Le Quotidien du 24 décembre 2021

Le Quotidien

Avocats/Statut social et fiscal

[Questions à...] « On ne se fait pas confiance » - Questions à Audrey Chemouli, à propos de l’ouverture des capitaux des cabinets d’avocats à des tiers

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par Marie Le Guerroué et Joséphine Pasieczny

Le 23 Décembre 2021


Mots-clés : Interview • cabinet d'avocat • capitaux extérieurs • marché du droit • crise 

La proposition d’ouvrir à des tiers le capital des cabinets d’avocats avait animé les « États généraux de l’avenir de la profession d’avocat » en juin 2019. Elle avait ensuite été reprise par le rapport « Perben » dans sa recommandation n° 10. L’objectif de cette proposition est de permettre aux cabinets d’obtenir de nouvelles ressources financières pour faire face à un marché du droit de plus en plus concurrentiel et de pallier les effets de la crise. Bonne ou mauvaise idée ? La réponse divise profondément la profession [1].

Audrey Chemouli a accepté de partager avec Lexradio et Lexbase Avocats, ses réflexions sur le sujet.

Cette interview est également à retrouver en podcast sur Lexradio.


 

Lexbase Avocats : Vous soutenez que l’apport de capitaux extérieurs dans les cabinets d’avocats constituerait une solution de développement économique et de compétitivité, est-ce que vous pouvez nous expliquer pourquoi ? 

Il s’agit effectivement d’un des débats qui agitent la profession aujourd'hui. J'y ai réfléchi parce que lorsque j'étais présidente de la commission Statut Professionnel de l'Avocat au Conseil National des Barreaux, j'ai, avec ma commission, rédigé un rapport dans lequel on évoquait l'interprofessionnalité. Il y a deux façons d'envisager l'apport de capitaux extérieurs. Il y a la simple injection à l'intérieur du cabinet d'avocats de capitaux précisément et il y a aussi l'éventualité d'avoir de nouvelles façons d'exercer par l'apport de capitaux, mais aussi par l'apport de compétences. Il se trouve que, dans mon exercice professionnel, j'ai deux casquettes : je travaille pour les professionnels libéraux - je structure des cabinets d'avocats, des études d'huissiers... - et, parallèlement à ça, j'ai aussi une activité de conseil en fusions acquisitions classiques. Je travaille évidemment avec des fonds et des sociétés qui se font accompagner dans le cadre de leur croissance par des fonds d'investissement. Je me suis rendue compte à l'occasion de ces différents dossiers que l'apport des fonds, la structuration des fonds et leurs réflexions sur les marchés étaient très souvent -pour ceux qui le faisaient bien et qui faisaient bien leur travail- intéressants en termes d'accompagnement pour les entreprises dans lesquelles ils investissaient. Je regrette que l’on ne voie cela qu’en termes de dépendance économique parce que je pense que cela n’est pas du tout l'objet. Il y a beaucoup de mécanismes qui pourraient être mis en place pour préserver l'indépendance et le secret professionnel. Je pense aux banques par exemple. Les banques sont évidemment des entreprises dans lesquelles le secret est tout à fait essentiel et ce n'est pas parce que untel ou untel a investi dans le capital d'une banque qu’on va lui dire combien il y a sur le compte bancaire d’Audrey Chemouli. J'imagine que les professionnels qui seraient à même d'avoir des capitaux étrangers dans le cadre de leur société seraient également tout à fait à même de préserver leurs secrets. Secret et indépendance peuvent intervenir et être préservés même si des capitaux extérieurs rentraient au sein des cabinets d'avocats. 

Pour moi, l'apport de capitaux extérieurs serait donc de deux ordres. Le premier ordre, serait évidemment de permettre au cabinet d'avocats de se structurer et d'avoir accès à des marchés auxquels ils n'ont pas accès, parce qu'il y a une vraie rupture de concurrence sur le marché du droit. Aujourd'hui, sur le marché du droit, on a des entreprises qui n’exercent pas nécessairement la profession d'avocat, mais ont un spectre si large de leurs interventions qu'on pourrait penser qu'elles remplacent d'une certaine façon le cabinet d'avocats. Ces entreprises ont, elles, accès à des fonds presque illimités et, par là même, ont une potentialité de croissance qui est beaucoup plus importante que celle d’un cabinet d'avocats. 

