La lettre juridique n°847 du 10 décembre 2020

La lettre juridique - Édition n°847

Concurrence

[Brèves] Réponses aux appels d’offres par des filiales d’un même groupe : l’Autorité de la concurrence modifie sa pratique décisionnelle à la suite d’une décision de la CJUE

Réf. : Aut. conc., décision n° 20-D-19, 25 novembre 2020 (N° Lexbase : X1225CKL)

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N5576BY8

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par Vincent Téchené

Le 09 Décembre 2020

► À la suite d’une décision de la CJUE précisant la jurisprudence au niveau européen, l’Autorité de la concurrence modifie sa pratique décisionnelle, qui interdisait jusqu’alors, sous peine de sanctions, à des filiales d’un même groupe de se coordonner en réponse à des appels d’offres.

Faits et procédure. À la suite d’un rapport d’enquête transmis par la DGCCRF, l’Autorité de la concurrence s’est saisie de pratiques mises en œuvre par des entreprises en réponse aux d’appels d’offres lancés par France AgriMer, établissement public national des produits de l’agriculture et de la mer, créé en 2009. Il organise notamment, chaque année, des appels d’offres en vue de fournir des produits alimentaires aux associations caritatives et épiceries sociales, qui les distribuent ensuite aux personnes les plus démunies.

Entre 2013 et 2016, plusieurs sociétés appartenant alors à un groupe ont déposé des offres en réponse aux marchés publics lancés par France AgriMer. Présentées comme distinctes et autonomes, ces offres étaient en réalité élaborées en commun. À la suite de la notification de griefs pour entente adressée par les services d’instruction, les sociétés du groupe ont sollicité le bénéfice de la procédure de transaction.  

Une nouvelle jurisprudence européenne. Conformément à sa pratique décisionnelle (Cons. conc., décision n° 03-D-07, 4 février 2003 N° Lexbase : X4797ACN ; Cons. conc., décision n° 08-D-29, 3 décembre 2008 N° Lexbase : X4568AEW ; Aut. conc., décision n° 10-D-04, 26 janvier 2010 N° Lexbase : X6905AGT ; Aut. conc., décision n° 18-D-02, 19 février 2018 N° Lexbase : X0401AUE), confirmée par la jurisprudence de la cour d’appel de Paris (v. not. CA Paris, Pôle 5, 7ème ch., 28 octobre 2010, n° 2010/03405 N° Lexbase : A1996GDB), l’Autorité considérait que pouvaient être sanctionnées au titre de la prohibition des ententes les pratiques consistant en la présentation au pouvoir adjudicateur d’offres en apparence indépendantes mais préparées de façon concertée par des entités appartenant à un même groupe.

Toutefois, dans un arrêt du 17 mai 2018 « VSA Vilnius UAB» (CJUE, 17 mai 2018, aff. C‑531/16 N° Lexbase : A8248XMG), la Cour de justice de l’Union européenne a, pour la première fois, jugé que les règles de l’article 101 du TFUE (N° Lexbase : L2398IPI) sont inapplicables aux pratiques consistant, pour des entreprises appartenant à un même groupe, à soumettre de façon coordonnée des offres distinctes et en apparence indépendantes en réponse à un appel d’offres au motif que, dans une telle hypothèse, les entreprises concernées forment une même unité économique, ce qui fait obstacle à la qualification d’entente au sens de cet article 101.

L’Autorité prononce un non-lieu en dépit de la signature d’un procès-verbal de transaction par les mis en cause. La prise en compte de cette jurisprudence a conduit l’Autorité à faire évoluer sa pratique décisionnelle.

En l’espèce, le sociétés étaient des filiales détenues quasiment intégralement d’une même holding tête de groupe à l’époque des faits. Ces quatre sociétés, société mère et filiales du groupe au moment des faits, doivent donc être regardées, dans le cadre de la jurisprudence de la CJUE, comme une même unité économique, nonobstant la remise séparée des offres en réponse aux appels d’offres organisés par France AgriMer.

La procédure de transaction permet à une entreprise qui ne conteste pas les griefs notifiés par les services d’instruction de l’Autorité d’obtenir une réduction de sanction. Cette transaction avait donné lieu à l’établissement de procès-verbaux de transaction fixant le montant minimal et le montant maximal des sanctions pécuniaires qui auraient pu être infligées par l’Autorité.

L’Autorité a considéré, en conséquence, nonobstant la signature des procès-verbaux de transaction par les entreprises mises en cause, que les conditions pour le prononcé d’une sanction n’étaient pas réunies et qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre la procédure.

Précisions. Dans son communiqué de presse du 25 novembre 2020, l’Autorité précise que de telles pratiques peuvent être néanmoins appréhendées par le droit des marchés publics. En effets, de tels comportements peuvent en effet induire en erreur l’acheteur public et ainsi fausser les résultats de la commande publique. La jurisprudence applicable en matière de marchés publics prévoit ainsi que le principe d’égalité de traitement serait violé si des entreprises soumissionnaires appartenant au même groupe de sociétés proposaient des offres coordonnées ou concertées susceptibles de leur procurer des avantages injustifiés. Le pouvoir adjudicateur peut, afin de veiller au respect de ces principes, requérir la divulgation par les soumissionnaires des informations relatives aux liens existants entre ces entités (niveau de participation financière, structure décisionnelle etc.).

Par ailleurs, le pouvoir adjudicateur, les concurrents évincés et les tiers lésés par une pratique de dissimulation des soumissionnaires peuvent saisir les juridictions compétentes en résiliation ou en annulation du marché public d’un recours en réparation de leur préjudice. En outre, les concurrents évincés et les tiers lésés dans une telle hypothèse peuvent, dans certaines circonstances, avant la conclusion définitive du contrat, former un recours en référé devant le juge administratif sur le fondement de l’article L. 551-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3270KG9), pour obtenir que soient ordonnées des mesures de régularisation de la procédure.

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Construction

[Brèves] CCAG Travaux privés NFP 03-001 versus article 1793 du Code civil

Réf. : Cass. civ. 3, 3 décembre 2020, n° 19-25.392 FS-P+B+I

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N5691BYG

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par Juliette Mel, Docteur en droit, Avocat associé, Rome Associés, Chargée d’enseignements à l’UPEC et Paris Saclay, Responsable de la Commission Marchés de Travaux, Ordre des avocats

Le 10 Décembre 2020

► La norme NFP 03-001 doit être contractualisée pour être applicable ;
► les demandes de travaux modificatifs non autorisés ni régularisés devaient être écartés dès lors que les dispositions de l’article 1793 du Code civil (N° Lexbase : L1927ABY) prévalent sur la norme NFP 03-001.

Si l’article 1793 du Code civil n’est pas applicable à tous les contrats de construction ni à toutes les parties, une fois applicable, il n’est pas possible d’y déroger conventionnellement. La règle est d’une logique implacable. Puisque les parties se sont accordées sur l’invariabilité du prix, elles ne peuvent pas stipuler l’inverse quelques lignes plus loin dans ce même contrat. Il existe une exception : il est possible d’accorder une rémunération supplémentaire au contracteur en cas de travaux supplémentaires si le maître d’ouvrage et le constructeur se mettent d’accord par écrit. Autrement dit, il ne suffit pas d’établir que des travaux supplémentaires ont été nécessaires et/ou ont été acceptés, il faut justifier d’un écrit constatant cet accord et fixant le prix desdits travaux (pour exemple, Cass. civ. 3, 24 mai 2011, n° 10-15.315, F-D N° Lexbase : A8740HSI). En pratique, les travaux supplémentaires font l’objet d’un devis du constructeur qui doit être régularisé par ordre de service du maître d’ouvrage.

Mais les dispositions du Code civil ne font pas un marché. Existent également, pour les opérations d’une certaine envergure, ce qu’il est usuel de voir dénommés des cahiers des clauses générales et administratives (CCAG), des cahiers des clauses administratives particulières (CCAP), des cahiers des clauses techniques particulières (CCAP) et des actes d’engagement (AE). Or, dans certains de ces documents, il n’est pas rare de voir précisé/dérogé à certaines dispositions étant précisé que ces documents établissent, entre eux, des ordres de préséance qui permettent de les articuler (Civ.3ème 22 juin 2005, n° 04-14.587, FS-P+B N° Lexbase : A8383DIC).

Parmi ces CCAG, figurent en bonne place les normes AFNOR. La plupart des marchés privés adoptent ainsi ou se réfèrent à la norme NFP 03-001 qui a connu diverses éditions dont la dernière est en date d’octobre 2017 (V. J. Mel, Le nouveau CCAG Travaux marchés privés nouveau est arrivé !, Lexbase Droit privé, janvier 2018, n° 728 N° Lexbase : N2356BXK).

Cette norme n’a, toutefois, force obligatoire que si elle est contractualisée (pour exemple, Cass. civ. 3, 25 mai 2011, n° 10-19.271, FS-P+B N° Lexbase : A8772HSP). Elle a alors un effet obligatoire entre les parties (Cass. civ. 3, 25 mai 2011, n° 10-19.271, FS-P+B N° Lexbase : A8772HSP).

La référence à la norme AFNOR n’affranchit néanmoins pas les parties de l’application des dispositions légales mais se pose la question de savoir si les parties peuvent contractuellement y déroger ainsi qu’en témoigne l’arrêt rapporté.

En l’espèce, une SCI maître d’ouvrage conclut deux marchés à forfait à une entreprise. L’entreprise notifie, en fin de chantier, ses mémoires définitifs au maître d’ouvrage en se conformant à la norme NFP 03-001 prévue au contrat et, en l’absence de réponse du maître d’ouvrage, l’assigne en paiement du solde de ses travaux et des dépenses supplémentaires sur la base de ces mémoires. La SCI, condamnée à payer par les juges d’appel, forme un pourvoi en cassation au motif principal que les règles établies par la norme NFP 03-001 ne peuvent prévaloir sur les dispositions légales de l’article 1793. Faute d’avoir expressément accepté ces dépenses supplémentaires, le maître d’ouvrage n’en est pas débiteur.

Le pourvoi est rejeté. Le maître d’ouvrage s’étant abstenu d’apporter une réponse contradictoire aux demandes formées conformément à la procédure contractuelle mise en place par les parties, il était réputé avoir accepté le mémoire définitif de l’entreprise.

La disposition a ainsi été jugée compatible avec les règles d’ordre public de l’article 1793 du Code civil (Cass. civ. 3, 11 mai 2006, n° 04-18.092, FS-P+B N° Lexbase : A3715DPB). La solution n’est pas nouvelle mais les contentieux sont si abondants qu’elle méritait d’être rappelée (V. pour un exemple récent CA Besançon, 25 juin 2019, n° 17/01499 N° Lexbase : A0398ZH9). Les dispositions de la norme NFP03-001 ne peuvent prévaloir sur les dispositions légales (V. encore Cass. civ. 3, 4 mai 2016, n° 14-26.610, F-D N° Lexbase : A3407RNI) mais il reste possible d’en ménager les modalités.

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Contrôle fiscal

[Brèves] Possibilité pour le contribuable de renverser une présomption d’activité occulte en faisant valoir qu’il a fait une erreur : cas d’un contribuable ayant satisfait à ses obligations fiscales dans un autre État

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 27 novembre 2020, n° 428898, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A214238T)

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N5623BYW

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par Marie-Claire Sgarra

Le 09 Décembre 2020

Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenues de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, son activité est réputée occulte s'il n'est pas en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ses obligations déclaratives ;

S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un État autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment du niveau d'imposition dans cet autre État et des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux États.

Les faits. Le requérant qui exploite à titre individuel une entreprise de droit polonais exerce en France, depuis 2005, une activité dans le secteur du bâtiment. À ce titre, il a fait l'objet d'un examen de sa situation fiscale personnelle, à l'issue duquel l'administration fiscale a estimé qu'il exerçait une activité occulte en France. Après avoir évalué d'office ses bénéfices industriels et commerciaux au titre des années de 2005 à 2010, elle lui a réclamé des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, assorties des pénalités, au titre des mêmes années, ainsi que, par voie de taxation d'office, un rappel de TVA. Le tribunal administratif de Lyon rejetant sa demande de décharge des impositions en litige. La cour administrative d'appel de Lyon, après avoir prononcé un non-lieu à statuer à hauteur d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, a rejeté le surplus de son appel contre ce jugement (CAA Lyon, 17 janvier 2019, n° 16LY01260 N° Lexbase : A8258YWR).

Solution du Conseil d’État. Ici, le contribuable a exercé depuis 2005 et jusqu'en 2011 une activité d'entrepreneur exclusivement en France, pour laquelle il n'a déposé aucune déclaration d'activité auprès d'un centre de formalités des entreprises ou d'un greffe de tribunal de grande instance, ni aucune déclaration en matière de bénéfices professionnels ou de taxe sur la valeur ajoutée auprès de l'administration fiscale, alors qu'il existait une importante différence de niveau d'imposition entre la France et la Pologne.

Pour juger que le requérant ne pouvait être regardé comme ayant commis une erreur en déclarant en Pologne les revenus de son activité individuelle réalisée en France, la cour administrative d'appel ne commet pas d'erreur de droit en comparant le montant d'impôt sur le revenu acquitté en Pologne par le contribuable et le montant mis à sa charge par l'administration française.

Les jurisprudences antérieures :

Le Conseil d’État a dans un arrêt du 7 décembre 2015, précisé les conditions d’application de la majoration pour activité occulte. En effet, il a ainsi jugé que le contribuable peut échapper à des pénalités lorsqu’il établit que c’est par erreur qu’il n’a pas déposé dans les délais légaux les déclarations fiscales qu’il était tenu de souscrire et n’a pas fait connaître son activité à un CFE ou au greffe du tribunal de commerce (CE Plénière, 7 décembre 2015, n° 368227, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0405NZZ).

Lire sur cet arrêt, C. Louit, Établissement stable et pénalité de 80 % pour activité occulte : une avancée de la jurisprudence du Conseil d'État, Lexbase Fiscal, janvier 2016, n° 639 (N° Lexbase : N0825BWH).

Plus tard, le Conseil d’État transposera cette jurisprudence, dans un arrêt du 21 juin 2018, en jugeant que le délai de reprise ne peut être invoqué lorsque le contribuable établit qu’il a commis une erreur justifiant que les obligations déclaratives n’ont pu être honorées (CE 10° et 9° ch.-r., 21 juin 2018, n° 411195, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A8763XTQ).

Lire sur cet arrêt, É. Crépey, Précisions sur la fiscalité applicable aux gains tirés de la pratique habituelle du poker – Conclusions du Rapporteur public, Lexbase Fiscal, septembre 2018, n° 754 (N° Lexbase : N5500BXY).

Le Conseil d’État a confirmé que le contribuable peut s’opposer tant à la majoration de 80 %, qu’au délai spécial de reprise de dix ans en cas d’activité occulte, s’il établit qu’il a commis une erreur justifiant qu’il ne se soit acquitté d’aucune de ses obligations déclaratives (CE 9° et 10° ch.-r., 18 mars 2019, n° 410573, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A1771Y4D).

Lire sur cet arrêt, V. Truyens, Délai de reprise spécial : appréciation du caractère occulte d’une activité, Lexbase Fiscal, avril 2019, n° 780 (N° Lexbase : N8586BXB).

Enfin, dans un arrêt du 4 décembre 2019, le Conseil d’État a admis que « le contribuable établissait que l’absence de souscription de déclaration devait être regardée comme une erreur justifiant qu’il ne se soit pas acquitté de ses obligations dès lors que ce n’est que postérieurement aux années d’imposition en litige que la jurisprudence et l’administration fiscale ont expressément estimé que de tels gains étaient, dans certaines conditions, imposables à l’impôt sur le revenu » (CE 9° et 10° ch.-r., 4 décembre 2019, n° 420488, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9649Z47).

 

newsid:475623

Covid-19

[Brèves] Entretiens professionnels : report possible jusqu’au 30 juin 2021

Réf. : Ordonnance n° 2020-1501, du 2 décembre 2020, modifiant l'ordonnance n° 2020-387 du 1er avril 2020, portant mesures d'urgence en matière de formation professionnelle et la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018, pour la liberté de choisir son avenir professionnel (N° Lexbase : L8587LYP)

Lecture: 1 min

N5611BYH

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par Charlotte Moronval

Le 09 Décembre 2020

► Publiée au Journal officiel du 3 décembre 2020, l’ordonnance n° 2020-1501 du 2 décembre 2020 détermine les dispositions spécifiques en matière de formation professionnelle pour les employeurs dans le contexte de crise sanitaire liée à la propagation du covid-19.

Nouveau report au 30 juin 2021 des entretiens professionnels. L’ordonnance prévoit notamment que les entretiens professionnels « des 6 ans », destinés à dresser un état des lieux récapitulatif du parcours professionnel du salarié, peuvent être reportés jusqu’au 30 juin 2021.

A noter que ce report concerne également les entretiens professionnels bisannuels sur les perspectives d’évolution professionnelle.

Pour rappel. Il existe 2 types d’entretien professionnel :

  • tous les 2 ans, le salarié doit être convoqué à un entretien professionnel individuel afin de faire le point sur ses aspirations professionnelles et sur les actions de formation réalisées et celles à venir ;
  • tous les 6 ans, un état des lieux récapitulatif des dernières années doit être fait avec le salarié, afin de constater la tenue des entretiens biennaux et des actions de formation qui ont été mises en place après ceux-ci.

En savoir plus. Lire ÉTUDE : L’entretien professionnel du salarié, in Lexbase, Droit du travail (N° Lexbase : E70413SL).

Report des sanctions. L’ordonnance suspend également jusqu’au 30 juin prochain l’application des sanctions prévues, à savoir le versement d’un abondement correctif sur le compte personnel de formation du salarié pénalisé d’un montant de 3 000 euros.

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Entreprises en difficulté

[Brèves] Banqueroute : point de départ du délai de prescription en cas de détournement réalisé entre le jugement ouvrant le redressement et le jugement prononçant la liquidation

Réf. : Cass. crim., 25 novembre 2020, n° 19-85.091, FS-P+B+I N° Lexbase : A161438B)

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N5563BYP

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par Vincent Téchené

Le 16 Décembre 2020

► Lorsque les faits incriminés par le délit de banqueroute sont apparus entre le jour du jugement ouvrant une procédure de redressement judiciaire et le jour du jugement prononçant la liquidation judiciaire, il n’y a pas lieu de repousser le point de départ du délai de prescription à la date de cette seconde décision ;

Ainsi, lorsque le détournement constitutif du délit de banqueroute a été réalisé postérieurement au jugement ouvrant une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le délai de prescription court à compter de la date de commission des faits, sauf s’il est établi que l’infraction a été délibérément dissimulée.

Faits et procédure. Le 18 novembre 2011, le créancier d’une entreprise individuelle a adressé un courrier au procureur de la République pour l’informer d’un litige l’opposant à cette entreprise. L’enquête a révélé que cette entreprise avait été placée en redressement judiciaire le 13 novembre 2002, puis qu’une procédure de liquidation judiciaire avait été ouverte le 27 mars 2009.

Les investigations ont notamment mis en évidence que des virements avaient été effectués entre avril 2008 et mars 2009 par l’entreprise individuelle au profit d’une société gérée par le débiteur. Cette société dont les parts étaient réparties entre le débiteur et ses enfants avait obtenu en 2006 un crédit immobilier lui permettant d’acquérir un terrain et d’y faire édifier une maison d’habitation, devenue à la fois le siège social de la société et la résidence principale du débiteur et son épouse. Le débiteur a alors été condamné pour ces faits par le tribunal correctionnel du chef de banqueroute et du chef de recel.

C’est dans ces conditions que le débiteur a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt d’appel en ce qu’il l’a déclaré coupable de banqueroute par détournement d’actif au préjudice de son entreprise individuelle et a déclaré la société coupable de recel de ce délit. Il faisait grief à l’arrêt d’appel d’avoir rejeté l’exception de prescription.

Décision. La Chambre criminelle censure l’arrêt d’appel au visa des articles L. 654-2 (N° Lexbase : L3433IC7) et L. 654-16 (N° Lexbase : L4162HBR) du Code de commerce et 8 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L7625IP4) dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2017-242 du 27 février 2017 (N° Lexbase : L0288LDZ).

