Le Quotidien du 4 mai 2021

Le Quotidien

Actualité judiciaire

[Portrait] Assigné à résidence depuis 13 ans, Kamel Daoudi a le sentiment de vivre « un jour sans fin »

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N7386BY9

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par Vincent Vantighem, Grand Reporter à 20 Minutes

Le 19 Mai 2021

Edit, le 19 mai 2021 à 13 heures : le 12 mai 2021, la cour d’appel de Riom a condamné Kamel Daoudi à 4 mois de prison ferme pour avoir contrevenu aux termes de son assignation.

 

Il avait commencé par l’Amérique du Sud : Brésil, Argentine, Chili... Et puis, avait élargi le champ des recherches au Qatar et à l’Afrique du Sud. Poussé jusqu’au Japon, même. Mais aucun de ces pays n’était prêt à lui accorder l’asile. La plupart n’ont même pas répondu à ses courriers. Y croyait-il seulement ? Kamel Daoudi a abandonné l’idée, de toute façon. Et il s’est résigné à devoir se contenter de noms moins exotiques. Mais plus bucoliques, assurément. Du genre à illustrer le guide des villages les plus pittoresques de France. Aubusson dans la Creuse. Longeau-Percey dans la Haute-Marne. Fayl-Billot, dans le même département, mais un peu plus à l’Est. Lacaune puis Carmaux dans le Tarn. Saint-Jean-d’Angély et son musée des Cordeliers en Charente-Maritime. Et enfin Aurillac dans le Cantal.

Jusqu’à la prochaine destination... Comme les précédentes, il ne la choisira pas lui-même. Et comme les précédentes, il n’aura pas vraiment le temps de s’y intéresser avant de partir. « À chaque fois, on me donne une demi-heure pour rassembler mes affaires, raconte-t-il. La dernière fois, j’étais parti chercher du pain en vélo. Et j’ai été accueilli par le Raid [le groupe d’élite d’intervention de la police nationale]. Heureusement que ma femme a pu apporter ma valise sinon je serais parti avec mon vélo et les habits que je portais... »

Cela fait maintenant plus de treize ans que Kamel Daoudi est assigné à résidence. Ballotté de bourgade en bourgade par les autorités en raison de sa prétendue dangerosité. À devoir pointer deux fois par jour – quatre fois à certains endroits – à la gendarmerie du secteur pour prouver qu’il n’est pas en cavale ou en train de préparer un attentat. Car le nom de Kamel Daoudi, 46 ans aujourd’hui, reste associé à celui d’Al-Qaïda.

Ubu Roi de Jarry, le Procès de Kafka et Un jour sans fin

Mis à la porte par son père en 1995, ce colosse à la voix grave a, à ce moment-là, plongé à deux pieds dans la religion, tendance islam radical. Du genre à proposer des stages de maniement de kalachnikov dans les camps d’Afghanistan. Le 25 septembre 2001, il est interpellé à Londres. De l’autre côté de l’Atlantique, les tours jumelles viennent d’être mises par terre. Et les cendres fument encore. Accusé d’être l’informaticien d’une cellule visant l’ambassade des États-Unis en France, il est alors condamné, à Paris, à neuf ans de réclusion pour « association de malfaiteurs terroriste ». Une peine ramenée à six ans de prison en appel. Mais au surplus, Kamel Daoudi est déchu de sa nationalité française et visé par ce qu’on appelle « une IDTF » dans le jargon administratif. Une « interdiction définitive du territoire français ».

Sitôt sorti de prison, le 21 avril 2008, Kamel Daoudi aurait donc dû s’envoler pour l’Algérie, sans espoir de retour. Mais la Cour européenne des droits de l’Homme s’oppose au voyage, arguant du « risque » qu’il y aurait pour lui à retourner sur sa terre natale, pas vraiment encline à soigner les anciens terroristes islamistes. En un instant, Kamel Daoudi se retrouve donc dans une situation impossible. Indésirable en France mais inexpulsable en même temps. « Ma vie au carrefour d’Ubu Roi d’Alfred  Jarry et du Procès de Franz Kafka », décrit-il sur son profil Twitter.

Au téléphone, il ajoute une autre référence : Un jour sans fin, le film d’Harold Ramis dans lequel Bill Murray revit perpétuellement la même journée sans pouvoir sortir de la boucle « J’ai l’impression d’être en mode pause, résume-t-il. La routine finit par m’enterrer... » Car Kamel Daoudi ne doit pas seulement pointer au commissariat d’Aurillac deux fois par jour, à 10 heures et à 17 heures. Il ne peut pas travailler. Ni rejoindre sa femme et ses enfants, restés à Carmaux dans le Tarn. Et il doit se plier à un couvre-feu.

Il conteste aussi les arrêtés d’assignation à résidence

Mais après 14 000 pointages, selon le décompte effectué par ses avocats, Kamel Daoudi a voulu lâcher un peu la bride. Et fin septembre, à Aurillac, il a été interpellé dans un café alternatif, peu après 21h, alors qu’il était en train de préparer des repas. Condamné à un an de prison ferme en première instance pour cela, il attend désormais la décision de la Cour d’appel de Riom qui sera connue le 12 mai. Le ministère public a requis la confirmation de la peine.

