Lexbase Social n°842 du 5 novembre 2020

Lexbase Social - Édition n°842

Covid-19

[Brèves] Deuxième confinement : publication d’une version actualisée du protocole sanitaire en entreprise

Réf. : Min. Travail, protocole, 29 octobre 2020

Lecture: 1 min

N5101BYL

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/61212417-edition-n-842-du-05112020#article-475101
Copier

par Charlotte Moronval

Le 04 Novembre 2020

► A la suite de l’instauration du nouveau confinement, le ministère du Travail a publié, le jeudi 29 octobre 2020, une nouvelle version du protocole sanitaire en entreprise : présentation des principales nouveautés.

Télétravail à 100% pour les postes qui le permettent. Le temps de travail effectué en télétravail est porté à 100 % pour les salariés qui peuvent effectuer leurs tâches à distance. Dans les autres cas, l'organisation du travail doit permettre de réduire les déplacements domicile-travail et d’aménager le temps de présence en entreprise pour l'exécution des tâches qui ne peuvent être réalisées en télétravail, pour réduire les interactions sociales.

Lissage des horaires de départ et d’arrivée. Pour les activités qui ne peuvent être réalisées en télétravail, l’employeur doit organiser un lissage des horaires de départ et d’arrivée des salariés afin de limiter l’affluence aux heures de pointe.

Téléchargement de l’application « TousAntiCovid ». L’employeur doit informer les salariés de l’existence de l’application « TousAntiCovid » et de l’intérêt de son activation pendant les horaires de travail pour faciliter le suivi des cas contacts.

Tests en entreprise. L’employeur peut, dans le respect des conditions réglementaires, proposer aux salariés volontaires des actions de dépistage (par le biais des tests rapides et non des tests sérologiques).

newsid:475101

Covid-19

[Brèves] Publication de nouveaux décrets relatifs à l’activité partielle

Réf. : Décrets du 30 octobre 2020, n° 2020-1316, relatif à l'activité partielle et au dispositif d'activité partielle spécifique en cas de réduction d'activité durable (N° Lexbase : L5748LYK) ; n° 2020-1318 du 30 octobre 2020, relatif au taux horaire de l'allocation d'activité partielle et de l'allocation d'activité partielle spécifique applicables à Mayotte (N° Lexbase : L5743LYD) ; n° 2020-1319, relatif à l'activité partielle (N° Lexbase : L5742LYC)

Lecture: 3 min

N5112BYY

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/61212417-edition-n-842-du-05112020#article-475112
Copier

par Charlotte Moronval

Le 03 Novembre 2020

► Trois décrets consacrés à l’activité partielle ont été publiés au Journal officiel du 31 octobre 2020.

CSE. Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE devra être informé à l’échéance de chaque autorisation d’activité partielle des conditions dans lesquelles elle a été mise en œuvre.

Durée de l’autorisation d’activité partielle. A compter du 1er janvier 2021, la demande d’activité partielle sera accordée pour une période de 3 mois au maximum, dans la limite de 6 mois, consécutifs ou non, sur une période de référence de 12 mois consécutifs. Une dérogation est prévue en cas de sinistres ou d'intempéries de caractère exceptionnel.

Modalités de remboursement.

  • du 1er novembre au 31 décembre 2020 : l’allocation remboursée à l’employeur est égale à 60 % de la rémunération horaire brute dans la limite de 4,5 SMIC et de 70 % pour les secteurs protégés (la liste est étendue par les annexes 1 et 2 du décret n° 2020-1319 notamment pour y inclure les transports routiers réguliers de voyageurs et autres transports routiers de voyageurs, les activités de sécurité privée et de nettoyage courant des bâtiments). L’indemnité versée aux salariés reste égale à 70 % du brut (soit 84 % du net).
  • à compter du 1er janvier 2021 : l’indemnité versée aux salariés passera à 60 % de la rémunération brute dans la limite de 4,5 SMIC. L’allocation remboursée à l’employeur baissera quant à elle à 36 % de la rémunération horaire brute dans la limite de 4,5 SMIC avec une valeur plancher de 7,23 €.

Demande au préfet du département. Lorsque la demande d’autorisation préalable d’activité partielle et, le cas échéant, la demande de renouvellement d’autorisation portent, pour le même motif et la même période, sur au moins cinquante établissements implantés dans plusieurs départements, l’employeur peut adresser une demande unique au titre de l’ensemble des établissements au préfet du département où est implanté l’un quelconque des établissements concernés. Dans ce cas, le contrôle de la régularité des conditions de placement en activité partielle des salariés est confié au représentant de l’État dans le département où est implanté chacun des établissements concernés.

APLD. Lorsque l’employeur saisit l’autorité administrative d’une demande tendant au non-remboursement des allocations versées par l’État dans l’hypothèse où un licenciement pour motif économique a été prononcé pendant la durée de recours à l’APLD ou lorsque l’autorité administrative l’informe qu’elle ne lui demandera pas le remboursement de tout ou partie des sommes qu’il doit, l’employeur en informe le CSE et, le cas échéant, les organisations syndicales signataires de l’accord collectif.

newsid:475112

Covid-19

[Brèves] Précisions sur le dépistage en entreprise

Réf. : Min. Travail, communiqué de presse, 30 octobre 2020

Lecture: 1 min

N5177BYE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/61212417-edition-n-842-du-05112020#article-475177
Copier

par Charlotte Moronval

Le 04 Novembre 2020

► Mis à jour le 29 octobre 2020 pour tenir compte des nouvelles mesures de restrictions sanitaires, le protocole national permettant d’assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à la covid-19 renforce le rôle des entreprises dans la stratégie nationale de dépistage. Elles pourront désormais proposer aux salariés volontaires de réaliser des tests antigéniques, dans le strict respect du secret médical.

Pour ce faire, les entreprises peuvent s’équiper en tests rapides -dits antigéniques- dont la liste et les conditions d’utilisation sont rendues disponibles par le ministère de la Santé.

Plusieurs catégories de personnels sont habilitées à faire ces tests (médecins, infirmiers etc.) qui doivent être intégralement financés par l’employeur. Le protocole national sanitaire indique que l’employeur est tenu d’organiser les conditions permettant la bonne exécution de ces tests et la stricte préservation du secret médical, aucun résultat ne pouvant lui être communiqué.

Par ailleurs, ces actions de dépistage ne valent que pour les tests rapides listés par le ministère de la Santé. Les indications définies par les autorités sanitaires à ce stade ne permettent pas d’envisager la réalisation de campagne de tests sérologiques par les entreprises.

« La mise en place de nouveaux tests rapides permet de répondre à la demande des employeurs d’être davantage associés à la stratégie de dépistage pour garantir un niveau maximal de protection à leurs salariés sur leur lieu de travail et ne pas entraver la poursuite de l’activité économique. La mobilisation de toutes les parties prenantes de la société est essentielle pour venir à bout de l’épidémie » explique Elisabeth Borne, ministre du Travail.

newsid:475177

Covid-19

[Brèves] Pas de caractère obligatoire au protocole sanitaire en entreprise

Réf. : CE, 19 octobre 2020, n° 444809, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A15623YI)

Lecture: 1 min

N5175BYC

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/61212417-edition-n-842-du-05112020#article-475175
Copier

par Charlotte Moronval

Le 04 Novembre 2020

► Le juge des référés du Conseil d’État rejette la demande de suspension du protocole sanitaire en entreprise et qualifie sa valeur juridique de non-contraignante.

Faits et procédure. Le syndicat patronal Alliance Plasturgie et Composites du Futur Plastalliance a formé une demande de suspension du « protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise face à l’épidémie de covid-19 », publié par le ministère du Travail. Le syndicat contestait notamment le principe systématique du port du masque qui, selon lui, est en contradiction avec le décret du 10 juillet 2020 en vertu duquel le port du masque n'est systématique que lorsque les règles de distanciation physique ne peuvent pas être garanties.

La position du Conseil d’Etat. Enonçant la solution susvisée, la Haute juridiction rejette la demande du syndicat. Le Conseil d’Etat estime que le protocole sanitaire constitue un ensemble de recommandations pour la déclinaison matérielle de l'obligation de sécurité de l'employeur, dans le cadre de l'épidémie de covid-19. Il relève que le port du masque, dans les espaces clos, est justifié et constitue, en combinaison avec des mesures d'hygiène et de distanciation physique ainsi qu’une bonne aération et ventilation des locaux, la mesure pertinente pour assurer efficacement la sécurité des personnes. Les entreprises ne peuvent donc pas s'affranchir du port du masque systématique.

Si le protocole sanitaire ne constitue qu'un ensemble de recommandations, sans valeur juridique contraignante, les employeurs doivent toutefois rester prudents car ils doivent s'assurer de respecter leur obligation de sécurité en mettant en place des mesures suffisantes et adaptées pour faire face à l'épidémie de covid-19.

newsid:475175

Social général

[Brèves] Assouplissement du prêt de main d’œuvre : quels secteurs concernés ?

Réf. : Décret n° 2020-1317 du 30 octobre 2020, déterminant les secteurs d'activité dans lesquels les employeurs sont temporairement autorisés à effectuer des prêts de main-d'œuvre dans des conditions aménagées (N° Lexbase : L5746LYH)

Lecture: 1 min

N5151BYG

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/61212417-edition-n-842-du-05112020#article-475151
Copier

par Charlotte Moronval

Le 04 Novembre 2020

► Publié au Journal officiel du 31 octobre 2020, le décret n° 2020-1317 précise les secteurs d’activité dans lesquels les employeurs sont temporairement autorisés à effectuer des prêts de main d’œuvre dans des conditions aménagées.

Ce texte est pris en application de l’article 52 de la loi du 17 juin 2020, relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne (N° Lexbase : L4230LXX), qui facilite le recours au prêt de main d’œuvre jusqu’au 31 décembre 2020 (lire N° Lexbase : N3778BYL).

Ce décret détermine les secteurs d'activité particulièrement nécessaires à la sécurité de la Nation et à la continuité de la vie économique et sociale pour lesquels, lorsque son intérêt le justifie eu égard aux difficultés économiques liées à la propagation du covid-19, une entreprise utilisatrice peut bénéficier de prêts de main-d'œuvre même lorsque le montant facturé par l'entreprise prêteuse est nul ou inférieur aux salaires versés au salarié, aux charges sociales afférentes et aux frais professionnels remboursés à l'intéressé au titre de sa mise à disposition temporaire.

Il s’agit des secteurs suivants :

  • le secteur sanitaire, social et médico-social ;
  • la construction aéronautique ;
  • l’industrie agro-alimentaire ;
  • le transport maritime.

newsid:475151

Protection sociale

[Brèves] AME : modalités d’admission et de prise en charge et conditions pour le bénéfice du droit à la prise en charge des frais de santé pour les assurés qui cessent d’avoir une résidence régulière en France

Réf. : Décret n° 2020-1325 du 30 octobre 2020, relatif à l'aide médicale de l'État et aux conditions permettant de bénéficier du droit à la prise en charge des frais de santé pour les assurés qui cessent d'avoir une résidence régulière en France (N° Lexbase : L5821LYA)

Lecture: 2 min

N5156BYM

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/61212417-edition-n-842-du-05112020#article-475156
Copier

par Laïla Bedja

Le 04 Novembre 2020

► Un décret en date du 30 octobre 2020, publié au Journal officiel du 1er novembre 2020, donne les modalités d’admission et de prise en charge à l’aide médicale d’État (AME) et les conditions permettant de bénéficier du droit à la prise en charge des frais de santé pour les assurés qui cessent d’avoir une résidence régulière en France.

Le décret définit les modalités de prise en charge de certains frais de santé des bénéficiaires majeures de l’AME (art. 1 ; CASF, art. R. 251-3), soumis à un délai d'ancienneté de bénéfice du droit de neuf mois (CASF, art. R. 251-4), ainsi que les possibilités d'y déroger par une demande de prise en charge dérogatoire visant à obtenir l'accord préalable auprès du service du contrôle médical de l'organisme d'assurance maladie (CASF, art. R. 251-5). L'absence de réponse du service du contrôle médical dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la demande complète vaut accord de prise en charge.

Il précise en outre les modalités de dépôt des premières demandes d’AME (CASF, art. D. 252-2) et de prise d'effet du droit.

Il définit également les conditions dans lesquelles les personnes qui cessent d'avoir une résidence régulière en France peuvent bénéficier du droit à la prise en charge des frais de santé et, le cas échéant, à la protection complémentaire en matière de santé (CSS, art. R. 111-4).

Il prévoit ainsi que ce droit soit fermé dès l'intervention d'une mesure d'éloignement devenue définitive, sous réserve que cette fermeture intervienne au moins deux mois après l'expiration du titre de séjour (CSS, art. R. 111-4).

newsid:475156

Sécurité sociale

[Brèves] Le refus d’une autorisation de soins dans un autre État membre lorsqu’un traitement hospitalier efficace est disponible mais réprouvé religieusement instaure une différence de traitement indirectement fondée sur la religion

Réf. : CJUE, 29 octobre 2020, aff. C-243/19 (N° Lexbase : A245633D)

Lecture: 3 min

N5159BYQ

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/61212417-edition-n-842-du-05112020#article-475159
Copier

par Laïla Bedja

Le 04 Novembre 2020

► Le refus, par l’État membre d’affiliation d’un patient, d’accorder une autorisation préalable pour le remboursement des coûts de soins de santé transfrontaliers lorsqu’un traitement hospitalier efficace est disponible dans cet État mais que les croyances religieuses de l’affilié réprouvent le mode de traitement utilisé instaure une différence de traitement indirectement fondée sur la religion ;

Ce refus n’est pas contraire au droit de l’Union s’il est objectivement justifié par un but légitime tenant au maintien d’une capacité de soins de santé ou d’une compétence médicale et constitue un moyen approprié et nécessaire permettant d’atteindre ce but.

Les faits et procédure. Le requérant est un ressortissant letton et témoin de Jéhovah. Son fils devant subir une intervention chirurgicale à cœur ouvert, le père de ce dernier avait demandé a service de santé lettonien l’autorisation permettant de bénéficier de soins de santé en Pologne, cet État pouvant pratiquer l’opération sans transfusion sanguine alors que la Lettonie non. Sa demande ayant été refusée, le requérant a introduit un recours contre la décision de refus du service de santé. Ce recours a été rejeté par un jugement en première instance, qui a été confirmé en appel. Entre-temps, le fils du requérant au principal a été opéré du cœur en Pologne, sans transfusion sanguine.

Saisie d’un pourvoi en cassation, la Cour suprême lettonne se demande si les services de santé lettons pouvaient refuser la délivrance du formulaire permettant cette prise en charge sur le fondement de critères exclusivement médicaux ou s’ils étaient également tenus de prendre en   compte à cet égard les croyances religieuses du requérant au principal.

Énonçant la solution précitée, la Cour (deuxième chambre) a dit pour droit, en premier lieu, que l’article 20, § 2, du Règlement n° 883/2004 (N° Lexbase : L7666HT4), lu à la lumière de l’article 21, § 1, de la Charte, ne s’oppose pas à ce que l’État membre de résidence de l’assuré refuse d’accorder à ce dernier l’autorisation prévue à l’article 20, § 1, de ce règlement lorsque, dans cet État membre, un traitement hospitalier, dont l’efficacité médicale ne soulève aucun doute, est disponible mais que les croyances religieuses de cet assuré réprouvent le mode de traitement utilisé.

