La lettre juridique n°497 du 13 septembre 2012

La lettre juridique - Édition n°497

Éditorial

Rentrée des "class" : action !

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 27 Mars 2014


Arlésienne sortie des placards de Bercy, le nouveau ministre délégué chargé de l'Economie sociale et solidaire et de la Consommation promet -ce qui n'engage que ceux qui l'écoutent- l'adoption d'un texte introduisant les actions de groupe, ou class actions, dans l'arsenal procédural français, courant printemps 2013. L'ancien locataire du poste "refile" donc la "patate chaude" au bleu, qui croit ainsi bien faire pour "renforcer le droit des consommateurs sans pénaliser l'activité économique". Pour mémoire, le précédent texte en la matière avait été "black boulé" par l'Assemblée nationale, en janvier dernier. Mais, en associant ainsi le portefeuille de la Consommation à celui de l'Economie sociale, il était envisageable que ce dispositif dont "l'objectif est de permettre très concrètement aux Français d'obtenir réparation d'un préjudice, même modeste", refasse surface ; d'autant que les institutions européennes y sont favorables, comme un arrêt de la CJUE, du 26 avril 2012, afférent aux clauses abusives, avait pu le laisser transparaître.

Après réception, le 10 septembre dernier, du rapport du Conseil d'analyse économique (CAE) sur "la protection du consommateur : rationalité limitée et régulation", et fidèle au vade-mecum du nouveau Gouvernement, le ministre délégué souhaite d'abord lancer une concertation avec les associations de consommateurs et les partenaires sociaux pour préparer son projet de loi "Consommation" dans lequel figurerait ce nouveau dispositif. Il est à craindre que, à l'image des précédentes concertations, les entreprises freinent des quatre fers, quand les associations de consommateurs se rêvent en "super héros" pourfendeurs des maux de l'économie et de la consommation -excusez la tautologie !-.

D'après les premiers éléments communiqués, soit les consommateurs qui s'estiment lésés adhèrent d'eux-mêmes à la plainte en cours, ce qui suppose que celle-ci soit connue ; soit tous les consommateurs lésés sont inclus de facto, et doivent se manifester s'ils ne veulent pas y participer. Pour le ministre délégué, ce sont les associations de consommateurs qui centraliseraient les actions pour ne pas multiplier les procédures, et il appartiendrait au juge de déclarer l'action recevable ou non.

"Le but, c'est d'en faire un instrument dissuasif qui permette de restaurer la confiance des consommateurs dans l'entreprise", précise le relayeur de ce projet : une arme de "dissuasion contentieuse" en somme ; la confiance partenariale version guerre froide !

Les recommandations formulées par le CAE sont minces : un coût de participation faible pour les plaignants ; éviter les rentes au bénéfice des intermédiaires ; et un champ d'application le plus large possible. C'est donc aux partenaires de s'entendre pour assurer l'efficacité du dispositif qui ne vaudra que pour autant qu'il ne sera peu ou pas, au final, employé et, tout à la fois, éviter les dérives anglo-saxonnes d'une judiciarisation excessive de la consommation -qui rappelons-le est le principal moteur de la croissance en France-.

Les avocats, qui ne sont pas les derniers concernés par un tel dispositif, se sont réunis en assemblée générale les 6 et 7 juillet 2012, pour adopter plusieurs motions ou résolutions favorables à l'introduction de l'action de groupe en droit français. Ils préconisent, eux aussi, que le champ d'application d'une telle action soit général et ouvert. Pour la profession, ce dispositif doit concerner tous les types de victimes (personnes physiques, morales, professionnels ou non) et de dommages (corporels, moraux , économiques, matériels). Et, l'option opt-in, consistant à n'intégrer à l'action que les personnes qui se sont manifestées, a leur préférence. Le point de friction réside, on le devine, sur la représentation du groupe ainsi défendu à l'instance. Pour les avocats, seuls à même d'assurer garantie et sécurité juridiques, la représentation du groupe ne doit pas être dévolue exclusivement aux associations de consommateurs. Le groupe doit pouvoir, au contraire, être librement constitué, en-dehors d'une association, par des personnes physiques ou morales victimes du fait justifiant l'action et décidant ensemble de recourir à un avocat. Et, cette représentation devant les tribunaux doit, naturellement, être dévolue aux avocats.

On le voit bien, les principaux protagonistes sont dans les starting blocks. Si les entreprises préfèrent, bien entendu, la médiation, plus discrète qu'un contentieux de groupe, la nouvelle majorité parlementaire, plus sourde aux desideratas des grands patrons que la précédente législature, pourrait bien accorder aux consommateurs le sésame qu'ils réclament depuis longtemps maintenant...

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Assurances

[Chronique] Chronique de droit des assurances - Septembre 2012

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par Véronique Nicolas, Professeur, doyen de la Faculté de droit de l'Université de Nantes, en collaboration avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences et avocat au barreau de Paris, membres de l'IRDP (Institut de recherche en droit privé)

Le 13 Septembre 2012

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose, cette semaine, de retrouver la chronique de droit des assurances dirigée par Véronique Nicolas, Professeur agrégé, doyen de la Faculté de droit de l'Université de Nantes, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances", membre de l'Institut de recherche en droit privé (IRDP), en collaboration avec Sébastien Beaugendre, Maître de conférences à la Faculté de droit de Nantes, membre de l'IRDP, Avocat au barreau de Paris, Cabinet Hubert Bensoussan. Ont retenu l'attention des auteurs, tout d'abord, un arrêt rendu le 14 juin 2012 par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, concernant la responsabilité du courtier, mandataire apparent de l'entreprise d'assurance (Cass. civ. 2, 14 juin 2012, n° 11-20.534, FS-P+B) ; ensuite un arrêt du 11 juillet 2012, rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, par lequel cette chambre apporte son éclairage à propos de la distinction, ou de la confusion, à opérer entre faute intentionnelle et faute dolosive de l'assuré (Cass. civ. 3, 11 juillet 2012, n° 10-28.535, FS-P+B).
  • L'entreprise d'assurance et le courtier, mandataire apparent de cette dernière (Cass. civ. 2, 14 juin 2012, n° 11-20.534, FS-P+B N° Lexbase : A8736INU)

Les manquements des mandataires furent à l'honneur ce printemps, si l'on examine l'ensemble du contentieux. En revanche, reconnaissons bien volontiers, que celui relatif à la conclusion de contrats d'assurance vie par le biais d'un cabinet de courtage ne s'avère pas si fréquent. Est-ce à dire que le sérieux de ces intermédiaires mériterait donc d'être souligné ? Sans doute au moins pour ne pas donner une image négative de la profession à raison de la présente espèce. En effet, dans l'arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation en date du 14 juin 2012, un courtier en assurances -qui se trouvait aussi être le gérant de la société de courtage C.- n'a pas fait preuve de la rigueur et même de la probité la plus élémentaire attendue dans le cadre de la mission que lui avait confiée une femme ayant contracté un contrat d'assurance vie auprès d'un assureur, devenu G..

En effet, cette dernière -qui avait confié au mandataire des sommes destinées à alimenter le contrat-, avait, hélas, constaté que la somme ne figurait pas sur son relevé de compte. La mandante avait donc déposé plainte et obtenu gain de cause sur ce terrain là du droit, puisqu'un tribunal correctionnel avait reconnu le courtier coupable d'abus de confiance, sans compter que sa société de courtage avait été placée en liquidation judiciaire, et ce gérant déclaré en faillite personnelle. Ces derniers éléments permettent de mieux saisir la raison de la réclamation à l'assureur, et non au mandataire, par l'assurée de la somme détournée. En effet, le mandataire devenu insolvable, la mandante ne pouvait plus qu'espérer obtenir de l'assureur le règlement de la perte subie en capital.

Tout juriste sait pourtant qu'un courtier d'assurance ne saurait être assimilé à un agent d'assurance, représentant de l'assureur, en ce qu'il ne relève pas du même statut juridique. Commerçant indépendant, inscrit au registre du commerce et des sociétés, assuré lui-même pour sa responsabilité professionnelle, un courtier s'entend d'un mandataire de l'assuré. Par conséquent, de prime abord, l'attente de l'assurée vis-à-vis de l'assureur vie apparaissait vaine. Plus encore, pour ce projet d'accord de volonté au moins, sa conclusion n'était pas bien établie, puisque les assureurs exigent le versement d'un montant minimal ; pour autant, le sujet n'était pas abordé. Et sans que les termes de la décision de première instance soient connus, la cour d'appel de Rouen, saisie de ce dossier, avait déclaré recevable et bien fondée l'action de l'assurée contre l'assureur, le condamnant à lui rembourser la somme initiale augmentée d'intérêts au taux légal.

Mécontent, l'assureur ne juge utile que de se fonder sur le texte de l'article L. 530-2-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L9819HEE) pour décider que les garanties souscrites auprès des assureurs de responsabilité professionnelle du courtier -lesquelles sont garantes de celui-ci-, n'avaient pas été mises en oeuvre. Par conséquent, l'assureur déniait devoir les sommes sollicitées. Or, la Cour de cassation a rendu une décision dont l'importance doit être soulignée, ainsi que son caractère avantageux et protecteur des mandants floués dans de telles circonstances. Est-ce au risque de prendre des libertés avec la législation et la jurisprudence ? C'est qu'ainsi formulé le fond du problème n'était pas bien posé ; ainsi s'explique la cassation décidée par notre Haute juridiction de droit privé.

Ne nous attardons pas sur le fait que l'assureur invoquait l'ancien article L. 530-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L0506AAY), abrogé par la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005 (N° Lexbase : L5277HDS). L'esprit de ce texte fut repris par la nouvelle loi puisqu'elle impose à tout intermédiaire, et donc au courtier en assurance, de justifier d'une garantie financière spécialement affectée au remboursement des fonds aux assurés. L'avocat de la compagnie n'avait décidément pas soigné son dossier, au point que la Cour de cassation le lui fasse remarquer de manière aussi nette. Peu importe, là ne se situait pas l'enjeu. Car, sous l'empire de l'ancienne législation comme de la nouvelle, la loi n'a jamais tranché la vraie difficulté : l'obligation ou non, pour la personne lésée, y compris lorsqu'il s'agit d'un cocontractant, de solliciter la mise en oeuvre de cette assurance de responsabilité là.

Or telle était bien la présente situation : l'assurée n'entend pas -et ce n'est pas son intérêt- solliciter le (ou les) assureur(s) du courtier malhonnête. Tel est son droit le plus strict. Et cette liberté n'est pas propre à l'assurance ; c'est une disposition générale du droit, même si elle n'est pas énoncée de cette manière dans le présent cadre. Tant qu'un sujet de droit dispose de la possibilité d'agir contre plusieurs personnes, il lui est loisible d'opter pour l'une ou pour l'autre, s'il dispose des actions correspondantes. A tout le moins, lui est-il laissé le choix de l'ordre dans lequel il entend ester en justice contre tel avant tel autre. C'est, indirectement, ce que rappellent nos Hauts magistrats. Toutefois, ils ne s'arrêtent pas à ce stade. D'un mot, le rappel d'une règle jurisprudentielle majeure s'impose. Dernier mot de tout l'arrêt, il est peut-être le plus important : apparent. L'assurée peut solliciter la société d'assurances car il a été le mandataire apparent de celle-ci.

La solution n'est pas nouvelle. On se souvient de nombreux arrêts dans lesquels la Cour de cassation, à l'instar du droit du travail, a décidé que le courtier qui travaillait pour une entreprise d'assurance, ainsi qu'il est fréquent en pratique, engageait la responsabilité de la société d'assurance lorsqu'un doute naissait sur son rôle exact, c'est-à-dire lorsqu'il avait pu paraître n'être qu'un agent d'assurance, salarié de l'assureur. L'apport du présent arrêt, depuis la loi n° 2005-1564 du 15 décembre 2005, consiste au moins à confirmer que cette jurisprudence antérieure demeure d'actualité. On ne peut que s'en féliciter, surtout dans des hypothèses comme celle ayant donné lieu à cette affaire d'escroquerie pure et simple.

Pour autant, d'aucuns ne manqueront pas de s'en étonner puisque l'un des objectifs de la loi consistait justement à contraindre tous les intermédiaires, au sens large de l'expression et donc sans exception, à disposer de garanties complètes et efficaces, pour éviter que les assureurs ne soient trop souvent mis en cause en raison d'attitudes plus que négligentes, voire fautives. Faisons cependant confiance à nos magistrats pour ne pas détourner l'esprit de la loi dès qu'ils en auront la possibilité juridique.

Véronique Nicolas, Professeur agrégé, doyen de la Faculté de droit de l'université de Nantes, Directrice du master II "Responsabilité civile et assurances", membre de IRDP

  • Distinction ou confusion de la faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré ? L'éclairage de la troisième chambre civile de la Cour de cassation (Cass. civ. 3, 11 juillet 2012, n° 10-28.535, FS-P+B N° Lexbase : A8316IQ3)

Le privilège du chroniqueur est de pouvoir suivre, au fil des mois, certaines questions.

Il y a près d'un an, un arrêt de la deuxième chambre civile (Cass. civ. 2, 30 juin 2011, n° 10-23.004, F-P+B N° Lexbase : A6609HUC) avait attiré notre attention pour débattre de l'opportunité de distinguer la faute dolosive d'avec la faute intentionnelle, notions visées par l'article L. 113-1 du Code des assurances (N° Lexbase : L0060AAH), qui pose le principe de non-assurance de la "faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré".

La faute dolosive et la faute intentionnelle sont-elles deux notions qui se recoupent au point de se confondre ou bien sont-elles, en jurisprudence, distinguées ?

Les partisans d'une lecture plus stricte à l'égard de l'assuré fautif, et moins engageante pour les assureurs, lisent la faute dolosive comme distincte et retiennent l'exclusion légale dès lors qu'en raison de son activité ou de ses connaissances, la situation qu'il a créé ne pouvait que nécessairement conduire à un dommage dont il est réputé avoir nécessairement pleine conscience, sans que l'on doive, in concreto, démontrer qu'il l'a voulu tel qu'il s'est réalisé.

La doctrine a relevé qu'en matière d'activité professionnelle, certaines décisions retiennent que des manquements délibérés constituent une faute dolosive ayant pour effet de retirer aux contrats d'assurance leur caractère aléatoire (cf., notamment, Cass. civ. 2, 16 octobre 2008, n° 07-14.373 N° Lexbase : A8012EAY ; RGDA, 2008, 912, 2ème esp., note J. Kullmann). Sont particulièrement visés les comportements de professionnels, notamment de la construction, hautement critiquables au regard des règles de l'art, qui les conduisent à une inexécution consciente et volontaire.

David Noguero a suggéré trois pistes pour délimiter le périmètre des notions de faute intentionnelle et de faute dolosive :

- dans une première approche, maximaliste, la faute dolosive en assurance correspondrait à une faute délibérée, sans la recherche du dommage. Il n'y aurait pas lieu d'établir la volonté de réaliser le dommage; il suffirait de caractériser le caractère délibéré de la faute ;

- dans une deuxième approche, l'autonomie de la faute dolosive serait déniée et il serait toujours nécessaire d'exiger l'intention de l'assuré d'une recherche de la production du dommage, tel qu'il est survenu ;

- dans une troisième approche, la faute dolosive reposerait sur une faute volontaire conduisant à un dommage inéluctable, notion qui serait plus large que celle du "dommage tel que survenu".

La jurisprudence a donné des gages d'une volonté de s'engager dans cette dernière voie, de nature à donner une assise à la notion de faute dolosive distincte de celle de faute intentionnelle.

Un arrêt du 22 septembre 2005 (Cass. civ. 2, 22 septembre 2005, n° 04-17.232 N° Lexbase : A5241DKC ; RCA, 2005, n° 370, 1ère esp., note H. Groutel ; D., 2006, Somm. 1785, obs. H. Groutel ; JCP éd. G, 2006, I, 135, n° 1, obs. J. Kullmann) a ainsi été remarqué car il s'appuie sur la qualité de professionnel de la société assurée pour retenir qu'elle avait "eu nécessairement conscience de l'illégalité encourue", qu'elle avait "délibérément violé les règles" de sorte qu'elle "avait non seulement pris le risque de créer un dommage à la société Q., mais en avait effectivement créé un, ce dont elle ne pouvait pas ne pas être consciente", détruisant par là même tout aléa.

Un arrêt du 24 mai 2006 (Cass. civ. 2, 24 mai 2006, n° 03-21.024, FS-D N° Lexbase : A7334DPC) semble à mettre au crédit de cette même ligne jurisprudentielle en construction. On notera toutefois que l'arrêt n'utilise pas le vocabulaire de faute dolosive mais celui de faute intentionnelle. Toutefois, la logique est assez voisine car elle consiste à déduire des connaissances et de la conscience de l'assuré de causer un dommage dont l'ampleur était par lui parfaitement cerné, la volonté de "causer le dommage tel qu'il est survenu". En l'espèce, l'avocat mandaté par ses clients pour participer à une adjudication et qui tarde à consigner le prix sur un compte séquestre "avait parfaite connaissance et conscience du dommage qu'il causait aux époux X en ne consignant pas dans les délais impartis le prix [...] dès lors qu'en tant qu'avocat spécialisé [...], il savait que ce retard ou cette omission de consignation des fonds qui lui avaient été remis faisaient courir au préjudice des adjudicataires des intérêts de retard ; que par ces constatations et énonciations, qui impliquent que M. Y avait l'intention de causer le dommage tel qu'il est survenu, la cour d'appel a légalement justifié sa décision". Ici, la connaissance et la conscience du dommage créé, dont, en tant que professionnel, l'assuré a nécessairement apprécié l'ampleur, implique son intention de causer le dommage tel qu'il est survenu. L'emploi du verbe "impliquer" forme un lien entre la formule traditionnelle et ces critères fondés sur la compétence de l'assuré.

Nous avions appelé de nos voeux à une simplification, notamment par le recours à la formule "faute dolosive" si les magistrats entendent donner corps à une notion autonome.