« Le problème n’est pas vraiment de savoir si je suis encore condamné. Mais plutôt les termes de mon assignation qui me valent de risquer d’être condamné et perpétuellement surveillé, résume-t-il. Je ne peux rien faire. On me sort toujours trois fameuses notes blanches selon lesquelles je suis et demeure une menace... ».

Non datées, non sourcées, ces notes blanches sont des documents émanant des services de renseignement et qui justifient, selon les autorités, l’assignation de Kamel Daoudi. On y trouve par exemple les propos ambigus tenus par sa fille dans son école ou encore les menaces que l’intéressé aurait proférées à l’encontre du personnel de la mairie de Carmaux. « Mais tout cela a été monté en épingle et remonte à plusieurs années en arrière, se désole-t-il. Je ne suis plus là-dedans, mais tout le monde pense que je cache bien mon jeu, que je suis peut-être en train de préparer un attentat... ».

Mais Kamel Daoudi sait bien que l’on ne peut pas prouver ce dont on n’est pas coupable. Et le voilà qui cite le théorème mathématique de Fermat pour expliciter son désarroi. Comme il ne s’agissait pas de trouver un résultat, mais de démontrer qu’il était impossible de trouver des nombres entiers pour solutionner une équation particulière, il a fallu plus de trois siècles pour le résoudre…

Se rendant compte de la complexité du parallèle, il assure que c’est bien la preuve qu’il n’a pas le profil type du terroriste. « Mais je continue de payer pour un petit moment flottant dans ma réflexion ». Et il sait bien que, depuis 2015, la menace terroriste qui pèse sur la France ne joue pas en sa faveur. Le 28 janvier, le tribunal administratif de Paris a rejeté sa requête en annulation des trois arrêtés d’assignation à résidence. Il a fait appel de la décision sans vraiment y croire. « Je commence à être fatigué de tout cela en fait... ».

newsid:477386

Construction

[Brèves] Garantie de parfait achèvement : la notification écrite des désordres à l’entrepreneur est une condition nécessaire et préalable à la saisine du juge

Réf. : Cass. civ. 3, 15 avril 2021, n° 19-25.748, FS-P (N° Lexbase : A80724PN)

Lecture: 4 min

N7331BY8

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 03 Mai 2021

► L’article 1792-6 du Code civil implique la dénonciation des désordres à l’entrepreneur dans le délai d’un an à compter de la réception ;
Une assignation, même délivrée avant l’expiration du délai d’un an, ne peut suppléer une absence de notification.

La garantie de parfait achèvement est mal connue et trop peu utilisée. Elle apparaît pourtant comme une arme redoutable dès lors qu’elle permet, dans l’année qui suit la réception de l’ouvrage ou de l’élément d’équipement, de demander à l’entrepreneur de réparer tous les désordres, vices, dommages ou défauts de conformités de quelques natures qu’ils soient, cachés ou apparents à la réception, graves ou minimes et même esthétiques. Faute d’y procéder, l’entrepreneur encourt, supplémentairement, le risque que les désordres soient réparés par un tiers, à ses frais et risques.

L’article 1792-6 du Code civil (N° Lexbase : L1926ABX), qui fixe dans le détail les conditions et le régime de la garantie de parfait achèvement, pose, toutefois, certaines conditions, dont la nécessité de notifier à l’entrepreneur les désordres et de lui en demander réparation. Cet article précise, en effet, que les désordres réparables sont ceux signalés par le maître d’ouvrage par voie de notification écrite. Cette notification prend concrètement la forme d’une lettre de mise en demeure.

Alors que tout semble favoriser la réparation des désordres dans le cadre de la garantie de parfait achèvement, à la faveur d’un maître d’ouvrage qui a droit à un ouvrage conforme, au parachèvement de son ouvrage, la jurisprudence interprète, strictement, la condition de notification écrite. Pour exemple, la notification d’un procès-verbal de réception assorti de réserves, même faite dans le délai d’un an, ne peut être considérée comme interruptive du délai de la garantie de parfait achèvement (Cass. civ. 3, 6 mai 1998, n° 96-18.038 N° Lexbase : A2802ACR). Il en va de même des désordres apparus après la réception qui doivent également faire l’objet d’une action en justice dans l’année suivant la réception (Cass. civ. 3, 15 janvier 1997, n° 95-10.097 N° Lexbase : A0240ACU). La réclamation faite auprès de l’entreprise n’est, pas davantage, considérée comme une notification (Cass. civ. 3, 18 décembre 2001, n° 00-15.481, inédit au bulletin N° Lexbase : A6917AXH).

L’arrêt rapporté s’inscrit dans cette lignée de jurisprudences. En l’espèce, un maître d’ouvrage vendeur en l’état futur d’achèvement fait procéder à la réhabilitation d’un immeuble. La réception est prononcée le 6 novembre 2014. Le 14 avril 2015, des accédants à la propriété assignent le promoteur, lequel appelle en garantie les constructeurs et leurs assureurs. La cour d’appel de Versailles, dans un arrêt du 17 octobre 2019 (CA Versailles, 17 octobre 2019, n° 18/03115 N° Lexbase : A4567ZRL), rejette les demandes du promoteur à l’encontre de l’entreprise sur le fondement de la garantie de parfait achèvement. Les juges du fond considèrent qu’aucune des pièces produites ne peut s’analyser comme une notification qui a pour objet de mettre l’entrepreneur en demeure d’intervenir pour remédier au désordre réserve et se distingue donc de l’assignation.