Elle rappelle que selon l’article L. 654-2, en cas d’ouverture d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, constitue notamment le délit de banqueroute le fait d’avoir détourné tout ou partie de l’actif du débiteur. Dans cette hypothèse, au regard de ses éléments constitutifs, ce délit ne constitue pas une infraction occulte par nature. En outre aux termes de l’article L. 654-16, en matière de banqueroute, la prescription de l’action publique ne court que du jour du jugement ouvrant la procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire lorsque les faits incriminés sont apparus avant cette date.

Elle ajoute que le report du point de départ de la prescription est justifié par le fait que l’exercice de poursuites du chef de banqueroute est subordonné à l’ouverture d’une procédure collective.

Ainsi, il en résulte, pour la Haute juridiction, que lorsque les faits sont apparus entre le jour du jugement ouvrant une procédure de redressement judiciaire et le jour du jugement prononçant la liquidation judiciaire, il n’y a pas lieu de repousser le point de départ du délai de prescription à la date de cette seconde décision. Et, il se déduit de ce qui précède que lorsque le détournement constitutif du délit de banqueroute a été réalisé postérieurement au jugement ouvrant une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire, le délai de prescription court, en application de l’article 8 du Code de procédure pénale, à compter de la date de commission des faits, sauf s’il est établi que l’infraction a été délibérément dissimulée.

Or, la Cour de cassation constate qu’en l’espèce, pour écarter l’exception de prescription soulevée par le prévenu, poursuivi pour des faits qualifiés de banqueroute, commis entre avril 2008 et mars 2009, l’arrêt relève que l’entreprise individuelle a été placée en redressement judiciaire le 13 novembre 2002, puis que la liquidation judiciaire a été prononcée le 27 mars 2009. Les juges retiennent que le délai de prescription de l’action publique a commencé à courir le 18 novembre 2011, jour de la dénonciation des faits au procureur de la République effectuée par l’un des créanciers de l’entreprise, date à partir de laquelle le ministère public a fait diligenter une enquête. Ainsi, pour les juges du fond, la période de prévention antérieure à cette date ne pouvait être atteinte par les délais de la prescription et les différents actes d’enquête accomplis à compter de cette date ayant interrompu la prescription jusqu’à la citation renvoyant les prévenus devant le tribunal correctionnel, la prescription n’a donc jamais été acquise.

La Chambre criminelle casse l’arrêt d’appel : en statuant ainsi, sans mieux caractériser l’existence d’une dissimulation de nature à retarder le point de départ de la prescription, la cour d’appel n’a pas justifié sa décision.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les règles générales applicables aux sanctions pénales, Prescription de l'action publique, in Entreprises en difficulté, Lexbase (N° Lexbase : E9091EPE).

 

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Filiation

[Brèves] Action en recherche de paternité : l'impossibilité de localiser le prétendu père constitutive d'un motif légitime de ne pas procéder à une expertise biologique

Réf. : Cass. civ. 1, 2 décembre 2020, n° 19-21.850, F-P (N° Lexbase : A949738A)

Lecture: 2 min

N5656BY7

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par Marie-Lou Hardouin-Ayrinhac

Le 09 Décembre 2020

► Il résulte de l'article 310-3, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L8854G9S) que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ; l'impossibilité matérielle de procéder à l'expertise, en raison, notamment, de l'impossibilité de localiser le père prétendu, peut constituer un tel motif légitime ; la première chambre civile de la Cour de cassation réitère une solution déjà posée en 2005 (Cass. civ. 1, 14 juin 2005, n° 03-19.582, F-P+B N° Lexbase : A7998DI3). 

Faits et procédure. Le 26 mai 2017, la mère d’une enfant, née le 12 novembre 2014 à Seclin, a assigné le père présumé en recherche de paternité. 

Décision. La première chambre civile rejette le pourvoi formé contre l’arrêt de la cour d’appel par la demanderesse. 

Tout d’abord, la Cour rappelle qu’il résulte de l'article 310-3, alinéa 2, du Code civil (N° Lexbase : L8854G9S) que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder (Cass. civ. 1, 28 mars 2000, n° 98-12.806 N° Lexbase : A8717AHC). 

Ensuite, elle confirme sa jurisprudence antérieure selon laquelle l'impossibilité matérielle de procéder à l'expertise, en raison, notamment, de l'impossibilité de localiser le père prétendu, peut constituer un tel motif légitime (Cass. civ. 1, 14 juin 2005, n° 03-19.582, F-P+B). 

La Cour en déduit que la cour d'appel, ayant relevé que l'expertise serait vaine dès lors que l'adresse du père présumé était inconnue, ainsi que cela ressortait du procès-verbal de recherches infructueuses du 31 juillet 2018, a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : L'établissement de la filiation, L'examen sanguin et l'expertise génétique aux fins d'établissement de la filiation naturelle, in La filiation, (dir. A. Gouttenoire), Lexbase (N° Lexbase : E4353EYU) 

newsid:475656

Finances publiques

[Focus] Covid-19 : tour d’horizon des lois de finances rectificatives adoptées en 2020

Lecture: 26 min

N5673BYR

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par Jérôme Germain, Maître de conférences HDR en droit public IRENEE EA 7303, Faculté de droit de Metz UFR DEA Université de Lorraine

Le 10 Décembre 2020


finances publiques • budget • covid-19 • urgence sanitaire


 

La crise sanitaire et la crise économique qu’elle a engendrée ont obligé la Majorité actuelle à adapter la loi n° 2019-1479, du 28 décembre 2019, de finances pour 2020 (voir J. Germain, Chronique de finances publies : la loi de finances initiale pour 2020, Lexbase Fiscal, janvier 2020, n° 808 N° Lexbase : N1726BYL). Devant l’ampleur et la durée de cette double crise inédite, le gouvernement a dû demander au Parlement d’adopter quatre lois de finances rectificatives afin d‘ajuster le budget 2020. Malgré l’urgence dans laquelle ces lois ont été délibérées, les députés et les sénateurs ont largement utilisé leur pouvoir d’amendement pour améliorer les textes initialement proposés par le gouvernement. Un accord entre les deux assemblées parlementaires a pu être trouvé pour les trois collectifs budgétaires. Le premier d’entre eux fut même adopté à l’unanimité. De la même façon, aucun de ces quatre budgets rectificatifs n’a été déferré par l‘Opposition au contrôle du juge constitutionnel. L’ambitieux plan de relance annoncé par l’exécutif fera en revanche l’objet d’une mission budgétaire spécifique au sein du projet de loi de finances pour 2021 (voir notre chronique à paraître de janvier 2021). Dans cette chronique ne seront traités que les aspects budgétaires et comptables.

Les dérogations au droit ordinaire de la comptabilité publique ont été posées par l’ordonnance n° 2020-326, du 25 mars 2020, relative à la responsabilité personnelle et pécuniaire des comptables publics (N° Lexbase : L5729LW4), édictée en application de la loi n° 2020-290, du 23 mars 2020, d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L5506LWT). Cette ordonnance assimile à une circonstance de force majeure la crise sanitaire. Elle permet donc aux comptables publics, par exemple, d’effectuer des paiements sans les pièces justificatives nécessaires ou de reporter des recouvrements de recettes fiscales sans voir leur responsabilité personnelle et pécuniaire engagée (loi n° 63-156, du 23 février 1963, de finances pour 1963, art. 60 N° Lexbase : L1090G8U). La communication des pièces justificatives a en effet été rendue plus difficile par le confinement et l’administration a décidé des reports de recouvrement pour soulager les entreprises. Nous reviendrons plus spécifiquement sur les finances locales à la fin de cette chronique.

I - La première loi de finances rectificative pour 2020

Délibéré par le Conseil des ministres le 18 mars, le premier projet de loi de finances rectificative pour 2020 a été déposé le même jour à l’Assemblée nationale par le Gouvernement. Adoptée définitivement par le Parlement le 20 mars, la première loi de finances rectificative pour 2020 a été promulguée par le président de la République le 23 mars 2020 et publiée au Journal officiel le lendemain (loi n° 2020-289, du 23 mars 2020, de finances rectificative pour 2020 N° Lexbase : L5505LWS).

La loi de finances initiale pour 2020 du 28 décembre 2019 prévoyait une hypothèse de croissance de 1,3 % pour notre économie et un déficit budgétaire de 2,2 % du PIB pour nos administrations publiques. Le collectif budgétaire de mars envisage une récession de 1 %. Le déficit budgétaire est relevé à 3,9 % du PIB.

Dans le but de contrer les effets économiques de la crise sanitaire, le budget rectificatif injecte dans l‘économie 45 milliards d‘euros. Les principales mesures décidées se trouvent dans une nouvelle mission budgétaire baptisée « Plan d‘urgence face à la crise sanitaire ». Elle est composée de deux programmes. L’un est relatif au dispositif de chômage partiel et l’autre au fonds de solidarité avec les très petites entreprises (TPE).

Un dispositif de chômage partiel est ainsi instauré. Jusqu‘à 4,5 SMIC le chômage partiel est pris en charge à 100 % (85 % depuis le 1er juin sauf dans les secteurs les plus touchés). Le but du chômage partiel est d‘éviter les faillites en série et le chômage de masse afin que les compétences et les savoir-faire qui seront nécessaires lors de la reprise ne soient pas détruits pendant le ralentissement de l‘économie dû à la pandémie.

Un fonds de solidarité en faveur des TPE est par ailleurs abondé avec des co-financements régionaux. L’État apporte 750 millions et les Régions, 250 millions d’euros. Outre les TPE, ce fonds protège les indépendants et les micro-entrepreneurs. Il soutient les entreprises et les entrepreneurs qui ont interrompu leur activité ou bien qui ont connu une baisse de 70 % de leur chiffre d‘affaire pendant la pandémie. L’ordonnance n° 2020-317, du 25 mars 2020, portant création d’un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 et mesures prises pour limiter cette propagation (N° Lexbase : L5725LWX) ainsi que le décret n° 2020-371, du 30 mars 2020, modifiant le décret n° 2020-371 du 30 mars 2020 relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation (N° Lexbase : L6270LW7) (modifié par plusieurs décrets depuis) précisent les modalités de fonctionnement de ce fonds. De surcroît, l’ordonnance n° 2020-330, du 25 mars 2020, relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux afin de faire face aux conséquences de l’épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L5718LWP) autorise le président du Conseil régional à octroyer des aides directes aux entreprises à hauteur de 100 000 euros par aide dans le cadre d’une délégation de 6 mois votée par son organe délibérant.

Une garantie de l‘État sur les prêts souscrits par les entreprises auprès des banques est aussi mise en place pour l’année 2020 pour un montant total de 300 milliards d‘euros (article 6 de la loi). La garantie de l‘État se situe à 90 % de l‘emprunt pour les TPE, les PME (petites et moyennes entreprises) et les ETI (entreprises de taille intermédiaire). Le risque restant pour les banques est donc de 10 %. Cette garantie est plafonnée à 25 % du chiffre d‘affaire annuel de l‘entreprise. Tous les prêts de trésorerie consentis par les banques à partir du 16 mars sont automatiquement couverts par cette garantie. Pour les grandes entreprises, la garantie de l’État descend à 70% en raison de l’importance des montants. Le tarif de la garantie est cependant relativement modique (0,5% pour un prêt d‘un an à une grande entreprise comme à une ETI). Bpifrance est chargée du suivi de cette mesure à titre gratuit (arrêté du 23 mars 2020, modifié le 17 avril 2020). Initialement prévus pour s’achever fin 2020, les prêts garantis par l’État ont été prolongés le 15 octobre jusqu’à mi-2021.

Une provision de 2 milliards d‘euros est par ailleurs constituée afin d‘approvisionner les hôpitaux et de payer des indemnités journalières.

À cet effort s’ajoute l’annonce du 16 mars 2020 du gouvernement indiquant que les charges fiscales (13 milliards d’euros) et sociales (21 milliards d’euros) du mois de mars sont reportées pour toutes les entreprises qui le souhaitent afin de soulager leur trésorerie.

Un amendement du gouvernement a permis le renforcement de la réassurance publique sur l‘assurance-crédit et les crédits-exports. L‘assurance-crédit protège du non-paiement les entreprises qui accordent des délais de paiement à leurs clients. Une garantie de 10 milliards d‘euros par l‘État permet à la Caisse centrale de réassurance de sécuriser les octrois d‘assurance-crédit aux entreprises par les assureurs-crédits. Parallèlement, une garantie de 2 milliards d‘euros vient doubler le dispositif de réassurance publique des crédits-exports. Ces assurances proposées par des assureurs privés permettent aux entreprises exportatrices de conserver une trésorerie suffisante en cas de délais de paiements prolongés ou d’impayés. Une telle précaution est vitale dans le contexte actuel de crise mondiale. Cette garantie permet de compléter ou de remplacer la couverture par l‘assureur privé des risques de défaillance du client étranger. BpiFrance Assurance Export gère ce dispositif dit « Cap Francexport ». Créé en 2018, « Cap Francexport » est destiné à soutenir en même temps les exportations et le secteur des assureurs. Alors que seules les exportations en direction de 17 pays étaient couvertes auparavant, la loi de finances rectificative étend la garantie à l’ensemble des pays.

Un amendement de l‘Assemblée nationale a institué un comité auprès du Premier ministre afin de suivre et d‘évaluer les mesures de soutien aux entreprises pendant la pandémie (prêts garantis par l‘État et fonds de solidarité avec les TPE). Présidé par une personnalité désignée par le Premier Ministre, ce comité de suivi et d‘évaluation est composé de deux membres de chaque chambre parlementaire, de deux membres de la Cour des comptes, de deux représentants de l‘État et de deux représentants des fédérations d‘entreprises ainsi que d‘un représentant de chacune des associations d‘élus locaux (Association des maires de France, Assemblée des départements de France et Régions de France).

Les sénateurs n’ont déposé aucun amendement.

II - La seconde loi de finances rectificative pour 2020

Déposée à l’Assemblée nationale le 15 avril, le second projet de loi de finances rectificative pour 2020 a été adopté définitivement le 23 avril par l’Assemblée nationale et le Sénat (voir M.-C. Sgarra, Publication de la seconde loi de finances rectificative pour 2020 : impact sur les finances publiques, Lexbase Fiscal, avril 2020, n° 822 N° Lexbase : N3119BY8) grâce à l’accord entre les deux chambres qui a été dégagé par la Commission mixte paritaire (CMP). Le président de la République a ainsi pu promulguer la loi le 25 avril afin qu’elle soit publiée au Journal officiel le lendemain (loi n° 2020-473, du 25 avril 2020, de finances rectificative pour 2020 N° Lexbase : L7438LWE).

Avec le prolongement du confinement d’avril à mai, le budget rectificatif prévoit une récession de 8 %, un déficit budgétaire de 9,1 % du PIB (dont 5,3 % de solde conjoncturel) et une dette publique atteignant les 115 % du PIB. La dépense publique gonflerait à 60,9 % du PIB contre 54 % en 2019. L‘aggravation du choc pandémique et du marasme économique n‘a pas tardé à rendre ces chiffres, déjà vertigineux, caducs.

Par rapport à la première loi de finances rectificative pour 2020, cette loi de finances rectificative renforce l’effort de l’État face à la pandémie et à la récession. L’ensemble des mesures de la nouvelle mission « Plan d‘urgence face à la crise sanitaire » passe ainsi de 45 à 110 milliards d’euros. Le financement du chômage partiel, sollicité par plus de 8 millions de salariés, connaît une augmentation de 5,5 milliards d’euros et atteint 24 milliards d‘euros. Le fonds de solidarité pour les TPE est relevé de 1 à 6,75 milliards d’euros. Les régions sont à nouveau mises à contribution. Les entreprises sont, de plus, exonérées de prélèvements fiscaux et sociaux sur les aides reçues depuis ce fonds (impôt sur le revenu, impôt sur les sociétés, CSG, CRDS et cotisations sociales). Le fonds de développement économique et social (FDES) est, quant à lui, doté d’un milliard d’euros afin d’accorder des prêts supplémentaires aux entreprises en difficultés (article 16 de la loi). Les petites entreprises pourront bénéficier de prêts participatifs (CMF, art. L. 313-14 N° Lexbase : L7978HB4). Ce FDES est retracé depuis 2005 sur un compte spécial « Prêts et avances à des particuliers ou des organismes privés ». Les TPE et les PME qui n’ont plus accès au crédit bancaire en raison de la crise pourront se tourner vers le FDES. Parallèlement, un fonds de 20 milliards d’euros est institué afin de permettre à l’État de recapitaliser des entreprises stratégiques par des prises de participations ou des nationalisations temporaires (article 10 de la loi). Des entreprises aéronautiques et des constructeurs automobiles peuvent profiter de ce dispositif. Ce nouveau programme « Renforcement exceptionnel des participations financières de l’État dans le cadre de la crise sanitaire » au sein de la mission « Plan d‘urgence face à la crise sanitaire » est géré par le commissaire aux participations de l’État. Une information préalable des Commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat doit être assurée par le ministre de l’Économie avant les prises de participation dépassant le milliard d‘euros (article 22 de la loi). Un rapport du Gouvernement au Parlement devra non seulement justifier la bonne gestion des ressources publiques par les entreprises recapitalisées mais aussi expliciter la mise en œuvre de leur responsabilité sociale, sociétale et environnementale. Les prêts garantis par l’État et prévus par la première loi de finances rectificative sont étendus à la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et Wallis et Futuna. De plus, des avances remboursables et des prêts bonifiés, globalement à hauteur de 500 millions d‘euros supplémentaires, pourront être octroyés aux entreprises industrielles stratégiques employant entre 50 et 250 salariés. Des impayés pourront en outre être évités grâce au relèvement de 2 à 5 milliards d’euros de la réassurance publique de l’assurance-crédit export de court terme. Le comité de suivi et d’évaluation du fonds pour les TPE et du dispositif de chômage partiel prévu par la première loi de finances rectificative voit ses missions élargies à l’ensemble des mesures anti-crise de soutien aux entreprises.

Une aide d’urgence de 900 millions d’euros prévue dans cette seconde loi de finances rectificative a été versée à 4,1 millions de ménage le 15 mai 2020. Les foyers vivant du RSA (revenu de solidarité active) ou de l’ASS (allocation spécifique de solidarité) se sont vus attribués 150 euros (plus 100 euros par enfant) tandis que les foyers qui reçoivent des allocations logement (sans RSA, ni ASS) ont pu recevoir 100 euros par enfant. Un amendement sénatorial, adopté contre l‘avis du gouvernement mais conservé par la CMP, a rehaussé de 8 millions la dotation particulière élu local (DPEL). Cette augmentation permet de faire bénéficier tous les maires des communes de moins de 500 habitants de l’augmentation prévue par la loi de finances initiale pour 2020. Lors de l’exécution du budget 2020, seules les communes au potentiel financier inférieur à la moyenne avaient pu en profiter. Les maires des petites communes sont en effet mis à rude épreuve pendant la pandémie. On peut même se demander pourquoi cette revalorisation se cantonne aux plus petites communes. Afin de soutenir les artistes et les organisateurs d’événements, les collectivités locales obtiennent, toujours grâce à un amendement sénatorial, le droit de maintenir les subventions accordées avant la crise aux manifestations culturelles annulées pendant la pandémie (article 24 de la loi). La prime exceptionnelle destinée aux agents publics en première ligne pendant l’état d’urgence sanitaire est exonérée de prélèvements fiscaux ou sociaux. La provision constituée afin de faire face aux dépenses exceptionnelles de matériel de santé (les masques notamment) et les frais de personnels liés à la pandémie (notamment en faveur des personnels de santé) passe à 8 milliards d‘euros.

