Le Quotidien du 20 mai 2024 : Droit rural

[Brèves] Droit de reprise du bailleur au profit d’un descendant : le juge doit vérifier si l’opération n’est pas soumise à déclaration préalable !

Réf. : Cass. civ. 3, 25 avril 2024, n° 22-12.247, F-D N° Lexbase : A522129A

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par Christine Lebel, Maître de conférences HDR à l’Université de Franche-Comté

le 17 Mai 2024

► Lorsqu’il est saisi d’un litige relatif à un congé délivré par le bailleur pour reprise au profit d’un descendant majeur, sur le fondement de l’article L. 411-47 du Code rural et de la pêche maritime, le juge doit rechercher, lorsque cela lui a été demandé, si l’opération n’est pas soumise à une déclaration préalable, en application de l’article L. 331-2, II, du même code.

Par un arrêt rendu le 25 avril 2024, la Cour de cassation précise qu’en présence d’un congé pour reprise par le bailleur au profit d’un descendant majeur, la cour d’appel, doit, lorsque cela lui a été demandé, vérifier si l’opération de reprise est soumise ou non au régime dérogatoire de la déclaration préalable, au regard de la législation du contrôle des structures ; tout spécialement lorsque le bénéficiaire de la reprise est un exploitant pluriactif. En censurant la cour d’appel, la Haute cour indique que cette seule qualité ne l’exclut pas du champ d’application du régime dérogatoire de la déclaration préalable des opérations portant transmission familiale d’exploitations agricoles (C. rur., art. L. 331-2, II N° Lexbase : L4559I4M).

En l’espèce, les parcelles agricoles détenues par les membres d’une famille ont été données à bail rural. En raison du décès des bailleurs initiaux, la propriété de deux parcelles a été démembrée, ainsi l’usufruit était détenu en totalité pour l’une et en partie pour la seconde à un membre de la famille, la nue-propriété appartenant à deux autres personnes de la même famille. Parmi ces derniers, l’un est exploitant agricole pluriactif, car il exerce une autre activité professionnelle (chargé d'affaires agricoles) et est également propriétaire de deux parcelles, d’une superficie totale d’environ 30 hectares. Les consorts ont fait délivrer, le 30 mars 2015, un congé au preneur à effet du 30 septembre 2016, pour reprise au profit de l’un d’entre eux, agriculteur pluriactif et le preneur a saisi le tribunal paritaire des baux ruraux aux fins de contestation de ce congé. Le tribunal a validé le congé des consorts et le preneur a interjeté appel.

Par un arrêt du 14 décembre 2021, la cour d’appel (CA Amiens, 14 décembre 2022, n° 19/08702 N° Lexbase : A08137G9) relève que le congé est valable dans sa forme. Toutefois, elle annule le congé au motif qu’en application de l’article L. 331-2, I, 3° du Code rural et de la pêche maritime, sont soumises à autorisation préalable, quelle que soit la superficie en cause, les installations, les agrandissements, ou les réunions d'exploitations agricoles au bénéfice d'une exploitation agricole, lorsque l'exploitant est un exploitant pluriactif remplissant les conditions de capacité ou d'expérience professionnelle dont les revenus extra-agricoles excèdent 3120 fois le montant horaire du salaire minimum de croissance, à l'exception des exploitants engagés dans un dispositif d'installation progressive au sens de l'article L 330-2 du même code.

Question. La question soulevée dans le pourvoi des bailleurs est de savoir quel est le régime applicable à la conclusion de baux ruraux portant sur des biens appartenant à un membre de la famille des bailleurs, lorsque le bénéficiaire du droit de reprise a la qualité d’exploitant pluriactif ?

Enjeu. Si le bénéficiaire du droit de reprise doit solliciter une autorisation d’exploiter et ne l’a pas fait, il ne peut valablement conclure un bail rural portant sur les parcelles reprises. En effet, l’article L. 331-6 du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L6546HHW précise que « si le preneur est tenu d'obtenir une autorisation d'exploiter en application de l'article L. 331-2, la validité du bail ou de sa cession est subordonnée à l'octroi de cette autorisation ». À défaut, la nullité du bail peut être prononcée.

Réponse de la Cour de cassation. La cour d’appel doit rechercher, lorsque cela lui a été demandé, si l’opération n’est pas soumise à une déclaration préalable, en application de l’article L. 331-2, II, du Code rural et de la pêche maritime. À défaut, sa décision n’a pas de base légale.

Concrètement, pour que le congé pour reprise du bailleur soit valable, depuis la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014, d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt N° Lexbase : L4151I4I, quatre conditions doivent être remplies :

  • capacité professionnelle (C. rur., art. L. 331-2, I, 3°) ;
  • biens libres de location (C. rur., art. L. 331-2, II), ce qui n’est pas le cas lorsqu’ils sont donnés à bail, expliquant pourquoi, en l’espèce, ils ont délivré un congé pour reprise ;
  • biens détenus par le parent ou allié concerné depuis neuf ans au moins ;

À noter. – Le parent ou allié jusqu’au troisième degré, auteur de la transmission du bien, doit l’avoir détenu depuis neuf ans au moins. Les faits de l’espèce ne précisent pas exactement depuis quand les consorts sont propriétaires des parcelles litigieuses. Toutefois, ils avaient délivré un premier congé pour reprise en 2002. Le congé litigieux ayant effet au 30 septembre 2016, les consorts devaient détenir les parcelles louées depuis le 30 septembre 2005. Étant propriétaires depuis 2002, la condition relative à la durée de détention était effectivement remplie.

En outre, il n’est pas exigé une détention par la même personne pendant toute la durée légale. La condition est remplie dès lors que les détenteurs successifs faisaient partie de la famille jusqu’au troisième degré inclus (Instr. Techn. DGPE/SDPE/2016-561 du 7 juillet 2016).

  • biens destinés à l’installation d’un nouvel agriculteur ou à la consolidation de l’exploitation du déclarant.

Cette quatrième condition a été ajoutée par la loi du 13 octobre 2014 précitée. Son but est d’éviter les agrandissements incontrôlés d’empires familiaux. Si l’opération est destinée à installer un nouvel agriculteur, le respect des trois premières conditions suffit pour se prévaloir du régime déclaratif. Dans le cas contraire, comme en l’espèce, lorsque les biens sont repris par une personne déjà exploitante, l’agrandissement ne doit pas avoir pour effet de lui faire dépasser le seuil de surface du SDREA déclenchant le régime d’autorisation (C. rur., art. L. 331-2, II). Au-delà, en effet, le candidat à la mise en valeur ne peut plus réclamer le bénéfice de la déclaration. En l’occurrence, le seuil de déclenchement du contrôle dans le SDREA de Picardie est de 90 hectares après réalisation de l’opération envisagée. En l’espèce, après validation du congé pour reprise, le bénéficiaire exploiterait 89 hectares et 39 centiares, par conséquent, le seuil de déclenchement précité n’était pas atteint.

Ainsi, la seule qualité d’exploitant pluriactif du bénéficiaire du droit de reprise ne lui fait pas perdre la possibilité de bénéficier du régime de la déclaration préalable de la législation du contrôle des structures, dès lors que les quatre conditions énoncées à l’article L. 331-2, II, du Code rural et de la pêche maritime sont effectivement remplies, comme en l’espèce.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Droit de reprise du bailleur à ferme, Interdiction de substitution du bénéficiaire mentionné dans le congé pour reprise, in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E9182E9X.

 

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