C'est ici que l'arrêt rapporté de la troisième chambre civile du 11 juillet 2012 apporte une contribution intéressante, car il traduit un contrôle normatif lourd de la Cour de cassation, alors que, plus souvent, elle se contente de censurer les juges du fond pour manque de base légale si elle estime que ceux-ci n'ont pas suffisamment caractérisé en quoi l'assuré a voulu le dommage tel qu'il s'est réalisé.

Dans notre espèce, la troisième chambre civile censure, au visa conjugué des articles L. 113-1 du Code des assurances et 1964 du Code civil (N° Lexbase : L1727IEP) -ce qui matérialise doublement la présence de l'aléa au coeur du débat-, les juges d'appel qui, pour décharger l'assureur de l'architecte de son obligation à garantir celui-ci, avaient énoncé :

"que M. Z [l'architecte] a délibérément violé une règle d'urbanisme dont il avait parfaite connaissance et qu'il a non seulement pris le risque de créer un dommage à la victime mais en a effectivement créé un dont il ne pouvait pas ne pas avoir conscience et qu'il a ainsi fait perdre tout caractère incertain à la survenance du dommage devenu inéluctable".

Il semble clair que la cour d'appel avait pris le parti de s'inscrire dans le mouvement dit de "troisième approche", rejoignant l'arrêt susmentionné du 22 septembre 2005 dans sa logique de faute dolosive qui, chez un professionnel, implique la conscience de causer un dommage inéluctable dont l'intéressé est apte à mesurer les conséquences et qui, en toute hypothèse suffit en tant que tel à détruire l'aléa.

La cour d'appel est toutefois censurée par les Hauts magistrats qui énoncent :

"qu'en statuant ainsi sans constater que M. Z avait eu la volonté de créer le dommage tel qu'il est survenu, la cour d'appel a violé les textes susvisés".

La troisième chambre civile semble, visiblement, ne pas faire place à une notion distincte de faute dolosive. Elle préfère s'en tenir à la faute intentionnelle et à son critère classique. Ce serait consacrer la "deuxième approche" du triptyque...

Les assurés s'en réjouiront. L'auteur de ces lignes le regrettera, car la faute dolosive en assurances de responsabilité civile professionnelle est une notion rationnelle.

La deuxième chambre civile saura-t-elle répondre au classicisme de la troisième chambre civile, avec audace, et maintenir un particularisme naissant de la faute dolosive aux côtés de la faute intentionnelle ?...

Sébastien Beaugendre, Maître de conférences à la Faculté de Droit de Nantes, IRDP, Avocat au barreau de Paris, Cabinet Hubert Bensoussan

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Avocats/Déontologie

[Le point sur...] Secret professionnel et lutte contre le blanchiment

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

Le 13 Septembre 2012

"Le blanchiment est le fait de faciliter, par tout moyen, la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de l'auteur d'un crime ou d'un délit ayant procuré à celui-ci un profit direct ou indirect. Constitue également un blanchiment le fait d'apporter un concours à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit. Le blanchiment est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende". Telle est la définition du blanchiment donnée par l'article 324-1 du Code pénal (N° Lexbase : L1789AM9). Les avocats, qui contribuent à la réalisation de toutes opérations, sont directement concernés par ces dispositions, d'autant que nulle référence n'est faite à l'intention de celui qui prête son concours. Parce qu'ils sont particulièrement exposés au risque de contribuer à un acte de blanchiment, l'ordonnance du 30 janvier 2009 (ordonnance n° 2009-104, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme N° Lexbase : L6934ICS) soumet la profession à une série d'obligations, dont celle, particulièrement décriée, de déclarer tout soupçon quant à l'origine des fonds. Le texte transpose la Directive 2005/60 du 26 octobre 2005, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme (N° Lexbase : L3529HD3), dite "troisième Directive anti-blanchiment". Les exigences du Code monétaire et financier résultant de la publication de l'ordonnance du 30 janvier 2009, ainsi que les décrets des 16 juillet (n° 2009-874 N° Lexbase : L4874IEA) et 2 septembre 2009 (n° 2009-1087 N° Lexbase : L6979IE9) étendent le champ d'application de la déclaration de soupçon au blanchiment du produit de la fraude fiscale et à toutes les infractions punies d'une peine d'un an d'emprisonnement. L'ensemble des avocats est assujetti aux obligations du Code monétaire et financier pour les activités qu'il vise. Les avocats sont, de manière générale, tenus à une obligation de prudence et à une obligation particulière de vigilance dans le cadre de la lutte contre le blanchiment. Et toutes la difficulté réside dans la conciliation entre la déclaration de soupçon et le respect du secret professionnel. Récemment encore, le 12 juillet 2012, le président du Conseil national des barreaux a rappelé aux avocats que la transposition de la Directive du 25 octobre 2005 impose le filtre du Bâtonnier. Un avocat qui s'adresse directement à Tracfin commet une violation de son secret professionnel et Tracfin ne peut d'aucune manière s'adresser directement à l'avocat, ni utiliser les pièces qu'il aurait reçues directement de lui. Ce rappel opportun est intervenu dans un contexte quelque peu délicat où il est apparu que Tracfin contactait directement les avocats les incitant à ne plus passer par le filtre du Bâtonnier (lire le communiqué de presse du CNB).

Alors que la cellule française de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme vient de rendre son rapport d'activité pour l'année 2011 (1), Lexbase Hebdo - édition professions vous propose de revenir sur les dispositions applicables aux avocats en matière de lutte contre le blanchiment.

I - Activités concernées

L'article L. 561-2-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7098ICU) met à la charge de l'avocat des obligations qui naissent dès l'instant où il noue une relation d'affaires. La relation d'affaires est définie comme "une relation professionnelle ou commerciale qui est censée, au moment où le contact est établi, s'inscrire dans une certaine durée. La relation d'affaires peut être prévue par un contrat selon lequel plusieurs opérations successives seront réalisées entre les cocontractants ou qui crée à ceux-ci des obligations continues. Une relation d'affaires est également nouée lorsqu'en l'absence d'un tel contrat un client bénéficie de manière régulière de l'intervention [de l'avocat] pour la réalisation de plusieurs opérations ou d'une opération présentant un caractère continu".

Certaines activités de l'avocat sont susceptibles d'être plus particulièrement concernées. Il en est ainsi lorsque l'avocat participe au nom et pour le compte de son client à toute transaction financière ou immobilière ou agit en qualité de fiduciaire ; ou lorsqu'il assiste son client dans la préparation ou la réalisation des transactions concernant l'achat et la vente de biens immeubles ou de fonds de commerce, la gestion de fonds, titres ou autres actifs appartenant au client, l'ouverture de comptes bancaires, d'épargne ou de titres ou de contrats d'assurance, l'organisation des apports nécessaires à la création des sociétés, la constitution, la gestion ou la direction des sociétés, la constitution, la gestion ou la direction de fiducies, ou encore, la constitution ou la gestion de fonds de dotation (C. mon. fin., art. L. 561-3, I N° Lexbase : L2797IPB) (pour aller plus loin sur ces différentes activités exercées par l'avocat, voir, Les cahiers du CNB, Dissuader pour ne pas dénoncer, janvier 2012, p. 16 et s.).

Dans la réalisation de ces opérations, la Carpa peut intervenir pour effectuer certains paiements (RIN, art. 6.3 N° Lexbase : L4063IP8). Dans le cadre de ses propres obligations, la Carpa a le devoir de s'assurer qu'un mouvement de fonds diligenté par son intermédiaire n'est pas une opération de blanchiment.

Cependant, aux termes du II de l'article L. 561-3, les avocats, dans l'exercice d'une activité relative aux transactions sus-énoncées, ne sont pas soumis aux obligations de vigilance et déclaratives lorsque la procédure se rattache à "une procédure juridictionnelle, que les informations dont ils disposent soient reçues ou obtenues avant, pendant ou après cette procédure, y compris dans le cadre de conseils relatifs à la manière d'engager ou d'éviter une telle procédure, non plus que lorsqu'ils donnent des consultations juridiques, à moins qu'elles n'aient été fournies à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ou en sachant que le client les demande aux fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme".

Concernant l'exception de la consultation juridique, cette dernière s'entend, selon le Vocabulaire juridique, comme la fourniture, sur une question soumise à l'examen du consultant, d'un avis personnel, parfois un conseil, qui apporte à celui qui le consulte des éléments de décision, le cas échéant des éléments en faveur de sa cause. La jurisprudence a affiné cette définition (Cass. crim., 13 décembre 1995, n° 95-80.286 N° Lexbase : A4688ATS ; Cass. crim., 19 mars 2003, n° 02-85.014 N° Lexbase : A0493IS3). Et, au final, la consultation juridique recouvre la réception et l'identification du client, l'examen et l'analyse du dossier au regard de la demande du client, la recherche des renseignements et des documents, et la recherche ou la rédaction de différentes solutions en fonction de la qualification juridique retenue par l'avocat. Néanmoins cette exception connaît deux limites : l'avocat ne doit pas savoir que son client souhaite obtenir des renseignements aux fins de blanchiment ; et l'avocat ne doit pas fournir de conseils allant dans ce sens !

Enfin, il est à noter que ces règles spécifiques ne s'appliquent pas lorsque l'avocat intervient comme fiduciaire. En effet, aux termes de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 (N° Lexbase : L6343AGZ), les dispositions relatives au secret professionnel cèdent face aux règles gouvernant spécifiquement cette activité. Il s'agit là de la seule exception faite à l'avocat d'être en relation directe avec Tracfin.

II - Prévention et déclaration de soupçon

L'avocat, dès lors, peut, dans l'exercice de ces différentes fonctions, être confronté à des opérations dont le financement lui semblera douteux. Il devra alors dissuader son client de prendre part à une activité illégale.

Dans le cadre de la prévention, l'avocat doit vérifier l'identité de son client et celle du bénéficiaire effectif de la "relation d'affaires". Il vérifie la réalité de celle-ci, sa nature et son objet, par des documents écrits probants (carte d'identité, extrait K-Bis, etc.). En réalité, le professionnel doit appréhender cette relation dans son intégralité, tout son long. Cette obligation de vigilance est adaptée au risque encouru, distinguant :

- la vigilance "normale" ;

- la vigilance "allégée", lorsque le client est réputé sûr ;

- et la vigilance "renforcée", lorsque le client est chef d'un Etat étranger, notamment, ou qu'on ne l'a pas directement rencontré.

Les documents attestant du respect des obligations de vigilance quant à l'identité du client et l'opération doivent être conservés cinq ans à compter, selon le cas, de la fin des relations ou de l'exécution des opérations.

Le champ de la déclaration de soupçon recouvre, au titre des "actes graves", notamment "toutes les infractions punies d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté d'une durée maximale supérieure à un an, ou, dans les Etats dont le système juridique prévoit un seuil minimal pour les infractions, toutes les infractions punies d'une peine privative de liberté ou d'une mesure de sûreté d'une durée minimale supérieure à six mois".

Le Code monétaire et financier a étendu le champ de la déclaration de soupçon à Tracfin aux sommes ou opérations qui pourraient provenir de toute infraction passible d'une peine de prison supérieure à un an ou qui pourraient participer au financement des activités terroristes. Le champ de la déclaration de soupçon, couvrant la délinquance de droit commun, vise désormais la fraude fiscale, passible d'une peine de prison maximale de cinq ans.

Les avocats sont également tenus de déclarer à Tracfin toute opération pour laquelle l'identité du donneur d'ordre ou du bénéficiaire effectif ou du constituant d'un fonds fiduciaire ou de tout autre instrument de gestion d'un patrimoine d'affectation reste douteuse malgré les vérifications effectuées conformément à l'article L. 561-15, IV du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L8423IMW).

Le dispositif du Code monétaire et financier vise à isoler l'avocat de Tracfin en empêchant toute relation directe avec ce service en cas de déclaration de soupçon. Aux termes de l'article L. 561-2 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7924IQK), les professionnels assujettis à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme adressent directement leur déclaration à Tracfin. Ce régime ne s'applique ni aux avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, ni aux avocats. Ces derniers, lorsqu'ils n'agissent pas en qualité de fiduciaire, adressent obligatoirement leur déclaration au Bâtonnier de leur Ordre, qui devra vérifier que les conditions d'une telle déclaration sont remplies (C. mon. fin., art. L. 561-17 N° Lexbase : L2799IPD). Si tel est le cas, le Bâtonnier transmettra la déclaration à Tracfin dans un délai de huit jours francs à compter de sa réception (C. mon. fin., art. R. 561-32 N° Lexbase : L6991IEN). Tracfin, après en avoir accusé réception auprès du Bâtonnier ou de son délégué effectuera alors la même vérification que le Bâtonnier. Si Tracfin estime que la déclaration a été transmise en méconnaissance des prescriptions dérogatoires applicables à la profession d'avocat, il devra en refuser la communication et informer dans les meilleurs délais le Bâtonnier de l'Ordre auprès duquel l'avocat déclarant est inscrit (C. mon. fin., art. L. 561-17, al. 2 N° Lexbase : L2799IPD).

La déclaration de soupçon doit être signée par l'avocat et comporter les éléments d'identification et les coordonnées des personnes habilitées à y procéder. Elle mentionne également "les éléments d'identification et de connaissance du client et, le cas échéant, du bénéficiaire effectif, l'objet et la nature de la relation d'affaires, le descriptif des opérations concernées ainsi que les éléments d'analyse" qui ont conduit l'avocat à nouer cette relation. Elle est accompagnée de toute pièce ou document justificatif utile à son exploitation par Tracfin (C. mon. fin., art. R. 561-31, I, al. 2 [LXB= L7058IE7]).

La déclaration de soupçon se compose de trois parties :

- une partie nominative dans laquelle sont données les nom et adresse du déclarant ou, s'il s'agit d'une déclaration collective, de ceux de tous les avocats concernés par la déclaration ;

- une partie déclarative dans laquelle l'avocat désigne son client et, si celui-ci n'est pas le bénéficiaire réel de l'opération, le bénéficiaire réel de celle-ci (avec le nom du client doit figurer l'adresse de celui-ci ainsi que toutes les informations obtenues dans le cadre du devoir de vigilance) ; les faits et circonstances qui conduisent l'avocat à faire la déclaration de soupçon ; le rôle qu'a joué l'avocat dans l'opération déclarée jusqu'au jour de la déclaration ; la description de l'opération et sa nature au regard de la classification de l'article L. 561-3 du Code monétaire et financier ; et l'origine et la destination des sommes sur lesquelles porte l'opération ;

- une partie justificative qui est composée des pièces à la disposition de l'avocat et lui permettant de justifier le contenu de sa déclaration ;

- enfin, le cas échéant, la déclaration sur l'honneur du contrôleur interne qui demeurera entre les mains du Bâtonnier.

Il est à préciser que l'avocat peut demander dans sa déclaration que Tracfin ne lui accuse pas réception de sa déclaration lorsque celle-ci est transmise par le Bâtonnier à ce service. De plus, lorsque la déclaration porte sur une opération qui n'a pas encore été exécutée, elle doit être assortie de l'indication de son délai d'exécution chaque fois que cela est possible. Enfin, l'obligation déclarative pèse sur la personne physique et non sur la ou les structures.

III - Le rôle du Bâtonnier

Le Bâtonnier n'est pas un simple intermédiaire qui retransmet automatiquement les déclarations de soupçon qu'il reçoit. Il a un rôle d'assistance et de contrôle, qu'il doit exercer pour s'assurer de l'absence de tout manquement aux règles du secret professionnel. Le Bâtonnier doit tout d'abord s'assurer que la déclaration de soupçon est à la fois complète et compréhensible. Il doit vérifier que les faits décrits par l'avocat justifient une transmission de la déclaration. Le contrôle fait par le Bâtonnier n'est pas unilatéral en ce sens qu'il peut à la fois interroger l'avocat et lui conseiller de modifier son dossier sur tel ou tel point. Et le Bâtonnier est libre de décider de transmettre ou de ne pas transmettre à Tracfin.

Toute demande de renseignements de Tracfin doit transiter par le Bâtonnier. En effet, à l'exception du cas de l'avocat fiduciaire, Tracfin ne peut pas s'adresser directement à l'avocat déclarant. Ce service ne peut demander à un avocat la communication des pièces qu'il conserve que par l'intermédiaire du Bâtonnier de l'Ordre auprès duquel il est inscrit (C. mon. fin., art. L. 561-26, II N° Lexbase : L2798IPC). L'avocat communique les pièces demandées à son Bâtonnier qui les transmet à Tracfin, sauf dans le cas où l'avocat s'y oppose au motif que cette procédure n'est pas respectée. Tracfin ne peut pas se déplacer pour prendre connaissance desdites pièces dans un cabinet d'avocats. L'avocat et le Bâtonnier ne peuvent pas informer le client de l'exercice par Tracfin de son droit de communication (C. mon. fin., art. L. 561-26, III), sous peine d'une amende de 22 500 euros (C. mon. fin., art. L. 574-1 N° Lexbase : L7192ICD).

Lorsque la déclaration lui a été adressée par le Bâtonnier, Tracfin l'informe de sa transmission au procureur de la République (C. mon. fin., art. L. 561-28 N° Lexbase : L2801IPG).

Le Code monétaire et financier prévoit qu'aucune action en responsabilité civile, aucune poursuite pénale (pour dénonciation calomnieuse) ou disciplinaire (pour atteinte au secret professionnel) ne peuvent être déclenchées contre un avocat ou son préposé qui a effectué de bonne foi une déclaration de soupçon, ou contre le Bâtonnier qui l'a transmise à Tracfin (C. mon. fin., art. L. 561-22, I N° Lexbase : L9955IPE).

Les avocats sont tenus de mettre en oeuvre des procédures internes à leurs cabinets pour leur permettre de remplir les obligations mises à leur charge par le Code monétaire et financier. Il s'agit de systèmes d'évaluation et de gestion des risques de blanchiment et de financement du terrorisme (C. mon. fin., art. L. 561-32 N° Lexbase : L7216ICA). Cela est également prévu par les dispositions de l'article 5 de la décision à caractère normatif n° 2007-002 aux termes de laquelle chaque avocat assujetti doit adopter des règles écrites internes décrivant les diligences à accomplir et donnant des indications sur les sommes et la nature des opérations devant faire l'objet d'une vigilance particulière en tenant compte des activités exercées.

