Le Quotidien du 26 avril 2024 : Concurrence

[Brèves] Infraction au droit de la concurrence : la CJUE précise le régime du délai de prescription applicable aux actions en dommages et intérêts

Réf. : CJUE, 18 avril 2024, aff. C-605/21 N° Lexbase : A813227C

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N9107BZC

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[Brèves] Infraction au droit de la concurrence : la CJUE précise le régime du délai de prescription applicable aux actions en dommages et intérêts. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/107057225-breves-infraction-au-droit-de-la-concurrence-la-cjue-precise-le-regime-du-delai-de-prescription-appl
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par Vincent Téchené

le 25 Avril 2024

► Le délai de prescription applicable aux actions en dommages et intérêts pour infraction au droit de la concurrence de l’Union ne peut commencer à courir, indépendamment et séparément pour chaque dommage partiel résultant d’une telle infraction, à partir du moment auquel la personne lésée a pris connaissance ou peut raisonnablement être considérée comme ayant pris connaissance du fait qu’elle a subi un tel dommage partiel ainsi que de l’identité de la personne qui est tenue à la réparation de celui-ci, sans que la personne lésée ait pris connaissance du fait que le comportement concerné constitue une infraction aux règles de la concurrence et sans que cette infraction ait pris fin ;

Par ailleurs ce délai de prescription ne peut être ni suspendu ni interrompu au cours de l’enquête de la Commission européenne concernant une telle infraction ;

En outre, la Directive n° 2014/104, du 26 novembre 2014, entrée en vigueur le 26 décembre 2014, ne prévoit pas que le délai de prescription soit suspendu, à tout le moins, jusqu’à un an après la date à laquelle la décision constatant cette même infraction est devenue définitive.

Faits et procédure. Heureka, une société tchèque, exploite un portail de comparaison des prix de vente. Elle allègue que le moteur de recherche de Google privilégiait systématiquement, sur ses pages de résultats de recherche générale, le propre comparateur de prix de cette société. En conséquence, celui d’Heureka était moins consulté. Heureka s’estime dès lors lésée par Google et s’appuie dans ce contexte sur une décision (non encore définitive) de la Commission européenne constatant l’abus de position dominante par Google (Comm. européenne, décision C(2017) 4444 final, du 27 juin 2017, relative à une procédure d’application de l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenneet de l’article 54 de l’accord sur l'Espace économique européen ; v. également, Trib. UE, 10 novembre 2021, aff. T-612/17 N° Lexbase : A45317BG ayant rejeté pour l’essentiel le recours introduit par Google et Alphabet).

C’est dans ces conditions que le juge tchèque, saisi d’un recours en dommages et intérêts par Heureka, a interrogé la Cour de justice de l'Union européenne sur la compatibilité avec le droit de l’Union de l’ancien délai de prescription prévu en droit tchèque qui s’applique encore à ce recours. Ce délai de trois ans commence à courir, pour chaque dommage partiel, à partir du moment où la personne lésée a pris connaissance du fait qu’elle a subi un tel dommage ainsi que de l’identité de l’auteur de l’infraction. En revanche, le régime national n’exige pas la connaissance du fait que le comportement concerné constitue une infraction ni que celle-ci ait pris fin pour que le délai de prescription commence à courir. Ce régime ne prévoit pas non plus que ledit délai doit être suspendu ou interrompu au cours de l’enquête de la Commission et jusqu’à un an après la date à laquelle la décision de la Commission, constatant cette même infraction, devienne définitive.

Décision. La Cour de justice de l'Union européenne juge que le droit de l’Union s’oppose à la réglementation tchèque applicable jusqu’à la transposition tardive de la Directive n° 2014/104, du 26 novembre 2014 N° Lexbase : L9861I4Y. À cet égard, la Cour considère que, même avant l’expiration du délai de transposition de cette directive, le droit de l’Union exigeait que, afin que le délai de prescription puisse commencer à courir, l’infraction au droit de la concurrence doit avoir pris fin et la personne lésée doit avoir pris connaissance des informations indispensables pour l’introduction de son action en dommages et intérêts, et notamment du fait que le comportement concerné constitue une telle infraction. En effet, ces deux conditions sont nécessaires pour permettre à la personne lésée d’être effectivement en mesure d’exercer son droit de demander réparation intégrale du préjudice subi en raison d’une infraction au droit de la concurrence.

La Cour précise que, en principe, la prise de connaissance des informations indispensables pour introduire un recours coïncide avec la date de publication du résumé de la décision de la Commission constatant l’infraction au Journal officiel, indépendamment du fait que cette décision n’est pas encore devenue définitive. Par ailleurs, la personne lésée peut s’appuyer sur une telle décision non définitive pour étayer son action en dommages et intérêts. Dans ce contexte, la Cour relève que le droit de l’Union exige également qu’il soit possible de suspendre ou d’interrompre la prescription pendant l’enquête de la Commission, afin d’éviter que le délai de prescription puisse s’écouler avant même que cette enquête soit clôturée. En effet, étant donné qu’il est, en général, difficile pour la personne lésée d’apporter la preuve d’une infraction au droit de la concurrence en l’absence d’une décision de la Commission ou d’une autorité nationale, il doit être possible pour celle-ci d’attendre l’issue d’une telle enquête, afin de pouvoir se fonder, le cas échéant, sur une telle décision dans le cadre d’une action ultérieure en dommages et intérêts.

En outre, la Cour de justice de l'Union européenne précise que la Directive n° 2014/104 prévoit désormais que le délai de prescription doit être suspendu, à tout le moins, jusqu’à un an après la date à laquelle la décision de la Commission constatant l’infraction concernée devienne définitive.

La Cour considère en définitive que l’ancien régime de prescription tchèque est incompatible avec le droit de l’Union. Il rend l’exercice du droit de demander réparation du préjudice subi en raison d’une infraction au droit de la concurrence pratiquement impossible ou excessivement difficile.

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