La lettre juridique n°892 du 27 janvier 2022

La lettre juridique - Édition n°892

Peines

[Jurisprudence] Confiscation : de quelques principes essentiels à son prononcé

Réf. : Cass. crim., 15 décembre 2021, n° 20-85.196, F-D N° Lexbase : A24567HG et n° 20-85.075, F-D N° Lexbase : A25547H3 ; Cass. crim., 5 janvier 2022, n° 21-80.638, F-D N° Lexbase : A80337HY ; Cass. crim., 12 janvier 2022, n° 21-80.866, F-D N° Lexbase : A52617IP

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par le Dr. Nicolas Catelan, Maître de conférences à l'Université Aix-Marseille, Directeur du Master 2 « Lutte contre la criminalité financière et organisée » et du DESU « Risque pénal économique et conformité/compliance »

Le 19 Décembre 2022

Mots-clés : confiscation • proportionnalité • motivation • produit de l’infraction • nue-propriété • clause d’inaliénabilité

Il incombe au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu.

La confiscation peut d’ailleurs porter sur la nue-propriété d’un bien nonobstant l’existence d’une clause d’inaliénabilité


Objet et motivation. Par quatre arrêts rendus entre le 15 décembre 2021 et le 12 janvier 2022, la Cour de cassation a rappelé les principes gouvernant le prononcé de la peine de confiscation. Tant concernant le bien confisqué que le fondement et la motivation de cette peine complémentaire, ces arrêts apportent des précisions utiles dans le champ d’un contentieux toujours plus nourri devant le juge de cassation…

I. Concernant l’objet de la confiscation, la Cour a affirmé que le juge peut, sur le fondement des articles 131-21, alinéa 6 N° Lexbase : L1285MAT, et 222-49 N° Lexbase : L6422ISN du Code pénal, prononcer la confiscation des droits réels de nue-propriété dont un tiers avait fait donation à la prévenue, et dont cette dernière était propriétaire, peu important les clauses d'exclusion de la communauté, et d'interdiction faite à la donataire d'aliéner ou d'hypothéquer la nue-propriété objet de la donation, qui assortissaient cette donation, et qui ne sont pas affectés par la confiscation [1].

Cette solution est d’importance en ce qu’elle vient tout d’abord confirmer la solution implicite formulée dans un arrêt rendu il y a quelques mois. La Cour a en effet estimé le 30 juin 2021 [2] qu’en cas de démembrement de la propriété, et à défaut de libre disposition, un bien ne pouvait être confisqué et être remis à l’État. En telle situation le juge pénal ne peut « ordonner que la seule confiscation des droits d'usufruit et non la confiscation en pleine propriété de ce bien, fût-ce en ordonnant la restitution aux nus-propriétaires des sommes représentant la valeur de leurs droits » (§ 33). Cette décision est donc complétée par l’arrêt en date du 15 décembre quant à la nue-propriété. Est en effet précisé que cet autre droit réel peut pareillement être confisqué. Comme l’explique la chambre criminelle, « cette confiscation, limitée à la seule nue-propriété […], n'a pas d'incidence sur le droit de propriété […] sur l'usufruit du bien, ce qui exclut toute atteinte à sa vie privée et familiale ».

Pour parvenir à cette solution, la Cour passe par le truchement de la propriété portant sur les droits réels démembrés. La seule propriété confisquée est celle portant, non sur le bien, mais sur les droits y afférents. Cette approche est judicieuse puisque la propriété est en effet un droit pouvant porter sur d’autres droits. Or, la confiscation consiste à priver une personne de son droit de propriété. Si cette propriété ne s’étend pas à tous les droits réels portant sur un bien alors, peut être placé sous main de justice le seul droit réel appartenant au condamné. Le bien ne peut quant à lui être appréhendé. Cette approche a le mérite d’éviter que la confiscation dépasse les droits du condamné (en punissant l’usufruitier ici innocent) et a comme inconvénient symétrique pour les autorités d’empêcher la remise du bien litigieux à l’État. Si l’indivision permet de jouir d’un droit de propriété complet sur une partie indéterminée d’un bien partagé, tel n’est pas le cas des démembrements. D’où un régime juridique différent permettant dans le premier cas de confisquer intégralement un bien indivis [3], mais empêchant, dans le champ des démembrements, d’appréhender intégralement le bien. Par cette décision, la Cour vient logiquement préciser le régime afférent à la nue-propriété en limitant le champ de la confiscation sans toutefois y faire obstacle (puisque l’abusus est appréhendé et remis à l’État). L’équilibre est ainsi préservé.

Impuissance de la clause d’inaliénabilité. L’arrêt présente également un intérêt quant à l’efficience des charges grevant un bien donné. Ces clauses, plus ou moins fréquentes en pratique, sont certes impératives inter partes sous réserve de l’application de l’article 900 du Code civil N° Lexbase : L0040HP8. En revanche, affirme la Cour, elles sont impuissantes à faire échec à une sanction pénale telle que la confiscation : la cour d’appel pouvait ainsi, sur le fondement des articles 131-21, alinéa 6, et 222-49 du Code pénal, prononcer la confiscation des droits réels de nue-propriété « peu important les clauses d'exclusion de la communauté, et d'interdiction faite à la donataire d'aliéner ou d'hypothéquer la nue-propriété objet de la donation, qui assortissaient cette donation, et qui ne sont pas affectés par la confiscation ».

La solution est heureuse tant il serait aisé de faire échec à une décision de la puissance publique par une simple clause de confort éventuellement destinée à paralyser une confiscation. Observons à ce titre que la prévalence du droit pénal sur le droit civil des biens n’est évidemment pas contraire à la Convention européenne des droits de l’homme et plus précisément au droit au respect des biens. La juridiction strasbourgeoise a en effet eu l’occasion de préciser que :

« toute atteinte au droit au respect des biens doit ménager un « juste équilibre » entre les exigences de l’intérêt général de la collectivité et celles de la protection des droits fondamentaux de l’individu. S’agissant en particulier des ingérences qui, comme en l’espèce, relèvent du second alinéa de l’article 1 du Protocole no 1, lequel prévoit spécialement le « droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu’ils jugent nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général [...] », la Cour a précisé qu’il doit exister un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé et que les États disposent à cet égard d’une ample marge d’appréciation tant pour choisir les modalités de mise en œuvre que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l’intérêt général, par le souci d’atteindre l’objectif de la loi en cause » [4].

Cette marge d’appréciation permet évidemment à la confiscation de ne pas être neutralisée par une cause d’inaliénabilité qui s’impose au donataire mais ne s’oppose pas à l’État usant du jus peniendi.

II. La motivation des peines a pris un tour particulier depuis le 1er février 2017 [5] et encore davantage avec la décision QPC du Conseil constitutionnel en date du 2 mars 2018 [6]. La peine complémentaire de confiscation n’échappe évidemment pas à ce mouvement. La Chambre criminelle a ainsi rappelé qu’il résulte des articles 131-21 et 132-1 N° Lexbase : L9834I3M du Code pénal et 593 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L3977AZC qu'il incombe au juge qui décide de confisquer un bien, après s'être assuré de son caractère confiscable en application des conditions légales, de préciser la nature et l'origine de ce bien ainsi que le fondement de la mesure et, le cas échéant, de s'expliquer sur la nécessité et la proportionnalité de l'atteinte portée au droit de propriété du prévenu. La Cour doit pouvoir vérifier que la chose est bien confiscable [7]. Il en résulte qu’en ne précisant pas à quel titre des sommes saisies ont été confisquées, une cour d'appel ne met pas la Cour de cassation en mesure de s'assurer que les exigences de motivation rappelées ci-dessus ont été respectées, et n'a donc pas justifié sa décision [8]. Il en va évidemment de même lorsqu’une cour d’appel se contente d’affirmer, en guise de motivation, « qu'il convient de confirmer la confiscation du second bien immobilier, telle que prononcée par le tribunal correctionnel » [9].

Ce jugeant, la Cour ne fait que répéter l’exigence formulée le 27 juin 2018 [10] et depuis répétée à l’envi [11] par la Chambre criminelle. Les principes ici formulés confineraient presque à l’évidence s’il n’était régulièrement utile de les rappeler ! Cette motivation en droit est à ce point nécessaire qu’elle s’impose également lorsqu’est prononcée la confiscation du produit de l’infraction. Or on sait que la loi du 23 mars 2019 [12] a consacré l’idée selon laquelle la confiscation n’a pas à être motivée quand elle porte sur l’objet ou le produit du délit. L’article 485-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L7241LPU dispose en effet que : « En cas de condamnation […] la motivation doit également porter sur le choix de la peine au regard des dispositions des articles 132-1 et 132-20 du Code pénal, sauf s'il s'agit d'une peine obligatoire ou de la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction ». Et l’article 365-1 N° Lexbase : L1472MAR comporte une disposition similaire en matière criminelle.

Pour autant la Cour n’a pas hésité à affirmer que « si la cour d'assises n'a pas à préciser les raisons qui la conduisent à ordonner la confiscation du produit ou de l'objet de l'infraction, elle doit néanmoins énumérer les objets dont elle ordonne la confiscation et indiquer, pour chacun d'eux, s'ils constituent l'instrument, le produit ou l'objet de l'infraction, afin de mettre la Cour de cassation en mesure de s'assurer de la légalité de sa décision, et d'apprécier, le cas échéant, son caractère proportionné » [13].

L’affaire est entendue : si le choix de recourir à la confiscation du produit de l’infraction n’a pas à être motivé, cette peine doit toutefois être légalement motivée. Seules les raisons qui conduisent la juridiction à ordonner la confiscation n’ont pas à être expliquées. En revanche, et fort heureusement, la confiscation du produit de l’infraction n’échappe ni au principe de légalité ni au contrôle opéré par la Cour de cassation. On comprend donc, aux termes de toutes ces décisions, que la confiscation du produit de l’infraction échappe simplement à l’exigence de motivation au regard de la proportionnalité. Proportionnalité éventuellement éludée s’il s’agit de priver le délinquant des fruits de son délit comme un mantra moderne le précise, eût-il été écrit dans la langue de Cicéron : « nemo ex delicto consequatur emolumentum ».

Doit-on en déduire que la motivation quant au choix de confisquer s’apparente à un contrôle de proportionnalité ? C’est en réalité l’inverse qui est vrai comme en témoigne un arrêt rendu le 5 janvier 2022 : le contrôle de proportionnalité consiste à apprécier la pertinence factuelle de la peine de confiscation prononcée.

III. Concernant le contrôle de proportionnalité, la Cour a ainsi estimé le 5 janvier 2022 que la confiscation d’un immeuble n’était pas disproportionnée au regard du droit au respect de la vie privée et familiale [14]. En l’espèce, un couple avait formé des pourvois contre un arrêt de la cour d'appel d'Aix-en-Provence, qui, après décision devenue définitive sur la culpabilité de Monsieur des chefs d'infraction à la législation sur les stupéfiants, association de malfaiteurs et non-justification de ressources, et de Madame pour non-justification de ressources, a ordonné la confiscation des parts indivises de chacun sur un immeuble. Plus précisément, ils estimaient que sans mieux s'expliquer sur la proportionnalité de la peine au regard de leur situation personnelle et notamment sur le point de savoir si les ressources et les revenus dont ils disposaient présentaient un caractère suffisant pour leur permettre de se procurer un toit et d'élever dans des conditions décentes leurs deux enfants mineurs, la cour d'appel aurait privé sa décision de base légale.

Or, observe la Cour de cassation, les juges du fond ont constaté que les demandeurs avaient acquis une maison pour la somme de 220 000 euros, alors qu'ils disposaient, chaque mois, de 1 500 euros de ressources déclarées pour 1 400 euros de charges. Ils y ont fait procéder, pour un montant de 70 000 euros, à des travaux, comprenant des finitions soignées, ainsi que la réalisation d'une extension de quarante mètres carrés et la construction d'une piscine, ce qui a apporté à ce bien une plus-value de 130 000 euros. Ils ont fait immatriculer un véhicule presque neuf, acquis des bijoux et des vêtements de marque, sont partis en voyage à l'étranger et passé des fins de semaine en France, sans que leurs ressources avouées, même en tenant compte d'aides financières de leur famille, sous forme de virements bancaires, aient pu expliquer l'origine de leurs dépenses. La cour d’appel avait ajouté que même si l'immeuble en cause constituait la résidence principale du couple, parent de deux enfants, la peine de la confiscation paraissait proportionnée, au vu des éléments de la procédure, qui a mis en évidence l'importance des sommes d'origine occulte qui ont été investies.

Selon la Chambre criminelle, « en l'état de ces motifs dénués d'insuffisance, la cour d'appel a justifié sa décision ». Cette solution a de quoi étonner [15] dans le cadre d’un contrôle de proportionnalité. La motivation de la cour d’appel permettait certes d’appréhender la gravité des faits et, en un sens, la personnalité des prévenus. Et en cela, cette motivation est en tout point conforme aux exigences formulées à l’article 132-1, alinéa 3 du Code pénal N° Lexbase : L9834I3M.  Or, le contrôle de proportionnalité consiste « à vérifier concrètement que l’application d’une règle de droit interne ne conduit pas à porter une atteinte disproportionnée à un droit fondamental garanti par une convention internationale ou par une norme nationale au regard du but légitime poursuivi par cette règle » [16]. Difficile d’imaginer que la motivation de la cour d’appel s’apparente, de près comme de loin, à un tel contrôle… Ce qui démontre derechef [17] que le contrôle de proportionnalité demeure des plus superficiels en ce qu’il confine à une simple motivation au regard des faits et des circonstances de commission sans évaluation réelle de l’atteinte à un droit fondamental. Avec cette précision que si cette motivation factuelle fait défaut alors la cassation s’imposera [18].

Au demeurant, cet arrêt confirme en creux que la proportionnalité d’une confiscation [19] peut être appréciée à l’aune du droit au respect de la vie privée et familiale et non seulement à la lueur du droit au respect des biens.

 

[1] Cass. crim., 15 décembre 2021, n° 20-85.196, F-D N° Lexbase : A24567HG.

[2] Cass. crim. 30 juin 2021, n° 20-83.355, FS-B N° Lexbase : A20844YT. V. nos obs., Panorama de droit pénal des affaires, Lexbase Pénal, novembre 2021, § 7 N° Lexbase : N9509BYT.

[3] V. Cass. crim., 9 septembre 2020, n° 18-84.619, FS-P+B+I, §9 N° Lexbase : A16713T3 ; Cass. crim., 3 novembre 2016, n° 15-85.751, FS-P+B N° Lexbase : A9164SE7).

[4] CEDH, 4 novembre 2014, Req. n° 28457/10, Aboufadda c/ France, § 22 N° Lexbase : A2571M4Y. V. également CEDH 16 septembre 2021, Req. n° 15572/17, Zlatimir Djordjević c/ France, § 27 N° Lexbase : A27977AT.

[5] Cass. crim., 1er février 2017, trois arrêts, n° 15-83.984, FP-P+B+I N° Lexbase : A7002TAL, n° 15-85.199, FP-P+B+I+R N° Lexbase : A7004TAN et n° 15-84.511, FP-P+B+I+R N° Lexbase : A7003TAM. V. J.-B. Thierry, La consécration de la motivation des peines correctionnelles, Lexbase Droit privé, 2 mars 2017, n° 689 N° Lexbase : N6845BWG.

[6] Cons. const., décision n° 2017-694 QPC, du 2 mars 2018, spé. § 8 N° Lexbase : A8170XEC.