Conformément à la troisième Directive anti-blanchiment, l'avocat peut faire l'objet d'un contrôle du respect de ces mesures, assorti d'un pouvoir de sanction disciplinaire. Ainsi, les avocats seront contrôlés par leurs Ordres professionnels (C. mon. fin., art. L. 561-36 N° Lexbase : L5178ITX). A cet effet, l'article 17 de la loi du 31 décembre 1971 a été complété par un 13° prévoyant la compétence du conseil de l'Ordre pour "vérifier le respect par les avocats de leurs obligations prévues par le chapitre Ier du titre VI du livre V du Code monétaire et financier en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de se faire communiquer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les documents relatifs au respect de ces obligations". L'Ordre peut être assisté dans sa mission de contrôle par le Conseil national des barreaux, conformément à l'article 21-1 de la loi de 1971.

La troisième Directive anti-blanchiment va faire l'objet d'une révision d'ici la fin de l'année 2012. Aux termes du rapport présenté par la Commission européenne en avril 2012, il ne semble pas nécessaire de revoir fondamentalement le traitement des professions juridiques dans la nouvelle Directive. Toutefois, pour les rapporteurs, il pourrait être opportun d'examiner de manière plus approfondie le problème de la sous-déclaration des transactions suspectes. Un projet de Directive sera présenté en septembre.


(1) Tracfin, Rapport d'activité 2011, 8 août 2012 : si en 2008 il y a eu trois déclarations de soupçon émanant d'avocats, en 2011 une seule a été enregistrée (rapport, p. 42). Le rapport précise à cet égard que "L'absence de participation des avocats au dispositif se confirme en 2011 : Tracfin n'a reçu qu'une seule déclaration de leur part. Il est important de noter que les requêtes introduites auprès du Conseil d'Etat par l'Ordre des avocats au barreau de Paris en vue, notamment, de l'annulation du décret n° 2009-874 du 16 juillet 2009 (dit "décret fraude fiscale") pris pour l'application de l'article L. 561-15, II du Code monétaire et financier, du décret n° 2010-69 du 18 janvier 2010 instituant le Conseil d'orientation de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et de l'instruction n°13 L-7-10 du 26 juillet 2010 de la direction générale des finances publiques (DGFiP) relative notamment à la mise en oeuvre de l'obligation déclarative prévue par L. 561-15, II du Code monétaire et financier, ont été rejetées par le Conseil d'Etat" (CE, 14 octobre 2011, trois arrêts, n° 332126 N° Lexbase : A7431HYU, n° 337819 N° Lexbase : A7448HYI et n° 343662 N° Lexbase : A7471HYD).

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Communautaire

[Jurisprudence] Chronique de droit communautaire - Septembre 2012

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N3297BTB

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par Olivier Dubos, Professeur de droit public, Chaire Jean Monnet, CRDEI, Université Montesquieu-Bordeaux IV

Le 13 Septembre 2012

Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver cette semaine la chronique de droit communautaire d'Olivier Dubos, Professeur de droit public, Chaire Jean Monnet, CRDEI, Université Montesquieu-Bordeaux IV, qui se penchera sur trois décisions récentes rendues par les juridictions communautaires. Dans la première décision commentée, l'Association nationale d'assistance aux frontières pour les étrangers (ANAFE) contestait, devant le Conseil d'Etat français, par la voie d'un recours pour excès de pouvoir une circulaire ministérielle du 21 septembre 2009, fixant les conditions pour l'entrée dans l'espace Schengen de ressortissants des pays tiers qui disposent d'une autorisation de séjour provisoire ou d'un récépissé d'une demande d'asile ou d'une autorisation provisoire de séjour établi par les autorités françaises (N° Lexbase : L0189IPP). L'examen de la légalité de cette circulaire nécessitait l'interprétation du Règlement (CE) n° 562/2006 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2006, établissant un code communautaire relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (dit "Code frontières "Schengen") (N° Lexbase : L0989HIH) et donc la saisine de la Cour de justice (CJUE, 14 juin 2012, aff. C-606/10). La juridiction suprême de l'Union a été également interrogée par une juridiction finlandaise au sujet de l'applicabilité du droit des marchés publics à l'achat de matériel militaire (CJUE, 7 juin 2012, aff. C-615/10). Enfin, le Tribunal de l'Union européenne a rendu une intéressante décision qui précise la nature de son contrôle sur le refus d'ouverture par la Commission de la procédure formelle d'examen de l'article 108, paragraphe 2, TFUE (N° Lexbase : L2405IPR) (TPIUE, 10 juillet 2012, aff. T-520/09).
  • La circulaire ministérielle du 21 septembre 2009 face aux dispositions du Code frontières Schengen (CJUE, 14 juin 2012, aff. C-606/10 N° Lexbase : A7220INQ)

Afin de pouvoir examiner la légalité de la circulaire, le Conseil d'Etat avait posé trois questions préjudicielles à la Cour de justice. La première était relative à l'article 13 du Code frontières Schengen (A), la deuxième concernait les conditions auxquelles peut être soumise la délivrance d'un "visa retour" (B), et la troisième visait à déterminer s'il y avait eu violation du principe de la confiance légitime (C).

A - Le champ d'application de l'article 13 du Code frontières Schengen

La circulaire contestée prévoit, d'abord, que les ressortissants des pays tiers soumis à l'obligation de visa n'ayant quitté le territoire français qu'avec un récépissé de première demande de titre de séjour ou d'une demande d'asile et/ou avec uniquement une autorisation de séjour provisoire délivrée dans le cadre de l'examen d'une demande d'asile, ne peuvent revenir en France qu'en disposant d'un visa émis par les autorités consulaires ou, dans des cas exceptionnels, par les autorités préfectorales.

Selon l'article 13 du Code frontières Schengen, l'entrée sur le territoire de l'espace Schengen doit être refusée aux ressortissants des Etats tiers qui ne remplissent pas les conditions fixées par ailleurs dans ce même Règlement. Il s'agissait donc de savoir si les étrangers visés par la circulaire du 21 septembre 2009 relevaient du champ d'application de cet article 13. Ces personnes se trouvent, en effet, dans une situation particulière puisqu'ils se sont vus délivrer un titre temporaire de séjour, puis ont quitté la France et souhaitent finalement y revenir sans entrer sur le territoire des autres Etats membres. Pour l'ANAFE, ces personnes ne devraient relever du champ de l'article 13 que si elles demandent un court titre de séjour et si elles entrent dans l'Union par un autre Etat que la France.

La Cour rappelle que l'article 2, paragraphe 15, b), de ce même code exclut expressément que les "titres temporaires" de séjour puissent être considérés comme des "titres de séjour". Seuls ces derniers permettent de sortir et d'entrer dans l'espace Schengen, sans procéder à une nouvelle demande de visa. Par ailleurs, la Cour précise que le code s'applique à toute personne franchissant les frontières intérieures ou extérieures de l'espace Schengen. Dès lors, l'article 13 du code qui régit le refus d'entrée sur le territoire des Etats membres doit s'appliquer à tous les ressortissants des pays tiers souhaitant entrer dans un Etat membre par une frontière extérieure Schengen, qu'il s'agisse d'une tentative de revenir avec un titre temporaire de séjour de cet Etat membre ou non. Le refus doit être opposé, dès lors que ne sont pas réunies les conditions posées à l'article 5 relatif aux conditions d'entrée. Il est, d'ailleurs, significatif que l'article 13 ait lui-même prévu des hypothèses dans lesquelles l'entrée était possible en dehors du champ d'application de l'article 5.

B - Les conditions de délivrance d'un visa de retour

La circulaire prévoyait, en outre, que le visa de retour délivré aux étrangers visés par la circulaire limitait l'entrée dans l'espace Schengen aux seuls points du territoire national de l'Etat membre l'ayant délivré. Selon l'article 5, paragraphe 4, a) du code, "les ressortissants de pays tiers qui ne remplissent pas toutes les conditions visées au paragraphe 1 [fixant les conditions d'entrée pour un séjour n'excédant pas trois mois] mais qui sont titulaires d'un titre de séjour ou d'un visa de retour délivré par l'un des Etats membres ou, lorsque cela est requis, de ces deux documents, se voient autorisés à entrer aux fins de transit sur le territoire des autres Etats membres afin de pouvoir atteindre le territoire de l'Etat membre qui a délivré le titre de séjour ou le visa de retour, sauf s'ils figurent sur la liste nationale de signalements de l'Etat membre aux frontières extérieures duquel ils se présentent et si ce signalement est assorti d'instructions quant à l'interdiction d'entrée ou de transit".

La Cour souligne que la notion de "visa de retour" n'est pas définie par le Code frontières Schengen et qu'il s'agit, selon elle, d'"un document délivré, dans un Etat membre, à une personne qui n'est pas encore titulaire d'un titre de séjour, mais qui est temporairement autorisée à demeurer sur le territoire de cet Etat et qui doit quitter celui-ci pour une raison quelconque. Ce document autorise son titulaire à revenir sur le territoire de l'Etat qui l'a délivré" (2). Il ne constitue donc pas un visa au sens du Règlement (CE) n° 810/2009 du 13 juillet 2009, établissant un code communautaire des visas (3). Les conditions de délivrance de ce visa de retour ne sont donc pas déterminées par le Code frontières Schengen.

Dans la mesure où l'article 5, paragraphe 4, c) prévoit expressément les hypothèses dans lesquelles une entrée est limitée aux seuls points du territoire d'un Etat membre, il est possible d'en déduire que le code interdit à un Etat membre qui délivre à un ressortissant de pays tiers un visa de retour de limiter l'entrée dans l'espace Schengen aux seuls points de son territoire national.

C - La pratique française antérieure à la circulaire et le principe de la confiance légitime

Dans sa troisième question, le Conseil d'Etat demandait si les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime imposaient que soient prévues des mesures transitoires pour les ressortissants de pays tiers ayant quitté le territoire d'un Etat membre, alors qu'ils n'étaient titulaires que d'un titre temporaire de séjour délivré au cours de l'examen d'une première demande de titre de séjour ou d'une demande d'asile, et souhaitant revenir sur ce territoire après l'entrée en vigueur du Règlement (CE) n° 562/2006. A titre liminaire, la Cour souligne qu'"avant l'adoption de la circulaire du 21 septembre 2009, une pratique administrative s'était développée en France selon laquelle les ressortissants de pays tiers soumis à l'obligation de visa qui ne disposaient que d'un titre temporaire de séjour délivré au cours de l'examen d'une première demande de titre de séjour ou d'une demande d'asile pouvaient quitter le territoire national et revenir par la suite sur celui-ci par les frontières extérieures de l'espace Schengen tant que ce titre n'était pas expiré. Cette circulaire avait pour objectif de mettre fin à cette pratique sans que soit prévue une période de transition, de sorte que les ressortissants de pays tiers soumis à l'obligation de visa qui avaient quitté le territoire français avec un tel titre temporaire de séjour avant l'adoption de la circulaire ne pouvaient plus revenir dans l'espace Schengen sans avoir obtenu un visa ou un autre titre leur donnant le droit d'entrer sur ce territoire" (4).

Elle note, ensuite, que le Code frontières Schengen ne fait que reprendre les dispositions de la Convention d'application des accords de Schengen qui s'appliquait d'ores et déjà en France avant l'entrée en vigueur du code. Elle souligne, par ailleurs, qu'avant l'adoption de la circulaire contestée, la pratique administrative française était contraire au code. Elle rappelle enfin que les autorités administratives ont l'obligation d'appliquer les Règlements dans tous leurs éléments et de ne pas appliquer les dispositions du droit national qui leur seraient incompatibles. Elle conclut, dès lors, qu'une pratique administrative nationale contraire au droit de l'Union ne saurait fonder une confiance légitime des ressortissants des pays tiers dans la possibilité de continuer à bénéficier de cette pratique.

  • Champ d'application des Directives "marchés publics" et matériel militaire (CJUE, 7 juin 2012, aff. C-615/10 N° Lexbase : A5647INH)

La Cour de justice a déjà eu l'occasion de se prononcer sur l'éventuelle inclusion du matériel militaire dans le champ d'application de la Directive (CE) 2004/18 du 31 mars 2004, relative à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services (N° Lexbase : L1896DYU) (5), mais les affaires dont elle a été saisie concernaient essentiellement des armes à double usage, c'est-à-dire qui peuvent être utilisées par le pouvoir adjudicateur à des fins civiles (6). Les données factuelles de l'affaire finlandaise étaient un peu différentes puisqu'ils s'agissaient de matériels acquis à des fins uniquement militaires, mais qui étaient susceptibles d'être utilisés par des entreprises privées (7).

Selon l'article 10 de la Directive (CE) 2004/18, "la présente Directive s'applique aux marchés publics passés par des pouvoirs adjudicateurs dans le domaine de la défense, sous réserve de l'article 296 du Traité". L'article 296 TCE, devenu article 346 TFUE (N° Lexbase : L2669IPK), stipule que "les dispositions des Traités ne font pas obstacle aux règles ci après [...] tout Etat membre peut prendre les mesures qu'il estime nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité et qui se rapportent à la production ou au commerce d'armes, de munitions et de matériel de guerre ; ces mesures ne doivent pas altérer les conditions de la concurrence dans le marché intérieur en ce qui concerne les produits non destinés à des fins spécifiquement militaires [...] le Conseil, statuant à l'unanimité sur proposition de la Commission, peut apporter des modifications à la liste, qu'il a fixée le 15 avril 1958, des produits auxquels les dispositions du paragraphe 1, point b), s'appliquent".

La Cour rappelle "que ces dispositions, comme il est de jurisprudence constante pour les dérogations aux libertés fondamentales, doivent faire l'objet d'une interprétation stricte [...] bien que le paragraphe 1, sous b), de cet article fasse état des mesures qu'un Etat membre peut estimer nécessaires à la protection des intérêts essentiels de sa sécurité, celui-ci ne saurait, toutefois, être interprété de manière à conférer aux Etats membres le pouvoir de déroger aux dispositions du Traité CE par la seule invocation desdits intérêts" (8).

Il appartient donc au juge national de s'assurer, dans un premier temps, que le matériel relève bien de la liste de la décision du Conseil du 15 avril 1958. Mais dans la mesure où le matériel en cause dans cette affaire est susceptible d'applications civiles, il convient, dans un second temps, de s'assurer qu'il a bien été acquis à des fins uniquement militaires. Cette finalité se vérifie si deux critères sont réunis. Le premier critère est subjectif : quelle est l'intention du pouvoir adjudicateur ? Le second critère est objectif et tient aux caractéristiques propres du matériel : a-t-il été conçu à des fins spécifiquement militaires ou a-t-il fait l'objet de modifications dans un tel but ?

Pour poser ce critère objectif, la Cour se réclame de la décision du Conseil du 15 avril 1958 qui utilise les formules "pour l'usage militaire", "pour autant qu'elles ont un caractère militaire" et "exclusivement conçus". A titre subsidiaire, elle invoque le législateur de l'Union qui, dans la Directive (CE) 2009/81 du 13 juillet 2009, relative à la coordination des procédures de passation de certains marchés de travaux, de fournitures et de services par des pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices dans les domaines de la défense et de la sécurité (N° Lexbase : L6548IEA), et modifiant les Directives (CE) 2004/17 et 2004/18 (9), énonce au dixième considérant qu'"au sens de la présente Directive, le terme équipement militaire' devrait couvrir, également, les produits qui, bien qu'initialement conçus pour une utilisation civile, ont ensuite été adaptés à des fins militaires pour pouvoir être utilisés comme armes, munitions ou matériel de guerre".

  • Le contrôle par le Tribunal du refus d'ouverture par la Commission de la procédure formelle d'examen de l'article 108, paragraphe 2, TFUE (TPIUE, 10 juillet 2012, aff. T-520/09 N° Lexbase : A6330IQI)

Lorsqu'une aide a été notifiée, la Commission peut déclarer cette aide compatible avec le marché commun, soit immédiatement s'il n'y a aucun doute sur sa compatibilité, soit après une procédure formelle d'examen prévue à l'article 108, paragraphe 2, TFUE, s'il y a un doute sur sa compatibilité. Dans cette seconde hypothèse, la Commission doit inviter l'Etat membre concerné ainsi que les autres parties intéressées à présenter leurs observations. Selon le Règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999, portant modalités d'application de l'article 93 du Traité CE (N° Lexbase : L4215AUN) (10), ces parties intéressées sont les autres Etats membres et surtout toute personne, entreprise ou association d'entreprises dont les intérêts pourraient être affectés par l'octroi d'une aide, en particulier son bénéficiaire, les entreprises concurrentes et les associations professionnelles. On comprend donc que lorsque, dans la première hypothèse, la Commission prend une "décision de ne pas soulever d'objections", cela équivaut, également, à un refus d'ouvrir une procédure formelle d'examen et à priver les parties intéressées, et spécialement les entreprises concurrentes, à faire valoir leurs observations devant la Commission. Comme l'illustre parfaitement cette affaire, le contrôle exercé par le juge de l'Union sur ce refus s'avère délicat car il porte sur l'existence de "difficultés sérieuses" (11) qui auraient dû susciter des doutes quant à la compatibilité de l'aide avec le marché commun. Dans cette affaire, le Tribunal s'est d'abord prononcé au vue de la durée et des circonstances de la procédure d'examen préliminaire (A), puis du contenu de la décision elle-même (B).

