Le Quotidien du 2 février 2023

Le Quotidien

Actes administratifs

[Brèves] Caractère d’acte de Gouvernement de la réponse négative à une demande de suspension d'autorisations préalables d'exportation de matériels de guerre

Réf. : CE, 9°-10° ch. réunies, 27 janvier 2023, n° 436098, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A31739AR

Lecture: 2 min

N4216BZ8

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par Yann Le Foll

Le 08 Février 2023

► Le refus opposé à une demande de portée générale tendant à la suspension d'autorisations préalables d'exportation de matériels de guerre à destination d'un État étranger a le caractère d’un acte de Gouvernement.

Faits. Par lettre en date du 1er mars 2018, l'association ASER a demandé au Premier ministre « la suspension sans délai de l'ensemble des autorisations préalables d'exportation de matériels de guerre et matériels assimilés à destination de l'Arabie saoudite ».

Position CE. Le refus implicite opposé à cette demande de portée générale n'est pas détachable de la conduite des relations internationales de la France, sans que puissent être utilement invoquées à cet égard les stipulations des articles 6 et 7 du Traité sur le commerce des armes signé à New York le 3 juin 2013, de l'article 2 de la Charte des Nations unies signée à San Francisco le 26 juin 1945 et de l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne N° Lexbase : L0230LGM, ainsi que les dispositions des articles 1 et 2 de la position commune n° 2008/944/PESC, du Conseil, du 8 décembre 2008 et de l'article L. 2335-4 du Code de la défense N° Lexbase : L4349K9X.

Décision. Dès lors, l'auteur des ordonnances attaquées, qui ne sont pas entachées de contradiction de motifs, a pu juger, sans commettre d'erreur de droit ni inexactement qualifier les faits qui lui étaient soumis, que la juridiction administrative n'était pas compétente pour connaître de la demande tendant à l'annulation pour excès de pouvoir de ce refus.

Précisions rapporteur public. Dans ses conclusions, Céline Guibé indique qu’« il ne fait pas de doute que la décision contestée est de portée générale […]. Or une telle décision, qui ne peut manquer de détériorer profondément la relation bilatérale avec l’État importateur, et qui, par ailleurs, est susceptible de peser sur les équilibres géostratégiques dans la péninsule arabique, procède directement d’un choix de politique étrangère, discrétionnaire sous réserve des engagements internationaux de la France revêtant une portée juridique contraignante ».

Rappel. Des stipulations internationales qui ont pour objet exclusif de régir les relations entre les États ne peuvent être utilement invoquées par une association pour demander la suspension des licences d’exportation de matériel de guerre et matériels assimilés à destination de pays membres de la coalition impliquée dans la guerre au Yémen (TA Paris, 8 juillet 2019, n° 1807203/6-2 N° Lexbase : A6437ZKM).

newsid:484216

Avocats/Statut social et fiscal

[Brèves] Pas de pluralité d’exercice pour les avocats salariés

Réf. : CA Paris, 12 janvier 2023, n° 21/14533 N° Lexbase : A179989I

Lecture: 9 min

N4177BZQ

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par Marie Le Guerroué

Le 01 Février 2023

► La pluralité d'exercice permettant à l'avocat d'exercer son activité professionnelle en cumulant des modes d'exercice listés à l'article 7 de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971, n'est pas une faculté ouverte aux avocats salariés souhaitant cumuler ce mode d'exercice avec un exercice individuel, dès lors que l'interdiction de développer une clientèle personnelle à laquelle ils sont soumis n'a fait l'objet d'aucune modification législative.

Faits et procédure. Courant septembre 2020, un avocat collaborateur salarié inscrit au barreau des Hauts-de-Seine avait sollicité auprès du barreau de Paris l'autorisation d'ouvrir un établissement d'exercice à Paris en application du nouvel article 15.4.2 du Règlement intérieur national (RIN) de la profession d'avocat N° Lexbase : L4063IP8 issu d'une décision du Conseil national des barreaux du 9 juillet 2020 publiée au Journal Officiel du 30 août 2020 :

« L’avocat peut disposer d’un ou plusieurs établissements d’exercice, distincts de son cabinet principal, lui permettant de cumuler des modes d’exercice listés à l’article 7 de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971. »

Ce afin de pouvoir cumuler cette activité avec un exercice individuel au barreau de Paris. À la suite du refus de la commission d'exercice du barreau de Paris au motif que son inscription auprès du barreau des Hauts-de-Seine lui reconnaît le double statut d'avocat collaborateur salarié et d'avocat individuel, que selon l'article 15.4.1, alinéa 3, du RIN « la pluralité d'exercice ne déroge pas au principe énoncé à l'article 15.2 du présent règlement selon lequel l'avocat est inscrit au tableau de l'Ordre du seul barreau du lieu de son cabinet principal », et que sa demande aboutirait à un cumul d'exercices individuels prohibé par les textes, il avait saisi le conseil de l'Ordre du barreau de Paris. Par arrêté du 7 juin 2021, le conseil de l'Ordre du barreau de Paris, jugeant illégale la demande d'ouverture d'établissement d'exercice, avait rejeté la demande d'inscription. L’avocat a formé un recours contre cette décision.

Réponse de la CA. La cour relève que la demande de l’avocat a pour seul objet d'obtenir une autorisation d'ouverture d'un établissement d'exercice afin d'y exercer à titre individuel son activité d'avocat et de développer sa clientèle personnelle. Elle ajoute que le choix de pluriexercer la profession d'avocat ne constitue pas une liberté personnelle laissée à la seule discrétion de l'avocat, mais doit être conforme aux dispositions légales applicables et que la question en débat est le champ d'application du pluriexercice issu de la décision du Conseil national des barreaux du 9 juillet 2020 portant modification du Règlement intérieur national (RIN) au regard des dispositions de l'article 7 de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971, de la loi n° 2015-990, du 6 août 2015, pour la croissance l'activité et l'égalité des chances économiques N° Lexbase : L4876KEC ainsi que son décret d'application du 29 juin 2016 N° Lexbase : L1249K97.

La cour d’appel procède dans un premier temps à un rappel des dispositions applicables :

  • le nouvel article 14.1, alinéa, 4 du RIN énonce que : « Le collaborateur salarié ne peut avoir de clientèle personnelle, pendant l'exécution de son contrat de travail, à l'exception de celle des missions d'aide juridique pour lesquelles il est désigné par le Bâtonnier. Il peut avoir une clientèle personnelle en dehors de l'exécution de son contrat de travail » ;
  • l'article 14.3 dans sa nouvelle version précise que : « L'avocat collaborateur salarié ne peut constituer ni développer de clientèle personnelle pendant l'exécution de son contrat de travail ; dans le cadre de cette exécution, il doit se consacrer exclusivement au traitement des dossiers qui lui sont confiés, ainsi qu'aux missions d'aide juridictionnelle et de commissions d'office pour lesquelles il a été désigné » ;
  • selon l'article 7 de la loi n° 71-1130, du 31 décembre 1971 modifié par ordonnance n° 2016-394, du 31 mars 2016 : « L'avocat peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit au sein d'une association dont la responsabilité des membres peut être, dans des conditions définies par décret, limitée aux membres de l'association ayant accompli l'acte professionnel en cause, soit au sein d'entités dotées de la personnalité morale, à l'exception des formes juridiques qui confèrent à leurs associés la qualité de commerçant, soit en qualité de salarié ou de collaborateur libéral d'un avocat ou d'une association ou société d'avocats ou d'une société ayant pour objet l'exercice de la profession d'avocat. Il peut également être membre d'un groupement d'intérêt économique ou d'un groupement européen d'intérêt économique [...]. L'avocat salarié ne peut avoir de clientèle personnelle. Dans l'exercice des missions qui lui sont confiées, il bénéficie de l'indépendance que comporte son serment et n'est soumis à un lien de subordination à l'égard de son employeur que pour la détermination de ses conditions de travail … »