Je rappelle qu’aujourd'hui les vecteurs de développement d'un cabinet, si on parle en terme financier, c'est la poche des associés, donc le compte courant, ou l'emprunt bancaire. La problématique de ces deux sources de financement, est, d'abord, que notre poche n’est pas illimitée - je connais assez peu d'entreprises qui se développent simplement avec du compte courant - et ensuite, s'agissant de l'emprunt bancaire, si les partenaires bancaires accompagnent la croissance des professionnels libéraux, il s’agit néanmoins de structures dans lesquelles l'appétence au risque est diverse en fonction des partenaires financiers que l'on a. Aujourd'hui, il me semble que les cabinets d'avocats doivent prendre des risques et aller vers des marchés qui sont moins naturels et des développements qui sont plus stratégiques et potentiellement plus risqués. Le problème est que le partenaire bancaire n’est pas toujours partant pour ce type de prise de risque parce que cela n’est pas nécessairement son activité classique. 

L'apport de capitaux extérieurs existe, d’ailleurs, dans d'autres pays capables de séparer la finance de la matière grise.

Lexbase Avocats : Cette solution serait-elle compatible avec la déontologie des avocats et notamment les principes d’indépendance et de désintéressement ? 

S’agissant du désintéressement, on est des entreprises à but lucratif donc je considère que cela n’est pas parce que l’on gagne de l’argent que l’on assure moins sa mission d’avocat.

Les deux problématiques déontologiques que pose l'apport de capitaux extérieurs, éventuellement, c’est le secret et l'indépendance. Comme je le disais tout à l'heure, il me semble que ces deux principes sont des principes essentiels qu'il faut préserver. 

Nous avons monté avec Charlotte Hugon un podcast « Avocat génération Entrepreneurs » dont l’objectif est d’être une source d'inspiration pour les confrères en leur donnant des clés pour développer leurs activités en passant par des témoignages d'avocats qui ont fondamentalement modifié leur business model. Dans le cadre du podcast, j'ai interviewé l’avocat Romain Dupeyre, associé du cabinet DWF. Il s’agit d’un cabinet dont la structure commerciale est cotée en Bourse. La façon dont il présentait les choses était très intéressante. Sur le plan de l'indépendance et du secret. Il disait que, lorsque les gens investissent dans un cabinet d'avocats, ils savent parfaitement que les principes sur lesquels est fondé le cabinet d'avocats sont justement essentiels à la progression du cabinet. Demander à un cabinet d'enfreindre ces règles, c'est en quelque sorte saboter son activité. Aucun investisseur n'a intérêt à saboter l'activité de l'entité dans laquelle il investit. Leur plus grande peur serait justement qu'il y ait une rupture du secret ou qu’il y ait une dépendance ou une perte d'indépendance de l'avocat. 

Jacques Demaison avait lui aussi réfléchi à ces problématiques. Il évoquait l’existence de vecteurs juridiques qui permettraient de garantir l'indépendance et, notamment, la société en commandite, dans laquelle il était possible de séparer la finance et la matière grise. Aujourd'hui, dans notre économie, tous les fonds d'investissement savent parfaitement lorsqu'ils investissent à l'intérieur d'une société que l'objectif n'est pas de prendre les rênes de la société. Au contraire, leur plus grande peur s’ils rentraient trop intensément dans la direction de la société est d’être qualifiés de gérant de fait et, par là même, encourir une responsabilité qui n’est pas la leur initialement. En fait, je pense que nous nous freinons nous-mêmes en ne posant pas cette possibilité et en ne la testant pas.