Le promoteur forme un pourvoi, donc le moyen rapporté à la garantie de parfait achèvement est rejeté. Il considère que l’assignation vaut notification à son destinataire des prestations qui y sont formulées.

Le moyen est habile. L’assignation est interruptive du délai de la garantie de parfait achèvement et semble bien plus contraignante qu’une lettre de mise en demeure.

La Haute juridiction procède, néanmoins, à une lecture exégétique de l’article 1792-6. La notification des désordres est un préalable à l’assignation. Lorsque les désordres surviennent en fin de délai, le maître d’ouvrage aura intérêt à se dépêcher, doublement.

newsid:477331

Discrimination

[Brèves] Discrimination en raison du sexe dans le cadre d’un dispositif de préretraite mis en place par un PSE

Réf. : Cass. soc., 14 avril 2021, n° 19-14.700, FS-P (N° Lexbase : A81164PB)

Lecture: 4 min

N7354BYZ

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par Charlotte Moronval

Le 03 Mai 2021

► Le dispositif de préretraite mis en place par le PSE, prévoyant que ce dispositif cesse d’être applicable dès que ses bénéficiaires remplissent les conditions légales pour bénéficier d’une retraite à taux plein, la date à laquelle un salarié peut bénéficier d’une retraite à taux plein mettant un terme au maintien dans la structure de préretraite et au service par l’employeur de la rente mensuelle correspondante doit être déterminée conformément aux dispositions du Code de la Sécurité sociale, en prenant en compte les majorations légales de durée d’assurance pour enfant ; ce dispositif, apparemment neutre, est susceptible d’entraîner, à raison du sexe, un désavantage pour les salariés de sexe féminin, du fait de la naissance et de l’éducation des enfants, dès lors que celles-ci, qui atteignent plus rapidement l’âge auquel le bénéfice d’une retraite à taux plein est attribué, sont plus souvent conduites à une sortie anticipée du dispositif de préretraite ;

En l’espèce, le dispositif de préretraite instauré par le PSE est justifié par un but légitime étranger à toute discrimination en raison du sexe en ce que les prestations de préretraite, ayant pour fonction de remplacer le revenu procuré par l’activité professionnelle dans l’attente de l’âge auquel le salarié est en droit de prétendre à une retraite à taux plein, cessent d’être versées à cette date objective, la pension de retraite étant servie au terme du versement des prestations de préretraite.

Faits et procédure. Dans le cadre d’un PSE au sein d’une société, il a été prévu un dispositif de départ volontaire en préretraite, permettant aux salariés devant quitter leurs fonctions entre le 1er juillet 2007 et le 31 décembre 2008, en y adhérant, de percevoir une indemnité spéciale de départ en préretraite et, pendant toute la durée de leur préretraite, un revenu de remplacement sous forme de rente mensuelle correspondant à un certain pourcentage de leur rémunération mensuelle brute. Ce versement était garanti jusqu’à l’âge auquel les bénéficiaires peuvent prétendre à la retraite à taux plein et dans la limite de cinq ans.

Une salariée de la société a adhéré à ce dispositif le 12 septembre 2007. Son contrat de travail a pris fin le 30 septembre 2008 et sa prise en charge au titre du dispositif de préretraite a cessé au 30 avril 2011. Estimant être victime d’une discrimination à raison de son sexe et de sa situation de famille par l’application du dispositif de préretraite faite à son égard par la société ayant imposé la prise en compte des trimestres acquis au titre de la majoration de la durée d’assurance en raison de ses trois enfants, alors qu’elle aurait dû bénéficier du dispositif de préretraite jusqu’au 30 juin 2013, date de la retraite à taux plein, la salariée a saisi la juridiction prud’homale aux fins de paiement par l’employeur de diverses sommes.

Pour condamner l’employeur au paiement d’une indemnité au titre de la discrimination, la cour d’appel (CA Paris, Pôle 6, 3ème ch., 12 février 2019, n° 17/02708 N° Lexbase : A7569YWA) retient qu’en imposant les modalités de calcul des droits de la salariée au regard du statut de celle-ci de mère de famille ayant des enfants à charge alors que cette condition ne figurait pas dans le dispositif de préretraite du PSE, l’employeur qui ne justifie pas que sa décision soit justifiée par un élément objectif étranger à toute discrimination a eu une attitude discriminatoire à l’égard de la salariée.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale casse et annule l’arrêt rendu par la cour d’appel.

En statuant ainsi, la cour d’appel a violé l’article L. 1132-1 du Code du travail (N° Lexbase : L4889LXD) et les articles 2.1, b), et 5 de la Directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006, relative à la mise en oeuvre du principe d’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (N° Lexbase : L4210HK7).

newsid:477354

Électoral

[Brèves] Illégalité de la circulaire d’une liste comportant une photographie des candidats surplombés de drapeaux français

Réf. : CE 1° et 4° ch.-r., 14 avril 2021, n° 446633, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A35434PW)

Lecture: 1 min

N7320BYR

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par Yann Le Foll

Le 03 Mai 2021

► Est illégale une circulaire d'une liste candidate aux élections municipales comportant une photographie des candidats surplombés de drapeaux français. 