La Cour a jugé, en second lieu, que l’article 8, §§ 5 et 6, sous d), de la Directive n° 2011/24 (N° Lexbase : L9193IP8), lu à la lumière de l’article 21, § 1, de la Charte, s’oppose à ce que l’État membre d’affiliation d’un patient refuse d’accorder à ce dernier l’autorisation prévue à l’article 8, § 1, de cette directive lorsque, dans cet État membre, un traitement hospitalier, dont l’efficacité médicale ne soulève aucun doute, est disponible mais que les croyances religieuses de ce patient réprouvent le mode de traitement utilisé. Il en irait autrement si ce refus était objectivement justifié par un but légitime tenant au maintien d’une capacité de soins de santé ou d’une compétence médicale et constituait un moyen approprié et nécessaire permettant d’atteindre ce but, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

newsid:475159

Télétravail

[Le point sur...] Covid-19 : le télétravail à l’heure de la seconde vague

Lecture: 14 min

N5160BYR

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/61212417-edition-n-842-du-05112020#article-475160
Copier

par Sibylle Gustin, Avocat, Cabinet Fromont Briens

Le 04 Novembre 2020

« Le recours au télétravail doit être le plus massif possible » pendant le confinement, a affirmé jeudi 29 octobre dernier Jean Castex, en précisant que « dans le secteur privé, toutes les fonctions qui peuvent être télétravaillées doivent l'être cinq jours sur cinq [...]. Il y aura des dérogations lorsque cela n'est pas possible ». De même, dans les administrations publiques, le télétravail sera mis en place pour toutes les missions pouvant se faire « à distance », a-t-il précisé.

« Nous devons continuer à travailler autant que possible, bien entendu dans des conditions sanitaires protectrices et tout en stoppant la circulation virale », car « le chômage et la pauvreté peuvent aussi tuer », a ajouté le Premier ministre devant les députés.

C’est dans ce contexte que le protocole national de déconfinement, ainsi que le question-réponse du ministère du Travail, ont été modifiés respectivement les 29 octobre et 3 novembre dernier.

Ci-après un tour d’horizon des réponses pratiques apportées.

Généralisation du télétravail dans le cadre du reconfinement

Désormais, « le télétravail n'est pas une option, mais une obligation », comme l’a rappelé Elisabeth Borne, la ministre du Travail qui s'est montrée très claire à ce sujet.

Le protocole sanitaire, dans sa version actualisée du 29 octobre 2020, précise que : « Dans les circonstances exceptionnelles actuelles, liées à la menace de l’épidémie, il doit être la règle pour l’ensemble des activités qui le permettent. Dans ce cadre, le temps de travail effectué en télétravail est porté à 100% pour les salariés qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance ».

Pour la première fois, le protocole prévoit désormais que la généralisation du télétravail est mise en œuvre dans le cadre « du dialogue social de proximité » et doit permettre de veiller :

  • au maintien des liens au sein du collectif de travail ;
  • à la prévention des RPS liés à l’isolement des salariés en télétravail.

Trois cas peuvent donc être distingués désormais :

  • ceux qui peuvent exercer leur activité en télétravail doivent le faire cinq jours sur cinq ;
  • ceux qui ne peuvent pas remplir toutes leurs tâches en télétravail peuvent se rendre une partie de leur temps sur le lieu de travail ;
  • ceux qui ne peuvent pas télétravailler (notamment dans les usines, les exploitations agricoles, le BTP), le travail pourra se poursuivre en présentiel afin que l’activité puisse continuer.

L’employeur doit malgré tout veiller à mettre en place :

  • une organisation du travail permettant regrouper les activités afin de réduire les déplacements domicile-travail (avec remise d’un justificatif professionnel de l’employeur pour les trajets) ;
  • un aménagement du temps de présence en entreprise pour réduire les interactions sociales (lissage des horaires de départ et d’arrivée) ;
  • un renforcement des gestes barrières et la distanciation sociale conformément aux préconisations gouvernementales.

En tout état de cause, l’employeur doit privilégier les réunions à distance. Les réunions en audio ou visioconférence doivent constituer la règle, et les réunions en présentiel l’exception.

Des sanctions pour les entreprises qui refuserait de faire du télétravail ?

Dans sa dernière mise à jour du 3 novembre, le question réponse du ministère du Travail précise qu’un employeur qui, alors que son activité s’y prête, refuserait de mettre en place le télétravail pourrait, au vu des conditions d’exercice du travail et des mesures de prévention mises en place dans l’entreprise, engager sa responsabilité d’employeur au titre de son obligation de protéger la santé et d’assurer la sécurité de ses salariés.

Dialogue social et télétravail

La mise à jour du 3 novembre du question réponse sur le télétravail rappelle que dans les entreprises d’au moins 50 salariés, en application de l’article L. 2312-8 du Code du travail (N° Lexbase : L8460LGG), l’employeur consulte en principe le CSE de son entreprise lorsqu’il décide que les salariés doivent être placés en télétravail.

Néanmoins, face à l’urgence de la crise sanitaire et pour répondre rapidement à la mesure de confinement décidée par le Gouvernement, l’employeur pourra d’abord s’appuyer sur le fondement du L. 1222-11 du Code du travail (N° Lexbase : L8103LG9) pour mettre en place cette nouvelle organisation et consulter dès que possible le CSE après la mise en œuvre de sa décision de recourir au télétravail.

Néanmoins, l’employeur devra, sans délai, informer le CSE de sa décision.

En outre, l’employeur est invité à recourir au dialogue social de proximité avec les représentants syndicaux ou les représentants de proximité s’ils sont mis en place par l’entreprise.

Activité partielle et télétravail

Il est possible d’alterner des périodes d’activité partielle (réduction d’activité) et des périodes de télétravail.

Pour autant, le question-réponse rappelle que ces périodes ne peuvent pas se cumuler de sorte que le salarié en période d’activité partielle ne peut télétravailler en même temps. Dans ces conditions, l’employeur qui demande à ses salariés de travailler alors qu’ils sont en même temps en activité partielle s’expose à des sanctions, y compris pénales.

Refus/accord de l’employeur sur le télétravail

Le question-réponse rappelle qu’en principe aucune disposition n’impose à l’employeur de donner suite à une demande de télétravail.

C’est uniquement sur le fondement de l’article L. 1222-11 du Code du travail que le ministère considère que le télétravail pourrait être imposé à l’employeur dans des circonstances exceptionnelles.

Il s’agirait dans ce cas d’un aménagement du poste de travail du salarié rendu nécessaire notamment pour garantir la protection des salariés en cas d’épidémie, ou en cas de recommandation expresse des autorités à raison du contexte sanitaire ou encore de situation de vulnérabilité attestée médicalement.

À la suite des dernières annonces du Gouvernement, ce point n’a néanmoins pas été mis à jour à la suite de la modification du protocole national.

En dehors de ces cas de circonstances exceptionnelles, si le poste est éligible au télétravail dans les conditions prévues par accord collectif ou à défaut par un document unilatéral de l’employeur, ce dernier doit motiver son refus.

Des conditions renforcées pour justifier le refus de l’employeur ?

Dans sa mise à jour du 3 novembre, le question-réponse est venu préciser que, pour refuser une telle demande, l’employeur doit démontrer que la présence sur le lieu de travail du salarié est indispensable au fonctionnement de l’entreprise et à l’exercice de son activité.

Horaires de travail en télétravail

Les plages horaires pendant lesquelles le salarié est disponible et opérationnel doivent être précisément déterminées par l’employeur et respectées par le salarié.

La distinction entre temps de travail et temps de repos doit être claire et garantir le droit à la déconnexion des salariés.

Attention : les modalités de suivi et de contrôle du temps de travail à distance ne pourront en aucun cas conduire à une surveillance systématique du poste de travail du salarié.

Outils du télétravail

L’employeur doit fournir au salarié l’équipement nécessaire lui permettant d’exercer ses fonctions à distance.

A cet égard, le question-réponse précise que si l’employeur n’est pas en mesure de fournir les solutions techniques (accès VPN permettant accès aux mails et données professionnelles) pour exercer les fonctions à distance, le poste n’est pas compatible avec le télétravail, ce qui constitue un motif légitime de refus de sa part.

S’agissant des équipements personnels, qui faisaient déjà l’objet d’une tolérance dans le cadre de l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005, le question-réponse rappelle que l’employeur doit fournir un ordinateur si le salarié n’en a pas ou s’il ne souhaite pas utiliser son ordinateur personnel. En aucun cas l’utilisation de l’ordinateur personnel ne peut être imposée au salarié.

Indemnisation du télétravail

Pour mémoire, la prise en charge par l'employeur de tous les coûts découlant directement de l'exercice du télétravail, notamment le coût des matériels, logiciels, abonnements, communications et outils ainsi que de la maintenance de ceux-ci, prévue par l’ex-article L. 1222-10 du Code du travail (N° Lexbase : L8105LGB) a été supprimée par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 (N° Lexbase : L7629LGN).

Toutefois, le rapport au Président de la République, relatif à l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, précisait que l'accord collectif ou la Charte permettant la mise en place du télétravail devait comporter les modalités de prise en charge des coûts découlant directement de l'exercice régulier du télétravail à la demande de l'employeur.

C’est cette position qui était reprise et étendue par l’une des questions-réponses de la FAQ générale du ministère du Travail (supprimée le 3 mai 2020) sur les conditions d’emploi pendant l’épidémie qui prévoyait que l’employeur devait verser à l’ensemble des salariés placés en télétravail une indemnité de télétravail, destinée à rembourser au salarié les frais découlant du télétravail, compte tenu de l’obligation de prise en charge des frais professionnels incombant à l’employeur.

Il était à ce titre recommandé de verser une somme forfaitaire exonérée de charges sociales par journée de télétravail sur la semaine, conformément aux tolérances fixées par l’Acoss et l’Urssaf, à hauteur de 10 € par mois, pour un salarié effectuant une journée de télétravail par semaine, 20 € par mois pour un salarié effectuant deux jours de télétravail par semaine, etc.

Pour autant, le question-réponse précise désormais que l’employeur n’est pas tenu de verser à son salarié une indemnité de télétravail destinée à lui rembourser les frais découlant du télétravail, sauf si l’entreprise est dotée d’un accord ou d’une charte qui la prévoit.

Il semblerait donc que le gouvernement revienne sur la position générale initialement prise.

Point sur le régime fiscal et social de l’indemnité de télétravail

S’agissant du régime social de l’indemnité, il convient de noter que :

  • L’indemnité versée sera exonérée de charges sociales dans les limites prévue par l’Acoss. L’employeur peut verser une somme inférieure.
  • En revanche, lorsque le montant dépasse ces limites, l’exonération de charges sociales est admise à condition de justifier de la réalité des dépenses professionnelles supportées par le salarié.
  • Le fait de verser l’indemnité en fin d’année en une seule fois, et non mensuellement, ne fait pas obstacle au bénéfice de la franchise de cotisation.

S’agissant du régime fiscal, comme pour les frais professionnels, l’article 81, 1° du Code général des impôts (N° Lexbase : L7510LXG) vise de manière exhaustive les diverses indemnités qui ne sont pas soumises à imposition et notamment « les allocations spéciales destinées à couvrir les frais inhérents à la fonction ou à l'emploi et effectivement utilisées conformément à leur objet ».

Ainsi, sous réserve du respect des conditions dudit article et de la position de l’administration, les indemnités de télétravail versées pourraient également être exonérées d’impôt sur le revenu.

Télétravail et Tickets restaurants

Le principe d’égalité de traitement entre les salariés placés en situation de télétravail et les salariés travaillant dans les locaux de l’entreprise est issu des dispositions de l’article L. 1222-9 du Code du travail (N° Lexbase : L0292LMR) qui prévoit que « le télétravailleur a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans les locaux de l’entreprise ».

Les salariés en télétravail doivent donc bénéficier des mêmes conditions de travail que ceux présents physiquement dans les locaux de l’entreprise, ce qui inclut les tickets restaurant, sans distinction pour les salariés effectuant leur fonction en télétravail depuis leur domicile que pour les salariés dans les locaux.

En effet, la règle d’attribution des titres restaurant, à savoir, la fourniture d’un ticket pour toute journée de travail organisée en deux vacations entrecoupées d’une pause réservée à la prise d’un repas, ne permet pas de justifier une différence de traitement sur la situation, ou non, de télétravail du salarié [1].

Ce point est d’ailleurs confirmé par le question-réponse du Gouvernement qui précise que les droits habituels en matière de restauration sont maintenus (tickets restaurant, primes de repas…).

Télétravail et Pass Navigo/abonnement de transport 

S’agissant du maintien du remboursement du Pass Navigo/abonnement de transport aux salariés en télétravail, il n’existe pas de position tranchée de l’administration sur cette question alors que cette dernière s’est clairement prononcée en faveur du maintien des tickets restaurant pour les salariés en télétravail.

Pour autant, si ces salariés ne sont plus du tout amenés à se déplacer compte tenu de l’exercice de leur fonction depuis leur domicile, la différence de traitement entre les salariés présents sur site amenés à se déplacer est justifiable ce qui permettrait aux employeurs le souhaitant de stopper le remboursement du Pass Navigo/abonnements de transports.

Cette position ne pourra bien évidemment pas être soutenue en cas de télétravail partiel, tel que préconisé par le Gouvernement.

Sécurisation des réseaux et protection des données personnelles

En outre, la CNIL a mis à jour en dernier lieu le 12 mai 2020 ses recommandations concernant la mise en place du télétravail [2].

Ainsi, afin de sécuriser le système d’information de l’entreprise et protéger ses données ainsi que celles du salarié, elle recommande désormais les actions suivantes :

  • Éditer une charte de sécurité dans le cadre du télétravail ou, dans le contexte actuel, au moins un socle de règles minimales à respecter, et communiquer ce document aux salariés suivant le règlement intérieur.
  • En cas de modification des règles de gestion du système d’information pour permettre le télétravail, mesurer les risques encourus et, au besoin, prendre les mesures nécessaires.
  • Équiper tous les postes de travail des salariés au minimum d'un pare-feu, d'un antivirus et d'un outil de blocage de l'accès aux sites malveillants.
  • Mettre en place un VPN pour éviter l'exposition directe des services sur internet, dès que cela est possible. Activer l'authentification du VPN à deux facteurs si c'est possible.

Des recommandations spécifiques sont prévues en cas d’utilisation de services sur Internet, à savoir :

  • Utiliser des protocoles garantissant la confidentialité et l’authentification du serveur destinataire, par exemple HTTPS pour les sites web et SFTP pour le transfert de fichiers, en utilisant les versions les plus récentes de ces protocoles.
  • Appliquer les derniers correctifs de sécurité aux équipements et logiciels utilisés (VPN, solution de bureau distant, messagerie, vidéoconférence etc.).
  • Mettre en œuvre des mécanismes d’authentification à double facteur sur les services accessibles à distance pour limiter les risques d'intrusions.
  • Consulter régulièrement les journaux d’accès aux services accessibles à distance pour détecter des comportements suspects.
  • Ne pas rendre directement accessibles les interfaces de serveurs non sécurisées.

Le télétravail, une expérience à grande échelle dont l’entreprise doit tirer les enseignements

Involontairement, la crise sanitaire liée au covid-19 a créé des espaces de test et d’expérimentation autour de nouveaux modes de management et d’organisation à distance.

La crise a en effet permis de déployer le recours au télétravail de façon très inégale dans le secteur privé où 39 % des employés d’entreprises de plus de 10 salariés auraient télétravaillé en avril 2020 soit environ 5 à 8 millions de salariés.

Dans ces entreprises, le temps du déconfinement a amorcé le temps du bilan et des enseignements.

Pour les salariés, les principaux enjeux portent sur l’envahissement de la sphère privée par la vie professionnelle et l’impact psychologique de la distanciation sociale sur les travailleurs.  Le lien à l’entreprise et la relation au travail est également entrain d’évoluer de façon différente entre les générations.