A - La durée et les circonstances de la procédure d'examen préliminaire

1 - Les requérants faisaient valoir que la procédure préliminaire avait duré plus de huit mois ce qui constitue, au regard de la jurisprudence du Tribunal, un indice que la Commission s'est heurtée à des "difficultés sérieuses" (12). Le Tribunal prend soin, dans un premier temps, de préciser le mode de computation de la durée de l'examen préliminaire. Au regard de l'article 2, paragraphe 2, du Règlement (CE) n° 659/1999 (13), le Tribunal estime qu'"une notification ne peut être regardée comme complète qu'à réception par la Commission de l'ensemble des informations lui permettant de se forger une première opinion sur la nature et les effets de la mesure concernée. Ces informations sont réputées contenues dans la notification si la Commission ne présente aucune demande d'informations additionnelles dans les deux mois de sa réception. En revanche, si la Commission présente des demandes d'informations additionnelles, la notification doit être regardée comme complète à la date de réception des dernières informations demandées" (14). Le délai de deux mois est prévu à l'article 4, paragraphe 5, du Règlement et à son issue, si la Commission ne s'est pas prononcée, cela signifie que l'aide est déclarée compatible avec le marché commun et qu'elle peut être mise en oeuvre par l'Etat après en avoir avisé la Commission, sauf si celle-ci prend une décision dans les quinze jours suivants la réception de cet avis. Dès lors, selon le Tribunal, pour les parties intéressées, le dépassement de ce délai de deux mois constitue un indice de l'existence de difficultés sérieuses. Ce dépassement s'apprécie donc in concreto.

En l'espèce, le Tribunal souligne que la France n'avait pas initialement procédé à une notification complète, ce n'est donc qu'à compter de la réception de toutes les informations que doit se calculer le délai de deux mois. Dès lors, il apparaît que la décision de la Commission n'a été prise que dans un délai de moins de quatre mois à compter de la notification complète. Pour le Tribunal, cette durée est trop courte pour être révélatrice de difficultés sérieuses rencontrées par la Commission.

2 - Les requérants indiquaient, ensuite, que l'intensité des échanges entre la France et la Commission et l'inertie de la France démontraient l'existence de difficultés sérieuses. Sur le premier point, le Tribunal rappelle que le fait que "des informations complémentaires aient pu être demandées par la Commission sur les mesures soumises à son contrôle ne peut pas, en soi, être considéré comme un indice de ce que cette institution se trouvait confrontée à des difficultés sérieuses d'appréciation" (15). Il estime, en outre, qu'en l'espèce ces difficultés ont été circonscrites.

Sur le second point, le Tribunal rappelle, également, que "l'Etat membre qui notifie de manière incomplète un projet d'aide à la Commission et se montre, par la suite, réticent à fournir les renseignements utiles à la Commission malgré les demandes répétées de celle-ci est responsable de la prolongation de la procédure d'examen. Une telle prolongation peut, par sa nature, constituer un indice de l'existence de difficultés sérieuses sans que la Commission puisse se prévaloir du fait que l'Etat notifiant est responsable de cette situation" (16). Il souligne que la France s'est montrée, en l'espèce, diligente et le moyen ne lui paraît donc pas fondé.

Le recours portait ensuite sur le contenu de la décision attaquée et la question de savoir si elle révélait que l'appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d'examen de la subvention litigieuse, présentait des difficultés sérieuses et, aurait donc dû susciter des doutes quant à la compatibilité de cette mesure avec le marché commun.

B - Le contenu de la décision attaquée

1 - Dans sa décision, la Commission avait estimé que les subventions versées à France télévisions devaient être considérées, au regard de la jurisprudence "Altmark" (17), comme des aides. Elle a, toutefois, accepté de les déclarer compatibles sur le fondement de l'article 106, paragraphe 2, TFUE (N° Lexbase : L2403IPP), tel qu'interprété par sa communication concernant l'application aux services publics de radiodiffusion des règles relatives aux aides d'Etat (18).

La Commission avait, ainsi, constaté que France télévisions était bien investie d'une mission de service public et qu'elle était soumise à des contrôles appropriés qui permettent de vérifier que son financement est conforme à la réglementation relative aux aides d'Etat. Elle a, ensuite, souligné que le non-versement de la subvention aurait compromis les missions de service public de France télévisions et qu'en raison de son montant, elle ne méconnaissait pas le principe de proportionnalité. Il était, enfin, remarqué que cette subvention n'avait pas de lien avec les taxes sur les messages publicitaires et les communications électroniques nouvellement instituées par la France.

2 - Le premier indice soulevé par les requérants était relatif à l'objet même de la subvention. Ils soulignaient, en effet, que la subvention litigieuse visait à compenser la diminution des recettes publicitaires de France Télévisions et qu'elle n'avait donc pas pour objet de couvrir les coûts occasionnés par l'exécution des obligations de service public de France Télévisions. Ainsi, il ne pouvait y avoir que surcompensation.

Le Tribunal rappelle qu'"il ressort du protocole d'Amsterdam que les Etats membres sont libres de choisir le mode de financement du service public de la radiodiffusion qui leur paraît le plus approprié, sous réserve que ce mode de financement n'affecte pas les conditions des échanges et de la concurrence dans la Communauté dans une mesure contraire à l'intérêt commun" (19). Or, cette subvention manifeste simplement une volonté de modifier la structure du financement des missions de service public de France Télévisions et ne révèle pas nécessairement une surcompensation. La Commission a bien vérifié que la subvention et les autres ressources publiques dont bénéficiait France Télévisions ne dépassaient pas ses coûts nets de service public.

3 - Les requérants faisaient surtout valoir un risque structurel de surcompensation. A cet égard, ils prétendaient, tout d'abord, que les prévisions de recette publicitaires pour l'année 2009, au titre de laquelle était versée la subvention, avaient été sous-évaluées. Certes, pour apprécier la compatibilité d'une aide versée comme compensation d'obligations de services publics, la Commission doit se fonder sur des données fiables, mais le Tribunal estime que "la circonstance que de telles données comportent, par nature, une marge d'erreur n'est, en elle-même, pas de nature à constituer un indice des difficultés sérieuses rencontrées par la Commission lors de l'examen préliminaire d'une aide d'Etat. Si tel était le cas, la Commission devrait systématiquement ouvrir la procédure formelle d'examen pour n'importe quelle aide nouvelle, aussi simple soit elle" (20).

Il était ensuite allégué que la Commission n'avait pas pris en compte la qualité de la gestion de France télévisions. Mais, selon le Tribunal, un tel moyen ne peut être utilement invoqué pour contester l'appréciation de la Commission relative à la compatibilité avec le marché commun d'une aide d'Etat lui étant destinée ; il relève d'un recours dirigé contre une décision, fondée sur la jurisprudence "Altmark", constatant que la subvention litigieuse ne constituait pas une aide d'Etat. Les très nombreux autres moyens soulevés par les requérants ont été considérés comme non fondés par le Tribunal.


(1) JO n° L 105 du 13 avril 2006.
(2) Point n° 48.
(3) JO n° L 243 du 15 septembre 2009.
(4) Point n° 59.
(5) JOCE, n° L 134 du 30 avril 2004.
(6) Voir, notamment, l'affaire des hélicoptères "Agusta" (CJCE, 8 avril 2008, aff. C-337/05 N° Lexbase : A8025D7D).
(7) Il s'agit d'un système de plateforme tournante destiné à effectuer des mesures électromagnétiques qui, dans le cadre de la "guerre électronique", doit servir à la simulation de situations de combat.
(8) Point n° 35.
(9) JO n° L 216 du 20 août 2009, p. 76.
(10) JO n° L 083 du 27 mars 1999, p. 1.
(11) CJUE, 24 mai 2011, aff. C-83/09 P (N° Lexbase : A3859HSQ), spéc. n° 59.
(12) TPICE, 10 mai 2000, aff. T-46/97 (N° Lexbase : A2389AWE).
(13) Article 2 : "1. Sauf indication contraire dans tout règlement pris en application de l'article 94 du Traité ou de toute autre disposition pertinente de ce dernier, tout projet d'octroi d'une aide nouvelle est notifié en temps utile à la Commission par l'Etat membre concerné. La Commission informe aussitôt l'Etat membre concerné de la réception d'une notification. 2. Dans sa notification, l'Etat membre concerné fournit tous les renseignements nécessaires pour permettre à la Commission de prendre une décision conformément aux articles 4 et 7 ('notification complète')".
(14) Points n° 61 et n° 62.
(15) Point n° 76.
(16) Point n° 82.
(17) CJCE, 24 juillet 2003, aff. C-280/00 (N° Lexbase : A2343C9N).
(18) JOCE 320 du 15 novembre 2001.
(19) Point n° 117.
(20) Point n° 139.

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Entreprises en difficulté

[Textes] "Petroplus" : commentaire de la loi et du décret

Réf. : Loi n° 2012-346 du 12 mars 2012 (N° Lexbase : L3777ISP) ; décret d'application de la loi n° 2012-346, passé en Conseil d'Etat et à paraître au JO

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N3459BTB

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprise

Le 13 Septembre 2012

Une loi du 12 mars 2012 n° 2012-346, relative aux mesures conservatoires en matière de procédures de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire et aux biens qui en font l'objet (1) vient ajouter, dans le livre VI du Code de commerce, la possibilité de pratiquer des mesures conservatoires sur des biens appartenant à des tiers, soit lorsque la procédure collective ouverte contre le débiteur est susceptible d'être étendue à ces tiers sur le fondement de la confusion des patrimoines ou de la fictivité, soit lorsque cette procédure peut donner lieu à une action en responsabilité pour contribution à la cessation des paiements contre un dirigeant de droit ou de fait de la société débitrice.
Connu sous le nom de loi "Petroplus", procédure collective médiatisée, le texte vient répondre à certains actes estimés comme moralement répréhensibles et en tous cas économiquement dévastateurs, que l'on a pu constater, consistant pour des sociétés multinationales à dépecer des filiales en difficulté, en reprenant les biens, propriété des premières, dans la procédure collective des secondes (2).
La proposition de loi a été enregistrée à la présidence de l'Assemblée nationale le 22 février 2012 et a abouti à un vote, obtenu à l'unanimité des deux assemblées, en une semaine. C'est dire l'émoi suscité, dans la classe politique, par le dossier Petroplus, filiale d'un groupe suisse exploitant en France une raffinerie de pétrole, et où l'on a vu la société mère tenter de récupérer des actifs lui appartenant, empêchant la poursuite d'exploitation de sa filiale.
Cette loi, applicable en France métropolitaine et dans les départements d'Outre-mer, s'applique aussi en Nouvelle-Calédonie et dans les îles Wallis et Futuna (art. 5).
L'article 6, pour sa part, démontre, s'il en était besoin, l'empressement de la classe politique à lutter contre la pratique rencontrée dans le dossier Petroplus, en prévoyant que la loi est applicable aux procédures de sauvegarde, de redressement et de liquidation judiciaires en cours à la date de sa publication, laquelle est intervenue au Journal officiel du 13 mars 2012.
Le décret est passé en Conseil d'Etat, mais n'a pas encore été publié au Journal officiel. Son application est étendue à Wallis et Futuna. Une délibération spéciale devra intervenir pour son application sur le territoire de la Nouvelle-Calédonie.
Cette législation a pour finalité de permettre de pratiquer des mesures conservatoires sur les biens d'un tiers, en attendant l'extension de la procédure à son égard ou le prononcé d'une condamnation en responsabilité pour contribution à la cessation des paiements. L'article 8 du décret, qui emporte création d'un article R. 662-1-1 du Code de commerce, précise que les mesures conservatoires ici étudiées sont soumises aux dispositions de la partie réglementaire du Code des procédures civiles d'exécution. Le nouvel article R. 662-1-2 du code, qui résulte de ce même article 8, précise que ces mesures conservatoires seront mises en oeuvre à l'initiative de l'administrateur judiciaire, du mandataire judiciaire et du liquidateur. Le commissaire à l'exécution, qui ne représente pas le débiteur, n'a logiquement pas qualité pour agir.

Nous envisagerons successivement les nouveaux cas de prise de mesures conservatoires (I), avant d'exposer le régime des biens objets des mesures conservatoires (II).

I - Les nouveaux cas de prise de mesures conservatoires

Jusqu'à la loi "Petroplus", le livre VI du Code de commerce contient deux dispositions relatives aux mesures conservatoires.

La première est l'article L. 631-10 du Code de commerce (N° Lexbase : L3467ICE), qui intéresse le redressement judiciaire, et qui se justifie dans la perspective du sauvetage de l'entreprise, à l'aune du dessaisissement partiel du débiteur. Ce texte, qui prévoit une incessibilité des parts ou actions détenues par les dirigeants de la personne morale débitrice, n'a pas son équivalent dans la procédure volontariste de sauvegarde.

La seconde est celle prévue à l'alinéa 2 de l'article L. 651-4 du Code de commerce (N° Lexbase : L3852ISH), qui autorise la prise de mesures conservatoires sur les biens d'un dirigeant, dont la responsabilité pour insuffisance d'actif est recherchée.

Ce dispositif est apparu insuffisant pour lutter contre les agissements de tiers, rencontrés dans le dossier Petroplus. Il s'est d'abord agi de créer de nouvelles possibilités de pratiquer des mesures conservatoires sur les biens de tiers, dans toutes les procédures collectives, sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires. Il a ensuite été question de compléter le dispositif prévu à l'article L. 651-4 du Code de commerce.

Ainsi deux nouveaux cas de prise de mesures conservatoires sont-ils envisagés, qui ont en commun de porter sur des biens appartenant à des tiers et qui nous semblent devoir être détachées du cadre classique de l'exigence d'une créance dont le recouvrement serait en péril ( C. proc. civ. execution, art. 511-1 N° Lexbase : L5913IRG) (3). Il s'agit, d'une part, de la prise de mesures conservatoires dans le cadre des extensions de procédure (A) et, d'autre part, de la prise de mesures conservatoires dans le cadre de l'action en responsabilité pour contribution à la cessation des paiements (B).

A - Prise de mesures conservatoires dans le cadre des extensions de procédure

L'article 1er de la loi du 12 mars 2012 prévoit que pour l'application des deuxième et troisième alinéas de l'article L. 621-2 du Code de commerce (N° Lexbase : L3851ISG), "le président du tribunal peut ordonner toute mesure conservatoire utile à l'égard de biens du défendeur à l'action mentionnée à ces mêmes alinéas". Ainsi, selon le texte, des mesures conservatoires peuvent être prises contre les biens de personnes cibles de l'action en extension, soit pour confusion des patrimoines, soit pour fictivité, dans un cadre classique. Cela explique le visa du deuxième 2ème alinéa de l'article L. 621-2. Les mesures conservatoires peuvent également être prises, dans le cadre d'une action en réunion de patrimoines, lorsqu'il est question d'étendre la procédure ouverte à l'encontre du patrimoine d'un l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée à un ou plusieurs autres de ses patrimoines. Cela justifie le visa du troisième alinéa de l'article L. 621-2.

Précisons que l'article L. 631-7 (N° Lexbase : L4018HBG) rendant applicable en redressement judiciaire l'article L. 621-2, et l'alinéa 1er de l'article L. 641-1 (N° Lexbase : L3431IC3) rendant applicable en liquidation judiciaire ce même article, le dispositif résultant de l'article 1er de la loi du 12 mars 2012 s'appliquera tant en sauvegarde, qu'en redressement et en liquidation judiciaires.

Pour donner une portée véritable au texte, il faut comprendre que les mesures conservatoires peuvent être sollicitées dans le cadre de l'instance en extension de procédure. En effet, une fois l'extension intervenue, le patrimoine de la société cible est placé sous procédure collective et, de ce fait, est considéré comme faisant corps avec le patrimoine de la société dont la procédure collective a été étendue. La mesure conservatoire ne sert alors plus à rien. Elle n'a donc d'utilité que si elle est pratiquée alors que l'extension n'est pas encore prononcée.

Dans ce contexte, il est logique que les personnes ayant qualité pour saisir le président du tribunal aux fins d'ordonner toute mesure conservatoire soient les mêmes que celles ayant qualité pour agir en extension de la procédure : administrateur, mandataire judiciaire, ministère public ou tribunal d'office. C'est ce que prévoit l'article 1er de la loi du 12 mars 2012, qui devient le troisième alinéa de l'article L. 621-2.

L'article 2 du décret insère dans le Code de commerce un nouvel article R. 621-8-2, qui donne au juge des indications sur le montant des sommes pour la garantie desquelles la mesure conservatoire sera autorisée. Ce texte s'applique également en liquidation judiciaire (C. com., art. R. 641-1, réd. décret, art. 5). Malgré le silence du décret, il s'applique aussi en redressement, du fait des termes de l'article R. 631-7 (N° Lexbase : L0990HZP), qui prévoit l'application en redressement des articles R. 621-7 (N° Lexbase : L0853HZM) à R. 621-9 (N° Lexbase : L0855HZP). Ce texte distingue deux situations.

Dans la première, au moment où le juge statue sur la mesure conservatoire sollicitée, le délai de déclaration des créances est expiré. Il faut donc comprendre que plus de deux mois se sont écoulés depuis la publication au Bodacc du jugement d'ouverture de la procédure qu'il est question d'étendre. En ce cas, la mesure sera ordonnée au vu du montant des créances déclarées. On mesure immédiatement les dangers pour la personne cible de l'extension, si les créances ont été déclarées pour un montant très supérieur à celui qui sera retenu pour leur admission. La mesure conservatoire pourra porter sur des biens d'une valeur bien supérieure au montant du passif.

Dans la seconde, au moment où le juge statue sur la mesure conservatoire demandée, le délai de déclaration des créances n'est pas encore expiré. Le juge ne peut donc se baser sur les sommes déclarées au passif et c'est pourquoi le décret suggère alors de retenir le montant des relevés des créances salariales. En l'absence d'établissement de ce document, il apparaît que le juge ne peut statuer et, par voie de conséquence, ne peut autoriser la mesure conservatoire.

Précisons immédiatement que l'alinéa 2 de l'article 2 de la loi du 12 mars 2012 (C. com., art. L. 631-10-2 N° Lexbase : L3835IST) prévoit l'information des institutions représentatives du personnel par l'administrateur ou le mandataire judiciaire, sur les mesures conservatoires prises en application de l'article L. 621-2. Le décret (C. com., art. R 631-7-1) prévoit que cette information doit être faite sans délai, dès que la décision ordonnant la mesure conservatoire est signifiée au défendeur à l'action en extension. Ce texte du redressement judiciaire est également applicable en liquidation (C. com., art. R. 641-1, réd. D., art. 5) (4). Pareille précision n'est pas apportée dans le cas de l'extension de la procédure de sauvegarde.