[7] Cass. crim., 20 novembre 2019, n° 18-86.781, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0130Z39. V. nos obs., Panorama de droit pénal des affaires (2019), Lexbase Pénal, décembre 2019, § 31 N° Lexbase : N1586BYE.

[8] V. également Cass. crim., 5 janvier 2022, n° 21-80.638, F-D, § 15 et s. N° Lexbase : A80337HY.

[9] Cass. crim., 12 janvier 2022, n° 21-80.866, F-D, § 12 N° Lexbase : A52617IP.

[10] Cass. crim., 27 juin 2018, n° 16-87.009, FP-P+B N° Lexbase : A5508XXB.

[11] La formule se retrouve dans plus de 30 décisions rendues par la Chambre criminelle au 19 janvier 2022.

[12] Loi n° 2019-222, du 23 mars 2019, de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice N° Lexbase : L6740LPC.

[13] Cass. crim., 20 octobre 2021, n° 21-80.637, F-D, §14 N° Lexbase : A01037A3. V. déjà Cass. crim., 16 décembre 2020, n° 19-87.622, FS-P+B+I N° Lexbase : A06794AE.

[14] Cass. crim., 5 janvier 2022, n° 21-80.638, F-D N° Lexbase : A80337HY.

[15] Sans être évidemment nouvelle. Pour une appréciation confinant à la motivation classique v. déjà Cass. crim., 24 mai 2016, n° 15-81.287, F-D N° Lexbase : A0178RRZ.

[16] P. Chauvin, Gaz. Pal., 6 décembre 2016, n° 43.

[17] V. déjà Cass. crim., 7 décembre 2016, n° 15-85.136, FS-P+B+I N° Lexbase : A9697SNH. V. N. Catelan, La Chambre criminelle livre un vade-mecum de la confiscation, Lexbase Droit privé, 9 février 2017, n° 687 N° Lexbase : N6594BW7.

[18] V. ainsi Cass. crim., 8 mars 2017, n° 15-87.422, FS-P+B N° Lexbase : A4469T3W.

[19] Pour la saisie v. déjà Cass. crim., 15 mars 2017, n° 16-80.801, FS-P+B N° Lexbase : A2640UCR.

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Assurances

[Brèves] Le suicide de l’assuré, et l’exclusion légale ou conventionnelle de garantie opposée par l’assureur RC

Réf. : Cass. civ. 2, 20 janvier 2022, deux arrêts, n° 20-10.529 N° Lexbase : A00267K8, n° 20-13.245, FS-B N° Lexbase : A79527ID

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 27 Janvier 2022

► Une clause d'exclusion de garantie ne peut être tenue pour formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée ;
aussi, en retenant que la clause d’exclusion de garantie des « dommages intentionnellement causés ou provoqués par toute personne assurée ou avec sa complicité » trouve à s’appliquer aux conséquences dommageables de l’acte commis par l’assuré pour (tenter de) mettre fin à ses jours (provoquer un incendie ou se jeter sous un train), tout en précisant que ces dommages sont alors exclus de la garantie de l'assureur, qu'ils aient été voulus, et donc causés par leur auteur, ou qu'ils soient une conséquence involontaire pour l'auteur, qui les a ainsi provoqués directement, la cour se livre à l’interprétation d'une clause d'exclusion ambigüe, laquelle ne peut dès lors être tenue pour formelle et limitée (conditions de sa légalité) ;

► La faute dolosive (exclusive de la garantie de l’assureur) s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables ;
la seule vérification du caractère inéluctable des conséquences dommageables de la décision de l’assuré de mettre fin à ses jours en se jetant sur les voies de chemin de fer ne permet pas de caractériser la condition de « conscience du caractère inéluctable », et donc la faute dolosive exclusive de garantie.

À travers ces deux arrêts rendus le 20 janvier 2022, la deuxième chambre civile de la Cour de cassation revient une nouvelle fois sur la question sensible de l’exclusion de garantie opposée par l’assureur de responsabilité civile aux tiers victimes des conséquences dommageables causées par l’assuré ayant mis fin (ou tenté de mettre fin) à ses jours ; l’occasion de rappeler des règles déjà connues mais dont l’application aux cas d’espèce permet de cerner particulièrement bien les notions en cause.

Les affaires. Dans la première espèce, tentant de mettre fin à ses jours en s'immolant par le feu, une femme avait incendié des couvertures et répandu de l'essence sur le sol, à l'intérieur de son domicile assuré selon un contrat multirisque habitation. L'assureur avait décliné sa garantie pour les dommages occasionnés à l'habitation, compte tenu de l'origine volontaire de l'incendie. La femme et son époux avaient assigné l'assureur devant un tribunal de grande instance afin d'obtenir, notamment, le paiement d'une provision en application du contrat d'assurance. L'assureur avait invoqué, d’une part, une clause d'exclusion de garantie stipulée au contrat, relative au caractère intentionnel du dommage ; d’autre part l'exclusion légale de garantie prévue à l'article L. 113-1 du Code des assurances N° Lexbase : L0060AAH, au titre également d’une faute intentionnelle, ainsi que le prévoit l’alinéa 2 du texte.

Dans la seconde espèce, l’assuré avait mis fin à ses jours en se positionnant sur une voie de chemin de fer à un passage à niveau. La SNCF, arguant d'un préjudice, avait assigné l'assureur en indemnisation, lequel s’était opposé à la demande en invoquant, d'une part, l'article L. 113-1 du Code des assurances et la commission par l'assurée d'une faute dolosive, d'autre part, l'application d'une clause d'exclusion de garantie stipulée au contrat d'assurance.

Dans chacun des deux arrêts, la Cour de cassation se prononce sur la question de la clause d’exclusion de garantie stipulée au contrat dont les conseillers d’appel avaient admis l’application (1) ; s’agissant en revanche de l’exclusion légale de garantie, seul l’arrêt rendu dans le cadre de la seconde affaire se prononce sur cette question, à propos donc de la faute dolosive (2) ; la question de l’exclusion légale de garantie au titre d’une faute intentionnelle soulevée par l’assureur dans la première espèce (3) n’est en revanche pas abordée par la Haute juridiction (la cour d’appel ne s’étant pas elle-même prononcée sur ce point).

1. Une clause d'exclusion de garantie ne peut être tenue pour formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée

Rappel de la règle. Pour rappel, l’article L. 113-1, alinéa 1er, du Code des assurances prévoit que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police.

Or, la Cour de cassation a de longue date posé comme principe qu’une telle clause d'exclusion ne peut être tenue pour formelle et limitée dès lors qu'elle doit être interprétée (Cass. civ. 1, 22 mai 2001, n° 99-10.849, publié au bulletin ; et plus récemment : Cass. civ. 3, 27 octobre 2016, n° 15-23.841, FS-P+B  N° Lexbase : A3270SC4 ; Cass. civ. 2, 26 novembre 2020, n° 19-16.435, F-P+B+I N° Lexbase : A173538R).

Ce principe est donc à nouveau rappelé dans les deux arrêts rendus le 20 janvier 2022.

Application de la clause d'exclusion de garantie stipulée au contrat. Dans chacune de ces deux affaires, les conseillers d’appel de Dijon et de Douai (CA Dijon, 17 septembre 2019, n° 17/01012 N° Lexbase : A6707ZNQ pour la première espèce ; CA Douai, 7 novembre 2019, n° 18/01471 N° Lexbase : A2484ZUK pour la seconde espèce) avaient admis l’application de la clause exclusive de garantie (formulée en des termes quasiment identiques dans chacun des contrats en cause) s’agissant des « dommages intentionnellement causés ou provoqués par toute personne assurée ou avec sa complicité ».

La cour de Dijon avait en effet retenu qu'il s'en induisait que les dommages résultant d'un incendie intentionnellement déclenché par l'assuré, comme c’était en l'espèce le cas, étaient, dans les termes clairs et précis d'une clause formelle et limitée, exclus de la garantie de l'assureur, qu'ils aient été voulus, et donc causés par leur auteur, ou qu'ils soient une conséquence involontaire de l'incendie déclenché par l'auteur, qui les avait ainsi provoqués.

La cour d’appel de Douai avait de même notamment retenu que l'absence de définition contractuelle de la cause ou de la provocation n'exclut pas la bonne compréhension d'une volonté de l'assureur d'exclure les dommages résultant d'un fait volontaire de l'assuré, qu'ils aient été voulus par leur auteur qui les a ainsi causés intentionnellement ou qu'ils en soient la conséquence involontaire pour leur auteur, qui les a ainsi provoqués directement.

Sans surprise, conformément à la jurisprudence (rappelée ci-dessus), la Cour de cassation censure chacune des décisions des cours d'appel qui, en statuant ainsi (c’est-à-dire en formulant les précisions soulignées), avait procédé à l'interprétation d'une clause d'exclusion ambigüe, ce dont il résultait qu'elle n'était ni formelle ni limitée, a violé le texte susvisé.

2. Suicide et faute dolosive exclusive de garantie

Définition de la faute dolosive. Les décisions rendues par la Cour de cassation dans le cas d’affaires similaires de suicide ont contribué notamment – et assez largement – à préciser la notion de faute dolosive au sens de l’article L. 113-1, alinéa 2, du Code des assurances, dont il est désormais parfaitement établi, avec le présent arrêt, qu’il s’agit d’« un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables ».

On soulignera que cette formulation constitue une légère variante à une précédente formulation retenue par la Cour suprême - « acte délibéré de l'assuré qui ne pouvait ignorer qu'il conduirait à la réalisation inéluctable du sinistre » - et qui relevait l’absence de caractérisation par les juges du fond « de conscience » de l’assuré quant aux conséquences de son acte, pour écarter la faute dolosive (cf. Cass. civ. 2, 10 novembre 2021, n° 19-12.659, F-D N° Lexbase : A74137B8 ; n° 19-12.660, F-D N° Lexbase : A74847BS, sur ces arrêts, v. R. Bigot, A. Cayol, Chronique de droit des assurances – Décembre 2021, Lexbase Droit privé, décembre 2021, n° 888 N° Lexbase : N9770BYI ; Cass. civ. 2, 20 mai 2020, n° 19-11.538, F-P+B+I N° Lexbase : A06493MY ; Cass. civ. 2, 20 mai 2020, n° 19-14.306, F-P+B+I N° Lexbase : A83323L8, sur ces arrêts, D. Krajeski, Le suicide peut être une faute dolosive au sens de l’article L. 113-1 du Code des assurances, Lexbase Droit privé, juin 2020, n° 829 N° Lexbase : N3848BY8).

Le sens est inchangé, mais la formulation retenue est légèrement simplifiée et la Cour de cassation l’érige en véritable définition de la faute dolosive.

L’application de cette définition de la faute dolosive au cas du suicide de l’assuré permet d’en saisir parfaitement le sens et la portée. Dans la seconde affaire, outre l’application de la clause exclusive de garantie, la cour d’appel avait admis la faute dolosive exclusive de garantie pour débouter la SNCF de ses demandes, après avoir énoncé que les dommages dont celle-ci réclamait réparation avaient été provoqués par la décision de l’assuré de mettre fin à ses jours en se jetant sur les voies de chemin de fer et que ce choix délibéré avait eu pour effet de rendre inéluctable la réalisation du dommage et de faire disparaître l'aléa attaché à la couverture du risque assuré.

Mais en application de la définition ainsi rappelée de la faute dolosive, l’arrêt se trouve censuré par la Haute juridiction, faute pour les conseillers d’appel d’avoir caractérisé la conscience que l'assuré avait du caractère inéluctable des conséquences dommageables de son geste.

Comme indiqué plus haut, ce n’est pas la première fois que la Cour de cassation est amenée à se prononcer sur la question, dans le domaine de l’assurance de responsabilité, de la faute dolosive de l’assuré qui se suicide (ou tente de se suicider), et de surcroît en se jetant sous un train. Il ressort en tous les cas que les juges « doivent vérifier que le comportement de l’assuré ne caractérise pas une conscience de mettre en œuvre des moyens qui produiront des conséquences dommageables ». Et précisément dans le cas d’un suicide, tout est question d’espèce.

En effet, il est des cas où les circonstances du suicide ont pu amener les juges à caractériser, sous le contrôle de la Cour de cassation, une faute dolosive, « les moyens employés pour mettre fin à ses jours dépassant très largement ce qui était nécessaire » (une cuisinière à gaz et deux bouteilles de gaz installées dans le séjour) (Cass. civ. 2, 20 mai 2020, n° 19-11.538, F-P+B+I, v. D. Krajeski, Le suicide peut être une faute dolosive au sens de l’article L. 113-1 du Code des assurances, préc.).

En revanche, dans le cas de l’assuré qui se jette sous un train, il apparaît difficile de caractériser cette conscience du caractère inéluctable des conséquences dommageables de son geste (cf. présent arrêt du 20 janvier 2022, et précédemment, dans le même sens : Cass. civ. 2, 20 mai 2020, n° 19-14.306, F-P+B+I ; v. D. Krajeski, Le suicide peut être une faute dolosive au sens de l’article L. 113-1 du Code des assurances, préc.).

Si la faute dolosive de l’assuré qui se suicide peut être caractérisée dans certaines circonstances, sa faute intentionnelle s’agissant des conséquences dommageables, est bien plus difficile à admettre, dès lors que son intention est précisément de mettre fin à ses jours.

3. Suicide et faute intentionnelle exclusive de garantie

Si l’exclusion légale de garantie avait également été invoquée par l’assureur au titre de la faute intentionnelle (exclusion prévue par l’article L. 113-1, alinéa 2, qui dispose que « Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré »), la cour d’appel ne s’était pas prononcée sur ce point (et par conséquent la Cour suprême non plus), les conseillers ayant admis l’exclusion conventionnelle de la garantie.

On rappellera cependant, si l’argument revient à être invoqué devant la cour de renvoi, que la caractérisation de la faute intentionnelle au sens de ce texte s’avère difficile à admettre, puisqu’elle implique « la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu » (cf. notamment, Cass. civ. 2, 8 mars 2018, n° 17-15.143, F-D N° Lexbase : A6724XG7), que la charge de la preuve de cette volonté pèse sur l'assureur (Cass. civ. 2, 29 juin 2017, n° 16-12.154, F-D N° Lexbase : A7035WL7), et que la Cour de cassation exerce un contrôle sévère concernant la caractérisation par les juges du fond de la « volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu ».

De surcroît, à propos de la recherche de la volonté de l’auteur d’un incendie (qui avait agi, non pas dans le but de mettre fin à ses jours comme en l’espèce, mais dans le but de détruire le bien de sa compagne), la Cour de cassation a récemment mis en relief la distinction de la simple « conscience » du caractère inéluctable de la réalisation du risque (cf. la faute dolosive), de la « volonté » de créer le dommage tel qu'il est survenu (cf. faute intentionnelle), pour en conclure que l’exclusion légale de garantie pour faute intentionnelle ne saurait être opposée à l'assuré, auteur d’un incendie, qui a agi dans le but de détruire le bien de sa compagne, mais qui n'a pas eu la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu (Cass. civ. 2, 16 septembre 2021, n° 19-25.678, F-B N° Lexbase : A564744W).