Il résulte de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 que les modes d'exercice de la profession d'avocat sont variés : l'avocat peut exercer sa profession soit à titre individuel, soit en qualité d'associé d'une structure d'exercice (association, société civile professionnelle, société d'exercice libéral ou société en participation), soit en qualité de salarié ou de collaborateur libéral d'un avocat, d'une association, d'une société d'avocats ou d'une société ayant pour objet l'exercice de la profession d'avocat. Il peut également être membre d'un groupement d'intérêt économique ou d'un groupement européen d'intérêt économique. Cet article distingue donc expressément les exercices à titre individuel et en qualité d'avocat salarié en sorte que ces exercices ne sont pas en soi assimilables. En revanche, cet article, rappelle la cour, fait interdiction aux avocats salariés d'avoir une clientèle personnelle. Il n'a fait l'objet d'aucune modification législative, en particulier à l'issue de l'adoption de la loi n° 2015-990, du 6 août 2015 N° Lexbase : L4876KEC et du décret d'application du 29 juin 2016 N° Lexbase : L1249K97 ayant supprimé le principe d'unité d'exercice en autorisant aux associés de SEL, de SCP ou d'associations d'avocats de cumuler plusieurs modes d'exercice prévus à l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971, mais également à l'issue de l'arrêt du Conseil d'État du 5 juillet 2017 ayant jugé que « si les dispositions de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 énumèrent, de façon limitative, les formes selon lesquelles un avocat peut exercer sa profession, ni ces dispositions ni celles de la loi du 31 décembre 1990 n'interdisent à un associé d'une société d'exercice libéral d'exercer la profession d'avocat sous plusieurs formes énumérées à l'article 7 » (CE, 1°-6° ch. réunies ,5 juillet 2017, n° 403012, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7769WLC). Il ne peut, selon la CA, se déduire de la loi du 6 août 2015, de son décret d'application du 29 juin 2016 et de l'interprétation qu'en a fait le Conseil d'État, ayant trait à la possibilité de pluriexercice offerte aux associés d'une structure, que cette possibilité s'étendrait nécessairement aux avocats salariés, alors que les premiers développent une clientèle personnelle et que les seconds sont astreints à l'interdiction d'en avoir une. Cette interdiction, expressément prévue par l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 et liée au mode d'exercice en qualité d'avocat salarié, ne souffre d'aucune exception. Elle n'est pas contraire aux dispositions de droit européen relatives à la liberté d'établissement, et n'a pas pour effet de priver l'avocat ayant fait le choix d'exercer en qualité de salarié de son droit de propriété sur une clientèle.

Les juges ajoutent qu'en vertu du principe de la hiérarchie des normes, l'application de cet article issu d'une loi, faisant interdiction à un avocat salarié d'avoir une clientèle personnelle, prime sur celle de l'article 14.1, alinéa 3 nouveau, du RIN issu d'une décision d'une Conseil national des barreaux, prévoyant que le collaborateur salarié peut avoir une clientèle personnelle en dehors de l'exécution de son contrat de travail. En outre, selon la cour, ni le guide pratique relatif à la pluralité d'exercice édité en novembre 2020 par le Conseil national des barreaux indiquant que « le principe est donc la possibilité de cumuler une collaboration salariée y compris à temps plein avec une activité libérale », ni les avis déontologiques dudit Conseil, en particulier celui du n° 2020-028, du 15 décembre 2020, ne sont de nature à écarter l'application de l'article 7 de la loi du 31 décembre 1971 non modifié.

Au vu de ces éléments, les juges du fond en déduise la solution susvisée.

Rejet. L’avocat appelant est donc mal fondé en sa demande d'autorisation d'ouverture d'un établissement d'exercice pour y exercer à titre individuel. L'arrêté qui a rejeté la demande d'inscription et non pas d'autorisation d'ouverture d'un établissement d'exercice est infirmé et la cour déboute l'intéressé de sa demande d'ouverture d'établissement d'exercice afin d'y exercer à titre individuel son activité d'avocat.

newsid:484177

Baux commerciaux

[Brèves] Lissage du loyer de renouvellement déplafonné : incompétence du juge des loyers

Réf. : Cass. civ. 3, 25 janvier 2023, n° 21-21.943, FS-B N° Lexbase : A06409AX

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N4160BZ4

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par Vincent Téchené

Le 08 Mars 2023

► Le dispositif d’étalement de la hausse du loyer qui résulte du déplafonnement étant distinct de celui de la fixation du loyer, il n'entre pas dans l'office du juge des loyers commerciaux de statuer sur son application ;

Ainsi, saisie de l'appel d'un jugement du juge des loyers commerciaux, la cour d’appel ne peut statuer que dans la limite des pouvoirs de celui-ci, de sorte qu’elle n’est pas compétente pour fixer l'étalement de l'augmentation du loyer.

Faits et procédure. Les propriétaires de locaux commerciaux donnés à bail ont saisi le juge des loyers commerciaux en fixation du loyer du bail renouvelé.

La locataire a demandé, à titre subsidiaire, de fixer le loyer déplafonné à une certaine somme et de dire que les augmentations de loyer en résultant ne pourront être supérieures à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

Insatisfaite de la décision des juges du fond (CA Bordeaux, 8 juin 2021, n° 18/05176 N° Lexbase : A59594UA), la bailleresse a formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation répond aux deux moyens soulevés, le second étant celui qui retiendra particulièrement l’attention.

  • Diminution de la valeur locative en raison de l’impôt foncier mis à la charge du locataire

En premier lieu, la Cour de cassation rappelle que selon l'article R. 145-8 du Code de commerce N° Lexbase : L5745AIM, les obligations incombant normalement au bailleur, dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative.

Aussi, elle approuve l’arrêt d’appel d’avoir retenu que l'impôt foncier mis à la charge de la locataire par le bail constituait une charge exorbitante justifiant une diminution de la valeur locative qu'elle a souverainement estimée.

La Haute juridiction opère ici un simple rappel d’une solution aujourd’hui acquise (v. not., Cass. civ. 3, 23 mai 2019, n° 18-14.917, F-D N° Lexbase : A5914ZCZ, approuvant CA Colmar, 26 février 2018, n° 13/03021 N° Lexbase : A7517XE7 ; CA Colmar, 7 décembre 2020, n° 16/05806 N° Lexbase : A177839Q, V. Téchené, Lexbase Affaires, janvier 2021, n° 663 N° Lexbase : N6241BYS ; Cass. civ. 3, 8 avril 2021, n° 19-23.183, F-D N° Lexbase : A12164PQ ; Cass. civ. 3, 24 novembre 2021, n° 20-21.570, F-D N° Lexbase : A50497DD ; CA Agen, 8 décembre 2021, n° 20/00469 N° Lexbase : A51297EP, V. Téchené, Lexbase Affaires, janvier 2022, n° 702 N° Lexbase : N0111BZ7).

  • Lissage du loyer de renouvellement déplafonné et compétence

La bailleresse reprochait ensuite à la cour d’appel d’avoir fixé l’étalement de la hausse du loyer du bail renouvelé.

Pour y répondre la Cour de cassation rappelle que selon le dernier alinéa de l’article L. 145-34 N° Lexbase : L5035I3U, en cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l'article L. 145-33 du Code de commerce N° Lexbase : L5761AI9 ou s'il est fait exception aux règles de plafonnement par suite d'une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.

En outre, selon l’article R. 145-23 du Code de commerce N° Lexbase : L4149LTT, les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les premières.

Ainsi, selon la Haute juridiction, ce dernier alinéa de l'article L. 145-34 n'instaure, dans les cas qu'il détermine, qu'un étalement de la hausse du loyer qui résulte du déplafonnement, sans affecter la fixation du loyer à la valeur locative.

Dès lors, ce dispositif étant distinct de celui de la fixation du loyer, il n'entre pas dans l'office du juge des loyers commerciaux de statuer sur son application.

Par conséquent, saisie de l'appel d'un jugement du juge des loyers commerciaux, la cour d’appel ne pouvait statuer que dans la limite des pouvoirs de celui-ci, de sorte qu’en fixant l'étalement de l'augmentation du loyer selon un échéancier (en l’occurrence sur quatre ans), elle a violé les textes précités.

