Le Quotidien du 9 mars 2023

Le Quotidien

Consommation

[Brèves] Contrats conclus hors établissement : reproduction des mentions légales sur le bon de commande et confirmation

Réf. : Cass. civ. 1, 1er mars 2023, n° 22-20.361, F-D+B N° Lexbase : A17869GA

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N4623BZA

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 08 Mars 2023

► La reproduction sur le bon de commande des mentions légales impératives permet de caractériser la connaissance qu’avait l’acheteur du vice affectant le bon, excluant ainsi la voie de la nullité de l’acte pour ce motif.

Pas un mois ne passe sans un arrêt publié au bulletin consacré au formalisme du Code de la consommation exigé en présence d’un contrat conclu hors établissement. Le mois de mars n’y fait pas exception.

Faits et procédure. En l’espèce, les acquéreurs de panneaux photovoltaïques contestaient la régularité du bon de commande notamment ce qu’il ne contenait pas de calendrier prévisionnel quant à la livraison et à l’installation des biens en cause. La nullité du contrat avait été prononcée par les juges du fond (CA Douai, 9 septembre 2021, n° 19/05040 N° Lexbase : A1143444) au motif d’une part que l’exigence relative à la date de livraison n’était pas respectée dès lors qu’il n’était fait état d’aucun calendrier prévisionnel de livraison, et d’autre part, qu’il ne pouvait y avoir confirmation de l’acte. Selon la cour d’appel la reproduction sur le bon de commande des mentions légales impératives ne peut suffire à caractériser l’existence du vice par l’acheteur, faisant ainsi obstacle à la confirmation.

Solution. La Cour de cassation approuve d’abord les juges du fond d’avoir admis la nullité du contrat dès lors que l’absence de calendrier prévisionnel ne permettait pas aux acquéreurs de déterminer la date de livraison, alors qu’en l’espèce la prestation due incluait des opérations matérielles, l’installation de matériel et des démarches administratives. Aussi faut-il en déduire que lorsque l’obligation du vendeur est composite, comme cela était le cas en l’espèce, un calendrier distinguant les différentes obligations s’imposent afin que l’acquéreur puisse avoir connaissance de la date de livraison.

La Cour de cassation casse ensuite l’arrêt d’appel au visa de l’ancien article 1338 consacré à la confirmation. Elle considère, en des termes dénués d’ambiguïté, que « la reproduction lisible, dans un contrat conclu hors établissement, des dispositions du code de la consommation prescrivant le formalisme applicable à ce type de contrat permet au souscripteur de prendre connaissance du vice résultant de l’inobservation de ces dispositions ». Ainsi, la connaissance du vice est caractérisée par la reproduction des dispositions légales. Ainsi, la confirmation est susceptible d’être caractérisée du seul fait de cette reproduction. Reproche est donc fait aux juges du fond de ne pas avoir recherché si les dispositions du code dont la violation était alléguée n’était pas celles qui étaient reproduites. L’arrêt est d’importance eu égard au contentieux relatif à l’irrégularité des bons de commande : la reproduction des mentions légales est de nature à régulariser le bon de commande irrégulier. La publication au bulletin s’imposait.

newsid:484623

Construction

[Brèves] L’action en paiement de travaux à l’encontre d’un consommateur court à compter de la connaissance des faits : revirement confirmé !

Réf. : Cass. civ. 3, 1er mars 2023, n° 21-23.176, FS+B N° Lexbase : A18009GR

Lecture: 3 min

N4612BZT

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, M2J Avocats, Chargée d’enseignements à l’UPEC, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 08 Mars 2023

► L’harmonisation du point de départ des délais de prescription se poursuit : l’action en paiement de travaux exercée par le professionnel à l’encontre du consommateur court à compter de l’exécution de la prestation.