Et l’on ajoutera que la Cour suprême a déjà eu l’occasion de se prononcer sur cette question précise de la faute intentionnelle commise par l’assuré qui s’est suicidé (ou a tenté de se suicider), et que l’élément intentionnel (volonté de créer le dommage) apparaît alors bien difficile à admettre (Cass. civ. 1, 10 avril 1996, n° 93-14.571 N° Lexbase : A9356AB7, dans le cas d’une collision volontaire ; Cass. civ. 1, 28 avril 1993, n° 90-16.363 N° Lexbase : A5687C4E, dans le cas d’une explosion au gaz), sachant, comme déjà indiqué, que son intention est précisément de mettre fin à ses jours.

 

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Avocats/Honoraires

[Brèves] Le courrier de l’avocat à l’administration fiscale permet au client d’éviter une perte de 285 537 euros : le montant de l’honoraire de résultat de 10 % est-il exagéré ?

Réf. : Cass. civ. 2, 20 janvier 2022, n° 20-17.563, F-B N° Lexbase : A79537IE

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N0170BZC

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par Marie Le Guerroué

Le 26 Janvier 2022

► Justifie légalement sa décision, au regard des dispositions de l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre N° Lexbase : L6343AGZ, le premier président d'une cour d'appel qui, ayant constaté qu'une convention d'honoraires avait été librement conclue entre un client et son avocat, lequel avait permis à son client, par une défense diligente et appropriée, d'éviter la perte d'une somme importante, a souverainement estimé que l'honoraire complémentaire de résultat convenu ne présentait pas un caractère exagéré au regard du service rendu.

Faits et procédure. Un client avait conclu avec une société d'avocat, à laquelle il avait confié la défense de ses intérêts dans un litige l'opposant à l'administration fiscale et portant sur la somme de 289 012 euros d'impôts supplémentaires, une convention d'honoraires prévoyant des honoraires de diligences et des honoraires de résultat sur le montant des pertes évitées. Contestant les honoraires de résultat réclamés par l'avocat pour un montant de 34 264, 44 euros toutes taxes comprises après la décision du 20 novembre 2015 prise par la direction générale des finances publiques (DGFIP), réduisant à la somme de 3 475 euros la rectification d'impôts initiale, il avait saisi le Bâtonnier de l'Ordre des avocats afin de contester ces honoraires. Le client fait grief à l'ordonnance rendue par la cour d’appel de Paris de fixer à la somme de 32 553,70 euros hors taxes le montant des honoraires dus à l'avocat et de dire qu'il lui versera, à titre de solde de ses honoraires, après déduction du versement de 4 000 euros HT déjà effectué, la somme de 28 553,70 euros majorée de la TVA au taux de 20 %, outre intérêts.

Ordonnance. Pour fixer l'honoraire à cette somme, l'ordonnance relève qu'à l'issue du rendez-vous du 13 novembre 2015, l'avocat a fait parvenir le 16 novembre suivant à l'administration fiscale une lettre recommandée avec avis de réception de deux pages, contestant formellement l'imposition des cessions de valeurs mobilières réalisées par le client et sollicitant l'imposition des seules plus-values de celles-ci, que, par lettre du 20 novembre 2015, la DGFIP a accepté de diminuer de 289 012 euros à 3 475 euros l'imposition opérée sur les plus-values de 5 821 euros, comme l'avait demandé l'avocat et que le client avait félicité ce dernier du résultat obtenu. La décision retient que, dès lors qu'il est établi par les pièces produites que l'avocat a évité à une perte de 285 537 euros en exécutant la mission qu'il lui avait confiée dans la convention, qu'il avait signée en toute connaissance de cause, il apparaît que l'honoraire complémentaire de résultat fixé à 10 % de la perte évitée ne présente pas un caractère exagéré.

Réponse de la Cour. Pour la Cour, en l'état de ces constatations et énonciations, dont il ressort que la convention d'honoraires avait été librement conclue et que l'avocat avait permis à son client, par une défense diligente et appropriée, d'éviter la perte d'une somme importante, le premier président, qui n'était pas tenu de suivre les parties dans le détail de leur argumentation et n'avait pas à effectuer d'autres recherches, a souverainement estimé, aux termes d'une décision motivée, que l'honoraire complémentaire de résultat convenu ne présentait pas un caractère exagéré au regard du service rendu. Le moyen n'est, dès lors, selon la Cour, pas fondé. Elle rejette le pourvoi.

newsid:480170

Covid-19

[Pratique professionnelle] Loi de gestion de la crise sanitaire : le recours aux trois jours de télétravail était-il vraiment obligatoire depuis le 3 janvier 2022 ?

Réf. : Loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022, renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le Code de la santé publique N° Lexbase : L7735MAQ

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N0222BZA

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par Aurélie Salon, Avocat, Docteur en droit et Michel Ledoux, Avocat fondateur, Cabinet Ledoux & associés

Le 02 Février 2022

Alors que le télétravail était encore peu développé en France il y a deux ans, il s’est généralisé dans le contexte épidémique que nous traversons. Face à l’ampleur de la cinquième vague de covid-19 et à l’apparition du variant Omicron, le Gouvernement a annoncé que le télétravail serait désormais obligatoire dans toutes les entreprises et que les employeurs récalcitrants s’exposeraient notamment au prononcé d’amendes administratives. Le protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise du 3 janvier 2022 imposait ainsi aux employeurs de fixer, pour une durée d’au moins trois semaines, un nombre de trois à quatre jours de télétravail par semaine pour les postes qui le permettaient [1]. La loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire introduit également un dispositif de contrôle et de sanction des employeurs [2]. Entre effets d’annonce, recommandations gouvernementales et véritables réglementations, il est parfois difficile de déterminer les manquements susceptibles d’être relevés et sanctionnés par les services de l’inspection du travail. Même si, selon les dernières annonces, le télétravail sera seulement recommandé à partir du 2 février 2022, essayons de répondre à la question que nombre d’employeurs se posent : le recours aux trois jours de télétravail était-il vraiment obligatoire ?

I. Le télétravail : un choix ou une obligation ?

A. Les salariés, contraints de télétravailler en période de crise

L’article L. 1222-9 du Code du travail N° Lexbase : L2077MA8 définit le télétravail comme « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication » [3]. En principe, il s’agit d’une pratique facultative pour les salariés. Dans la mesure où celle-ci implique des risques professionnels, il appartient à l’employeur de mettre en place des mesures de prévention spécifiques : informer le salarié de toute restriction à l’usage d’équipements, d’outils informatiques ou de services de communication électronique afin de garantir son droit à la déconnexion, donner priorité au salarié pour occuper ou reprendre un poste sans télétravail qui correspond à ses qualifications et compétences professionnelles ou encore organiser au moins chaque année un entretien portant sur les conditions d’activité du salarié et sa charge de travail  [4].

Le télétravail peut également constituer une mesure de prévention destinée à combattre des risques plus immédiats, tel que le risque de contamination au covid-19. En effet, l’article L. 1222-11 du Code du travail prévoit qu’en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d’épidémie ou de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés [5]. Dans ce cas particulier, par dérogation au principe du volontariat, le télétravail peut être imposé aux salariés par l’employeur.

B. Les employeurs, libres de choisir les mesures de prévention adaptées

Aucune disposition légale ou règlementaire n’impose en revanche le recours au télétravail aux employeurs, et ce même en cas de circonstances exceptionnelles. Ni le Code du travail ni les aménagements introduits par la loi de gestion de la crise sanitaire ne prévoient une telle obligation. Seul le protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de Covid-19, dans sa version du 3 janvier 2022, indique que « les employeurs fixent à compter du 3 janvier et pour une durée de trois semaines, un nombre minimal de trois jours de télétravail par semaine, pour les postes qui le permettent » et que « lorsque l’organisation du travail et la situation des salariés le permettent, ce nombre peut être porté à quatre jours par semaine » [6].

Or, suivant la jurisprudence du Conseil d’État, ce protocole national ne constitue qu’un « ensemble de recommandations pour la déclinaison matérielle de l’obligation de sécurité de l’employeur dans le cadre de l’épidémie de covid-19 » [7]. En l’état actuel du droit, ce document s’apparente à une simple circulaire qui n’a pas de valeur contraignante. En outre, le protocole national « n’a pas vocation à se substituer à l’employeur dans l’évaluation des risques et la mise en place des mesures de prévention adéquate dans l’entreprise » [8]. C’est en effet à l’employeur qu’il appartient, en application des principes généraux de prévention, d’évaluer, sous sa responsabilité, les risques et de mettre en place les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs [9]. D’ailleurs, le protocole national présente le télétravail comme « un mode d’organisation de l’entreprise qui participe à la démarche de prévention du risque d’infection au SARS-CoV-2 » et non comme l’unique mesure de prévention. D’autres actions peuvent être efficaces pour lutter contre l’épidémie, notamment l’application des gestes barrières - port du masque, mesures d’aération et de ventilation des locaux, règles de distanciation sociale - également évoquée par le protocole [10].

Bien que le protocole national constitue une sorte de guide, l’employeur est le seul juge des mesures pertinentes pour assurer la santé et la sécurité des salariés, y compris dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de covid-19. Il peut donc, après une évaluation des risques encourus dans son entreprise, exclure ou limiter le recours au télétravail dès lors que d’autres actions de prévention, parfois plus adaptées et plus efficaces, sont mises en œuvre.

II. L’amende administrative : un épouvantail ou une véritable sanction ?

A. Un nouveau dispositif de sanction plus rapide

Suivant des procédures spécifiques prévues par le Code du travail, les services de l’inspection du travail peuvent contrôler, dénoncer au Parquet et sanctionner les employeurs. Le Directeur régional de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités [11] (ci-après DREETS) peut notamment mettre en demeure l’employeur de prendre, dans un délai déterminé, toute mesure utile pour remédier à une situation dangereuse constatée par un agent de contrôle de l’inspection du travail, résultant soit du non-respect des principes généraux de prévention [12] soit d’une infraction à l’obligation générale de santé et de sécurité résultant des dispositions de l’article L. 4221-1 du Code du travail [13]. Si à l’expiration du délai fixé, l’agent de contrôle de l’inspection du travail constate que la situation dangereuse n’a pas cessé, le DREETS peut en principe dresser un procès-verbal à l’encontre de l’employeur [14].

La loi de gestion de la crise sanitaire aménage ce dispositif lorsque la situation dangereuse résulte d’un risque d’exposition au covid-19 du fait du non-respect par l’employeur des principes généraux de prévention. Dans ce cas, « l’autorité administrative compétente peut, sur le rapport de l’agent de contrôle de l’inspection du travail et sous réserve de l’absence de poursuites pénales, prononcer une amende à l’encontre de l’employeur » [15]. Autrement dit, lorsque la situation dangereuse est caractérisée par le non-respect par l’employeur des principes généraux de prévention entraînant un risque d’exposition au covid-19, le DREETS peut prononcer directement une amende administrative à l’encontre de l’employeur. En outre, le texte aménage le régime de contestation de la mise en demeure. Le recours hiérarchique contre la mise en demeure du DREETS liée à la gestion de la crise sanitaire qui, du fait de son caractère suspensif aurait retardé le prononcé de l’amende, est supprimé. Ce dispositif est donc plus rapide et, par conséquent, plus dissuasif que l’établissement d’un procès-verbal qui requiert l’intervention incertaine et nécessairement décalée dans le temps du Parquet pour aboutir au prononcé d’une sanction.

B. Limites et incertitudes quant à l’application du dispositif

Si les sanctions du DREETS seront indéniablement prononcées plus rapidement que celles nécessitant l’intervention du Ministère public, les répercussions concrètes des dispositions adoptées pour les employeurs sont à relativiser à plusieurs titres.

Tout d’abord, le dispositif mis en place est applicable de façon exceptionnelle. Il n’est pas rétroactif : tout manquement commis entre le 3 janvier 2022, date d’entrée en vigueur du dernier protocole national, et le 24 janvier, date d’entrée en vigueur de la loi de gestion de la crise sanitaire, ne saurait faire l’objet d’une amende administrative. Il est également limité dans le temps : le texte prévoit qu’un décret permettra de circonscrire sa durée aux périodes de forte intensité épidémique et qu’il prendra fin au plus tard le 31 juillet 2022 [16].

Par ailleurs, il faut rappeler que le prononcé d’une amende administrative n’est pas immédiat. Le DREETS ne peut intervenir qu’à l’issue du délai laissé à l’employeur pour régulariser la situation à la suite de la mise en demeure. Il est donc très probable que les entreprises auront réalisé ou actualisé l’évaluation des risques liés au covid-19 et fait appliquer les mesures de prévention adaptées contre les risques de contamination, avant de se voir notifier une amende. L’amendement ayant introduit le texte indique à cet égard que, jusqu’à présent, « il a été estimé que, sur plus de 500 mises en demeure notifiées par les DIRECCTE puis les DREETS depuis mars 2020, plus de 90 % ont été suivies d’effet ». Le nombre d’entreprises visé par des amendes administratives devrait donc rester extrêmement limité.

Enfin, il subsiste d’importantes incertitudes sur les notions employées. Que faut-il entendre par une situation dangereuse résultant d’un risque d’exposition à la covid-19 du fait du non-respect par l’employeur de ses obligations en matière de prévention des risques ? Compte tenu de l’absence d’obligation précise, il paraît inenvisageable de considérer que le seul fait de ne pas respecter les recommandations prévues par le protocole national, par exemple de ne pas mettre en place trois jours de télétravail par semaine, place les salariés dans une situation nécessairement dangereuse. L’employeur pourrait tout à fait démontrer qu’il a mis en place d’autres mesures constituant un niveau de protection aussi efficace, voire plus performant, au regard de ses propres contraintes.

Les recommandations prévues par le protocole sont d’ailleurs elles-mêmes sujettes à appréciation. Comment déterminer les postes télétravaillables et ceux qui ne le sont pas ? Par exemple, le banquier qui manipule des données confidentielles peut-il télétravailler ?

Le fait que la sanction repose sur le non-respect des principes généraux de prévention permet aux services de l’inspection du travail de s’affranchir des obligations légales et réglementaires pour apprécier les situations au cas par cas. Toutefois, cela ne leur permet pas d’attribuer un caractère obligatoire aux simples recommandations gouvernementales. Le DREETS et, par suite, le ministre chargé du Travail saisi d’un recours hiérarchique contre la décision prononçant l’amende, devront impérativement établir l’insuffisance des mesures mises en place par l’employeur et l’existence d’une situation dangereuse résultant d’un risque d’exposition à la covid-19, au-delà du non-respect du protocole national.

Dès lors qu’il permet d’accompagner et de guider les employeurs en fonction de l’évolution du niveau de contamination, ce protocole national présente un intérêt considérable. L’amendement susmentionné souligne à cet égard que « la grande majorité des entreprises mettent en œuvre de manière efficace les moyens de lutte contre la contamination par le virus SARS-Cov-2 ». Le protocole pourrait toutefois devenir contreproductif si, brandi comme une contrainte impérieuse, il s’ajoutait aux nombreuses dispositions de droit commun. L’accumulation de textes répressifs est susceptible d’accroître la confusion et l’anxiété. Il est, plus que jamais, indispensable de revenir à la règle fondamentale qui consiste à ce que l’employeur, sous sa responsabilité civile et pénale, procède à l’évaluation précise des risques dans son entreprise et détermine le plan d’action adapté à sa situation et formalisé (DUER, règlement intérieur etc.) en s’inspirant, si besoin, des protocoles et recommandations divers.


[1] Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de covid-19, 3 janvier 2022 [en ligne].

[2] Loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022, renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le Code de la santé publique N° Lexbase : L7735MAQ.