Pour l’entreprise, les impacts en termes de productivité, de qualité du travail et de qualifications des salariés restent à mesurer. La relation contractuelle de travail va certainement être amenée à évoluer mais à l’avantage de qui ?


[1] Sur ce point, voir l’article 4 de l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005 sur le télétravail qui disposait d’ores et déjà que : « Les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise. Cependant, pour tenir compte des particularités du télétravail, des accords spécifiques complémentaires collectifs et/ou individuels peuvent être conclus ».

newsid:475160

Télétravail

[Le point sur...] Le lieu de télétravail

Lecture: 43 min

N5137BYW

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/61212417-edition-n-842-du-05112020#article-475137
Copier

par Audrey Probst, Avocat counsel, Cabinet Fromont Briens

Le 22 Juillet 2021

Le droit du travail s’est historiquement construit sur le modèle économique industriel, lequel impliquait une présence physique des salariés dans l’établissement de l’employeur. Pour la majorité des salariés, ce schéma est encore d’actualité. Mais en télétravail, les fonctions s’exécutent depuis le réseau informatique de l’entreprise, et la réalisation de ces fonctions à distance ne nécessite aucunement la présence du salarié dans un lieu déterminé. Reprenant les dispositions de l’accord national interprofessionnel du 19 juillet 2005, le législateur a défini le lieu de télétravail par opposition. Ainsi, l’article L. 1222-9 du Code du travail (N° Lexbase : L0292LMR) désigne le télétravail comme « toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication ».

Une telle définition permet d’exclure les salariés qui exécutent leur contrat de travail à distance depuis un autre bureau de l’entreprise (bureau satellite), et ceux dont les fonctions n’auraient pas pu, en tout état de cause, être exécutées dans les locaux de l’employeur. En revanche, tout autre lieu extérieur aux locaux de l’entreprise peut être un lieu de télétravail. En pratique, le télétravail s’exerce majoritairement depuis le domicile du salarié, ou depuis un télécentre ou espace de « co-working ». Mais le télétravail peut aussi s’exercer en d’autres lieux (depuis les locaux des clients de l’employeur, la résidence secondaire du salarié, une chambre d’hôtel, dans un train, une gare, un aéroport…). L’ANI précité prévoit d’ailleurs expressément l’hypothèse des télétravailleurs « dit nomades », à savoir des salariés pouvant exercer leurs fonctions totalement, ou partiellement, à distance grâce aux outils technologiques depuis n’importe quel lieu. Il pourrait dès lors être envisagé une relation de télétravail salarié sans détermination d’un quelconque lieu de travail. L’obligation du salarié se résumerait alors à devoir se connecter au réseau de l’entreprise pour y effectuer sa prestation de travail (recevoir les ordres et directives de l’employeur et les exécuter). Le salarié serait ainsi libre de choisir le lieu depuis lequel il se connecte au réseau de l’entreprise. A cet égard, il convient de noter que la Directive n° 2019/1152 du 29 juin 2019, relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union Européenne (N° Lexbase : L0121LRW), qui abroge la Directive du 14 octobre 1991 à compter du 1er août 2022, modifie l’obligation d’information de l’employeur notamment en ce qui concerne le lieu de travail, en permettant expressément de prévoir que le salarié peut être « libre de déterminer son lieu de travail ».

Pour autant, le contrat de travail peut-il se passer totalement de la détermination d’un lieu de travail ? En pratique, cela apparait difficile, et ce pour plusieurs raisons.

Premièrement, ne serait-ce que pour des considérations pratiques, et notamment pour pouvoir adresser au salarié des correspondances, ou faire effectuer des visites, l’employeur doit, pour le moins, disposer de l’adresse du domicile du salarié. Il convient de préciser, à cet égard, que le fait pour l’employeur d’exiger du salarié qu’il communique l’adresse de son domicile a été jugé par la Cour de cassation, et régulièrement par les juges du fond, comme parfaitement licite, cette information étant nécessaire pour pouvoir remplir le salarié de ses droits [1], ou exercer son droit à faire pratiquer une contre-visite médicale [2].

Deuxièmement, à l’égard des télétravailleurs salariés, l’employeur reste débiteur de son obligation de sécurité. L’article L. 1222-10 du Code du travail (N° Lexbase : L8105LGB) dispose expressément que l’employeur est tenu à l’égard des salariés en télétravail à ses obligations de droit commun. L’article 8 de l’ANI du 19 juillet 2005 prévoit également expressément que « les dispositions légales et conventionnelles relatives à la santé et à la sécurité au travail sont applicables aux télétravailleurs », et que « l’employeur doit veiller à leur strict respect ». L’employeur doit donc respecter les dispositions du Code du travail relatives à l’hygiène, la santé et la sécurité, y compris à l’égard des salariés placés en situation de télétravail. Pour le moins, l’employeur doit s’enquérir des conditions de travail des salariés en télétravail, et donc du, ou des lieux potentiels de télétravail, afin de prévenir tout risque d’atteinte à leur santé et leur sécurité, et ce d’autant plus que l’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail et pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident du travail (C. trav., art. L. 1222-9, in fine N° Lexbase : L0292LMR).

Troisièmement, le lieu depuis lequel le salarié exécute le télétravail peut avoir une incidence sur les règles de droit applicables en matière de droit du travail et de protection sociale, ainsi que sur la compétence du tribunal en cas de litige. Le coût des déplacements professionnels dépend également directement du lieu de télétravail. L’employeur peut donc avoir un intérêt à déterminer le, ou les lieux, de télétravail.

Enfin, il convient de noter qu’à défaut de fixation d’un lieu de télétravail, les juges considèrent que celui-ci s’exerce, au moins pour partie, au domicile du salarié, avec les conséquences juridiques qui en découlent. Tel est le cas, par exemple, d’un salarié itinérant devant effectuer une partie de ses fonctions (notamment gérer des commandes, préparer ses visites et en rendre compte, actualiser les informations, répondre aux courriels…), au moyen d’une connexion Internet (Wifi ou clé 3G fournie par l’employeur), et ce en tout lieu, alors que « l'employeur ne peut pour autant prétendre que l'exécution par les salariés de leurs tâches administratives à domicile ne résulte que de leur seul choix, compte tenu de la diversité de ces tâches et de la nécessité de pouvoir s'y consacrer sérieusement dans de bonnes conditions » [3]. Tel est également le cas d’un Directeur de région qui, à l’instar des commerciaux, ne dispose pas d’un bureau professionnel pour gérer et stocker les dossiers clients, se connecter aux données de l’entreprise, lire et répondre aux courriels [4].

Pour toutes ces raisons, les parties ont donc intérêt à prévoir, au sein du contrat le, ou les lieux d’exercice du télétravail, en particulier si le contrat de travail s’exécute uniquement depuis ce lieu, ainsi que, le cas échéant, les modalités de poursuite du contrat sans télétravail.

Le télétravail, en particulier lorsqu’il s’exécute au domicile du salarié, présente des particularités, liées à la fixation du lieu de télétravail (I.), aux conditions d’exercice du télétravail (II.) et à la fin du télétravail (III.).

I. La fixation du lieu de télétravail

Conformément au droit commun, le, ou les lieux de télétravail, font l’objet d’une clause au sein du contrat de travail, l’employeur étant tenu d’informer le salarié de son lieu de travail. La portée de cette clause dépend toutefois du lieu fixé pour le télétravail.

A. La fixation du lieu de télétravail autre qu’au domicile du salarié

Le télétravail exercé dans un autre lieu que le domicile du salarié, recouvre les hypothèses de télétravail en télécentre, et de télétravail nomade avec un bureau mis à disposition du salarié dans les locaux de l’employeur.

Lorsque le télétravail est exercé depuis un télécentre, l’adresse de celui-ci sera, en principe, indiquée à titre d’information au sein du contrat de travail. En effet, sauf accord des parties sur la fixation d’un lieu de travail exclusif au sein du contrat de travail, le lieu de travail mentionné au sein du contrat a, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, une simple valeur d’information [5]. En conséquence, le contrat de travail n’est modifié que si le changement du lieu de travail se situe à l’extérieur du secteur géographique du lieu de travail initial. A l’intérieur du secteur géographique, la modification du lieu de travail constitue un simple changement des conditions de travail pouvant être imposé au salarié [6]. Le salarié refusant ce changement de ses conditions de travail est alors susceptible de se voir notifier son licenciement pour faute grave, sauf à démontrer, le cas échéant, une atteinte disproportionnée à sa vie personnelle et familiale [7].

Ces principes restent les mêmes dans le cadre du télétravail en télécentre. Le lieu du télécentre peut ainsi être changé unilatéralement par l’employeur à l’intérieur du même secteur géographique sans pour autant modifier le contrat de travail.

Pour des télétravailleurs « nomades », c’est-à-dire les salariés itinérants, dont l’exécution du contrat de travail nécessite de pouvoir recevoir des ordres et des directives de l’employeur et y répondre à distance par l’utilisation des outils technologiques, le lieu de travail est généralement fixé au siège social de l’entreprise ou dans un établissement, assorti de la définition d’un secteur géographique (secteur d’intervention, de prospection de la clientèle…). Le télétravail s’exécutera alors au sein de ce secteur géographique, tout changement de secteur devant alors faire l’objet d’un accord des parties, sauf clause éventuelle de mobilité géographique.

B. Spécificités du lieu de télétravail fixé au domicile du salarié

Le lieu de télétravail fixé au domicile du salarié présente plusieurs particularités. D’une part, le télétravail ne peut, en principe, jamais être fixé au domicile sans l’accord préalable du salarié (a.). D’autre part, le salarié reste libre de choisir le lieu d’établissement de son domicile, même si le télétravail s’exécute à son domicile et qu’il décide de déménager à plusieurs centaines de kilomètres ou à l’étranger (b.). En conséquence, se pose la question de la validité d’une clause contractuelle fixant le lieu de télétravail dans un secteur géographique déterminé (c.).

a. Le télétravail au domicile du salarié est subordonné à l’accord préalable de ce dernier

Par principe, l’accord du salarié pour l’exécution d’un télétravail au domicile est nécessaire. Parce qu’il est une forme particulière d’exécution du contrat de travail, le télétravail nécessite, par principe, l’accord tant de l’employeur que du salarié. Mais lorsque le télétravail s’exécute depuis le domicile du salarié, l’accord de ce dernier est doublement requis.

La Cour de cassation a posé ce principe dans un arrêt du 2 octobre 2001, au visa des articles L. 1121-1 (N° Lexbase : L0670H9P) (anciennement L. 120-2 N° Lexbase : L5441ACI) du Code du travail et 9 du Code civil (N° Lexbase : L3304ABY), selon lesquels « nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché » et que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». La Cour de cassation en conclut que « le salarié n'est tenu ni d'accepter de travailler à son domicile, ni d'y installer ses dossiers et ses instruments de travail » [8]. L’accord du salarié est donc toujours nécessaire, que le domicile soit ou non situé dans le même secteur géographique que les locaux de l’employeur, le fait d’imposer au salarié de travailler à son domicile constituant une atteinte à l’intimité de la vie privée. La Cour de cassation a, par la suite, confirmé sa position précisant que « l'occupation, à la demande de l'employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci et n'entre pas dans l'économie générale du contrat de travail » [9].

Un télétravail au domicile du salarié requiert donc obligatoirement, et sauf circonstances exceptionnelles, l’accord exprès du salarié, non seulement sur le principe du télétravail, mais également sur le fait que celui-ci s’exercera au domicile du salarié.

En conséquence, le lieu du télétravail, à savoir le domicile du salarié, est nécessairement contractualisé, de sorte que, sauf clause de réversibilité, le retour du salarié dans les locaux de l’employeur nécessite également son accord [10]. Il est à noter qu’il en va ainsi, si une clause du contrat de travail prévoit expressément le télétravail au domicile, mais également lorsque le télétravail au domicile est implicitement, mais nécessairement, induit par l’absence de tout lieu de travail laissé à la disposition du salarié dans les locaux de l’employeur [11]. Et, il importe peu, à cet égard, que le contrat de travail comporte, par ailleurs, une clause de mobilité géographique [12]. Ce qui est contractualisé est, en effet, le principe d’une organisation du travail au domicile du salarié.

Par exception, des circonstances exceptionnelles, comme un risque d’épidémie, peut justifier d’imposer le télétravail au domicile. Selon les dispositions de l’article L. 1222-11 du Code du travail (N° Lexbase : L8103LG9), « en cas de circonstances exceptionnelles, notamment de menace d'épidémie, ou en cas de force majeure, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité de l'entreprise et garantir la protection des salariés. » La crise de la pandémie de la covid-19 a conduit les entreprises, sur recommandation des pouvoirs publics, à imposer un télétravail au domicile des salariés. La solution n’allait pas de soi dans la mesure où le télétravail à domicile ne constitue pas seulement une modification du contrat de travail, mais également une atteinte à la liberté individuelle et à l’intimité de la vie privée du salarié. Nombre de salariés, ayant dû à la fois, assurer l’exécution de leur contrat de travail, le suivi scolaire de leurs enfants, et/ou les préoccupations diverses et variées de leurs enfants en bas âge, ont vite compris que cette immixtion de leur vie professionnelle dans l’intimité de leur vie privée n’était pas sans conséquences. Une telle atteinte ne peut qu’être très exceptionnelle. Lors de l’état d’urgence sanitaire, celle-ci a pu être, d’une part, justifiée par les intérêts légitimes de l’entreprise (devant assurer la poursuite de l’activité tout en assurant la santé et la sécurité des salariés au regard du contexte sanitaire et des restrictions aux libertés prises par les autorités publics) et proportionnée au but recherché (dès lors que celle-ci était temporaire et liée à la déclaration d’état d’urgence sanitaire). Il convient toutefois de bien noter que le recours à l’article L. 1222-11 du Code du travail pour imposer un télétravail au domicile, doit, compte tenu de l’atteinte particulière portée à la vie privée et familiale des salariés, être strictement encadré par le contrôle du caractère indispensable et proportionné de cette mesure. Les hypothèses où le télétravail peut être imposé au salarié à son domicile personnel sont donc, par nature, extrêmement limitées.

b. Le télétravailleur à son domicile est-il libre de fixer le lieu du télétravail ?

Par principe, le salarié est libre de fixer le lieu d’établissement de son domicile privé. Le domicile privé du salarié n’est pas un lieu comme un autre. Il est notamment protégé par les dispositions de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (N° Lexbase : L4798AQR) qui dispose que « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance », et la Cour de cassation considère que le libre choix du domicile personnel et familial est un attribut de ce droit. Ainsi, le salarié est libre de choisir le lieu d’établissement de son domicile privé, et l’employeur ne peut pas, par principe, exiger qu’il soit situé dans un secteur géographique déterminé.

La Cour de cassation sanctionne ainsi, sur le fondement de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des liberté fondamentales et/ou l’article 9 du Code civil et l’article L. 1121-1 du Code du travail, toute clause de domiciliation qui ne serait pas indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’employeur et proportionnée au but recherché. Le contrôle du caractère indispensable et proportionné des clauses de domiciliation est en outre particulièrement stricte, de sorte qu’il est possible de se demander si elles ne sont pas purement et simplement prohibées.

