaines décisions concernant les clauses de conciliation (Cass. com., 29 avril 2014, n° 12-27.004, n° 12-27.004, F-P+B), les principes directeurs du procès (Cass. civ. 2, 3 avril 2014, n° 14-01.414, F-P+B et Cass. civ. 1, 12 février 2014, n° 13-13.581, F-P+B+I), l'exécution provisoire (Cass. civ. 2, 27 février 2014, n° 12-24.873, FS-P+B) et, enfin, la procédure devant la cour d'appel (Cass. civ. 2, 10 avril 2014, n° 13-11.134, F-P+B et Cass. civ. 2, 20 mars 2014, n° 13-11.273, F-P+B). I - Présentation synthétique de l'action de groupe

Après plusieurs décennies de travaux et de débats, l'action de groupe fait son entrée dans le droit français grâce à la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation (N° Lexbase : L7504IZX).

Cette loi a introduit l'action de groupe dans le Code de la consommation (C. consom., art. L. 423-1 N° Lexbase : L7589IZ4 et suivants). Il s'agit d'une entrée timide, car cette action, si elle présente les grandes caractéristiques d'une action collective, possède d'importantes limites à la fois pour les justiciables et pour les professionnels du droit. Ainsi, l'action de groupe française se distingue-t-elle nettement du modèle américain de class action. Dans cette chronique, nous avons choisi de proposer une présentation synthétique, qui cherche à répondre aux principales questions pratiques nécessaires à la mise en oeuvre de cette action.

1) Qui peut agir ?

Sur le fond, l'action de groupe est réservée aux consommateurs ayant subi un préjudice individuel qui trouve sa cause dans le manquement d'un professionnel à ses obligations légales ou contractuelles. Le domaine de l'action est doublement limité. Il ne concerne que les préjudices patrimoniaux résultant de dommages matériels. De plus, ces préjudices doivent être nés à l'occasion de la vente d'un bien, de la fourniture d'un service ou ils peuvent résulter d'une pratique anticoncurrentielle (ententes, abus de position dominante, etc.). Ont ainsi été exclus les préjudices personnels (corporels ou moraux), liés notamment aux actions en responsabilités dans le domaine médical ou environnemental. Ont également été exclues les personnes morales.

D'un point de vue procédural, l'exercice de l'action est réservé aux associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées. La qualité pour agir est ainsi restreinte et un particulier ne pourra, même avec l'assistance d'un avocat, exercer l'action de groupe. Cette limitation a été très critiquée par les avocats. Toutefois, la lourdeur de la procédure nécessite des investissements en temps et en argent qui ne correspondent pas réellement aux moyens des consommateurs français.

2) Quelles sont les conditions spécifiques à l'action de groupe ?

L'action de groupe doit concerner des préjudices individuels subis par des consommateurs placés dans une situation "similaire ou identique". Par ailleurs, tous ces préjudices doivent trouver leur "cause commune" dans le manquement d'un même professionnel. Il s'agit de conditions particulières qui alourdissent la charge de la preuve reposant sur l'association de consommateurs. Celle-ci doit démontrer l'existence de préjudices similaires subis par les consommateurs ; mais également le fait que ces préjudices trouvent leur source dans un manquement unique d'un professionnel.

L'effet de groupe constitue ainsi tout à la fois la force et la faiblesse de cette action. Elle est adaptée aux litiges impliquant les opérateurs de téléphonie mobile ou aux actions en garantie des vices cachés, lorsque des préjudices sériels peuvent être prouvés sans difficulté. En revanche, elle correspond mal aux actions en responsabilités dans lesquelles les données personnelles de la victime sont importantes (participation de la victime au dommage, combinaisons de plusieurs causes, etc.).

Pour adapter les techniques probatoires à cette action, l'article L. 423-3 du Code de la consommation (N° Lexbase : L7591IZ8) prévoit que le juge se détermine "au vu des cas individuels présentés par l'association". C'est une nouveauté probatoire qui consiste à présenter en justice des cas typiques pour mettre en évidence des préjudices standardisés. Ces cas typiques doivent être représentatifs des préjudices subis par tous les membres du groupe.

3) Quelles sont les grandes étapes de la procédure ?