III - La troisième loi de finances rectificative pour 2020

Déposé au Parlement le 10 juin, le troisième projet de loi de finances rectificative pour 2020 a été adopté définitivement par l’Assemblée nationale et le Sénat le 23 juillet 2020 après accord de la CMP. Grâce à l’accord trouvé à la CMP entre les députés et les sénateurs, le gouvernement n’a pas eu besoin de donner le dernier mot à l’Assemblée nationale. Promulguée le 30 juillet, la loi de finances rectificative a été publiée le 31 juillet 2020 (loi n° 2020-935, du 30 juillet 2020, de finances rectificative pour 2020 N° Lexbase : L7971LXI).

Dans ce collectif budgétaire, la récession prévue en 2020 passe à 11 %. Le déficit budgétaire est estimé à 11,5 % du PIB, soit 225 milliards d’euros, ce qui est un record absolu. Doublement gonflée par la hausse des dépenses pour contrer la crise et la chute des recettes en raison de la récession, la dette publique devrait ainsi atteindre 121 % du PIB.

Trois traits principaux caractérisent cette troisième loi de finances rectificative pour 2020. D’une part, elle adopte 45 milliards de mesures d’aide aux secteurs les plus sinistrés par la crise économique due à la pandémie de covid-19. D’autre part, elle accorde 4,5 milliards de soutien aux collectivités locales. En dernier lieu, des fonds sont débloqués en faveur des jeunes en situation particulièrement précaire en raison de la crise.

La loi de finances rectificative autorise les crédits nécessaires pour financer le plan tourisme de 18 milliards d’euros, le plan de soutien au secteur automobile (8 milliards d’euros), le plan de soutien à l’aéronautique (15 milliards), le plan en faveur de la culture (1,3 milliards d’euro) et le plan en faveur des startups (700 millions). Le dispositif relatif au chômage partiel monte à 31 milliards d’euros. Le fonds de solidarité pour les TPE augmente à 8 milliards d’euros. La possibilité de débloquer exceptionnellement jusqu’au 31 décembre 2020 son épargne retraite est accordée aux travailleurs indépendants. Par ailleurs, la loi de finances rectificative dispense les PME de loyers et de redevances d’occupation du domaine public dus aux établissements publics ou à l’État. Une aide exceptionnelle à l’embauche est en outre prévue pour les apprentis. Les entreprises reçoivent 8 000 euros par apprenti majeur et 5 000 euros par apprenti mineur, y compris dans le cadre de contrats de professionnalisation. Un milliard d’euros est de surcroît prévu pour un dispositif exceptionnel en faveur de l’emploi des jeunes. De leur côté, les parlementaires ont ajouté au collectif budgétaire 490 millions d’euros pour décarboner l’industrie ainsi que pour financer des projets de relocalisation industrielle. Les députés ont aussi inséré un article conditionnant la participation de l’État au capital des grandes entreprises à la publication d’un bilan carbone et d‘une stratégie de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Une amende de 375 000 euros est prévue en cas d’infraction (article 66 de la loi). En raison de sa limitation à la publication d’un bilan, les associations environnementales ont jugé cette mesure cosmétique.

Le plan de soutien aux collectivités locales est composé de 750 millions d’euros pour compenser les pertes de recettes fiscales et domaniales des communes et des intercommunalités en difficulté et des territoires d’outre-mer (régions et collectivités d’outre-mer). Tout d’abord, cette dotation de compensation des pertes de ressources fiscales et domaniales entraînées par la pandémie permettra aux communes et intercommunalités de partiellement maintenir leurs recettes malgré le marasme économique (article 21 de la loi). Si la plupart des recettes concernées seront compensées au comptant (taxe sur la publicité extérieure, taxe sur les surfaces commerciales, impôt sur les maisons de jeux, versement mobilité…), d’autres recettes ne seront compensées que forfaitairement à hauteur de 21% (redevances et recettes d’utilisation du domaine). Les versements prendront en 2020 la forme d’un acompte calculé à partir d’une estimation. En 2021, une régularisation interviendra sur la base des montants exacts à compenser. Un amendement parlementaire a prévu une dotation minimale de 1 000 euros pour les communes ou intercommunalités. Les régions et collectivités d’outre-mer bénéficieront quant à elle d’une compensation spécifique des pertes d’octroi de mer et de la taxe spéciale de consommation (article 22 de la loi). Par ailleurs, une avance de 2,7 milliards d’euros est accordée aux départements et assimilés subissant un recul des recettes de DMTO (droits de mutation à titre onéreux) par l’article 25 de la loi. Il est regrettable que la Majorité ait choisi la technique de l’avance remboursable plutôt que celle de la dotation de compensation, comme pour les communes et intercommunalités. Une dotation de compensation aurait été évidemment plus favorable à des départements déjà sous pression pour financer les aides sociales qu’ils servent. Un amendement des sénateurs, dit clause de bonne fortune, décale toutefois le remboursement par les départements de l’avance reçue à l’année suivant le retour au niveau de 2019 des recettes de DMTO. Un autre amendement parlementaire prévoit une rallonge de l’État de 425 millions d‘euros pour compenser la baisse des recettes de la société gérant les transports en Île de France (Île de France mobilité). La DSIL (dotation de soutien à l’investissement local) est renforcée d’un milliard d’euros afin de financer des projets améliorant la résilience sanitaire, la transition écologique ou la rénovation patrimoniale. Ce financement par la DSIL pourra aussi bénéficier à des projets éligibles au titre de la DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux). Les régions (hors outre-mer) semblent en revanche avoir été oubliées par ce train de mesures. Elles devront attendre 2021 puisque l’accord signé entre l’État et les régions le 31 juillet 2020 prévoit une aide de 600 millions d’euros pour investir ainsi que le remplacement de leur part de CVAE (cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises) par une nouvelle fraction de TVA (taxe sur la valeur ajoutée).

Enfin, des fonds ont été débloqués en faveur des jeunes particulièrement frappés par la crise actuelle et souvent menacés de précarisation. Les adultes de moins de 25 ans sans personne à charge et touchant les APL (aides personnalisées au logement) devraient être destinataires d’une aide aux jeunes en précarité. Cette aide de 200 euros devrait profiter à 400 000 allocataires. Un amendement gouvernemental crée par ailleurs une ligne budgétaire de 50 millions d’euros pour mettre en place le repas à un euro pour les étudiants boursiers. Une aide de 50 millions d’euros est en outre attribuée aux départements pour renforcer l’Aide sociale à l’enfance.

IV - La quatrième loi de finances rectificative pour 2020

Délibéré en Conseil des ministres le 4 novembre, le quatrième projet de loi de finances rectificatives pour 2020 a été discuté au Parlement les 10 et 16 novembre avant que la CMP ne s’accorde sur un texte de compromis, accepté par les deux assemblées les 23 et 24 novembre. Deux amendements intéressants du Sénat ont malheureusement été rejetés. Le premier visait à taxer les géants du numérique et le second, à octroyer aux communes et aux intercommunalités une dotation de compensation des dépenses supplémentaires liées à la crise sanitaire. Promulguée le 30 novembre, la quatrième loi de finances rectificative pour 2020 a été publiée au journal officiel le 1er décembre 2020 (loi n° 2020-1473, du 30 novembre 2020, de finances rectificative pour 2020 N° Lexbase : L8058LY4).

La dernière loi de finances rectificative de l’année précise les chiffres des textes antérieurs. La récession est toujours estimée à 11 %, le déficit budgétaire est chiffré à 223 milliards d’euros et la dette publique est confirmée autour de 120 % du PIB.

Le premier objectif de ce nouveau collectif budgétaire est de soutenir l’économie pendant le reconfinement de novembre.

Le fonds de solidarité pour les PME et les indépendants est ainsi abondé de 10,9 milliards supplémentaires s’ajoutant aux crédits déjà votés dans les lois de finances rectificatives précédentes. Les entreprises de certains secteurs comme le tourisme, la culture ou le sport voyant leur chiffre d’affaire décliner de 50 % ou plus pourront désormais en bénéficier. Les indemnisations sont dorénavant plafonnées à 10 000 euros pour les entreprises jusqu’à 50 salariés. En effet, elles peuvent à présent éligibles à ce fonds (décret n° 2020-1328, du 2 novembre 2020, relatif au fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation N° Lexbase : L5893LYW). Des exonérations de charges à hauteur de 3 milliards d’euros vont dans le même sens et concerneront toutes les entreprises fermées. Une rallonge de 3,2 milliards est aussi prévue pour permettre au dispositif de chômage partiel de tenir jusqu’à la fin de l’année.

Certains secteurs particulièrement touchés par la crise font aussi l’objet d’une attention particulière. Un fonds d’urgence de 30 millions d’euros est créé pour sauvegarder l’emploi dans les petites associations, en particulier dans le domaine de l’économie sociale et solidaire. Les petits commerçants vont bénéficier d’une aide de 60 millions d’euros pour accélérer le passage au numérique, crucial pendant le reconfinement. L’investissement dans des branches stratégiques comme l’automobile et l’aéronautique va enfin être soutenu à hauteur de 82 millions d’euros.

Le second objectif de ce collectif budgétaire est d’aider les plus précaires.

Une aide exceptionnelle de 1,1 milliard d’euros est créée afin de soutenir les foyers les plus précarisés. Cette aide s’élève à 150 euros pour les personnes percevant le RSA ou l’ASS ainsi que pour les jeunes de moins de 25 ans bénéficiant de l’APL. Elle est fixée à 100 euros par enfant pour les familles touchant l’APL.

Un milliard d’euros est en parallèle destiné aux personnes handicapées, à l’aide à l’apprentissage et à l’embauche des jeunes ainsi qu’à l’hébergement d’urgence. 30 000 nouveaux postes dans l’insertion par l’activité sont aussi prévus pour accompagner les populations les plus fragiles.

Le dernier objectif de ce collectif budgétaire est de venir en aide aux collectivités locales.

Le fonds de stabilisation des départements est augmenté par rapport aux années précédentes afin de bénéficier à davantage de départements. Des crédits sont aussi prévus pour compenser les achats de masques par les collectivités locales. Une aide exceptionnelle de 20 millions d’euros est enfin accordée au département des Alpes-Maritimes après la tempête Alex.

En revanche, deux enveloppes adoptées dans la troisième loi de finances rectificative sont ajustées à la baisse. D’une part, la dotation de compensation du bloc communal des pertes de recettes perd plus de 350 millions d’euros. D’autre part, les avances remboursables de DMTO sont diminuées de 1,5 milliards d’euros en raison du peu d’engouement des départements pour la mesure.

V - Les normes spécifiques aux finances locales

Plusieurs normes adoptées au printemps sont venues accroître la souplesse de gestion des finances locales afin d’aider les collectivités territoriales et leurs établissements publics à affronter la crise actuelle.

D’une part, la loi n° 2020-290 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19 du 23 mars 2020 suspend pour l’année 2020 les contrats de Cahors (article 12). Ces contrats conclus entre le Préfet et les principales collectivités territoriales sont destinés à plafonner la progression des dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales. Ils ont été prévus par la loi n° 2018-32 de programmation des finances publiques pour les années 2018-2022 du 22 janvier 2018 (voir notre chronique de finances locales in Hebdo édition publique n° 491 du 8 février 2018).

D’autre part, l’ordonnance n° 2020-330, du 25 mars 2020, relative aux mesures de continuité budgétaire, financière et fiscale des collectivités territoriales et des établissements publics locaux ({"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 57374430, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "Ordonnance n\u00b0 2020-330 du 25 mars 2020 relative aux mesures de continuit\u00e9 budg\u00e9taire, financi\u00e8re et fiscale des collectivit\u00e9s territoriales et des \u00e9tablissements publics locaux afin de faire face aux cons\u00e9quences de l'\u00e9pid\u00e9mie de covid-19", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: L5718LWP"}}) assouplit le calendrier budgétaire des collectivités territoriales. L’adoption du budget primitif et l’arrêté du compte administratif sont reportés au 31 juillet. La présentation du ROB (rapport d’orientation budgétaire) et le DOB (débat d’orientation budgétaire) pourront avoir lieu en même temps que l’adoption du budget primitif. En l’absence de budget primitif, les exécutifs locaux ont pu reconduire les dépenses d’investissement du budget précédent (et pas seulement les dépenses de fonctionnement). Le plafond des dépenses imprévues passe à 15 % au lieu de 7,5 % habituellement des dépenses prévisionnelles de la section concernée (et de 2 % pour les régions et métropoles ou assimilés). Toujours dans le but de faire face aux dépenses imprévues, les mouvements de crédits entre chapitres sont aussi autorisés jusqu’à 15 % des dépenses de la section concernée, hors dépenses de personnels, sans délibération préalable de l’organe délibérant. Les mouvements de crédits de la section de fonctionnement vers la section d’investissement, ou l’inverse, demeurent en revanche prohibés. Enfin, les délégations en matière d’emprunt local accordées au maire ou au président d’intercommunalité par son assemblée sont reconduites jusqu’à la réunion des nouveaux conseils désignés par les élections municipales de 2020.

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Fonction publique

[Brèves] Assouplissement des conditions d'ouverture et de renouvellement du congé de présence parentale dans la fonction publique

Réf. : Décret n° 2020-1492, du 30 novembre 2020, portant diverses dispositions relatives au congé de présence parentale et au congé de solidarité familiale dans la fonction publique (N° Lexbase : L8173LYD)

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N5607BYC

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par Yann Le Foll

Le 09 Décembre 2020

► Le décret n° 2020-1492, du 30 novembre 2020, portant diverses dispositions relatives au congé de présence parentale et au congé de solidarité familiale dans la fonction publique (N° Lexbase : L8173LYD), procède à l’assouplissement des conditions d'ouverture et de renouvellement du congé de présence parentale et à la clarification des conditions d'attribution et de mise en œuvre du congé de solidarité familiale pour les fonctionnaires stagiaires des trois fonctions publiques.

La demande de congé de présence parentale, qui permet au salarié de s'occuper d'un enfant à charge dont l'état de santé nécessite une présence soutenue et des soins contraignants, est accompagnée d'un certificat médical qui atteste de la gravité de la maladie, de l'accident ou du handicap et de la nécessité de la présence soutenue d'un parent et de soins contraignants. Ce certificat, établi par le médecin qui suit l'enfant au titre de la maladie, de l'accident ou du handicap susmentionnés, précise la durée prévisible du traitement de l'enfant. Le nombre de jours de congé de présence parentale dont peut bénéficier le fonctionnaire pour un même enfant et en raison d'une même pathologie est au maximum de trois cent dix jours ouvrés au cours d'une période de trente-six mois. La durée du congé de présence parentale est égale à celle du traitement de l'enfant définie dans le certificat médical.

Le décret détermine les modalités de prise du congé de présence parentale de manière fractionnée ou sous la forme d'un temps partiel. Le fonctionnaire peut choisir de modifier les dates prévisionnelles de congé et les modalités choisies de leur utilisation.

Il ajoute une seconde situation de réouverture du droit à congé à l'issue de la période maximale de trois ans, lorsque la gravité de la pathologie de l'enfant au titre de laquelle le droit à congé avait été ouvert nécessite toujours une présence soutenue de l'un des deux parents et des soins contraignants. Pour la détermination des droits à avancement, à promotion et à formation, les jours d'utilisation du congé de présence parentale sont assimilés à des jours d'activité à temps plein.

En outre, il fixe entre six et douze mois, au lieu de six mois au maximum, la période à l'issue de laquelle le droit au congé de présence parentale doit faire l'objet d'un nouvel examen en vue de son renouvellement.
Par ailleurs, il prévoit les conditions d'attribution et les modalités de mise en œuvre et de comptabilisation du congé de solidarité familiale (qui permet au salarié de s'absenter pour assister, sous conditions, un proche en fin de vie) au cours la période de stage, pour les fonctionnaires stagiaires des trois fonctions publiques.

Il entre en vigueur le lendemain de sa publication.

Pour aller plus loin : ÉTUDE : Les conditions de travailLes autres congés in Droit de la fonction publique (N° Lexbase : E85213KS).

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Procédure civile

[Textes] Ajustements et restrictions, entre joies et peines : à propos des dispositions relatives à la procédure d’appel du décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020

Réf. : Décret n° 2020-1452, du 27 novembre 2020, portant diverses dispositions relatives notamment à la procédure civile et à la procédure d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions (N° Lexbase : Z7419194)

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N5629BY7

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par Farid Seba, ancien Avoué à la cour, Avocat spécialiste en procédure d’appel, formateur en procédure civile

Le 23 Décembre 2020


Mots clés : déclaration d'appel • mentions obligatoires • nullité de l'acte d'appel • objet de la demande • état civil de l'appelant • requête en déféré • ordonnance du conseiller de la mise en état • irrecevabilité des conclusions de l'intimé • 901 du CPC • 916 du CPC • juge de la mise en état • fin de non-recevoir


La réforme d’une règle de procédure, quelle qu'elle soit, devrait logiquement procéder de l’idée d’une amélioration ou d’une simplification du système. C’est à cela que l’on mesure les progrès accomplis dans la mission de service publique qu’est la justice. Malheureusement, depuis quelques années, force est de constater que ces objectifs ne semblent plus ceux qui prévalent en matière de réforme judiciaire.

Le dernier décret de procédure du 27 novembre 2020 n’échappe pas à cette critique. En effet, en marge de quelques retouches de forme ci et là, certes nécessaires, le pouvoir réglementaire en a profité pour réduire encore un peu plus la marge de manoeuvre du justiciable qui peine déjà à naviguer dans une procédure d’appel dont la complexité n’a d'égal que la propension grandissante à faire courir des risques que rien ne justifie.

I. Des modifications plutôt bienvenues

A. Mentions de la déclaration d’appel : clarté et précisions
B. Objet de la demande et état civil de l'appelant, rien de nouveau

II. Une restriction certaine du droit d'accès au juge du fond, juge de la procédure

A. Sur la forme du déféré
B. La restriction de l'étendue des possibilités en matière de déféré : un net recul des droits des parties

La période de confinement imposée par la crise sanitaire que nous traversons s’accompagne pour la majorité d’entre nous d’un ralentissement de notre activité. Un temps de pause imposé que l'on voudrait propice à la réflexion et à la retenue. Il n'en est manifestement pas de même pour tout le monde.

En effet, alors que nous digérons à peine l’entrée en vigueur du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019 (N° Lexbase : L8421LT3), le 27 novembre 2020 paraissait au journal officiel, un nouveau décret n° 2020-1452 portant diverses dispositions relatives notamment à la procédure civile et à la procédure d'indemnisation des victimes d'actes de terrorisme et d'autres infractions. Ce texte, appelé à entrer en vigueur le 1er janvier 2021, vient principalement modifier et préciser la procédure de première instance relativement à la forme et aux modalités de remise de l’assignation introductive d'instance devant le tribunal judiciaire, la mise en état, la procédure sans audience, la comparution à l'audience, l'exécution provisoire, la conciliation et la médiation ou encore la procédure de divorce. Sur les dispositions concernant la procédure de première instance, voir le commentaire de Charles Simon. [1] 

Mais le nouveau décret apporte également quelques modifications à la procédure applicable devant la cour d'appel. Les articles 901 (N° Lexbase : L9351LTI), 905 (N° Lexbase : L2324LUM), 916 (N° Lexbase : L7248LE8) et 933 (N° Lexbase : L9352LTK) du Code de procédure civile ont ainsi été modifiés. Les changements portent essentiellement sur la rédaction de la déclaration d’appel (CPC, art. 901 et 933), sur l'étendue du champ d'application de la procédure à brefs délais (CPC, art. 905) et enfin, sur la procédure de déféré (CPC, art. 916). Si certaines de ces modifications sont plutôt bienvenues pour avoir été appelées de leur vœux par la doctrine, ou parce qu’elles s’inscrivent dans la logique des précédentes réformes (I), il en va différemment des restrictions apportées par le décret à l'accès au juge du fond dans son rôle d'autorité régulatrice des excès du magistrat instructeur dans une procédure d’appel de plus en plus complexe et exigeante (II).

I. Des modifications plutôt bienvenues

Le décret n° 2020-1452 du 27 novembre 2020 présente le mérite de clarifier les exigences de forme de la déclaration d’appel (A), c’est là l’occasion d'en préciser la portée (B).