Par exemple, a été jugée nulle la clause réservant le droit, pour l’employeur, de modifier le secteur géographique d’un attaché commercial, en lui demandant d’être domicilié sur ce secteur dans les 6 mois du changement d’affectation. La Cour de cassation a, en effet, désapprouvé l’analyse de la cour d’appel qui avait estimé cette clause valable, exigeant que soit caractérisé le caractère indispensable de cette clause pour la protection des intérêts légitimes de l’employeur et le caractère proportionné de celle-ci, compte tenu de l’emploi occupé, précisant qu’en l’espèce, l’employeur ne justifiait pas de la nécessité d’un changement de domicile, le salarié ayant proposé de prendre une résidence sur son nouveau secteur d’affectation [13]. De même, elle a sanctionné la clause du contrat de travail d’un avocat salarié, stipulant que celui-ci devait être domicilié « dans l’environnement local », estimant que la justification tirée de la nécessité d’une bonne intégration de l’avocat salarié dans l’environnement local du cabinet, ne constituait pas un objectif justifiant l’atteinte portée à la liberté individuelle du salarié [14]. Elle a également sanctionné une clause de résidence, imposée à une employée gouvernante, chargée notamment de veiller au confort physique et moral des majeurs sous tutelle ou curatelle, logés par l'association dans un appartement, l’obligation faite à la salariée de résider à moins de 200 mètres de son lieu de travail n’étant ni justifiée, ni proportionnée [15]. N’est pas davantage justifié le fait, pour un employeur, d’exiger d’un salarié son déménagement, en raison du fait que celui-ci détenait dans le cadre de l’exécution de ses fonctions une importante collection de bijoux appartenant à l’entreprise, et qu’il avait déjà subi plusieurs agressions à son domicile, de sorte que la compagnie d’assurance refusait désormais de garantir tout sinistre survenant dans certains départements [16].

Une clause de domiciliation peut-elle être néanmoins valable dans le cadre spécifique du télétravail à domicile ?

L’employeur peut-il légitimement s’opposer au déménagement du télétravailleur à domicile ? Si le salarié est, par principe, libre de choisir le lieu d’établissement de son domicile privé, ce choix, surtout si le télétravail est exercé à temps plein au domicile, peut indéniablement avoir des conséquences sur l’économie générale du contrat de travail. En effet, le salarié pourrait parfaitement décider de s’installer à plusieurs centaines de kilomètres des locaux de l’employeur, voire à l’étranger. Quelles en sont les conséquences ? L’employeur peut-il s’y opposer ?

- Conséquences du déménagement à l’étranger du télétravailleur à domicile

Outre les frais de déplacement qui peuvent être considérablement alourdis, la décision du salarié de déménager son domicile à l’étranger, et donc d’y exercer le télétravail, peut bouleverser l’économie générale du contrat de travail.

En effet, la loi applicable au contrat est, à défaut de choix des patries, la loi du pays où est habituellement accompli le travail, sauf si le travail n’est pas habituellement accompli dans un même pays, et sauf s’il résulte des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays (Convention de Rome, art. 6 ; Règlement « Rome I » du 17 juin 2008, art. 8). Dans l’hypothèse d’un télétravail débuté en France, entre des parties de nationalité française et selon les lois françaises, il est possible que les juges considèrent que la loi applicable reste la loi française. Rappelons, à cet égard, que l’application de la loi française emporte également celle de la convention collective de branche applicable à l’entreprise. En revanche, le choix de la loi applicable à un salarié étranger, certes embauché en France, mais ayant immédiatement déménagé pour rejoindre son pays d’origine en télétravail, et exerçant, par exemple, ses fonctions avec des interlocuteurs situés dans cet Etat, pourrait bien emporter l’application de la loi étrangère. En tout état de cause, même si la loi applicable restait la loi française en raison d’un faisceau d’indices concordants, les lois impératives plus favorables au salarié trouveront à s’appliquer. D’autant que se pose également la question de l’application aux télétravailleurs des dispositions de la Directive n° 2018/957 du 28 juin 2018 (N° Lexbase : L3559LLE), imposant pour tout détachement de plus de 12 mois sur le territoire d’un autre Etat membre, l’application au salarié, au titre de l’égalité de traitement, de la législation et de la réglementation applicables dans l’Etat européen au sein duquel est exécuté le travail (sauf pour ce qui concerne la conclusion et la rupture du contrat de travail, ainsi que les régimes complémentaires de retraite). Cette disposition, transposée en droit français par l’ordonnance n° 2019-116 du 20 février 2019 (N° Lexbase : L3486LPS) et codifiée à l’article L. 1262-4 du Code du travail (N° Lexbase : L3709LP3), l’a été tout autant dans les autres pays de l’Union européenne. Certes, les télétravailleurs ne sont pas expressément visés par ces dispositions, mais ils ne semblent pas pour autant exclus, compte tenu notamment de la définition du détachement posée à l’article L. 1262-1 du Code du travail (N° Lexbase : L5748IA7) [17].

Il convient, en outre, de noter, qu’en cas de litige, le tribunal compétent sera celui du lieu habituel de travail, et donc le lieu du domicile du télétravailleur situé à l’étranger. Le litige pourrait donc échapper aux juridictions françaises.

Par ailleurs, l’application du régime de protection sociale du salarié établi et exerçant ses fonctions depuis l’étranger pose question. En effet, dans le cadre d’un télétravail volontairement organisé à l’étranger, et pour une courte durée, (inférieure à 24 mois), le régime des travailleurs détachés pourrait trouver à s’appliquer. Même si elle n’est pas (encore) expressément prévue, la situation des télétravailleurs à domicile à l’étranger ne contrevient pas, en effet à la définition du travailleur détaché et aux règles particulières posées à l’article 12 du Règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 (N° Lexbase : L7666HT4) [18], ou encore à l’article 14 du Règlement n° 987/2009 du 16 septembre 2009 (N° Lexbase : L8946IE3) [19].

Toutefois, si le déménagement du salarié ne s’effectue pas dans le cadre d’un « détachement », qui suppose que l’employeur « détache » volontairement le salarié dans un autre Etat-membre pour effectuer une prestation pour son propre compte, le télétravailleur devra alors être affilié aux régimes de Sécurité sociale de l’Etat dans lequel il a fixé son domicile. Il en va de même, si le salarié en situation de télétravail déménage à l’étranger pour une plus longue période, sans « esprit de retour ». Dans ce cas, une difficulté pratique se présente pour assurer l’affiliation du salarié et payer les cotisations, si l’employeur ne dispose d’aucun établissement dans le pays d’accueil.

Le déménagement du télétravailleur à l’étranger, à l’intérieur ou non de l’Union européenne, emporte donc des conséquences sur les règles de droit applicables au contrat de travail et sont susceptibles de bouleverser l’économie générale du contrat de travail [20].

- L’employeur peut-il valablement s’opposer au déménagement à l’étranger du télétravailleur à domicile ?

Compte tenu des conséquences engendrées par le déménagement du télétravailleur à l’étranger sur les règles applicables au contrat, l’employeur pourrait alors, a priori, disposer d’un motif légitime pour opposer un refus à un tel déménagement. Néanmoins, une telle solution apparait critiquable.

En effet, même dans cette hypothèse, l’entrave au libre choix du domicile du salarié ne sera pas nécessairement jugée comme indispensable aux intérêts légitime de l’entreprise. En outre, pour être licite, une telle entrave devra être proportionnée au but recherché. Or, le fait qu’un salarié décide d’établir son domicile à l’étranger (par exemple dans un Etat frontalier pour des raisons personnelles et familiales) n’aura pas de conséquences sur le contrat de travail si, par ailleurs, il exécute sa prestation en télétravail depuis une résidence située en France. Le choix du salarié d’effectuer des trajets entre son domicile privé et sa résidence en France lui appartient, et on voit dès lors mal comment l’employeur pourrait lui imposer le lieu de son domicile privé.

En conséquence, sauf à ce que le déménagement emporte des conséquences sur les autres conditions posées dans le contrat de télétravail, et rendant de fait, impossible la poursuite du télétravail (absence de connexion Internet…), le refus de l’employeur au déménagement du domicile du salarié nous apparait difficilement justifiable et proportionné au regard de l’atteinte portée à la vie privée du salarié.

Pour ces mêmes raisons, une clause contractuelle de domiciliation, même pour un salarié exécutant son contrat de travail à temps plein à son domicile, et sauf à justifier d’autres circonstances particulières indispensables aux intérêts légitimes de l’entreprise, sera illicite et réputée non écrite.

c. Peut-on fixer contractuellement le lieu du télétravail, sans entraver la liberté du salarié de choisir le lieu de son domicile ?

Ce qui est avant tout protégé par la Cour de cassation, c’est la liberté d’une personne d’établir son domicile personnel et familiale au lieu de son choix. Si cette liberté n’est pas entravée, l’employeur pourra davantage justifier le fait d’imposer le lieu du télétravail dans un secteur géographique déterminé (nécessité de pouvoir se déplacer dans l’entreprise à bref délai pour participer à des réunions, prise en charge des frais de déplacements…). Dans ce cas, la clause du contrat de travail devra alors préciser que le télétravail s’effectue dans tel secteur géographique, depuis le domicile du salarié, mais également dans toute autre résidence (voir depuis un télécentre) située dans ce secteur. Le salarié sera ainsi libre d’établir son domicile personnel et familial dans le lieu de son choix, mais conserverait l’obligation de télétravailler depuis un lieu personnel et stable, situé dans un périmètre géographique déterminé.

En pratique, les entreprises évitent bien souvent le sujet en organisant un télétravail au domicile pour une ou deux journées par semaine, obligeant ainsi le salarié à conserver son domicile, ou pour le moins une résidence, à proximité des locaux de l’employeur. La question devrait, en revanche, se poser avec plus d’acuité à l’avenir, avec le développement du télétravail à domicile à temps plein.

II. Les conditions d’exercice des fonctions au lieu du télétravail

Les parties au contrat peuvent librement déterminer les conditions d’exécution du télétravail, sous réserve toutefois, et notamment lorsque le télétravail s’exécute au domicile du salarié, de ne pas porter d’atteinte injustifiée ou disproportionnée à sa vie privée (A.). Par ailleurs, l’exécution du télétravail entraine, en application du principe d’égalité de traitement, l’application des mêmes avantages que ceux accordés aux salariés exerçant dans les locaux de l’employeur. La situation du lieu de télétravail au domicile du salarié pose alors la question des remboursements de frais (B.).

A. Le contrat de travail, ou l’avenant, peut fixer les conditions de l’exercice du télétravail, sous réserve du respect de la vie privée du salarié

Les parties au contrat peuvent contractuellement fixer les conditions d’exercice du télétravail. Les dispositions du Code du travail n’imposent pas de clauses contractuelles spécifiques au télétravail, l’article L. 1222-9 (N° Lexbase : L0292LMR) se contentant de prévoir que l’accord des parties sur le télétravail peut être formalisé par tout moyen.

Néanmoins, les parties peuvent parfaitement fixer au sein du contrat, ou d’un avenant, les conditions d’exercice du télétravail, notamment pour préciser :

  • le rythme du télétravail (x jours par semaine/par mois/an…), les jours de télétravail et les conditions de modification de ceux-ci, voire la liberté, pour le salarié, de choisir les jours de télétravail ;
  • le lieu d’exercice du télétravail (domicile, résidence, télécentre, autres lieux) ;
  • les horaires pendant lesquels le télétravailleur peut habituellement être joint ;
  • le cas échéant, son droit à la déconnexion ;
  • les modalités de contrôle du temps de travail ou d’évaluation de la charge de travail ;
  • les conditions imposées pour que le télétravail soit possible (condition de sécurité et d’ergonomie du lieu de télétravail, connexion Internet…) ;
  • les équipements fournis au télétravailleur, et/ou l’utilisation de certains équipements du salarié (connexion Wifi, 4G, mobilier, ordinateur…) ;
  • l'information du salarié sur les restrictions applicables à l'usage des équipements et outils informatiques et les sanctions encourues en cas de non-respect (si elles ne sont pas déjà prévues par ailleurs dans le règlement intérieur de l’entreprise et/ou une Charte informatique) ;
  • les conditions dans lesquels le salarié devra se déplacer dans l’enceinte de l’entreprise (délai de prévenance, jour fixe ou non…), ;
  • le cas échant, une clause de retour dans un emploi sans télétravail.

Les conditions d’hygiène et de sécurité applicables au lieu de télétravail. S’agissant du télétravail en télécentre, les conditions d’exécution du télétravail ne posent guère de difficulté juridique. Ce lieu dépend du choix de l’employeur, qui assume en conséquence, la responsabilité de la conformité de ce lieu aux normes d’hygiène et de sécurité. L’exécution de la relation de travail ne présentera que peu de différences avec celle des salariés travaillant dans les locaux de l’entreprise.

Au domicile du salarié en revanche, l’employeur se trouve privé de la faculté d’organiser l’espace de travail. Tout au plus, peut-il remplir son obligation de prévention en assurant une information, voire une formation du salarié sur les risques en matière de santé et de sécurité, sur les règles d’ergonomie du poste du travail, du travail sur écran, d’éclairage, d’aération, de niveau sonore…et en sollicitant une attestation du salarié sur la conformité de son poste de travail à ces règles. Dès lors que l’employeur a connaissance d’un non-respect de ces règles, il devra alors mettre un terme au télétravail au domicile.

Les conditions du télétravail devront respecter la vie privée du télétravailleur. Les conditions d’exécution du télétravail ne devront pas porter une atteinte injustifiée ou disproportionnée à sa vie privée, conformément aux dispositions de l’article L. 1121-1 du Code du travail et de l’article 9 du Code civil.

En conséquence, le contrôle exercé par l’employeur sur l’activité du télétravailleur ne devra pas être excessif (webcam de l’ordinateur activée en permanence, logiciels de contrôle permanent de l’activité de l’ordinateur, appels intempestifs pour vérifier la présence du salarié…).Rappelons également qu’« aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été porté préalablement à sa connaissance » [21], qu’il doit être informé, préalablement à leur mise en œuvre, des méthodes et techniques d'évaluation professionnelles, et que celle-ci doivent être pertinentes au regard de la finalité poursuivie [22]. En conséquence, de telles mesures de contrôle seraient non seulement illicites, mais également inefficaces.

De même, la protection de la vie privée des télétravailleurs impose une charge de travail et des horaires de disponibilité raisonnables. C’est la raison pour laquelle, les parties ont intérêt à prévoir :

  • d’une part, des plages horaires au cours desquelles le salarié peut habituellement être joint (horaire habituel de travail ou, pour les salariés au forfait-jour, horaire d’une journée « normale » en respectant les temps de repos) ;
  • et d’autre part, un droit à la déconnexion, a minima pendant les temps de repos obligatoire.

B. L’employeur doit prendre en charge les frais exposés par le salarié pour l’exercice du télétravail

Si, depuis le 24 septembre 2017, le Code du travail ne prévoit plus de règle expresse imposant à l’employeur de prendre en charge les coûts liés au télétravail, cette l’obligation demeure néanmoins. L’article 7 de l’ANI du 19 juillet 2005 prévoit expressément que « l’employeur prend en charge, dans tous les cas, les coûts directement engendrés par ce travail, en particulier ceux liés aux communications ». La Cour de cassation rappelle également régulièrement le principe selon lequel, il incombe à l’employeur de supporter les frais engendrer par l’exécution du contrat de travail [23]. Et une clause du contrat de travail ne peut pas valablement prévoir que le salarié supportera intégralement ces frais [24]. Le cas échant, les parties peuvent prévoir le versement d’une somme forfaitaire, fixée à l’avance, et correspondant aux remboursements de frais, si toutefois cette somme reste en adéquation avec le montant des frais réellement supportés par le salarié [25]. Dans ce cas, la qualification de la somme en remboursement de frais, exonérés de cotisations de Sécurité sociale, demeure toutefois soumise à la justification par l’employeur auprès de l’URSSAF des frais réellement exposés par le salarié [26].