  • Le jugement sur la responsabilité

Le droit français a compressé la procédure de l'action de groupe, de sorte que le juge est amené à se prononcer dans le même jugement sur la recevabilité et sur le bien-fondé de l'action. Il s'agit là d'une différence majeure avec la class action, qui se décompose en deux temps : la phase de certification (recevabilité) et la phase sur le bien-fondé de l'action.

Dans le modèle français, le juge statue dans un même jugement sur :

- la responsabilité du professionnel ;

- la définition des préjudices réparables. Il peut s'agir du montant des préjudices ou des critères permettant leur évaluation ; il peut également s'agir d'une réparation en nature dont le juge fixe les modalités ;

- la définition du groupe de consommateurs victimes et les critères de rattachement à ce groupe ;

- le délai d'adhésion au groupe (2 à 6 mois) : le législateur a choisi le système dit de "l'opt-in" qui consiste à inclure dans le groupe uniquement les consommateurs qui en font la demande ;

- les modalités d'information des consommateurs potentiellement visés par la procédure. Cette information ne peut être mise en oeuvre que lorsque les voies de recours sont épuisées (ordinaires et pourvoi en cassation) ;

- le délai dans lequel le professionnel doit avoir indemnisé les consommateurs.

  • La phase d'exécution

Comme dans une procédure ordinaire, une fois la condamnation du professionnel acquise, celui-ci doit exécuter la décision de justice. Ce qui n'ira pas sans difficulté, puisque le préjudice peut n'avoir été déterminé que de façon abstraite. En effet, dès lors que les membres du groupe n'ont pas été identifiés lors de la phase de jugement, il est possible que la juridiction définisse seulement une clé de calcul des dommages et intérêts (une équation mathématique) (1). Par ailleurs, il est possible que le professionnel conteste le dommage subi par le consommateur qui se prétend victime (son existence ou son montant).

  • Le contentieux éventuel sur les difficultés d'exécution

Pour résoudre les problèmes d'exécution, le législateur a institué une seconde phase contentieuse. L'article L. 423-12 du Code de la consommation (N° Lexbase : L7599IZH) dispose que "le juge ayant statué sur la responsabilité tranche les difficultés qui s'élèvent à l'occasion de la mise en oeuvre du jugement". La formule est laconique et le code n'indique pas si le juge doit être saisi par les consommateurs (solution qui semble logique) ou par le professionnel (solution qui découle de sa qualité de personne condamnée qui soulève une difficulté d'exécution). En revanche, le code précise que le juge "statue dans un même jugement sur toutes les demandes d'indemnisation auxquelles le professionnel n'a pas fait droit". Cette précision est importante, car elle évite une dissociation des instances et un allongement de la procédure d'indemnisation. Les consommateurs sont alors représentés par l'association.

En conclusion, l'action de groupe est une avancée modeste. Certes, d'un point de vue procédural, il s'agit d'une réelle innovation ; mais du point de vue de la responsabilité civile, la limitation des préjudices réparables réduit le champ d'application de l'action de groupe aux petits litiges de la consommation. C'est d'ailleurs essentiellement ces litiges qui ont été visés par le législateur. Toutefois, l'action de groupe pourrait étendre son application au domaine de la responsabilité médicale, si l'on s'en tient aux récentes déclarations de la ministre de la Santé. Cette dernière a annoncé en février 2014 que la prochaine loi relative à la santé inclurait une action de groupe au profit des patients.

II - Clauses de conciliation

  • Pour produire un effet procédural, la clause de conciliation insérée dans un contrat doit prévoir des "conditions particulières" (Cass. com., 29 avril 2014, n° 12-27.004, F-P+B N° Lexbase : A6953MKQ ; cf. l’Ouvrage Procédure civile N° Lexbase : E5590EUL)

Depuis un célèbre arrêt rendu en Chambre mixte, la Cour de cassation a affirmé qu'une clause de conciliation introduite dans un contrat "constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent"(2). Depuis, la Haute juridiction a eu l'occasion de préciser les conditions de mises en oeuvre de cette fin de non-recevoir. Par exemple, la clause de conciliation ne fait pas obstacle à la saisine du juge sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile, dans le but de réunir des preuves, ou d'interrompre un délai (3). De surcroît, la Cour de cassation a précisé que lorsque la clause instituait une procédure de conciliation spécifique, cette procédure ne pouvait être contournée par les parties. Le simple constat de l'échec du règlement amiable ne permettait pas d'ouvrir la voie de l'action en justice ; encore fallait-il se plier à la procédure définie par le contrat (4).