A. Mentions de la déclaration d’appel : clarté et précisions

Le précédent décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, entré en vigueur le 1er janvier 2020, a considérablement réformé la procédure de première instance en fixant de nouvelles règles de saisine et d'instruction des dossiers devant le tribunal judiciaire. Ce texte contenait également quelques nouvelles dispositions relatives à la procédure d’appel et notamment à l'article 901 du Code de procédure civile lequel fixe les mentions exigées à peine de nullité dans l'acte d’appel.

Mû par un élan réformateur, le législateur avait alors substitué, dans le texte de l’article 901, la mention du renvoi à l’article 58 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9290LTA) par une mention de renvoi à l’article 57 (N° Lexbase : L9288LT8) du même code.

Rappelons que l'article 57 du Code de procédure civile renvoie lui-même expressément à l’article 54 (N° Lexbase : L9077LTD), lequel prévoit, entres autres mentions à faire figurer à l’acte de saisine de la juridiction et ce à peine de nullité, l’obligation de mentionner les pièces sur lesquelles la demande est fondée.

Ce jeu de renvois successifs d’un texte à un autre, s’il présente l'avantage pour son auteur de faire l’économie d’une nouvelle rédaction, présente l’inconvénient majeur de calquer, sans ajustement aucun, une ou plusieurs exigences procédurales d'une instance à l'autre, sans tenir compte des spécificités propres à chaque instance.

Or, le chemin le plus court n'est pas toujours le plus aisé, surtout en matière de procédure civile.

La plus grande confusion s’est donc installée avant même que n'entre en vigueur le décret du 11 décembre 2019, sur la question de savoir si la déclaration d’appel devait nécessairement, et au risque de voir l'acte déclaré nul, être accompagnée d’une liste de pièces sur lesquelles la demande est fondée. Sans que l’on sache d’ailleurs de quelles pièces il s'agit, ou encore comment articuler cette exigence avec les dispositions des articles 132 (N° Lexbase : L0429IGY) à 137 (N° Lexbase : L1482H4N) et 906 (N° Lexbase : L7238LES) du Code de procédure civile et la faculté qu’ont les parties de faire état de nouvelles pièces à tout moment du déroulement de la procédure.

Cette situation inconfortable a suscité beaucoup de remous dans la pratique des cabinets d'avocat, habitués que nous sommes, depuis les premiers décrets dits « Magendie », à prendre toutes les précautions envisageables dans la rédaction de nos actes de procédure. Si bien que toutes sortes de recommandations plus ou moins utiles, mais légitimes, ont été formulées pour parer à l'éventualité d'une sanction : mention de la liste des pièces de première instance dès la préparation de la déclaration d’appel directement dans le champ « observations » de l’écran RPVA ; jonction à la déclaration d’appel de la liste des pièces de première instance au format PDF ou encore, communication au greffe de la cour d’un bordereau de pièces portant la mention « sous réserves »…

C'est bien connu, « l'homo sapiens juriste » et plus particulièrement « l'homo sapiens avocat » consacre une part de plus en plus importante de son énergie et de son temps à tenter de remédier aux situations inconfortables dans lesquelles il est placé, dans l'exercice de son activité professionnelle, par l'inflation grandissante de la règle de droit.

Cette crainte n'a plus lieu d’être, le décret du 27 novembre 2020 supprime purement et simplement l’exigence de la mention des pièces qui fondent la demande. En effet, le texte de l’article 901 du Code de procédure civile a été revu et corrigé dans ses excès de renvoi d'un texte de procédure à l'autre. Ainsi, la mention faite à l’article 57 du Code de procédure civile dans son intégralité, est désormais remplacée par la reproduction in extenso de certaines dispositions bien choisies des article 54 et 57 du Code de procédure civile. L'article 901 du Code de procédure civile ne fait désormais référence qu'aux seules dispositions des 2° et 3° de l'article 54 du Code de procédure civile ainsi qu'au troisième alinéa de l'article 57.

Nouvelle rédaction de l’article 901 du Code de procédure civile :

« La déclaration d'appel est faite par acte contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le troisième alinéa de l’article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l'avocat constitué.
Elle est accompagnée d'une copie de la décision.
Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle. »

La première observation que l’on peut faire tient au fait que les mentions qui ont été écartées, l'ont été à juste titre, car elles faisaient pour certaines d'entre elles, double emploi avec celles figurant déjà nativement dans le texte de l'article 901 ou ne trouvaient en réalité aucune véritable justification procédurale au stade de la déclaration d’appel.

Il en va ainsi par exemple de :

  • l'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée, mention faisant double emploi avec la mention de l'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
  • ou encore des mentions relatives à la désignation des immeubles exigées pour la publication au fichier immobilier, mention pour le moins incongrue au stade de la saisine de la cour.

Le texte gagne donc en clarté et en précision et cette modification doit être accueillie favorablement.

Par ailleurs, l’exigence d’une mention dès la déclaration d'appel de la liste des pièces sur lesquelles la demande serait fondée, exigence qui posait difficulté au praticien, a fort heureusement disparu du texte de l’article 901 et dans sa fiche de présentation du nouveau texte [2], la Direction des affaires civiles et du Sceau est venue préciser à juste titre que cette exigence n'avait de toute façon pas de sens dans la mesure où :

« ...l’appelant ou le demandeur au pourvoi ne connaît pas nécessairement l’intégralité́ des pièces qu’il produira dès la déclaration d’appel ou le pourvoi. Cette exigence, à ce stade de la procédure, était donc prématurée. »

L'argument ne souffre aucune discussion et il y a fort à parier que la cour de cassation, qui n'a pas eu l'opportunité de se prononcer sur cette question, aurait statué dans le même sens. Nous voilà fixés pour ne pas dire rassurés.

B. Objet de la demande et état civil de l'appelant, rien de nouveau

S'agissant des autres mentions du texte et plus particulièrement du renvoi aux deuxièmement et troisièmement de l’article 54 du Code de procédure civile, le renvoi à l'alinéa 3 de l'article 57 ne semblant pas poser de difficulté, il convient d'apporter les précisions suivantes.

1) Que faut-il entendre par “ l'objet de la demande “ (CPC, art. 54, 2° )

Relevons d’abord que ce que n'est que très récemment et plus particulièrement depuis la publication du décret du 27 novembre 2020, que certains commentateurs du nouveau décret se sont émus de cette exigence procédurale considérée à tort, comme un piège tendu par le législateur.

Or, cette référence à l'article 54 qui n’est pas nouvelle pour avoir été introduite à l'article 901 du Code de procédure civile par une réforme de 2005 [3], par renvoi de l'article 58 du Code de procédure civile, n'a jusqu'à aujourd'hui posé aucune difficulté d'interprétation. Les craintes exprimées au sujet de cette mention peuvent être résumées de la manière suivante.

Que faut-il entendre par « objet de la demande » au stade de la déclaration d'appel ? S’agit-il des demandes envisagées devant la cour ? Dans l'affirmative, quid des demandes de première instance ? Et quel sort réserver à la déclaration d'appel qui ferait l'économie d'une mention conforme de l'objet de la demande ?

A y regarder de plus près, ces inquiétudes ne sont absolument pas fondées. En effet, alors que devant le tribunal l'objet de la demande s'apprécie à l'aune de l'article 4 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1113H4Y) lequel définit l'objet du litige comme étant : «... l’ensemble des prétentions des parties, telles qu’elles sont fixées dans l’acte introductif d’instance et les conclusions en défense, étant précisé que celui-ci peut se trouver modifié par les demandes incidentes qui se rattachent aux demandes originaires par un lien suffisant. »,  il en va différemment au stade de l'appel.

Ainsi, devant la cour, la notion d'objet de la demande doit être envisagée par rapport aux dispositions de l’article 542 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7230LEI) lequel précise que :« L'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel. »

L’objet de la demande à faire figurer dans la déclaration d'appel, vise donc en réalité l’objet de la demande d’appel, dans le sens premier du terme.

S’agit-il d’un appel réformation du jugement, ou d’un appel annulation du jugement ? Ou encore, comme le permet la jurisprudence dans des certains cas particuliers, d'un appel nullité de la décision entreprise ?

Il revient à l'appelant de déclarer son intention en précisant le but recherché devant la cour et il ne s'agit là nullement de faire état des prétentions que l'on entend soumettre à la cour. Cette précision relative à l’objet de la demande est par ailleurs aujourd'hui utilement complétée par la mention des chefs de jugement critiqués devant la cour, mention exigée depuis la réforme de procédure introduite en 2017. [4]

Il n’y a donc là aucun piège, et l'absence de contentieux portée devant la Cour de cassation sur cette question en témoigne largement.

Enfin, c’est en remplissant les champs du RPVA correspondants, lors de la formalisation de la déclaration d’appel, que le praticien satisfera à l’exigence de cette mention qu'il convient tout même d'observer à peine de nullité de l'acte d'appel. Les mentions relatives à l’état civil du ou des appelants dans la déclaration d'appel posent quant à elles bien moins de difficultés.

2) Les mentions relatives à l’état civil de l'appelant (CPC, art. 54, 3°)

L'appelant personne physique ou personne morale doit mentionner son état civil complet dans sa déclaration d'appel.

Cette exigence, empruntée à la procédure de première instance, est principalement destinée à assurer l’identification du demandeur à l’instance d’appel.

Elle est évidemment prévue à peine de nullité de l'acte, mais la sanction est toute relative.

Rappelons, en effet, que la Cour de cassation semble avoir définitivement enterré le contentieux de la déclaration d’appel relatif au défaut ou à l’inexactitude de ces mentions, en les rangeant dans la catégorie des exceptions de procédure et plus précisément des nullités pour vice de forme pour lesquelles la démonstration d’un grief est exigée, démonstration pas toujours aisée à faire.

Précisons par ailleurs que l’inexactitude ou l’omission dans l’une ou l’autre de ces mentions, peut toujours être réparée par les mentions apportées à l'énoncé des parties lors de la rédaction des conclusions d'appel, à condition que cette régularisation intervienne à l'intérieur du délai pour former appel.

Enfin, il est utile d’indiquer que la récente évolution de la jurisprudence de la Cour de cassation initiée en 2014 [5] sur l’application des dispositions de l’article 2241 du Code civil (N° Lexbase : L7181IA9), relatives à l’interruption du délai de forclusion, à la déclaration d’appel entachée d’un vice de procédure, qu’il soit de forme ou de fond, permettant de réitérer l'acte d'appel, le délai d'appel ayant été interrompu par le premier acte entaché d'une nullité, a fait perdre à la sanction du non-respect de ces dispositions, une grande part d'intérêt.

Mais là où le décret du 27 novembre 2020 innove véritablement, c'est dans son aspect réducteur du droit d’accès à la juridiction d’appel statuant en matière de déféré.

II. Une restriction certaine du droit d'accès au juge du fond, juge de la procédure

Le principal changement, ou devrait-on dire le principal écueil, du décret du 27 novembre 2020, réside dans la modification des dispositions de l’article 916 du Code de procédure civile.

L'article 916 du Code de procédure civile règle la procédure de déféré des ordonnances du conseiller de la mise en état.

Les modifications apportées par la réforme sont à la fois de forme (A) et de fond (B).

A. Sur la forme du déféré

L'article 916 du Code de procédure civile a été modifié en ce sens que, dans la forme que doit prendre la requête en déféré, il n'est plus fait allusion à l'article 58 du Code de procédure civile, mais à l'instar des modifications apportées au texte de l'article 901 évoquées ci-dessus, à l'article 57 du Code de procédure civile.

Malheureusement, le législateur n'a pas fait preuve ici du même esprit de clarté que pour la réécriture de l'article 901 du même code.

En effet, l'article 57 du Code de procédure civile est à nouveau visé, dans l’article 916, dans sa totalité. Ce qui relance le débat de l'utilité de la mention de certaines des dispositions du texte de l'article 57 dans la requête en déféré, mentions qui ne trouvent manifestement aucune justification à ce stade de la procédure.

Il eut été plus judicieux de procéder comme à l'article 901 du code de procédure civile, par une sélection des seules mentions ayant un sens utile sur le plan procédural lors de la mise en œuvre du déféré.

Cet inconfort dans la rédaction de l'article 916 du code de procédure civile est d'autant moins justifié, que de l'avis même de la Cour de cassation [6] :

« La requête en déféré est un acte de procédure qui s’inscrit dans le déroulement de la procédure d’appel », et non une voie de recours « ouvrant une instance autonome» .

Or, les dispositions de l'article 57 comme celles de l'article 54 d'ailleurs, servent essentiellement pour ne pas dire exclusivement à fixer les formes dans lesquelles se fait la saisine des juridictions.

Manifestement et pour paraphraser la Bible, en matière de réforme des textes, la main gauche ignore ce que fait la main droite. [7]

Quoi qu'il en soit, le bon sens commandera de limiter la rédaction de la requête en déféré aux seules mentions utiles et en relation directe avec cette procédure.

Il en va ainsi des mentions relatives à l’identification des parties ou encore l'indication de la décision déférée et surtout à l'exposé des moyens en fait et en droit.

S'agissant enfin du délai dans lequel le déféré doit être régularisé, il convient de rappeler que l'acte doit être remis à la juridiction d'appel dans les 15 jours de l'ordonnance du conseiller de la mise en état à peine d'irrecevabilité.

A cet égard, la Cour de cassation considère que : « ... l'irrecevabilité frappant le déféré formé au-delà de ce délai ne constitue pas une atteinte disproportionnée au droit d'accès au juge, dès lors que les parties sont tenues de constituer un avocat, professionnel avisé, en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel, dont fait partie le déféré, dans les formes et délais requis.[8]

La question est donc entendue.

Ceci étant, la préoccupation majeure de cette réforme se trouve en réalité dans le fait que désormais le déféré est considérablement limité dans son champ d'application.

B. La restriction de l'étendue des possibilités en matière de déféré : un net recul des droits des parties

Le conseiller de la mise en état est de facto considéré comme le pendant du juge de la mise en état devant la cour en ce qu'il tire principalement ses pouvoirs de ceux accordés au juge de la mise en état par les articles 780 (N° Lexbase : L9318LTB) et suivants du Code de procédure civile.

Mais le conseiller de la mise en état dispose par ailleurs d'autres pouvoirs qui lui sont conférés par l'article 914 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7247LE7) et qui sont spécifiques à la procédure d'appel ;

En application de ce texte, le conseiller de la mise en état est compétent pour :

  • prononcer la caducité de l'appel ;
  • déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ;
  • déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 (N° Lexbase : L7240LEU) et 910 (N° Lexbase : L7241LEW) du Code de procédure civile ;
  • déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7249LE9).

Les décisions prises par le conseiller de la mise en état sur la base de ces pouvoirs sont susceptibles d'être remises en question devant la cour par la procédure dite de déféré.

Ainsi le texte de l'article 916 du Code de procédure civile prévoyait que les ordonnances du conseiller de la mise en état, qui ne peuvent pas être frappées de pourvoi indépendamment de l’arrêt sur le fond, peuvent être déférées par requête, lorsqu’elles statuent notamment :

  • sur une exception de procédure, un incident mettant fin à l'instance, la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909, 910, et 930-1. »

Ce sont précisément ces dispositions de l'article 916 du Code de procédure civile que vient modifier le décret du 27 novembre 2020.

Désormais, le déféré est limité aux seules décisions statuant sur :

  • une fin de non-recevoir ou sur la caducité de l'appel

Ce changement de paradigme mérite quelques observations et ne peut échapper à une critique sévère, tant les conséquences, en termes de limite aux droits de la défense, sont désastreuses.

La première observation qui s'impose consiste à relever que le texte ne vise plus uniquement « la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel » mais plus généralement la « fin de non-recevoir ».

Est-ce à dire que nous avons perdu la possibilité de déférer à la cour les ordonnances statuant sur l'irrecevabilité de l'appel ?

La réponse est assurément négative, car il faut ranger dans la catégorie des fins de non recevoir, les incidents de procédure qui ont trait à l'inobservation des délais d'exercice des voies de recours ou à l'absence d'ouverture de la voie de recours, tels que l'irrégularité de la saisine de la cour, la question de savoir s'il s'agit bien d'un jugement susceptible d'appel et si oui, d'un appel immédiat, ou encore l'éventuelle application de l'article 528-1 du Code de procédure civile(N° Lexbase : L6677H7G).

Ces fins de non-recevoir sont d'ailleurs expressément visées à l'article 125 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1421H4E), lequel n'a fait l'objet d'aucune modification, et ont un caractère d'ordre public, ce qui a pour conséquence que le juge doit les relever d'office.

En fait, la nouvelle formulation « fin de non-recevoir » vise plutôt à synthétiser, à regrouper à la fois les fins de non-recevoir dites classiques, celles de l'article 122 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1414H47), avec les fins de non-recevoir propres à la procédure d'appel.

En effet, la modification apportée par la réforme au texte de l'article 789 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L9322LTG) qui donne désormais compétence au juge de la mise en état, et donc par voie d'extension au conseiller de la mise en état, pour statuer sur les fins de non-recevoir de l'article 122 du même code, est sans aucun doute à l'origine de la réécriture de l'article 916 du Code de procédure civile sur ce point.

A cet égard, on relèvera que le décret du 27 novembre tire les conséquences de cette nouvelle compétence du juge de la mise en état en ouvrant la voie de l’appel aux décisions, qu’elles émanent du magistrat instructeur ou de la formation de jugement sur renvoi, qui statuent sur une fin de non-recevoir et sur une question de fond liée à cette fin de non-recevoir.

L’appel qui relèvera ici du circuit court prévu à l’article 905 lequel a fait l’objet d’une modification en ce sens, devra porter sur les deux aspects de la décision, la fin de non-recevoir et la question de fond car ils sont indissociables.

Même si cet ajustement d’une réforme à l’autre est plutôt bienvenu, le doute est tout de même permis sur l’efficacité pratique d’un tel dispositif.

En effet, la question de fond ainsi tranchée peut aisément déborder sur l’ensemble du litige. Prenons par exemple l’hypothèse de la fin de non-recevoir tirée du défaut d’intérêt à agir, qui pour être tranchée, conduira nécessairement le juge de première instance à envisager le litige en son entier et à déborder ainsi largement le périmètre de la question qui lui a été posée.

Dans ces conditions, il est peu probable que les avocats, à tort ou à raison mais assurément dans un réflexe de défense légitime, ne se privent de multiplier les appels de ces décisions, ce qui aura pour conséquence directe de ralentir davantage la machinerie lourde que constitue la cour d’appel.

C’est encore le justiciable, consommateur final de toutes ces réformes, qui va en pâtir.

Mais ce qui est surtout préoccupant c’est que si le déféré a été maintenu relativement aux ordonnances statuant sur la caducité de l'appel, il a été en revanche supprimé en ce qui concerne les ordonnances qui statuent sur l'irrecevabilité des conclusions de l'intimé principal, de l'intimé à un appel incident ou à un appel provoqué, de l'intervenant forcé ou volontaire.

C'est donc toute une partie du contentieux procédural dévolu au juge d'appel qui disparaît et le conseiller de la mise en état est dès lors consacré dans un rôle de plus en plus important.

Le séisme est d'une amplitude considérable.

A première vue, on pourrait conclure que seuls les intimés ou les intervenants à la procédure d'appel seront affectés par cette suppression. Or, il n'en est rien.

En effet, le texte supprime également la possibilité de déférer les ordonnances qui statuent sur l’irrecevabilité des actes en application de l'article 930-1 du Code de procédure civile.

Ce texte qui fait obligation aux parties de remettre à la juridiction d'appel leurs actes par voie électronique sous peine d'irrecevabilité, vise l'ensemble des actes de la procédure d'appel, de quelque partie qu'ils émanent.

Ainsi, par exemple, l'assignation en appel provoqué qui n'aurait pas été remise au greffe de la cour par la voie électronique pourrait donner lieu à une ordonnance du conseiller de la mise en état déclarant l'acte nul, ordonnance désormais exclue de la procédure de déféré, ce qui limite la possibilité tant pour l'appelant que pour l'intimé d'étendre le procès en appel à d'autres parties.