Il faut s’en féliciter, la Haute juridiction continue son travail d’harmonisation et, par la même, de simplification, des délais de prescription en ce compris quant à leur point de départ. La prescription étant une notion transverse, elle s’applique au droit de la construction comme à d’autres branches du droit, comme en atteste la décision rapportée.

Mais il y a un « mais ». Cela peut conduire à réduire le délai de prescription pour celui qui tarde à facturer.

En l’espèce, un maître d’ouvrage confie des travaux de construction d’un mur de soutènement et de réfection de terrasses à un constructeur. Le constructeur lui adresse une facture pour le solde de ses travaux le 19 décembre 2011. Après une expertise amiable, l’entreprise assigne en paiement par acte du 23 septembre 2014.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt du 27 mai 2011, déclare sa demande irrecevable pour être prescrite.

Le constructeur forme un pourvoi en cassation. Il articule, d’une part, que l’action des professionnels, pour les biens ou les services qu’ils fournissent aux consommateurs, se prescrivent certes par deux ans mais que ce délai court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. Ce n’est donc pas la date d’émission de la facture, contrairement à ce qu’ont considéré les juges du fond. Le point de départ devrait être le jour où la créance est devenue exigible. Il expose, d’autre part, que ce point de départ ne peut en tout état pas être la date de contestation de l’achèvement ou de la bonne réalisation des travaux.

La Haute juridiction, par une motivation dite enrichie particulièrement pédagogue, rappelle que :

1° l’article L. 218-2 du Code de la consommation N° Lexbase : L1585K7T prévoit une prescription biennale de l’action des professionnels des biens et des services qu’ils fournissent aux consommateurs ;
2° l’article 2224 du Code civil N° Lexbase : L7184IAC précise que le délai de prescription court à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Partant, elle explique que doit être abandonnée la jurisprudence antérieure qui fixait le point de départ des délais au jour de l’établissement de la facture (Cass. civ. 1, 3 juin 2015, n° 14-10.908, FS-P+B N° Lexbase : A2287NKW ; Cass. civ. 3, 14 février 2019, n° 17-31.466, F-D N° Lexbase : A3425YX7) même lorsque l’action est enfermée dans le court délai de prescription biennale prévu par le Code de la consommation.

Afin d’harmoniser le point de départ des délais de prescription, précise la Haute juridiction, il y a désormais lieu de prendre en compte la date de la connaissance des faits qui permet au professionnel d’exercer son action, laquelle est caractérisée, hormis les cas où le contrat ou la loi en dispose autrement, par l’achèvement des travaux ou l’exécution des prestations, cette circonstance rendant sa créance exigible.

La décision avait déjà été amorcée il y a quelques mois : il y a lieu de prendre en compte la date de la connaissance des faits qui permet au professionnel d’exercer son action, laquelle peut être l’achèvement des travaux (Cass. civ. 1, 19 mai 2021, n° 20-12.520, FS-P N° Lexbase : A10004ST).

newsid:484612

Cotisations sociales

[Brèves] Charte du cotisant contrôlé : annulation du paragraphe relatif au contrôle dématérialisé

Réf. : CE, 1°-4° ch. réunies, 17 février 2023, n° 464155, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A52699DI

Lecture: 2 min

N4620BZ7

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par Laïla Bedja

Le 08 Mars 2023

► Le paragraphe de la charte du cotisant contrôlé intitulé « Les investigations sur support dématérialisé », permettant la réalisation des investigations sur support dématérialisé sur le matériel professionnel de l’agent de contrôle à partir de copies fournies par le cotisant contrôlé est annulé.

Les faits et la procédure. Par un arrêté du 31 mars 2022, le ministre des Solidarités et de la Santé et le ministre délégué auprès du ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, chargé des Comptes publics, ont fixé le modèle de la charte du cotisant contrôlé pour les organismes en charge du recouvrement des cotisations et contributions sociales au 1er janvier 2022. L’association Le Cercle Lafay a demandé l’annulation pour excès de pouvoir du paragraphe intitulé « Les investigations sur support dématérialisé ».