Lexbase Avocats : Un des arguments en faveur de l’ouverture des capitaux des cabinets d’avocats à des tiers est de permettre à ces derniers de surmonter la période post-Covid. Les avocats opposés à la proposition rétorquent, toutefois, que les difficultés des cabinets ne sont pas liées au manque d’investissement et que l’ouverture aux capitaux n’est pas la seule solution. Que leur répondez-vous ? 

Je ne critique pas du tout cette position. Ce que j’oppose, toutefois, c'est que l’on sent tous qu’il y a une vraie reprise de l'économie et que tout le monde est en train de se structurer. Les huissiers et les notaires se réforment et les avocats, me semble-t-il, doivent reprendre le train en marche. Il y a un profond besoin, dans nos professions, de se moderniser et d'utiliser notre savoir au service d'une entreprise avec une mission vraiment à destination des clients. Cela nécessite de l'investissement en argent. Si nous n’avons pas d'argent pour nous faire conseiller sur de la digitalisation, sur du rapprochement ou sur le pacte d'associé par exemple, cela est compliqué de le mettre sur la table soi-même, surtout après la période COVID, et donc, sans investissement, cela sera difficile de faire face à la concurrence sur le marché du droit qui devient, me semble-t-il, très rude. Cela serait dommage que nous soyons les derniers parce que nous avons estimé que nous n'étions pas capables de nous réguler. 

En fait, ce qui me gêne profondément dans cette question des capitaux extérieurs, c'est de dire que les gens qui ont la même déontologie que moi et qui croient dans les principes auxquels je crois, qui sont fondamentalement et profondément avocat, vont avoir des dérives. En fait, on ne se fait pas confiance. C’est cela qui est dérangeant.

Lexbase Avocats : Est-ce que le fait d'avoir plus de financements pourrait aussi permettre d’investir dans le cabinet lui-même et potentiellement d’améliorer les conditions et la charge de travail des associés et des collaborateurs ? 

Je ne pense pas que l’argent puisse tout résoudre. J’ai créé mon cabinet pour accompagner les professionnels libéraux et en l’occurrence les cabinets d'avocats pour qu’ils puissent faire de leurs cabinets des vraies d'entreprises. Qui dit vraie entreprise, dit aussi prise de conscience d'un certain nombre d'enjeux qui ne sont pas simplement liés à la rentrée de chiffres d'affaires, comme l'investissement des équipes, la digitalisation, etc.. Ce sont des choses qui me semblent essentielles. Alors c'est vrai que quand on a l'argent, c'est plus facile, mais pas que !

Lexbase Avocats : Êtes-vous également favorable à la cotation en bourse des cabinets d’avocats ? 

Avant l'interview de Romain Dupeyre, je vous dirais qu’instinctivement, je n’avais pas vraiment d'avis sur la question, mais l'interview de Romain m’a fait m’interroger. Je ne sais pas encore où j'en suis tout à fait sur cette problématique, mais il avait des marqueurs qui, dans le cadre de mon exercice professionnel, étaient assez intéressants. Aujourd'hui, j'ai beaucoup de mes clients qui sont des cabinets d'avocats et des cabinets d'avocats dans lesquels - comme cela arrive dans la vie des cabinets -, il y a des associés qui entrent et des associés qui sortent et parfois, effectivement, il y a des conflits. Lorsque je travaille sur la structuration des cabinets, je me rends compte que même à trente associés, même à deux associés ou à six associés, il y a une sorte d'opacité des chiffres qui est parfois génératrice de frustration notamment parce que tout n’est pas dit. Cela n’est pas caché, c'est simplement soit une mauvaise connaissance de ces chiffres parce que nous ne sommes pas des comptables, soit il s’agit de sujets opaques dans un cabinet tels que les statuts, le pacte social, etc..  Cela est source de contentieux. Or, Romain expliquait que lorsque le cabinet est coté en bourse tous les chiffres, tous les statuts et tout le corpus de la société doivent être rendus publics. J'ai trouvé cela assez intéressant. L'autre élément qui m'a interpellée est que passé une certaine taille et notamment parce qu’il y a la cotation en bourse, on est obligé de respecter un certain nombre de standards RGPD, compliance, égalité, etc.. Je trouve que cela aussi est un travail qui n’est pas assez fait dans les cabinets d'avocats. Avec la cotation en bourse, les cabinets sont obligés de plier aux standards du marché qui sont immuables.