Pire encore, cette restriction de l'accès au déféré, risque de relancer le contentieux pour ne pas dire la polémique autour de la question de l'appel formé en matière social par un avocat se situant hors ressort de la cour compétente pour connaître de cet appel.

En effet, même si la Cour de cassation semble plus ou moins avoir fermé les yeux sur la régularité d'une déclaration d'appel adressée par courrier au greffe de la cour par un avocat n'ayant pas accès au RPVA de ladite cour [9], parce que hors de son ressort, avec la réforme de l'article 916 du Code de procédure civile, le contentieux sur cette question, précisément celle de savoir ce qu'il faut entendre par « cause étrangère » autorisant la remise papier d'une déclaration au greffe de la cour, est désormais laissé à la seule appréciation des conseillers de la mise en état et risque de rebondir.

Dans la mesure où il y aura autant d'avis sur cette question qu'il y a de conseillers de la mise en état, sans parler des contradictions dans la jurisprudence qui se dégagera au sein d'une même cour d'appel, cette nouvelle répartition des pouvoirs pourrait avoir comme conséquence un accroissement du risque de voir déclarées irrecevables les déclarations d’appel qui ne seraient pas transmises par voie électronique motif pris de l’existence d’une cause étrangère. La cour d’appel n’étant plus appelée à se prononcer sur ce contentieux, c’est la jurisprudence des conseillers de la mise en état qui en fixera les limites avec tout ce que cela comporte d’incertitudes. Force est donc de constater que, même si la Cour de cassation ne considère pas le déféré comme une voie de recours à proprement parler et qu'il est donc difficile de parler de suppression d'une voie de recours, il s'agit là tout de même d'une privation considérable de l'accès au juge du fond, doublée d'un effet d'inégalité de traitement des justiciables selon le conseiller devant lequel ils se trouveront.

Ajoutons à cela le fait que l'article 914 du Code de procédure civile accorde aux ordonnances du conseiller de la mise en état statuant au visa des articles 909, 910, et 930-1 du même code, l'autorité de la chose jugée au principal, ce qui interdit à la cour de connaître de la question ainsi définitivement tranchée, seul le pourvoi en cassation mais uniquement avec l'arrêt sur le fond permettant de remettre en cause la décision du magistrat instructeur.

On peinera à trouver dans cette restriction du champ d'application du déféré quelque logique procédurale d'efficacité ou de célérité dans la conduite du procès d'appel, pas même l'idée souvent prêtée au législateur d'une volonté sournoise de réduire le contentieux d'appel.

En effet, comme c'est principalement la partie attraite devant la cour qui subira les conséquences de cette réécriture de l'article 916, il est fort probable que dorénavant, l'intimé qui aurait des velléités de former appel incident ou appel provoqué, pourrait être amené à choisir la voie de l'appel principal, limitant ainsi la restriction de l'accès au juge d’appel que pose ce changement dans l'article 916, et ce même si en qualité d'appelant il pourrait également souffrir de cette limitation mais dans une moindre mesure. On mesure alors l'efficacité plutôt restreinte d'une telle modification de l'article 916 du Code de procédure civile. Pour ceux d'entre nous qui avaient vu comme une lueur d'espoir dans l’introduction, en son temps, du texte de l'article 910-3 (N° Lexbase : L7043LEL) qui prévoit qu'en cas de force majeure le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état, peut écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 (N° Lexbase : L7036LEC) et 908 (N° Lexbase : L7239LET) à 911 (N° Lexbase : L7242LEX), seule véritable bulle d'oxygène dans un arsenal de règles plutôt asphyxiant, ils devront modérer leur enthousiasme et finir par admettre que « L'espoir fait vivre, mais comme sur une corde raide ». [10]

 

[1] C. Simon, « Même joueur joue encore : la réforme de la réforme de la procédure civile », Lexbase, Droit privé, décembre 2020, n°847 (N° Lexbase : N5622BYU).

[2] Ministère de la justice, Direction des affaires civiles et du Sceau, Fiche de présentation des dispositions de procédure civile du décret portant diverses dispositions relatives notamment à la procédure civile et à la procédure d’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme et d’autres infractions, 28 novembre 2020, I. a., p. 1, [en ligne].

[3] Décret n° 2005-1678 du 28 décembre 2005,relatif à la procédure civile, à certaines procédures d'exécution et à la procédure de changement de nom, art. 6 (N° Lexbase : L3298HEU).

[4] Décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 applicable à compter du 1er septembre 2017, relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile (N° Lexbase : L2696LEL).

[5] Cass. civ. 2, 16 octobre 2014, n° 13-22.088, F-P+B, (N° Lexbase : A6522MY9) ; Cass. civ. 2, 1er juin 2017, n° 16-14.300, FS-P+B+I (N° Lexbase : A8538WEX).

[6]  Cass. civ. 2, 11 janvier 2018, n° 16-23.992, F-P+B (N° Lexbase : A2014XAT).

[7]  Matthieu, 6, 3.

[8] Cass. civ. 2, 21 février 2019, n° 17-28.285, F-P+B (N° Lexbase : A9006YY9).

[9] Voir en ce sens l'avis de la Cour de cassation du 5 décembre 2017 (Cass. avis, 5 mai 2017, n°17006 N° Lexbase : A9752WBS).

[10] Citation de P. Valery.

newsid:475629

Procédure civile

[Brèves] Quid de l’interruption des délais de prescription et de forclusion par une déclaration d’appel nulle ?

Réf. : Cass. civ. 3, 3 décembre 2020, n° 19-17.868, FS-P+B+I (N° Lexbase : A950038D)

Lecture: 4 min

N5641BYL

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par Alexandra Martinez-Ohayon

Le 09 Décembre 2020

Deux éléments sont à retenir de l’arrêt rendu le 3 décembre 2020 par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, le premier est que l’acte de saisine d’une juridiction, même entaché d’un vice de procédure, interrompt les délais de prescription comme celui de forclusion, et le second, déjà jugé par la deuxième chambre civile (Cass. civ. 2, 1er juin 2017, n° 16-14.300, FS-P+B+I N° Lexbase : A8538WEX), porte sur la régularisation de la déclaration d’appel entachée d’un vice de procédure, qui demeure possible jusqu’à ce que le juge statue, cette dernière ayant interrompu le délai d’appel.

Faits et procédure. Dans cette affaire, une association foncière urbaine libre (AFUL) a été constituée par des copropriétaires d’un immeuble, en vue de réaliser une opération de restauration immobilière éligible à un dispositif de défiscalisation. La maîtrise d’œuvre a été confiée à une société qui était assurée par deux assurances, la réalisation des travaux a été confiée à une autre société également assurée, enfin la mission de coordination en matière de sécurité et protection de la santé a été confiéé à un professionel. L’AFUL a conclu un contrat d’assistance à la maîtrise d’ouvrage avec le syndic de copropriété, qui a sous-traité les missions de conseil et de gestion administrative et comptable à une SCP. Le 20 août 2004, un permis de construire a été délivré et la déclaration de chantier établie le 11 avril 2005. Courant juillet 2006, le chantier a été abandonné et l’immeuble muré. Les deux sociétés, et le syndic ont été placés en redressement judiciaire, puis en liquidation. L’AFUL et les copropriétaires ont assigné en indemnisation de leurs préjudices la SCP, le syndic et le coordonateur, ainsi que leurs assureurs.

Deux pourvois en cassation ont été formés et ils ont été joints en raison de leur connexité.

Seul le moyen unique, pris en sa deuxième branche, du pourvoi n° 19-20.259 sera analysé dans cette brève.

Le pourvoi. L’AFUL fait grief à l’arrêt (CA Nîmes, 25 avril 2019, n° 16/04127 N° Lexbase : A8340Y9R) d’avoir violé les articles 2241 (N° Lexbase : L7181IA9) et 2242 (N° Lexbase : L7180IA8) du Code civil et 121 (N° Lexbase : L1412H43) du Code de procédure civile, en retenant qu’elle n’avait pas qualité à agir.

Réponse de la Cour. Après avoir énoncé la solution précitée, aux visas des articles 2241, alinéa 2, du Code civil et 121 du Code de procédure civile, la Cour suprême relève que l’arrêt d’appel pour retenir le défaut de qualité à agir de l’AFUL, avait indiqué qu’elle avait justifié avoir procédé à la mise en conformité de ses statuts, et avoir accompli les formalités de déclaration et de publication prévues par l’article 8 de l’ordonnance du 1er juillet 2004, cependant que l’irrégularité de fond, portant sur le défaut de capacité d’ester en justice, entachant l’acte d’appel ne pouvait pas être couverte après l’expiration du délai d’appel. En conséquence, l’AFUL restait dépourvue de toute capacité à agir au moment où elle a interjeté appel.

La Haute juridiction s’était également prononcée en ce sens, par un arrêt du 16 octobre 2014 (Cass. civ. 2, 16 octobre 2014, n° 13-22.088, F-P+B N N° Lexbase : A6522MY9, commenté par E. Raskin, La décision annulant une déclaration d'appel pour vice de fond a un effet interruptif sur le délai d'appel au sens de l'article 2241, alinéa 2, du Code civil, dans Lexbase Droit privé, novembre 2014, n°590 N° Lexbase : N4495BUZ).

Solution. Le raisonnement est censuré par la Cour suprême, qui casse et annule en toutes ses dispositions l’arrêt d’appel.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Les modalités de mise en œuvre des actions en justice, Les effets de la demande en justice, in Procédure civile, Lexbase (N° Lexbase : E9903ETX)

 

newsid:475641

Procédure pénale

[Brèves] Secret des sources et preuve : les impératifs de loyauté et d’égalité ne s’appliquent pas aux journalistes

Réf. : Cass. crim., 1er décembre 2020, n° 20-82.078, FS-P+B+I (N° Lexbase : A411038Q)

Lecture: 3 min

N5526BYC

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par Adélaïde Léon

Le 16 Décembre 2020

► Le versement au dossier d’éléments de preuve remis par des journalistes à des enquêteurs ne saurait être déclaré irrégulier au seul motif que les conditions de leur recueil sont restées incertaines.

Rappel des faits. À la suite de la diffusio, sur les réseaux sociaux d’images montrant, lors d’un rassemblement, un homme recevant des coups de la part d’un individu porteur d’un casque CRS, une information a été ouverte. L’auteur présumé des coups a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire avec, notamment, l’interdiction d’entrer en relation avec les autres mis en examen parmi lesquels un gendarme réserviste également présent lors des faits.

Par la suite, le site Médiapart a publié un article révélant l’existence d’une rencontre entre les deux hommes, en violation des obligations de leur contrôle judiciaire, auquel étaient joints des extraits sonores de conversations entre les deux mis en examen.

Les journalistes ont accepté de remettre aux enquêteurs les originaux des fichiers audios à l’origine de l’article. Faisant valoir le droit à la protection de leurs sources, ils ont en revanche refusé de révéler les conditions d’obtention des enregistrements.

L’auteur présumé des violences a saisi la chambre de l’instruction d’une requête en nullité visant, notamment, le procès-verbal de versement de ces enregistrements à la procédure.

En cause d’appel. La chambre de l’instruction a rejeté le moyen tiré de la nullité des enregistrements sonores. Selon les juges, les fichiers avaient été régulièrement remis aux enquêteurs et l’argument de la défense relatif à l’impossibilité de connaître l’origine des enregistrements relevait de la question du contrôle de la valeur probante de ladite pièce et non pas de la régularité de la procédure. L’impossibilité de déterminer si une personne publique était intervenue dans la réalisation des enregistrements n’affectait donc pas la régularité de la procédure.

L’intéressé a formé un pourvoi contre cette décision.

Moyens du pourvoi. L’auteur du pourvoi faisait grief à la cour d’appel d’avoir rejeté le moyen tiré de la nullité des enregistrements. Il estimait que la légalité de l’enregistrement sonore ainsi que sa conformité au principe de loyauté ne pouvaient être appréciées en l’absence de connaissance de son auteur et du moyen de captation. Il était dès lors impossible de déterminer si une personne publique avait participé à sa réalisation ; circonstance susceptible de modifier « radicalement » les règles applicables.

Décision de la Cour. La Cour rejette le pourvoi et déclare l’arrêt d’appel régulier en la forme.

La Chambre criminelle rappelle que l’obligation de légalité et de loyauté dans le recueil des preuves ne pèse que sur les autorités publiques.

Qu’en est-il lorsque l’origine et les conditions de la réalisation d’une preuve sont inconnues ?

La Chambre criminelle précise que la seule circonstance que les enregistrements ont été remis aux enquêteurs par des journalistes ne suffit pas, à elle seule, à écarter l’intervention d’une autorité publique, sur qui seule pèse une obligation. Des investigations doivent donc, comme cela a été le cas en l’espèce, être menées afin de déterminer l’origine de l’élément de preuve.

En tout état de cause, la Cour de cassation précise que le versement au dossier d’éléments de preuve ne saurait être déclaré irrégulier au seul motif que les conditions de leur recueil sont restées incertaines.

Pour aller plus loin : E. Vergès, ÉTUDE : La preuve pénale, La Loyauté de la preuve, in Procédure pénale (dir. J.-B. Perrier), Lexbase (N° Lexbase : E4969ZT9).

 

newsid:475526

Protection sociale complémentaire

[Jurisprudence] Entreprise en liquidation judiciaire ou lorsque le prix de la portabilité est porté par l’organisme assureur

Réf. : Cass. civ. 2, 5 novembre 2020, n° 19-17.164, FS-P+B+I (N° Lexbase : A521033D)

Lecture: 25 min

N5642BYM

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par Quentin Frisoni, Avocat associé et Lola Pascaud, Avocat, cabinet Factorhy Avocats

Le 08 Janvier 2021

 


Mots-clés : protection sociale complémentaire • garantie santé et prévoyance • portabilité • liquidation judiciaire

L’article L. 911-8 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0437IXH) permet aux salariés garantis collectivement de bénéficier du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par l’assurance chômage, selon des conditions qu’il détermine. Ces dispositions, à caractère d’ordre public, n’opèrent aucune distinction entre les salariés des entreprises ou associations in bonis et les salariés dont l’employeur a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire et ne prévoient aucune condition relative à l’existence d’un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance.


 

Jusqu’à un milliard d’euros, c’est le prix estimé de la portabilité des droits en santé et prévoyance d’ici à fin 2021 [1]. Il est donc déterminant, pour la cotation des régimes « frais de santé » de savoir qui en supporte le coût !

Au cas particulier des entreprises placées en liquidation judiciaire, qui de l’employeur ou de l’assureur doit assumer la portabilité des droits des salariés licenciés alors que plus aucun salarié actif ne permet, via le versement de sa cotisation, de financer le coût de la portabilité ?  

Donnant lieu à des solutions contradictoires des juridictions du fond, une décision de la Cour de cassation était attendue depuis plusieurs années sur cette problématique qui prend aujourd’hui une coloration toute particulière dans un contexte de crise sanitaire et économique sans précédent, qui pourrait entraîner une vague de liquidations judiciaires importante au cours des prochains mois [2].

I. La portabilité

L’article L. 911-8 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0437IXH), issu de la loi de sécurisation de l’emploi n° 2013-504 du 14 juin 2013 (N° Lexbase : L0394IXU) dispose que :

« Les salariés garantis collectivement [en matière de frais de santé ou de prévoyance « lourde »] bénéficient du maintien à titre gratuit de cette couverture en cas de cessation du contrat de travail, non consécutive à une faute lourde, ouvrant droit à prise en charge par le régime d'assurance chômage, selon les conditions suivantes : […]

3° Les garanties maintenues au bénéfice de l'ancien salarié sont celles en vigueur dans l'entreprise […] » et ce, pour une durée ne pouvant excéder douze mois.   

Il résulte de ce texte d’ordre public en application de l’article L. 914-1 (N° Lexbase : L2520HI8) du même code que :

1. l’employeur est tenu de maintenir à ses anciens salariés le bénéfice des garanties de prévoyance complémentaire existant dans l’entreprise, postérieurement à la rupture de leur contrat de travail ouvrant droit à prise en charge par le régime d’assurance chômage (sauf faute lourde) ;

2. la portabilité est « gratuite » pour le salarié en bénéficiant. Toutefois, le terme « gratuit » est impropre. En effet, en assurance rien n’est gratuit et tout repose sur un système d’équilibre technique. En réalité :

  • la portabilité est bien « gratuite » pour le salarié porté dans le cadre de ses relations avec son ancien employeur ;
  • en revanche, elle a un coût pour l’entreprise dans le cadre de ses relations avec l’organisme assureur couvrant les régimes. En effet, en pratique, la portabilité est financée par un mécanisme de mutualisation : les cotisations des salariés actifs et de l’employeur servent au financement des garanties des salariés « portés ».

3. les salariés « portés » bénéficient des garanties « en vigueur » dans l’entreprise : l’existence et les caractéristiques de la couverture temporairement maintenue au profit des anciens salariés sont calquées sur celles dont bénéficient les salariés en activité.

II. Les difficultés suscitées par le placement de la société en liquidation judiciaire

Aucune précision n’est apportée par l’article L. 911-8 sur la mise en œuvre d’un tel maintien en cas de procédures collectives, et plus spécifiquement de liquidation judiciaire de l’entreprise. Dès lors, l’application des conditions précitées à ce cas particulier peut créer des difficultés d’interprétation.

A. Sur l’existence de l’entreprise

Il ne fait aucun doute que pendant la phase de la procédure de liquidation judiciaire, entre le jugement d’ouverture et le jugement de clôture, la personnalité morale de l’employeur subsiste pour les besoins de la liquidation de l’actif et du passif de l’entreprise. Pendant cette période, le liquidateur judiciaire peut alors, conformément à l’article L. 641-11-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L3298IC7), exiger l’exécution des contrats en cours dont notamment les contrats d’assurance de prévoyance/frais de santé, sous réserve bien évidemment de s’acquitter des cotisations y afférentes.

De la même manière, il n’y a aucun doute sur le fait que le jugement de clôture de la procédure de liquidation judiciaire entraîne la disparition de l’entreprise, et corrélativement celle du régime en vigueur en son sein, et du contrat souscrit sur son fondement. Dans ce cas, dans la mesure où l’entreprise n’existe plus et qu’il n’y a plus de garanties en vigueur dans l’entreprise, les anciens salariés ne peuvent plus se prévaloir du maintien des garanties au titre de la portabilité à compter de cette date, quand bien même les douze mois ne seraient pas écoulés. Le débiteur de l’obligation a disparu.

B. Sur le financement de la couverture du salarié « porté » 

Force est d’admettre que dès lors que :

  • l’entreprise a cessé son activité ;
  • et que plus aucun salarié n’est inscrit aux effectifs ;

le financement de la portabilité par le biais de la mutualisation est impossible. Ainsi, admettre le maintien de la portabilité dans une telle situation revient à faire supporter ce coût par les organismes assureurs alors qu’ils ne sont pas les débiteurs de l’obligation mentionnée à l’article L. 911-8.  

C’est sur la base de ce constat de l’impossibilité de couvrir la portabilité en cas de liquidation judiciaire que le législateur avait, à l’occasion de l’adoption de l’article L. 911-8 du Code de la Sécurité sociale, envisagé la mise en place d’un dispositif spécifique. En effet :

  • l’article 4 de la loi de sécurisation de l’emploi prévoit que le Gouvernement devait remettre au Parlement « un rapport sur les modalités de prise en charge du maintien des couvertures santé et prévoyance pour les salariés lorsqu’une entreprise est en situation de liquidation judiciaire » [3] ;
  • le rapport relatif à « la solidarité et la protection sociale complémentaire collective »  établi par M. Dominique Libault et remis au ministère du Travail le 23 septembre 2015 précise que :

« Sauf exception organisée au niveau des contrats de branche, les salariés sont aujourd’hui très peu, voire pas couverts en cas de faillite d’entreprise. […]

Des réflexions sont en cours pour organiser cette portabilité dans les meilleures conditions. Il est certain, en tout état de cause, qu’elle ne peut se déployer qu’avec un niveau élevé de mutualisation, compte tenu de la nature des risques encourus, à moins de confier à l’organisme assureur le soin de financer la continuité des droits en cas de faillite [...]. Je ne préconise pas de retenir cette piste en raison des surprimes qui pourraient en résulter pour les entreprises présentant des risques économiques importants. Il me paraît préférable de s’appuyer sur des fonds de solidarité […] » ;

  • une proposition de loi « relative au maintien des garanties complémentaires des salariés licenciés à la suite de la liquidation de leur employeur » avait été déposée à l’Assemblée nationale le 29 septembre 2015 afin de préconiser l’institution d’un fonds de mutualisation financé par une nouvelle taxe additionnelle sur les contrats collectifs de prévoyance complémentaire permettant de couvrir les salariés intéressés.