La décision. Prononçant l’annulation du paragraphe litigieux, la Haute juridiction accède à la requête de l’association. En effet, en ne faisant état de la possibilité que les traitements automatisés soient réalisés sur le propre matériel du cotisant contrôlé que dans l'hypothèse d'un refus écrit par celui-ci ou d'impossibilité avérée de mise en œuvre d'un traitement sur le matériel de l'agent de contrôle, sans rappeler la procédure, prévue par les dispositions de l'article R. 243-59-1 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L2869K97, selon laquelle il peut être recouru au matériel informatique utilisé par la personne contrôlée ni le droit pour cette dernière, également prévu par ces dispositions sous certaines conditions, de s'y opposer, le paragraphe en cause méconnaît le sens et la portée des dispositions de l'article précité.

Rappelons que la charte du cotisant contrôle est un document opposable.

Pour aller plus loin : F. Taquet, Étude : Le contrôle URSSAF - contentieux du recouvrement, Le contrôle sur place, in Droit de la protection sociale, Lexbase N° Lexbase : E71393NQ.

newsid:484620

Domaine public

[Brèves] Passerelle piétonne appartenant au domaine public ferroviaire : SNCF Réseau tenu de faire cesser le péril résultant de l'état dangereux de l’ouvrage

Réf. : CE, 3°-8° ch. réunies, 1er mars 2023, n° 466574, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A23229G4

Lecture: 2 min

N4593BZ7

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par Yann Le Foll

Le 08 Mars 2023

► La société SNCF Réseau est tenue de faire cesser le péril résultant de l'état dangereux d’une passerelle piétonne surplombant les voies ferrées dès lors que celle-ci appartient au domaine public ferroviaire.

Principe. Il résulte de l'article L. 2111-1 du Code des transports N° Lexbase : L3523LUZ et du I de l'article L. 2111-20 du même code N° Lexbase : L7040LQS que la société SNCF Réseau, qui assume, directement ou par l'intermédiaire d'une filiale, toutes les obligations du propriétaire pour les biens relevant du domaine public ferroviaire que l'État lui a attribués, doit être regardée comme le propriétaire de ces biens pour l'exercice des pouvoirs de police de la sécurité et de la salubrité des immeubles, locaux et installations (pour la délimitation des biens faisant partie du domaine public artificiel ferroviaire, voir CE, 24 juin 2009, n° 298960 N° Lexbase : A4027EIY).

Première instance. Pour juger qu'était propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté du 20 juin 2022 (par lequel le maire a mis la société SNCF Réseau en demeure de faire cesser le péril résultant de l'état dangereux de la passerelle piétonne surplombant les voies ferrées aux abords de la gare de cette ville et lui a prescrit de réaliser des travaux de mise en sécurité dans un délai de quinze jours) le moyen tiré de ce que la société SNCF Réseau n'était pas tenue de prendre les mesures conservatoires de mise en sécurité prescrites par cet arrêté, le juge des référés s'est fondé sur ce que la passerelle en cause ne pouvait appartenir à cette société dès lors qu'elle assurait la jonction entre une voie communale et une voie départementale (TA Amiens, 26 juillet 2022, n° 2202346 N° Lexbase : A97098NW).

Position CE. Le procès-verbal du 2 octobre 1933 de récolement et de remise des travaux conduits par la Compagnie du Chemin de fer du Nord établissait que cet ouvrage avait été édifié, dans l'intérêt du service public du chemin de fer, par cette entreprise en sa qualité de concessionnaire de ce service public et appartenait, ainsi, au domaine public ferroviaire.

En outre, aucun élément du dossier ne permettait d'établir qu'il en serait sorti depuis lors, de sorte que la société SNCF Réseau, attributaire des lignes du réseau ferré national et assumant à ce titre toutes les obligations du propriétaire, était susceptible de faire l'objet d'un arrêté de mise en sécurité.