Donc je n’ai pas un avis très arrêté encore, mais avec ce qu’il a expliqué m’a semblé évident. 

Lexbase Avocats : Vous l’avez évoqué, vous souhaitez profondément voir évoluer la profession. Alors, comment imaginez-vous l’avocat de demain ? 

Moi ce que je vois dans mon métier, c'est que l'avocat a plusieurs besoins aujourd'hui. Il a besoin de se structurer, de se rapprocher. Il a donc besoin de statuts forts et d’une charte forte. Cela est important. Ensuite, il a besoin d’appréhender mieux ses chiffres, donc d'avoir des marqueurs de rentabilité de son cabinet qui sont importants. Ensuite, il a besoin de se digitaliser, en interne et en externe. C’est-à-dire qu’il va avoir besoin de rentabiliser son temps via des outils digitaux qui vont lui permettre d'économiser son temps et il va avoir besoin, à l'extérieur, de faire connaître sa compétence et donc d'avoir un site internet responsive, de faire du Google ad, etc.., d'avoir une appétence pour le digital plus importante. La dernière chose est que le cabinet, en tant qu'entreprise, a besoin d’attirer les talents et a besoin de fédérer des talents au sein d'un projet d'entreprise. Si vous allez sur les sites des cabinets d'avocats qui sont un peu installés, vous verrez dans les valeurs de ces cabinets « la transparence » comme valeur cardinale du cabinet - je prends cet exemple-là parce qu’il est « à la mode ». Mais si vous demandez aux collaborateurs « première année », « Combien gagnent les avocats du cabinet ? », « Comment est-il possible de passer associé ? »,  « Comment est la vie du cabinet ? », « Quel est le parcours d'associations ? » etc. la plupart du temps il vous dira qu’il n’en sait rien. Cela veut dire que la transparence - valeur cardinale du cabinet - n’est pas une vraie valeur. Le principe est que si vous déterminez une valeur, il faut que les équipes qui travaillent pour vous la ressentent tous les jours, sinon cela n’est pas une valeur. Elle n’a pas de substance, personne ne s'y retrouve et le cabinet n'a pas d'identité. 

Pour le dire différemment, pour moi, le cabinet de demain est un cabinet qui va regrouper, ces cinq points et qui va en faire une force. 

J’ajouterais également « le travail avec d'autres » : soit avec des capitaux extérieurs, parce qu’on se dit qu’on n'a pas besoin de s'associer avec d'autres, soit éventuellement en s’associant avec d'autres professions qui ne sont pas des professions réglementées. Par exemple, celui qui travaille en droit pénal a peut-être intérêt à s'associer avec un psychologue, une association de droits des femmes... ou celui qui est spécialisé en baux commerciaux a peut-être intérêt à s'associer avec un expert, etc.. En fait, il s’agit de faire des entreprises cohérentes avec ce que le client demande. 

Lexbase Avocats : Cette possibilité ne pourrait-elle pas déjà être envisagée par les cabinets d’avocats ?

C'est vrai que cela n’est pas suffisamment dit. Aujourd'hui, avec les professionnels du droit - notaires, huissiers, commissaires-priseurs, etc.-, il est possible d’avoir un cabinet d'avocats qui est détenu à 99,9 % par des notaires. Globalement aujourd'hui, il y a déjà un certain nombre de professions - uniquement du droit - qui peuvent investir dans nos cabinets. En revanche, aujourd'hui, il est impossible de s'associer avec, par exemple, quelqu'un qui fait du consulting

[1] Les États généraux la profession s’y étaient majoritairement opposés (56 %). 