Faits. Était en cause une circulaire d'une liste candidate aux élections municipales comportant une photographie de l'ensemble des candidats de cette liste posant devant l'entrée de la mairie, surplombés des deux drapeaux français fixés par un porte-drapeau sous forme d'écusson tricolore apposé sur la façade.

Interdiction de l'utilisation de l'emblème national. L'insertion de cette photographie dans une circulaire à caractère électoral caractérise une utilisation de l'emblème national prohibée par l'article R. 27 du Code électoral (N° Lexbase : L2920LUP), dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1494 du 27 décembre 2019 (N° Lexbase : L2127LUC) (voir dans l'état ancien du texte, Cons. const., décision n° 2017-5145 AN, du 8 décembre 2017 N° Lexbase : A6832W4S).

Conséquence. Eu égard au faible écart constaté au premier tour du scrutin entre le nombre de voix recueillies par les candidats proclamés élus, qui ont obtenu entre 91 voix et, pour le dernier, 83 voix, chiffre correspondant à celui de la majorité absolue des suffrages exprimés, et les deux premiers candidats non élus, dont l'un appartenait à l'autre liste candidate, cette irrégularité a été de nature, en l'espèce, à altérer la sincérité du scrutin (CE, 7 juillet 2009, n° 322725 N° Lexbase : A5666EIP). Les opérations électorales des deux tours sont donc annulées.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les dispositions relatives à la période précédant le scrutin, La propagande, in Droit électoral, (dir. G. Prunier), Lexbase (N° Lexbase : E8119ZBC).

newsid:477320

Environnement

[Brèves] Dérogation à l’interdiction de destruction des espèces protégées : précisions relatives au rôle subséquent du préfet quant à l’imposition d’éventuelles prescriptions complémentaires

Réf. : CE 5° et 6° ch.-r., 28 avril 2021, n° 440734, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A61184QN)

Lecture: 4 min

N7385BY8

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par Yann Le Foll

Le 19 Mai 2021

► L’annulation d’une dérogation à l’interdiction de destruction d’espèces protégées n’empêche pas le préfet, quand bien même le site ne comporterait plus d'espèces protégées, dans l'attente que l'autorisation environnementale soit, le cas échéant, complétée, d’édicter des mesures conservatoires, afin de tenir compte notamment des atteintes portées aux espèces protégées sur le fondement de la dérogation illégale, et en suspendant le fonctionnement de l'installation en cause.

Faits. La SAS Maillard a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Besançon d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3057ALS), la suspension de l'exécution de l'arrêté du 4 octobre 2019 par lequel le préfet du Doubs a prononcé à son encontre, d'une part, une mise en demeure de régulariser sa situation administrative et, d'autre part, la suspension immédiate du fonctionnement de la carrière qu'elle exploite.

Par une ordonnance n° 1901737 du 31 octobre 2019, le juge des référés du tribunal administratif de Besançon a suspendu l'exécution de cet arrêté en tant qu'il porte sur la partie sud du site de la Craie correspondant à la « phase 1 » du projet d'exploitation de la carrière.

Position de la SAS. À la suite de l'annulation, par le jugement du tribunal administratif du 4 juillet 2019, de la dérogation au régime de protection des espèces dont elle bénéficiait pour l'exploitation de la carrière en litige, au motif que le projet ne répondait pas à une raison impérative d’intérêt public majeur au sens de l’article L. 411-2 du Code de l’environnement (N° Lexbase : L3057ALS) (sur cette notion, voir CE 5° et 6° ch.-r., 3 juin 2020, n° 425395, 425399, 425425, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A70183MU), la société a fait valoir que l'exploitation de la partie sud du site, sur 4,5 hectares, destinés à la première phase d'exploitation, ne nécessitait pas une nouvelle dérogation dès lors que cette zone ne comportait plus d'espèces protégées puisqu'elle avait été défrichée et décapée jusqu'au toit du gisement sur le fondement d'une autorisation de défrichement devenue définitive et de la dérogation alors en vigueur.

Conclusions. Pour le rapporteur public Olivier Fuchs, « certes, le terrain a été entièrement décapé et il est pour partie exploité. Cela exclut sans doute d’y trouver encore des  habitats d’espèces protégées. Mais cela ne signifie pas que ce terrain ne soit pas un espace de  passage de ces espèces ni, surtout, que l’exploitation de la carrière ne produise pas des  nuisances (nuisances sonores d’exploitation, poussières, nuisances liées au passage des engins, etc.) ayant une incidence sur les espèces protégées dont il est acquis dans le dossier qu’elles  sont encore présentes sur le reste du site et alentour ». Toujours selon lui, adopter cette position serait en outre contraire à la jurisprudence récente de la CJUE (CJUE, 4 mars 2021, aff. C-473/19 et C-474/19, Föreningen Skydda Skogen N° Lexbase : A66344IK).

Décision - application du principe. Les moyens tirés de ce que le préfet du Doubs aurait entaché l'arrêté litigieux, par lequel il s'est borné à mettre en demeure la société Maillard de régulariser la situation de l'exploitation compte tenu de l'intervention de la décision juridictionnelle annulant la dérogation au régime des espèces protégées et à suspendre, dans l'attente du dépôt d'une demande de régularisation, l'exploitation de la carrière, d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ne paraissent pas, en l'état de l'instruction, de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité.