Décision CE. Le juge des référés a dénaturé les pièces du dossier qui lui était soumis et voit donc son ordonnance partiellement annulée.

newsid:484593

Environnement

[Brèves] Restauration : création de la responsabilité élargie des producteurs d'emballages

Réf. : Décret n° 2023-162, du 7 mars 2023, relatif aux déchets d'emballages et instituant la filière de responsabilité élargie des producteurs d'emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les professionnels ayant une activité de restauration N° Lexbase : L1036MHT

Lecture: 2 min

N4618BZ3

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par Yann Le Foll

Le 15 Mars 2023

► Le décret n° 2023-162, du 7 mars 2023, relatif aux déchets d'emballages et instituant la filière de responsabilité élargie des producteurs d'emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les professionnels ayant une activité de restauration, publié au Journal officiel du 8 mars 2023, a pour ambition de réduire les déchets inhérents à cette activité économique.

Rappel. La loi n° 2020-105, du 10 février 2020, relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire N° Lexbase : L8806LUP, a fixé un objectif fin de la mise sur le marché d'emballages en plastique à usage unique d'ici à 2040. En application de l'article L. 541-10 du Code de l'environnement N° Lexbase : L1489LW3, selon « le principe de responsabilité élargie du producteur, il peut être fait obligation à toute personne physique ou morale qui élabore, fabrique, manipule, traite, vend ou importe des produits générateurs de déchets ou des éléments et matériaux entrant dans leur fabrication […] de développer le recyclage des déchets issus des produits ».

Texte. Le décret du 7 mars 2023 définit les modalités d'application de l'obligation, pour les producteurs d'emballages servant à commercialiser les produits consommés ou utilisés par les professionnels de la restauration, de contribuer ou de pourvoir à la collecte, au réemploi, au recyclage des déchets issus de leurs emballages en application de ce principe.

Il définit l’« emballage réemployable », comme un emballage qui a été conçu, créé et mis sur le marché pour pouvoir accomplir pendant son cycle de vie plusieurs trajets ou rotations en étant rempli à nouveau ou réemployé pour un usage identique à celui pour lequel il a été conçu, et l’« emballage de la restauration » comme tout emballage de produits alimentaires consommés ou utilisés spécifiquement par les professionnels ayant une activité de restauration.

Le décret précise que les producteurs d'emballages ménagers et mixtes alimentaires et les producteurs d'emballages de la restauration qui ont transféré leurs obligations, en application du 1° de l'article L. 541-10-1 du Code de l'environnement N° Lexbase : L6927L7P, à un éco-organisme agréé pour les déchets d'emballages ménagers doivent lui verser une contribution financière.

Pour les emballages de la restauration et les emballages mixtes alimentaires collectés auprès des professionnels ayant une activité de restauration qui sont destinés au réemploi, l'éco-organisme couvre les coûts des personnes qui assurent la reprise sans frais de ces emballages et, le cas échéant, pourvoit à la gestion de ces emballages.

Entrée en vigueur. Les dispositions du décret entrent en vigueur le 9 mars 2023.

newsid:484618

Fiscalité internationale

[Brèves] Affaire « LukLeaks » : la CEDH consolide sa jurisprudence en matière de protection de lanceur d’alerte

Réf. : CEDH, 14 février 2023, Req. 21884/18, Halet c/ Luxembourg N° Lexbase : A89139DH

Lecture: 5 min

N4588BZX

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par Yannis Vassiliadis, Doctorant Contractuel, Université Toulouse Capitole, Centre de Droit des Affaires

Le 08 Mars 2023

La CEDH a reconnu le statut de lanceur d’alerte à  un collaborateur qui avait divulgué des accords fiscaux avantageux entre son employeur et l’administration fiscale luxembourgeoise ;

► Pour la Cour, au vu des constats opérés quant à l’importance, à l’échelle tant nationale qu’européenne, du débat public sur les pratiques fiscales des multinationales auquel les informations divulguées par le requérant ont apporté une contribution essentielle, l’intérêt public attaché à la divulgation de ces informations, l’emporte sur l’ensemble des effets dommageables.