Cet arrêt reprend une solution dégagée par la Cour régulatrice dans un avis du 9 mars 2018 (Cass. avis, 9 mars 2018, n° 15004 N° Lexbase : A6836XGB). Elle y avait alors précisé qu’« il n'entre pas dans l'office du juge des loyers commerciaux, mais dans celui des parties, d'arrêter l'échéancier des loyers qui seront exigibles durant la période au cours de laquelle s'applique l'étalement de la hausse du loyer instauré par [l’article L. 145-34 du Code de commerce] ». On rappellera, par ailleurs, que le Conseil constitutionnel a retenu que le lissage de l’augmentation du loyer déplafonné, prévu par les dispositions de l’article L. 145-34 du Code de commerce, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété (Cons. constit., décision n° 2020-887 QPC, du 5 mars 2021 N° Lexbase : A80334ID, J.-P. Dumur, comm., Lexbase Affaires, mars 2021, n° 669 N° Lexbase : N6826BYH).

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les exceptions au plafonnement du loyer commercial renouvelé, Le lissage du plafonnement pour certains baux conclus ou renouvelés à compter du 1er septembre 2014, in Baux commerciaux, (dir. J. Prigent), Lexbase N° Lexbase : E0323E74.

 

newsid:484160

Contrats administratifs

[Brèves] Illégalité de l’avenant d'un contrat de concession autoroutière prévoyant une hausse tarifaire à la charge de l'ensemble des usagers pour financer un seul tronçon

Réf. : CE, 2°-7° ch. réunies, 27 janvier 2023, n° 462752, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A31679AK

Lecture: 3 min

N4197BZH

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par Yann Le Foll

Le 01 Février 2023

► Est illégal l’avenant d'un contrat de concession autoroutière prévoyant une hausse tarifaire à la charge de l'ensemble des usagers d’ASF pour financer un nouveau tronçon limité géographiquement.

Faits. Un décret a approuvé un avenant à une convention conclue entre l’État et la société des Autoroutes du Sud de la France (ASF) pour la concession de la construction, de l'entretien et de l'exploitation d'autoroutes, ayant pour objet principal la réalisation d'un nouveau tronçon, d'une longueur de 6,2 kilomètres, permettant le contournement par l'ouest de Montpellier et reliant les autoroutes A750 et A709.

Le financement de cette opération est assuré, aux termes de l'article 25 du cahier des charges annexé à la concession modifié par l'avenant, par une majoration annuelle des tarifs de péage (HT) applicable aux véhicules de la classe I de 0,264 % pour les exercices 2023 à 2026, alors que le point m) du même article prévoit que le contournement ouest de Montpellier est libre de péage.

Position CE. En mettant, par cette hausse tarifaire, à la charge de l'ensemble des usagers de la totalité des 2 714 kilomètres du réseau autoroutier concédé à la société le financement des travaux de réalisation d'un tronçon de 6,2 kilomètres destiné au contournement ouest de Montpellier dépourvu de péage, cette disposition tarifaire méconnaît la règle de proportionnalité entre le montant du tarif et la valeur du service rendu.

Décision. Doit donc être annulée cette disposition tarifaire, modifiée par l'avenant litigieux, laquelle est divisible des autres clauses de cet avenant.

Rappel. Le principe d'égalité des usagers devant le service public et la règle de proportionnalité entre le montant du tarif et la valeur du service rendu ne font pas obstacle à ce que soit pratiquée, sur une portion d'autoroute, une tarification forfaitaire, dès lors, d'une part, que compte tenu de la longueur d'autoroute en cause et du faible montant du tarif pratiqué, le caractère forfaitaire du péage est d'ampleur limitée et, d'autre part, que la localisation de la barrière de péage conduisant à un système de péage ouvert trouve sa justification dans des motifs d'intérêt général de fluidité du trafic et de rationalisation de l'exploitation de l'autoroute (CE, 2°-7° s.-sect. réunies, 5 mars 2014, n° 367233, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A4219MGD).

Précision. La circonstance que l'augmentation du tarif soit limitée à 0,264 % n'est pas de nature à dénier au requérant qui justifie de sa qualité d'usager du réseau autoroutier concédé à la société ASF, un intérêt direct et certain lui permettant de demander l'annulation pour excès de pouvoir de cette disposition (recours « Tarn-et-Garonne », CE, ass., 4 avril 2014, n° 358994, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A6449MIP, contre le contrat lui-même, étendu aux actes d’approbation du contrat par CE, 23 décembre 2016, n° 392815 et n° 392819 N° Lexbase : A8794SXY).

Le requérant n'est donc fondé à demander l'annulation pour excès de pouvoir du décret n° 2022-81, du 28 janvier 2022 N° Lexbase : L9448MCW, qu'en tant qu'il porte approbation de la disposition tarifaire de l'article 25.2 du cahier des charges annexé à la convention conclue le 10 janvier 1992 entre l'État et ASF modifié par l'avenant approuvé, en conséquence de l'annulation de cette disposition.

newsid:484197

Contrat de travail

[Brèves] Modification du contrat de travail d’un salarié en cas de mise à disposition d'un véhicule de service venant remplacer le remboursement de ses frais de déplacement

Réf. : Cass. soc., 25 janvier 2023, n° 21-19.169, F-D N° Lexbase : A45189AL

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N4207BZT

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par Charlotte Moronval

Le 01 Février 2023

► L’annulation et le remplacement de l’indemnité de remboursement des frais de déplacement par l’attribution d’un véhicule de l’entreprise, sans l’accord du salarié concerné, constitue une modification de son contrat de travail dépassant le simple pouvoir de direction de l'employeur, susceptible d’entraîner sa condamnation à verser des dommages et intérêts.

Faits et procédure. Un employeur informe son salarié, récemment promu inspecteur principal, de l'attribution d'un véhicule d'entreprise pour l'exercice de ses fonctions. Celui-ci refuse, considérant que cela emporte modification de son contrat de travail.

Pour condamner l'employeur à des dommages et intérêts en raison d'une modification unilatérale du contrat de travail du salarié, la cour d'appel (CA Bordeaux, ch. soc., sect. A, 19 mai 2021, n° 18/01052 N° Lexbase : A37004ST) retient que :

  • la lettre d'engagement du salarié prévoit le recrutement du salarié en qualité d'inspecteur-adjoint « aux mêmes conditions générales que notre personnel » ;
  • l'accord d’entreprise sur les conditions de déplacement prévoit que ce texte s'applique « aux salariés appelés à se déplacer habituellement et pour lesquels la nécessité des déplacements est généralement prévue par le contrat de travail soit explicitement, soit implicitement en raison de la nature du travail ou du poste » ;
  • l'employeur ne conteste nullement que la nature même des fonctions du salarié implique pour celui-ci des déplacements professionnels et donc nécessairement l'utilisation par lui de son véhicule personnel ;
  • dans la mesure où la lettre d'engagement renvoit explicitement aux conditions générales du personnel, le salarié bénéficie, de par son contrat de travail, d'un remboursement de ses frais de déplacement.

L’employeur forme un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation valide le raisonnement des juges du fond et rejette le pourvoi de l’employeur.

Impliquant l’annulation et le remplacement de l’indemnité de remboursement des frais de déplacement, cette mise à disposition constituait une modification du contrat de travail dépassant le simple pouvoir de direction de l’employeur.

Pour aller plus loin :

  • sur la modification des modalités de remboursement des frais professionnels, v. Cass. soc., 3 novembre 2010, n° 09-42.994, F-D N° Lexbase : A5553GDZ ;
  • v. ÉTUDE : La modification du contrat de travail, Les autres hypothèses de modification du contrat de travail, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E8948ES9.

newsid:484207

Procédure civile

[Brèves] Cassation atteignant un chef de dispositif et censure de la juridiction de renvoi

Réf. : Cass. civ. 2, 26 janvier 2023, n° 21-15.483, F-B N° Lexbase : A20669AR

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N4209BZW

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 01 Février 2023

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation vient rappeler que la cassation qui atteint un chef de dispositif n'en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation.