B - Prise de mesures conservatoires dans le cadre de l'action en responsabilité pour contribution à la cessation des paiements

L'article 2 de la loi du 12 mars 2012 crée un deuxième cas de prise de mesures conservatoires. Saisi par l'administrateur ou le mandataire judiciaire, le président du tribunal peut ordonner "toute mesure conservatoire utile à l'égard des biens du dirigeant de droit ou de fait à l'encontre duquel l'administrateur ou le mandataire judiciaire a introduit une action en responsabilité fondée sur une faute ayant contribué à la cessation des paiements du débiteur". C'est l'objet du nouvel article L. 631-10-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L3834ISS).

L'article 4 du décret insère dans le Code de commerce un nouvel article R. 631-14-1, dont l'objet est de donner des précisions au juge appelé à statuer sur la demande d'autorisation de pratique des mesures conservatoires. Le juge devra limiter le montant des sommes pour la garantie desquelles la mesure conservatoire est ordonnée au montant des dommages et intérêts demandés en réparation du préjudice causé par la faute de celui qui a contribué à la cessation des paiements. Cette solution d'évidence aura, de manière nouvelle, l'occasion de jouer pour les mesures conservatoires pratiquées sur les biens des dirigeants, dans le cadre de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif. L'article 6 du décret ajoute, en ce sens, un alinéa à l'article R. 651-5 du Code de commerce, qui, jusqu'alors, restait muet sur cette question.

Sous prétexte d'envisager une possibilité de pratiquer des mesures conservatoires, l'article L. 631-10-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L3834ISS) crée, en réalité, une nouvelle action en responsabilité pécuniaire contre les dirigeants de personne morale débitrice (5), sans en préciser davantage les contours, accréditant l'idée que ce cas de responsabilité préexiste dans le livre VI du Code de commerce.

Depuis la loi de sauvegarde des entreprises (loi n° 2005-845 du 26 juillet 2005 N° Lexbase : L5150HGT), et plus encore depuis l'ordonnance du 18 décembre 2008 (ordonnance n° 2008-1345 N° Lexbase : L2777ICT), l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, autrefois dénommée action en comblement de passif, ne peut être intentée contre un dirigeant qu'en cas de liquidation judiciaire de la personne morale débitrice.

Le texte ici étudié, qui crée un article L. 631-10-1 du Code de commerce, permet de rendre responsable, dans la procédure de redressement judiciaire, le dirigeant, de droit ou de fait, qui a contribué à la cessation des paiements du débiteur.

Observons d'abord que le lien de causalité s'apprécie ici, mutatis mutandis, comme en matière d'action en responsabilité pour insuffisance d'actif. Il n'est pas exigé que la faute ait causé la cessation des paiements. Il suffit qu'elle y ait contribué. Elle peut n'être que pour partie la cause de la cessation des paiements. C'est donc un lien de causalité distendu par rapport à l'article 1382 du Code civil (N° Lexbase : L1488ABQ).

Indiquons ensuite que la faute envisagée ne serait pas nécessairement une faute de gestion (6).

Précisons encore que ce texte est inapplicable dans la procédure de sauvegarde, procédure volontariste où l'on évite de sanctionner un dirigeant. Le texte est tout aussi inapplicable en liquidation judiciaire, puisque, dans cette procédure, subsiste l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif, qui se substitue à l'action en responsabilité pour contribution à la cessation des paiements. Il a d'ailleurs fallu envisager le cas de la conversion du redressement en liquidation judiciaire. C'est l'objet de l'article 3 de la loi du 12 mars 2012, qui prévoit que le président du tribunal pourra "maintenir la mesure conservatoire ordonnée à l'égard des biens du dirigeant de droit ou de fait en application de l'article L. 631-10-1". Ce texte est inséré au deuxième alinéa de l'article L. 651-4. Il faut dès lors comprendre que l'action en responsabilité pour contribution à la cessation des paiements ne pourra prospérer en liquidation judiciaire (7). Mais elle pourra être remplacée par une action en responsabilité pour insuffisance d'actif. La substitution devrait pouvoir se faire par voie de conclusions. Une nouvelle assignation serait inutile. La substitution devra toutefois être faite dans le délai de prescription de l'action en responsabilité pour insuffisance d'actif -trois ans du prononcé de la liquidation judiciaire-. On peut ici transposer purement et simplement les solutions jurisprudentielles retenues, entre le 1er janvier 2006 et le 14 février 2009 -pour assurer le passage de l'action en redressement ou en liquidation judiciaire à titre personnel à l'action en obligation aux dettes sociales-.

Dès lors que l'on cantonne l'action en responsabilité pour contribution à la cessation des paiements à la seule procédure de redressement judiciaire, il faut admettre qu'elle ne pourra, en pratique, développer ses effets que dans le cadre de l'exécution du plan de redressement. Mais on peut alors légitimement se demander quel préjudice le dirigeant, qui a contribué à la cessation des paiements, va devoir réparer. Si le plan est exécuté, tout le passif, une fois les remises acceptées, y compris dans les comités de créanciers, est payé ; il ne subsiste plus de dette. Où donc se trouve le préjudice ? Dans les dettes générées par l'ouverture de la procédure collective, peut-être ?

Si le plan est résolu, et s'il y a cessation des paiements, une nouvelle procédure -une liquidation judiciaire- va s'ouvrir. L'action en responsabilité pour contribution à la cessation des paiements peut-elle véritablement prendre corps dans cette seconde procédure ? Nous avons du mal à l'admettre, puisque cette procédure est nouvelle.

Nous peinons donc à comprendre l'utilité de cette action et, par voie de conséquence, l'utilité de pratiquer des mesures conservatoires sur les biens du dirigeant responsable.

Le législateur ne s'est pas contenté de créer des cas de mesures conservatoires, parfois assis sur de nouvelles actions en responsabilité. Il a, en outre, imaginé d'aménager de manière assez surprenante le régime des biens objets des mesures conservatoires.

II Le régime des biens objets des mesures conservatoires

L'article 4 de la loi du 12 mars 2012 envisage la possibilité de cession des biens objets de mesures conservatoires (A) et rend possible une affectation particulière du prix de vente des biens objets des mesures conservatoires (B).

A - Possibilité de cession des biens objets de mesures conservatoires

L'article 4, alinéa 1er, de la loi du 12 mars 2012 insère un article L. 663-1-1 dans le Code de commerce (N° Lexbase : L3836ISU) disposant que, lorsque les mesures conservatoires que nous avons précédemment examinées "portent sur des biens dont la conservation ou la détention génère des frais ou qui sont susceptibles de dépérissement, le juge-commissaire peut autoriser, aux prix et conditions qu'il détermine, l'administrateur, s'il a été nommé, ou le mandataire ou le liquidateur à les céder. Les sommes provenant de cette cession sont immédiatement versées en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations".

Ainsi, le texte permet au juge-commissaire d'autoriser la cession de biens, appartenant à un tiers, objets de mesures conservatoires.

Contrairement à la solution retenue en droit commun des mesures conservatoires, et compte tenu de la gravité de la solution, le juge-commissaire appelé à statuer sur l'autorisation de vendre les biens objets de la mesure conservatoire ne peut le faire qu'après avoir entendu ou dûment appelé le propriétaire des biens saisis. Il entend ou appelle également le débiteur (C. com., art. R. 662-17, al. 1er, réd. D. art. 9).

La demande ici présentée étant chose grave, et étant particulièrement dérogatoire au droit commun des mesures conservatoires, il est prévu la présence à l'audience du ministère public, et non pas la simple communication à celui-ci (C. com., art. R. 662-17, al. 2, réd. D. art. 9).

Les biens ici envisagés, encore que le texte légal n'en dise mot, seront le plus généralement des biens corporels.

En droit commun, la saisie conservatoire de meubles corporels est le préalable normal à la saisie-vente, en l'attente d'un titre exécutoire. La saisie conservatoire porte sur des biens appartenant au débiteur. En l'espèce, le débiteur est bien le propriétaire des biens en question.

De quoi est-il débiteur ? Il est débiteur éventuel des sommes que doit la personne placée sous la procédure collective qu'il est question d'étendre. En effet, une fois la procédure collective étendue, il sera débiteur des mêmes sommes que le débiteur initial. Il peut aussi être débiteur éventuel des sommes auxquelles il pourrait être condamné si sa responsabilité pour contribution à la cessation des paiements est retenue.

Ainsi, la nature précise de cette mesure conservatoire n'apparaît pas discutable, même si la créance qui la fonde n'est que très floue, dans son quantum, parce qu'elle est encore plus évanescente, dans sa réalité, du fait de sa simple éventualité.

En droit commun, la saisie conservatoire n'autorise pas la vente des biens. Elle prépare la saisie-vente, qui permettra de vendre le bien, lorsque le créancier sera en possession d'un titre exécutoire.

La solution envisagée par la loi du 12 mars 2012 est donc parfaitement dérogatoire au droit commun de la saisie conservatoire de meubles corporels, lorsqu'il est envisagé la possibilité de vendre les biens objets de la mesure conservatoire. Il a été écrit qu'il s'agissait là de "responsabilités [...] sanctionnées avant d'être jugées" (8).

La cession du bien objet de la mesure conservatoire, en application de la loi du 12 mars 2012, doit toutefois rester exceptionnelle. Le texte n'envisage la possibilité pour le juge-commissaire -lequel sera saisi par voie de requête par l'organe compétent- d'autoriser la cession qu'en présence de biens dont la conservation ou la détention génère des frais. Les travaux parlementaires font état de produits alimentaires pour la première catégorie, de produits chimiques ou pétroliers, pour la seconde (9). Mais les observateurs font déjà remarquer que la formule est suffisamment compréhensive pour englober une masse très importante de biens (10). Si cette détention ou cette conservation est financièrement neutre pour la procédure collective, l'autorisation de vente ne pourra être donnée par le juge-commissaire que si les biens sont soumis à dépérissement.

Le seul fait de vendre les biens objets de la saisie conservatoire ne permettra pas le versement des honoraires de réalisations d'actif au profit du liquidateur. Ces honoraires ne seront dus que s'il y a conversion en saisie définitive (C. com., art. R. 663-29, IV, réd. D., art. 10).

Il reste alors à savoir, lorsque la vente des biens, objets de la mesure conservatoire aura été autorisée par le juge-commissaire, ce que devient le prix de vente.

B - Affectation particulière du prix de vente des biens objets des mesures conservatoires

En droit commun, le créancier ne peut se faire attribuer la somme saisie. Pas davantage, il ne peut obtenir la remise du prix de vente du bien qui aurait vendu. La solution n'est pas prévue, pour cette simple raison que la vente du bien ne l'est pas davantage.

Le principe ici posé par l'alinéa 1er de l'article 4 de la loi du 12 mars 2012, qui devient l'article L. 663-1-1, alinéa 1er, du Code de commerce (N° Lexbase : L3836ISU), est celui du versement en compte de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations, du prix de vente du bien. Le texte légal ne précise pas davantage. Pour sa part, le décret (art. 11) modifie la rédaction de l'article R. 663-45, alinéa 1er, du Code de commerce, pour viser, dans cette disposition qui concerne la nomenclature des comptes bancaires rémunérés ouverts dans les livres de la Caisse des dépôts et consignations, les fonds déposés en application de l'article L. 663-1-1 du Code, à savoir les fonds provenant de la vente des biens saisis à titre conservatoire.

L'article 11 du décret modifie encore l'alinéa 2 de ce même article R. 663-45 du Code. Le principe est le suivant "les intérêts des comptes bancaires sont imputés au crédit du compte ouvert au nom du fonds dans les livres de la Caisse des dépôts et consignations". Il n'en sera pas ainsi des intérêts dus au titre de sommes déposées en application de l'article L. 663-1-1.

Il n'y a pas de difficulté à comprendre que cette consignation débouche sur une appréhension par la procédure collective, si la mesure conservatoire est suivie d'une extension de la procédure.

Si la mesure conservatoire est suivie de la très hypothétique condamnation en responsabilité pour contribution à la cessation des paiements, on ignore ce que devient le prix. Il faut, semble t-il, décider qu'une fois la condamnation prononcée contre le dirigeant, cette dernière s'exécutera à due concurrence sur les sommes placées à la Caisse des dépôts et consignations, ce qui, ici encore, aboutira à une appréhension par la procédure collective.

En revanche, si aucune condamnation n'est prononcée, les sommes consignées devront être restituées à la personne concernée.

Particulièrement exorbitante du droit commun, apparaît la disposition de l'alinéa 2 de l'article 4 de la loi du 12 mars 2012, devenu l'alinéa 2 de l'article L. 663-1-1 du Code de commerce, qui dispose que "le juge-commissaire peut autoriser l'affectation des sommes provenant de cette cession au paiement des frais engagés par l'administrateur, le mandataire judiciaire ou le liquidateur pour les besoins de la gestion des affaires du propriétaire de ces biens, y compris pour assurer le respect des obligations sociales et environnementales de la propriété de ces biens, si les fonds disponibles du débiteur n'y suffisent pas".

Le pouvoir réglementaire a entouré l'autorisation d'affectation des sommes en cause des mêmes précautions que celles existant pour la possibilité de cession des biens objets de mesures conservatoires (C. com., art. R. 662-17).

Sur le fond, le texte pose un principe de subsidiarité dans l'affectation des sommes : elle ne pourra avoir lieu que si le débiteur ne dispose pas des fonds suffisants pour assurer la gestion des biens du tiers propriétaire, objets des mesures conservatoires.

Si le débiteur ne dispose pas des fonds nécessaires, les fonds provenant de la vente pourront, sur autorisation du juge-commissaire, être affectés au paiement des frais engagés pour assurer la gestion des biens.

Le texte prend le soin de préciser que cela englobe les obligations sociales du propriétaire du bien. On pourrait, dans une première approche, comprendre que des salariés sont attachés au bien, par exemple les salariés attachés à un fonds de commerce. Cette approche ne semble toutefois pas la bonne, car si des salariés sont attachés au fonds, les obligations sociales pèsent sur l'exploitant et non sur le propriétaire du fonds. Dans une seconde approche, on peut comprendre que le tiers, propriétaire des biens, objets des mesures conservatoires, a des obligations sociales envers les salariés du débiteur au titre, par exemple, d'une obligation de reclassement, notamment s'il est qualifié de co-employeur.

Le texte prend également le soin de prévoir le respect des obligations environnementales. Il faut ici supposer que le tiers, sur les biens duquel ont été pratiquées des mesures conservatoires, a des obligations environnementales liées à la propriété des biens en question.

Le texte n'envisage pas l'affectation de l'intégralité du prix de vente des biens objets des mesures conservatoires, mais ne l'interdit pas davantage. Tout sera fonction de l'importance des frais auxquels se seront exposés les organes de la procédure, pour assurer la gestion des biens, objets des mesures conservatoires.

Il s'agit bien d'une affectation de sommes, laquelle est exclusive du concours avec d'autres créanciers. Il s'agit donc d'un droit très supérieur à celui que détiendra un créancier au titre du privilège du conservateur de la chose.

Faute de dispositions particulières, le droit commun des voies de recours sur les ordonnances en matière de mesures conservatoires sera applicable : appel si le demandeur succombe, demande de rétraction par le défendeur à la mesure (11).

Précisons que les décisions autorisant les mesures conservatoires ici étudiées ne seront pas exécutoires de plein droit à titre provisoire. Il appartiendra donc au tribunal de décider ou non d'accorder l'exécution provisoire (C. com., art. R. 661-1, al. 2, réd. D. art. 7). Si l'exécution provisoire est facultativement ordonnée, elle peut être arrêtée, non seulement dans les conditions classiques du droit des entreprises en difficulté, si les moyens invoqués par l'appellant apparaissent sérieux, mais en outre, de manière dérogatoire par rapport au droit commun des procédures collectives, si l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives (C. com., art. R. 661-1, al. 3, réd., D., art. 7), ce qui est le critère d'arrêt de l'exécution provisoire en droit commun. La dérogation s'explique ici par le particularisme de ces mesures conservatoires, qui peuvent déboucher sur la vente des biens, voire l'affectation de leur prix au préjudice du propriétaire.

Au final, il ne peut être discuté, sur un plan journalistique, que les mesures contenues dans la loi du 12 mars 2012, peuvent se comprendre. Elles n'en sont pas moins choquantes, sur un plan juridique. Elles autorisent la vente de biens, par la procédure collective, qui n'appartiennent pas au débiteur. Il y a là une atteinte grave au droit de propriété, qui nous semble faire difficulté, tant au regard des principes constitutionnels, qu'au regard de l'article 1er du protocole additionnel n° 1 à la CESDH (N° Lexbase : L1625AZ9), qui garantit le droit de propriété, atteinte d'autant plus grave que les fonds provenant de la vente peuvent être appréhendés par la procédure collective, et tout cela alors que, peut-être, l'action qui justifiait les mesures n'aboutira pas, parce que les conditions n'en étaient pas réunies. On pense tout spécialement à l'action en extension de procédure sur le fondement de la confusion des patrimoines. Tous ceux qui "jouent" ne gagent pas...

Les bonnes idées ne font pas nécessairement les bonnes lois, alors même que ces idées seraient communément partagées, comme c'est le cas de la loi du 12 mars 2012, adoptée par les deux assemblées à l'unanimité.

Mais cette réflexion est déjà trop tardive. Contentons-nous de souhaiter qu'il soit fait un usage modéré des opportunités extravagantes qu'offre cette législation (12) !