Faits. Un ressortissant français (Raphaël Halet) travaillait pour PricewaterhouseCoopers. Entre 2012 et 2014 des déclarations fiscales et rescrits fiscaux établis par PwC ont été publiés dans différents médias. Les documents mettaient en lumière des accords fiscaux très avantageux passés entre PwC pour ses clients (des sociétés multinationales) et l’administration fiscale luxembourgeoise. Les documents provenaient, selon une enquête interne de PwC, de copies réalisées par un auditeur. À la suite des publications, une seconde enquête interne établit le fait que le requérant avait contacté le journaliste responsable des publications pour lui proposer et lui remettre de nouveaux documents finalement publiés par un consortium international (ICIJ).

PwC a porté plainte et obtenu la condamnation de M. Halet à une amende de 1 000 euros et le paiement d’un euro symbolique en réparation du préjudice moral. La condamnation finale, celle de la cour d’appel puisque le pourvoi en cassation a été rejeté, établit que la divulgation des documents couverts par le secret professionnel avait causé un préjudice supérieur à l’intérêt général.

Le requérant invoque l’article 10 de la CEDH relatif à la liberté d’expression en estimant que sa condamnation constitue une ingérence dans l’exercice de son droit à la liberté d’expression. Le 11 mai 2021, la Cour conclut à la non-violation de la CEDH, ce qui entraîne une demande du requérant de renvoi de l’affaire devant la Grande Chambre qui rend en février 2023 la décision dont il est ici question.

Rappel. Le statut de lanceur d’alerte n’est pas légalement défini mais fait l’objet d’une définition jurisprudentielle impliquant la mise en perspective des faits reprochés avec leurs conséquences tant sur le débat public que sur l’entité dont les secrets/documents ont été révélés.

La Cour rattache la situation à la notion de lanceur d’alerte et rappelle en quoi cette situation est particulière vis-à-vis de la liberté d’expression. Le requérant est en effet dans une relation de travail avec PwC et a donc des obligations de loyauté, de réserve et de discrétion mais aussi de secret professionnel. Aussi, il se situe dans une situation de faiblesse économique vis-à-vis de l’entité dont les secrets ont été révélés.

La Cour rappelle que la notion de lanceur d’alerte n’a pas de définition juridique univoque mais se rattache aux critères définis dans l’arrêt Guja c/ Moldova (CEDH, 12 février 2008, Req. 14277/04, Guja c/ Moldova N° Lexbase : A7465D4A) qu’elle met en regard de la présente situation :

  • existence d’autres moyens pour procéder à la divulgation : puisque les faits portent sur des faits habituels de l’employeur qui n’ont rien d’illégal, la communication d’éléments présentant un intérêt public suppose d’admettre le recours direct à une voie externe, tels que les médias comme c’est le cas en l’espèce ;
  • l’authenticité de l’information divulguée : les faits doivent être exacts et authentiques ce qui est le cas ;
  • la bonne foi du requérant : le requérant doit, comme en l’espèce, agir de bonne foi en ne cherchant pas l’enrichissement ou la nuisance ;
  • l’intérêt public de l’information : contrairement à la cour d’appel qui estime que l’objectif est d’interpeller ou scandaliser, la Grande Chambre retient que les informations participent à un débat social majeur portant sur les questions d’évitement fiscal des multinationales. C’est aujourd’hui une question de société fondamentale du fait de leur importance dans l’économie. Le requérant a ainsi contribué à la révélation d’éléments ayant un intérêt public ;
  • les effets dommageables de la divulgation : la Grande Chambre estime que la cour d’appel n’a pas considéré avec assez de précisions et de mesure les effets négatifs des révélations et du vol et que l’affirmation d’atteintes supérieures à l’intérêt général était faite sans preuve et reposait sur une interprétation trop restrictive de l’intérêt public des informations divulguées. Ainsi, les effets dommageables devant être relativisés eu égard à l’importance des informations cela ne saurait être reproché outre mesure au requérant ;
  • enfin, la sévérité de la sanction : le requérant a été licencié, l’affaire a eu un retentissement médiatique majeur et le requérant a été condamné à 1 000 euros d’amende. La Grande Cour estime que l’accumulation des sanctions amplifie leur gravité et entraîne un effet dissuasif au regard de la liberté d’expression du requérant mais aussi d’autres futurs lanceurs d’alertes.