Faits et procédure. Dans cette affaire, un motard a été percuté par un véhicule. Il a assigné la conductrice et son assureur aux fins d’indemnisation de son préjudice et une provision. Un arrêt (CA Pau, 2e ch., sect. 1, 20 octobre 2015, n° 15/3936 N° Lexbase : A6949NTK), le jugement de première instance a été infirmé, et la responsabilité de la conductrice a été retenue. Elle et son assureur ont été condamnés solidairement à verser notamment certaines sommes au demandeur. Les défendeurs ont formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt. La Cour de cassation a cassé partiellement l’arrêt rendu par la cour d’appel (Cass. civ. 2, 16 janvier 2020, n° 18-23.924, F-D N° Lexbase : A91953B8), sur le rejet de la demande d’indemnisation au titre de la perte de gains professionnels. Le 12 mars 2020, la cour d’appel de renvoi a été saisie. Devant cette dernière, les défendeurs ont sollicité la confirmation du jugement en ce qu’il avait débouté le demandeur de sa demande présentée au titre de la perte de gains professionnels actuels et sa réformation en ce qui concerne l’indemnisation de l’incidence professionnelle. Ils ont fait valoir que la créance devait s'imputer sur le déficit fonctionnel permanent et sollicité que le doublement du taux des intérêts ne soit appliqué que sur une certaine période.

Le pourvoi. Dans le premier moyen, les demandeurs font grief à l’arrêt (CA Bordeaux, 1re ch. civ., 10 novembre 2020, n° 20/01380 N° Lexbase : A213134P), d’avoir déclaré irrecevables leurs demandes formées au titre de la période de doublement des intérêts de retard. Ils font valoir la violation des articles 623 N° Lexbase : L6782H7C, 624 N° Lexbase : L7853I4M, 625 N° Lexbase : L7854I4N et 638 N° Lexbase : L6799H7X du Code de procédure civile. En l’espèce, la cour d’appel pour déclarer irrecevable la demande précitée a retenu qu’une telle demande ne peut être considérée comme ayant un lien d’indivisibilité ou de dépendance nécessaire avec la disposition de l'arrêt atteint par la cassation, puisque l'éventuelle modification de l'assiette globale du calcul de ces intérêts n'est pas de nature à entraîner la remise en cause de la période retenue pour le doublement des intérêts.

Solution. Énonçant la solution précitée au visa des articles 623, 624, 625 et 638 du Code de procédure civile, la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel, et casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel de Bordeaux, à l’exception de ce qu’il déclare irrecevable la demande formée par les intimés au titre de l’incidence professionnelle. Les Hauts magistrats relèvent que le dispositif de l’arrêt cassé incluait distinctement, parmi les chefs de l’arrêt annulés, la condamnation au titre de pénalité au paiement d’intérêts au double du taux légal et la période courant à compter du 11 juillet 2012, jusqu’au jour de l’arrêt devenu définitif. En conséquence, la cour de renvoi était investie de la connaissance du litige tranché par cette disposition, dans tous ses éléments de fait et de droit, incluant la période durant laquelle la pénalité devait être appliquée.

La Haute juridiction s’est déjà prononcée dans le sens de sa solution à plusieurs occasions (Cass. civ. 2, 10 juin 2021, n° 20-14.854, F-P N° Lexbase : A93554UZ Cass. civ. 3, 21 novembre 2019, n° 18-24.190, F-D N° Lexbase : A4817Z3S ; Cass. civ. 2, 10 janvier 2019, n° 17-24.835, F-D N° Lexbase : A9730YS8 ; Cass. civ. 1, 10 septembre 2014, n° 13-19.094, F-P+B N° Lexbase : A4308MWH.

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Responsabilité

[Jurisprudence] La portée indemnitaire de la rente accident du travail redéfinie par l’Assemblée plénière de la Cour de cassation

Réf. : Ass. plén., 20 janvier 2023, deux arrêts, n° 21-23.947 N° Lexbase : A962588Y et n° 20-23.673 N° Lexbase : A962688Z B+R

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par Christophe Quézel-Ambrunaz, Professeur à l’Université Savoie Mont Blanc, Centre de recherches en droit Antoine Favre, membre de l’Institut Universitaire de France

Le 01 Février 2023

Mots-clés : dommage corporel rente accident du travail souffrances endurées faute inexcusable de l’employeur imputation en cascade déficit fonctionnel permanent recours des tiers payeurs revirement de jurisprudence

Par deux arrêts du 20 janvier 2023, l’Assemblée plénière a précisé les postes de préjudices couverts par la rente accident du travail. Elle était saisie du point de savoir si des souffrances endurées pouvaient être indemnisées en sus de la rente, et, revirant sa jurisprudence pour l’aligner sur celle du Conseil d’État, elle répond désormais par l’affirmative. Au surplus, elle a indiqué que cette rente ne réparait pas le déficit fonctionnel permanent, ce qui devrait pour l’avenir interdire l’imputation de la rente sur ce poste.


 

Qu’indemnise la rente accident du travail ? Certaines questions – comme celle-ci – sont apparemment naïves, alors même que les réponses sont loin d’être évidentes. Il n’a fallu rien de moins qu’une Assemblée plénière pour apporter un début de réponse.

Les accidents du travail laissant la victime avec une incapacité permanente supérieure à 10 % [1] lui ouvrent droit à une rente dite « accident du travail ». L’article L. 434-2 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L8917KUS, deuxième alinéa, en indique le mode de calcul : il s’agit du produit du salaire annuel et du taux d’incapacité. Cette rente est incessible et insaisissable [2] et revalorisée annuellement pour suivre l’évolution des prix à la consommation [3].

L’incapacité dont il est question est fixée par référence à un barème spécifique aux accidents du travail [4], il s’agit donc d’une incapacité professionnelle, et doit prendre en compte « la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que […] ses aptitudes et sa qualification professionnelle » [5]. Le barème indique des taux très différents de ceux du barème du concours médical, par exemple : l’amputation entière d’un bras dominant représente un taux de 95 % en accidents du travail, mais de 55 à 60 % en droit commun. La différence se justifie en ce que la grandeur mesurée (l’incapacité professionnelle, d’un côté, l’incapacité personnelle, de l’autre) n’est pas la même.

La rente emprunte assurément à la technique indemnitaire, dans la mesure où son montant est fixé par rapport au salaire antérieur, et que le taux d’incapacité professionnelle est estimé de manière à intégrer le retentissement des séquelles sur la capacité de gain. Historiquement, d’ailleurs, le taux qui était retenu devait refléter la capacité résiduelle de la victime à gagner sa vie [6]. En outre, le chapitre du Code de la Sécurité sociale qui englobe les dispositions sur la rente accident du travail s’intitule « indemnisation de l’incapacité permanente ».

Pourtant, le mode de calcul de la rente diffère radicalement de celui qui préside à l’évaluation d’un préjudice : la rente n’est pas établie en fonction des pertes de gains effectivement subies. À taux d’incapacité équivalent, telle victime pourra poursuivre son emploi antérieur, ou éventuellement changer de poste, et maintenir ses revenus, voire les accroître ; quand telle autre ne pourra continuer son travail, et se verra privée d’emploi. La formule de calcul de la rente accident du travail conduit pourtant à un résultat identique pour l’une et l’autre, pour peu qu’elles aient le même salaire. En dépit des apparences, la rente accident du travail est donc plus forfaitaire qu’indemnitaire, et ce caractère a déjà été souligné par le Conseil constitutionnel [7], le Conseil d’État [8], et l’est désormais par la Cour de cassation dans les arrêts sous commentaire.

Le paradoxe est patent : la rente accident du travail est supposée avoir une nature indemnitaire, puisqu’elle répare des postes de préjudice, mais n’est en aucun cas mesurée sur le préjudice subi par la victime. Cette rente est donc forfaitaire.

La question de la nature de la rente accident du travail n’est pas seulement théorique. Lorsque l’accident du travail révèle la faute inexcusable de l’employeur, il est crucial de déterminer ce qu’indemnise cette rente ; en effet, dans un tel cas, l’article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L5302ADQ permet à la victime de demander en sus à l’employeur réparation de certains postes de préjudice, dont les souffrances physiques et morales (qui intègrent, après consolidation, le déficit fonctionnel permanent). Et lorsque l’accident du travail est susceptible d’engager la responsabilité d’un tiers, et que la caisse de Sécurité sociale entend exercer son recours, la détermination de l’assiette du recours (entendre par là, les postes de préjudices sur lesquels le recours peut s’exercer) est fondamentale, particulièrement lorsque le droit à réparation n’est que partiel [9]. Sur tout ceci, les arrêts d’Assemblée plénière du 20 janvier 2023 constituent un authentique revirement.