(1) F. Pérochon, De la mesure dite conservatoire à l'exécution sommaire anticipée, BJE, avril 2012, p. 73 ; Ph. Roussel Galle, La loi Pétroplus : quelques réflexions...avec un peu de recul, Rev. proc. coll., mai 2012, études 16, p. 11 ; G. Teboul, La nouvelle loi sur les mesures conservatoires en matière de procédures collectives : une loi de circonstance ou une loi préventive, LPA, 2 mars 2012, n° 45, p. 8 ; J.-P. Legros, Présentation de la loi n° 2012-346 du 12 mars 2012, Dr. Sociétés, mai 2012, comm. 85 à 88.
(2) Observons immédiatement, à la suite d'un auteur, que l'objectif qui consiste à s'attaquer aux agissements de multinationales risque fort d'achopper lorsque les biens de la personne cible de l'extension ou du dirigeant fautif ou sont hors du territoire français : Ph. Roussel Galle, préc., sp. p. 13, n° 12.
(3) Rapport Ass. nat., F. Guégot, n° 4411, p. 8 ; adde J.-P. Legros, préc., comm. 86 ; Ph. Roussel Galle, préc., sp. p. 13, n° 18.
(4) Comparer, J.-P. Legros, préc., comm. 86.
(5) Ph. Roussel Galle, Mesures conservatoires, confusion des patrimoines et action en responsabilité, DPDE, mars 2012, p. 3.
(6) Rapport Sénat, J.-P. Sueur, n° 448, p. 14 ; Ph. Roussel Galle, La loi Pétroplus : quelques réflexions...avec un peu de recul, préc. note 1, sp. p. 13, n° 15.
(7) Comparer, Ph. Roussel Galle, préc. note 1, sp. p. 13, n° 16.
(8) G. Teboul, préc. note 1.
(9) Rap. Ass. nat., F. Guégot, n° 4411, p. 22.
(10) Ph. Roussel Galle, préc. note 1, sp. p. 14, n° 23.
(11) J.-P. Legros, préc..
(12) Rappr. Ph. Roussel Galle, préc. note 1, sp. p. 14, n° 29.

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Procédures fiscales

[Chronique] Chronique de procédures fiscales - Septembre 2012

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par Thierry Lambert, Professeur à Aix Marseille Université

Le 13 Septembre 2012

Lexbase Hebdo - édition fiscale vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Thierry Lambert, Professeur à Aix Marseille Université, retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures fiscales. Ce mois-ci, notre auteur a choisi de s'arrêter sur trois arrêts rendus par le Conseil d'Etat. Dans le premier arrêt, en date du 27 juin 2012, la Haute juridiction administrative se prononce sur la saisine de l'interlocuteur départemental. En effet, celle-ci ne peut s'opérer par le biais de la lettre de saisine de la commission départementale, comme solution par défaut en cas de rejet de la demande (CE 8° et 3° s-s-r., 27 juin 2012, n° 342736, mentionné aux tables du recueil Lebon). Dans la deuxième décision, rendue le 27 juin 2012, le Conseil d'Etat traite de la date à laquelle l'administration doit se placer pour juger de l'intention du contribuable de frauder l'impôt. Cette date ne peut être postérieure à la déclaration de l'impôt (CE 8° et 3° s-s-r., 27 juin 2012, n° 342991, mentionné aux tables du recueil Lebon). Enfin, dans le troisième arrêt sélectionné, en date du 10 juillet 2012, le Conseil d'Etat refuse de renvoyer au Conseil constitutionnel la question portant sur les nouvelles procédures applicables aux impôts directs recouvrés par voie d'avis de mise en recouvrement et non plus par voie de rôle (CE 9° et 10° s-s-r., 10 juillet 2012, trois arrêts, n° 356749, mentionné aux tables du recueil Lebon, n° 356750 et n° 356751, inédits au recueil Lebon).
  • La lettre dans laquelle le contribuable demande l'avis de la commission départementale et subordonne la saisine de l'interlocuteur départemental à la décision défavorable ou d'incompétence de la commission ne vaut pas saisine de cet interlocuteur (CE 8° et 3° s-s-r., 27 juin 2012, n° 342736, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8821IPE)

Dans cette affaire, la situation est très banale. Dans le cadre d'un examen de situation fiscale personnelle, un couple de contribuables a été interrogé, sur le fondement de l'article L. 16 du LPF (N° Lexbase : L5579G4E), qui permet à l'administration d'adresser des demandes d'éclaircissements ou de justifications sur l'origine et la nature des sommes portées aux crédits de leurs comptes bancaires. Certaines sommes sont restées inexpliquées. En conséquence, celles-ci ont été taxées d'office, en vertu des dispositions de l'article L. 69 du LPF (N° Lexbase : L8559AEQ).

En l'espèce, les contribuables n'apportent pas la preuve que ces sommes inexpliquées correspondent au remboursement de prêts et avances par des tiers ou des proches et que, d'autres sommes étaient des avances consenties par des proches pour financer la caution judiciaire réclamée à l'époux dans le cadre d'une instance pénale. Il est de jurisprudence constante que le contribuable n'apporte pas la preuve des emprunts qu'il a faits s'il ne produit pas les contrats de prêts (CE 3° s-s., 13 juin 1979, n° 13358, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A2672AK8, Droit fiscal, 1980, concl. Fabre, comm. 910). De la même façon, les reconnaissances de dettes qui n'ont pas date certaine sont dépourvues de valeur probante (CE, 23 mai 1984, n° 34502, inédit au recueil Lebon, RJF, 1984, 7, comm. 418). Ne sont pas des justifications probantes, des attestations postérieures à la période des faits et qui ne permettent pas d'admettre la réalité d'un emprunt (CE 7° et 9° s-s-r., 25 mars 1983, n° 33110, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A9031AL3, Droit fiscal, 1984, concl. Léger, comm. 176). En outre, les remboursements auxquels il aurait été procédé postérieurement à l'année d'imposition, à supposer qu'ils soient établis, n'apportent pas, par eux-mêmes, la preuve des prêts allégués.

Lorsque le contribuable s'abstient de répondre ou apporte des réponses qualifiées par l'administration de non probantes, il appartient à cette dernière de réintégrer d'office dans le revenu global les sommes dont l'origine demeure inexpliquée, et qui ne peuvent pas être prises en compte dans une catégorie particulière de revenus ou de bénéfices (CE 7° et 8° s-s-r., 9 octobre 1992, n° 88301, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A7766AR3, RJF, 1992, 12, comm. 1613).

Il résulte des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 10 (N° Lexbase : L4149ICN) et de l'article L. 59 (N° Lexbase : L5471H9I) du LPF que, lorsque subsistent des désaccords entre le contribuable et l'administration sur des rectifications envisagées, le contribuable, s'il s'y croit fondé, peut faire appel à l'interlocuteur départemental, aussi bien avant la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires qu'après que cette commission ait rendu un avis, et ce jusqu'à la date de la mise en recouvrement. En effet, la garantie attachée à la faculté de faire appel à l'interlocuteur départemental ne peut être mise en oeuvre qu'avant la décision d'imposition, c'est-à-dire la date de mise en recouvrement (CE 10° et 9° s-s-r., 30 juin 2010, n° 310294, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6011E3Z, Droit fiscal, 2010, 35, comm. 445, concl. Burguburu). Lorsque la demande d'entretien avec l'interlocuteur départemental, formulée par le contribuable avant la mise en recouvrement du rôle, ne peut être satisfaite que postérieurement à cette date, la procédure d'imposition est irrégulière (CAA Lyon, 7 juin 2000, n° 96LY01141, inédit au recueil Lebon, concl. Millet, BCF, 2000, 11, comm. 127).

Rappelons que le droit pour le contribuable de saisir le supérieur hiérarchique est subordonné à la condition qu'il en fasse expressément la demande. Lorsqu'un contribuable demande à rencontrer l'interlocuteur départemental, l'administration est tenue de donner suite, car la méconnaissance de cette exigence a le caractère d'une irrégularité substantielle (CE 10° et 9° s-s-r., 21 juin 2002, n° 219313, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9684AYC, RJF, 2002, 11, comm. 1138).

Dans la faculté offerte au contribuable de faire des recours, il lui est fait obligation de saisir le supérieur hiérarchique du vérificateur avant l'interlocuteur départemental (CE 9° s-s., 27 octobre 2004, n° 264493, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A5808D7A, RJF, 2005, 1, comm. 50). La démarche n'est pas sans risque, car aucune disposition législative ou réglementaire n'interdit à l'administration, après que le contribuable ait rencontré l'interlocuteur départemental de lui adresser une nouvelle proposition de rectification, à condition toutefois que celle-ci intervienne dans le délai de reprise et que le contribuable ait pu, s'agissant des nouvelles rectifications, bénéficier de l'ensemble des garanties prévues par la loi (CE 3° et 8° s-s-r., 5 janvier 2005, n° 254556, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A2265DGY, RJF, 2005, 3, comm. 213).

En revanche, la demande de saisine de l'interlocuteur départemental par le contribuable n'est nullement conditionnée à ce que la commission ait rendu un avis défavorable au contribuable, ou se soit déclarée incompétente. Après que l'avis ait été rendu par la commission, les contribuables peuvent de nouveau demander à rencontrer l'interlocuteur départemental.

Par conséquent, le Conseil d'Etat a jugé que l'administration n'entache pas d'irrégularité la procédure d'établissement de l'impôt en s'abstenant de donner suite à une telle demande conditionnelle de saisine de l'interlocuteur départemental, qui ne peut être regardée comme régulièrement formée.

  • Majoration de 40 % : l'intention du contribuable doit s'apprécier à la date de la déclaration, son comportement postérieur ne pouvant pas, à lui seul, prouver la mauvaise foi (CE 8° et 3° s-s-r., 27 juin 2012, n° 342991, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0610IQN)

Un contribuable, principal associé de plusieurs sociétés, a fait l'objet d'un examen de situation fiscale personnelle à la suite duquel des rectifications lui ont été notifiées avec application d'une majoration pour mauvaise foi, nous dirions aujourd'hui pour manquement délibéré, prévue à l'article 1729 du CGI (N° Lexbase : L4733ICB), alors applicable. Pour établir ces graves manquements, l'administration s'est fondée, dans la proposition de rectification, comme devant le juge, d'une part, sur l'importance des sommes taxées dans la catégorie des revenus d'origine indéterminée et, d'autre part, sur le fait que le contribuable a refusé de collaborer lors du contrôle, en refusant notamment de communiquer sa nouvelle adresse et en n'essayant pas de justifier l'origine de ses revenus lors des entretiens ayant précédé l'envoi de la proposition de rectification.

L'article 1729 précité a pour seul objectif de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives.

Concernant les manquements délibérés (la mauvaise foi), l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention du contribuable d'éluder l'impôt.

Le caractère délibéré du manquement résulte de l'ensemble des éléments de fait de nature à établir que les erreurs, inexactitudes ou omissions commises par le contribuable n'ont pu l'être de bonne foi. Il s'apprécie en fonction des circonstances propres à chaque affaire. Dès lors qu'il procède à l'accomplissement conscient d'une infraction, le manquement délibéré est suffisamment établi chaque fois que l'administration est en mesure de démontrer que l'intéressé a nécessairement eu connaissance des faits ou des situations qui motivent les rehaussements. Enfin, le caractère délibéré du manquement peut être considéré comme établi chaque fois que le rehaussement porte sur une question de principe ayant déjà fait l'objet, à l'encontre du contribuable, d'une décision administrative non contestée par l'intéressé ou ayant acquis l'autorité de la chose jugée.

La jurisprudence en la matière est abondante.

Par exemple, le manquement délibéré est établi lorsque le contribuable ne pouvait pas ignorer le caractère imposable de sommes importantes qu'il a omis de mentionner dans ses déclarations (CE 3° et 8° s-s-r., 29 juillet 2002, n° 220728, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A0739A47, RJF, 2002, 11, comm. 1303), en l'absence de caractère suivi et probant de la comptabilité et de l'importance des minorations de recettes déclarées (CE 9° et 10° s-s-r., 19 mars 2001, n° 197352, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1561ATY, RJF, 2001, 6, comm. 818), ou encore lorsque en fin d'exercice le contribuable minore systématiquement les soldes des comptes clients par la passation d'écritures d'extourne, suivies de contre-passations du même montant au début de l'exercice suivant (CE 8° s-s., 5 novembre 2003, n° 247309, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0938DAY, RJF, 2004, 1, 86).

En revanche, le Conseil d'Etat a jugé que le manquement délibéré du redevable n'était pas établi s'agissant d'une entreprise nouvellement créée, que ses dirigeants ont regardé à tort comme une entreprise nouvelle, par le seul fait que l'un des gérants de la société créée était également chef des ventes de la société préexistante (CE 9° et 10° s-s-r., 20 octobre 2004, n° 253089, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6288DDA, RJF, 2005, 1, comm. 10). La manquement délibéré ne peut pas non plus être retenu lorsque les irrégularités de la comptabilité ne procèdent pas de l'intention de dissimuler les bases d'imposition (CE 7° et8° s-s-r., 17 juin 1981, n° 13147, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A6687AKU, RJF, 1981, comm. 406).

En outre, pour établir le caractère intentionnel du manquement, l'administration doit se placer au moment de la déclaration ou de la présentation de l'acte comportant l'indication des éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt. Mais, si en plus l'administration se fonde sur des éléments tirés du comportement du contribuable pendant le contrôle, la mention d'un tel motif, qui ne peut en lui-même justifier l'application d'une telle pénalité, ne fait pas obstacle à ce que la mauvaise foi (manquement délibéré) soit regardée comme établie.

En l'espèce, l'importance des sommes qualifiées de revenus d'origine indéterminée ne saurait, à elle seule, caractériser un manquement délibéré. Quant au comportement du contribuable au cours de la vérification, il n'est pas de nature à qualifier l'intention du contribuable au moment où celui-ci souscrit ses déclarations.

Par cet arrêt, le Conseil d'Etat fixe pour principe que le caractère intentionnel, subordonnant l'application de la pénalité pour manquement délibéré, s'apprécie au moment de la déclaration, sans que le seul comportement postérieur du contribuable puisse être déterminant.

L'administration aurait pu, concernant le refus de communiquer le changement d'adresse en cours de vérification, envisager une opposition à contrôle fiscal, sans d'ailleurs être certaine que ce fondement lui soit favorable.

  • QPC : le Conseil d'Etat refuse de renvoyer au Conseil constitutionnel la question portant sur les nouvelles procédures applicables aux impôts directs recouvrés par voie d'avis de mise en recouvrement et non plus par voie de rôle (CE 9° et 10° s-s-r., 10 juillet 2012, trois arrêts, n° 356749, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8431IQC, n° 356750 N° Lexbase : A8432IQD et n° 356751 N° Lexbase : A8433IQE, inédits au recueil Lebon)

Nul ne peut contester que le principe de la question prioritaire de constitutionnalité soit une avancée positive pour les citoyens du point de vue du respect de leurs droits et libertés garantis par la Constitution. Mais la mise en oeuvre de cette procédure et l'usage qui en est fait peuvent être appréciés diversement.

Le Conseil d'Etat, par trois arrêts rendus le même jour, a refusé, comme il en a le droit, de renvoyer au Conseil constitutionnel la question portant sur les nouvelles procédures applicables aux impôts directs recouvrés par voie d'avis de mise en recouvrement et non plus par voie de rôle.

La requérante contestait les articles 21 de loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 (N° Lexbase : L9372A8M) et 37 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 (N° Lexbase : L6330DME). Ces dispositions confiaient aux comptables de la direction générale des impôts le soin de recouvrer l'impôt sur les sociétés et les contributions soumises au même régime, au lieu et place des comptables du Trésor, chargés du recouvrement des impôts directs, sans préciser, à la différence des mentions apportées pour l'imposition forfaitaire annuelle et la taxe sur les salaires, que ces impositions seraient de ce fait recouvrées non plus par voie de rôle mais par avis de mise en recouvrement.

Depuis le 1er novembre 2004 (décret n° 2004-469 du 25 mai 2004 N° Lexbase : L2178DYC), c'est auprès de la recette des impôts, et non plus de la trésorerie, que les entreprises doivent payer l'impôt sur les sociétés et les contributions assimilées (instruction du 26 novembre 2004, BOI 4 A-10-04 N° Lexbase : X4640ACT).

Dans cette affaire, la requérante se pourvoyait en cassation contre un arrêt par lequel la cour administrative d'appel (CAA Versailles, 29 novembre 2011, n° 10VE01208, inédit au recueil Lebon) rejetait sa demande concernant l'impôt sur les sociétés. A cette occasion, elle contestait l'ordonnance par laquelle le président de la cour avait refusé de transmettre une question prioritaire de constitutionalité au Conseil d'Etat. De plus, par un mémoire distinct, elle demandait au Conseil d'Etat de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionalité concernant les mêmes dispositions législatives et les mêmes normes constitutionnelles, mais à l'appui de moyens différents.

Ces trois arrêts sont l'occasion pour le Conseil d'Etat de rappeler un certain nombre des principes concernant le recours à la question prioritaire de constitutionalité.

Le Conseil d'Etat décide que, lorsqu'une cour administrative d'appel a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité, il appartient à l'auteur de cette question de contester ce refus dans un pourvoi en cassation dirigé contre l'arrêt qui statue sur le litige. Ceci doit se faire dans le délai de recours contentieux, par un mémoire distinct et motivé, que le refus de transmission l'ait été par une décision distincte de l'arrêt, dont il joint une copie, ou directement par cet arrêt.

Les Sages du Palais-Royal font valoir que les modalités de recouvrement relatives à l'impôt sur les sociétés et aux contributions soumises au même régime sont suffisamment précisées par les articles législatifs relatifs aux procédures applicables aux impôts recouvrés par les comptables de la direction générale des impôts, notamment par les articles 1668 du CGI (N° Lexbase : L0682IHQ) et L. 256 (N° Lexbase : L1498IP8) et suivants du LPF. Il était inutile que le législateur précise à nouveau les règles et, en conséquence, il n'a pas méconnu l'étendue de sa compétence.

Le Conseil d'Etat rappelle que les dispositions de l'article 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 (N° Lexbase : L0276AI3), qui prévoient que "le moyen tiré de ce qu'une disposition législative porte atteinte aux droits et libertés garanties par la Constitution peut être soulevé, y compris pour la première fois en cassation, à l'occasion d'une instance devant le Conseil d'Etat ou la Cour de cassation", n'ont ni pour objet, ni pour effet de permettre à celui qui a déjà présenté une question prioritaire de constitutionnalité devant une juridiction statuant en dernier ressort de s'affranchir des conditions définies par les articles 23-1 et 23-2 de la loi organique précitée et de l'article R. 771-16 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L5778IG4), selon lesquelles le refus de transmission peut être contesté devant le juge de cassation.