La demande de suspension de l’arrêté doit être rejetée.

newsid:477385

Justice

[Brèves] Open data des décisions de justice : le calendrier est (enfin) publié !

Réf. : Arrêté du 28 avril 2021 pris en application de l'article 9 du décret n° 2020-797 du 29 juin 2020 relatif à la mise à la disposition du public des décisions des juridictions judiciaires et administratives (N° Lexbase : L3302L43)

Lecture: 2 min

N7387BYA

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par Marie Le Guerroué

Le 05 Mai 2021

► L’arrêté relatif à la mise à la disposition du public des décisions des juridictions judiciaires et administratives a été publié au Journal officiel du 29 avril 2021 ; le texte très attendu établit le calendrier des dates de mise à la disposition du public et de délivrance des copies sollicitées par les tiers, des décisions de justice pour chacun des ordres administratif et judiciaire, des trois niveaux d'instance et des matières civile, commerciale, sociale et pénale.

  • Un arrêté particulièrement attendu

Le 21 janvier dernier, le Conseil d’État avait enjoint au garde des Sceaux de prendre, dans un délai de trois mois, l'arrêté prévu à l'article 9 du décret du 29 juin 2020 (N° Lexbase : L5271LXI) et de fixer le calendrier de mise à la disposition du public des décisions de justice (CE 9° et 10° ch.-r., 21 janvier 2021, n° 429956, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A30794DE). 

  • Un calendrier détaillé et progressif
Pour l'ordre administratif  
Décisions du Conseil d'État  30 septembre 2021
Décisions des cours administratives d'appel  31 mars 2022
Décisions des tribunaux administratifs 30 juin 2022

 

Pour l'ordre judiciaire (contentieux civils, commerciaux et sociaux)  
Décisions rendues par la Cour de cassation  30 septembre 2021
Décisions rendues par les cours d'appel  30 avril 2022
Décisions rendues par les conseils de prud'hommes 30 juin 2023
Décisions rendues par les tribunaux de commerce 31 décembre 2024
Décisions rendues par les tribunaux judiciaires 30 septembre 2025

 

Pour les contentieux pénaux relevant de la compétence de l'ordre judiciaire  
Décisions rendues par la Cour de cassation  30 septembre 2021
Décisions rendues par les juridictions de premier degré en matière contraventionnelle et délictuelle 31 décembre 2024
Décisions rendues par les cours d'appel en matière contraventionnelle et délictuelle 31 décembre 2025
Décisions rendues en matière criminelle 31 décembre 2025

 

  • Entrée en vigueur

L'arrêté est entré en vigueur le 30 avril 2021.

Pour aller plus loin :

  • Sur le décret n° 2020-797 du 29 juin 2020 relatif à la mise à la disposition du public des décisions des juridictions judiciaires et administratives :

- Y. Le Foll, A. Léon et M. Le Guerroué, Open Data des décisions de justice : le décret est publié !, Lexbase Avocats, juillet 2020 (N° Lexbase : N3908BYE).

  • Sur la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (N° Lexbase : L6740LPC) :

- P. L. Boyer, «Dites : article 33» - Docteur Knock, Mister Data. L’Open data des décisions de justice dans la loi «Justice 2018-2022», Lexbase Avocats, avril 2019 (N° Lexbase : N8479BXC) ;

- E. Le Quellenec, Loi "Justice" : évolution ou révolution numérique pour les avocats ?, Lexbase Avocats, avril 2019 (N° Lexbase : N8474BX7).

 

 

 

newsid:477387

Procédure pénale

[Brèves] Conditions légales de la détention provisoire : la seule constatation de l’existence de raisons plausibles de l’implication dans les faits ne suffit pas

Réf. : Cass. crim., 16 mars 2021, n° 20-87.092, FS-P (N° Lexbase : A48374LQ)

Lecture: 5 min

N7075BYP

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par Adélaïde Léon

Le 03 Mai 2021

► La seule constatation de l’existence de raisons plausibles de l’implication de l’intéressé dans les faits pour lesquels il est mis en examen ne permet pas de déduire l’existence d’indices graves ou concordants de la participation de celui-ci à ces mêmes faits, cette dernière exigence étant plus stricte que la première.

Rappel des faits. Un individu a été mis en examen des chefs d’importation de stupéfiants et association de malfaiteurs, en récidive. À l’issue de son interrogatoire de première comparution, il a été placé sous mandat de dépôt à durée déterminée. Le juge des libertés et de la détention a refusé que l’intéressé soit placé en détention provisoire et l’a placé sous contrôle judiciaire. Le procureur de la République a relevé appel de cette décision.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction a ordonné le placement de l’individu en détention provisoire en retenant qu’il existait des raisons rendant plausible l’implication de celui-ci dans les infractions pour lesquelles il était mis en examen.

Ce dernier a formé un pourvoi contre cette décision.