Avant le revirement opéré en Assemblée plénière, la Cour de cassation considérait que la rente accident du travail réparait les préjudices professionnels (perte de gains professionnels et incidence professionnelle) d’une part, et le déficit fonctionnel permanent (intégrant les souffrances post-consolidation) d’autre part. Afin de préserver le principe de la réparation intégrale, qui prévient la double indemnisation du même poste de préjudice, la victime ne pouvait demander à son employeur la réparation de ses souffrances post-consolidations qu’à la condition de démontrer que la rente accident du travail ne les avait pas déjà réparées, par le truchement du déficit fonctionnel permanent. Cette question de preuve était en réalité dans la dépendance de l’importance de la perte de gains et de l’incidence professionnelle de la victime. Si elles étaient suffisamment importantes pour absorber la rente accident du travail, cela établissait que le déficit fonctionnel permanent n’était pas couvert par cette prestation. Dans le cas contraire, le poste extrapatrimonial était réputé réparé par la rente. Ce jeu de vases communicants était certainement insatisfaisant, mais avait l’avantage de ne pas mettre en lumière que la rente accident du travail pouvait, parfois, enrichir la victime [10].    

L’Assemblée plénière de la Cour de cassation a opéré un revirement complet, par deux arrêts, l’un de cassation, l’autre de rejet.

Quant à l’arrêt de cassation [11], les faits concernaient un ouvrier exposé à l’amiante ayant contracté dans le cadre de son travail un cancer broncho-pulmonaire primitif, dont il est décédé. Une rente d’ayant droit a été versée à sa veuve, laquelle et sa fille ont saisi la caisse d’une procédure de reconnaissance de faute inexcusable, notamment pour obtenir l’indemnisation du poste de déficit fonctionnel permanent comme héritières de la victime. La cour d’appel de Caen [12] a relevé que la victime était retraitée lors de la première constatation de la maladie ; elle « n’a donc subi aucune perte de gains professionnels ni d’incidence professionnelle. Ainsi, la rente indemnise le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent » ; cette position était parfaitement conforme à celle de la Cour de cassation. Elle a fait l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité intéressante, fondée sur l’égalité des citoyens devant la loi [13], mais qui n’a pas été transmise, faute d’être estimée nouvelle ou sérieuse [14]. Les demandeurs au pourvoi soutiennent que la position de la cour d’appel viole plusieurs articles du Code de la Sécurité sociale.

Quant à l’arrêt de rejet, un ouvrier de l’amiante a appris à 56 ans qu’il était atteint d’un cancer broncho-pulmonaire. La cour d’appel de Metz l’a indemnisé au titre de ses souffrances physiques et morales, estimant que « le diagnostic d’une pathologie irréversible due à l’amiante constitue par son annonce même et la forte inquiétude qu’elle génère liée à son caractère incurable et évolutif, lequel s’est confirmé par l’issue fatale qui en est résultée, un préjudice spécifique devant être indemnisé en tant que tel, distinct de celui réparé au titre du déficit fonctionnel permanent » ; a fortiori, non couvert par la rente accident du travail. La Cour de cassation a cassé cet arrêt pour violation de différents articles du Code de la Sécurité sociale. La cour d’appel de Nancy, statuant sur renvoi [15], a résisté en motivant de manière sublime – le mot n’est pas trop fort – son arrêt. Elle affirme que la position traditionnelle de la Cour de cassation méconnaît le caractère composite du déficit fonctionnel permanent, et que « l’indemnisation des souffrances physiques et morales relève des seules dispositions de l’article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale qui leur sont propres et distinctes de la rente qui n’a ni pour objet ni pour finalité de réparer de quelconques souffrances ». L’agent judiciaire de l’État a formé un pourvoi en cassation, reprochant à l’arrêt d’appel d’avoir statué par des motifs impropres à démontrer en quoi les souffrances physiques et morales endurées par la victime étaient distinctes de celles réparées au titre du déficit fonctionnel permanent.

L’Assemblée plénière de la Cour de cassation opère un revirement assumé de jurisprudence, rejetant le pourvoi dirigé contre l’arrêt de la cour d’appel qui, statuant sur renvoi, avait résisté, et cassant l’arrêt des juges qui s’étaient conformés à sa jurisprudence antérieure.

La question principale posée à la Cour de cassation était donc relative à la possibilité d’indemniser les souffrances subies par une victime d’accidents du travail qui bénéficie de la rente accident du travail – et la réponse est désormais affirmative, ce qui constitue un premier revirement (II). Il n’a été possible que parce que la Cour de cassation a développé une nouvelle analyse du contenu de la rente accident du travail (I), pour en exclure le déficit fonctionnel permanent, qui contient ces souffrances après la consolidation, et ce point est sans doute celui qui aura la plus grande portée pratique (III).

I. Les préjudices indemnisés par la rente accident du travail

L’Assemblée plénière opère un revirement qu’elle assume. Les deux arrêts, dont on imagine que chaque terme a été minutieusement pesé, sont très similaires. Après l’exposé du contenu des textes applicables, la Cour rappelle la position qu’elle avait prise antérieurement, et fait état des critiques qui ont pu lui être adressées ou des divergences rencontrées.

Sans remonter jusqu’à la genèse du droit du dommage corporel, il convient de remarquer que le questionnement sur le contenu exact de la rente n’a pris une importance décisive qu’à partir du moment où a été posé le principe de l’exclusion des postes personnels de l’assiette du recours des caisses [16], puis a fortiori lorsque la règle du recours des tiers payeurs poste par poste a été affirmée [17]. Déterminer les postes réparés par la rente accident du travail permettait de déterminer l’assiette du recours de la caisse de Sécurité sociale la versant. La Cour de cassation a d’abord, dans une série d’avis, indiqué que cette rente « indemnise, notamment, les pertes de gains professionnels et les incidences professionnelles de l’incapacité ; […] Si la caisse de Sécurité sociale estime que cette prestation indemnise aussi un préjudice personnel et souhaite exercer son recours sur un tel poste, il lui appartient d’établir que, pour une part de cette prestation, elle a effectivement et préalablement indemnisé la victime, de manière incontestable, pour un poste de préjudice personnel »[18]. Cette preuve, dans un second temps, a été considérée comme rapportée chaque fois que le montant de la rente excédait le total des postes professionnels [19], et a fortiori lorsque la victime, bien que titulaire d’une rente, ne subissait ni perte de revenus, ni incidence professionnelle [20] (de là date la divergence d’avec le Conseil d’État [21], que les arrêts sous commentaire abolissent). Autrement dit, si la caisse peut recourir en prenant pour assiette un certain poste de préjudice, c’est nécessairement qu’elle l’a indemnisé, et donc que la victime ne saurait demander une autre indemnisation, pour le même poste, au responsable (du moins pour la fraction indemnisée), sans que cela ne viole le principe de la réparation intégrale [22]. Ce raisonnement vole en éclats avec ces arrêts d’Assemblée plénière : la rente n’est plus, désormais, vue comme indemnisant les postes personnels – alors même qu’elle excéderait les postes professionnels.

Cette solution amène à faire prévaloir le caractère forfaitaire – l’expression est dans les arrêts [23] – de la rente accident du travail ; en d’autres termes, son caractère non nécessairement indemnitaire. Elle revient à reconnaître qu’existent des cas – ceux où la rente excède la valeur des postes professionnels – où la victime s’enrichit grâce à la rente accident du travail.

La Cour de cassation expose, dans une louable transparence, les trois forces qui l’ont conduite à infléchir sa position. Les critiques de la doctrine – y compris celle issue de ses rangs [24] – qui s’était, il est vrai, majoritairement élevée contre la solution adoptée en 2009 [25] ; les difficultés rencontrées par les juges du fond sur le terrain de la preuve – litote permettant d’esquiver le constat de franches résistances ; et l’exemple du Conseil d’État, qui n’a jamais admis que les rentes assimilables à celles versées aux victimes d’accident du travail s’imputent sur les postes extrapatrimoniaux – d’abord dans un avis [26], puis dans de multiples décisions [27].