[3] C. trav., art. L. 1222-9 N° Lexbase : L2077MA8.

[4] C. trav., art. L. 1222-10 N° Lexbase : L8105LGB.

[5] C. trav., art. L. 1222-11 N° Lexbase : L8103LG9.

[6] Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de covid-19, 3 janvier 2022 [en ligne].

[7] CE, 19 octobre 2020, n° 444809 N° Lexbase : A15623YI.

[8] CE, 17 décembre 2020, n° 446797 N° Lexbase : A97374AU.

[9] C. trav., art. L. 4121-1 N° Lexbase : L8043LGY à L. 4121-5 N° Lexbase : L1456H9S et L. 4522-1 N° Lexbase : L1612H9L.

[10] Protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de covid-19, 3 janvier 2022 [en ligne].

[11] Depuis le 1er avril 2021, les Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) forme une nouvelle structure avec les services déconcentrés de la cohésion sociale (DRCS) : les Directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS).

[12] C. trav., art. L. 4121-1 N° Lexbase : L8043LGY à L. 4121-5 N° Lexbase : L1456H9S et L. 4522-1 N° Lexbase : L1612H9L.

[13] C. trav., art. L. 4721-1 N° Lexbase : L7460K98 et L. 4221-1 N° Lexbase : L1548H99 : « Les établissements et locaux de travail sont aménagés de manière à ce que leur utilisation garantisse la sécurité des travailleurs. Ils sont tenus dans un état constant de propreté et présentent les conditions d’hygiène et de salubrité propres à assurer la santé des intéressés. Les décrets en Conseil d’Etat prévus à l’article L. 4111-6 déterminent les conditions d’application du présent titre ».

[14] C. trav., art. L. 4721-2 N° Lexbase : L7459K97 et L. 4741-3 N° Lexbase : L5703K7D.

[15] Loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022, renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le Code de la santé publique N° Lexbase : L7735MAQ.

[16] Loi n° 2022-46 du 22 janvier 2022, renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le Code de la santé publique N° Lexbase : L7735MAQ.

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Covid-19

[Brèves] Pour les Sages, oui au « passe vaccinal », mais non au « passe sanitaire » pour l'accès à une réunion politique

Réf. : Cons. const., décision n° 2022-835 DC, du 21 janvier 2022 N° Lexbase : A02317KR

Lecture: 5 min

N0158BZU

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par Yann Le Foll

Le 02 Février 2022

► Sont conformes à la Constitution les dispositions subordonnant l'accès à certains lieux à la présentation d'un « passe vaccinal », à la différence de celle permettant de subordonner à la présentation d'un « passe sanitaire » l'accès à une réunion politique.

Faits. Le Conseil constitutionnel avait été saisi de deux recours émanant, respectivement, de plus de soixante députés et de plus de soixante sénateurs sur la loi renforçant les outils de gestion de la crise sanitaire et modifiant le Code de la santé publique.

Sur les dispositions de l'article 1er de la loi déférée subordonnant l'accès à certains lieux, établissements, services ou événements à la présentation d'un « passe vaccinal »

Selon ces dispositions, le Premier ministre peut subordonner à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 l'accès des personnes âgées d'au moins seize ans à certains lieux, établissements, services ou événements où sont exercées des activités de loisirs et des activités de restauration ou de débit de boissons, ainsi qu'aux foires, séminaires et salons professionnels, aux transports publics interrégionaux pour des déplacements de longue distance et à certains grands magasins et centres commerciaux.

Selon les Sages, en adoptant les dispositions contestées, le législateur a entendu permettre aux pouvoirs publics de prendre des mesures visant à lutter contre l'épidémie de covid-19 par le recours à la vaccination. Il a ainsi poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé.

En outre, le législateur a réservé l'application de ces dispositions à des activités qui mettent en présence simultanément un nombre important de personnes en un même lieu et présentent ainsi un risque accru de propagation du virus et à des lieux dans lesquels l'activité exercée présente, par sa nature même, un risque particulier de diffusion du virus.

Enfin, si les dispositions contestées prévoient que l'accès du public à certains lieux peut être subordonné à la présentation d'un justificatif de statut vaccinal, ces dispositions ne sauraient être regardées, eu égard à la nature des lieux et des activités qui y sont exercées, comme instaurant une obligation de vaccination.

Le Conseil valide ces dispositions, sous réserve qu’elles ne puissent s'appliquer aux déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux sans méconnaître la liberté d'aller et de venir.

Sur les dispositions de l'article 1er de la loi déférée relatives à la production d'un document officiel lors du contrôle de la détention du « passe vaccinal » et du « passe sanitaire »

Après examen de ces dispositions, le Conseil constitutionnel en déduit que les dispositions contestées ne délèguent pas des compétences de police administrative générale inhérentes à l'exercice de la « force publique » nécessaire à la garantie des droits.

Il est, par ailleurs, fait interdiction aux personnes et services autorisés à demander la production d'un tel document de le conserver ou de le réutiliser ainsi que les informations qu'il contient, sous peine de sanctions pénales.

Le Conseil juge ainsi que la mise en œuvre des dispositions contestées ne saurait, sans méconnaître le principe d'égalité devant la loi, s'opérer qu'en se fondant sur des critères excluant toute discrimination de quelque nature que ce soit entre les personnes.

Sur les dispositions de l'article 1er de la loi déférée permettant de subordonner l'accès à une réunion politique à la présentation d'un « passe sanitaire »

Par dérogation à la règle selon laquelle, nul ne peut exiger la présentation d'un tel document pour l'accès à d'autres lieux hors les cas où le Premier ministre a subordonné l'accès de certains lieux à la présentation d'un « passe » vaccinal ou sanitaire, ces dispositions permettaient à la personne responsable de l'organisation d'une réunion politique d'en subordonner l'accès à la présentation d'un « passe sanitaire ».

Le Conseil constitutionnel relève que, toutefois, les dispositions contestées n'ont soumis l'édiction de telles mesures par l'organisateur de la réunion politique ni à la condition qu'elles soient prises dans l'intérêt de la santé publique et aux seules fins de lutter contre l'épidémie de covid-19, ni à celle que la situation sanitaire les justifie au regard de la circulation virale ou de ses conséquences sur le système de santé, ni même à celle que ces mesures soient strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu.

Il en déduit que, dans ces conditions, les dispositions contestées n'opèrent pas une conciliation équilibrée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de protection de la santé et le respect des droits et libertés constitutionnellement garantis, notamment le droit d'expression collective des idées et des opinions résultant de l'article 11 de la Déclaration de 1789 N° Lexbase : L1358A98.

Il les déclare contraires à la Constitution, libre aux responsables des réunions politiques de prendre toutes mesures de précaution sanitaire utiles, telles que la limitation du nombre de participants, la distribution de masques ou l'aération des salles.

newsid:480158

Fiscalité du patrimoine

[Brèves] Pacte Dutreil et éléments à prendre en compte pour déterminer l’actif brut réel d’une société interposée

Réf. : Cass. com., 19 janvier 2022, n° 19-19.309, F-D N° Lexbase : A18737KL

Lecture: 5 min

N0176BZK

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par Marie-Claire Sgarra

Le 03 Février 2022

► La Chambre commerciale a rappelé dans un arrêt du 19 janvier 2022 que les moins-values latentes devaient être exclues des éléments comptables à prendre en compte pour déterminer l’actif réel d’une société interposée.

Les faits :

  • la fille d’un défunt a déposé une déclaration de succession dans laquelle elle a revendiqué, s'agissant des parts d’une société holding O, le bénéfice de l'exonération partielle des droits de succession pour les trois quarts de leur valeur, compte tenu des engagements de conservation des titres souscrits, conformément aux dispositions de l'article 787 B du CGI N° Lexbase : L5936LQW ;
  • l'administration fiscale a notifié à la requérante une proposition de rectification par laquelle elle a, notamment, remis en cause le fait que l'exonération partielle des droits de succession puisse s'appliquer à la valeur totale des titres de la société holding au motif que les engagements de conservation souscrits ne portaient pas sur ces titres mais sur ceux de filiales, elle-même détenue à 100 % par la société holding [O] ;
  • après rejet de sa réclamation contentieuse, la requérante a assigné l'administration fiscale en décharge des rappels d'imposition réclamés.

Principe. Aux termes de l’article 787 B du CGI, les parts ou les actions d'une société ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale transmises par décès ou entre vifs sont, à condition qu'elles aient fait l'objet d'un engagement collectif de conservation présentant certaines caractéristiques, et d'un engagement individuel de conservation des titres pendant une durée de quatre ans à compter de l'expiration de l'engagement collectif, exonérées de droits de mutation à titre gratuit, à concurrence de 75 % de leur valeur.

L'exonération s'applique également dans l'hypothèse de sociétés interposées, soit, notamment, lorsque la société détenue directement par le redevable possède une participation dans une société qui détient les titres de la société dont les parts ou actions font l'objet de l'engagement de conservation.

Dans cette hypothèse, l'exonération partielle est appliquée à la valeur des titres de la société détenus directement par le redevable, dans la limite de la fraction de la valeur réelle de l'actif brut de celle-ci représentative de la valeur de la participation indirecte ayant fait l'objet d'un engagement de conservation.

La valeur de cette participation indirecte est alors égale à la fraction de la valeur réelle de l'actif brut de la société ayant souscrit l'engagement de conservation qui correspond à la valeur de sa participation dans la société dont elle s'est engagée à conserver les titres.

En appel, la cour :

  • constate que le désaccord entre l'administration fiscale et la requérante ne portait que sur la définition de la notion d'actif brut réel, ce dont il résultait une évaluation différente de l'actif brut réel de la société Maison [O] ;
  • énonce que l'actif brut est une valeur brute comptable, avant amortissements et provisions pour dépréciation, des éléments composant l'actif, qu'une plus-value latente est constatée lorsque la valeur d'entrée d'un bien inscrit au bilan d'une entreprise est inférieure à sa valeur actuelle, autrement dit lorsque la valeur réelle de ce bien est supérieure à sa valeur comptable, et qu'une moins-value latente désigne la perte potentielle de la valeur d'un bien immobilier ou d'un produit financier, depuis son acquisition, autrement dit lorsque sa valeur réelle est inférieure à sa valeur comptable ;
  • énonce enfin que, tandis que les plus-values latentes ne font l'objet d'aucune écriture comptable, les moins-values latentes font obligatoirement l'objet d'une écriture comptable.

La cour en a déduit que l'actif brut étant une valeur brute comptable, avant amortissements et provisions pour dépréciation, il n'y a pas lieu de prendre en considération, dans le calcul de l'actif brut réel, les éventuelles moins-values.

Solution de la Cour de cassation. La cour d’appel, par cette décision, a violé le texte de l’article 787 B du CGI.

La valeur réelle de l'actif brut d'une société correspond à la valeur comptable de l'actif brut majorée des plus-values latentes mais également minorée des moins-values latentes.

La cour d’appel de Nîmes avait déjà adopté cette position en précisant les éléments comptables à prendre en considération pour déterminer l’actif brut réel d’une société interposée dans le cadre d’une transmission de société éligible à l’exonération de droits de mutation Dutreil. La cour avait ainsi jugé que « mais alors que les plus-values latentes ne font l’objet d’aucune écriture comptable et qu’elles doivent être ajoutées au résultat fiscal dans la liasse fiscale, les moins-values latentes font obligatoirement l’objet d’une écriture ». Par suite, « l'actif brut étant une valeur brute comptable, avant amortissements et provisions pour dépréciation, il n'y a donc pas lieu de prendre en considération dans le calcul de l'actif brut réel les éventuelles moins-values » (CA Nîmes, 25 avril 2019, n° 16/03875 N° Lexbase : A7932Y9N).

 

newsid:480176

Licenciement

[Brèves] Nullité du licenciement du salarié lanceur d’alerte dénonçant une situation de conflit d’intérêts

Réf. : Cass. soc., 19 janvier 2022, n° 20-10.057, FS-B N° Lexbase : A76997IY

Lecture: 3 min

N0171BZD

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par Charlotte Moronval

Le 26 Janvier 2022

► Le licenciement pour faute grave d’un salarié expert-comptable qui a alerté sa société d’une situation de conflit d’intérêts entre ses missions d’expert-comptable et celles de commissaire aux comptes, prohibée par le Code déontologique de la profession, est nul.

Faits et procédure. Un salarié est engagé en qualité d'assistant par une société d'expertise comptable et de commissariat aux comptes.

Par lettre recommandée, le salarié alerte son employeur sur une situation de conflit d'intérêts concernant la société entre ses missions d'expert-comptable et celles de commissaire aux comptes, en soulignant qu'à défaut de pouvoir discuter de cette question avec son employeur, il saisirait la compagnie régionale des commissaires aux comptes. Il saisit effectivement cet organisme par lettre, la veille de l'entretien préalable au licenciement. Il est ensuite licencié pour faute grave.

Contestant ce licenciement, il saisit la juridiction prud'homale pour faire juger que le licenciement était nul ou sans cause réelle et sérieuse et obtenir le paiement d'indemnités liées à la rupture et d'un rappel de salaires sur primes.

La cour d’appel accède à sa demande et juge le licenciement nul pour violation d'une liberté fondamentale. La société forme un pourvoi en cassation. Elle soutient notamment que le licenciement ne pouvait être entaché de nullité dès lors que, d’une part, la protection du lanceur d’alerte s'applique aux seuls licenciements prononcés après la dénonciation d'infractions pénales, et d’autre part, que le signalement du salarié été empreint de mauvaise foi car intervenant après des reproches qui lui avaient été formulés.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale rejette le pourvoi.

Elle rappelle que :

« En raison de l'atteinte qu'il porte à la liberté d'expression, en particulier au droit pour les salariés de signaler les conduites ou actes illicites constatés par eux sur leur lieu de travail, le licenciement d'un salarié prononcé pour avoir relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits dont il a eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser des infractions pénales ou des manquements à des obligations déontologiques prévues par la loi ou le règlement, est frappé de nullité ».

C’est le cas de la situation dénoncée par le salarié. En effet, la cour d'appel a relevé :

  • d'une part, que la lettre de licenciement reprochait expressément au salarié d'avoir menacé son employeur de saisir la compagnie régionale des commissaires aux comptes de l'existence dans la société d'une situation de conflit d'intérêts à la suite de cas d'auto-révision sur plusieurs entreprises, situation prohibée par le Code de déontologie de la profession, dont il l'avait préalablement avisé par lettre ;
  • d'autre part, que la procédure de licenciement avait été mise en œuvre concomitamment à cette alerte et à la saisine par le salarié de cet organisme professionnel après que l'employeur lui eut refusé toute explication sur cette situation.

Ayant ainsi fait ressortir que le salarié avait été licencié pour avoir relaté des faits, dont il avait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions, et qui, s'ils étaient établis, seraient de nature à caractériser une violation du Code de déontologie de la profession de commissaire aux comptes, et ayant estimé, sans dénaturation, dès lors que l'employeur ne soutenait pas que le salarié avait connaissance de la fausseté des faits qu'il dénonçait, que la mauvaise foi de ce dernier n'était pas établie, elle en a exactement déduit que le licenciement était nul.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les dispositions relatives à la protection des salariés, La protection des salariés lanceurs d'alerte, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E9886E9Z.

newsid:480171

Marchés publics

[Focus] Recours entre intervenants à une opération de travaux publics devant le juge administratif – éléments d’actualisation d’un panorama complexe

Lecture: 18 min

N0165BZ7

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par Anna Maria Smolinska, Avocat spécialiste en droit public et de la commande publique

Le 26 Janvier 2022

Mots clés : travaux publics • maître d'ouvrage • sous-traitant

Les opérations de construction sous maîtrise d’ouvrage publique ont cela de complexe qu’elles font coexister des relations contractuelles et extracontractuelles, entre une personne publique et plusieurs personnes privées. De fait, l’opération crée des liens entre les différents intervenants à l’acte de construire qui dépassent les relations extracontractuelles classiques. En effet, qu’un contrat existe ou non entre eux, la façon dont les uns exécutent leurs obligations contractuelles impacte potentiellement tous les autres.


