La lettre juridique n°771 du 7 février 2019

La lettre juridique - Édition n°771

Avocats

[Questions à...] "Notre objectif est de faire réviser les jugements" - Questions à Farid Hamel, Bâtonnier de Lyon à propos des tweets à caractère raciste d’un magistrat honoraire du tribunal administratif

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N7591BXG

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par Marie Le Guerroué et Joséphine Pasieczny

Le 07 Février 2019

Mots-clefs : Interview • Tweets à caractère raciste • Magistrat honoraire • Bâtonnier de Lyon 

 

 

L’affaire avait été révélée le 5 décembre dernier par le Canard Enchainé. Un magistrat honoraire du tribunal administratif de Lyon, en charge des OQTF dites «six semaines», avait posté sur son compte twitter des propos à caractère raciste. Face à la polémique, le magistrat a démissionné et fermé son compte.

 

Le Bâtonnier de Lyon, Farid Hamel, n’a, pour autant, pas tardé à réagir au scandale, et a demandé au tribunal administratif de lui transmettre la liste des jugements prononcés par le juge. L’objectif est de réouvrir tous les dossiers jugés par le magistrat. Il a accepté, pour Lexbase Professions, de revenir avec Maître Morade Zouine, président de la Commission droit des étrangers du barreau de Lyon sur cette affaire.

 

⇒ Cette interview est également à retrouver en podcast sur www.lexradio.fr.

Lexbase Professions : Est-ce que vous pourriez, tout d’abord, revenir sur les faits et nous expliquer pourquoi ils ont particulièrement choqué ? Ainsi que sur les questions juridiques et déontologiques qu’ils posent ?

 

Monsieur le Bâtonnier Farid Hamel et Maître Morade Zouine : Les faits ont été révélés par un article du Canard Enchaîné du 5 décembre 2018 (page 3-4) et selon lequel un magistrat honoraire désigné par le président du tribunal administratif de Lyon pour statuer sur les obligations de quitter le territoire français -notifié notamment aux déboutés de l’asile- et juge à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), a publié une série de tweets sous un pseudo où il se revendiquait justement de cette magistrature en expliquant qu’il rendait service à son pays en «dégageant fissa», selon ses termes, «tout ce qui est tchétchène» notamment. Il clamait, également, son admiration pour tous les grands populistes de ce monde, Jair Bolsonaro, Viktor Orbán etc..

 

Ces tweets, mis en lumière, on conduit la présidente de la Cour nationale du droit asile à le convoquer immédiatement. Le magistrat a remis sa démission reconnaissant expressément en être l’auteur. Il faisait valoir sa liberté d’expression et de pensée. Il a également remis sa démission au président du tribunal administratif.

 

Se pose ici une première question déontologique à savoir de quelle liberté d’expression dispose un magistrat en poste -fut-il honoraire- ? Peut-il tout dire et exprimer ses opinions personnelles sur les réseaux sociaux ? On est à la limite entre le droit et la déontologie. Surtout, la seconde question qui se pose est, au regard de son office de juge, est de savoir si son impartialité n’est pas remise en cause en faisant publiquement état d’opinion avec une connotation incompatible avec ses fonctions. La réponse est, selon nous, positive. On imagine bien qu’un tchétchène qui fait un recours contre un refus d’asile et qui tombe sur ce magistrat n’a peut-être aucune chance d’obtenir une protection. De même, pour le débouté de l’asile qui se voit notifier une obligation de quitter le territoire s’il fait partie des personnes indésirables, dont le juge a dressé la liste ; a-t-il une chance d’avoir un magistrat impartial et indépendant en face de lui ? On touche ici au droit au procès équitable.

 

Lexbase Professions : A la suite de ce scandale, vous avez donc demandé au tribunal administratif de vous transmettre les jugements prononcés par le juge afin de rouvrir les procédures concernées. Avez-vous eu une réponse du tribunal concernant votre demande ?

 

Monsieur le Bâtonnier Farid Hamel et Maître Morade Zouine : Oui, il nous a transmis rapidement la liste des dossiers avec les références et il nous est, désormais, possible de les récupérer auprès du greffe. Le président du tribunal a coopéré sans réserve.

 

Lexbase Professions : Votre objectif est donc de faire réviser les jugements concernés. Est-ce que pouvez nous expliquer en quoi consiste cette procédure ? A-t-elle des chances d’aboutir ? Existe-il des précédents ?