C. Sur la notion de garanties « en vigueur »

En cas de licenciement de l’ensemble des salariés pendant la phase des opérations de liquidation judiciaire, doit-on considérer que le contrat souscrit pour les assurer est toujours « en vigueur » ou au contraire qu’il est rendu caduc par disparition de son objet ? Le débat est permis.

À admettre dans ce cas que le contrat soit toujours « en vigueur », l’employeur peut-il imposer à l’organisme assureur de mettre en œuvre la portabilité des garanties collectives au profit du personnel licencié alors même qu’aucune cotisation ne lui sera versée (l’ensemble des salariés ayant été licenciés) ?

Afin de pallier cet écueil, nombreux sont les organismes assureurs qui ont prévu dans leurs conditions générales une clause excluant le maintien des garanties en cas de cessation totale d’activité de l’entreprise mise en liquidation judiciaire. Mais cette clause est-elle valable ?

C’est précisément l’objet du litige qui a été tranché par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans son arrêt du 5 novembre 2020.

IV. Le litige

Une entreprise qui avait souscrit un contrat collectif d’assurance complémentaire « santé » auprès d’une société d’assurance afin de garantir le régime qu’elle avait mis en place au profit de ses salariés a été placée en liquidation judiciaire.

À l’occasion de cette procédure, le liquidateur judiciaire a sollicité la mise en œuvre de la portabilité des garanties « frais de santé » au profit des anciens salariés licenciés.

La société d’assurance a refusé le maintien des droits au motif que le dispositif de portabilité ne s’appliquait pas en cas de cessation de l’activité de l’entreprise.

Après une mise en demeure non suivie d’effet, le liquidateur judiciaire a assigné la société d’assurance aux fins de la voir condamnée à assurer la portabilité à ces anciens salariés.

A. L’arrêt d’appel

La cour d’appel de Lyon a confirmé le jugement de première instance qui avait ordonné à la société d’assurance de maintenir le contrat collectif de frais de santé au profit des salariés licenciés postérieurement à l’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire.

Après avoir rappelé que l’article L. 911-8 du Code de la Sécurité sociale est d’ordre public, les juges du second degré ont estimé que ce texte :

  • conditionne la portabilité uniquement à l’existence et à l’application d’un contrat d’assurance collective complémentaire au jour où le licenciement du salarié est intervenu ;
  • ne crée qu’une seule exclusion du bénéfice de la portabilité touchant les salariés licenciés pour faute lourde ;
  • ne prévoit pas de conditions de maintien d’un paiement des cotisations par l’employeur ;
  • ne précise pas le financement de la portabilité qui n’est, selon la cour, en rien un critère ou une condition d’application de la portabilité ;
  • n’édicte que le principe et les modalités de maintien de la couverture « santé », maintenant clairement une obligation à la charge de l’assureur.

Au cas particulier, après avoir constaté l’absence de résiliation du contrat collectif, la cour en a conclu que l’assureur était toujours débiteur de ses obligations contractuelles.

Or, la clause des conditions générales stipulant que « le maintien des garanties cesse de plein droit en cas de cessation totale d’activité de l’entreprise contractante par suite de liquidation judiciaire » devait, selon les juges du fond, être réputée non écrite car contraire aux dispositions d’ordre public édictée à l’article L. 911-8.

Ainsi, la cour en a conclu que « la décision de liquidation judiciaire est […] sans incidence sur la mise en œuvre de l’article L. 911-8 ».

La cour d’appel de Lyon confirme ici sa jurisprudence antérieure selon laquelle il n’y a pas lieu de distinguer là où la loi ne distingue pas et donc d’exclure du mécanisme de maintien des garanties les salariés dont l’employeur a été placé en liquidation judiciaire, la seule exception au principe de la portabilité des droits étant le cas de la rupture du contrat de travail pour faute lourde. La cour avait également déjà jugé que le principe de portabilité « gratuite » institué par l’article L. 911-8 au profit des salariés licenciés s’appliquait y compris dans le cadre de la liquidation judiciaire de leur entreprise [4].

De la même manière, elle confirme la position de la cour d’appel de Colmar qui avait considéré, sur le fondement du caractère d’ordre public de la disposition de l’article L. 911-8, qu’aucun organisme assureur ne pouvait contractuellement y déroger et qui avait donc conclu que l’article des conditions générales du contrat prévoyant l’exclusion de la portabilité en cas de cessation totale d’activité à la suite d’un placement en liquidation judiciaire, était réputé non écrit [5].

En synthèse, selon la cour d’appel de Lyon, les dispositions contractuelles permettant d’écarter la portabilité en cas de procédure de liquidation judiciaire sont illégales et le maintien de la portabilité est subordonné au fait que la demande soit effectuée avant la résiliation du contrat d’assurance. Par ailleurs, la cour considère que la portabilité n’est pas conditionnée par le paiement des cotisations d’assurance par l’employeur ou par l’existence d’un dispositif de financement.

B. La décision de la Cour de cassation

L’assureur a formé un pourvoi en cassation faisant valoir que la cour d’appel aurait dû vérifier, « comme elle y était invitée », s’il existait un dispositif assurant le financement du maintien de la couverture santé souscrite par la société dans la mesure où, selon lui, « le financement du dispositif de portabilité reposait sur un système de mutualisation pesant sur l’employeur et les salariés demeurant dans l’entreprise, et non sur l’assureur, qui ne pouvait s’appliquer en cas de liquidation judiciaire de l’employeur ».

Pour rejeter le pourvoi de la société d’assurance, la Haute juridiction a d’abord rappelé que les dispositions de l’article L. 911-8 qui revêtent un caractère d’ordre public :

  • « n’opèrent aucune distinction entre les salariés des entreprises ou associations in bonis et les salariés dont l’employeur a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire » ;
  • « et ne prévoient aucune condition relative à l’existence d’un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance ».

La Cour de cassation s’est ensuite retranchée derrière la décision de la cour d’appel sur trois points :

  • le contrat en cause n’était pas résilié ;
  • l’article L. 911-8 du Code de la Sécurité sociale n’institue pas une exclusion du dispositif des salariés licenciés par suite d’une liquidation judiciaire de leur ancien employeur ;
  • le financement de la portabilité n’est pas un critère ou une condition d’application du dispositif.

Selon la Cour de cassation, les motifs de la décision de la cour d’appel de Lyon suffisaient à justifier sa décision et la cour d’appel n’avait donc pas à rechercher, comme le prétendait à tort l’assureur dans son moyen, s’il existait un dispositif assurant le financement du maintien de la couverture santé souscrite par la société.

V. Une position conforme à des avis rendus en 2017

Dans cinq avis rendus le 6 novembre 2017, la Cour de cassation avait subordonné l’application de la portabilité aux anciens salariés d’une société placée en liquidation judiciaire à la seule condition que le contrat d’assurance liant l’employeur à l’organisme assureur n’ait pas été résilié [6].

Puis, dans un arrêt du 18 janvier 2018, la Cour a semblé ajouter une condition à celle posée dans ces avis en approuvant un juge des référés d’avoir refusé d’ordonner à un organisme assureur de maintenir des garanties de prévoyance aux anciens salariés d’une entreprise en liquidation judiciaire au motif qu’il n’y avait pas lieu à référé. Elle a en effet jugé que la contestation de l’assureur revêtait un caractère sérieux, du fait de l’absence d’un dispositif assurant le financement du maintien des couvertures santé et prévoyance en cas de liquidation judiciaire de l’entreprise, de nature à constituer un obstacle au maintien des garanties au profit d’un salarié licencié [7].

On aurait pu y voir une évolution de la position de la Haute cour. Toutefois, force est d’admettre qu’il ne s’agissait que d’un arrêt rendu dans le cadre d’une procédure de référé qui n’avait donc pas pour objet de traiter le fond du problème. 

Dans son arrêt du 5 novembre 2020, la Cour de cassation prend finalement une position conforme aux avis rendus en 2017 : dès lors qu’il existe un contrat de complémentaire santé et de prévoyance au jour où le licenciement du salarié est intervenu, ce salarié peut prétendre au maintien « à titre gratuit » de ces couvertures. Les organismes assureurs ne peuvent pas lui refuser ces garanties du seul fait de l’inexistence d’un dispositif de financement spécifique à la situation de l’entreprise en liquidation judiciaire. Le seul cas d’exclusion possible est celui prévu par la loi, celui du licenciement pour faute lourde.

VI. Une décision contraire à la lettre du texte mettant l’obligation de portabilité à la charge de l’employeur et non de l’organisme assureur

L’opération d’assurance collective implique dans tous les cas une relation juridique triangulaire entre :

  • l’employeur qui souscrit un contrat d’assurance de groupe ou adhère à une mutuelle ou au règlement d’une institution de prévoyance ;
  • l’organisme assureur ;
  • les salariés assurés.

Il en résulte que :

  • par principe, les clauses du contrat d’assurance qui ne lient que l’entreprise souscriptrice et l’organisme assureur, sont en elles-mêmes inopposables aux salariés et inopposables par les salariés ;
  • les salariés peuvent se prévaloir à l’encontre de leur employeur de la norme collective instituant le régime de protection sociale complémentaire au sein de leur entreprise (décision unilatérale de l’employeur, accord collectif ou référendaire). Cet acte de droit du travail s’applique entre l’employeur et ses salariés ;
  • cette norme de droit du travail instituant le régime de prévoyance ou de frais de santé est inopposable à l’organisme assureur auprès duquel le contrat d’assurance garantissant le régime est souscrit. De la même manière, l’organisme assureur qui n’est pas partie à cet acte de droit du travail, ne peut pas l’opposer aux salariés. Seule la notice d’information rédigée par lui et remise aux salariés par l’employeur peut être opposée aux salariés par l’organisme assureur.

Toute dissymétrie entre la norme de droit du travail et le contrat d’assurance est donc directement supportée par l’employeur.

Or, la portabilité est une garantie collective dont l’employeur est l’unique débiteur. On rappellera en effet que l’article L. 911-8 du Code de la Sécurité sociale est issu d’une convention collective, l’accord national interprofessionnel du 11 janvier 2008 (N° Lexbase : L1048IWQ), et que la loi de 2013 n’est intervenue que dans le but d’élargir le champ d’application professionnel de cette convention qui n’était pas applicable aux entreprises non représentées par les organisations patronales signataires. C’est donc une norme travailliste qui ne lie que l’employeur à ses salariés, à l’exclusion de l’organisme assureur auprès duquel le contrat d’assurance collective est souscrit.

Elle se distingue en ce sens de l’obligation de maintien des garanties de frais santé instituée par l’article 4 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989 (N° Lexbase : L5011E4D), dite « loi Evin », mise à la charge exclusive de l’organisme assureur.

Dans son arrêt du 5 novembre 2020, en validant la décision de la cour d’appel ayant ordonné à l’organisme assureur d’assurer la portabilité sur le fondement d’une norme de droit du travail, la Cour de cassation fait peser le maintien « L. 911-8 » des garanties sur le mauvais débiteur et fait donc fi de la relation juridique triangulaire caractéristique de la protection sociale complémentaire. Aucune clause du contrat d’assurance n’aurait dû pouvoir être réputée non écrite sur le fondement de cet article qui ne lie pas l’organisme assureur.

VII. Une décision contraire à l’économie de la portabilité qui est un système par répartition et non par capitalisation

Nous l’avons vu, la portabilité n’est pas un maintien « gratuit ». Elle repose sur un système de mutualisation du risque : les salariés actifs et l’employeur cotisent auprès de l’organisme assureur. Les anciens salariés « portés » quant à eux, ne paient plus aucune cotisation.

La portabilité n’est donc pas un système par capitalisation où le salarié acquiert des droits mais un dispositif par répartition qui implique qu’en cas de disparition du groupe des salariés actifs, la seule source de financement du maintien des garanties des anciens salariés disparaît.

Dans une telle hypothèse, il serait donc logique qu’une surprime ou « prime unique » doive être versée par l’entreprise à l’organisme assureur afin que le maintien des droits puisse être mis en œuvre. À défaut, l’organisme assureur serait légitime à ne pas assurer la portabilité.

C’est ce même système par répartition qui est institué pour la retraite complémentaire AGIRC-ARRCO : les cotisations des actifs financent les droits des retraités. Or, lorsqu’une entreprise décide de réduire les cotisations acquittées tout en maintenant les droits des actifs et des retraités, elle doit s’acquitter d’une soulte.

Le ministère des Solidarités et de la Santé dans sa réponse ministérielle publiée le 14 avril 2020 avait d’ailleurs précisé, en s’appuyant sur l’arrêt de la Cour de cassation de 2018 précité, que :

« Le maintien des droits implique que le contrat ou l’adhésion liant l’employeur à l’organisme assureur :

- ne soit pas résilié ;

- ou qu’il prévoit un dispositif de financement de la portabilité en cas de liquidation judiciaire. En effet, l’absence d’un dispositif assurant le financement d’un maintien des couvertures santé et prévoyance lorsqu’une entreprise est en situation de liquidation judiciaire est de nature à constituer un obstacle au maintien à titre gratuit des garanties collectives au profit d’un salarié licencié en raison de la liquidation judiciaire de son employeur ».

VIII. Quelles solutions pour les organismes assureurs ?

1. Organiser le financement de la portabilité en cas de liquidation judiciaire de l’entreprise souscriptrice

Plusieurs possibilités sont envisageables :

  • anticiper le coût d’un éventuel placement de l’entreprise en liquidation judiciaire et le faire financer par l’employeur et les salariés dès la souscription du contrat. Le surcoût y afférent serait donc variable selon la taille de l’entreprise, son secteur d’activité, les garanties souscrites, etc. Mais alors ce surcoût pourrait être très conséquent pour les entreprises présentant des risques économiques importants. Le rapport « Libault » déconseillait à l’époque de retenir cette solution [8] ;
  • prévoir contractuellement une « surprime » à payer en cas de diminution significative des effectifs, que cela soit dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi ou dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire. La question qu’il est toutefois permis de se poser est de savoir si de telles clauses ne pourraient pas être jugées réputées non écrites par les juges…
  • négocier avec le liquidateur un financement de la portabilité : jusqu’à présent lorsque l’assureur faisait valoir qu’aucun financement n’avait été anticipé pour les cas de liquidation judiciaire, le maintien des garanties pour les anciens salariés dont l’entreprise était en procédure de liquidation pouvait être accordé en contrepartie d’une cotisation négociée en fonction du nombre de salariés concernés, de leur faculté à retrouver du travail, des résultats excédentaires ou non du régime, etc., dont s’acquittait le liquidateur judiciaire auprès de l’assureur. Reste à savoir si les liquidateurs vont continuer cette pratique à la suite de l’arrêt rendu par la Cour de cassation…

2. Résilier le contrat d’assurance

Avant le jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire : la résiliation pour non-paiement des primes peut intervenir dès lors que la lettre de mise en demeure pour non-paiement ainsi que l’échéance fixée par la lettre à compter de laquelle le contrat est résilié sont intervenues antérieurement au jugement d’ouverture.

Pendant la procédure de liquidation judiciaire : en contrepartie de la prérogative accordée au liquidateur judiciaire d’exiger l’exécution des contrats en cours, ce dernier doit s’assurer de disposer des fonds nécessaires pour assurer le paiement en résultant. Le contrat en cours est alors résilié :

  • de plein droit après une mise en demeure de prendre parti sur la poursuite du contrat, restée plus d’un mois sans réponse ;
  • à défaut de paiement des primes dues à compter du jugement d’ouverture lorsque le liquidateur s’est prononcé sur le maintien du contrat. Dans ce cas, la procédure classique de résiliation du contrat d’assurance pour défaut de paiement des primes doit être enclenchée par les assureurs [9]

Naturellement, cette résiliation pour défaut de paiement ne pourra être engagée que si une clause du contrat d’assurance souscrit par l’entreprise en liquidation judiciaire a prévu un financement spécifique dans ce cas (surprime en cas de baisse importante des effectifs par exemple). L’absence de salariés dans l’entreprise et donc l’absence de cotisations ne saurait être considérée en tant que tel comme un « défaut de paiement ».

À l’échéance : n’oublions pas que, même en cas de liquidation judiciaire, le contrat d’assurance n’en reste pas moins un contrat annuel dont le terme ne saurait être modifié par le jugement d’ouverture de la procédure de liquidation judiciaire. Dès lors, l’assureur a la possibilité de résilier le contrat à son échéance (généralement au 31 décembre) en respectant un préavis de deux mois. Cette résiliation met alors un terme à la portabilité en cours.

IX. Quelles garanties pour les anciens salariés au-delà de la portabilité ?

En application des dispositions de l’article 4 de la loi n° 89-1009 du 31 décembre 1989, dite « loi Evin », l’assureur devra proposer aux anciens salariés bénéficiaires d’un revenu de remplacement, en contrepartie d’une cotisation à leur charge exclusive, le maintien de la couverture des « frais de santé » à titre individuel, dans les deux mois suivant la cessation de leur contrat de travail ou de leur droit à portabilité.

En effet, à la différence de la portabilité, cette obligation pèse bien sur l’organisme assureur et non sur l’employeur. Dès lors, la liquidation judiciaire, procédure qui n’entache que la situation juridique de l’employeur, n’a aucune incidence sur l’obligation de l’organisme assureur de maintenir les garanties au titre de la loi « Evin ».

En matière de prévoyance « lourde », lorsque l’entreprise aura souscrit un ou plusieurs contrats comportant la couverture des risques décès, invalidité, incapacité et invalidité, l’organisme assureur devra maintenir la garantie décès aux salariés en état d’incapacité ou d’invalidité à la date de la rupture du contrat de travail ou de la résiliation du contrat d’assurance, conformément à l’article 7-1 de la loi « Evin » précitée.

X. À quand l’intervention du législateur ?

Dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour 2021, plusieurs amendements ont soulevé la question de la portabilité des garanties « santé » en cas de faillite d’entreprises. Les députés ont notamment :

  • proposé la création d’un fonds de réserve abondé par une partie des recettes de la nouvelle « taxe covid », servant à garantir le financement du dispositif ;
  • demandé un rapport au Gouvernement portant notamment sur des préconisations pour garantir la continuité de la couverture de salariés licenciés pour cause de faillite.

Mais ces amendements ont tous été rejetés. 

La promesse du législateur faite en 2013 [10] de la remise d’un « rapport sur les modalités de prise en charge du maintien des couvertures santé et prévoyance pour les salariés lorsqu’une entreprise est en situation de liquidation judiciaire » notamment via la création d’un « fonds de mutualisation » n’est toujours pas tenue…

En conclusion si le législateur semble conscient que le financement de la portabilité des anciens salariés d’une entreprise en liquidation judiciaire doit être encadré, la Cour de cassation n’a pas attendu pour trancher en la faveur des anciens salariés, quitte à en faire payer le prix à l’organisme assureur.

Il est donc urgent que le législateur intervienne, à défaut de quoi les organismes assureurs seront les payeurs de l’obligation des employeurs de maintien des droits « santé » et « prévoyance » alors même qu’il existe un risque accru de faillites d’entreprises à la suite de la crise sanitaire… À n’en pas douter cet élément sera pris en compte dans la cotation des régimes de protection sociale complémentaire !

 

[1] L. Viel et G. Perrin, Protection sociale complémentaire : la portabilité sous tension, L’argus de l’assurance, 4 novembre 2020.

[2] L’OCDE estime en effet à 15 % le nombre d’entreprises qui pourraient faire faillite dans le contexte de la crise induite par la pandémie de la covid-19.