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Baux commerciaux

[Brèves] Absence d’obligation pour le bailleur d’assurer la commercialité du local

Réf. : Cass. civ. 3, 15 décembre 2021, n° 20-14.423, FS-B (N° Lexbase : A17347GC)

Lecture: 2 min

N9851BYI

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par Vincent Téchené

Le 05 Janvier 2022

► Le bailleur est obligé, par la nature même du contrat de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, sans être tenu, en l'absence de clause particulière, d'en assurer la commercialité.

Faits et procédure. Une SCI a consenti un bail commercial sur un local situé au premier étage d’un centre commercial. La locataire a ensuite assigné la propriétaire en résiliation du bail et indemnisation de son préjudice résultant des manquements du bailleur à son obligation de délivrance et à ses engagements contractuels, en n'assurant pas une commercialité du centre permettant l'exploitation pérenne de son fonds.

Déboutée de sa demande (CA Paris, Pôle 5, 3ème ch., 4 mars 2020, n° 19/10473 N° Lexbase : A03783IT), la locataire a formé un pourvoi en cassation.

Décision. La Cour de cassation énonce qu’il résulte de l’article 1719 du Code civil (N° Lexbase : L8079IDL) que le bailleur est obligé, par la nature même du contrat de délivrer au preneur la chose louée et d'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, sans être tenu, en l'absence de clause particulière, d'en assurer la commercialité.

Or, elle constate que pour déduire l'existence à la charge du bailleur de l'obligation de délivrer à la locataire un local dans un centre commercial de haut de gamme présentant une décoration soignée, l'arrêt retient qu'il résulte des articles 3 et 13 des conditions générales du bail, ainsi que de l'article 14 de ses conditions particulières, que les parties ont entendu tout mettre en œuvre pour que le centre ait un positionnement différent des autres centres, non seulement en termes de qualité environnementale, mais également quant à l'architecture et à la décoration particulièrement soignée.

La Cour de cassation censure donc l’arrêt d’appel au visa des articles 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC), dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016 (N° Lexbase : L4857KYK), et 1719 du même code : en statuant ainsi, après avoir relevé que les clauses précitées n'engendraient d'obligations qu'à la charge du preneur mais aucune obligation particulière à la charge du bailleur, la cour d'appel a violé les textes visés.

newsid:479851

Élections professionnelles

[Brèves] Possible contestation de l’existence d’une section syndicale lors d’un litige relatif au PAP et charge de la preuve pesant sur le syndicat pour justifier de la constitution de cette section

Réf. : Cass. soc., 8 décembre 2021, n° 20-16.696, F-B (N° Lexbase : A46177EQ)

Lecture: 3 min

N9800BYM

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par Laïla Bedja

Le 23 Décembre 2021

► En application de l’article L. 2314-5, alinéas 1er et 2, du Code du travail (N° Lexbase : L8505LG4), doivent être invités par courrier à négocier le protocole d'accord préélectoral et à établir les listes de leurs candidats aux fonctions de membre de la délégation du personnel les organisations syndicales reconnues représentatives dans l'entreprise ou l'établissement, celles ayant constitué une section syndicale dans l'entreprise ou l'établissement, ainsi que les syndicats affiliés à une organisation syndicale représentative au niveau national et interprofessionnel ; et selon l’article L. 2142-1 de ce même code (N° Lexbase : L3761IBW), la section syndicale doit comporter au moins deux adhérents.

Les faits. Une société a invité des organisations syndicales à négocier un protocole d’accord préélectoral en vue des élections des membres du CSE. Aucune organisation ne s'étant présentée à la négociation, l'employeur a organisé seul le scrutin qui s'est déroulé, pour le premier tour, le 31 janvier 2020, et, pour le second tour, le 12 février 2020. Un procès-verbal de carence a été établi à cette date. Un syndicat, soutenant qu’il aurait dû être invité par courrier à la négociation de ce protocole, a saisi le tribunal judiciaire de demandes tendant notamment à l’annulation des élections, à ordonner son invitation par la société à la négociation du protocole, et au paiement de dommages-intérêts.