Cette évolution jurisprudentielle a donné une très grande force juridique aux clauses de conciliation et il est apparu que la fin de non-recevoir sanctionnait l'ensemble de ces clauses.

L'arrêt commenté du 29 avril 2014 opère une mise au point importante et atténue la portée que l'on avait attribuée à cette jurisprudence. En l'espèce, un litige était né à propos de l'exécution d'un contrat de prestation informatique. Le contrat contenait une clause qui prévoyait que les parties soumettraient leur différend à un règlement amiable préalable. Il s'agissait d'une clause standard qui n'aménageait aucune procédure de conciliation. Le client n'avait pas respecté la clause. Il avait simplement mis en demeure le prestataire de s'exécuter, puis avait eu recours à un autre prestataire, faisant ainsi échec à toute perspective d'entente amiable. Il avait ensuite agi en responsabilité contre le prestataire défaillant.

L'attitude du client constituait une violation de la clause de conciliation, et il semblait évident que ce dernier allait se heurter à la fin de non-recevoir instituée par la jurisprudence. C'est d'ailleurs dans ce sens qu'a statué la cour d'appel en déclarant le demandeur irrecevable en toutes ses demandes.

Devant la Cour de cassation, l'auteur du pourvoi invoquait une distinction entre les clauses qui instituent une procédure obligatoire de conciliation et celles qui prévoient simplement l'obligation pour les parties de tenter un règlement amiable de leur différend. La Cour de cassation a repris cette distinction en affirmant que :

"la clause contractuelle prévoyant une tentative de règlement amiable, non assortie de conditions particulières de mise en oeuvre, ne constitue pas une procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, dont le non-respect caractérise une fin de non-recevoir s'imposant à celui-ci".

A première vue, la solution semble marquer un net retrait par rapport à la jurisprudence développée depuis 2003. En réalité, il ne s'agit que d'un rappel sous la forme d'une mise au point. En effet, dans son arrêt de principe de 2003, la Chambre mixte affirmait déjà que :

"la clause d'un contrat instituant une procédure de conciliation obligatoire et préalable à la saisine du juge [...] constitue une fin de non-recevoir qui s'impose au juge si les parties l'invoquent".

L'arrêt du 9 avril 2014 ne fait donc que reprendre cette solution en précisant sa portée. Dès 2003, pour être sanctionnée par une fin de non-recevoir, la clause devait "instituer une procédure de conciliation obligatoire". En 2014, la formule est plus large. La clause doit être "assortie de conditions particulières de mise en oeuvre". Pour produire son effet procédural, la clause ne doit donc pas nécessairement aménager une "procédure de conciliation". Selon certains auteurs, elle doit définir a minima un délai dans lequel les parties doivent tenter de se concilier (5). On peut également imaginer que la clause peut prévoir la rencontre préalable des parties, la résolution du différend par le service juridique de chacune des entreprises, le recours à un médiateur, la désignation d'un expert, etc.

Il reste à savoir quel est l'effet d'une clause qui se contente de prévoir qu'en cas de différend, les parties tenteront de se concilier. En l'absence d'effet procédural, la portée juridique de la clause est faible, mais elle n'est pas inexistante. Le contractant qui contourne la clause en agissant directement devant les juridictions, engagera sa responsabilité contractuelle et s'exposera à des dommages et intérêts.

III - Principes directeurs du procès

  • Impartialité : le cumul de fonctions entre décision au fond et contentieux sur l'exécution (Cass. civ. 2, 3 avril 2014, n° 14-01.414, F-P+B N° Lexbase : A6243MI3 ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1321EUH)

L'impartialité des juridictions civiles, qui est imposé par l'article 6 § 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme (N° Lexbase : L7558AIR) suscite des difficultés fréquentes liées au cumul de fonctions. Un magistrat est souvent amené à occuper des fonctions différentes et, parfois, à connaître une même affaire à deux reprises. La méthode pour savoir si le magistrat demeure impartial consiste à apprécier s'il a acquis un parti-pris, lors du premier examen de l'affaire.

Une nouvelle espèce illustre cette question à propos d'une affaire dans laquelle un couple a été condamné au fond par une cour d'appel. La juridiction du fond a délivré un titre exécutoire. Les époux ont alors saisi le juge de l'exécution, puis ils ont contesté la décision du juge de l'exécution. Le litige sur l'exécution a alors été soumis à la cour d'appel, composée des mêmes magistrats que ceux qui avaient prononcé la décision au fond. Le couple a sollicité leur récusation et cette demande a été portée devant la Cour de cassation.