 

C’est là l’un des effets du principe de passation des marchés en lots séparés, bien ancré en droit français et découlant en droit positif de l’article L. 2113-10 du Code de la commande publique N° Lexbase : L4431LRK.

Schématiquement, une opération de construction allotie se présentera ainsi :

Ce schéma fait ressortir clairement un constat simple : le seul, dans une opération de construction, à entretenir une relation contractuelle avec l’ensemble des intervenants (à une exception près [1]), est le maître d’ouvrage.

Et pourtant, la largement commentée et même critiquée jurisprudence « Haute Normandie » [2] a mis fin au « guichet unique », posant comme principe l’impossibilité pour les intervenants à une opération de rechercher la responsabilité du maître d’ouvrage pour les fautes commises par les autres intervenants :

« Considérant que les difficultés rencontrées dans l’exécution d’un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l’entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l’économie du contrat soit qu’elles sont imputables à une faute de la personne publique ; que, dès lors, en jugeant que la responsabilité de la région Haute-Normandie était susceptible d’être engagée du seul fait de fautes commises par les autres intervenants à l’opération de restructuration du lycée, la cour administrative d’appel de Douai a commis une erreur de droit ; que, par suite, la région Haute-Normandie est fondée à demander l’annulation de l’arrêt attaqué, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi ».

À défaut d’un « guichet unique », un véritable régime spécifique s’est construit au gré des jurisprudences pour éviter un vide juridique en la matière et permettre un maillage assez complet des jeux de responsabilités entre tous les intervenants à l’acte de construire.

Quelques précisions ayant été apportées par les juridictions administratives en fin d’année 2021, un panorama actualisé peut utilement être dressé de l’ensemble des recours dans le cadre d’une opération de construction sous maîtrise d’ouvrage publique.

Recours impliquant le maître d’ouvrage

Le maître d’ouvrage dispose des recours sur le fondement contractuel et extracontractuel, lui permettant d’agir contre tous les intervenants à l’opération. Il en va de même, s’agissant des recours de ce dernier contre le maître d’ouvrage.

La mission de l’intervenant est ici sans influence sur la nature et le régime des recours, on identifie trois situations :

  • Relation maître d’ouvrage – son cocontractant (MOE/ Entreprise travaux/ autre intervenant)
  • Relation maître d’ouvrage – sous-traitant
  • Relation maître d’ouvrage – assureur d’un intervenant

 

Maître d’ouvrage et son cocontractant

Le recours entre le maître d’ouvrage et ses cocontractants sont de double nature : d’une part, le recours sur le fondement de la responsabilité contractuelle, ouvert aux deux parties au contrat et, d’autre part, le recours sur le fondement de la responsabilité décennale, ouvert au seul maître d’ouvrage.

La responsabilité contractuelle peut être engagée mutuellement par le maître d’ouvrage et son cocontractant-intervenant à l’opération de construction.

Dans les deux cas cette action, fondée sur les fautes contractuelles (inexécution ou mauvaise exécution du contrat) ne peut être engagée que tant que le contrat demeure en vigueur. Son terme, coïncidant avec la réception de l’ouvrage, marque le terme ce des relations et la possibilité d’engager la responsabilité contractuelle entre les parties [3], à deux exceptions près.

Premièrement, s’agissant de la responsabilité contractuelle du maître d’œuvre, voire des autres intervenants à l’opération dont les prestations sont « dissociables de la réalisation de l’ouvrage », ce qui réduit les hypothèses aux seules prestations intellectuelles et principalement les prestations du maître d’œuvre dans le cadre des missions d’assistance aux opérations de réception, d’établissement des décomptes des entreprises de travaux et de l’assistance pendant la période de la garantie de parfait achèvement [4].

Deuxièmement, s’agissant du régime spécifique de la responsabilité contractuelle en cas de fraude ou de dol [5].

Par un arrêt rendu en mai 2021, s’inscrivant dans la ligne de la jurisprudence du Conseil d’État (6)[6], la cour administrative d’appel de Versailles a rappelé que la responsabilité contractuelle des constructeurs peut être recherchée sur le fondement de la fraude et du dol :

« L’expiration du délai de l’action en garantie décennale ne décharge pas les constructeurs de la responsabilité qu’ils peuvent encourir en cas ou bien de fraude ou de dol dans l’exécution de leur contrat, ou bien d’une faute assimilable à une fraude ou à un dol, caractérisée par la violation grave, par sa nature ou ses conséquences, de leurs obligations contractuelles, commises volontairement et sans qu’ils puissent en ignorer les conséquences » [7].

L’intérêt de l’arrêt de la CAA est de préciser le délai de prescription de cette action : cinq années à compter de la découverte des faits par le maître d’ouvrage et cela nonobstant la forclusion qu’il encourrait sur le fondement de la responsabilité décennale. Antérieurement à la réforme de l’article 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC) [8], dont s’inspirent les juridictions administratives, ces dernières appliquaient un délai de prescription de 30 ans.

Concernant l’articulation entre la responsabilité contractuelle pour fraude et dol et la responsabilité décennale, comme souligné par la cour administrative d’appel, la forclusion après expiration du délai de dix ans à compter de la réception de l’ouvrage pour la seconde n’impacte pas la mise en œuvre de la première. Ainsi, comme justement souligné par le Rapporteur public Pélissier, les deux régimes coexistent de manière indépendante. L’intérêt de la responsabilité contractuelle pour dol est cependant limité si les conditions de la garantie décennale, dont le régime indemnitaire est plus favorable au maître d’ouvrage, sont remplies [9].

Si la jurisprudence, déjà rare concernant la faute de cette nature commise par un cocontractant du maître d’ouvrage, ne fournit pas l’illustration de l’engagement de la responsabilité de ce dernier par un constructeur, d’un point de vue théorique, une telle hypothèse paraît admissible.

La responsabilité (ou garantie) décennale dans les opérations de construction sous maîtrise d’ouvrage publique découle d’une adaptation jurisprudentielle du régime de garantie décennale inscrite à l’article 1972 du Code civil N° Lexbase : L2195ABW.

« Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère ». Cette garantie ne bénéficie qu’au maître d’ouvrage et ses ayants droits ou les propriétaires successifs de l’ouvrage [10].

Pour les opérations de construction sous maîtrise d’ouvrage publique la compétence est celle du juge administratif, en ce compris s’agissant des recours intentés par certains ayants-droit du maître d’ouvrage et notamment son assureur dommages-ouvrage par subrogation, en vertu du principe selon lequel « ne action subrogatoire ne saurait être portée par le subrogé devant un ordre de juridiction autre que celui appelé à connaître de l'action qui aurait été engagée par le subrogeant » [11].

La complexité du sujet appelant à un panorama qui lui serait dédié et en l’absence d’actualités remarquées, il ne sera pas détaillé davantage dans le cadre de la présente analyse.

Maître d’ouvrage et le sous-traitant

Alors que la jurisprudence paraît bien établie concernant les recours entre les titulaires principaux et les sous-traitants qui, rappelons-le, ne sont pas contractuellement liés nonobstant le mécanisme de paiement direct, la Cour de cassation a eu l’occasion de rappeler le fonctionnement du mécanisme contractuel en la matière encore en début de l’année 2021 [12].

Cette responsabilité est nécessairement quasi-délictuelle et cela même lorsque l’action est portée par l’entreprise principale, subrogée dans les droits du maître d’ouvrage. Par conséquent que ce soit le maître d’ouvrage ou, dans l’hypothèse évoquée, l’entreprise principale par subrogation, ni la responsabilité contractuelle ni la responsabilité décennale ne peuvent être invoquées.

Les moyens invocables sont limités de la même manière dans le cadre d’une action engagée directement par le maître d’ouvrage contre un sous-traitant, étant précisé qu’une telle action est admise, devant le juge administratif, depuis le revirement de la jurisprudence opéré par le Conseil d’État en 2015 [13].

Le sous-traitant dispose quant à lui des recours contre le maître d’ouvrage dans les hypothèses liées à une faute de ce dernier, commise dans le cadre du dispositif du paiement direct, notamment lorsque : le maître d’ouvrage avait connaissance de l’intervention d’un sous-traitant non déclaré ou dans le cadre d’un litige lié au paiement des prestations supplémentaires.

Maître d’ouvrage et l’assureur d’un intervenant

Les recours auxquels sont parties un maître d’ouvrage et l’assureur d’un intervenant sont majoritairement intentés par les maîtres d’ouvrage, pour se prémunir contre l’éventuelle insolvabilité d’un constructeur dont la responsabilité serait engagée.

Ces recours obéissent à un régime qui croise les règles relatives à la responsabilité des constructeurs (compétence, moyens et délais) et celles propres à l’action directe contre les assureurs, sur le fondement de l’article L. 124-3 du Code des assurances N° Lexbase : L4188H9Y, qui prévoit que « Le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable. 

L'assureur ne peut payer à un autre que le tiers lésé tout ou partie de la somme due par lui, tant que ce tiers n'a pas été désintéressé, jusqu'à concurrence de ladite somme, des conséquences pécuniaires du fait dommageable ayant entraîné la responsabilité de l'assuré. »

Ainsi, seul le juge administratif demeure compétent pour le maître d’ouvrage est lié contractuellement, selon les modalités exposées ci-dessus.

Ces principes ont été rappelés par le Tribunal des conflits, dans une décision de 2015 :

« Considérant que si l'action directe ouverte par l'article L. 124-3 du Code des assurances N° Lexbase : L4188H9Y  à la victime d'un dommage ou à l'assureur de celle-ci subrogé dans ses droits, contre l'assureur de l'auteur responsable du sinistre, tend à la réparation du préjudice subi par la victime, elle se distingue de l'action en responsabilité contre l'auteur du dommage en ce qu'elle poursuit l'exécution de l'obligation de réparer qui pèse sur l'assureur en vertu du contrat d'assurance ; qu'il s'ensuit qu'il n'appartient qu'aux juridictions de l'ordre judiciaire de connaître des actions tendant au paiement des sommes dues par un assureur au titre de ses obligations de droit privé, alors même que l'appréciation de la responsabilité de son assuré dans la réalisation du fait dommageable relèverait de la juridiction administrative » [14].

En revanche, le juge judiciaire est seul compétent pour se prononcer sur la recevabilité et notamment la prescription de l’action directe (15)[15].

Fait exception à ce régime la relation entre le maître de l’ouvrage et son assureur dommages-ouvrage ainsi. Le Tribunal des conflits a en effet qualifié leur contrat d’administratif, affirmant par conséquent la compétence du juge administratif pour tous les litiges liés à son exécution [16].

De même, relève de la compétence du juge administratif tout litige portant sur les obligations de l’assureur en garantie décennale d’un constructeur, si ces obligations découlent du contrat conclu entre l’assureur et le maître d’ouvrage, ce qui constitue une extension plus surprenante de la compétence des juridictions administratives : « la circonstance que, par le même contrat, elle souscrit également une assurance garantissant la responsabilité décennale du constructeur auquel elle a attribué le marché public de construction, qui s'analyse comme une stipulation pour autrui, ne modifie pas la nature de ce contrat. Le litige relatif à l'exécution d'un tel contrat, y compris en tant qu'il porte sur les obligations de l'assureur stipulées au bénéfice du constructeur, relève donc de la compétence de la juridiction administrative ».

Synthèse

Cocontractant

Sous-traitant

Assureur

MOA

Responsabilité décennale (au bénéfice du MOA)

Responsabilité contractuelle

Fraude & dol (responsabilité contractuelle)

Responsabilité quasi-délictuelle

Action directe

Juge administratif (en ce compris pour actions subrogatoires)

Juge administratif

Juge administratif

Juge administratif

Juge judiciaire (sauf assureur DO – juge administratif)

Juridiction compétente

Désordres non apparents à la réception susceptibles de porter atteinte à la solidité de l’ouvrage ou le rendant impropre à sa destination

Manquement aux obligations contractuelles

Violation grave, par sa nature ou ses conséquences, des obligations contractuelles, commise volontairement et sans en ignorer les conséquences

Faute non-contractuelle du sous-traitant

Faute du maître d’ouvrage liée aux conditions de paiement du sous-traitant

Existence de la garantie + fondement de la responsabilité de l’assuré (apprécié par le juge administratif)

Moyens invocables (fondement)

10 ans à compter de la réception

Jusqu’à réception de l’ouvrage (sauf exceptions)

5 ans à compter de la connaissance des faits

5 ans à compter de la connaissance des faits

2 ans à compter de l’évènement qui y donne naissance

Délais

Recours entre les intervenants hors maître d’ouvrage

Par un arrêt rendu en 2000, le Conseil d’État a affirmé le principe, repris depuis tant par la Haute juridiction que par les juridictions de fond, selon lequel : « le litige né de l’exécution d’un marché de travaux publics et opposant des participants à l’exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé » [17].

Le Tribunal des conflits confirmait ainsi une jurisprudence du Conseil d’État qui admettait de connaître de tels recours, qu’ils aient été introduits par voie directe ou dans le cadre d’une action récursoire (appel en garantie) [18].

Ainsi, les intervenants liés contractuellement entre eux par un contrat de droit privé (les membres d’un groupement, si une convention de groupement a été conclue ou un titulaire principal et un sous-traitant) peuvent rechercher mutuellement leur responsabilité sur le fondement de la responsabilité contractuelle découlant du contrat qui les lie, devant les juridictions civiles.

En revanche, lorsque ces mêmes intervenants à une opération de construction sous maîtrise d’ouvrage publique ne sont pas liés contractuellement, leurs recours s’exercent, par « effet attractif » de la notion des travaux publics, devant le juge administratif et selon les modalités qu’il a précisée au gré de ses jurisprudences.

Le juge administratif connaît même les relations qu’on aurait pu croire échapper à sa compétence, tels les recours formés entre les membres d’un groupement momentané d’entreprises titulaires d’un marché, si la répartition des prestations n’est précisée ni par la convention de groupement (contrat de droit privé) ni par les contrats qui les lient au maître d’ouvrage [19] :

« lorsque le juge administratif est saisi d'un litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics opposant le maître d'ouvrage à des constructeurs qui ont constitué un groupement pour exécuter le marché, il est compétent pour connaître des actions en garantie engagées par les constructeurs les uns envers les autres si le marché indique la répartition des prestations entre les membres du groupement ; si tel n'est pas le cas, le juge administratif est également compétent pour connaître des actions en garantie entre les constructeurs, quand bien même la répartition des prestations résulterait d'un contrat de droit privé conclu entre eux, hormis le cas où la validité ou l'interprétation de ce contrat soulèverait une difficulté sérieuse ».