Dans la mesure où la Cour de cassation cite, au titre de sa jurisprudence antérieure, qu’elle remet en cause, des prestations autres que la rente accident du travail stricto sensu, comme la pension militaire d’invalidité [28] ou l’allocation d’invalidité des fonctionnaires [29], il doit être tenu pour acquis que la nouvelle interprétation s’applique également à ces prestations comparables à la rente accident du travail.

II. L’indemnisation des souffrances en sus de la rente accident du travail

L’indemnisation des accidents du travail repose sur un compromis social fort : la réparation en est automatique, mais inférieure à la réparation intégrale.

Les conséquences de l’incapacité subie dans le cadre du travail sont indemnisées soit par un capital [30], soit par une rente si l’incapacité est supérieure à 10 % [31], en-dehors de toute allégation de faute, ou en cas de faute simple. Ces sommes sont déterminées de manière forfaitaire, ainsi que cela a déjà pu être souligné.

Lorsque l’employeur a commis une faute inexcusable, l’indemnisation est plus complète. Une telle faute est très facilement admise, dans la mesure où la Cour de cassation retient « qu’en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, l’employeur est tenu envers ce dernier d’une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les accidents du travail ; que le manquement à cette obligation a le caractère d’une faute inexcusable, au sens de l’article L. 452-1 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L5300ADN, lorsque l’employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour l’en préserver » [32].

L’effet de la reconnaissance de la faute inexcusable est important : d’une logique d’indemnisation sans égard à la responsabilité, une bascule s’opère vers la responsabilité ; parallèlement, le forfaitaire cède le pas à l’indemnitaire.

La première conséquence à cette qualification est la majoration des prestations qui, selon les termes de l’article L. 452-2 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L7113IUY, sont payées par la caisse, mais dont le capital représentatif est récupéré auprès de l’employeur. Surtout, ces majorations sont bornées par le salaire annuel en cas d’incapacité totale de travail, ou à une fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de la capacité. Il s’agit d’un pas vers la logique indemnitaire, mais il est incomplet : la borne n’est pas liée à la perte de revenus. Une victime est susceptible de subir une perte de capacité de 50 %, mais une perte de revenus inférieure ou supérieure.

La seconde conséquence est celle de l’article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L5302ADQ, qui permet en outre à la victime « de demander à l'employeur devant la juridiction de Sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle ». La logique indemnitaire est encore plus présente, mais les termes employés ne sont pas cohérents avec la nomenclature « Dintilhac ». Le législateur, qui n’a semble-t-il pas eu l’idée d’accorder les termes dans lesquelles sont définies les prestations sociales et les demandes complémentaires à l’évolution du droit du dommage corporel, peut être désigné responsable de la valse-hésitation à laquelle les arrêts sous commentaire apportent peut-être un répit provisoire. La liste indiquée des postes n’est pas limitative, a affirmé par des réserves d’interprétation le Conseil constitutionnel statuant après une question prioritaire de constitutionnalité [33].

Néanmoins, pour respecter un principe indemnitaire qui interdit à la victime de recevoir plus que le montant de son préjudice, ces demandes de réparation complémentaire ne sont recevables que si les préjudices dont il est demandé réparation n’ont pas déjà été réparés. Ici ressurgit la question de la nature de la rente accident du travail et de sa portée indemnitaire, où il peut être remarqué que si le législateur a prévu une indemnisation complémentaire pour les souffrances, c’est qu’elles ne sont pas incluses dans la rente, même majorée. Avant les arrêts sous commentaire, la Cour de cassation invitait les juges du fond à vérifier si la rente (avec sa majoration) excédait les postes professionnels, pour en déduire que les souffrances endurées, sous couvert de déficit fonctionnel permanent, étaient ou non indemnisées, ce qui conditionnait l’accès à la réparation complémentaire. Étaient systématiquement cassés des arrêts qui acceptaient d’indemniser le déficit fonctionnel permanent au seul motif qu’il n’était pas indemnisé par la rente [34].

Désormais, la solution nouvelle permet aux victimes de demander systématique, en cas de faute inexcusable, l’intégralité des postes prévus par la liste non limitative de l’article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale, et notamment les souffrances post-consolidation, comme composante du déficit fonctionnel permanent. L’indemnisation des souffrances en sus de la rente accident du travail est assurément de nature à augmenter l’indemnisation des victimes concernées, aux dépens de ceux – assureur de l’employeur essentiellement – qui seront débiteurs définitifs de l’indemnisation. Il ne s’agit pas du seul facteur d’accroissement de l’indemnisation des victimes : l’affirmation selon laquelle la rente ne répare pas le déficit fonctionnel permanent modifie le jeu du recours des tiers payeurs, notamment l’imputation en cascade, et augmente l’indemnisation de la victime en diminuant le produit du recours de la caisse de sécurité sociale.

III. La non-indemnisation du déficit fonctionnel permanent par la rente accident du travail

La réparation, par la rente accident du travail, du déficit fonctionnel permanent a toujours pu sembler suspecte, du moins dès lors que cette notion a gagné son autonomie. En effet, il est précisé dans le rapport dit « Dintilhac » [35] qu’« il s’agit ici de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime », qui s’oppose à la sphère professionnelle. Or, le 4) de l’article L. 431-1 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L8044LGZ, qui prévoit le principe de la rente accident du travail, l’attribue aux « victimes atteintes d'une incapacité permanente de travail ». Cette rente et le déficit fonctionnel permanent n’appartiennent donc pas à la même sphère. La question trouve son importance ici lorsque le dommage subi par la victime engage la responsabilité d’un tiers à la relation professionnelle (cas de l’accident du travail qui est également un accident de la circulation avec implication d’un tiers, par exemple).

La jurisprudence antérieure à ces arrêts d’Assemblée plénière, qui a été rappelée, amenait à une imputation dite en cascade de la rente accident du travail, et des prestations assimilables, jusque sur des postes de nature personnelle. La caisse de Sécurité sociale intervenant au titre de l’accident du travail a en effet un recours subrogatoire contre les tiers responsables au titre de l’article L. 454-1 du Code de la Sécurité sociale N° Lexbase : L8869LHX, mais celui-ci n’est pas supposé s’exercer sur les postes à caractère personnel. Néanmoins, cette imputation en cascade signifiait que la rente (arrérages échus et à échoir capitalisés), s’imputait en priorité sur les pertes de gains professionnels futurs. Si celles-ci étaient inférieures à la prestation de l’organisme sociale, le reliquat [36] s’imputait sur l’incidence professionnelle ; et, en cas de persistance d’un reliquat, sur le déficit fonctionnel permanent. L’intérêt pour la victime de faire reconnaître l’existence de ce poste extrapatrimonial était limité si ses préjudices professionnels n'atteignaient pas le montant des prestations sociales, dans la mesure où il intégrerait alors l’assiette du recours.

Par les arrêts du 20 janvier 2023, la Cour de cassation insiste avec force sur le fait que le déficit fonctionnel permanent n’est pas réparé par la rente accident du travail. Ce faisant, elle l’exclut de l’assiette du recours des caisses. L’effet économique de ce revirement est au bénéfice de certaines victimes – celles qui voyaient leur indemnisation auparavant amputée par l’intégration du déficit fonctionnel permanent dans l’assiette du recours. Il est neutre pour les tiers responsables, qui payent de manière identique à la victime ou au payeur exerçant son recours. Il est négatif pour les caisses versant les prestations ouvrant droit au recours, dans la mesure où l’assiette disponible se réduit [37].

La portée pratique du revirement est importante. Il faut évidemment conseiller aux avocats de victimes de modifier leurs écritures pour demander des souffrances permanentes en cas de faute inexcusable, et pour limiter l’imputation en cascade de la rente accident du travail aux postes professionnels. Les logiciels de calcul Quantum [38] et Norma [39] s’adaptent. Au surplus, lorsque les délais le permettent, ils ont intérêt à faire appel, ou à former un pourvoi en cassation, contre toutes les décisions qui auraient réalisé une imputation en cascade sur le déficit fonctionnel permanent. Il semble en effet impossible que la Cour de cassation, qui vient en Assemblée plénière d’affirmer que la rente accident du travail n’indemnise pas le déficit fonctionnel permanent, se contredise en admettant qu’il intègre l’assiette du recours de la caisse de Sécurité sociale. Selon toute vraisemblance, il devrait en être de même pour toutes les rentes voisines de celle-ci : que l’Assemblée plénière intègre dans l’exposé de sa jurisprudence antérieure des arrêts qui ne concernent pas la rente accident du travail est un indice sérieux qu’elle les englobe dans un même tout.