[3] Loi n° 2013-504, du 14 juin 2013, relative à la sécurisation de l'emploi (N° Lexbase : L0394IXU).

[4] CA Lyon, 21 mars 2017, n° 15/08943 (N° Lexbase : A5354UEZ).

[5] CA Colmar, 25 septembre 2019, n° 16/05113 (N° Lexbase : A6766ZPB).

[6] Cass. avis, 6 novembre 2017, n° 17013 (N° Lexbase : A8557WYL), n° 17014 (N° Lexbase : A8558WYM), n° 17015 (N° Lexbase : A8559WYN), n° 17016 (N° Lexbase : A8560WYP) et n° 17017 (N° Lexbase : A8561WYQ).

[7] Cass. civ. 2, 18 janvier 2018, n° 16-27.332, F-D (N° Lexbase : A8881XA8).

[8] D. Libault, Rapport sur la solidarité et la protection sociale complémentaire collective, septembre 2015 [en ligne].

[9] Dans un arrêt du 15 novembre 2016 (Cass. com., 15 novembre 2016, n° 14-27.045, FS-P+B+I N° Lexbase : A2464SI4), la Cour de cassation a jugé que la procédure classique de résiliation d’un contrat d’assurance pour non-paiement des primes doit être respectée par l’assureur lorsque le liquidateur judiciaire ne paie pas les cotisations, nonobstant les dispositions du Code de commerce qui prévoient, de manière générale, la résiliation de plein droit en cas de défaut de paiement.

[10] Loi n° 2013-540, du 14 juin 2013, de sécurisation de l’emploi, art. 4.

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Responsabilité

[Brèves] Transfert de la garde : le seul fait pour un enfant d’user d’une chose ne peut suffire à considérer qu’il en est le gardien

Réf. : Cass. civ. 2, 26 novembre 2020, n° 19-19.676, F-P+B+I (N° Lexbase : A1773388)

Lecture: 3 min

N5670BYN

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 09 Décembre 2020

Le seul fait pour un enfant d’user d’une arme, située dans un sous-sol dont il n’était pas démontré que l’accès lui avait été interdit, de charger l’arme, ce qui impliquait que les munitions étaient situées à proximité, ne permet pas de considérer qu’il a acquis les pouvoirs de direction et de contrôler ; de ce fait, le transfert de la garde ne peut être caractérisé ; les propriétaires de la chose restent responsables du dommage causé par celle-ci (C. civ., art. 1241 alinéa 1er N° Lexbase : L0949KZ8 ; C. civ., anc. art. 1384, al. 1er).

Faits et procédure. La question du transfert de la garde d’une chose ayant causé un dommage est indissociablement liée aux faits. On ne peut donc faire l’économie de leur évocation. En l’espèce, un enfant de onze ans s’est accidentellement blessé avec une arme, laquelle était entreposée dans un sous-sol, n’était pas chargé, mais dont les munitions se trouvaient à proximité. Les propriétaires de l’arme, et de l’immeuble dans lequel était rangée l’arme, étaient-il les gardiens de cette dernière ou la garde avait-elle été transférée à l’enfant, dont on sait qu’il peut avoir cette qualité, peu importe qu’il jouisse ou non d’un discernement suffisant (Ass. plén., 9 mai 1984, n° 80-14.994 N° Lexbase : A7722CG4) ? Les juges du fond avaient refusé d’admettre le transfert de la garde (CA Saint Denis de la Réunion, 26 avril 2019, n° 16/01506 N° Lexbase : A5109ZBT). C’est en vain que le pourvoi avait invoqué le fait, entre autres, que l’enfant s’était introduit dans le sous-sol sans autorisation, qu’il s’était blessé sous l’effet de ses propres manipulations et qu’ainsi il avait « acquis l’usage, la direction et le contrôle » de l’arme ayant causé le dommage.

Solution. En effet, la Cour de cassation approuve la cour d’appel d’avoir considéré que la preuve du transfert de la garde n’était pas rapportée car les circonstances faisaient ressortir que « l’enfant, âgé de onze ans, ne pouvait être considéré comme ayant acquis les pouvoirs de direction et de contrôle sur l’arme dont il avait fait usage ». A défaut de transfert de la garde, les propriétaires de l’arme sont responsables du dommage causé par la chose (C. civ., art. 1241, al. 1er ; C. civ., anc. art. 1384, al. 1er). La deuxième chambre civile de la Cour de cassation considère ici que tous les pouvoirs caractérisant la garde (la réunion de « l’usage, de la direction et du contrôle » de la chose ; cf. Cass. ch. réunies, 2 décembre 1941, Franck, Bull. ch. mixte, n° 292) n’ayant pas été transférées à l’enfant, lequel n’exerçait que l’usage sur la chose, celui-ci ne peut en être considéré comme le gardien. Mentionnons que la cour d’appel avait relevé que si l’arme n’était pas chargée, la possibilité pour l’enfant de procéder au chargement de l’arme « impliquait nécessairement la présence d’une munition à proximité ». La précision accrédite l’idée que les propriétaires n’avaient pas perdu la maîtrise de l’arme (rappr. Cass. civ. 2, 22 mai 2003, n° 02-10.367 N° Lexbase : A1544B93), et ce d’autant plus que qu’il n’était pas soutenu qu’ils avaient interdit à l’enfant de se rendre dans le sous-sol. Ainsi, le propriétaire conservait la maîtrise de la chose ayant causé le dommage (rappr. Cass. civ. 1, 9 juin 1993, n° 91-10.608 {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 1037932, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-sources", "_title": "Cass. civ. 1, 09-06-1993, n\u00b0 91-10.608, Cassation partielle.", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: A3592ACZ"}}).

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Sociétés

[Doctrine] De quelques spéculations sur l’amende civile en pays sociétaire

Lecture: 28 min

N5655BY4

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par Bee Receveur, Maître de conférences, Droit privé, Université Toulouse Jean Jaurès, Membre de l’IDP Toulouse Capitole

Le 09 Décembre 2020


Cet article est issu du dossier spécial « Les éventuelles évolutions de la responsabilité civile et le droit des sociétés » publié le 10 décembre 2020 dans la revue Lexbase Affaires. Le sommaire de ce dossier est à retrouver en intégralité ici : (N° Lexbase : N5672BYQ).


Consacrés dans les pays de Common Law, les dommages-intérêts punitifs n’avaient guère jusqu’à présent les faveurs de notre législateur. Résonnant tel un oxymore juridique, ils trouvaient enfin écho dans le projet de réforme de la responsabilité civile sous la forme de l’amende civile – article 1266-1 de l’avant-projet. Mais, éveillant le haro de certains, la frontière entre responsabilité pénale et responsabilité civile s’en trouvait altérée. Aussi, et ployant sous la menace d’inconstitutionnalité, les sénateurs ont-ils finalement opté pour son retrait ou du moins son report. Si sa consécration au sein des dispositions relatives à la responsabilité civile semble ne plus être imminente, son intérêt est loin d’être remis en cause. Vouée tant à dissuader qu’à sanctionner les comportements déloyaux, l’amende civile est symptomatique de la volonté de refonte de la responsabilité civile et de l’étiolement de ses fondements traditionnels. Mieux vaut exhorter à des comportements vertueux que réparer des dommages qui auraient pu être évités si le responsable s’était montré soucieux d’intérêts autres que les siens ! C’est dire si l’on peut espérer à terme sa résurgence, si tant est que l’adage « il vaut mieux prévenir que guérir » continue de trouver grâce auprès du législateur…

Mais alors que la proposition de loi du 9 juillet 2010 portant réforme de la responsabilité civile présentée par Laurent Béteille prévoyait – article 1386-25 – que l’amende civile pourrait concerner le domaine contractuel, son champ serait finalement circonscrit à la matière délictuelle. Constatons, du reste, qu’il en est de même dans les pays qui l’ont déjà consacrée sous une forme ou une autre. Cette exclusion tiendrait à des considérations pratiques selon lesquelles s’agissant de contrats internationaux les parties seraient dissuadées de choisir la loi française. Pour autant, ce cantonnement n’apparaît pas légitime, dès lors que les fautes lucratives foisonnent également en terre contractuelle [1]. Cette généralisation serait d’autant plus louable qu’elle ne serait que le pendant du renforcement du devoir comportemental de bonne foi – érigé en principe directeur depuis la réforme de droit des contrats – et un instrument précieux au service de la force obligatoire du contrat. À tout le moins devrait-elle sanctionner les fautes issues de contrats d’intérêt commun – et a fortiori de contrats-organisation dont la société est l’archétype – pour lesquels la réalisation de l’objectif contractuel repose sur une coopération renforcée des parties.

Au demeurant, si sa consécration confinée au domaine délictuel pourrait trouver application en matière de concurrence déloyale, parasitaire, d’entente ou d’abus de position dominante, son utilité serait pour autant relative pour sanctionner les sociétés dans leurs relations « externes » puisque nombre des pratiques restrictives de concurrence commises à l’égard de sociétés partenaires intègrent le champ de l’article L. 442-6, III du Code de commerce (N° Lexbase : L0496LQG) qui permet déjà le prononcé d’une telle amende. Aussi mériterait-elle de rayonner également dans leurs relations internes – entre associés ou même entre dirigeants et associés – ce qui requerrait néanmoins de pouvoir l’appliquer au contrat de société lui-même.

Il conviendrait par conséquent, à l’aune de l’article 1266-1 du Code civil proposé par le projet, d’en définir rigoureusement le régime. Ainsi est-ce l’ambition de cette étude prospective : appréhender les fautes (I) et les conditions (II) qui permettraient la mise en œuvre de l’amende civile comme sanction de l’inexécution du contrat de société et des contrats placés dans son sillon : contrat d’apport, pactes d’associés – statutaires ou extrastatutaires –, voire mandat du dirigeant social.

I. Les fautes sociétaires virtuellement admissibles

L’application de l’amende civile comme sanction de l’inexécution des obligations issues du contrat de société et de ses « contrats dérivés » ne pourra être légitimée qu’au prix d’une détermination suffisamment précise des fautes sociétaires pouvant en faire l’objet. Le Conseil constitutionnel l’a en effet clairement exigée lequel, dénonçant l’imprécision des termes employés par le législateur au regard du principe de légalité des délits et des peines, a invalidé son prononcé à l’égard du devoir de surveillance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordres né de la loi du 27 mars 2017 (loi n° 2017-399 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d'ordre N° Lexbase : L3894LDL[2]. Partant, pour envisager son application en la matière, mais sans pour autant prétendre en dresser une liste exhaustive, il convient d’analyser les critères exposés par l’article 1266-1 issu du projet permettant de les identifier. Son exégèse révèle ainsi que la faute susceptible d’encourir l’amende civile devrait être non seulement délibérée (A) mais aussi lucrative (B).

A. Les fautes sociétaires délibérées

En vertu de l’article 1266-1 du projet de réforme, la faute objet de l’amende civile devrait nécessairement être délibérée en ce sens que l’auteur devrait avoir conscience d’agir de manière fautive, en l’occurrence de transgresser la norme contractuelle, excluant de la sorte la simple négligence ou maladresse, même grossière. Pour autant, et contrairement à ce que prévoyait l’avant-projet de réforme, la faute n’aurait pas au surplus à être lourde ou intentionnelle stricto sensu, c’est-à-dire commise dans l’intention de nuire à son cocontractant par la recherche du dommage tel qu’il est survenu ; ce qui aurait pour effet de limiter considérablement son champ d’application. Aussi, en matière sociétaire, la faute délibérée se traduirait-elle comme un manquement volontaire au devoir de coopération dénotant ainsi un défaut d’affectio societatis chez des associés qui font pourtant vœu de loyauté renforcée en entrant dans la société.

Mais, conformément aux principes qui régissent la preuve, il appartiendrait alors aux personnes habilitées à solliciter l’amende civile d’en établir la preuve. Une dichotomie se dessinerait néanmoins au sein des obligations sociétaires sur le terrain probatoire.

D’un côté, les obligations de faire qui, parce que leur inexécution peut résulter autrement que d’un comportement volontaire comme la négligence ou l’oubli, ne sauraient être présumées. Il va sans dire que s’agissant de cet élément psychologique la preuve ne sera pas toujours aisée à rapporter. Il conviendrait de démontrer par tout moyen le caractère volontaire de la faute : prouver que l’associé ou le dirigeant l’a sciemment commise ou, à tout le moins, de manière négative, qu’il ne pouvait en être autrement. Au reste, l’adage « nul n’est censé ignorer la loi » pourrait plaider en faveur de la présomption du caractère délibéré de la faute dès lors que l’obligation inexécutée aurait pour origine une disposition impérative. On peut penser notamment à la violation d’obligations légales dont est tenu le dirigeant comme celles afférentes à la convocation et à l’information des associés préalables aux délibérations d’assemblée générale.

Et, de l’autre côté, les obligations de ne pas faire dont la violation pourrait induire de facto ce caractère délibéré. Tel serait notamment le cas des obligations d’exclusivité pour certains associés dirigeants ou, plus fréquemment, de non-concurrence dont sont tenus les apporteurs en industrie, les associés coopérateurs ou certains associés personnes physiques ou morales en vertu d’engagements statutaires ou extrastatutaires comme les associés de sociétés civiles professionnelles. Tel serait également le cas des obligations d’inaliénabilité, de préférence ou de préemption, de plafonnement ou de non-acquisition dont le seul fait respectivement de céder ou d’acquérir partiellement ou totalement ses parts ou actions suffirait à prouver le caractère délibéré de la faute. Tel serait encore le cas de la contravention par exemple d’une clause limitative des statuts empêchant le dirigeant d’accomplir certains actes sans le consentement des associés ou encore l’accomplissement d’un acte excédant l’objet social. Il n’y a pas à distinguer en effet selon la source de l’obligation inexécutée : il importe peu que celle-ci procède du contrat de société stricto sensu, de pactes d’actionnaires ou de mandats des dirigeants sociaux dans la mesure où la faute peut être appréhendée à travers tous ces contrats participatifs du fonctionnement de la société et pour lesquels une loyauté accrue est exigée sans distinction.

Il serait du reste possible d’envisager l’extension de la présomption à la violation des statuts par l’assemblée générale des associés ou par un autre organe délibérant (conseil d’administration ou directoire). Dans la mesure où ces derniers les ont adoptés, il y a tout lieu de présumer que leur non-respect est volontaire – à tout le moins pour les articles décisifs de la vie de la société, certaines dispositions secondaires pouvant être oubliées de bonne foi. Rien ne justifierait par ailleurs de distinguer selon l’origine de la source de l’obligation violée : que la faute procède d’un comportement individuel ou collectif importe peu dès lors qu’elle révèle un comportement contraire au devoir de coopération ou à l’affectio societatis de telle sorte à mépriser les intérêts des autres membres.  

Mais même à admettre la présomption du caractère délibéré s’agissant de certaines inexécutions, le prononcé de l’amende civile supposerait en outre d’établir l’intention de lucre qu’animait son auteur lors de leur violation.

B. Les fautes sociétaires lucratives

De l’article 1266-1 du projet de réforme il résulte que la faute devrait de surcroît être commise en vue d’obtenir un gain ou une économie, de sorte qu’un dol spécial serait requis pour sa constitution. C’est dire qu’il ne suffirait pas que l’auteur la commette volontairement, encore faudrait-il qu’il ait en vue, sinon de nuire à son cocontractant, de faire prévaloir ses intérêts sur ceux de son cocontractant par la violation de ses engagements contractuels. Il est évident qu’une telle faute ne s’accommode ni de l’affectio societatis requis chez les associés par leur adhésion au contrat de société, ni de la loyauté renforcée à laquelle est soumise le dirigeant social par son mandat.

On peut ainsi songer aux pactes d’actionnaires dont les associés parties ont, le moment de l’exécution venu ou avant que l’engagement qui en est l’objet ne prenne fin, davantage intérêt à les violer qu’à les exécuter. Les exemples sont légion. Tel peut être le cas d’un associé signataire d’une clause de non-concurrence – ou d’exclusivité – que la rentabilité de l’activité concurrente l’aurait conduit à violer. Tel peut également être le cas d’un associé engagé par une clause d’inaliénabilité – partielle ou totale – qui cèderait ses parts ou actions avant son extinction en raison de l’attractivité de l’offre qui lui en est faite ou de son intérêt à quitter la société de manière prématurée. Tel peut être également le cas d’un associé tenu par une clause de non-agression – ou de non-acquisition –, de plafonnement ou d’anti-dilution qui verrait finalement son intérêt financier ou politique à augmenter sa participation dans le capital au-delà de son engagement statutaire ou extrastatutaire. Tel peut être encore le cas d’un associé partie à une promesse de cession de parts sociales ou actions qui trouverait meilleur tiers acquéreur que le bénéficiaire de celle-ci au point de ne pas attendre sa décision de lever l’option. Et tel peut encore être le cas d’un associé engagé dans une convention de vote qui pour servir son intérêt personnel voterait dans un sens contraire à celui conventionnellement convenu.

Si, de prime abord la disposition semble envisager un gain de nature pécuniaire – confortée par la référence à la notion d’économie qui lui est accolée –, rien n’interdit d’aller au-delà de cette interprétation littérale pour y inclure des avantages de toute nature, susceptibles par ailleurs, à terme, de conduire à l’augmentation des avantages financiers de son auteur : telle une faute permettant à l’associé de renforcer ses droits politiques dans la société. Partant, nombre d’autres fautes sociétaires semblent coïncider avec cette définition de la faute lucrative.  

Ainsi entendus, en effet, les abus de vote commis par les associés, manifestation de la violation de leur devoir de coopération les uns envers les autres et envers la société-même, pourraient intégrer son périmètre. D’abord, les abus de majorité qui, de jurisprudence constante, impliquent que les majoritaires aient par le vote de la résolution volontairement contrevenu à leur affectio societatis en méprisant les intérêts des minoritaires dont ils ont pourtant la charge dans le but de servir leurs intérêts propres [3]. Car, s’il n’est pas nécessaire d’avoir à caractériser une quelconque intention de nuire chez les majoritaires – et en cela l’abus ne s’apparente pas à une faute intentionnelle [4] –, la preuve d’une rupture de l’intérêt commun, c’est à dire d’un préjudice pour les minoritaires, est sans conteste requise [5], que celui-ci du reste se traduise par la privation d’un avantage ainsi réservé aux seuls majoritaires [6], par un désavantage subi par les seuls minoritaires [7] ou même par la charge d’une perte que les majoritaires peuvent compenser par ailleurs par exemple au sein d’une autre société. Il va sans dire que, motivé à chaque fois par l’appât d’un gain – qu’elle qu’en soit sa forme –, un tel abus arbore ainsi tous les traits de la faute lucrative.

En outre, les abus de minorité qui symétriquement se trouvent constitués lorsque, contrevenant à l’intérêt social, les minoritaires ont favorisé leurs intérêts au détriment des autres associés. Là encore y décèle-t-on les marqueurs de la faute lucrative : la volonté manifeste pour les minoritaires de transgresser leur obligation de coopération afin de favoriser leurs intérêts égoïstes en empêchant de surcroît la prise d’une décision essentielle pour la société.

On peut encore illustrer la faute lucrative à travers l’exclusion abusive d’un associé par ses pairs ou par les organes dirigeants. Parce qu’un associé peut être perçu par les autres comme un membre importun dont il convient de se départir, ceux-ci peuvent en effet précipiter son exclusion sans en respecter les conditions de fond – parce que le manquement reproché n’aura pas été visé par la clause d’exclusion ou parce que la gravité de l’inexécution n’aura pas été caractérisée au regard du nouvel article 1126 du Code civil autorisant semble-t-il l’exclusion extra-judiciaire – ou sans en respecter les conditions de forme par une violation des modalités afférentes aux délais, à l’indemnisation ou à l’organe habilité à exclure. Or, si l’on peut plaider pour l’admission de l’exclusion unilatérale de l’associé indiscipliné ou semeur de trouble – en dehors même de toute clause préalable l’y autorisant sur le fondement du droit commun –, elle ne doit en aucun cas se faire au mépris des droits de l’exclu dont il convient d’en renforcer la protection et à laquelle la menace de l’amende civile peut ainsi contribuer.