La Haute juridiction rend un arrêt très clair, dans lequel elle affirme que :

"le défaut d'impartialité d'une juridiction appelée à connaître de la contestation de la mesure d'exécution forcée d'une décision de justice ne peut résulter du seul fait qu'elle ait précédemment connu de l'appel formé contre cette décision".

Cette solution se situe dans la continuité des principes jurisprudentiels applicables à l'impartialité des juridictions. Le cumul de fonctions n'est pas, en lui-même, une source de partialité. Pour établir le défaut d'impartialité, il faut montrer que le magistrat a acquis un parti-pris selon une appréciation in concreto. En l'espèce, le premier contentieux portait sur le fond de l'affaire et le second sur l'exécution de la décision. Les problèmes juridiques étaient ainsi nettement différents.

  • Principe du contradictoire : le majeur sous curatelle doit être informé de son droit d'accès au dossier (Cass. civ. 1, 12 février 2014, n° 13-13.581, F-P+B+I N° Lexbase : A1264MEK ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E6895RTK)

Voici un arrêt déjà largement commenté (6), qui illustre le large spectre du principe du contradictoire et la manière dont la Cour de cassation veille à son application effective, en créant des obligations qui ne sont pas expressément prévues dans les textes.

Les faits de l'espèce étaient assez simples. Un majeur avait été placé sous curatelle renforcée et la procédure querellée portait sur le maintien de cette mesure pour une durée de 5 ans. Dans son pourvoi, le majeur protégé reprochait au juge des tutelles de ne l'avoir pas informé de son droit de consulter le dossier de la procédure, et particulièrement d'avoir accès aux expertises médicales.

Pourtant, le Code de procédure civile aménage un libre accès au dossier directement au profit du majeur protégé. L'article 1222-1 dudit code (N° Lexbase : L4025IC3) dispose ainsi que le dossier peut être consulté au greffe "à tout moment de la procédure" et "par le majeur à protéger ou protégé". L'accès au dossier n'était donc pas en cause dans cette affaire. En revanche, le majeur n'ayant pas été assisté d'un avocat, il n'avait pas eu connaissance de son droit d'accès, et il reprochait au juge de ne pas lui avoir délivré cette information.

Dans des circonstances ordinaires, une partie peut difficilement reprocher à un juge de ne pas l'informer de l'ensemble de ses droits procéduraux. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, il s'agissait d'une personne vulnérable qui méritait une assistance particulière de la part de l'institution judiciaire. Un auteur rappelle d'ailleurs que dans une rédaction antérieure, le Code de procédure civile prévoyait que le juge devait faire connaître à la personne à protéger la possibilité qui lui était offerte de consulter son dossier au greffe (7). Cette obligation d'information a disparu du code, mais la Cour de cassation la réintroduit par cet arrêt en affirmant qu'"il ne résulte ni des énonciations de l'arrêt, ni des pièces de la procédure, que M. X..., qui n'était pas assisté lors de l'audience, ait été avisé de la faculté qui lui était ouverte de consulter le dossier au greffe, de sorte qu'il n'est pas établi qu'il ait été mis en mesure de prendre connaissance, avant l'audience, des pièces présentées à la juridiction, partant de les discuter utilement".

L'arrêt est intéressant, car il montre que si le contradictoire se limite ordinairement dans la faculté de prendre connaissance des pièces présentées au juge et de les discuter, les exigences sont plus élevées lorsqu'une partie est une personne vulnérable qui a choisi de se défendre seule. Dans cette circonstance, le juge a également l'obligation d'informer le justiciable de l'existence du droit d'accéder au dossier.

IV - Exécution provisoire

  • L'aménagement de l'exécution provisoire des décisions de justice relève du pouvoir discrétionnaire du juge (Cass. civ. 2, 27 février 2014, n° 12-24.873, FS-P+B N° Lexbase : A0911MGT ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1673EUI)

L'arrêt du 27 février 2014 apporte une précision importante qui, sans être tout à fait nouvelle, semble ne pas avoir retenu une grande attention en doctrine. Il s'agit du premier arrêt publié au bulletin affirmant de façon générale que l'aménagement de l'exécution provisoire relève du pouvoir discrétionnaire du premier président de la cour d'appel.