Il est probable que l’Assemblée plénière avait parfaitement conscience de l’impact que sa solution aurait sur l’imputation en cascade de certaines prestations indemnitaires, et que c’est pour cette raison que l’exclusion du déficit fonctionnel a été posée si nettement – alors même que cela pourrait sembler à première vue être un obiter dictum. Ce faisant, elle a évité de rouvrir le débat sur le point de savoir si l’allocation d’une rente pouvait être considérée comme une indemnisation « préalable » d’un poste personnel ; ce qui aurait, par conséquent, amené un nouveau débat sur les aspects extrapatrimoniaux de l’incidence professionnelle.

Si les arrêts commentés ont l’immense mérite d’uniformiser les positions des juges judiciaires et administratifs – ce qui est dans l’air du temps, puisque les projets de réforme de la responsabilité civile soumettraient les deux ordres de juridiction aux mêmes règles, ils font apparaître des besoins de réforme [40]. D’abord, la rente accident du travail conserve, même majorée, une portée indemnitaire douteuse : empreinte de son origine forfaitaire, elle est susceptible d’excéder ou de ne pas atteindre le montant des postes de préjudices auxquels elle est supposée correspondre [41]. Ensuite, la détermination d’une concordance entre les prestations versées par les organismes sociaux et les postes de préjudices serait souhaitable [42]. Enfin, l’individualisation des souffrances endurées à titre définitif serait souhaitable, ce qui serait le prolongement de l’arrêt de la cour d’appel de Nancy, qui a donné lieu à l’arrêt de rejet, et qui souligne la nature composite du poste du déficit fonctionnel permanent.  

 

[1] CSS, art. R. 434-1 N° Lexbase : L7232AD9.

[2] CSS, art. L. 434-18 N° Lexbase : L5272ADM.

[3] CSS, art. L. 434-17 N° Lexbase : L8914KUP.

[4] CSS, Annexe I : Barème indicatif d'invalidité (accidents du travail).

[5] CSS, art. L. 434-2, al. 1er N° Lexbase : L8917KUS.

[6] Voyez J. Rohmer, Les accidents du travail : évaluation (à l'usage des médecins experts) des incapacités professionnelles (loi du 9 avril 1898), Masson et Cie, 1902, p. II.

[7] Cons. const., décision n° 2010-8 QPC, 18 juin 2010 N° Lexbase : A9572EZK, n° 16 : la victime, « lorsqu’elle est atteinte d’une incapacité permanente, lui est versée une indemnité forfaitaire calculée en tenant compte notamment du montant de son salaire et du taux de son incapacité  ».

[8] CE, section, avis, 8 mars 2013, n° 361273, publié au Recueil Lebon N° Lexbase : A3225I9C, n° 5.

[9] Voyez A. Cayol, Recours des tiers payeurs : retour sur les difficultés suscitées par les rentes accident du travail et par le droit de préférence de la victime en cas de partage de responsabilité, Bulletin Juridique des assurances 2021, n° 73, p. 19.

[10] C. Quézel-Ambrunaz, Recours des tiers payeurs et prestations forfaitaires : la Cour de cassation réécrit-elle la loi ?, Revue Lamy Droit civil, 2009, 66, p. 15-23. Voyez aussi H. Groutel, Recours des tiers payeurs : enfin des règles sur l’imputation des rentes d’accident du travail (et prestations analogues), Responsabilité civile et assurances n° 7-8, juillet 2009, étude 10 et P. Jourdain, Imputation des rentes d'accident du travail sur les postes de dommage corporel : la Cour de cassation change d'avis, D. 2009 p. 1789. Et encore J. Bourdoiseau, Rente AT, déficit fonctionnel permanent et recours des tiers payeurs : « Tout a été dit, mais comme personne n'écoute, il faut toujours répéter », Gaz. Pal. 17 nov. 2015, n° 247q8, p. 43 remarque : « Il est pourtant douteux qu’une prestation corrélée au salaire puisse réparer des préjudices personnels ».

[11]  Ass. plén., 20 janvier 2023, n° 20-23.673.

[12] CA Caen, ch. soc., sect. 3, 29 octobre 2020, n° 17/03659 N° Lexbase : A76553ZK.

[13] DDHC, art. 6 N° Lexbase : L1370A9M. L’un des arguments étant de dire que, si la rente accident du travail répare un poste extrapatrimonial, mais que celui-ci est évalué en fonction du salaire, cela signifie que la souffrance d’un homme a une valeur liée à son salaire…

[14] Cass. QPC, 8 juillet 2021, n° 20-23.673, F-D N° Lexbase : A63674YH.

[15] CA Nancy, ch. soc., 1re sect., 7 septembre 2021, n° 21/00095 N° Lexbase : A659243K.

[16] Loi n° 73-1200, du 27 décembre 1973, relative à l'étendue de l'action récursoire des caisses de Sécurité sociale en cas d'accident occasionné à un assuré social par un tiers, art. 1, modifiant l’article L. 397 du Code de la Sécurité sociale, « la caisse est admise à poursuivre le remboursement des prestations mises à sa charge à due concurrence de la part d ’indemnité mise à la charge du tiers qui répare l’atteinte à l’intégrité physique de la victime, à l’exclusion de la part d ’indemnité, de caractère personnel, correspondant aux souffrances physiques ou morales par elle endurées et au préjudice esthétique et d ’agrément ».

[17] Loi n° 2006-1640, du 21 décembre 2006, de financement de la Sécurité sociale pour 2007 N° Lexbase : L8098HT4, art. 25.

[18] Cass. avis, 29 octobre 2007, n° 0070015P N° Lexbase : A2872DZE ; voir aussi, Cass. avis, 29 octobre 2007, n° 0070017P N° Lexbase : A2874DZH.

[19] Cass. crim., 19 mai 2009, quatre arrêts, n° 08-84.896, inédit ; n° 08-83.529, inédit ; n° 08-82.666, FS-P+F N° Lexbase : A0770EID ; n° 08-83.987, FS-D N° Lexbase : A3166EI4.

[20] Cass. civ. 2, 22 octobre 2009, deux arrêts, n° 07-20.419, FS-P+B N° Lexbase : A2614EMR et n° 08-19.576, FS-P+B N° Lexbase : A2704EM4. Ces arrêts précisent en outre que lorsque la rente est définitive, la condition de versement préalable est remplie. Voyez notamment sur cette hypothèse P. Jourdain, Imputation des rentes d'accident du travail sur les postes de dommage corporel : la Cour de cassation change d'avis, D., 2009, p. 1789.

[21] En ce sens, voyez les conclusions du rapporteur public A. Lallet, sous CE, sect. cont., 8 mars 2013, n° 361273, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3225I9C.

[22] Voir les critiques de C. Bernfeld, Candide au pays du recours des tiers payeurs « Où il est démontré que les choses ne peuvent pas être autrement », Gaz. Pal. 29 déc. 2009, p. 4.

[23] Voir aussi le rapport de Mme la conseillère Van Ruymbeke.

[24] P. Sargos, L'erreur de droit permanente en matière de recours des tiers payeurs d'une rente accident du travail, Gaz. Pal., 25 novembre 2010, p. 5, qui estime que « c'est le Conseil d'État, et non la Cour de cassation, qui a raison quant à l'objet de la rente accident du travail, qui n'a pas un caractère mixte ». ; Comp. A. Dejean de la Bâtie, Le recours des tiers payeurs : la Cour de cassation se fait juge et partie, RLDC 2011/79 : « La chambre civile fait triompher la logique civiliste en affirmant le caractère hybride de la rente accident ».