La position du tribunal judiciaire. Pour annuler les élections professionnelles au CSE, le tribunal énonce qu’à défaut d'avoir fait constater judiciairement la perte de l'existence de la section syndicale avant l'organisation des élections, l’employeur demeurait tenu d'inviter ce syndicat par courrier à la négociation, le cas échéant en contestant ensuite la validité de la représentation du syndicat si celui-ci mandatait un représentant aux négociations du protocole que dès lors il ne pouvait prétendre qu'il appartenait au syndicat de rapporter la preuve d'au moins deux adhésions à la date de l'introduction des négociations alors que c'était à l'employeur, régulièrement avisé de la constitution de la section syndicale, d'agir en contestation de celle-ci et à défaut de tirer les conséquences de cette constitution par une invitation répondant aux prescriptions de l'alinéa 2 de l'article L. 2314-5 du Code du travail.

Cassation. Rappelant les règles précitées, la Haute juridiction casse et annule l’arrêt rendu par les premiers juges. En statuant ainsi, alors, d'une part, qu'une contestation relative à l'existence d'une section syndicale peut être soulevée à l'occasion d'un litige relatif à l'invitation des organisations syndicales à la négociation du protocole d'accord préélectoral et, d'autre part, qu'il appartenait au syndicat de justifier que la section syndicale qu'il avait constituée comportait au moins deux adhérents à la date de l'invitation à la négociation du protocole d'accord préélectoral, le tribunal a violé articles L. 2142-1 et L. 2314-5, alinéas 1er et 2, du Code du travail.

Pour en savoir plus : v. ÉTUDE : L’organisation des élections des membres de la délégation du personnel au comité social et économique, L'information ou l'invitation de certaines organisations syndicales à la négociation du protocole d'accord préélectoral, in Droit du travail, Lexbase (N° Lexbase : E1924GAI).

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Fonction publique

[Brèves] Enlèvement des fresques à caractère pornographique se trouvant au sein d’un CHU atteignant à la dignité humaine

Réf. : TA Toulouse, 7 décembre 2021, n° 2106928 (N° Lexbase : A87177EL), 2106917 (N° Lexbase : A87187EM), 2106915 (N° Lexbase : A87197EN)

Lecture: 3 min

N9781BYW

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par Yann Le Foll

Le 23 Décembre 2021

Une représentation pornographique faisant figurer des agents publics affichée dans les locaux d’un centre hospitalier universitaire porte atteinte à la dignité humaine de ces personnes et doit donc être retirée.

Faits. Le juge des référés-libertés a été saisi sur le fondement d’atteintes à l’égalité entre les femmes et les hommes, à la liberté fondamentale de ne pas subir de harcèlement sexuel au travail et au principe de dignité humaine, de trois requêtes introduites par deux associations féministes et un syndicat, tendant notamment à ce que soit ordonné l’enlèvement de fresques à caractère pornographique se trouvant dans les locaux du CHU du Purpan.

Accueil de la requête. Le juge a estimé que le caractère pornographique des fresques dont l’enlèvement est demandé, représentant des agents du service public, hommes comme femmes, se livrant à des actes sexuels dans des situations humiliantes, dont l’une est notamment exposée dans le réfectoire des internes du CHU de Purpan porte une atteinte grave et manifestement illégale au droit au respect de la dignité humaine et caractérise une situation d’urgence de nature à justifier l’intervention du juge du référé liberté.

La circonstance invoquée par le CHU de Toulouse, appuyée par la production de six attestations des 2 et 3 décembre 2021 de praticiens - qui sont d'anciens internes - exerçant au CHU de Toulouse selon lesquelles ils donnent leur consentement à l’exploitation de leur « image caricaturée sur le tableau sis à l’internat de médecine à Purpan au rez-de-chaussée à la cafétéria » ne saurait en aucune façon retirer aux fresques en litige leur caractère attentatoire à la dignité humaine, alors qu’en tout état de cause, il ne résulte de l’instruction ni que les praticiens hospitaliers auteurs des six attestations, seraient réellement représentés sur ces fresques, ni que ne figureraient pas sur ces fresques d’autres personnes que ces six attestataires.