Depuis 2021, en application d’une décision du Tribunal des conflits, la compétence du juge administratif peut même s’étendre à un recours entre intervenants (constructeurs) pourtant liés par un contrat de droit privé, si le litige les opposant ne concerne pas l’exécution du contrat qui le lie mais uniquement des contrats qui les lient au maître d’ouvrage [20] :

« Les sociétés Fayat Bâtiment et Pro-Fond, membres d’un même groupement titulaire d’un marché́ de travaux publics, ont l’une et l’autre poursuivi la responsabilité́ quasi- délictuelle de leur cotraitant et présenté des conclusions tendant à̀ la condamnation de celui-ci à réparer le préjudice qu’elles estiment avoir subi à raison de fautes qu’il a commises au cours de l’exécution du contrat conclu avec le maitre de l’ouvrage. Alors même que les deux cotraitants sont par ailleurs liés par un contrat de droit privé, un tel litige, qui ne concerne pas l’exécution de ce contrat de droit privé et qui implique que soient appréciées les conditions dans lesquelles un contrat portant sur la réalisation de travaux publics a été exécuté relève de la juridiction administrative ».

Outre qu’elle étend encore davantage la compétence du juge administratif, la décision précitée du Tribunal des conflits amorce une autre évolution : celles des moyens invocables. En effet, elle admet que dans le cadre d’un recours basé sur la responsabilité quasi-délictuelle, les manquements puissent être caractérisé par des fautes liées à l’exécution d’un contrat, pourtant conclu avec un tiers.

En effet, selon la jurisprudence classique du Conseil d’État, le fondement quasi-délictuel avait pour corollaire de limiter les moyens invocables aux seules fautes non-contractuelles notamment la violation du cadre légal applicable aux prestations) et manquements aux règles de l’art, de la même manière qu’un maître d’ouvrage agissant contre un intervenant auquel il n’était pas contractuellement lié [21].

Presque à la même période que le Tribunal des conflits, le Conseil d’État avait également amorcé un revirement de sa jurisprudence restrictive, en reconnaissant, dans un arrêt non publié au Recueil, que le requérant n’était pas obligé de limiter ses moyens à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires et la violation des règles de l’art lorsque les fautes commises par un intervenant à l’opération ont contribué à l’inexécution de ses propres obligations contractuelles [22] :

« En second lieu, dans le cadre d'un litige né de l'exécution de travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires ».

Enfin, c’est par un arrêt rendu le 11 octobre 2021, que le Conseil d’État a, encore plus clairement, reconnu que les participants à une même opération de construction non liés par un contrat de droit privé peuvent rechercher la responsabilité des autres constructeurs « du fait d’un manquement aux stipulations des contrats qu’ils ont conclus avec le maître d’ouvrage » [23].

Le Tribunal des conflits et le Conseil d’État ont ainsi aligné, leur jurisprudence sur celle de la Cour de cassation qui, quinze années plus tôt, reconnaissait déjà la possibilité, pour un tiers, d’invoquer un manquement contractuel dans le cadre d’un recours fondé sur la responsabilité délictuelle [24].

L’extension de ce régime aux recours impliquant le maître d’ouvrage, dans ses relations extracontractuelles avec les intervenants dans l’opération de construction (notamment les sous-traitants) paraîtrait justifié, mais la complexité de la matière invite à attendre une confirmation expresse par le juge administratif.

* Consulter le site AMS Avocat

[1] L’exception étant le sous-traitant, contractuellement lié uniquement au titulaire principal du lot concerné.

[2] CE, 5 juin 2013, n° 352917 N° Lexbase : A3368KGT.

[3] Cf. par exemple CE, 7 juin 2010, n° 323372 N° Lexbase : A9231EYK.

[4] Cf. notamment CE, 2 décembre 2019, n° 423544 N° Lexbase : A6407Z43.

[5] CE, 24 mai 1974, n° 85939 N° Lexbase : A6674B8P.

[6] Cf. l’arrêt de principe CE, 14 décembre 1956, 15 juillet 1957, OPH des HBM de Montrouge, CE, 12 mars 1999, n° 170103 N° Lexbase : A4694AX7.

[7] CAA Versailles, 10 mai 2021, n° 18VE04196 N° Lexbase : A89024R7.

[8] Loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, portant réforme de la prescription en matière civile N° Lexbase : L9102H3I.

[9] G. Pelissier, conclusions sous l’arrêt CE, 26 juin 2019, n° 416735 et 416742 N° Lexbase : A2192ZHN.

[10] Cf. par exemple CE, 17 juin 1998, n° 149793 N° Lexbase : A7083AS7 ou CE 22 mars 1991, n° 89502 N° Lexbase : A9879AQX, pour le cas spécifique du preneur à bail dans le cadre d’un bail emphytéotique administratif.

[11] T. confl., 4 mars 2002, n° 3279, publié au bulletin N° Lexbase : A08303YE.

[12] Cass. civ. 3, 14 janvier 2021, n° 19-23.874, F-D N° Lexbase : A73404CT.

[13] CE, 7 décembre 2015, n° 380419, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0436NZ8.

[14] T. confl., 15 avril 2013, n° 3892 N° Lexbase : A4196KCE.

[15] Cf. par exemple Cass. civ. 3, 21 novembre 2019, n° 18-21.931, F-D N° Lexbase : A4767Z3X.

[16] T. confl., 5 juillet 2021, n° 4223, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A23504Z3.

[17] CE, 3 novembre 2006, n° 256547 N° Lexbase : A4775DSN, Lebon T.

[18] CE, 24 juillet 1981, n° 135119 N° Lexbase : A3043ANZ.

[19] T. confl., 9 février 2015, n° 3983 N° Lexbase : A3005NBW.

[20] T. confl., 8 février 2021, n° 4203 N° Lexbase : A62944HL.

[21] Cf. CE, 7 décembre 2015, n° 380419, préc.

[22] CE, 6 novembre 2020, n° 428457 N° Lexbase : A008734Y.

[23] CE, 11 octobre 2021, n° 438872 N° Lexbase : A863948H.

[24] Ass. plén. 9 octobre 2006, n° 05-13.255 N° Lexbase : A5095DR7.

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Procédure civile

[Jurisprudence] Application inopportune de la notion d'accessoire à la déclaration d'appel

Réf. : Cass. civ. 2, 13 janvier 2022, n° 20-17.516, FS-B N° Lexbase : A14867IU

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par Corinne Bléry, Professeur de droit privé à l’Université Polytechnique Hauts-de-France (Valenciennes) Faculté de droit et d’administration publique Directrice du Master Justice, procès, procédure Membre du conseil scientifique de Droit & Procédure

Le 28 Janvier 2022

Mots clés : déclaration d’appel • annexe • effet dévolutif • RPVA • CPVE • formalisme • empêchement d’ordre technique

Les mentions prévues par l’article 901, 4°, du Code de procédure civile N° Lexbase : L5415L83 doivent figurer dans la déclaration d’appel, laquelle est un acte de procédure se suffisant à lui seul. Cependant, en cas d’empêchement d’ordre technique, l’appelant peut compléter la déclaration d’appel par un document faisant corps avec elle et auquel elle doit renvoyer.


 

Un arrêt rendu le 13 janvier 2022 par la deuxième chambre civile doit impérativement être connu des avocats pratiquant la procédure d’appel, tant il fait l’effet d’un « coup de tonnerre » dans une matière qui est pourtant souvent agitée d’orages, de brouillards et d’embruns. Il a d’ailleurs déjà suscité de vives discussions, souvent critiques et inquiètes [1]. Il assène, sans ménagement pour les avocats et plaideurs, que l’annexe de la déclaration d’appel ne doit pas être utilisée en « première intention », mais seulement en « secours », en cas d’empêchement d’ordre technique…

Une banque interjette appel, par voie électronique, d’un jugement l’ayant, notamment, condamnée au paiement d’une certaine somme à une société. Pour ce faire, elle « se borne » à joindre à la déclaration d’appel proprement dite (c’est-à-dire au message RPVA) « un document intitulé “motif déclaration d’appel PDF” ».

La société demande au conseiller de la mise en état de déclarer nulle la déclaration d’appel « mentionnant un appel total sans distinguer les chefs critiqués du jugement ». Le conseiller de la mise en état (CME) rejette cette demande. Son ordonnance n’est pas déférée à la cour d’appel.

La société saisit en revanche la cour d’appel d’une autre demande, tendant cette fois, à voir dire sa saisine non valable, « le nombre de caractères nécessaires à l’énonciation des chefs critiqués du jugement ne justifiant pas qu’un document les mentionnant soit joint à la déclaration d’appel ».

La cour d’appel constate qu’elle n’était saisie d’aucune demande par la déclaration d’appel « qui n’a pas opéré dévolution » : en effet, « “l’annexe”, qui indiquait les chefs de jugement expressément critiqués, n’était pas de nature à opérer dévolution en ce qu’elle ne valait pas déclaration d’appel ».

La banque se pourvoit alors en cassation par un moyen divisé en quatre branches. La troisième, qui seule échappe à l’application de l’article 1014, alinéa 2, du Code de procédure civile N° Lexbase : L7860I4U, reproche à la cour d’appel une violation des articles 562 N° Lexbase : L7233LEM et 901 N° Lexbase : L5415L83 du Code de procédure civile : elle aurait ajouté une condition à ces textes, aucune forme n’étant imposée à cette déclaration en ce qu’elle doit mentionner les chefs de jugement critiqués.

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle rappelle :

- les règles de fond et de forme relatives à la déclaration d’appel posées par les articles 562 et 901 du CPC, tels qu’issus du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 N° Lexbase : L2696LEL ;

- les règles relatives à la communication par voie électronique (CPVE [2]), prévues aux articles 748-1 N° Lexbase : L0378IG4 et 930-1 N° Lexbase : L7249LE9 du même code.

Elle énonce ensuite le principe et l’exception rapportés au chapô, avant d’approuver la cour d’appel, devant laquelle aucun empêchement à renseigner la déclaration technique n’avait été allégué, d’avoir déduit que l’annexe « ne valait pas déclaration d’appel, seul l’acte d’appel opérant la dévolution des chefs critiqués du jugement »…

L’arrêt marque une césure : il y a « l’avant » et « l’après », tant la situation des plaideurs est affectée par la décision qui interdit de maintenir une pratique, pourtant peu gênante, mais pas assez rigoureuse au regard de la Cour de cassation… sauf à résister.

I. Avant l’arrêt

L’arrêt du 13 janvier 2022 invite à rappeler le droit de la déclaration d’appel en procédure avec représentation obligatoire mais aussi des éléments d’informatique, pour ne pas dire de « cuisine » technique, qui sont à l’origine de la sévère décision de la Cour de cassation.

A. Déclaration d’appel et droit

L’arrêt, pédagogique, rappelle les différentes règles, de fond comme de forme, relatives à la déclaration d’appel (n° 6 et 7)…

L’appel a été réformé par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 N° Lexbase : L2696LEL relatif aux exceptions d’incompétence et à l’appel en matière civile [3]. Depuis l’entrée en vigueur de cette réforme, l’appel général a disparu, l’étendue de la dévolution est déterminée par l’acte d’appel et lui seul.

Bien que rédigé différemment depuis 2017, l’article 562, alinéa 1er, du Code de procédure civile N° Lexbase : L7233LEM a repris l’idée traditionnelle selon laquelle « tantum devolutum quantum appellatum » [4], puisqu’il dispose : « l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent ». L’appelant peut donc, à son choix, et dans la limite de sa succombance, reprendre toutes ses prétentions de première instance ou limiter son appel à certains chefs de jugement et/ou contre certaines des personnes ayant été parties en première instance. Par exception, selon son alinéa 2, « la dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible ».

La nouveauté, depuis 2017, est que l’étendue de la dévolution est déterminée par l’acte d’appel,

  • de manière précise, de telle sorte que l’appelant doit indiquer cette étendue : il appartient à l’appelant de préciser quels sont les chefs du jugement sur lesquels porte l’appel. Avant 2017, si l’acte d’appel ne précisait rien, l’article 562, alinéa 2, prévoyait que « la dévolution s’opère pour le tout, l’appel n’est pas limité à certains chefs ». L’appel général a donc disparu, une contestation du jugement attaqué étant attendue de l’appelant. Dès lors, il ne suffit pas de viser tous les chefs du jugement ou de limiter l’appel à certains chefs pour obtenir la réformation de ces chefs ; il faut aussi soutenir l’appel, c’est-à-dire critiquer durant l’instance d’appel ces chefs de décision et proposer des prétentions contraires ;
  • de manière exclusive : seul l’acte d’appel emporte la dévolution des chefs critiqués du jugement. Plus précisément, si les conclusions d’appel ne peuvent régulariser le vice de forme d’une déclaration d’appel ne mentionnant pas les chefs du jugement critiqués[5], une nouvelle déclaration d’appel peut en revanche permettre une telle régularisation, à condition d’être formée dans le délai imparti à l’appelant pour conclure au fond, à savoir celui de l’article 908 du CPC N° Lexbase : L7239LET (trois mois à compter de la déclaration d’appel). La Cour de cassation a affirmé à plusieurs reprises cette solution de bon sens [6].

C’est l’article 901 N° Lexbase : L5415L83 qui régit la forme de la déclaration d’appel. Il prévoit que « la déclaration d’appel est faite par acte contenant » un certain nombre de mentions dont « 4° les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l’appel est limité, sauf si l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible » [7].

Quant au vecteur de transmission de la déclaration d’appel, il est acquis depuis longtemps que c’est, obligatoirement, le RPVA [8]. L’article 930-1 du CPC N° Lexbase : L7249LE9, qui s’applique aux procédures ordinaires et à jour fixe, prévoit qu’« à peine d’irrecevabilité relevée d’office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique » (al. 1er). Les alinéas 2 et 3 prévoient le retour au papier en cas de cause étrangère : l’acte est remis ou adressé par LRAR – depuis le décret du 6 mai 2017 N° Lexbase : L2696LEL – au greffe – tandis qu’est envisageable le report au prochain jour ouvrable de l’accomplissement d’un acte impossible en raison d’une telle cause étrangère (CPC, art. 748-7 N° Lexbase : L0423IGR). De même, « les avis, avertissements ou convocations sont remis aux avocats des parties par voie électronique, sauf impossibilité pour cause étrangère à l’expéditeur » (al. 4). Enfin, l’article 930-1, alinéa 5, du CPC précise qu’« un arrêté du garde des Sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique ».

Il s’est longtemps agi de l’arrêté du 30 mars 2011, applicable dans notre affaire. S’il n’était pas des plus clairs, il a toujours été certain que la remise par l’avocat à la juridiction des actes de procédure qu’il visait, dont la déclaration d’appel, par voie électronique était la règle. L’arrêté du 30 mars 2011 est aujourd’hui abrogé, mais l’arrêté du 20 mai 2020 – mieux rédigé – reproduit la règle.

Si l’on regarde assez rapidement, on voit que l’appelant a bien formé un appel contenant une critique des chefs du jugement le condamnant, qu’il a utilisé pour ce faire une déclaration d’appel qui semble conforme à l’article 901 du CPC N° Lexbase : L5415L83  et qui a été adressée par voie électronique, conformément à l’article 930-1 N° Lexbase : L7249LE9. Autrement dit, il semble que les diverses prescriptions, tant de fond que de forme aient été respectées.

Alors quid ? De quoi se plaignait l’intimé ? Qu’est-ce qui a justifié l’arrêt de la cour d’appel ? Puis le rejet du pourvoi ?

C’est du côté de l’informatique – des « tuyaux » – qu’il faut chercher l’explication.