Moyens du pourvoi. Il est fait grief à la chambre de l’instruction d’avoir infirmé l’ordonnance de placement sous contrôle judiciaire en se fondant sur l’existence de raisons rendant plausibles l’implication du mis en examen alors qu’il lui appartient, à chaque stade de la procédure, de s’assurer de l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation du mis en examen aux faits reprochés. Or en l’espèce, l’arrêt retient l’existence de ces raisons par la seule référence abstraite à la nature d’actes d’investigation sans en préciser la teneur. En ne relevant aucun indice grave ou concordant, la chambre de l’instruction n’a pas réuni les conditions légales de la détention provisoire. Enfin, la juridiction d’appel n’a par ailleurs pas répondu au mémoire par lequel le mis en examen faisait valoir l’absence d’indice grave ou concordant faute d’acte préparatoire et de tout commencement d’exécution.

Décision. La Chambre criminelle casse et annule l’arrêt au visa des articles 80-1 (N° Lexbase : L2962IZQ) et 137 (N° Lexbase : L9393IEM) du Code de procédure pénale et 5, § 1, de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (CESDH) (N° Lexbase : L4786AQC).

La Cour rappelle qu’il résulte des textes du Code de procédure pénale que les mesures de sûreté ne peuvent être prononcées qu’à l’égard de la personne à l’encontre de laquelle il existe des indices graves ou concordants rendant vraisemblable qu’elle ait pu participer, comme auteur ou complice, à la commission des infractions dont le juge d’instruction est saisi. Il résulte par ailleurs de l’article de la CESDH que la chambre de l’instruction doit, à chaque stade de la procédure, s’assurer, même d’office, que les conditions légales des mesures de sûreté sont réunies et donc constater expressément l’existence de tels indices.

En l’espèce, la juridiction d’appel s’était limitée à relever l’existence de raisons plausibles de l’implication de l’intéressé dans les faits pour lesquels il était mis en examen. Or, cette seule constatation ne permet pas de déduire l’existence d’indices graves ou concordants de la participation de celui-ci à ces mêmes faits, cette dernière exigence étant plus stricte que la première.

La Chambre de l’instruction ne s’était donc pas assuré que les conditions légales des mesures de sûreté étaient réunies avant de prononcer le placement en détention provisoire.

Contexte. Après avoir désigné l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation de la personne mise en examen aux faits reprochés parmi les conditions légales de la détention provisoire (Cass. crim., 14 octobre 2020, n° 20-82.961, FS-P+B+I N° Lexbase : A50093XS), la Cour de cassation était venue préciser le champ d’application et la nature du contrôle de l’existence d’indices graves ou concordants en matière de mesure de sûreté (Cass. crim., 27 janvier 2021, n° 20-85.990, FS-P+B+I N° Lexbase : A65064DC). La Haute juridiction avait rappelé qu’il appartient à la chambre de l’instruction, à chaque stade de la procédure, même d’office, de s’assurer que les conditions légales de la détention provisoire sont réunies et notamment de contrôler l’existence d’indices graves ou concordants rendant vraisemblable la participation du mis en examen aux faits reprochés. Dans une décision du 9 février 2021, la Chambre criminelle a affirmé qu’il appartient aux juges de vérifier, au regard des éléments précis et circonstanciés résultant de la procédure au moment où ils statuent, que les pièces du dossier établissent, d’une part, l’existence d’agissements susceptibles de caractériser les infractions pour lesquelles la personne est mise en examen, selon la qualification notifiée à ce stade, et, d’autre part, la vraisemblance de leur imputabilité à celle-ci (Cass. crim., 9 février 20201, n° 20-86.339, FS-P+I N° Lexbase : A21694GG).

Aujourd’hui, la Cour vient une fois encore préciser ses exigences en matière de contrôle des conditions légales des mesures de sûreté en décidant que la seule constatation de l’existence de raisons plausibles de l’implication de l’intéressé dans les faits pour lesquels il était mis en examen ne permet pas de déduire l’existence d’indices graves ou concordants de la participation de celui-ci à ces mêmes faits, cette dernière exigence étant plus stricte que la première.

Pour aller plus loin :

  • C. Porteron, Précisions sur l’étendue du contrôle de la chambre de l’instruction concernant les mesures de sûreté, Lexbase Pénal, mars 2021 (N° Lexbase : N6774BYK) ;
  • N. Catelan, ÉTUDE : Les mesures de contrainte au cours de l’instruction : contrôle judiciaire, assignation à résidence et détention provisoire, La détention provisoire, in Procédure pénale, (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E0810Z9U).

 

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Propriété intellectuelle

[Brèves] AOP : une protection étendue à la reproduction de la forme ou de l’apparence caractérisant le produit

Réf. : Cass. com., 14 février 2021, n° 17-25.822, FS-P (N° Lexbase : A80904PC)

Lecture: 6 min

N7263BYN

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par Vincent Téchené

Le 03 Mai 2021

► Une AOP n'est pas protégée uniquement contre l'utilisation par un tiers de la dénomination enregistrée, mais aussi contre la reproduction de la forme ou de l'apparence caractérisant le produit couvert par la dénomination enregistrée lorsque cette reproduction est susceptible d'amener le consommateur à croire que le produit en cause est couvert par l'AOP.