[25] Voyez notamment M. Keim-Bagot, Rente AT-MP : une jurisprudence contra legem, Droit social 2021, p. 93, qui s’interroge : « Jusqu’à quand acceptera-t-on que l'on ampute ainsi l'indemnisation des victimes du risque professionnel ? » ;  S. Porchy-Simon, Accident du travail - Régime juridique du recours des tiers payeurs après la réforme opérée par la loi du 21 décembre 2006, n° 36, 31 août 2009, act. 195, qui regrette qu’une « présomption d’indemnisation du déficit fonctionnel permanent par ces prestations [ soit] en effet instaurée lorsqu’aucune perte de gains professionnels ou d’incidence professionnelle n’est retenue par le juge ».

[26] CE, sect. cont., 8 mars 2013, n° 361273, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3225I9C. Au n° 5, il est écrit : « Eu égard à sa finalité de réparation d’une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée par l’article L. 431-1, et à son mode de calcul, appliquant au salaire de référence de la victime le taux d’incapacité permanente défini par l’article L. 434-2, la rente d’accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l’accident, c’est-à-dire ses pertes de gains professionnels et l’incidence professionnelle de l’incapacité ».

[27] CE, 23 décembre 2015, n° 374628 N° Lexbase : A0087N3M ; CE, 18 octobre 2017, n° 404065 N° Lexbase : A0292WWQ.

[28] Cass. crim., 19 mai 2009, n° 08-86.485, F-P+F N° Lexbase : A0774EII.

[29] Cass. crim., 19 mai 2009, n° 08-86.050, F-P+F N° Lexbase : A0773EIH.

[30] CSS, art. L. 434-1 N° Lexbase : L8918KUT ; pour la détermination forfaitaire du montant du capital, voir CSS, art. D. 434-1 N° Lexbase : L4433K7C.

[31] CSS, art. L. 434-2 N° Lexbase : L8917KUS.

[32] Cass. soc., 11 avril 2002, n° 00-16.535, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A4836AYR ; Cass. civ. 2, 22 septembre 2022, n° 21-13.494, F-D N° Lexbase : A34598LP (pas de faute inexcusable car pas de conscience du danger).

[33] Cons. const., décision n° 2010-8 QPC, du 18 juin 2010 N° Lexbase : A9572EZK, considérant n° 18.

[34] Voyez par exemple Cass. civ. 2, 4 avril 2012, n° 11-14.311, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A6498IH7.

[35] Rapport du groupe de travail chargé  d’élaborer une nomenclature  des préjudices corporels, dirigé par J.-P. Dintilhac [en ligne].

[36] La manière de le calculer a pu susciter des difficultés, en cas de diminution de l’indemnisation en raison de la faute de la victime ou du jeu de la perte de chance : faut-il déduire le poste pour sa pleine valeur, ou pour sa fraction indemnisable correspondant à la prestation imputée ? La Cour de cassation a précisé qu’il s’agissait du poste entier, Cass. civ. 2, 26 novembre 2020, n° 19-21.744, F-D N° Lexbase : A164438E.

[37] Il convient toutefois de relativiser la portée de cet effet, qui n’amputera que partiellement les recours, qui ne représente qu’une fraction des comptes de la branche Accidents du travail et maladies professionnelles : en 2021, un peu plus de 500 millions d’euros pour plus de 14 milliards de produits, voir les comptes combinés AT/MP 2021, p. 17 [en ligne].

[38] Logiciel de calcul Quantum [en ligne] ; déclaration d’intérêts : l’auteur bénéficie d’un accès offert à ce logiciel.

[39] Logiciel de calcul Norma [en ligne] ; déclaration d’intérêts : l’auteur bénéficie d’un accès offert à ce logiciel, et le laboratoire auquel il appartient réalise des prestations de service rémunérées par la société éditrice.

[40] Qui excèdent le rôle de la jurisprudence, voir l’avis du premier avocat général Gaillardot.

[41] « Il y a nécessairement une contradiction entre l’approche forfaitaire de l’indemnisation et l’évaluation globale du préjudice par les juridictions » souligne dans son avis le premier avocat général Gaillardot.

[42] Voyez déjà O. Sabard, Quelle typologie des postes de préjudices ? Postes de préjudices et assiette du recours des tiers payeurs, RCA n° 3, mars 2010, dossier 7.

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Taxes diverses et taxes parafiscales

[Brèves] Redevances perçues par les agences de l’eau et taxation d’office

Réf. : CE, 5°-6° ch. réunies, 25 janvier 2023, n° 446730, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A08489AN

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N4164BZA

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par Marie-Claire Sgarra

Le 01 Février 2023

Il résulte de l’article L. 213-11-6 du Code de l’environnement que la procédure de taxation d’office n’est susceptible d’être appliquée qu’aux personnes qui n’ont pas produit la déclaration des éléments nécessaires à leur calcul ;

► Par suite, une société n’ayant pas mis en œuvre de dispositif agréé de suivi régulier des rejets de substances polluantes résultant de son activité, mais ayant adressé dans les délais impartis les déclarations requises par le Code de l’environnement, ne peut être soumise à la procédure de taxation d’office.

Les faits. Par deux titres exécutoires, l'agence de l'eau Seine-Normandie a mis à la charge de la société Boréalis Chimie une somme au titre de la redevance pour pollution d'origine domestique pour les années 2011 et 2012 et des intérêts de retard et pénalités. Le TA de Cergy-Pontoise a accordé à cette société la restitution de ces redevances. Celle-ci se pourvoit en cassation contre l'arrêt de la CAA de Versailles en tant qu'il a fait droit à l'appel formé par l'agence de l'eau Seine-Normandie contre ce jugement en remettant à sa charge ces redevances. L'agence de l'eau, par la voie du pourvoi incident, demande, pour sa part, l'annulation de cet arrêt en tant qu'il a statué sur les majorations et intérêts de retard (CAA Versailles, 22 septembre 2020, n° 18VE03882 N° Lexbase : A86433UN).

Principe. Aux termes de l’article L. 213-11-6 du Code de l’environnement N° Lexbase : L4438HWB, en application du principe de prévention et du principe de réparation des dommages à l'environnement, l'agence de l'eau établit et perçoit auprès des personnes publiques ou privées des redevances pour pollution de l'eau, pour modernisation des réseaux de collecte, pour pollutions diffuses, pour prélèvement sur la ressource en eau, pour stockage d'eau en période d'étiage, pour obstacle sur les cours d'eau et pour protection du milieu aquatique.

Solution du Conseil d’État :

  • il résulte de l'instruction que si la société Boréalis Chimie n'avait pas mis en œuvre de dispositif agréé de suivi régulier des rejets de substances polluantes résultant de son activité, elle avait adressé dans les délais impartis les déclarations requises par les dispositions du code de l'environnement en faisant application de la méthode indirecte. C'est, par suite, à tort que l'agence de l'eau Seine-Normandie a appliqué à la société Boréalis Chimie la procédure de taxation d'office prévue par les dispositions de l'article L. 213-11-6 du Code de l'environnement précité ;
  • toutefois, l'administration, qui est en droit, à tout moment de la procédure contentieuse, pour justifier le bien-fondé d'une imposition, de substituer une base légale à celle qui a été primitivement invoquée par elle dès lors que cette substitution peut être faite sans méconnaître les règles de la procédure d'imposition, fait valoir devant le Conseil d'État, dans l'hypothèse d'un règlement au fond après cassation, que les redevances litigieuses peuvent être maintenues sur le fondement de la méthode indirecte à partir des informations qui ont été communiquées par la société ; il y a lieu de faire droit à cette demande de substitution de base légale, qui ne prive la contribuable d'aucune garantie de procédure.

Il s'ensuit que c'est à tort que le tribunal administratif de Cergy-Pontoise a prononcé la décharge des impositions litigieuses au motif qu'elles ont été établies à l'issue d'une procédure de redressement irrégulière. Du fait de la substitution de base légale, les moyens relatifs aux impositions litigieuses soulevés par la société Boréalis Chimie devant le tribunal administratif ne peuvent qu'être écartés comme inopérants.

Précisions. Les redevances perçues par les agences de l’eau ont la nature d’impositions de toute nature dont le contentieux relève du plein contentieux fiscal (CE Contentieux, 20 décembre 1985, n° 31927, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A3336AMI).

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