B. Déclaration d’appel et tuyaux

On sait que le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) et le réseau privé virtuel de la justice (RPVJ) ne brillent pas par leur modernité et leur capacité – étant précisé que le RPVJ « impose ses règles » au RPVA, en ce sens que les zones remplies par les avocats dans le RPVA doivent être jumelles des zones du RPVJ.

Rappelons que, « à l’origine, en effet, ont été utilisés des outils qui n’avaient pas pour fonction première de notifier des actes de procédure. Ce sont des logiciels de messagerie existants qui ont servi à la transmission de ces actes de procédure : le RPVA a ainsi été conçu sur la base du RPVJ, système adapté à la gestion des greffes mais très éloigné des nécessités résultant d’échanges d’acte de procédure entre avocats et entre avocats et juridictions. Ou plutôt certaines juridictions »  [9]. D’ailleurs, « la jurisprudence de la Cour de cassation témoigne de leurs diverses déficiences. Ainsi les arrêts rendus sur la cause étrangère attestent-ils que le RPVA/RPVJ ne supportait pas des fichiers trop pesants [10], qu’il était « bridé » par une territorialité technique – il était impossible de remettre un acte par RPVA en dehors du ressort de la cour d’appel où l’avocat est inscrit [11] –, que des « cases » manquaient pour effectuer certains actes de procédure – le recours en annulation en matière d’arbitrage n’était pas prévu [12] –, que les cases existantes n’étaient pas assez « grandes » – le nombre de caractères pour rédiger une déclaration d’appel était limité à 4 080 [13],… » [14].

C’est justement cette déficience – la limitation des caractères dans les zones de saisies – et son remède « bricolé » qui sont à l’origine de l’arrêt. Si, « en pratique les transmissions [des actes de procédure] prennent la forme de courriers électroniques, échangés entre boîtes aux lettres sécurisées associés à un certificat électronique garantissant l’identité de l’auxiliaire de justice […] et auxquels sont, le cas échéant, joints les actes de procédure ou pièces qu’ils transmettent » [15], la déclaration d’appel est rédigée directement dans des champs informatiques du RPVA.

Comme certains de ces champs sont limités à 4 080 signes, espaces compris [16], du côté du RPVJ, ils le sont aussi du côté du RPVA... Il a donc fallu trouver une solution lorsque le nombre de caractères nécessaires pour que les avocats saisissent les chefs de jugement critiqués est supérieur à cette limite. Il a ainsi été permis de joindre une « annexe » à la déclaration d’appel, fichier pdf complétant cet acte de procédure. C’est une circulaire de la chancellerie du 4 août 2017 qui a offert cette porte de sortie… non prévue par le CPC, à la différence de la cause étrangère [17] ... et mal nommée : ce n’est pas tant une « annexe » dont il est question que d’une « déclaration d’appel avec énonciation des chefs du jugement critiqués ».

Sans doute aurait-il fallu commencer à saisir le début de la déclaration d’appel dans le RPVA, puis – une fois « coincé » par le manque de place – de continuer avec l’annexe, mais les auxiliaires de justice ont souvent tout rassemblé en un seul document : l’annexe s’est – dans les faits – transformée en déclaration d’appel. Autant dire que ce sont, en partie, des aléas, échappant au contrôle des avocats, qui ont conduit à la pratique consistant à annexer souvent un document dans lequel sont énoncés les chefs de jugement expressément critiqués. Notons que, certains auxiliaires de justice, prudents, se sont contentés du champ du RPVA lorsqu’ils n’avaient pas besoin de plus de 4080 signes.

Pratique commode et imposée par l’informatique – plus que contra legem – de rédiger un seul fichier, envie, en outre, d’avoir un texte mis en forme grâce à un logiciel « normal » (plus performant que le RPVA), habitude qui ne gênait personne… : les raisons ne manquaient pas à cette métamorphose d’une annexe en un support complet du contenu de la déclaration d’appel. Pour autant, profitant de l’argumentation développée pour sa défense par l’intimé, la cour d’appel a remis en cause cette pratique. Et la Cour de cassation a validé…

II. Après l’arrêt

L’annexe doit, dès maintenant, puisque l’arrêt ne bénéficie d’aucune modulation dans le temps, (ré)intégrer une fonction subalterne. Pas de modulation, puisque ce n’est pas une charge procédure nouvelle que la Cour de cassation impose ici aux appelants. C’est en effet dans un tel cas de figure, en particulier à propos de la procédure d’appel, que la Cour de cassation a limité pour l’avenir certaines de ses interprétations: elle n’entendait pas priver les appelants du droit à un procès équitable en appliquant cette nouvelle solution aux instances introduites par une déclaration d’appel antérieure à la date de l’arrêt [18]. Dans notre arrêt, la Haute juridiction reviendrait seulement à une stricte orthodoxie, ce qui ne serait pas une « surprise » ? Ce serait oublier la pratique consacrée en raison de la déficience de la technique. L’absence de modulation conduisant à une application aux affaires pendantes, revient à changer la règle en cours de route : c’est de la rétrospectivité, autant dire une forme de rétroactivité porteuse d’insécurité et d’injustice, puisqu’elle prive bel et bien les appelants du droit à un procès équitable.

Même si l’on peut chercher à comprendre les raisons de la Cour de cassation (A), l’arrêt est très critiquable car il revient à faire porter aux avocats – et aux justiciables – la charge des péchés originels du RPVA (B).

A. Des justifications peu convaincantes

L’arrêt peut être compris comme se voulant respectueux des notions. L’adjectif annexe signifie en effet « Qui se rattache accessoirement à quelque chose de plus important pour le compléter : Article annexe de la loi », il a pour synonyme : « accessoire » et pour contraire « principal » ; dans son sens n° 2, le nom féminin annexe désigne une « Pièce jointe à un ouvrage, un rapport, un procès-verbal, une loi » [19]. Aux yeux de la cour de cassation, la pratique a transformé « l’annexe » en « principal », qui se substitue à la déclaration d’appel plus qu’elle ne s’y joint. L’arrêt remet en effet les pendules – les concepts – à l’heure. Sur le plan de la technique informatique, l’annexe peut être vue comme nuisant à l’échange de données structurées, prévu hier par l’arrêté technique du 30 mars 2011 et aujourd’hui par celui du 20 mai 2020. Mais, une nouvelle fois, c’est en raison des déficiences du RPVA que la pratique a été instaurée et « l’annexe » mal nommée est « tout sauf annexe » [20].

Dans la même veine elle a récemment rendu un arrêt relatif au formalisme électronique de l’appel particulier en matière de compétence, en procédure avec représentation obligatoire [21] : si ce formalisme très rigoureux, voire rigoriste, n’est pas respecté, l’appel est irrecevable. La Cour de cassation a en effet considéré qu’adresser par voie électronique la déclaration d’appel et les conclusions visées à l’article 85 du CPC le même jour ne pouvait être analysé comme la jonction évoquée par ledit article. La jonction juridique de l’article 85 N° Lexbase : L1423LGS (et d’autres textes du Code de procédure civile) a une traduction informatique : l’annonce de la jonction des conclusions à venir aurait dû être faite dans le champ informatique (RPVA) de la déclaration d’appel et les conclusions elles-mêmes adressées en pièce jointe par le même envoi RPVA. Mais c’était là techniquement possible… à la différence de faire tenir plus de 4 080 signes dans un champ limité à ce chiffre.

En outre, dans le procès en question, une régularisation de la déclaration d’appel avait pu intervenir dans le délai des conclusions, de sorte qu’un sauvetage quasiment inespéré avait pu avoir lieu [22]. Ce n’était pas le cas dans notre affaire et dans de nombreuses autres, puisqu’une régularisation n’était même pas imaginée, la déclaration d’appel étant conforme à la pratique pas si contra legem

B. Des interrogations et des critiques évidentes

L’arrêt suscite diverses interrogations. En effet, la Cour de cassation encadre doublement l’utilisation de l’annexe (v. chapô) : puisqu’elle n’est qu’une annexe, elle ne peut se substituer à la déclaration d’appel, mais s’y ajouter, en cas d’ « empêchement d’ordre technique » et à condition qu’un renvoi du principal à l’accessoire assure l’unité du tout.

Or, qu’est-ce qu’un « empêchement d’ordre technique » ? La notion est créée par l’arrêt, elle ne figure pas dans les textes. Est-ce une cause étrangère ou autre chose ? La Cour de cassation ne donne aucune définition et ajoute une complication inutile à une matière déjà assez complexe. Il semble que l’empêchement en cause ne vise que la limite de signes. L’arrêt implique sans doute d’épuiser les 4 080 signes, avant de pouvoir continuer sur l’annexe, et en prenant soin d’inclure dans les 4 080 signes le renvoi à l’annexe afin de la rattacher à la déclaration d’appel. Concrètement, faudra-t-il justifier d’un rejet pour dépassement des 4 080 caractères pour qu’il soit possible de joindre une annexe au regard de la condition mise par la Cour de cassation dans son arrêt ? Devra-t-on s’arrêter en milieu d’une phrase pour bien épuiser le champ ? L’appelant sera inspiré d’invoquer par principe et par précaution l’empêchement d’ordre technique…

En fait de revenir aux « concepts », n’est-ce finalement pas plutôt à une autre « cuisine » que l’arrêt convie les avocats… tant que l’outil informatique n’est pas capable de transmettre dans de bonnes conditions les actes de procédure.

La communication par voie électronique est un progrès indéniable, sa réglementation n’est pas mauvaise dans l’ensemble. En revanche, le pouvoir réglementaire ne devrait pas adopter des réformes alors que les outils informatiques ne sont pas opérationnels : la « saga de l’assignation à date » [23] en est l’illustration la plus flagrante, mais il est dommage aussi que les outils informatiques ne soient pas améliorés quand les textes, devenus « classiques » appellent des supports dignes du XXIe siècle. Si la Cour de cassation a parfois rendu des arrêts de provocation, si l’arrêt est ici destiné à « asticoter » ceux qui ont la main sur les « tuyaux », cela ne devrait pas être au détriment des avocats et surtout des justiciables.  

La technique doit enfin être mise au niveau nécessaire aux avocats, aux juges et aux greffiers : la plateforme Portalis, qui n’en finit pas d’être déployée « à petits pas » sera-t-elle vraiment opérationnelle un jour, afin de permettre une communication par voie électronique de qualité ? En attendant, la CPVE doit être entendue souplement par la jurisprudence, car, en l’état de la technique informatique, l’arrêt limite injustement l’accès au juge d’appel, en toute contrariété avec l’article 6, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme N° Lexbase : L7558AIR.

Conseils de survie (en attendant mieux [24]) pour les avocats en procédure d’appel avec représentation obligatoire :

  • ceux qui vont faire appel : oublier l’annexe sauf « empêchement » - c’est-à-dire sauf dépassement des 4 080 caractères du champ objet de l’appel du RPVA en pensant à bien inclure un renvoi à l’annexe jointe au sein des 4 080 signes ;
  • ceux qui ont fait appel il y a moins de trois mois : régulariser la première DA par annexe en réitérant une déclaration d’appel dans le délai pour conclure de l’article 908 du Code de procédure civile N° Lexbase : L7239LET ;
  • ceux qui ont fait appel il y a plus de trois mois : anticiper l’inévitable fin de non-recevoir qui frappera leur déclaration d’appel, qui n’est plus régularisable par une nouvelle déclaration d’appel, en préparant un recours devant la CEDH. Le pourvoi en cassation étant voué à l’échec, les voies internes pourront être considérées comme épuisées (v. déjà CEDH, 31 mars 2011, Req. 34658/07, Chatellier c/France N° Lexbase : A5685HMI [25]). Le grief serait l’excès de formalisme et donc la contrariété à l’article 6, § 1, du CEDH (v. déjà CEDH, 5 novembre 2015, Henrioud c/ France N° Lexbase : A7326NUU [26], CEDH, 12 juillet 2016, Req. 50147/11, Reichman c/ France N° Lexbase : A9892RWB [27])

[1] R. Laffly, D. actu, 20 janvier 2022 [en ligne] V. aussi les comptes Twitter de (notamment) J. Jourdan-Marques, M. Barba, Avokayon… ou, plus favorable à l’arrêt, C. Lhermitte [en ligne]. 

[2] Sur la CPVE, v. C. Bléry, Droit et pratique de la procédure civile, Droits interne et de l’Union européenne 2021/2022, S. Guinchard (dir.), Dalloz Action, 10e éd. 2020, n° 273 s. ; Rép. pr. civ., v° Communication électronique, par E. de Leiris, novembre 2018 (actu. décembre 2019) ; J.-L. Gallet et E. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel, 4e éd., LexisNexis, 2018, n° 485 s. ; M. Dochy, La dématérialisation des actes du procès civil, Dalloz - Nouvelle Bibliothèque de Thèses, 2021 et M. Dochy, ÉTUDE : La communication électronique, in Procédure civile, (dir. E. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E53404ZS.

[3] V. J.-L. Gallet et E. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel, LexisNexis, 4e éd. 2018 ; D. d’Ambra, Droit et pratique de l’appel, Dalloz Référence 2021/2022, 4e éd. 2021 ; Ph. Gerbay et N. Gerbay, Guide du procès civil en appel 2021/2022, LexisNexis 2020 ; C. Lhermitte, Procédures d’appel 2020/2021, Dalloz Delmas express, 2020 ; F. Seba, ÉTUDE : L'appel in Procédure civile, (dir. E. Vergès), Lexbase N° Lexbase : E5626EYZ.

[4] Il est tant dévolu qu’appelé.

[5] Cass. civ. 2, 30 janvier 2020, n° 18-22.528, FS-P+B+I N° Lexbase : A89403C4, D. avocats avril 2020, p. 252, M. Bencimon. Cette position a été confirmée : Cass. civ. 2, 25 mars 2021, n° 20-12.037, F-P N° Lexbase : A68084M4, D. actu. 26 avril 2021, R. Laffly. En fait, déjà avant 2017, la dévolution pouvait être restreinte par les conclusions postérieures, mais jamais élargie (Cass. civ. 2, 26 mai 2011, n° 10-18.304, F-P+B N° Lexbase : A8836HS3, Procédures 2011, comm. 251, R. Perrot).

[6] Cass. civ. 2, 22 octobre 2020, n° 19-17.630, F-P+B+I N° Lexbase : A86133YN, D. actu. 5 novembre 2020, C. Lhermitte ; Cass. civ. 2, 10 décembre 2020, n° 19-12.257, F-P+B+I N° Lexbase : A590739N, D. actu., 20 janvier 2021, G. Sansone ; Cass. civ. 2, 9 septembre 2021, n° 20-22.080, F-B N° Lexbase : A261144H , D. actu, 29 septembre 2021, C. Bléry.

[7] Ce 4° est issu du décret de 2017 N° Lexbase : L2696LEL. L’article 901 a été légèrement corrigé par le décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 N° Lexbase : Z7419194, mais pas ce 4°. Notons aussi que la déclaration d’appel, en procédure sans représentation obligatoire, opère dévolution pour l’ensemble des chefs du jugement, alors même qu’elle ne mentionne pas les chefs critiqués (Cass. civ. 2, 9 septembre 2021, n° 20-13.662, FS-B+R N° Lexbase : A256044L, D. actu. 5 octobre 2021, C. Lhermitte).

[8] C. Bléry, Droit et pratique de la procédure civile, Droits interne et de l’Union européenne 2021/2022, S. Guinchard (dir.), Dalloz Action, 10e éd. 2020, n° 273.112.