Le Conseil d'Etat par trois fois a rejeté le pourvoi du contribuable, considérant qu'il n'y avait lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution de l'article 21 de la loi n° 2002-1576 du 30 décembre 2002 et de l'article 37 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003.

Aujourd'hui, le recouvrement des impôts est assuré par les agents de la direction générale des finances publiques, issue de la fusion de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique. Qu'il s'agisse d'impôts recouvrés par voie de rôle ou par voie de mise en recouvrement, les poursuites sont engagées, au nom du comptable, par les inspecteurs des finances publiques ou, sur décision du directeur départemental des finances publiques et à titre temporaire, par les contrôleurs des finances publiques.

newsid:433308

Sécurité sociale

[Textes] Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 : fin de la TVA sociale et lutte contre les "niches sociales"

Réf. : Loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 (N° Lexbase : L9357ITQ)

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N3443BTP

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par Christophe Willmann, Professeur à l'Université de Rouen et Directeur scientifique de l'Encyclopédie "Protection sociale"

Le 13 Septembre 2012

La seconde loi de finances rectificatives pour 2012 (loi n° 2012-958 du 16 août 2012 ; circulaire n° DSS/5B/2012/319 du 18 août 2012 N° Lexbase : L0252IUU relative au régime social applicable aux heures supplémentaires et au taux du forfait social résultant de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012) (1) a marqué les esprits par deux mesures phares : en mettant fin au régime des heures supplémentaires mis en place par la loi dite "TEPA" du 21 août 2007 (loi n° 2007-1223, 16 août 2012, art. 3 N° Lexbase : L2417HY8) ; en abrogeant la "TVA sociale", créée quelques mois plus tôt par la loi de finances rectificative 2012 (loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 N° Lexbase : L4518IS7) (loi n° 2012-958, 16 août 2012, art. 1). Mais le réformisme du législateur ne s'est pas arrêté là. D'autres dispositifs s'inscrivant dans le champ du droit du travail, de la protection sociale et des politiques de l'emploi ont été mis en place : ajustement du seuil d'effectif déterminant le bénéfice de la réduction "Fillon" majorée ; extension aux non-résidents des prélèvements sociaux sur les revenus fonciers et plus-values immobilières ; abaissement du seuil d'assujettissement des "parachutes dorés" aux charges sociales sur salaires dès le premier euro (loi n° 2012-958, 16 août 2012, art. 30) ; doublement du taux des contributions patronales des retraites-chapeaux (loi n° 2012-958, 16 août 2012, art. 32) ; relèvement du forfait social (loi n° 2012-958, 16 août 2012, art. 33). Aussi, en présence de tant de dispositifs, il paraît bien délicat de dresser une ligne directrice à l'ensemble de ces mesures (très variées), dont les objets recouvrent un vaste domaine, dont les ressorts, logiques et objectifs sont multiples (politique de l'emploi, lutte contre les exclusions, lutte contre les déficits des comptes publics,...) et enfin, dont les modes opératoires sont, là encore, complexes (le législateur procédant la plupart du temps par suppression ou abrogation de certaines mesures, mais parfois, l'abrogation n'est que partielle, et un ancien dispositif reste en vigueur, mais d'une manière modifiée). De manière simplifiée, ces mesures sont regroupées en deux ensembles, le premier relevant des politiques de l'emploi et le second, des niches sociales. I - Mesures relevant des politiques de l'emploi

Les mesures relevant des politiques de l'emploi contenues dans la seconde LFR 2012 comprennent deux dispositifs : la suppression de la "TVA sociale" (ou, en d'autres termes, le régime du transfert du financement des cotisations patronales de la branche famille vers les consommateurs) ; le régime de la réduction "Fillon" majorée pour les PME.

A - Transfert du financement des cotisations patronales de la branche famille vers les consommateurs ("TVA sociale")

La LFR 2012 (loi n° 2012-354), complétée par le décret n° 2012-664 du 4 mai 2012, relatif aux taux et aux modalités de calcul des cotisations d'allocations familiales et de la réduction générale de cotisations patronales de Sécurité sociale (N° Lexbase : L0206ITS), avait élaboré une "TVA sociale", associant baisse des cotisations d'allocations familiales avec une hausse de la TVA (loi n° 2012-354, art. 2). Les employeurs relevant du champ d'application de la réduction générale de cotisations sociales patronales (allègement "Fillon") auraient dû bénéficier, pour les rémunérations versées à compter du 1er octobre 2012, d'un allégement de charges prenant la forme d'une réduction de la cotisation patronale familiale variant selon des seuils de rémunération, fixés par le décret n° 2012-664 du 4 mai 2012.

Cet allégement de charges patronales devait être financé à la fois par l'impôt, dans la mesure où la TVA (au taux normal de 19,60 %) aurait dû être relevée à 21,20 % ; ainsi que par les prélèvements sociaux, spécialement ceux portant sur les revenus du capital, réévalués de 3,4 % à 5,4 % à partir du 1er octobre 2012.

Ce dispositif a suscité de nombreux débats depuis plus d'une décennie, parmi les économistes (2) et les juristes (3), les institutions chargées de l'emploi ou des comptes publics (Cour des comptes (4), Conseil d'orientation pour l'emploi (5), Conseil des prélèvements obligatoires (6), Observatoire français de la conjoncture économique (7)), les organismes de réflexion et de planification (Conseil d'analyse stratégique, Secrétariat d'Etat chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques (8), Conseil économique, social et environnemental (9),...) et le législateur lui-même (10).

La seconde loi de finance rectificative 2012 abroge ainsi ce nouveau dispositif de TVA sociale, sans d'ailleurs que celui-ci n'ait vu le jour, puisque l'entrée en vigueur était programmée au 1er octobre 2012. Les critiques formulées par le législateur, dans le cadre des travaux parlementaires (11), ne sont pas inédites. Elles reprennent des arguments vus, ici ou là, avancés par les très nombreux travaux et autres études (précités) et peuvent ainsi être résumées : imprécision du ciblage de la mesure (ne profite pas prioritairement aux entreprises industrielles exposées à la concurrence internationale) ; coût et incertitudes quant aux effets bénéfiques sur l'emploi.

B - Réduction "Fillon" majorée pour les PME

La LFR 2012 du 24 mars 2012 modifiait le calcul de la réduction "Fillon" à compter du 1er octobre 2012, dans le prolongement de l'introduction de la "TVA sociale". La LFR 2012 supprimait les cotisations finançant les prestations familiales du champ des cotisations concernées et renvoyait de la loi au décret la fixation des coefficients maximaux de la réduction Fillon. La loi appliquait à la réduction "Fillon" deux principes : un coefficient dégressif en fonction du niveau de rémunération (avec annulation au-delà de 1,6 Smic) ; une valeur maximale de ce coefficient égale à la somme des taux de cotisations patronales dues au titre des assurances sociales pour les gains et rémunérations versés par des employeurs bénéficiant d'un coefficient majoré (28,1 % au lieu de 26 %), c'est-à-dire les entreprises de moins de vingt salariés. En conséquence, la réduction "Fillon" aurait été automatiquement relevée en cas d'augmentation des taux des cotisations patronales concernées.

Cette réforme n'entrera pas en vigueur, en application de la seconde LFR 2012 du 16 août 2012 (12), dans la mesure où le législateur a abrogé le dispositif programmé pour une mise en place le 1er octobre 2012, la TVA sociale : le nouveau régime de la réduction "Fillon", qui n'était que la conséquence logique de l'introduction de la TVA sociale, n'a donc plus de sens.

Mais par exception, l'une de ces modifications, relative à l'ajustement du seuil d'effectif déterminant le bénéfice de la réduction "Fillon" majorée, n'a pas été abrogée par la loi du 16 août 2012. En effet, la loi de finances rectificative du 14 mars 2012 avait modifié le seuil d'effectif pour le bénéfice de la réduction "Fillon" majorée afin d'uniformiser les modalités d'application des seuils d'effectifs en matière de prélèvements sociaux. La première LFR 2012 a défini le champ d'application des entreprises bénéficiant de la réduction majoré, les "employeurs de moins de 20 salariés", au lieu des "employeurs de 20 salariés au plus" (13). La réduction générale ayant été annualisée, ce nouveau seuil s'appliquera à compter du 1er janvier 2013, sur la base de l'effectif annuel de l'année 2012 apprécié au 31 décembre 2012 (circulaire DSS/5B n° 2012-319 du 18 août 2012).

II - Mesures de lutte contre les niches sociales

La seconde LFR 2012 comprend un certain nombre de mesures non destinées à encourager les employeur à embaucher certaines catégories de personnes sans emploi, ou à accompagner les personnes sans emploi et autres bénéficiaires de minima sociaux, au titre des politiques de l'emploi, mais, plus prosaïquement, à soulager les finances publiques (comprenant donc les finances des organismes de Sécurité sociale).

Ces mesures ne sont pas destinées à corriger des dysfonctionnements du marché du travail, mais à produire des transferts financiers au profit des caisses de Sécurité sociale ou au profit des finances publiques. Elles comprennent une extension aux non-résidents des prélèvements sociaux sur les revenus fonciers et plus-values immobilières ; un abaissement du seuil d'assujettissement des "parachutes dorés" aux charges sociales sur salaires dès le premier euro ; un doublement du taux des contributions patronales des retraites-chapeaux ; relèvement du forfait social ; un relèvement des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement ; et enfin, une hausse des contributions salariales et patronales sur les "stock options" et les attributions gratuites d'actions.

A - Extension aux non-résidents des prélèvements sociaux sur les revenus fonciers et plus-values immobilières

- Le dispositif

La loi n° 2012-958 du 16 août 2012 (art. 29 ; CSS, art. L. 136-6 N° Lexbase : L9525ITX, L. 136-7 N° Lexbase : L9526ITY, L. 245-14 N° Lexbase : L9524ITW et L. 245-15 N° Lexbase : L9523ITU ; art. 15 et 16 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 N° Lexbase : L1176ASD) assujettit à la contribution sociale sur les revenus du patrimoine (14), au prélèvement social sur les revenus du patrimoine, à la contribution additionnelle à ce prélèvement social ainsi qu'à la contribution pour le remboursement de la dette sociale les revenus d'immeubles sis en France ou de droits relatifs à ces immeubles perçus à compter du 1er janvier 2012 par les personnes physiques domiciliées hors de France (pour une moyenne de base imposable évaluée à 12 000 euros en moyenne, affectant 60 000 foyers). En outre, il assujettit à la contribution sociale sur les revenus de placement (15), au prélèvement social sur les revenus de placement, à la contribution additionnelle à ce prélèvement social ainsi qu'à la CRDS les plus-values de cession de biens ou droits immobiliers ou de parts de sociétés immobilières perçues par les personnes physiques domiciliées hors de France à compter de la publication de la loi (16).

La loi revient donc sur la solution retenue par la jurisprudence, selon laquelle un contribuable non-résident qui reçoit des revenus d'activité et de remplacement de source française, mais qui cotise au régime de Sécurité sociale du pays dans lequel il réside, ne peut être imposé à la CSG (Cass. soc., 31 mai 2012, n° 11-10.762, FS-P+B N° Lexbase : A5266IMY) (17). Aussi, la CSG et la CRDS s'appliquent aux revenus d'activité et de remplacement de source française et étrangère des seuls contribuables qui sont à la fois considérés comme domiciliés en France et à la charge d'un régime obligatoire français d'assurance maladie au titre de leurs revenus. Mais les personnes non-résidentes, qui relèvent à titre obligatoire d'un régime français d'assurance maladie, sont assujetties à des taux plus élevés de cotisations sociales afin de compenser l'exemption de leurs revenus à l'assiette des contributions sociales.

S'agissant des revenus du capital : ils sont soumis aux prélèvements sociaux, mais la CSG acquittée au titre de ces revenus est déductible à hauteur de 5,8 % de l'impôt sur le revenu ; elle ne s'applique qu'aux seuls contribuables domiciliés en France.

L'objectif poursuivi par ce dispositif est celui du rapprochement des assiettes de l'impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux. Ce rapprochement s'explique par la différence de traitement entre résidents et non-résidents (18). Il faut rappeler que le niveau global en vigueur des prélèvements sociaux sur ces revenus et produits est de 15,5 %, (8,2 % au titre de la CSG, 5,4 % au titre du prélèvement social ; 0,5 % au titre de la CRDS ; 1,1 % au titre de la contribution additionnelle affectée à la CNSA ; 0,3 % au titre de la contribution additionnelle affectée au Fonds national des solidarités actives).

- L'appréciation par le Conseil constitutionnel

Ces mesures ont été contestées devant le Conseil constitutionnel. Par la décision n° 2012-654 DC du 9 août 2012 (N° Lexbase : A4218IRN (19)), il n'a pas retenu ces critiques, selon lesquelles ces dispositions n'auraient pas leur place dans une loi de finances et méconnaîtraient les engagements européens de la France.

Le premier point ne soulevait guère de grandes difficultés. Les contributions sociales sur les revenus du patrimoine et sur les revenus de placement, les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et sur les revenus de placement et la contribution pour le remboursement de la dette sociale sont destinés à assurer le financement des dépenses des régimes obligatoires de Sécurité sociale et des organismes concourant au financement de ces régimes ou à l'amortissement de leur dette. Pour le Conseil constitutionnel, ces contributions ne constituent pas des cotisations ouvrant des droits aux prestations et avantages servis par ces régimes. De même, la contribution additionnelle aux prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et de placement, destinée à financer le fonds national des solidarités actives, ne constitue pas davantage une cotisation ouvrant des droits aux prestations versées par ce fonds. Aussi, les dispositions de l'article 29 de la loi de finances rectificative du 16 août 2012 sont relatives à l'assiette ou au taux d'impositions de toutes natures. Elles ont donc leur place dans la loi de finances rectificative (cons. 57).

Le second moyen, tiré du défaut de compatibilité d'une disposition législative aux engagements internationaux et européens de la France, n'a pas non plus emporté la conviction du Conseil, faute de pouvoir être regardé comme un grief d'inconstitutionnalité. En effet, l'examen d'un tel grief fondé sur les traités ou le droit de l'Union européenne relève de la compétence des juridictions administratives et judiciaires (cons. 58).

B - Abaissement du seuil d'assujettissement des "parachutes dorés" aux charges sociales sur salaires dès le premier euro

Jusqu'à présent, les indemnités versées à l'occasion de la rupture d'un contrat de travail ou de la cessation forcée de fonctions bénéficient d'une exonération de CSG, de CRDS et de cotisations de Sécurité sociale pour la part inférieure des seuils fixés par le code de la Sécurité sociale. Mais les indemnités de rupture du contrat de travail ou de cessation forcée des fonctions de mandataire social et dirigeant de société dont le montant est supérieur à 30 plafonds annuels de la Sécurité sociale (pour 2012, 1 091 160 euros) étaient assujetties aux cotisations sociales (CSS, art. L. 242-1 N° Lexbase : L9528IT3) et à la CSG-CRDS (CSS, art. L. 136-2 N° Lexbase : L9527ITZ) dès le premier euro.

La loi n° 2012-958 du 16 août 2012 (art. 30) modifie le seuil d'assujettissement des "parachutes dorés", ramené à dix plafonds annuels (soit 363 720 euros pour 2012). La mesure étant applicable aux indemnités versées à compter du 1er septembre 2012. L'objectif poursuivi est de réduire les niches sociales (20).

C - Doublement du taux des contributions patronales des retraites-chapeaux (loi n° 2012-958, 16 août 2012, art. 32)

Les régimes de retraite à prestations définies conditionnant les droits à l'achèvement de la carrière du bénéficiaire dans l'entreprise (CSS, art. L. 137-11 N° Lexbase : L9531IT8) sont soumis à une contribution spécifique assise, sur option irrévocable de l'employeur soit sur les rentes versées aux retraités au taux de 16 % ; soit sur le financement (primes versées à l'organisme assureur ou part de la dotation aux provisions) au taux de 12 % ou 24 %, selon le mode de gestion du régime.

La loi n° 2012-958 de finances rectificative (art. 32-l) (21) augmente le taux de la contribution employeur, porté de 16 % à 32 %, pour les rentes versées au titre des retraites liquidées à compter du 1er janvier 2013. Pour les versements réalisés à compter des exercices ouverts après le 31 décembre 2012, le taux de la contribution patronale sera de 24 % en cas de gestion externe ou 48 % en cas de gestion interne.

D - Relèvement du forfait social

La loi du 16 août 2012 (loi n° 2012-958, art. 33) majore sensiblement le taux du forfait social, le faisant passer de 8 % à 20 % (22). Le forfait social soumet à un prélèvement de nature fiscale tous les éléments d'assiette qui sont assujettis à la CSG mais exonérés de cotisations patronales de Sécurité sociale, c'est-à-dire : les sommes versées au titre de l'intéressement, du supplément d'intéressement et de l'intéressement de projet ; les sommes versées au titre de la participation et du supplément de réserve spéciale de participation ; les abondements de l'employeur aux plans d'épargne entreprise et aux plans d'épargne pour la retraite collectifs ; les contributions des employeurs au financement des régimes de retraite supplémentaire (hors régimes de retraites chapeaux, qui sont soumis à une taxe spécifique) et, pour les entreprises de plus de neuf salariés, des prestations complémentaires de prévoyance ; les jetons de présence et rémunérations exceptionnelles de certains dirigeants ; les sommes versées au titre de la prime de partage des profits instituée par la loi de financement rectificative de la Sécurité sociale pour 2011.

Mais ne sont ainsi pas soumises au forfait social : les attributions de stock-options et d'actions gratuites (assujetties à une contribution spécifique) ; les contributions des employeurs aux chèques vacances dans les entreprises de moins de cinquante salariés ; les indemnités versées en cas de rupture du contrat de travail en deçà de certains montants (23).