En l'espèce, une partie avait été condamnée en première instance et elle demandait au premier président de la cour d'appel d'aménager cette exécution en consignant le montant des condamnations prononcées à son encontre, comme le permet l'article 521 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6662H7U). L'appelant prétendait que l'intimé ne serait pas en mesure de lui rembourser ces sommes en cas de succès de son appel. Le rejet de cette demande fut accompagné d'une motivation sommaire. Cette décision fut attaquée devant la Cour de cassation sur le fondement de l'obligation de motivation, l'auteur rappelant qu'une motivation par voie de simple affirmation équivaut à une absence de motivation.

Le pourvoi est néanmoins rejeté et la Cour de cassation affirme que "le pouvoir, prévu à l'article 521 du Code de procédure civile, d'aménager l'exécution provisoire étant laissé à la discrétion du premier président, le grief s'attaque à des motifs surabondants".

La solution est conforme à une jurisprudence aussi discrète que constante. Dans un arrêt de 1995, la Haute juridiction a affirmé que le fait de ne pas subordonner l'exécution provisoire à la constitution d'une garantie était un pouvoir laissé à la discrétion du premier président (8). Certains auteurs ont affirmé que la solution ne pouvait être la même lorsque le juge décidait d'aménager l'exécution provisoire, car cet aménagement repose sur les conséquences manifestement excessives que risque d'entraîner l'exécution (C. pr. civ., art. 524, 2° N° Lexbase : L6668H74). Il y a là un motif à contrôler par la Cour de cassation (9). Pourtant, la Haute juridiction n'a pas suivi cette ligne de conduite. Au visa des articles 521 (N° Lexbase : L6662H7U) et 524, 2°, du Code de procédure civile, elle a affirmé que le pouvoir d'aménager une exécution provisoire était discrétionnaire et qu'il n'était pas subordonné à la constatation préalable des conséquences manifestement excessive de l'exécution (10). La solution a été confirmée par un autre arrêt dans lequel la deuxième chambre civile affirme clairement que "c'est dans l'exercice des pouvoirs laissés à sa discrétion par les articles 521 et 524-2° du Code de procédure civile que le premier président a décidé d'aménager l'exécution provisoire" (11).

En définitive, c'est donc dans son ensemble (C. pr. civ., art. 517 [LXB=L6654H7L ] à 522), que le pouvoir d'aménager l'exécution provisoire est laissé à la discrétion du juge, qui n'a, dès lors, pas à motiver sa décision.

V - Procédure devant la cour d'appel

Plusieurs arrêts récents rendus à propos de la procédure d'appel méritent d'être signalés rapidement.

  • Cass. civ. 2, 10 avril 2014, n° 13-11.134, F-P+B (N° Lexbase : A1018MKW ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E5675EYT)

Le premier concerne la question toujours sensible de la communication des conclusions. L'article 911 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0351IT8), tel qu'il a été interprété par la jurisprudence, prévoit que les conclusions sont signifiées aux parties qui n'ont pas constitué avocat dans les quatre mois à compter de la déclaration d'appel (12). Le même article ajoute que si une partie a constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification entre avocats.

Cette combinaison entre signification à partie et notification entre avocats a donné lieu à une difficulté d'interprétation tranchée par l'arrêt commenté du 10 avril 2014. Dans cette affaire, l'appelant avait signifié dans les délais ses conclusions à son adversaire, qui n'avait pas encore constitué avocat. Toutefois, dans un délai d'un mois -inférieur à celui prévu pour la remise au greffe des conclusions- l'intimé avait constitué avocat. Par une interprétation audacieuse, la cour d'appel a prononcé la caducité de l'appel en affirmant "qu'il résulte des dispositions des articles 908 et 911 du Code de procédure civile que les conclusions de l'appelant doivent être notifiées aux avocats constitués dans les trois mois de la déclaration d'appel". En d'autres termes, la juridiction du second degré imposait l'obligation de notification à l'avocat, alors même que l'appelant avait préalablement signifié ses conclusions à son adversaire. Selon cette interprétation, la validité de l'appel était soumise à une double condition : signification et notification.