Solution. Le requérant remplissant les conditions jurisprudentielles de la notion de lanceur d’alerte. Sa condamnation et l’ingérence qu’elle entraîne dans son droit à liberté d’expression ne sont pas nécessaires dans une société démocratique. En conséquence, la Grande Chambre estime qu’il y a eu violation de l’article 10 de la Convention et condamne et Luxembourg à verser 15 000 euros au titre du dommage moral et 40 000 euros pour frais et dépens au requérant.

newsid:484588

Procédure civile

[Brèves] Déclaration de pourvoi : absence de mention du domicile personnel du demandeur et régularisation

Réf. : Cass. civ. 2, mars 2023, n° 20-20.065, FS-B N° Lexbase : A23949GR

Lecture: 3 min

N4574BZG

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 08 Mars 2023

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient préciser que la déclaration de pourvoi, même entachée d'un vice de forme, interrompt les délais de prescription comme de forclusion et que l'interruption produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance ; l'irrégularité peut être régularisée pendant toute la durée de l'instance de cassation par le dépôt d'une déclaration de pourvoi rectificative ou d'un mémoire du demandeur contenant l'indication de son domicile personnel, et, le cas échéant, par une nouvelle déclaration de pourvoi formée, dans le délai de l'article 612 du Code de procédure civile, à compter du prononcé de l'arrêt déclarant le pourvoi irrecevable.

Faits et procédure. Dans cette affaire, un client contestant le solde d’honoraires réclamé par son avocat (une SCP) a saisi le Bâtonnier de l’Ordre des avocats du barreau de Paris.

Un pourvoi a été formé à l’encontre de l’ordonnance rendue par le premier président de la cour d’appel (CA Paris, 2-6, 6 juillet 2020, n° 16/00338 N° Lexbase : A69693Q8)

Le pourvoi. La SCP conteste la recevabilité du pourvoi en défense en raison d’une irrégularité dans la déclaration de pourvoi ne mentionnant pas le domicile personnel du demandeur conformément aux dispositions de l’article 975 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7855I4P. Elle énonce que cette irrégularité lui cause grief.

La Cour de cassation rappelle que l’absence ou l’inexactitude de la mention relative au domicile du demandeur constitue un vice de forme et que l’élection de domicile au cabinet d’un avocat ne peut y suppléer. 

Par ailleurs, elle rappelle que la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription ainsi que le délai de forclusion et qu’il en est de même lorsqu'elle est portée devant une juridiction incompétente ou lorsque l'acte de saisine de la juridiction est annulé par l'effet d'un vice de procédure.

Enfin, elle rappelle qu’il a été jugé, concernant la procédure d’appel, qu’il en résulte, que les délais de prescription et de forclusion, interrompus par l'effet de l'annulation d'un acte de saisine entaché d'un vice de procédure, recommencent à courir à compter de cette décision d'annulation (Cass. civ. 2, 16 octobre 2014, n° 13-22.088, F-P+B N° Lexbase : A6522MY9), d'autre part, que l'acte de saisine de la juridiction, même entaché d'un vice de procédure, interrompt les délais de prescription comme de forclusion (Cass. civ. 2, 1er juin 2017, n° 16-14.300, FS-P+B+I N° Lexbase : A8538WEX).