Faits et procédure. Le syndicat interprofessionnel de défense du fromage Morbier (le syndicat) est un organisme de défense et de gestion de ce fromage du Jura qui bénéficie, depuis un décret du 22 décembre 2000, d'une appellation d'origine contrôlée (AOC), et d'une inscription, à compter du 10 juillet 2002, au registre des appellations d'origine protégée (AOP). Une société, établie dans le Puy-de-Dôme, fabrique et commercialise des fromages. Produisant depuis 1979 un fromage sous le nom « Morbier », elle a été autorisée, dans le cadre de la période transitoire prévue par le décret du 22 décembre 2000 pour les entreprises situées en dehors de l'aire géographique de référence définie par le texte, à utiliser ce nom, sans la mention AOC, jusqu'au 11 juillet 2007, date à partir de laquelle elle lui a substitué la dénomination « Montboissié du Haut-Livradoi ». Cette société a déposé, en outre, le 5 octobre 2001, aux États-Unis, la marque américaine « Morbier du Haut-Livradois », qu'elle a renouvelée en 2008 pour dix années, avant de la radier en 2013, et, le 5 novembre 2004, la marque française « Montboissier » pour les produits de la classe 29.

Reprochant à cette société de porter atteinte à l'AOP « Morbier » et de commettre des actes de concurrence déloyale et parasitaire en fabriquant et en commercialisant un fromage reprenant l'apparence visuelle du produit protégé par cette AOP afin de créer la confusion avec celui-ci et de profiter de la notoriété de cette appellation d'origine sans avoir à se plier à son cahier des charges, le syndicat l'a assignée afin qu'elle soit condamnée à cesser toute pratique portant atteinte à l'AOP « Morbier » et à indemniser son préjudice. La société a demandé reconventionnellement des dommages-intérêts pour procédure abusive.

La cour d’appel de Paris a débouté le syndicat de ses demandes (CA Paris, Pôle 2, 5ème ch., 16 juin 2017, n° 16/11371 N° Lexbase : A3031WI4). Ce dernier a donc formé un pourvoi en cassation.

Par un arrêt du 19 juin 2019 (Cass. com., 19 juin 2019, n° 17-25.822, FS-D N° Lexbase : A2918ZG8), la Cour de cassation a saisi la CJUE d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation des articles 13, § 1, du Règlement n° 510/2006 du 20 mars 2006 (N° Lexbase : L9902HH9) et du Règlement n° 1151/2012 du 21 novembre 2012 (N° Lexbase : L9174IUC). La CJUE a répondu à la question préjudicielle par un arrêt du 17 décembre 2020 (CJUE, 17 décembre 2020, aff. C-490/19 N° Lexbase : A21294A4).

Décision. La Cour de cassation, après avoir rappelé les termes des articles 13, § 1, des Règlements précités, relève que la CJUE, après avoir souligné que les AOP sont protégées en tant qu'elles désignent un produit qui présente certaines qualités ou certaines caractéristiques et que l'AOP et le produit couvert par celle-ci sont intimement liés (point 37), a dit pour droit que ces articles 13, § 1, « […] doivent être interprétés en ce sens qu'ils n'interdisent pas uniquement l'utilisation par un tiers de la dénomination enregistrée. [Ils] doivent être interprétés en ce sens qu'ils interdisent la reproduction de la forme ou de l'apparence caractérisant un produit couvert par une dénomination enregistrée lorsque cette reproduction est susceptible d'amener le consommateur à croire que le produit en cause est couvert par cette dénomination enregistrée. Il y a lieu d'apprécier si ladite reproduction peut induire le consommateur européen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, en erreur, en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l'espèce ».

Or, la Haute juridiction relève ensuite que pour rejeter les demandes du syndicat, l'arrêt d’appel énonce que la réglementation sur les AOP ne vise pas à protéger l'apparence d'un produit ou ses caractéristiques décrites dans le cahier des charges, mais sa dénomination, de sorte qu'elle n'interdit pas la fabrication d'un produit selon les mêmes techniques que celles définies dans les normes applicables à l'indication géographique et qu'en l'absence de droit privatif, la reprise de l'apparence d'un produit n'est pas fautive, mais relève de la liberté du commerce et de la libre concurrence. Il constate, en outre, que les caractéristiques invoquées par le syndicat relèvent d'une tradition historique et ont été mises en œuvre par la société, avant même l'obtention de l'AOP « Morbier », et qu'elles ne reposent pas sur des caractéristiques que le syndicat ou ses membres auraient réalisées. Il relève également que le trait bleu horizontal est une technique ancestrale qui se retrouve dans d'autres fromages. L’arrêt d’appel retient, ainsi, que les deux fromages ne sauraient être assimilés par la caractéristique du charbon végétal puisque depuis plusieurs années la société l'a remplacé par du polyphénol de raisin et qu'il existe d'autres différences notamment en ce que le Montboissié utilise du lait pasteurisé et le Morbier du lait cru, caractéristique essentielle dès lors que le public auquel est destiné le Montboissié est celui des cantines et des hôpitaux. Il en déduit que le syndicat tente d'étendre la protection dont bénéficie la dénomination « Morbier » dans un intérêt commercial illégitime et contraire au principe de la libre concurrence.