Initialement fixé à 2 % en 2009, le taux du forfait social est passé à 4 % en 2010, 6 % en 2011 et 8 % en 2012. L'augmentation du taux du forfait social, passant de 8 % à 20 % (presqu'un triplement) est donc d'une ampleur inégalée. Les travaux parlementaires ont montré que ce taux de 20 % correspond à une parité d'effort contributif avec les cotisations patronales portant sur les rémunérations d'activité. Il s'agit également d'assurer la neutralité du choix du mode de rémunération des salariés par l'employeur : verser une rémunération autre que salariale ne sera pas plus avantageux financièrement pour l'employeur que de verser du salaire direct.

Le législateur a donc suivi les suggestions de :

- la Cour des comptes, qui avait proposé (Rapport, septembre 2010, sur l'application des lois de financement de la Sécurité sociale) de porter le taux du forfait social au niveau des taux cumulés des cotisations maladie et famille (soit 19 % environ) ;

- du comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales (24), lequel avait relevé que les exonérations d'impôt sur le revenu et les exemptions de cotisations sociales constituent en grande partie un effet d'aubaine pour les salariés et leurs entreprises, qui peuvent ainsi distribuer des revenus d'activité défiscalisés.

E - Relèvement des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement

L'article 2-II-C de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012 avait prévu une hausse des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine et les produits de placement, lesquels passaient de 3,4 % à 5,4 % (CSS, art. L. 245-16 N° Lexbase : L9552ITX, réd. LFR 2012 n° 2012-354 du 14 mars 2012). La première LFR 2012 avait prévu que cette mesure s'applique :

- aux revenus du patrimoine (mentionnés à l'article L. 136-6 du code précité) perçus à compter du 1er janvier 2012 ;

- aux produits de placement (mentionnés au I de l'article L. 136-7 du même code) payés ou réalisés, selon le cas, à compter du 1er juillet 2012 et à ceux mentionnés au II du même article pour la part de ces produits acquise et constatée à compter du 1er juillet 2012.

La seconde loi de finances rectificative pour 2012 maintient cette augmentation (25) mais modifie le calendrier. La loi n° 2012-958 du 16 août 2012 de finances rectificative pour 2012 (art. 1-VII D) prévoit en effet que le nouveau taux s'applique :

- aux revenus du patrimoine (mentionnés à l'article L. 136-6 du Code de la Sécurité sociale) perçus à compter du 1er janvier 2012 ;

- aux produits de placement (mentionnés au I de l'article L. 136-7 du code susvisé) payés ou réalisés à compter du 1er janvier 2013 et à ceux mentionnés au II du même article pour la part de ces produits acquise et constatée à compter du 1er janvier 2013.

Bref, le changement de calendrier, s'agissant de l'augmentation des prélèvements sociaux, ne porte pas sur les revenus du patrimoine (l'augmentation de 3,4 à 5,4 % est bien fixée au 1er janvier 2012) mais les produits de placement, pour lesquels l'augmentation prenait initialement effet au 1er juillet 2012, en application de la LFR 2012 n° 2012-354 du 14 mars 2012 : finalement, elle prendra effet au 1er janvier 2013, en application de la loi n° 2012-958 du 16 août 2012.

F - Hausse des contributions salariales et patronales sur les "stock options" et les attributions gratuites d'actions

La loi du 16 août 2012 introduit deux modifications au régime des contributions sociales spécifiques sur les gains de levée d'options sur titres ("stock-options") et les gains d'acquisition d'actions gratuites, dont le produit est affecté au financement des régimes obligatoires d'assurance maladie dont relèvent les contribuables qui en bénéficient : le taux de la contribution patronale est porté de 14 % à 30 %, tandis que le celui de la contribution salariale passe de 8 % à 10 % ; les taux dérogatoires de 2,5 % au titre de la contribution salariale et de 10 % au titre de la contribution patronale, applicables aux attributions d'un montant inférieur à la moitié du plafond annuel de la Sécurité sociale, sont supprimés.

L'objectif poursuivi est de réduire l'incitation des employeurs à recourir à ces formes de rémunérations en augmentant sensiblement la rentrée correspondante (26). Le régime fiscal et social, plus favorable que le droit commun pour des raisons d'attractivité fiscale (27), a été critiqué par la Cour des comptes (Rapport annuel, 2007), qui chiffrait à plus de trois milliards d'euros la perte d'assiette au titre des seules "stock- options" et pointait la très forte concentration.

Le taux de la contribution patronale, fixé à 10 % lors de l'introduction du dispositif en loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) pour 2008, a été porté à 14 % par la réforme votée en LFSS pour 2011. Le taux de la contribution salariale est passé de 2,5 % en application de la LFSS pour 2008 à 8 % en application de la LFSS pour 2011 (28).

La loi du 16 août 2012 modifie le taux de la contribution salariale, augmentant de 20 % (soit de 8 % à 10 %), alors que la contribution patronale augmente de plus de moitié (soit de 14 % à 30 %). Le législateur a poursuivi deux objectifs : un objectif de rendement au travers de la majoration des taux de contribution et de la suppression du maintien, décidé en LFSS pour 2011, des taux initiaux des contributions pour les gains d'acquisitions ou les montants d'attribution inférieurs à la moitié du plafond annuel de la Sécurité sociale ; un objectifd'encadrement des très hautes rémunérations : la forte majoration du taux de la contribution patronale tend à influer négativement sur les décisions d'attribution de ces compléments de rémunération par le biais de la réduction de l'écart entre le taux de la contribution et celui des cotisations patronales, sans toutefois remettre en cause le principe d'une contribution plus favorable que le droit commun. L'augmentation de la contribution patronale s'appliquera aux "stock-options" attribuées à compter du 1er septembre 2012 ; l'augmentation de la contribution salariale s'appliquera aux actions attribuées à compter du 16 octobre 2007 et cédées postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi.


(1) C. Eckert, Rapport, Assemblée nationale n° 79, 12 juillet 2012, p. 80 ; D. Robiliard, Avis, Assemblée nationale n° 77, 11 juillet 2012, p. 9 ; F. Marc, Rapport, Sénat n° 689 (2011-2012), tome 1, 23 juillet 2012, p. 70 ; Y. Daudigny, Avis, Sénat n° 691 (2011-2012), 23 juillet 2012, p. 8 et s., p. 21 et s. ; V. nos obs., Régime d'exonération sociale et fiscale des heures supplémentaires : abrogation pour les aides salariales mais maintien pour les aides patronales (loi n° 2012-958 du 16 août 2012), Lexbase Hebdo n° 496 du 6 septembre 2012 - édition sociale (N° Lexbase : N3362BTP) ; LSQ, n° 165, 3 septembre 2012 et n° 170 du 10 septembre 2012 ; SSL, n° 1548, du 27 août 2012.
(2) J. Bichot, Réformer ou ravauder : le cas de la TVA sociale, Dr. soc., 2012, p. 558 ; S. Gauthier (ENSAE, CREST), Un exercice de TVA sociale, 9 janvier 2008 (cité par G. Carrez, Rapport, Assemblée nationale, n° 4339, p. 35) ; A. Bernard et M. Vielle, Evaluation de la TVA sociale et de politiques fiscales avec un modèle d'équilibre général calculable, Rapport n° 004802-01 du Conseil général des Ponts et chaussées, juin 2006 (cité par G. Carrez, Rapport, Assemblée nationale, n° 4339, préc., p. 35 et Y. Bur, Avis, Assemblée nationale, n° 4338, 8 février 2012, p. 12) ; M. Didier et M. Martinez, Contribution au Conseil d'analyse économique sur le basculement des cotisations patronales, Dr. soc., 2012, p. 564 ; H. Sterdyniak et P. Villa, Pour une réforme du financement de la Sécurité sociale, Revue de l'OFCE, n° 67, octobre 1998 ; G. Saint-Paul, Les enjeux du financement de la protection sociale, Dr. soc., 2012, p. 555.
(3) R. Pellet, Fiscalité sociale : les contradictions des syndicats de salariés, Dr. soc., 2012, p. 555 ; C. W., LFR 2012, la loi-débat, Dr. soc., 2012, p. 551 et La "TVA sociale", entre politique de l'emploi et politique industrielle, Dr. soc., 2012, p. 580.
(4) Cour des comptes, Les exonérations des charges sociales en faveur des territoires et des secteurs d'activité, Communication à la Commission des finances, de l'économie générale et du Plan de l'Assemblée nationale, dans Y. Bur, Vers une révision générale des exonérations de cotisations sociales, Mission d'information commune, Rapport d'information n° 1001, Assemblée nationale, 25 juin 2008 ; Les exonérations des charges sociales en faveur des peu qualifiés, Communication à la Commission des finances, de l'économie générale et du Plan de l'Assemblée nationale, dans P. Méhaignerie, Rapport d'information n° 3335, Assemblée nationale, 21 septembre 2006 ; Cour des comptes, L'intégration dans un barème des taux de cotisations patronales et des exonérations bas salaires et sur les heures supplémentaires, Communication à la Commission des finances, de l'économie générale et du Plan de l'Assemblée nationale, dans P. Méhaignerie, La barémisation des exonérations de cotisations sociales, Rapport d'information n° 1002, Commission des affaires culturelles, juillet 2008, Assemblée nationale, 25 juin 2008.
(5) Conseil d'orientation pour l'emploi, Rapport au premier ministre relatif aux aides publiques, 8 février 2006 ; Y. Benard, J.-B. Nicolas et B. Delpal, Rapport du groupe de travail sur l'élargissement de l'assiette des cotisations employeurs de Sécurité sociale, Conseil d'orientation pour l'emploi, 2006.
(6) Conseil des prélèvements obligatoires, Entreprises et niches fiscales et sociales, octobre 2010.
(7) OFCE, Les notes, n° 23, 26 juillet 2012 ; LSQ, n° 16158, 8 août 2012.
(8) E. Besson, TVA sociale, Rapport du secrétaire d'Etat auprès du Premier ministre, chargé de la prospective et de l'évaluation des politiques publiques, septembre 2007.
(9) A. Duthilleul, Conseil économique et social, coll. Avis et rapports, 2007.
(10) J. Artuis, TVA sociale : comment redonner de la compétitivité à l'économie française, Actes des tables rondes du 14 mars 2007, Les rapports du Sénat, n° 283, Sénat 2006/2007 ; Mondialisation, la France à contre-emploi, Calmann-Lévy, 2007 ; L'incidence économique et fiscale des délocalisations hors du territoire national des activités industrielles et de service, Rapport, Sénat, n° 337 (1992-1993), 4 juin 1993 ; Délocalisations : rompre avec les modalités pour sauver le modèle français, Rapport, Sénat n° 416 (2004-2005), 22 juin 2005 ; Y. Bur, Vers une révision générale des exonérations de cotisations sociales, Mission d'information commune, Rapport d'information n° 1001, Assemblée nationale, 25 juin 2008 ; P. Marini, Débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution : pour une fiscalité plus compétitive, Rapport, Sénat, n° 52 (2004-2005), 3 novembre 2004 ; Quels prélèvements obligatoires pour quels besoins collectifs ?, Rapport, Sénat, n° 41 (2006-2007), 25 octobre 2006 ; Quels changements d'assiette pour les prélèvements fiscaux et sociaux ?, Rapport d'information, Sénat, n° 60 (2007-2008), 25 octobre 2007 ; A. Vasselle, Finances sociales : arrêté de péril, Commission des affaires sociales, n° 544, Sénat 2008/2009 ; Prélèvements sociaux : les limites de l'attentisme, Commission des affaires sociales, n° 53, Sénat 2009/2010 ; Protection sociale : trouver la ressource juste, promouvoir les bons usages, Rapport d'information Sénat, n° 66 (2007-2008), 31 octobre 2007 ; Finances sociales : après la rechute, la guérison, Rapport d'information Sénat, n° 403 (2006-2007), 19 juillet 2007.
(11) C. Eckert, Rapport, Assemblée nationale, n° 79, préc., p. 47 ; D. Robiliard, Avis, Assemblée nationale, n° 77, préc., p. 27.
(12) LSQ, n° 16173, du 4 septembre 2012.
(13) L'article 37 de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives (N° Lexbase : L5099ISN) a modifié l'article L. 241-18 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9509ITD) : alors que la majoration de la déduction était jusqu'alors possible dans les entreprises employant "au plus 20 salariés", elle ne l'est désormais plus que dans celles qui emploient "moins de 20 salariés". Les entreprises de 20 salariés sont désormais exclues du bénéfice de la majoration (C. Eckert, Rapport, Assemblée nationale, n° 79, préc., p. 91).
(14) Enumérés à l'article L. 136-6 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9525ITX), ils comprennent les revenus fonciers (revenus des propriétés bâties et non bâties, revenus des locations meublées non professionnelles), les rentes viagères à titre onéreux (uniquement pour une fraction de leur montant), les revenus des capitaux mobiliers ne faisant pas l'objet du prélèvement forfaitaire libératoire de l'impôt sur le revenu, les plus-values professionnelles à long terme des personnes percevant des bénéfices industriels ou commerciaux, bénéfices non commerciaux ou bénéfices agricoles, les gains réalisés lors de la cession de valeurs mobilières et les revenus de l'épargne salariale. Ces revenus sont déclarés par le contribuable sur sa déclaration de revenu et imposés au barème l'année suivant celle de leur perception.
(15) Définis aux I et II de l'article L. 136-7 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L9526ITY), ils comprennent les plus-values immobilières et sur biens meubles (CGI, art. 150 U N° Lexbase : L5179IRA à 150 UC N° Lexbase : L5718IR9), les produits soumis au prélèvement forfaitaire libératoire de l'impôt sur le revenu, les produits des bons ou contrats de capitalisation et d'assurance-vie, quel que soit leur régime d'imposition à l'impôt sur le revenu, les gains réalisés ou les rentes viagères versées en cas de retrait ou de clôture des PEA (plans d'épargne en actions), les produits, rentes viagères et primes d'épargne des plans d'épargne populaire, ainsi que les intérêts et primes d'épargne versés aux titulaires de comptes d'épargne logement et de plans d'épargne logement. Les revenus de placement taxés par des prélèvements à la source.
(16) C. Eckert, Rapport, Assemblée nationale, n° 79, préc., p. 305 ; D. Robiliard, Avis, Assemblée nationale, n° 77, préc., p. 37 ; F. Marc, Rapport, Sénat, n° 689 (2011-2012), tome 1, préc., p. 249 ; Y. Daudigny, Avis, Sénat, n° 691 (2011-2012), préc., p. 26.
(17) Si la contribution sociale généralisée entre dans la catégorie des "impositions de toute nature" au sens de l'article 34 de la Constitution (N° Lexbase : L1294A9S), dont il appartient dès lors au législateur de fixer les règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement, cette contribution revêt également, du fait de son affectation exclusive au financement de divers régimes de Sécurité sociale, la nature d'une cotisation sociale au sens de l'article 13 du Règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971 (N° Lexbase : L4256AU8).
(18) C. Eckert, Rapport, Assemblée nationale, n° 79, préc., p. 305. Les différences de traitement des contribuables non-résidents par rapport aux contribuables résidents se justifient par le fait que l'assiette de leurs revenus imposables en France n'est pas représentative du montant de leur revenu mondial imposable et conduirait à une imposition décorrélée de leurs capacités contributives en l'absence de dispositions particulières ; les procédures de recouvrement doivent être sécurisées, notamment dans le cas où le contribuable est domicilié dans un État ou un territoire non coopératif dans le domaine fiscal.
(19) LSQ, n° 16161, du 16 août 2012.
(20) Y. Daudigny, Avis, Sénat, n° 691 (2011-2012), préc., p. 29 ; V. aussi LSQ, n° 170, du 10 septembre 2012.
(21) Les contributions sur les retraites "chapeaux ", LSQ, n° 159, du 24 août 2012. A relever que les travaux parlementaires (préc.) ne traitent pas de cette question.
(22) C. Eckert, Rapport, Assemblée nationale, n° 79, préc., p. 327 ; D. Robiliard, Avis, Assemblée nationale, n° 77, préc., p. 42 ; Y. Daudigny, Avis, Sénat, n° 691 (2011-2012), préc., p. 33 ; F. Marc, Rapport, Sénat, n° 689 (2011-2012), tome 1, préc., p. 273.
(23) Enfin, certains éléments de rémunération sont exonérés à la fois de cotisations sociales, de CSG et donc de forfait social : les titres restaurant, les chèques vacances dans les entreprises de plus de cinquante salariés, du CESU préfinancé et des avantages versés par les comités d'entreprise.
(24) Comité d'évaluation des dépenses fiscales et des niches sociales, Président H. Guillaume, Rapport, juin 2011, p. 63.
(25) C. Eckert, Rapport, Assemblée nationale, n° 79, préc., p. 65.
(26) C. Eckert, Rapport, Assemblée nationale, n° 79, préc., p. 318 ; D. Robiliard, Avis, Assemblée nationale, n° 77, préc., p. 40 ; Y. Daudigny, Avis, Sénat, n° 691 (2011-2012), préc., p. 30 ; F. Marc, Rapport, Sénat, n° 689 (2011-2012), tome 1, préc., p. 262.
(27) Les contributions ne s'appliquent que si les bénéficiaires de "stock-options" ou d'actions gratuites relèvent d'un régime obligatoire français d'assurance maladie au jour de la cession des titres (qui constitue le fait générateur de la contribution) et donc, que les rémunérations qu'ils perçoivent donnent lieu à un versement de cotisations sociales.
(28) Cette contribution s'ajoute à l'impôt sur le revenu applicable aux plus- values de cession de valeurs mobilières (au taux proportionnel de 19 % pour les cessions réalisées à compter du 1er janvier 2011) et aux prélèvements sociaux dus sur les revenus de placement, soit 8,2 % au titre de la CSG, 0,5 % au titre de la CRDS, 5,4 % au titre du prélèvement social, 1,1 % au titre de la contribution additionnelle RSA et 0,3 % de contribution additionnelle "solidarité-autonomie", soit un total de 15,5 % à compter du 1er juillet 2012 (en application de l'article 2 de la loi n° 2012-354 du 14 mars 2012 de finances rectificative pour 2012). Le niveau global d'imposition fiscale et sociale atteint donc pour les contribuables concernés 42,5 %.

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