On pourrait enfin de manière plus générale envisager la violation des statuts par l’assemblée générale des associés ou par tout autre organe délibérant (conseil d’administration ou directoire) dès lors qu’il est établi que celle-ci profite d’une quelconque manière à ses auteurs au détriment d’autres membres de la société (tel une majorité ou un quorum non atteint).

Certains objecteront que le domaine des fautes sociétaires serait alors trop vaste puisque la plupart des violations contractuelles sont réalisées en vue d’obtenir un gain ou une économie – ce qui d’aucuns légitimerait sa circonscription au domaine délictuel [8]. Mais ce serait omettre le fait que d’autres conditions devraient être observées qui en restreindraient le nombre.

II. Les conditions d’effectivité virtuellement généralisables

La sanction de ces fautes sociétaires par l’amende civile supposerait de respecter deux conditions effectives pour son versement. D’une part, l’enrichissement de son auteur ne devrait pas pouvoir être neutralisé par la réparation du dommage (A) ; d’autre part, afin de pouvoir échapper à la censure du Conseil constitutionnel, le montant de l’amende versé par l’auteur de la faute devrait se montrer proportionné (B).

A. La subsistance d’un profit malgré la réparation éventuelle du dommage

Pour prétendre à la qualification de faute lucrative – et même si la disposition du projet se révèle elliptique à ce sujet –, il ne suffirait pas que la faute rapporte un gain ou une économie, encore faudrait-il que ces derniers ne soient pas neutralisés par les dommages-intérêts compensatoires auxquels son auteur s’expose en violant son engagement contractuel [9]. Par-delà, d’ailleurs, le versement de l’amende civile devrait se révéler incompatible avec d’autres dispositifs prévoyant déjà l’application d’une sanction pécuniaire équivalente [10]. En effet, lorsque l’existence d’une incrimination pénale permet de paralyser le gain procuré par l’auteur de la faute, l’amende civile aurait pour effet de porter atteinte au principe non bis idem dans des cas tels, par exemple, que l’abus de bien sociaux ou l’abus de confiance dont peut se rendre coupable le dirigeant. Et, comme l’avait prévu le projet de réforme, celle-ci ne devrait pas du reste être assurable pour en garantir l’effectivité.

Aussi pour tomber sous la coupe de l’amende civile, faudrait-il vérifier pour chacune des fautes sociétaires susmentionnées que cette neutralisation n’ait pas lieu.

S’agissant d’abord de la violation de pactes d’actionnaires, cette condition s’avèrerait être remplie dès lors que leur exécution en nature se trouve la plupart du temps compromise au détriment du cocontractant impuissant. Partant, condamné à verser des dommages-intérêts équivalents à un préjudice moral difficilement identifiable [11] – et donc souvent peu conséquents [12] – ou du moins sans commune mesure avec l’enjeu politique ou financier de la violation contractuelle tel que la prise du contrôle de la société ou son empêchement, le contractant prend conscience par un rapide calcul économique que sa faute lui rapporte effectivement davantage qu’elle ne lui en coûte [13]. On comprend que, naturellement comminatoire, l’amende civile permettrait de suppléer l’absence d’efficacité de la sanction encourue [14]. Il est vrai que la réforme du droit des contrats a contribué à remédier à la faiblesse congénitale dont souffrent les pactes d’actionnaires par un renforcement de leur force obligatoire. Mais parce que les obligations qu’ils contiennent présentent un caractère éminemment personnel ou parce que bien souvent leur exécution se révèle matériellement impossible, nombre d’entre eux ne peuvent toujours pas être contraints à l’exécution en nature eu égard au droit commun des contrats. Tel est en particulier le cas des obligations dont la violation se matérialise par la cession ou l’acquisition de parts ou actions à un tiers, telles les obligations de préférence ou de préemption, de plafonnement, d’inaliénabilité et les promesses de contrat dont respectivement la substitution et la nullité achoppent la plupart du temps sur la bonne foi de ce dernier. Tel est également le cas des conventions de vote dont l’exécution forcée, même conforme à l’intérêt social, se révèle toujours incertaine en raison de leur inopposabilité à la société [15]. C’est encore le cas des clauses d’information stipulant la délivrance de certains renseignements selon une périodicité convenue [16] dont l’exécution en nature peut avoir perdu de son sens, tel un actionnaire minoritaire seulement retardé dans l’information qu’il était conventionnellement tenu de recevoir.

À y réfléchir, il n’y aurait qu’une exception qui paralyserait le jeu de l’amende civile : la prévision par les parties au pacte d’un remède conventionnel substitutif aux dommages-intérêts compensatoires. Il en va évidemment ainsi de l’insertion ab initio d’une clause pénale qui permet sous réserve de l’exercice du pouvoir modérateur du juge d’octroyer à la victime de l’inexécution une somme préalablement fixée pouvant excéder le préjudice subi. Dans la mesure où pareil remède permet de neutraliser le gain que pourrait se procurer l’auteur de l’inexécution, il enrayerait de fait le prononcé de l’amende civile.

Cette condition semblerait également remplie s’agissant de la violation des statuts par un organe délibérant. Non susceptible en effet en principe d’encourir la nullité, la délibération prise en violation des statuts peut laisser subsister un profit pour son ou ses auteurs en dépit des éventuels dommages-intérêts à verser. Il est vrai que la Cour de cassation a ouvert la brèche aux nullités en l’étendant aux décisions prises par la collectivité en violation des dispositions des statuts ou du règlement intérieur qui aménagent conventionnellement une règle impérative [17]. Et s’agissant de la SARL, la loi de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés [18] a prévu la possibilité pour tout associé de demander la nullité des délibérations en cas de violation des règles de majorité et de quorum. Il n’en demeure pas moins que nombre de cas de violation du contrat de société échappent toujours à la sanction, sacrifiant sur l’autel du fonctionnement pérenne de la société l’intérêt de certains associés, telle la violation d’une règle statutaire venant simplement fixer le jour ou le lieu auquel doivent se tenir les réunions du conseil. C’est dire que l’amende civile se présenterait là aussi comme un expédient effectif pour garantir la force obligatoire des statuts.

Cette condition semblerait encore remplie s’agissant de l’exclusion abusive de l’associé dans la mesure où sa réintégration postérieure est, sinon compromise, du moins délicate en raison des difficultés pratiques liées à la rétroactivité imposant d’annuler toutes les délibérations prises sans son consentement. Et, là encore, l’associé illégitimement ou irrégulièrement exclu se voit acculé à l’allocation de dommages-intérêts illusoires qui ne suffiront de toute évidence pas à annihiler le profit qui en est résulté pour leur auteur. Aussi la menace de l’amende civile dissuaderait-elle de commettre de tels abus [19].

En revanche, de premier sentiment, cette condition ne semblerait pas être remplie s’agissant des abus de vote dont la sanction judiciaire permet en principe d’annihiler le gain qui en est résulté pour une fraction d’associés. Cette affirmation doit pour autant être nuancée. Il est vrai que, pour les abus de majorité, on admet que la nullité de la délibération litigieuse puisse opérée – outre l’octroi du reste de dommages-intérêts versés aux minoritaires. En cela, la sanction permet effectivement la suppression de l’avantage ainsi obtenu par les majoritaires. Mais, s’agissant des abus de minorité, la sanction valant vote n’étant toujours pas admise par le juge – du moins sans le recours onéreux à un mandataire ad hoc –, l’amende civile pourrait constituer une alternative rationnelle. Ne peut-on d’ailleurs pas voir dans l’arrêt « Vitama » [20], énonçant que d’autres sanctions – sans en préciser pour autant la nature – que l’allocation de dommages et intérêts pouvaient s’envisager, une invitation augurale à le faire ?

B. Une amende d’un montant « proportionné » 

La critique portant sur la consécration de l’amende civile ne procède pas tant de l’atteinte portée à la dichotomie traditionnelle entre les fonctions des responsabilité pénale et civile qu’à celle portée au principe de légalité des délits et des peines qui implique, outre la détermination des fautes pouvant en faire l’objet, la fixation-même du montant maximum de l’amende encourue, même hors sphère pénale. L’auteur doit ainsi connaître exactement les risques pécuniaires auxquels il s’expose en adoptant un tel comportement. Et les exigences vont d’ailleurs au-delà puisque, à cela s’ajoute, celle d’un montant proportionné. À se référer à l’article 1266-1 du projet, ce dernier s’analyserait à l’aune d’un triple critère fixé par l’alinéa 2 du texte – au surplus cumulatif – : la gravité de la faute commise, les facultés contributives de l’auteur du dommage et les profits que ce dernier a retirés de la faute.

Or, à bien les analyser, ces derniers peuvent aboutir à se neutraliser les uns les autres [21]. Il n’y a qu’à envisager l’hypothèse d’une faute peu grave dont les profits retirés sont pour autant conséquents... C’est la raison pour laquelle, le rapport de la cour d’appel de Paris propose d’évaluer les dommages-intérêts, non pas en fonction du préjudice ou de l’importance de la faute commise, mais objectivement et uniquement en fonction des profits réalisés par son auteur. Autrement dit, et comme le suggérait le rapport Terré, il conviendrait d’y substituer en quelle que sorte des dommages-intérêts restitutoires ou confiscatoires des profits illicitement perçus [22]. Cette proposition apparaît non seulement pertinente en ce qu’elle élude la critique tenant à la fixation discrétionnaire de son montant par le juge mais aussi équitable. L’auteur serait tenu de restituer le montant même que la faute a permis d’économiser ou de faire gagner au responsable. Mais de prévoir, comme le fait le projet et conformément au principe de réparation intégrale au fondement de notre culture juridique, que cette somme ne serait pas restituée à la victime – qui pourrait ainsi s’enrichir indûment – mais au Trésor public ou à un fonds d’indemnisation.

Pour autant, à l’analyse, cet unique critère ne s’avèrerait pas toujours opérationnel en la matière. Il est vrai que le calcul de ce profit semble aisément envisageable lorsqu’il s’agit de la violation de pactes d’associés, tout au moins s’agissement de certains d’entre eux. Tel ainsi le cas de la violation d’un pacte qui se traduit par la vente des parts à un tiers dont on peut concevoir que le montant à verser correspondrait à la différence entre celui qu’aurait versé le bénéficiaire et celui qu’aurait perçu le responsable par la violation de son obligation contractuelle. Tel est encore le cas de la violation d’un engagement de non-concurrence ou d’exclusivité pour lesquels le montant se calculerait en fonction du profit retiré de la prestation de travail illicitement réalisée. Mais, les profits issus de la violation de ces engagements statutaires ou extrastatutaires ne sont pas toujours aussi aisés à chiffrer. Que l’on songe par exemple à l’achat de parts ou actions en violation de clauses de plafonnement ou d’anti-dilution dont on ne peut percevoir immédiatement le profit retiré, sauf peut-être à considérer les dividendes touchés sur les parts illicitement acquises.

Pire encore, l’utilisation de ce critère se révèlerait rédhibitoire à propos des autres hypothèses de fautes lucratives citées, qu’il s’agisse d’un abus de vote – dont le profit retiré par ses auteurs peut être à plus ou moins long terme –, d’une exclusion abusive, ou encore, et plus généralement, de la violation d’une disposition statutaire par un organe délibérant  – dont le bénéfice retiré de la violation statutaire se calcule difficilement –, telle celle par exemple d’une obligation d’information d’un associé.

La condamnation à verser une somme à hauteur du profit illégitimement perçu n’est au demeurant pas suffisante pour endosser une vertu dissuasive. Le législateur l’avait d’ailleurs bien compris en prévoyant aux alinéas suivants 2 et 3 des coefficients multiplicateurs. Mais, en raison de leur caractère excessif – et ce malgré la réduction du montant maximal de l’amende pour les personnes morales –, ces derniers ne sauraient eu égard au principe de proportionnalité emporter l’adhésion [23].

Et même à s’accorder sur un critère de fixation de l’amende, il faudrait encore se demander à qui profite… la faute pour déterminer celui qui aurait la charge de l’amende. Si la question ne pose a priori pas de difficulté en présence d’une faute commise individuellement, comme dans le cas de la violation de pacte d’actionnaires, telle la violation d’une clause anti-dilution, de plafonnement, d’inaliénabilité, de préemption…, il n’en est pas de même lorsque la faute procèderait d’une violation collective, tels les abus de vote ou la violation des statuts par un organe délibérant, auquel cas il conviendrait d’identifier précisément les auteurs tenus au paiement au sein de la société. Il serait en effet absurde de faire peser la faute de quelques-uns sur la société-même qui du reste dissuaderait d’autant l’associé victime de la solliciter. Et de prévoir d’ailleurs son prononcé d’office par le juge pour pallier l’inertie probable de la victime comme du Ministère public à agir en justice pour la requérir [24]. C’est à ces conditions que l’amende civile légitimerait sa place au sein de la société.

À retenir :

  • Si la consécration de l’amende civile parmi les dispositions générales de la responsabilité civile délictuelle ne semble plus être imminente, son extension à la matière contractuelle peut d’ores et déjà être plaidée en vue de sa résurgence à terme. Cette dernière se révèlerait en effet opportune à plus d’un titre pour neutraliser les comportements déloyaux adoptés dans l’exécution de contrats d’intérêt commun et a fortiori de contrats-organisation dont la société est le parangon.
  • À condition d’en définir suffisamment précisément le domaine et le régime, elle permettrait, de la sorte, de sanctionner un certain nombre de fautes sociétaires délibérées lucratives individuelles et collectives que l’absence d’effectivité de la sanction exhorte actuellement à commettre.
  • Ainsi par exemple pourrait-elle frapper la violation de nombreux pactes statutaires et extrastatutaires, les abus de vote, l’exclusion abusive d’un associé ou encore la violation des statuts par les organes délibérants qui, nonobstant la réparation des dommages qui en sont issus, laissent subsister un profit pour leur auteur.
  • Mais encore faudrait-il s’accorder sur la détermination d’un critère pour permettre d’en définir le montant encouru. Il y va là de l’exigence constitutionnelle d’une sanction proportionnée inférée par le principe de légalité des délits et des peines auquel elle serait inexorablement assujettie.
 

[1] S. Carval, Le projet de réforme du droit de la responsabilité civile, JCP G, 2017, 401.

[2] Cons. const., décision n° 2017-750 DC, du 23 mars 2017 (N° Lexbase : A8387UED).

[3] L’abus se trouvent caractérisé lorsque la résolution litigieuse a été « prise contrairement à l’intérêt général de la société et dans l’unique dessein de favoriser les membres de la majorité au détriment de la minorité » : Cass. com., 18 avril 1961, n° 59-11.394 (N° Lexbase : A2561AUE).

[4] CA Grenoble, 6 mai 1964, RJDA, 2001, n° 43

[5] Cass. com., 6 juin 1972, n° 70-11.987 (N° Lexbase : A6756AGC).

[6] Cass. com., 29 mai 1972, n° 71-11.739 (N° Lexbase : A6784AGD).

[7] CA Paris, 18 novembre 1969, Bull. Joly Sociétés, 1969, p. 873.

[8] J. Prorok, L’amende civile dans la réforme de la responsabilité civile, Regard critique sur la consécration d’une fonction punitive générale, RTD civ., 2018, p. 327.

[9] M.-A. Chardeaux, L’amende civile, LPA, 30 janvier 2018, n° 22, p.6.

[10] V. Rapport de la cour d’appel de Paris sur « La réforme du droit français de la responsabilité civile et les relations économiques », avril 2019, dir. M. Chagny [en ligne].

[11] La Cour de cassation admet cependant l’octroi de dommages-intérêts en matière d’obligation contractuelle de ne pas faire sans constatation préalable d’un dommage. V. Cass. civ. 1, 31 mars 2007, n° 05-19.978, FS-P+B (N° Lexbase : A5102DWU) ; Cass. civ. 1, 14 octobre 2010 n° 09-69.928, F-P+B (N° Lexbase : A8713GBC).

[12] V. not. S. Prat, Les pactes d’actionnaires relatifs au transfert de valeurs immobilières, n° 433, p. 276 ; D. Legeais, Droit commercial et des affaires, 20ème éd., Dalloz, 2012, n° 422 D. Velardocchio-Flores, Les accords extra-statutaires entre associés, PUAM, 1993, n° 334, p. 271 ; G. Goffaux, Du contrat en droit des sociétés, essai sur le contrat instrument d’adaptation du droit des sociétés, éd. L’Harmattan, Presses universitaires de Sceaux, 2008, préf. J.-P. Gastaud, n° 431, p. 304 ; L. Godon, th. préc., préf. Y. Guyon, n° 342, p. 226 ; S. Schiller, v° Pactes d’actionnaires, in Rép. soc., Dalloz, 2006, n° 156 ; P. Marini, La modernisation du droit des sociétés, rapport au Premier ministre, La documentation française, 1996, p. 68 ; G. Parléani, Les pactes d’actionnaires, Rev. soc., 1991, p. 1, spéc. p. 21 ; E. Brochier, L’exécution en nature des pactes entre actionnaires : observations d’un praticien, in Exécution du contrat en nature ou par équivalent, RDC, 2005, p. 125, spéc. p. 126.

[13] O. Dexant-de Bailliencourt, Les pactes d’actionnaires dans les sociétés cotées, n° 213, p. 190 et n° 234, p. 205 ; F.-D. Poitrinal, Les pactes d’actionnaires, in Mél. P. Bézard, 2002, p. 127, spéc. p. 130-131 ; J.-J. Daigre et M. Sentilles-Dupont, Pactes d’actionnaires, GNL Joly, 1994, n° 18, p. 10 ; F.-D. Poitrinal, La révolution contractuelle du droit des sociétés, Dynamique et paradoxes, Rev. banque, éd. 2003, préf. P. Bézard, n° 9, p. 26 ; D. Martin et L. Faugerolas, Les pactes d’actionnaires, JCP G, 1989, n° 3412 ; L. Grosclaude, Le renouvellement des sanctions en droit des sociétés, thèse Paris I, 1997, p. 100.

[14] V. E. Chvika, Les clauses limitant la libre disposition des actions, thèse Paris II, 1999, n° 305, p. 308.

[15] Y. Guyon, Les sociétés, Aménagements statutaires et conventions entre associés, 5ème éd., LGDJ, n° 291.

[16] S. Doscq, Les pactes d’actionnaires, in Le droit des sociétés et la réforme du droit des contrats, Actes Pratiques et Ingénierie Sociétaire, n° 147, mai 2016, dossier 3, spéc. n° 58.

[17] La nécessité d’identifier au préalable une disposition légale impérative limite considérablement la portée du tempérament consacré par la jurisprudence, et cela paradoxalement dans les sociétés les plus contractuelles, telle la SAS. V. H. Le Nabasque, note sous Cass. com., 18 mai 2010, n° 09-14.855, FS-P+B+I+R (N° Lexbase : A3869EXL), Bull. Joly Sociétés, 2010, § 136, p. 651.

[18] Loi n° 2019-744 du 19 juillet 2019 (N° Lexbase : L1638LR4).

[19] P. Ancel, Le juge et l’inexécution du contrat », in « Le renouveau des sanctions contractuelles », sous la dir. de F. Collart-Dutilleul et C. Coulon, Economica, 2007, p. 103, spéc. p. 114.

[20] Cass. com., 14 janvier 1992, n° 90-13.055 (N° Lexbase : A4145AB7).

[21] V. not. E. Dreyer, La sanction de la faute lucrative par l’amende civile, D., 2017, p. 1136.

[22] Rapport de la cour d’appel de Paris sur « La réforme du droit français de la responsabilité civile et les relations économiques », avril 2019., préc., p. 54.

[23] S. Carval, L’amende civile, in « Avant-projet de loi portant réforme de la responsabilité civile, Observations et propositions de modification », JCP G, suppl. au n° 30-35, 25 juillet 2016, p. 42.

[24] J. Prorok, L’amende civile dans la réforme de la responsabilité civile, RTD civ., 2018, p. 327.

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