S’agissant des télétravailleurs, il convient donc d’évaluer les frais engagés par le salarié pour l’exercice direct du télétravail, c’est-à-dire les frais que le salarié n’aurait pas eu à exposer s’il n’avait pas exercé ses fonctions depuis son domicile. Dans certaines circonstances, notamment lorsque le télétravail est ponctuel et/ou mis en œuvre en raison de circonstances exceptionnelles (telles que le confinement au domicile décrété actuellement par les autorités), le montant des frais peut être négligé, le salarié n’ayant pas, ou très peu, exposé de frais supplémentaires.

En revanche, dans le cadre d’un télétravail à domicile habituel, des frais supplémentaires sont généralement exposés par le salarié. Il convient alors de faire un tri dans les dépenses du salarié pour ne prendre en compte que celles qu’il n’aurait pas exposées s’il n’avait pas télétravaillé.

Par exemple, pourraient être exclus d’un remboursement de frais :

  • les équipements de travail (ordinateur, téléphone, connexion Internet, bureau, éclairage…) s’ils sont fournis par l’employeur ;
  • l’utilisation de la connexion Internet du salarié (bien souvent illimitée). Toutefois, il convient de noter qu’en l’absence de fourniture par l’employeur d’une clé 3, 4 ou même bientôt 5G, il ne pourra pas être reproché au salarié une panne de connexion et/ou le changement de son forfait auprès de son opérateur. L’employeur devra prendre directement à sa charge le forfait Internet. Il en va de même des communications téléphoniques ;
  • une quote-part du loyer, le surcoût apparaissant très théorique, le salarié ne déménageant généralement pas spécialement pour pouvoir télétravailler. L’URSSAF admet cependant une exonération de charges sur la base d’une quote-part (qu’il conviendra alors de la déterminer, sachant que l’espace de télétravail se résume bien souvent à un ordinateur, une chaise et un bureau, soit environ un mètre carré…) ;
  • des dépenses de chauffage, si celui-ci est collectif. Là encore, une quote-part peut néanmoins être prise en compte (reste à savoir sur quelle base, car dans ce cas, c’est généralement tout le logement qui est chauffé en journée)…

En revanche, dans le cadre d’un télétravail à domicile habituel, il existe nécessairement des surcoûts liés notamment à :

  • la consommation d’électricité ;
  • l’entretien de l’espace de travail ;
  • la consommation de chauffage et/ou de climatisation individuel ;
  • les consommables (papiers, encre de l’imprimante…) s’ils ne sont pas fournis par l’employeur ;
  • l’assurance pour les équipements personnels du salarié éventuellement utilisés…

Pour l’ensemble de ces frais, l’URSSAF applique désormais une tolérance sur l’exonération de cotisations de Sécurité sociale à hauteur de 10 € par mois pour un jour de télétravail dans la semaine, 20 € pour deux jours de télétravail, 30 € pour trois jours…

C. Une indemnité d’occupation du domicile doit-elle être nécessairement versée dans le cadre d’un télétravail au domicile ?

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, l’employeur a l’obligation de verser au salarié une indemnité d’occupation du domicile à des fins professionnelles, si aucun bureau n’est laissé à sa disposition dans les locaux de l’entreprise [27]. A l’inverse, dès lors qu’un bureau est laissé à la disposition du salarié et que ce dernier n’exécute son contrat de travail depuis son domicile que par convenance personnelle, aucune indemnité d’occupation du domicile n’est due [28].

Ces arrêts, rendus dans des affaires intéressant des salariés itinérants, sont-ils transposables à la situation du télétravail à domicile, qui, par définition, doit avoir été expressément accepté par le salarié ? La solution dépend de l’existence et du degré de sujétion supplémentaire imposé au salarié. A notre sens, dans le cadre d’un télétravail à domicile sollicité par le salarié, il peut être soutenu que l’employeur n’ayant aucunement imposé le télétravail, aucune sujétion particulière n’a été imposée au salarié, de sorte qu’il n’y a pas lieu de lui verser une indemnité à ce titre. En revanche, la solution ne serait pas nécessairement identique si au fil de la relation de travail, le télétravailleur se voit contraint d’entreposer des dossiers, d’imprimer des documents, de les détruire de manière sécuriser, de recevoir ou d’adresser des correspondances par voie postale etc. Dans ce cas, une sujétion supplémentaire pourrait bien exister. Les parties pourraient alors convenir expressément d’inclure cette indemnité de sujétion dans le salaire forfaitaire du collaborateur.

D. Les télétravailleurs ont droit aux avantages accordés aux salariés non-télétravailleurs placés dans une situation comparable

Comme tout salarié, les télétravailleurs ont droit à tous les avantages légaux ou conventionnels accordés aux salariés placés dans une situation comparable. La situation du télétravail au domicile pose toutefois plus particulièrement la question du remboursement des frais de déplacement entre le domicile et les locaux de l’entreprise et celle du bénéfice des titres-restaurant.

Sur les remboursements de frais de déplacement domicile-entreprise. La confusion du domicile et du lieu de travail dans le cadre du télétravail à domicile pose la question de la qualification des trajets effectués par le salarié, entre ce lieu et l’entreprise. Si le salarié se déplace de son domicile vers l’entreprise les jours « non-télétravaillés », se déplacement sera, à notre sens, indéniablement un trajet domicile-lieu de travail. En revanche, dans l’hypothèse où l’employeur demanderait au télétravailleur de se rendre dans ses locaux au cours d’une journée de télétravail, le trajet devra être considéré comme un déplacement professionnel.

Dans le cadre de leur trajet domicile-lieu de travail, les télétravailleurs ont droit, comme tout salarié, au remboursement de 50 % de leur frais de transport en commun, dans les conditions de droit commun [29]. La proratisation de ce remboursement, selon les principes applicables aux salariés à temps partiel [30], se pose pour les salariés exerçant plus de la moitié de leur temps de travail à leur domicile. Une telle proratisation apparaitrait légitime et conforme au principe d’égalité de traitement. Un salarié exécutant sa prestation exclusivement à domicile n’aurait alors droit à aucun remboursement, alors qu’un salarié ne télétravaillant qu’un ou deux jours par semaine en bénéficierait intégralement.

En application du principe d’égalité de traitement, les télétravailleurs ont également droit aux remboursements de leurs frais de transport domicile-lieu de travail prévus conventionnellement ou mis en place unilatéralement par l’employeur. Dans l’hypothèse d’un télétravail exercé à 100 % au domicile, le salarié n’aura toutefois pas à exposer de frais et, de fait, ne bénéficiera donc pas de ces mesures. Dans l’hypothèse d’un télétravail pendulaire, le coût des remboursements de trajets pourra être alourdi, pour l’employeur, les jours de travail sur site, mais une économie sera par ailleurs réalisée les jours télétravaillés.

Sur les titres-restaurant. Au cours de la crise de la covid-19, tant le Gouvernement que l’URSSAF ont affirmé, reprenant la position de la Commission nationale des titres-restaurant, que les télétravailleurs à domicile devaient continuer à bénéficier de cet avantage en application du principe d’égalité de traitement.

C’est toutefois oublier que les télétravailleurs à domicile ne sont pas tout à fait dans la même situation que les salariés présents dans les locaux de l’employeur, s’agissant des frais exposés pour leur repas. Lors des journées de télétravail au domicile, le salarié n’expose pas, en effet, de frais de repas supplémentaires par rapport à une journée de repos. En outre, si l’on déconnecte totalement le titre-restaurant de son objet initial, qui était d’indemniser les salariés d’une partie de leurs frais de repas pris à l’extérieur du domicile en raison des contraintes liées au travail, on voit mal alors pourquoi maintenir l’exclusion des salariés dont l’horaire de travail n’est pas entre-coupé d’une pause déjeuner.

En pratique, il convient de noter que, dans la mesure où l’attribution de titres-restaurant résulte d’une décision de l’employeur, il est possible d’introduire des critères d’attribution objectifs, ayant pour effet d’exclure les télétravailleurs à domicile, mais aussi tout autre salarié pouvant prendre son déjeuner à domicile.

III. Le terme du télétravail

La fin du télétravail peut avoir été prévue par les parties au contrat de travail, dans le cadre soit d’un avenant à durée déterminée, soit dans le cadre d’une clause de « retour » ou de « réversibilité ». L’objet de cette clause est de mettre fin au télétravail pour revenir à une exécution des fonctions sans télétravail. L’article 3 de l’ANI du 19 juillet 2005 prévoit expressément cette possibilité [31]. L’article L. 1222-9 du Code du travail (N° Lexbase : L0292LMR) prévoit également que l’accord collectif ou la charte encadrant le télétravail doit préciser « les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ». Cette clause est donc très souvent prévue dans les contrats. Rappelons qu’à défaut d’une telle clause, l’employeur ne peut jamais mettre fin unilatéralement au télétravail à domicile, celui-ci ayant été contractualisé [32].

Pour autant, la question de sa validité pourrait se poser, a fortiori lorsque le télétravail a été prévu dès l’embauche. La Cour de cassation n’a pas encore eu à se prononcer sur cette question, mais à l’instar des clauses de mobilité géographique ou de non-concurrence, il est possible qu’une telle clause ne soit jugée valable que pour autant qu’elle soit précisément définie, justifiée par les intérêts légitimes de l’employeur et proportionnée au but recherché.

La clause de « retour » devrait ainsi :

  • préciser sa justification au regard de l’organisation de l’entreprise et de l’emploi occupé par le salarié, et parallèlement, du droit pour le salarié à disposer librement de son domicile ;
  • fixer précisément le lieu, ou dans quel secteur géographique se trouve le bureau où se poursuivra l’exécution du contrat ;
  • prévoir les conditions de sa mise en œuvre et notamment le délai de prévenance applicable à l’employeur et au salarié.

Dès lors que sa mise en œuvre répond à un objectif légitime, l’application de la clause de réversibilité ne constitue pas alors une modification du contrat de travail, mais sa mise en œuvre, de sorte qu’elle s’impose à l’autre partie. L’employeur ne pourra pas s’opposer au retour du salarié dans ses locaux. De même, le salarié ne sera pas en situation d’opposer valablement un refus. Un tel refus pourrait ainsi entrainer une sanction disciplinaire, pouvant aller jusqu’au licenciement pour faute grave, sauf, pour le salarié, à démontrer une atteinte disproportionnée à sa vie personnelle et familiale.

L’employeur peut-il également appliquer la clause de réversibilité à la suite d’un comportement fautif du salarié (salarié injoignable, absence de réponse à des courriels, non-respect de la Charte informatique…) ? La Cour de cassation a déjà admis la mise en œuvre d’une clause de mobilité géographique à ce titre et les solutions posées pourraient, à notre sens, être transposées à la clause de « réversibilité ». Dans ce cas, le contrat de travail ne serait pas modifié et le retour dans l’entreprise pourrait être imposé au salarié sous réserve toutefois que la mise en œuvre de la clause ne résulte pas d’un abus. L’employeur pourra, dès lors, avoir à justifier de la réalité de la faute du salarié [33]. Si la mise en œuvre de la clause est, en tout état de cause, justifiée au regard des intérêts de l’entreprise, aucun abus ne sera caractérisé, la Cour de cassation ayant précisé, dans le cadre d’une clause de mobilité géographique, que dans ce cas, il importe peu que la décision de l’employeur procède d’un motif disciplinaire [34]. En tout état de cause, la mise en œuvre de la clause de réversibilité ne devra pas résulter d’un abus.

 

[1] Cass. soc., 3 mai 2018, n° 17-11.048, F-D (N° Lexbase : A4337XML) ; CA Versailles, 14 octobre 2015, n° 14/01865 (N° Lexbase : A2427NT3).

[2] CA Metz, 24 avril 2001, n° 96/3965.

[3] Cass. soc., 8 novembre 2017, n° 16-18.499, FS-P+B (N° Lexbase : A8332WYA).

[4] Cass. soc., 12 décembre 2012, n° 11-20.502, FS-P+B (N° Lexbase : A1167IZA) ; voir également Cass. soc., 14 avril 2016, n° 14-13.305, F-D (N° Lexbase : A6817RIC).

[5] Cass. soc., 21 janvier 2004, n° 02-12.712, publié (N° Lexbase : A8593DAI) ; Cass. soc., 15 mars 2006, n° 02-46.496, publié (N° Lexbase : A6000DNK) ; Cass. soc., 26 octobre 2011, n° 09-71.322, F-D (N° Lexbase : A0725HZU).

[6] Cass. soc., 23 mai 2013, n° 12-15.461

[7] Cass. soc., 29 octobre 2014, n° 13-21.192, F-D (N° Lexbase : A4974MZA) ; Cass. soc., 7 juillet 2016, n° 15-15.342, F-D (N° Lexbase : A0112RXG) ; Cass. soc., 16 novembre 2016, n° 15-23.375, F-D (N° Lexbase : A2386SI9).

[8] Cass. soc., 2 octobre 2001, n° 99-42.727, inédit (N° Lexbase : A6254AGQ).

[9] Cass. soc., 7 avril 2010, n° 08-44.865, FS-P+B (N° Lexbase : A5814EUU).

[10] Cass. soc., 12 décembre 2000, n° 98-44.580 (N° Lexbase : A1659AIB) ; Cass. soc., 13 février 2013, n° 11-22.360, F-D (N° Lexbase : A0415I8U).

[11] V. par exemple, Cass. soc., 13 avril 2005, n° 02-47.621, FS-P+B (N° Lexbase : A8645DHN).

[12] Cass. soc., 31 mai 2006, n° 04-43.592, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A7230DPH).

[13] Cass. soc., 12 janvier 1999, n° 96-40.755, publié (N° Lexbase : A4618AG7).

[14] Cass. soc., 12 juillet 2005, n° 04-13.342, FS-P+B (N° Lexbase : A9337DIN).

[15] Cass. soc., 28 février 2012, n° 10-18.308, FS-P+B (N° Lexbase : A8829IDD).

[16] Cass. soc., 23 septembre 2009, n° 08-40.434, FP-P+B (N° Lexbase : A3509ELK).

[17] C. trav., art. L. 1262-1 du Code du travail : « Un employeur établi hors de France peut détacher temporairement des salariés sur le territoire national, à condition qu'il existe un contrat de travail entre cet employeur et le salarié et que leur relation de travail subsiste pendant la période de détachement. Le détachement est réalisé :

1° Soit pour le compte de l'employeur et sous sa direction, dans le cadre d'un contrat conclu entre celui-ci et le destinataire de la prestation établi ou exerçant en France ;

2° Soit entre établissements d'une même entreprise ou entre entreprises d'un même groupe ;

3° Soit pour le compte de l'employeur sans qu'il existe un contrat entre celui-ci et un destinataire ».

[18] Règlement (CE) n° 883/2004 du 29 avril 2004, art. 12 : « La personne qui exerce une activité salariée dans un État membre pour le compte d’un employeur y exerçant normalement ses activités, et que cet employeur détache pour effectuer un travail pour son compte dans un autre État membre, demeure soumise à la législation du premier État membre, à condition que la durée prévisible de ce travail n’excède pas vingt-quatre mois et que cette personne ne soit pas envoyée en remplacement d’une autre personne détachée ». 

[19] Selon lequel l’employeur doit exercer dans l’Etat-membre « des activités substantielles autres que des activités de pure administration interne sur le territoire de l'État membre dans lequel il est établi ».

[20] Pendant la crise de la covid-19, des mesures exceptionnelles ont été prises pour les salariés transfrontaliers, devant télétravailler, afin de maintenir leurs droits. Ces mesures sont maintenues, pour le moins jusqu’au 31 décembre 2020.

[21] C. trav., art. L. 1222-4 (N° Lexbase : L0814H9Z).

[22] C. trav., art. L. 1222-3 (N° Lexbase : L0811H9W).