Elle juge que cette interprétation, relative à l'acte de saisine de la cour d'appel, doit être transposée, en ce qui concerne la Cour de cassation, à la déclaration de pourvoi.

Solution. La Haute juridiction énonçant la solution précitée relève que le demandeur au pourvoi a pendant le cours de l’instance suivie devant la Cour de cassation effectué un dépôt d’un mémoire communiquant son adresse personnelle permet de couvrir la nullité affectant la déclaration de pourvoi. Dès lors, elle déclare le pourvoi recevable.

Pour aller plus loin : X-P. Vuitton, ÉTUDE, Le pourvoi en cassation, La déclaration de pourvoi, in Procédure civile, (dir. É. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E85537AZ.

 

newsid:484574

Sociétés

[Brèves] Sociétés mères : quid de la possibilité de céder une filiale en état de cessation des paiements ?

Réf. : Cass. com., 1er mars 2023, n° 21-14.787, FS-B N° Lexbase : A17939GI

Lecture: 3 min

N4552BZM

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par Perrine Cathalo

Le 08 Mars 2023

► Il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe qu'une société mère a, lorsqu'elle cède les parts qu'elle détient dans le capital social d'une filiale en état de cessation des paiements, l'obligation de s'assurer, avant la cession, que le cessionnaire dispose d'un projet de reprise garantissant la viabilité économique et financière de cette filiale.

Faits et procédure. Le 18 octobre 2011, une société mère a cédé la totalité des actions qu’elle détenait dans le capital d’une filiale, qui avait notamment comme client un grand groupe automobile allemand, à une société de droit allemand.

La société cédée a été mise en redressement puis en liquidation judiciaires les 21 novembre 2011 et 9 mai 2012, la date de cessation des paiements ayant été fixée au 31 juillet 2011. Le 30 mai 2012, le mandataire liquidateur a licencié l’ensemble des salariés de la société de droit français.

Trente salariés ont saisi la juridiction prud’homale aux fins de voir dire leur licenciement sans cause réelle et sérieuse. Ces mêmes salariés ont assigné la société mère et le groupe automobile en paiement, in solidum, des dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la perte de leur emploi.

Par décision du 4 février 2021, la cour d’appel de Paris (CA Paris, 6-2, 4 février 2021, n° 19/07936 N° Lexbase : A72794EC) a rejeté la demande des salariés de condamnation in solidum des sociétés à leur payer diverses sommes à titre de dommages et intérêts, aux motifs qu’aucune faute n’avait été commise au moment de la cession.

Les salariés ont formé un pourvoi devant la Cour de cassation.

Décision. La Haute juridiction rejette le moyen tendant à voir la société mère condamnée à payer aux salariés de la filiale cédée diverses sommes à titre de dommages et intérêts, du fait de la cession d’actions intervenue le 18 octobre 2011, en dépit du fait que les demandeurs au pourvoi soutenaient que constitue une faute le fait, pour une société mère, de céder une filiale en état de cessation des paiements sans procéder à une vérification de la viabilité du projet présenté par le repreneur.

En particulier, les juges de la Cour de cassation attirent l’attention sur le fait qu’il ne résulte d'aucun texte ni d'aucun principe qu'une société mère a, lorsqu'elle cède les parts qu'elle détient dans le capital social d'une filiale en état de cessation des paiements, l'obligation de s'assurer, avant la cession, que le cessionnaire dispose d'un projet de reprise garantissant la viabilité économique et financière de cette filiale.

La Chambre commerciale censure tout de même l’arrêt d’appel sur le fondement d’une règle de procédure.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : La cession de contrôle, Les obligations du cédant et du cessionnaire, in Droit des sociétés, (dir. B. Saintourens), Lexbase N° Lexbase : E0949AEU.

 

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