En outre, la présence d’un rideau devant cette œuvre, compte tenu du caractère aléatoire de son usage, n’est pas suffisante pour sauvegarder les droits en cause. En conséquence, le juge enjoint au CHU de Toulouse de procéder au retrait des fresques.

Rejet de la requête. Le juge des référés a ensuite rejeté la demande tendant à ce que des poursuites disciplinaires soient engagées à l’encontre des agents ayant décidé de l’accrochage des fresques, dès lors que l’opportunité des poursuites disciplinaires à l’encontre d’un agent public n’appartient qu’à l’employeur public. Il a également rejeté la demande d’accompagnement et de sensibilisation des agents aux violences sexistes, qui s’inscrit dans un temps plus long que celui de l’intervention à bref délai du juge du référé liberté.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les libertés et protections des fonctionnaires dans la fonction publique d'État, Les agissements susceptibles de déclencher la protection fonctionnelle dans la fonction publique d'État, in Droit de la fonction publique, (dir. P. Tifine), Lexbase (N° Lexbase : E07563LL).

newsid:479781

Procédure pénale

[Brèves] Cour de justice de la République : quelle voie de recours contre les arrêts de la commission d’instruction ?

Réf. : Cass. crim., 21 décembre 2021, n° 21-85.560, F-B (N° Lexbase : A03407H3)

Lecture: 2 min

N9854BYM

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par Adélaïde Léon

Le 26 Janvier 2022

► Les décisions de caractère juridictionnel rendues par la commission d’instruction de la Cour de justice de la République sont des arrêts qui ne peuvent faire l’objet que de pourvois en cassation portés devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation.

Rappel des faits. La commission des requêtes de la Cour de justice de la République (CJR) a transmis au procureur général près ladite Cour plusieurs plaintes visant le ministre de la Justice pour des faits de prises illégales d’intérêts, aux fins de saisine de la commission d’instruction.

À la suite d’un réquisitoire aux fins d’informer, l’intéressé a été mis en examen de ces chefs. Il a par la suite saisi la commission d’instruction d’une demande d’audition, en qualité de témoin, du procureur général près la Cour de cassation.

La commission d’instruction a statué sur cette demande par une ordonnance dont le ministre de la Justice a relevé appel.

En cause d’appel. La commission d’instruction a confirmé l’ordonnance par un arrêt contre lequel le ministre a formé un pourvoi.

Décision. La Chambre criminelle a relevé d’office le moyen d’ordre public portant sur l’irrecevabilité de l’appel. Selon la Cour, il résulte des articles 18, 22 et 24 de la loi organique n° 93-1252, du 23 novembre 1993, sur la Cour de justice de la République N° Lexbase : L5413ASB, portant sur la procédure devant la commission d'instruction de la CJR, que les décisions de caractère juridictionnel rendues par cette commission d’instruction, juridiction collégiale unique, qui exerce à la fois des fonctions d’instruction et de contrôle de l’instruction, sont des arrêts qui ne peuvent faire l’objet que de pourvois en cassation portés devant l’assemblée plénière de la Cour de cassation.

La Cour prononce la cassation sans renvoi et juge qu’en raison de l’incertitude sur la nature de la voie de recours à la date de l’appel et de la nécessité d’assurer un recours effectif à la personne mise en examen, le délai de pourvoi commencera à courir à compter du jour de la notification de l’arrêt de la Chambre criminelle.

Pour aller plus loin : v. Cour de cassation, Procédure devant la commission d’instruction de la Cour de justice de la République, Communiqué, 21 décembre 2021 [en ligne].

newsid:479854

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