[23] Cass. soc., 9 janvier 2001, n° 98-44.833 (N° Lexbase : A2029AIY).

[24] Cass. soc., 15 juin 2005, n° 03-44.936, F-D (N° Lexbase : A7551DII) ; Cass. soc., 3 mai 2012, n° 10-24.316, F-D (N° Lexbase : A6566IKE).

[25] Cass. soc., 2 décembre 2015, n° 14-17.038, F-D (N° Lexbase : A6984NYC).

[26] Cass. civ. 2, 28 mai 2014, n° 13-18.212, F-P+B (N° Lexbase : A6264MPP).

[27] Cass. soc., 12 décembre 2012, n° 11-20.502, FS-P+B (N° Lexbase : A1167IZA) ; Cass. soc., 14 avril 2016, n° 14-13.305, F-D (N° Lexbase : A6817RIC) ; Cass. soc., 8 novembre 2017, n° 16-18.499, FS-P+B (N° Lexbase : A8332WYA) ; Cass. soc., 5 avril 2018, n° 16-26.526, F-D (N° Lexbase : A4467XKN).

[28] Cass. soc., 4 décembre 2013, n° 12-19.667, FS-P+B (N° Lexbase : A5541KQB).

[29] C. trav., art. L. 3261-2 (N° Lexbase : L2712ICG).

[30] C. trav., art. R. 3261-9 (N° Lexbase : L5239ICZ).

[31] ANI du 19 juillet 2005, art. 3 : « Si le télétravail ne fait pas partie des conditions d’embauche, l’employeur et le salarié peuvent, à l’initiative de l’un ou de l’autre, convenir par accord d’y mettre fin et d’organiser le retour du salarié dans les locaux de l’entreprise. Les modalités de cette réversibilité sont établies par accord individuel et/ou collectif. Si le télétravail fait partie des conditions d’embauche, le salarié peut ultérieurement postuler à tout emploi vacant, s’exerçant dans les locaux de l’entreprise et correspondant à sa qualification. Il bénéficie d’une priorité d’accès à ce poste ».

[32] Cass. soc., 12 février 2014, n° 12-23.051, FS-P+B (N° Lexbase : A3612MEI).

[33] V. s’agissant de la mise en œuvre de clauses de mobilité géographique à titre disciplinaire : Cass. soc., 11 juillet 2001, n° 99-41.574 (N° Lexbase : A5096AGT) ; Cass. soc., 15 janvier 2002, n° 99-45.979, publié (N° Lexbase : A8113AXR).

[34] Cass. soc., 5 décembre 2012, n° 11-21.365, F-D (N° Lexbase : A5678IYX).

newsid:475137

Télétravail

[Le point sur...] Télétravail et accidents du travail

Lecture: 19 min

N5118BY9

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/61212417-edition-n-842-du-05112020#article-475118
Copier

par Bruno Fieschi, Avocat associé, Flichy Grangé Avocats

Le 04 Novembre 2020

Promu par l’ANI du 19 juillet 2005 (N° Lexbase : L0119KIA) comme un moyen pour les entreprises de moderniser l’organisation du travail, et pour les salariés de concilier vie professionnelle et vie sociale tout en acquérant une plus grande autonomie dans l’accomplissement de leurs tâches, le recours au télétravail s’est imposé ; comme un simple aménagement du poste de travail pour permettre la continuité de l’activité de l’entreprise et garantir la protection des salariés [1], à l’époque du confinement, où chacun a été sommé de réduire le champ de ses relations sociales pour faire face à la pandémie de la maladie Covid-19. La mise en œuvre du télétravail dans ce cadre ne nécessite aucun formalisme particulier et relève de l’application des principes généraux de prévention qui imposent à l’employeur de mettre en place une organisation adaptée aux risques. En l’état du protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise dans sa dernière version actualisée [2], le télétravail doit être la règle pour l’ensemble des activités qui le permettent. Dans ce cadre, le temps de travail effectué en télétravail est porté à 100 % pour les salariés qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance. Pour autant, l’ironie de l’histoire ne doit pas occulter que le télétravail désigne avant tout une forme spécifique d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication [3].

Indépendamment de l’attrait et des avantages que le télétravail peut générer auprès des entreprises et de leurs collaborateurs, il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’une organisation du travail à part entière, et du point de vue des risques professionnels, la spécificité de la situation professionnelle du télétravailleur tient à l’emploi habituel des technologies de l’information et de la communication, susceptibles d’induire des risques physiques et psychologiques spécifiques : les risques technosociaux (RTS).

Jusqu’alors, il n’apparait pas que le télétravail a pu générer un contentieux spécifique de déclarations d’accident du travail, ou même de déclarations de maladies professionnelles. Plusieurs raisons pourraient l’expliquer : une absence significative de sinistres, des déclarations de sinistres non contestées ou non contestables. À l’aune de la doctrine administrative, et plus particulièrement, de la circulaire de la CNAMTS [4] relative aux procédures de prise en charge des accidents du travail, on pourrait même s’interroger sur « la réalité du télétravail », puisque ni la situation spécifique du télétravailleur, ni la présomption d’accident du travail dont le télétravailleur bénéficie en application du dernier alinéa de l’article L. 1222-9 du Code du travail (N° Lexbase : L0292LMR) [5] n’y sont évoquées.

Pour autant, la situation professionnelle du télétravailleur n’apparait pas sans risque, comme l’INRS a pu récemment le rappeler à l’occasion d’une brochure au titre sans équivoque : « le télétravail. Quels risques ? Quelles pistes de prévention ? » [6], le questionnement n’étant en fait qu’un prétexte pour exposer des risques physiques et psychologiques auxquels le télétravailleur peut être soumis, « avec pour objectif d’attirer l’attention des entreprises sur la nécessité d’accompagner la mise en place et la pratique du télétravail pour que celui-ci profite à la fois à l’entreprise et aux salariés, tant au niveau productif qu’au niveau de la prévention des risques d’atteinte à la santé ».

I. Sous quelles conditions l’accident du travail du télétravailleur pourrait-il être pris en charge ?

En situation de télétravail, le collaborateur n’en demeure pas moins un salarié à part entière, qui a les mêmes droits que le salarié qui exécute son travail dans l’entreprise, indépendamment des droits spécifiques qui lui sont reconnus du fait de sa situation professionnelle particulière. En cela, le télétravailleur bénéficie bien d’une couverture d’assurance pour le risque accident du travail. Néanmoins, s’agissant de l’accident du travail du télétravailleur, il est apparu nécessaire d’édicter un texte particulier pour préciser les conditions dans lesquelles un télétravailleur peut se prévaloir de la présomption d’imputabilité au travail du fait accidentel subi.

Il convient de rappeler que le Code de la Sécurité sociale définit l’accident du travail en son article L. 411-1 (N° Lexbase : L5211ADD) [7], et prévoit au bénéfice des salariés une présomption d’imputabilité du fait accidentel survenu au temps et au lieu du travail par le fait ou à l’occasion du travail. Le jeu de cette présomption cesse dès lors que le salarié n’est plus sous la subordination de son employeur, sauf s’il est établi que l’accident est survenu par le fait du travail [8].

Un mécanisme similaire a été édicté au bénéfice des télétravailleurs par l’article 21 de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, codifié au dernier alinéa de l’article L. 1222-9 du Code du travail qui dispose que « L'accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident du travail au sens de l'article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale ». Il s’agit d’une présomption simple qui repose sur un critère spatial et un critère temporel, exigeant que le télétravailleur établisse les circonstances de lieu et de temps de son accident, ce qui est cohérent puisqu’il exerce son activité en dehors des locaux de l’entreprise.

S’agissant du critère spatial du lieu où est exercé un télétravail régulier, il convient de préciser que tant l’ANI du 19 juillet 2005 que le dispositif légal prévu aux articles L. 1222-9 à L. 1222-11 du Code du travail n’imposent pas d’indiquer le lieu d’exercice du télétravail. Néanmoins, l’employeur a très certainement un double intérêt à obtenir de son salarié une déclaration de son lieu de télétravail pour limiter, d’une part, l’extension du périmètre de l’obligation de sécurité à laquelle il est tenu vis-à-vis de son collaborateur en dehors des locaux de l’entreprise, et d’autre part, le champ d’application de la présomption d’imputabilité au travail dont le télétravailleur pourrait se prévaloir en cas d’accident. À défaut de déclaration de ce lieu par le collaborateur, tout lieu permettant l’utilisation des technologies de l’information et de la communication peut devenir potentiellement un lieu où s’exerce le télétravail.

S’agissant du critère temporel exigeant la survenue d’un accident « pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur », il doit être précisé que la version finale de l’article 21 de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 diffère du projet d’ordonnance. En effet, ce dernier faisait prévaloir la présomption d’imputabilité au travail, dès lors que l’accident était survenu « pendant les plages horaires du travail ». Force est de constater que le texte définitif dudit article est de nature à limiter le mécanisme de la présomption d’imputabilité au travail : aux situations où l’accident est survenu pendant l’accomplissement des tâches professionnelles [9]. Si cette analyse devait prévaloir, elle serait alors de nature à susciter un débat sur la nature de la tâche accomplie, en distinguant celle relevant de la vie personnelle de celle relevant la vie professionnelle, alors que la Chambre sociale de la Cour de cassation a décidé de mettre fin à cette distinction pour les accidents en mission [10]. Néanmoins, la situation particulière du télétravailleur pourrait justifier une telle distinction puisqu’il n’est plus contraint d’exercer son activité dans un environnement professionnel imposé par l’employeur. Il est soustrait à la surveillance directe de son employeur, et le télétravail lui accorde une plus grande autonomie dans l’accomplissement de ses tâches professionnelles, et plus généralement, une gestion plus souple de son temps pour faciliter la conciliation des temps professionnels et personnels.

Ces deux critères cumulatifs réunis, le télétravailleur devra encore faire preuve de la matérialité du fait accidentel en lui-même. Travailleur isolé dans la plupart des cas, le télétravailleur risque de se retrouver dans la situation d’une victime sans témoin. La matérialité du fait accidentel ne pouvant pas être établie par les seules déclarations de la victime [11], le télétravailleur devra l’établir par la réunion d’un faisceau d’indices graves, précis, et concordants [12]. La caisse primaire d’assurance maladie devra alors apprécier s’il existe une cohérence entre les circonstances alléguées de l’accident, la tâche professionnelle accomplie à cette occasion, l’horaire du fait accidentel en tenant compte des horaires fixées ou des plages horaires définies durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié, la lésion en elle-même, la prise en charge par les secours d’urgence, le délai de constatation de la lésion et le délai de déclaration de l’accident par le salarié à l’employeur ou à l’un de ses préposés [13], pour pouvoir retenir l’existence de présomptions graves, précises et concordantes. En cas de doute, la caisse primaire d’assurance maladie serait en droit d’opposer un refus de prise en charge, comme par exemple lorsque les circonstances de l’accident demeurent incertaines ou insuffisamment caractérisées et que l’assuré n’invoque pas une lésion caractéristique d’un accident du travail [14].

II. Comment appréhender une demande de déclaration d’accident par un télétravailleur ?

Informé de la survenue d’un accident subi par un collaborateur télétravailleur, l’employeur ne doit pas se départir de sa pratique habituelle consistant à satisfaire à son obligation légale, de déclarer l’accident du travail dans un délai de 48 heures [15] à compter du jour où il a eu connaissance de l’accident

Il peut certes avoir des doutes en l’état des premiers renseignements glanés auprès de son collaborateur sur les circonstances de l’accident ; pour lui permettre de renseigner la déclaration d’accident du travail. Mais, pour autant, il n’a pas à se substituer à la caisse primaire d’assurance maladie dans l’appréciation de la matérialité d’un fait accidentel, sauf d’une part, à s’exposer aux sanctions prévues en cas d’absence ou une déclaration tardive d’accident du travail [16], d’autre part, à voir le salarié palier sa carence en déclarant lui-même l’accident du travail.

Bien évidemment, l’employeur aura intérêt à assortir ou à compléter la déclaration d’accident du travail par des réserves motivées portant sur les circonstances de temps ou de lieu de l’accident, ou l’existence d’un état pathologique préexistant. Depuis l’entrée en vigueur au 1er décembre 2019 des dispositions de l’article R. 441-6 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0570LQ8), l’employeur dispose d’un délai de 10 jours francs à compter de la déclaration de l’accident du travail pour émettre des réserves motivées auprès de la caisse primaire d’assurance maladie [17].

Dans un tel cas, l’expression de ces réserves sera d’autant plus légitime que l’employeur n’a qu’une connaissance partielle de l’environnement dans lequel l’accident est survenu, et le fait même que cet accident soit intervenu en dehors de ses locaux l’empêche d’apprécier ab initio si l’accident est survenu à l’occasion du travail, et, plus encore, d’apprécier la cohérence entre les déclarations du salarié relatives aux circonstances de l’accident et l’environnement professionnel direct et habituel de ce dernier. Ces réserves motivées empêcheront la caisse primaire d’assurance maladie de faire prévaloir une prise en charge d’emblée et la conduiront à initier une mesure d’investigation, au minimum sous la forme d’un envoi de questionnaire à l’assuré et à l’employeur. Ainsi, l’employeur aura la prudence de préciser qu’il déclare l’accident sur la base des déclarations du salarié, tout en utilisant le conditionnel pour relater les circonstances de celui-ci. Si le salarié portait tardivement à la connaissance de l’employeur l’accident, soit au-delà du délai de 24 heures, ce point mériterait également d’être souligné. Certes, ce dépassement pourrait s’expliquer par le fait que le salarié accidenté se trouve dans la situation d’un travailleur isolé, mais un signalement tardif de l’accident devrait nécessairement rendre plus délicat la réunion d’un faisceau d’indices graves et concordants permettant de faire prévaloir la présomption d’imputabilité au travail. Plus généralement, l’employeur devrait pouvoir formuler des réserves motivées en indiquant qu’aucun témoin n’a pu constater la scène accidentelle, et en mettant en avant qu’il n’a aucun moyen pour déterminer si l’accident déclaré par le salarié a pu se produire pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravail.

Enfin, outre le débat classique sur la matérialité du fait accidentel ou sur l’existence d’une cause étrangère au travail, l’accident du télétravailleur devrait également susciter un débat sur la preuve de la tâche accomplie au moment de l’accident, et plus encore sur l’accomplissement d’une tâche correspondant à l’exécution du travail. Si la caisse primaire d’assurance maladie passait outre en accordant une prise en charge, l’employeur pourrait s’interroger sur l’opportunité de contester le bien-fondé de la décision adoptée.

III. Quelles potentielles responsabilités pour l'employeur ?

En cas d’accident du travail reconnu comme tel par la CPAM, le salarié victime bénéficie automatiquement des prestations forfaitaires en nature et en espèce du régime d’assurance des accidents du travail et des maladies professionnelles. S’il ne peut exercer une action en responsabilité contre son employeur sur le fondement du droit commun pour obtenir une réparation intégrale de ses préjudices [18], il peut, néanmoins, exercer l’action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur pour obtenir une réparation complémentaire [19] élargie. Cette action exige que le salarié rapporte la preuve de la faute inexcusable de l’employeur, ce qui suppose qu’il démontre que celui-ci avait conscience ou qu’il aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu’il n’a pas pris les mesures nécessaires pour préserver le salarié de ce danger. Si la faute inexcusable de l’employeur est reconnue, le salarié peut prétendre bénéficier d’une majoration de la rente de sécurité sociale et de la réparation des préjudices énoncés à l’article L. 452-3 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5302ADQ) (souffrances physiques et morales, préjudice esthétique, préjudice d’agrément, perte d’une chance de promotion professionnelle), ainsi que celle des préjudices non couverts par le Livre IV du Code de la Sécurité sociale [20].