La Cour de cassation n'a pas été convaincue par cet argumentation et elle a cassé l'arrêt d'appel en affirmant que "l'appelant ayant remis au greffe et signifié ses conclusions à partie n'est pas tenu de les notifier à l'avocat de cette partie constitué postérieurement à la signification"

Cette clarification est bienvenue, car la communication des conclusions, si elle est une condition indispensable au respect du contradictoire, ne doit pas se muer en un formalisme administratif aussi inutile que coûteux. A partir du moment où l'intimé a reçu des conclusions par voie de signification, on imagine qu'il aura l'idée judicieuse de les communiquer à son avocat.

  • Cass. civ. 2, 20 mars 2014, n° 13-11.273, F-P+B (N° Lexbase : A7647MHP ; cf. l’Ouvrage "Procédure civile" N° Lexbase : E1367EU8)

Le second arrêt à signaler est intéressant, car il résout une contradiction délicate entre la position de demandeur en première instance et d'intimé dans l'instance d'appel. Dans cette affaire, le liquidateur d'une société a assigné les anciens dirigeants en responsabilité pour insuffisance d'actif. Les défendeurs ont été condamnés en première instance et ont fait appel. Avant que ces derniers ne présentent une argumentation au fond, le liquidateur a procédé à un désistement d'instance. La cour d'appel a constaté ce désistement et a donné au liquidateur acte de sa renonciation au bénéfice du jugement frappé d'appel. Les anciens dirigeants de la société ont alors formé un pourvoi en cassation et la Haute juridiction s'est trouvée face à une contradiction interne au Code de procédure civile. En effet, l'article 394 (N° Lexbase : L6495H7P) dispose que le demandeur peut en toute matière se désister de sa demande en vue de mettre fin à l'instance. Mais cet article ne concerne que le désistement en première instance. En effet, le demandeur en première instance ne conserve pas nécessairement cette position tout au long du procès. Tel était le cas dans l'affaire étudiée. Les défendeurs condamnés en première instance avaient formé un appel et le demandeur initial avait alors pris la position d'intimé. Il ne pouvait plus se prévaloir du bénéfice du désistement d'instance. C'est d'ailleurs en ce sens que tranche la Cour de cassation, en affirmant "qu'étant intimé en cause d'appel, [le liquidateur] ne pouvait pas se désister de l'instance".

La solution est tout à la fois logique et souhaitable. D'une part, la position de demandeur n'est pas immuable dans un procès qui se décompose de plusieurs instances. D'autre part, les appelants ont un intérêt à voir réformer un jugement qui les condamne, même si l'intimé a renoncé au bénéfice de ce jugement.


(1) Lorsque les consommateurs lésés sont connus, il est possible de recourir à une procédure d'action de groupe simplifiée prévue à l'article L. 423-10 du Code de la consommation (N° Lexbase : L7615IZ3).
(2) Cass. mixte, 14 février 2003, n° 00-19.423 (N° Lexbase : A1830A7W).
(3) Cass. civ. 3, 28 mars 2007, n° 06-13.209, FS-P+B (N° Lexbase : A8065DUA), cf. nos obs. in Chronique de procédure civile, Lexbase Hebdo n° 259 du 10 mai 2007 - édition privée (N° Lexbase : N0426BBE).
(4) Cass. civ. 1, 30 octobre 2007, n° 06-13.366, F-P+B (N° Lexbase : A2306DZG).
(5) H. Croze, Notion de procédure de conciliation obligatoire préalable à la saisine du juge, JCP éd. G, 2014, n° 607.
(6) AJ Famille, n° 3, mars 2014, p. 189-190, note Th. Verheyde, Procédures, n° 4, avril 2014, comm. n° 111, p. 25-26, note M. Douchy-Oudot, Droit de la famille, n° 4, avril 2014, comm. n° 65, p. 33-34, note I. Maria.
(7) I. Maria, Contrôle drastique du principe du contradictoire en matière de protection juridique des majeurs, Droit de la famille 2014, précité.
(8) Cass. civ. 2, 29 mars 1995, n° 93-16.252 (N° Lexbase : A7851ABE).
(9) En ce sens, L. Cadiet, E. Jeuland, Droit judiciaire privé, 8ème éd., n° 835.
(10) Cass. civ. 2, 9 septembre 2010, n° 09-67.291, F-D (N° Lexbase : A9595E8U).
(11) Cass. civ. 2, 12 juillet 2012, n° 11-25.349, F-D (N° Lexbase : A8147IQS).
(12) Cass. civ. 2, 27 juin 2013, n° 12-20.529, FS-P+B (N° Lexbase : A2974KIY).

newsid:442414

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.