Appliquant ainsi la solution dégagée par la CJUE dans son arrêt du 17 décembre 2020, la Cour de cassation censure logiquement la décision des juges d’appel : « en se déterminant ainsi, alors qu'une AOP n'est pas protégée uniquement contre l'utilisation par un tiers de la dénomination enregistrée mais aussi contre la reproduction de la forme ou de l'apparence caractérisant le produit couvert par la dénomination enregistrée lorsque cette reproduction est susceptible d'amener le consommateur à croire que le produit en cause est couvert par l'AOP, la cour d'appel, qui n'a pas recherché si le trait bleu horizontal ne constituait pas une caractéristique de référence et particulièrement distinctive du fromage "Morbier" et, dans l’affirmative, si sa reproduction, combinée avec tous les facteurs pertinents de l'espèce, n’était pas susceptible d'induire le consommateur en erreur quant à la véritable origine du produit commercialisé sous la dénomination "Montboissié", a privé sa décision de base légale ».

À noter : cet arrêt fera l'objet d'un commentaire de Caroline Le Goffic, à paraître dans Lexbase Affaires n° 675 du 13 mai 2021. 

 

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Soins psychiatriques sans consentement

[Brèves] Isolement et contention : publication du décret d’application

Réf. : Décret n° 2021-537, du 30 avril 2021, relatif à la procédure applicable devant le juge des libertés et de la détention en matière d'isolement et de contention mis en œuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement (N° Lexbase : Z672451G)

Lecture: 4 min

N7389BYC

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par Laïla Bedja

Le 05 Mai 2021

► Le décret du 30 avril 2021, publié au Journal officiel du 2 mai 2021, organise la procédure applicable devant le juge des libertés et de la détention en matière d’isolement et de contention mis en œuvre dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement.

Ce décret est publié alors que les articles L. 3211-12 (N° Lexbase : L1612LZQ), L. 3211-12-1 (N° Lexbase : L1619LZY), L.  3211-12-2 (N° Lexbase : L1620LZZ), L. 3211-12-4 (N° Lexbase : L1613LZR), L. 3211-12-5 (N° Lexbase : L1621LZ3) et L. 3222-5-1 (N° Lexbase : L1614LZS), pris en application de l’article 84 de la loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021 (N° Lexbase : L1023LZW), font l’objet d’une question prioritaire de constitutionnalité portée devant le Conseil constitutionnel (Cass. QPC, 1er avril 2021, n° 21-40.001, FS-P N° Lexbase : A47624NP, n° 21-40.002 N° Lexbase : A47774NA et n° 21-40.003 N° Lexbase : A46994ND, FS-D, lire L. Bedja, Lexbase Droit privé, avril 2021, n° 861 N° Lexbase : N7102BYP).

Cosigné par les ministres des Solidarités et de la Santé et de la Justice, le décret prévoit les obligations d'information pesant sur l'établissement de santé ainsi que la procédure applicable devant le juge des libertés et de la détention (JLD) saisi d'une mesure d'isolement ou de contention prise sur le fondement de l'article L. 3222-5-1 du Code de la santé publique.

Obligations d’information pesant sur l’établissement

Le médecin qui décide d’une mesure d’isolement ou de contention doit dorénavant informer le JLD en cas de renouvellement exceptionnel des mesures au-delà des durées maximales prévues dans l'article 84. Le patient et les proches de ce dernier devront aussi être informés. Cette information est délivrée par tout moyen permettant de dater sa réception. Le cumul des durées est calculé en additionnant toutes les mesures intervenant à moins de 48 heures de la précédente.

Le médecin délivre également l'information dès que la durée cumulée de plusieurs mesures d'isolement ou de contention atteint sur une période de quinze jours la durée totale de douze heures pour l’isolement et de six heures pour la contention.

La procédure devant le JLD

La demande de mainlevée des mesures d’isolement ou de contention doit être portée devant le JLD dans le ressort duquel est situé l’établissement d’accueil (CSP, art. R. 3211-33).

Requête ou procès-verbal du directeur de l’établissement (CSP, art. R. 3211-34). Lorsqu'elle émane du patient concerné par la mesure d'isolement ou de contention, la requête peut être déposée au secrétariat de l'établissement d'accueil, qui l'horodate. La demande en justice peut également être formée par une déclaration verbale recueillie par le directeur de l'établissement qui établit un procès-verbal contenant les mentions prévues par l'article R. 3211-10. Ce procès-verbal est horodaté et revêtu de sa signature et de celle du patient. Si ce dernier ne peut signer, il en est fait mention.

Le directeur de l’établissement doit informer le patient :

  • de son droit d’être assisté ou représenté par un avocat choisi, désigné au titre de l'aide juridictionnelle ou commis d'office ;
  • de son droit d’être entendu par le JLD. Si le magistrat décide de ne pas procéder à son audition au vu de l’avis médical, un avocat représentera le patient.

La requête ou le procès-verbal doit être transmis au greffe du tribunal, par tout moyen permettant de dater sa réception, dans un délai de dix heures. Le directeur y joint :

  • toute pièce que le patient entend produire ;
  • les pièces utiles mentionnées à l'article R. 3211-12 ainsi que les décisions motivées successives relatives aux mesures d'isolement et de contention dont le patient a fait l'objet et tout autre élément de nature à éclairer le juge ;
  • si le patient demande à être entendu par le juge, un avis d'un médecin relatif à l'existence éventuelle de motifs médicaux faisant obstacle, dans son intérêt, à son audition et à la compatibilité de l'utilisation de moyens de télécommunication avec son état mental.

newsid:477389

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