De plus, l’employeur pourrait être tenu de devoir réparer intégralement en droit commun le dommage corporel ou matériel occasionné aux tiers (les proches du salarié, les colocataires, les copropriétaires) ayant pour origine un équipement qu’il aurait mis à disposition de son collaborateur. En cas de sinistre important (ex : incendie d’origine électrique [21]), sa responsabilité pourrait être encore engagée par les assureurs des tiers ayant couverts ces dommages. Cette hypothèse ne peut pas être écartée dès lors que l’employeur ne contrôle plus l’environnement professionnel immédiat de son collaborateur en télétravail… Il devra donc veiller à s’en prémunir.

IV. Les parades à envisager ?

Indépendamment du contexte de la pandémie de la maladie Covid-19, le télétravail est avant tout un outil de l’articulation entre la vie personnelle et de la vie professionnelle du salarié, qui concourt probablement à une amélioration des conditions de travail, notamment par le simple fait de supprimer les temps de transport journaliers. Néanmoins, il convient également d’ajouter que les dispositions supplétives de l’article L. 2242-17 du Code du travail (N° Lexbase : L3212LUI) rappellent aux partenaires sociaux (s’il y a lieu) de négocier annuellement sur les modalités de plein exercice par le salarié de son droit à la déconnexion et la mise en place par l’entreprise de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques, en vue d’assurer le respect des temps de repos et de congé ainsi que de la vie personnelle et familiale. À défaut d’accord collectif, l’employeur doit élaborer une charte, après avis du comité social et économique, qui définit les modalités de l’exercice du droit à la déconnexion et prévoit, en outre, la mise en œuvre, à destination des salariés et du personnel d’encadrement et de direction, d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques.

Autrement dit, si la mise en place d’une organisation en télétravail peut s’inscrire dans un cadre plus général de promotion de la qualité de vie au travail, elle a vocation à être conçue comme une organisation adaptée et sans excès. Ainsi, le télétravail pourra être mis en place dans le cadre d’un accord collectif prévoyant les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail. À défaut d’un tel accord, les dispositions de l’article L. 1222-9 du Code du travail rappellent la faculté de le mettre en place dans le cadre d’une charte élaborée par l’employeur après avis du comité social et économique s’il existe. Enfin, à défaut d’un accord collectif ou d’une charte, un simple accord formalisé par tout moyen entre l’employeur et le salarié peut suffire pour recourir au télétravail.

Qu’il s’agisse d’un projet important modifiant les conditions de travail nécessitant de respecter une procédure préalable d’information consultation du comité social et économique en application des dispositions de l’article L. 2312-8 du Code du travail (N° Lexbase : L8460LGG) ou qu’il s’agisse d’un passage en télétravail à titre individuel à l’initiative du collaborateur formalisé par tout moyen, la mise en place du télétravail exige de l’employeur qu’il soit particulièrement vigilant sur :

  • le lieu d’exercice du télétravail, son aménagement et son environnement ;
  • les équipements de travail mis à disposition ;
  • la réglementation du travail sur écran ;
  • la sécurité des installations électriques ;
  • les modalités d’accès et de contrôle au lieu du télétravail ;
  • la durée du travail et le droit au repos ;
  • la charge de travail et son suivi ;
  • l’information et la formation des télétravailleurs et de leur encadrement ;
  • la relation managériale dans le cadre d’un travail à distance avec des outils numériques d’information et de communication ;
  • le maintien d’un collectif de travail afin d’éviter l’isolement du collaborateur.

À la suite de l’évaluation des risques, une actualisation du document unique d’évaluation des risques professionnels devrait probablement être envisagée en y associant la représentation du personnel, et un suivi du passage en télétravail devra être assuré. En effet, si le télétravailleur se trouve dans une situation professionnelle particulière, l’employeur reste tenu à son égard d’une obligation de sécurité, et à ce titre, il doit pouvoir justifier du plein accomplissement de son obligation de prévention des risques en application des articles L. 4121-1 (N° Lexbase : L8043LGY) et suivants du Code du travail. L’article 8 de l’ANI du 19 juillet 2005 ne manquait pas de le rappeler explicitement.

Enfin, eu égard à la spécificité du télétravail consistant à exercer une activité professionnelle en dehors les locaux de l’entreprise, l’employeur vérifiera que les assurances souscrites au titre de sa responsabilité civile d’exploitation sont adaptées au télétravail, au regard des risques et dommages couverts (corporels et matériels) subis par ses salariés et les tiers du fait du matériel professionnel mis à disposition, les modalités d’assurance (franchise, plafond), les conditions d’exclusion ou de restrictions d’assurance, en vérifiant plus particulièrement si le dommage survenu en dehors des locaux de l’entreprise et même hors domicile du télétravailleur est couvert ou non. S’agissant du matériel informatique mis à disposition, il vérifiera s’il bénéficie d’une assurance en cas de vol, perte, dégradation, destruction, en cas d’incendie, dégâts des eaux…. Enfin, le salarié déclarera également à son assureur habitation le fait qu'il télétravaille depuis son domicile ou dans une autre résidence. L’employeur peut exiger de son collaborateur la remise d’une attestation multirisque habitation.

 

[1] C. trav., art. L. 1222-11 (N° Lexbase : L8103LG9).

[3] C. trav., art. L. 1222-9 du Code du travail (N° Lexbase : L0292LMR).

[4] Circulaire n° 14/2018 du 12 juillet 2018, Actualisation des modalités d’instructions de la reconnaissance des accidents du travail (N° Lexbase : L9636LLH).

[5] Ord. n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 (N° Lexbase : L7629LGN), art. 21.

[6] Brochure ED 6384, avril 2020.

[7] « Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».

[8] Cass. civ. 2, 22 février 2007, n° 05-13.771, FP-P+B+R+I (N° Lexbase : A2849DU3).

[9] S. Mraouahi, Le télétravail, c’est la santé… ?, Cahiers sociaux, juin 2018, n° 308, page 321.

[10] Cass. soc., 19 juillet 2001, n° 99-21.536 (N° Lexbase : A2489AUQ) et n° 99-20.603 (N° Lexbase : A2490AUR).

[11] Cass. soc., 26 mai 1994, n° 92-10.106 (N° Lexbase : A0937ABC) ; Cass. civ. 1, 12 juillet 2011, n° 09-16.188, F-D (N° Lexbase : A0393HWH).

[12] Cass. civ. 2, 21 février 2008, n° 06-21.058, F-D (N° Lexbase : A0528D7P).

[13]  Selon les articles L. 441-1 et R. 441-2 (N° Lexbase : L0581LQL) du Code de la Sécurité sociale, la victime d’un accident du travail doit en informer ou faire informer l’employeur ou l’un de ses préposés dans la journée où l’accident s’est produit ou, au plus tard, dans le délai de 24 heures.

[14] Cass. civ. 2, 15 mars 2012, n° 10-27.320, F-P+B (N° Lexbase : A8784IE3).

[15] CSS, art. R. 441-3 (N° Lexbase : L0580LQK).

[16] L’employeur qui ne déclare pas un accident du travail est passible d’une amende prévue pour les contraventions de 4ème classe en application de l’article R. 471-3 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L7338AD7), et selon l’article L. 471-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L0610LCL), la CPAM peut poursuivre auprès des employeurs le remboursement de la totalité des dépenses faites à l’occasion de l’accident.

[17] La circulaire n° 28/2019 (N° Lexbase : L8479LRH) indique qu’il doit être pris en considération la date de la déclaration d’accident du travail et non la date d’envoi de la déclaration d’accident du travail.

[18] CSS, art. L. 451-1 (N° Lexbase : L4467ADS).

[19] CSS, art. L. 452-1 (N° Lexbase : L5300ADN).

[20] Liste non exhaustive : déficit fonctionnel temporaire, assistance tierce personne avant consolidation, préjudice sexuel, frais d’aménagement d’un domicile ou d’adaptation d’un véhicule, préjudice d’établissement, préjudice permanent exceptionnel.

[21] L’Observatoire national de la sécurité électrique en France dénombre en 2018, 200 000 incendies d’habitation chaque année dont 50 000 sont de source électrique, 40 électrocutions annuelles, 3 000 électrisations annuelles et 400 000 dommages électriques.

newsid:475118

Télétravail

[Le point sur...] Comment prévenir les risques psychosociaux en télétravail ?

Lecture: 22 min

N5123BYE

Citer l'article

Créer un lien vers ce contenu

Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/revue-juridique/61212417-edition-n-842-du-05112020#article-475123
Copier

par Corinne Potier, Avocat associé et Olivier Mambré, Avocat counsel, Flichy Grangé Avocats

Le 04 Novembre 2020

De confinement en reconfinement, le recours massif au télétravail constituera certainement l’un des phénomènes marquant de l’année 2020.

Ainsi, de mars à mai 2020, le télétravail est devenu la norme pour environ un tiers des salariés français, alors qu’ils n’étaient que 3 % en 2017 à le pratiquer au moins un jour par semaine [1].

Si le nombre de salariés en télétravail a baissé entre juin et septembre 2020, le confinement en vigueur depuis le 30 octobre devrait marquer le retour du télétravail généralisé pour les salariés pouvant effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance.

Dans le contexte de l’épidémie de Covid-19, le ministère du Travail a établi un protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise.

Ce document constitue, selon le Conseil d’État, « un ensemble de recommandations pour la déclinaison matérielle de l’obligation de sécurité de l’employeur dans le cadre de l’épidémie de Covid-19 en rappelant les obligations qui existent en vertu du Code du travail [2] ».

Dans sa version actualisée au 29 octobre 2020, il est précisé que « dans les circonstances exceptionnelles, liées à la menace de l’épidémie, il [le télétravail] doit être la règle pour l’ensemble des activités qui le permettent. Dans ce cadre, le temps de travail effectué en télétravail est porté à 100 % pour les salariés qui peuvent effectuer l’ensemble de leurs tâches à distance ».

La crise sanitaire et le développement des technologies de l’information et de la communication devraient accélérer de façon durable l’essor du télétravail, ainsi qu’en atteste le nombre croissant de signatures d’accords d’entreprise encadrant cette pratique. Ainsi, 1474 accords d’entreprises sur le télétravail ont été signés depuis le début de l’année.

Les organisations patronales et syndicales ont prévu d’ouvrir une négociation sur ce thème.

À ce jour, le télétravail est encadré par un ANI de 2005 (N° Lexbase : L0119KIA) et les dispositions L. 1222-9 (N° Lexbase : L0292LMR) à L. 1222-11 du Code du travail créées par la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 (N° Lexbase : L5099ISN) et modifiées par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 (N° Lexbase : L7629LGN).

Aux termes de l’article L. 1222-9 du Code du travail, « le télétravail désigne toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux, de façon volontaire, en utilisant les technologies de l’information et de la communication ».

Ainsi, le télétravail ne constitue ni un statut juridique, ni un régime dérogatoire mais « une forme d’organisation du travail » qui recouvre des situations très différentes selon la taille de l’entreprise, la nature et le secteur d’activité, mais également le contexte de mise en œuvre du télétravail (normal dans des circonstances exceptionnelles comme celles que nous connaissons) et les formes de celui-ci (occasionnel ou régulier, total ou partiel, à domicile ou dans un dans un tiers lieu).

Actuellement mis œuvre par de nombreuses entreprises pour permettre la continuité de l’activité et garantir la protection des travailleurs face à l’épidémie de Covid-19, ce mode d’organisation du travail était à l’origine envisagé comme un facteur d’amélioration de la qualité de vie au travail. Ainsi, dans son préambule, l’ANI du 19 juillet 2005 introduit le télétravail comme « le moyen pour les salariés de concilier vie professionnelle et vie sociale et de leur donner une plus grande autonomie dans l’accomplissement de leurs tâches ». De nombreuses entreprises ont intégré le télétravail dans leurs accords sur la Qualité de Vie au Travail. Les avantages du télétravail sont connus : suppression des temps de transport, meilleure conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle. Il favorise également l’autonomie du salarié et permet plus de flexibilité.

Paradoxalement, il a été constaté que le télétravail, en ce qu’il éloigne le salarié de son lieu de travail et de la collectivité des travailleurs, peut être à l’origine de risques psychosociaux. Cette notion, qui n’est pas définie juridiquement, désigne « les risques pour la santé mentale, physique et sociale engendrés par les conditions d’emploi et les facteurs organisationnels et relationnels susceptibles d’interagir avec le fonctionnement mental » [3]. Elle recouvre principalement le stress, ainsi que les violences internes (conflits, harcèlement moral ou sexuel…) et externes (insultes, menaces, agressions, incivilités) rencontrées par les travailleurs. Les risques psychosociaux comportent une dimension éminemment subjective, qui rend difficile leur appréhension.

Ces risques peuvent entraîner des pathologies, telles que des dépressions, des maladies psychosomatiques, des problèmes de sommeil, mais aussi favoriser des TMS, les maladies cardio-vasculaires.

Pour les entreprises, les risques psychosociaux ont également des répercussions organisationnelles et économiques (absentéisme, turn-over, augmentation des accidents du travail, dégradation du climat social, …).

Selon un sondage publié le 28 mai 2020, si les salariés et télétravailleurs français pensent que le télétravail va se développer (88 %), qu’il est positif pour l’environnement (86 %) et qu’il est efficace (58 %). En revanche, 68 % des sondés redoutent ses effets psychologiques (68 %) et 61 % ses effets sur la vie personnelle (61 %) [4].

Selon un autre sondage réalisé en septembre 2020, 60 % des personnes sondées estiment que le travail à distance « crée un stress supplémentaire lié au manque d'interaction, au sentiment de solitude, ou à l'afflux d'e-mails et de réunions virtuelles » et 67 % voient un risque « de ne jamais déconnecter » [5].

Ces risques spécifiques générés par le télétravail doivent être pris en compte par l’employeur dans le cadre de ses obligations générales de prévention, et plus encore lorsque le télétravail est imposé par des circonstances exceptionnelles telles que la crise sanitaire actuelle (I.).

Rappelons que l’employeur est responsable de la santé mentale de ses salariés, qu’ils travaillent sur site ou à distance. Le recours au télétravail n’est pas synonyme pour l’employeur d’externalisation du risque. Or, le fait que le salarié effectue sa prestation de travail hors les murs de l’entreprise rend l’évaluation et la prévention des risques plus délicates.

L’employeur doit donc procéder à une évaluation des risques pertinente, qui lui permettra d’identifier les facteurs d’émergence des RPS en situation de télétravail (II.) et de mettre en place des mesures de préventions adéquates, en s’inspirant des bonnes pratiques en la matière (III.).

I. Les obligations de prévention des RPS en situation de télétravail

1.1 L’employeur est tenu aux mêmes obligations de droit commun vis-à-vis du salarié en télétravail que des salariés travaillant dans les locaux de l’entreprise (C. trav., art. L. 1222-10 N° Lexbase : L8105LGB).

Les dispositions légales et conventionnelles relatives à la santé et à la sécurité des travailleurs sont applicables aux télétravailleurs. L’employeur doit veiller à leur strict respect (ANI du 19 juillet 2005 relatif au télétravail, art. 8).

À ce titre, le salarié en télétravail bénéficie des mêmes formations à la sécurité et fait l’objet d’un suivi par le service de santé au travail dans les mêmes conditions que les autres salariés.

Enfin, le télétravailleur est couvert par la législation sur les risques professionnels. À ce titre, les atteintes psychiques du télétravailleur sont susceptibles d’être pris en charge en tant qu’accident du travail ou maladie professionnelle, dans le cadre du système complémentaire (CSS, art. L. 461-1, al. 9 N° Lexbase : L8868LHW).