[9] C. Bléry, Peut-on faire confiance à la justice civile numérique ?, in La confiance numérique – Travaux de la Chaire sur la confiance numérique (dir. A. Giudiccelli, E. Caprioli), LexisNexis, 2022, p. 301 (à paraître).

[10] Cass. civ. 2, 16 novembre 2017, n° 16-24.864, FS-P+B+I N° Lexbase : A1935WZP P, D. actu. 22 novembre 2017, C. Bléry ; D. 2017. 52, C. Bléry ; D. avocats 2018. 32, C. Lhermitte ; D. 2018. 692, n°19, N. Fricero ; D. 2018. 757, n° 3, E. de Leiris.

[11] Cass. civ. 2, 6 septembre 2018, n° 17-18.698, F-D N° Lexbase : A7131X3I, NP, Gaz. Pal. 27 novembre 2018, p. 73, C. Bléry ; Cass. civ. 2, 6 septembre 2018, n° 17-18.728, F-D N° Lexbase : A7195X3U, NP, Gaz. Pal. 27 novembre. 2018, p. 75, V. Orif ; Cass. civ. 2, 25 mars 2021, n° 18-13.940, F-P N° Lexbase : A67304M9, D. actu, 13 avril 2021, C. Bléry.

[12] V. CA Angers, ch. com., sect. A, 14 octobre 2014, n° 14/01751 N° Lexbase : A6034MY7, CA Douai, ch. 8, sect. 3, 29 janvier 2015, n°13/06684 N° Lexbase : A6698XAC, Gaz. Pal. 20-22 septembre 2015, p. 13, O. Pomiès. Cass. civ. 2, 26 septembre 2019, n° 18-14.708, F-P-B+I N° Lexbase : A7137ZPZ, P., D. actu. 2 octobre 2019, C. Bléry.

[13] V. circulaire du 4 août 2017 N° Lexbase : L6244LGD . Adde, C. Lhermitte, D. actu. 2 octobre 2019, à propos de Cass. civ. 2, 5 décembre 2019, n° 18-17.867, FS-P+B+I N° Lexbase : A9839Z48. – V. encore, Cass. civ. 2, 9 septembre 2021, n° 20-22.080, F-B N° Lexbase : A261144H, D. actu. 29 septembre 2021, C. Bléry.

[14] C. Bléry, Peut-on faire confiance à la justice civile numérique ?, in La confiance numérique – Travaux de la Chaire sur la confiance numérique (dir. A. Giudiccelli, E. Caprioli), LexisNexis, 2022, p. 301 (à paraître).

[15] J.-L. Gallet et E. de Leiris, La procédure civile devant la cour d’appel, LexisNexis, 4e éd. 2018, n° 521 s., sp. n° 496.

[16] Selon une image empruntée à Maurice Bencimon, il s’agit en quelque sorte de verser un litre et demi (côté RPVA) de liquide dans une bouteille d’un litre (côté RPVJ)... qui ne peut que déborder !

[17] V. ciruclaire préc. en note, qui dispose : « Dans la mesure où le RPVA ne permet l’envoi que de 4 080 caractères, il pourra être annexé à la déclaration d’appel une pièce jointe la complétant afin de lister l’ensemble des points critiqués du jugement. Cette pièce jointe, établie sous forme de copie numérique, fera ainsi corps avec la déclaration d’appel ». Adde R. Laffly, note préc ; V. aussi, C. Lhermitte, Dalloz actualité 13 janvier 2020, à propos de Cass. civ. 2, 5 décembre 2019, FS-P+B+I, n° 18-17.867 N° Lexbase : A9839Z48.

[18] Par ex, Cass. civ. 2, 17 septembre 2020, n° 18-23.626, FS-P+B+I N° Lexbase : A88313TA, D. actu. 1er octobre 2020, C. Auché et N. De Andrade ; D. 2020. 2046, M. Barba.

[19] Définition du mot annexe de Larousse [en ligne].

[20] V, R. Laffly, note préc.

[21] Cass. civ. 2, 9 septembre 2021, n° 20-22.080, F-B (préc.), D. actu, 29 septembre 2021, C. Bléry.

[22] V. supra.

[23] F.-X. Berger, La saga de « l’assignation à date » : fin de la saison 1 : D. actu. 5 janvier 2021.

S. Amrani-Mekki, Prise de date, prise de tête ? : Gaz. Pal. 26 janvier 2021, p. 49. C. Bléry, Peut-on faire confiance à la justice civile numérique ?, préc.

[24] « Le CNB demande la suppression de la limitation à 4080 caractères de la déclaration d’appel via le RPVJ » [en ligne] : « il a été décidé de saisir le ministre de la Justice afin de supprimer cette contrainte technique, à défaut de modifier l’article 901 CPC afin d’autoriser l’annexion d’un document listant les chefs de jugement attaqués et enfin d’engager une réflexion plus globale sur les réformes nécessaires de la procédure d’appel ».

[25] Procédures 2011, comm. 171, N. Fricero.

[26] Procédures 2016, comm. 15, N. Fricero.

[27] Procédures 2016, comm. 288, N. Fricero.

newsid:480197

Procédure civile

[Brèves] Illustration de l’application dans le temps des dispositions relatives à l’exécution provisoire

Réf. : Cass. civ. 2, 13 janvier 2022, n° 20-17.344, F-B N° Lexbase : A14887IX

Lecture: 3 min

N0162BZZ

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 27 Janvier 2022

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 13 janvier 2022, vient préciser que selon l'article 55, II, du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 N° Lexbase : L8421LT3, les dispositions de l'article 3 du décret précité relatives à l'instauration du principe de l'exécution provisoire de droit s'appliquent aux instances introduites devant les juridictions du premier degré à compter du 1er janvier 2020 ; en conséquence, il convient de prendre en considération la date de l’introduction de l’instance en première instance, et non la date à laquelle est saisi le premier président de la cour d’appel aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire.

Faits et procédure. Dans cette affaire, des locaux appartenant à une SCI ont été donnés à bail à une SARL. Cette dernière l’a assignée devant le tribunal judiciaire dans le but de faire constater l’acquisition de la clause résolutoire, prononcer son expulsion et la faire condamner au paiement de diverses sommes. Ses demandes ont été partiellement accueillies par le tribunal qui a ordonné l’exécution provisoire. La SARL a assigné la SCI devant le premier président aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire.

Le pourvoi. La SARL fait grief à l’ordonnance rendue par un premier président (CA Nîmes, 30 janvier 2020, n° 17/04429 N° Lexbase : A69183QB), d’avoir prononcé l’irrecevabilité de la demande sa demande. L’intéressée énonce que les dispositions issues du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, et plus précisément l'article 514-3 du Code de procédure civile N° Lexbase : L9082LTK, ne sont applicables qu'aux instances introduites devant les juridictions de premier degré à compter du 1er janvier 2020. Que dans le cas d’espèce, le tribunal judiciaire avait été saisi en novembre 2016, et qu’en conséquence, le premier président de la cour d'appel ne pouvait pas faire application de la fin de non-recevoir déduite par l'article 514-3, alinéa 2, du Code de procédure civile, en sa rédaction résultant du décret précité, l'exécution provisoire n'ayant pas été discutée en première instance.

En l’espèce, le premier président pour déclarer irrecevable la demande d’arrêt de l’exécution provisoire a retenu le jugement avait été rendu le 11 février 2020, dès lors, il y avait lieu d’appliquer les dispositions du décret précité. Par ailleurs, que le premier président ne pouvait être saisi que s'il y avait un moyen sérieux d'annulation ou de réformation de la décision et si l'exécution risquait d'entraîner des conséquences manifestement excessives, mais que celles-ci ne peuvent être invoquées par la partie, qui n'a pas fait d'observation sur l'exécution en première instance, que si elles surviennent postérieurement à la décision. Enfin, elle relève que la SARL, n’avait pas présenté d'observation, en première instance, sur l'exécution provisoire sollicitée par la SCI.

Solution. Énonçant la solution précitée, la Cour de cassation censure le raisonnement de la cour d’appel, et casse et annule en toutes ses dispositions l’ordonnance rendue par le premier président. Les Hauts magistrats énoncent qu’en statuant sur le fondement de l’article 514-3 du Code procédure civile dans sa rédaction postérieure au décret du 11 décembre 2019, le premier président, en refusant d’examiner le fond de la demande dont il était saisi en application du texte réglementaire rétroactif avait excédé ses pouvoirs.

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Sociétés

[Brèves] Sociétés civiles : point de départ de la prescription de l'action du créancier contre un associé

Réf. : Cass. civ. 3, 19 janvier 2022, n° 20-22.205, FS-B (N° Lexbase : A77177IN)

Lecture: 4 min

N0190BZ3

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par Vincent Téchené

Le 26 Janvier 2022

► L'associé, débiteur subsidiaire du passif social, est en droit d'opposer au créancier la prescription de la créance détenue contre la société et la poursuite préalable et vaine de la société ne constitue pas le point de départ de la prescription de l'action du créancier contre l'associé, qui est le même que celui de la prescription de l'action contre la société.

Faits et procédure.  Les 11 et 12 mai 2007, une banque a consenti à une SCI un prêt immobilier. La SCI n'ayant pas respecté les échéances du remboursement du prêt, la banque a engagé des poursuites de saisie immobilière à son encontre.

Après avoir autorisé la vente amiable du bien saisi, puis constaté la réalisation de la vente, le juge de l'exécution a, par ordonnance du 3 janvier 2012, homologué le projet de distribution. La distribution n'ayant pas permis de remplir la banque de l'intégralité de ses droits, celle-ci a fait délivrer à la SCI, le 27 février 2017, un commandement de payer aux fins de saisie-vente. Après établissement d'un procès-verbal de carence le 6 mars 2017, la banque l'a assignée le 14 juin suivant en paiement des sommes restant dues.

L’associée de la SCI a formé un pourvoi en cassation reprochant à l’arrêt d’appel (CA Caen, 25 juin 2020, n° 19/01139 N° Lexbase : A48583PM) d’avoir déclaré recevable l'action engagée par la banque et de l’avoir condamnée au paiement.

Décision. La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa des articles 1857 N° Lexbase : L2054ABP, 1858 N° Lexbase : L2055ABQ, 2231 N° Lexbase : L7216IAI, 2241 N° Lexbase : L7181IA9 et 2242 N° Lexbase : L7180IA8 du Code civil.

Elle rappelle qu’en vertu du premier de ces textes (C. civ., art. 1857), à l'égard des tiers, les associés répondent indéfiniment des dettes sociales à proportion de leur part dans le capital social à la date de l'exigibilité ou au jour de la cessation des paiements.

En outre, aux termes du deuxième (C. civ., art. 1858), les créanciers ne peuvent poursuivre le paiement des dettes sociales contre un associé qu'après avoir préalablement et vainement poursuivi la personne morale.

Ainsi selon la Haute juridiction, il résulte de la combinaison de ces textes que l'associé, débiteur subsidiaire du passif social, est en droit d'opposer au créancier la prescription de la créance détenue contre la société et que la poursuite préalable et vaine de la société ne constitue pas le point de départ de la prescription de l'action du créancier contre l'associé, qui est le même que celui de la prescription de l'action contre la société.

Par ailleurs, selon le troisième texte (C. civ. 2231), l'interruption de la prescription efface le délai de prescription acquis et fait courir un nouveau délai de même durée que l'ancien.

Enfin, en application des quatrième et cinquième textes (C. civ., art. 2241 et 2241), la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription et l'interruption résultant de cette demande produit ses effets jusqu'à l'extinction de l'instance.

Or, la Cour relève que pour dire recevable l'action engagée contre l’associée, l'arrêt retient que la distribution, à l'issue de la procédure de saisie immobilière, ne suffit pas à caractériser les vaines poursuites au sens des dispositions de l'article 1858 du Code civil et que le caractère infructueux des diligences du créancier est caractérisé par l'échec de la procédure de saisie-vente diligentée à l'encontre de la SCI le 27 février 2017, qui a conduit à l'établissement d'un procès-verbal de carence le 6 mars 2017, date qui constitue le point de départ du délai de prescription de l'action du créancier contre l'associé.

Ainsi, pour la Haute juridiction, en statuant ainsi, alors que, l'effet interruptif de prescription résultant de la saisine du juge de l'exécution ayant pris fin le 3 janvier 2012, date de l'ordonnance d'homologation du projet de distribution du prix de vente, et un nouveau délai de cinq ans ayant couru à compter de cette date, la créance de la banque était prescrite le 27 février 2017, date du commandement aux fins de saisie-vente, de sorte que l'action engagée par l'assignation délivrée le 14 juin 2017 à l’associée était irrecevable, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les associés de la société civile, Le paiement de la dette par les associés, in Droit des sociétés, (dir. B. Saintourens), Lexbase N° Lexbase : E7810D3N.

 

newsid:480190

Voies d'exécution

[Brèves] Quid des émoluments proportionnels de l’huissier de justice lors d’une exécution à l’encontre d’une personne publique ?

Réf. : Cass. civ. 2, 20 janvier 2022, n° 20-14.537, F-B N° Lexbase : A79557IH

Lecture: 2 min

N0168BZA

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 26 Janvier 2022

La deuxième chambre civile de la Cour de cassation, dans son arrêt rendu le 20 janvier 2022, précise qu'aucun recouvrement forcé ne peut être diligenté à l'encontre d'une personne publique ; le terme de recouvrement implique l'existence d'une démarche, amiable ou judiciaire, en vue de la récupération d'un élément d'actif, en application d'une décision de justice ; en conséquence, dans le cas où, après la remise du titre exécutoire, l’action de l’huissier de justice, est à l’origine du paiement amiable des sommes dues par une personne publique, il y a lieu de faire application de l’article A. 444-32 du Code de commerce N° Lexbase : L3286LWM.

Faits et procédure. Dans cette affaire, par un arrêt d’appel, une vente immobilière intervenue entre une société et une communauté de communes a été jugée nulle pour dol. L’huissier de justice ayant procédé à la signification de l’arrêt et à la délivrance d’un commandement de payer a conservé une certaine somme au titre des émoluments proportionnels de l'article A. 444-32 du Code de commerce. Contestant son application, la société a sollicité auprès du tribunal la vérification des émoluments.

Le pourvoi. La demanderesse fait grief à l’ordonnance rendue par le premier président de la cour d’appel (CA Douai, 27 janvier 2020, n° 19/03986 N° Lexbase : A14923DM), d’avoir fixé, en application de l'article A. 444-32 du Code de commerce, le droit proportionnel revenant l’huissier de justice à une certaine somme.

En l’espèce, l’ordonnance relève que l’huissier s’est vu confier le mandat de recouvrer les condamnations relatives à un arrêt d’appel. Bien plus, que le commandement de payer délivré par l’huissier est un acte dépourvu de toute utilité juridique en vue d'une éventuelle voie d'exécution ultérieure, compte tenu du fait, qu’une personne publique ne peut pas faire l’objet d’une voie d’exécution privée. Néanmoins, que le juge de la taxe, n’a pas compétence pour statuer sur l’annulation d’un acte d’exécution (compétence exclusive du juge de l’exécution), avait constaté que l’huissier avait relancé la partie condamnée et avait reçu une certaine somme, puis qu’il avait perçu, après une nouvelle demande le solde de la créance.

Solution. Énonçant la solution précitée, la Cour de cassation valide le raisonnement du premier président de la cour d’appel et rejette le pourvoi.

newsid:480168

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