À cet égard, l’article L. 1222-9 du Code du travail, modifié par l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, prévoit que « l’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l'exercice de l'activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens de l'article L. 411-1 du Code de la Sécurité sociale (N° Lexbase : L5211ADD) ».

Ces dispositions soulèvent des difficultés d’ordre pratique, s’agissant notamment de la preuve de la matérialité du fait accidentel par le salarié d’une part, et d’autre part de son rattachement à « l’exercice de l’activité professionnelle », alors que la frontière entre la vie privée et l’exercice de l’activité professionnelle a tendance à s’estomper en télétravail, particulièrement pour les salariés non soumis à un horaire de travail.

Le critère de l’autorité de l’employeur devient lui-même plus difficile à appréhender en situation de télétravail.

Or, les enjeux financiers pour les employeurs sont importants en cas de reconnaissance du caractère professionnel d’une maladie ou d’un accident, compte tenu notamment des modalités de tarification des accidents du travail pour les entreprises de plus de 20 salariés.

1.2 L’évaluation des risques est au cœur de la démarche de prévention des risques (C. trav., art. L. 4121-2 N° Lexbase : L6801K9R). L’identification, l’analyse et le classement des risques permettent de définir les mesures de prévention adéquates, couvrant les dimensions techniques, humaines et organisationnelles.

Dans le cadre de la démarche d’évaluation des risques, l’employeur doit évaluer et prévenir les risques psychosociaux au même titre que les autres risques professionnels pour l’ensemble des salariés en y associant les instances représentatives du personnel ainsi que le service de santé au travail et les salariés eux-mêmes, dans la mesure du possible.

À la différence des risques physiques, les risques psychosociaux sont potentiellement présents dans tous les contextes de travail.

Leur évaluation nécessite l’identification des facteurs de risque de stress, de violences externes et de violences internes par unité de travail de l’entreprise. Il convient d’apprécier le niveau de risque auquel les salariés sont soumis au regard de situations de travail réelles, sur la base de critères préalablement définis.

S’agissant plus particulièrement de l’évaluation des risques psychosociaux en situation de télétravail, il devra être distingué selon le contexte de recours au télétravail (planifié ou imposé dans des circonstances exceptionnelles), de ses modalités de mise en œuvre (fréquence, nombre de jours télé-travaillés, lieu d’exercice) et des salariés concernés.

À cet égard, il est certain que le recours au télétravail total nécessite une vigilance accrue, les risques étant susceptibles d’être majorés dans une telle situation.

Les résultats de l’évaluation des risques sont retranscrits dans le document unique d’évaluation des risques (DUER) (C. trav., art. R. 4121-1 N° Lexbase : L9062IPC).

La mise en œuvre du télétravail constitue un aménagement important modifiant les conditions de travail qui rend nécessaire la mise à jour du DUER en application de l’article R. 4121-2 du Code du travail (N° Lexbase : L9061IPB).

Les ordonnances de référé rendues dans le cadre de la reprise et de la poursuite de l’activité dans le contexte de la Covid-19 ont rappelé la nécessité pour l’employeur d’évaluer les risques psychosociaux en cas de modification substantielle des conditions de travail.

Ainsi, par ordonnance du 9 avril 2020, le tribunal judiciaire de Paris (TJ Paris, Référé, 9 avril 2020, n° 20/52223 N° Lexbase : A32273L4) a ordonné à La Poste de mettre à jour son document unique d’évaluation des risques en intégrant notamment les « risques psychosociaux résultant de l’épidémie ».

Par ordonnance du 14 avril 2020 (TJ Nanterre, Référé, 14 avril 2020, n° 20/00503 N° Lexbase : A79303KW), confirmée par la cour d’appel de Versailles (CA Versailles, 24 avril 2020, n° 20/01993 N° Lexbase : A99883K7), le tribunal judiciaire de Nanterre a ordonné à Amazon de procéder, en y associant les représentants du personnel, à l’évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de Covid-19 sur l’ensemble de ses entrepôts.

Dans sa décision, le tribunal a indiqué « qu’il est particulièrement nécessaire que cette évaluation rende compte des effets sur la santé mentale induits notamment par les changements organisationnels incessants (modification des plages de travail et de pause, télétravail, …), les nouvelles contraintes de travail, la surveillance soutenue mise en place quant au respect des règles de distanciation et les inquiétudes légitimes des salariés par rapport au risque de contamination à tous les niveaux de l’entreprise. »

Si le télétravail n’a pas été identifié par les juges comme source de RPS en tant que tel, il est cité parmi « les changements organisationnels incessants susceptibles d’avoir des conséquences sur la santé mentale des salariés ».

Il pourrait être objecté que ces décisions ont été rendues dans un contexte anxiogène et source de multiples inquiétudes pour les salariés (peur d’être contaminé, peur pour ses proches, peur de perdre son emploi…) et que le recours contraint au « télétravail de crise » n’est pas comparable au télétravail mis en œuvre de façon volontaire et dans des conditions normales.

Il n’en demeure pas moins que le télétravail, même mis en œuvre dans des conditions normales, en ce qu’il constitue une modification importante des conditions de travail, est susceptible d’avoir un impact sur la santé mentale des salariés qui doit être pris en compte dans l’évaluation des risques, à l’instar de ce qui est attendu en matière de restructurations (notamment : CAA Versailles, 22 octobre 2014, n° 14VE02408 N° Lexbase : A1158M7Z).

1.3 En application de l’article L. 4121-1 du Code du travail (N° Lexbase : L8043LGY), l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Dans le cadre de la prévention des risques psychosociaux, l’employeur doit définir avec les acteurs de la prévention des mesures concrètes pour éviter notamment l'isolement du télétravailleur et le risque de sur-connexion (suivi de son travail, aide à l'organisation, obligation de participer aux réunions dans l'entreprise, accès aux informations diffusées par l'entreprise, mise en place d'entretiens périodiques avec son manager, son chef de service, etc.…)

II. Les facteurs d’émergence des RPS en situation de télétravail

Sans que cela ne dispense l’employeur de la mise en œuvre d’une évaluation des risques pertinente, qui seule, permet d’évaluer le risque au regard de la diversité des situations rencontrées et de déterminer les mesures de prévention adéquates, les principaux facteurs d’émergence des RPS en situation de télétravail concernent l’environnement de travail (2.1), les relations de travail à distance (2.2), la gestion du temps et de la charge de travail (2.3).

2.1 L’environnement de travail

Le télétravail s’effectue le plus souvent au domicile personnel du salarié ce qui peut être source de tensions. En effet, selon la configuration du logement et l’entourage familial, le télétravailleur aura plus ou moins de faciliter à séparer la sphère privée de la sphère professionnelle (présence d’autres membres de la famille…).

En l’absence notamment d’espace dédié à l’activité professionnelle, le domicile ne permet pas toujours des conditions de travail satisfaisantes.

En outre, la modification de l’environnement de travail entraîne une séparation avec le collectif de travail, qui peut être à l’origine d’un sentiment d’isolement. Cet isolement est susceptible d’être un facteur de stress, le salarié n’ayant, en cas de difficulté, pas d’interlocuteur accessible directement et immédiatement.

Cet isolement peut également être renforcé par la dépendance aux nouvelles technologies qu’implique le télétravail en cas de dysfonctionnement (problème de connexion, lenteurs, etc…) ou par un manque de maîtrise par le salarié des outils informatiques.

En outre, l’éloignement rend plus difficile le repérage des situations d’addiction ou de souffrance au travail.

2.2 Les relations de travail à distance

Le télétravail réduit les sollicitations et les interruptions professionnelles de toute nature. En cela, il favorise la concentration et l’autonomie. À l’inverse, en diminuant le nombre d’interactions, le télétravail peut nuire à la communication, au processus d’apprentissage des compétences et à la créativité. En outre, le risque de perte de motivation existe.

Par ailleurs, le télétravail nécessite une plus grande autonomie qui peut se révéler source d’angoisse selon les individus.

Enfin, le télétravailleur peut avoir le sentiment de ne plus bénéficier des mêmes informations et des mêmes droits que les salariés restant au bureau et souffrir d’un manque de visibilité vis-à-vis de ses collègues et de sa hiérarchie.

À l’inverse, les salariés qui ne sont pas éligibles au télétravail pourraient se sentir lésés et nourrir, à ce titre, du ressentiment.

2.3 La gestion du temps et de la charge de travail

L’autonomie et la flexibilité dans la gestion du temps et de la charge de travail peuvent s’avérer être des facteurs d’émergence de RPS.

Le salarié peut être enclin à empiéter sur sa vie privée pour terminer sa prestation de travail. Le télétravailleur aura ainsi tendance à se reconnecter le soir ou le week-end, pour terminer une tâche urgente, compenser une interruption pour des motifs personnels non prévue etc….

Ce phénomène est amplifié par la forte utilisation des TIC, avec un risque d’excès de connexions professionnelles susceptible de porter atteinte à la santé du salarié.

Une étude récente a montré un allongement de la durée de travail de 48,5 minutes par jour en télétravail [6].

À l’inverse, les interférences de la sphère personnelle sur l’activité professionnelle peuvent générer du stress. Le salarié, qui face à ces interférences, ne fait pas preuve d’autodiscipline, peut éprouver des difficultés à s’organiser et à gérer son temps de travail.

III.  Les bonnes pratiques d’organisation du travail à distance

3.1 Définir un cadre et des règles claires

Définir un cadre et des règles claires pour le télétravail contribue à la sérénité des relations de travail et participe, à ce titre, à la prévention des risques psychosociaux.

Aussi, pour ces raisons, la signature d’un accord collectif ou la rédaction d’une charte, si elles ne sont pas obligatoires, sont vivement recommandées.

L’accord ou la charte doivent règlementer les conditions de recours au télétravail ainsi que les modalités de son exercice en distinguant le télétravail régulier, occasionnel, en circonstances exceptionnelles. Ces documents doivent impérativement préciser :

1° les conditions de passage en télétravail, en particulier en cas d'épisode de pollution mentionné à l'article L. 223-1 du Code de l'environnement (N° Lexbase : L3442LUZ), et les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;
2° les modalités d'acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;
3° les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
4° la détermination des plages horaires durant lesquelles l'employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;

5° les modalités d'accès des travailleurs handicapés à une organisation en télétravail, en application des mesures prévues à l'article L. 5213-6 (N° Lexbase : L7307K9I ; article L. 1222-9 du Code du travail).

Il est recommandé de compléter ces dispositions en précisant notamment :

  • les conditions d’éligibilité au télétravail (métiers éligibles, contrats de travails concernés, condition d’ancienneté, degré d’autonomie requis, matériels informatiques et connexion internet dont doit disposer le salarié, conformité des installations électriques…) ;
  • les modalités de mise en place du télétravail (entrée dans le dispositif, période d’adaptation…) ;
  • les modalités d’organisation du télétravail (lieux de télétravail autorisés ; nombre et répartition des jours télétravaillés ; conditions d’utilisation des équipements, protection des données…) ;
  • l’accompagnement et le suivi du télétravail (informations, formations, entretiens…) ;
  • la santé et la sécurité du télétravailleur (Information des télétravailleurs de la politique en matière de santé et de sécurité et règles relatives aux écrans ; prise en compte des risques spécifiques au télétravail, et notamment des risques psychosociaux…) ;
  • le cas échéant, la prise en charge des frais occasionnés par télétravail.

3.2 Veiller à la charge de travail et à une utilisation raisonnée des nouvelles technologies

Le télétravail, qui constitue un mode d’organisation du travail, ne doit générer aucune modification du temps et de la charge de travail.

Le suivi de l’activité et de la charge de travail des télétravailleurs peut s’avérer complexe en raison de la distance. Il importe donc que l’évaluation de l’activité et de la charge de travail fassent l’objet d’échanges réguliers entre le salarié et sa hiérarchie.

Les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail sont obligatoirement contenues dans l’accord collectif ou la charte organisant le télétravail.

Même en l’absence d’accord collectif ou de charte, l’article L. 1222-10 du Code du travail prévoit que l’employeur est tenu d’organiser un entretien annuel qui porte sur les conditions et la charge de travail.

L’employeur doit en outre veiller tout particulièrement à une utilisation raisonnée par les télétravailleurs des nouvelles technologies. En effet, leur environnement de travail à domicile fait qu’ils sont plus fortement exposés à des risques de sur-connexion.

Cet impératif renvoie au droit à la déconnexion qui doit être un enjeu collectif afin de réguler l’utilisation des nouvelles technologies.

3.3 Maintenir le collectif de travail

Le protocole national pour assurer la santé et la sécurité des salariés en entreprise établi par le ministère du Travail recommande aux employeurs de « veiller au maintien des liens au sein du collectif de travail et à la prévention des risques liés à l’isolement des salariés en télétravail ».

Face au risque d’isolement du salarié en télétravail, il est essentiel pour l’employeur de maintenir les liens au sein du collectif de travail.

Dans cette perspective, il est conseillé de favoriser une modalité de télétravail avec quelques jours obligatoires de présence par semaine sur le lieu de travail. En outre, il est primordial d’entretenir le lien social en instaurant :

  • une plage horaire de disponibilité à distance du manager ;
  • des réunions d’équipe périodique sur site et en visio-conférence ;
  • des jours de présence sur le lieu de travail avec le manager ;
  • un accès à une ressource d’informations commune et un partage d’informations afin que tous les salariés aient le même niveau d’information ;
  • des événements et moments de convivialité.

Le manager a un rôle essentiel dans le maintien du collectif de travail. Il doit s’approprier cette nouvelle forme d’organisation du travail.

Il est donc recommandé de sensibiliser les managers aux bonnes pratiques managériales en matière de télétravail ainsi qu’à l’identification et à la prévention des risques psychosociaux.

Toutes les activités professionnelles ne sont pas compatibles avec le télétravail et tous les salariés n’ont pas nécessairement les aptitudes nécessaires au télétravail, en termes d’autonomie et d’organisation et d’autodiscipline. En outre, certaines personnes ne souhaitent pas télétravailler et vivent mal ce qu’elles perçoivent comme une mise à l’écart du collectif.

Quand il est possible, en dehors de circonstances exceptionnelles, le télétravail s’inscrit dans une démarche d’amélioration des conditions de travail. À ce titre, sa mise en œuvre, qui repose sur le volontariat, nécessite des règles claires, une confiance réciproque et un accompagnement du télétravailleur.

En cas de circonstances exceptionnelles comme celles que nous connaissons actuellement, la mise en œuvre du télétravail peut être considérée comme un aménagement du poste de travail rendu nécessaire pour permettre la continuité de l'activité et garantir la protection des salariés (C. trav., art. L. 1222-11). À ce titre, il peut être imposé au salarié, sans formalisme particulier.

Dans ce contexte, la poursuite du télétravail rend plus que jamais nécessaire l’évaluation des risques spécifiques au télétravail, et spécialement des risques psychosociaux, s’agissant d’un télétravail imposé et pas nécessairement encadré.

 

[1] Analyses DARES « Quels sont les salariés concernés par le travail » - novembre 2019.

[2] CE référé, 19 octobre 2020, n° 444809 (N° Lexbase : A15623YI).

[3] Mesurer les facteurs psychosociaux de risque au travail pour les maîtriser, rapport du collège d’expertise sur le suivi des risques psychosociaux au travail faisant suite à la demande du ministre du Travail.

[4] Odoxa pour Saegus et BFM Business.

[5] OpinionWay pour Harmonie Mutuelle – « Les Français et le télétravail ».

[6] Etude menée par des chercheurs de la Harvard Business School et de la New York University.

newsid:475123

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.