 

Monsieur le Bâtonnier Farid Hamel et Maître Morade Zouine : Notre objectif est effectivement de faire réviser les jugements mais nous sommes confrontés à plusieurs difficultés. La première est que, dans ces dossiers, les avocats désignés l’ont été au titre de l’aide juridictionnel et ne sont pas en possession des adresses des justiciables qui ont, désormais, quitté le territoire français. Cela va donc être très compliqué de faire des recours.

 

La seconde difficulté est que le Code de justice administrative ne permet pas de réviser des jugements de la cour administrative d’appel. L’article R. 834-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L3325ALQ) n’ouvre la possibilité de révisions que contre les décisions du Conseil d’Etat. Le Conseil lui-même indique que, hors de ses décisions, il est impossible de former un recours en révision. Selon la jurisprudence «Serval» (CE, Sect., 16 mai 2012, n° 331346, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A7176ILD). il existe des exceptions seulement pour les juridictions qui ne relèvent pas du Code de justice administrative. En revanche, pour toutes les décisions qui relève du CJA, il s‘agit d’une impossibilité. On est donc en face d’un obstacle juridique qui parait insurmontable mais on réfléchit à une solution pour dépasser cette carence. Il va probablement falloir faire œuvre créatrice et solliciter les grands principes du procès équitable, quitte à saisir la Cour européenne des droits de l’Homme pour expliquer que le droit à un procès équitable devrait permettre un justiciable qui a connaissance de faits postérieurs au rendu d’un jugement passé en force de chose jugée, de pouvoir en obtenir la révision.

 

En matière civile, une commission de révision des décisions notamment pénales a été créé pour prendre en considération des décisions de la CEDH. On a considéré que lorsqu'il existait des éléments déterminants permettant de remettre en cause une solution, il fallait permettre au justiciable d’en tirer les conséquences sur le plan judiciaire. Il faudrait créer un précédent similaire en matière administrative.

 

 

Lexbase Professions : Cela n’est, en outre, pas la première fois qu’un magistrat du tribunal administratif de Lyon est confronté à un tel problème [1], que faudrait-il selon vous mettre en place pour qu’un tel comportement ne se reproduise pas ? 

 

Monsieur le Bâtonnier Farid Hamel et Maître Morade Zouine : Il existe une charte de déontologie qui figure sur le site du Conseil d’Etat et qui lie tous les magistrats administratifs, qu’ils soient en place ou honoraire, ou même d’anciens magistrats qui ne sont plus dans le métier. Cette charte a même été amendée en 2017 pour tenir compte des mutations technologiques et de l’essor des réseaux sociaux pour leur apprendre à bien des manier. Il existe aussi des entretiens de déontologie qui sont assurés par le président de la juridiction pour assurer qu’il n’y ait pas d’activité de la part des magistrats pouvant présenter des conflits d’intérêts, mais cela ne va, toutefois, pas jusqu’à demander aux magistrats s’ils ont des comptes twitter… Peut-être que cela devrait faire partie des exigences à mettre en place ; à savoir déclarer à la hiérarchie si l’intéressé dispose d’un compte sur des réseaux sociaux. Il ne s’agit pas de «fliquer»  tous les juges mais au moins qu’on puisse avoir un contrôle sur leurs activités et la compatibilité avec leurs fonctions.

 

Il faudra trouver un équilibre entre la liberté d’expression qui est garanti et le respect de la vie privée. La question est sensible mais il faudrait, à tout le moins, renforcer le contrôle sur les magistrats honoraires. D’après ce que l’on a compris, ceux-ci ne sont pas soumis à des examens de déontologie avec le président. On considère qu’avec l’expérience qu’ils ont acquis ils n’en ont pas besoin, contrairement aux jeunes magistrats.

 

 

 

[1] En 2014, un juge de Lyon avait été élu conseiller municipal à Orléans et chargé de la délégation de «lutte contre l’immigration clandestine». Le collège de déontologie du Conseil d’Etat avait obligé le magistrat à ne pas traiter du contentieux sur les étrangers.

 

newsid:467591

Avocats/Formation

[Brèves] Un magistrat administratif peut dispenser une activité de formation rémunérée pour un barreau… mais pas pour un cabinet d’avocat

Réf. : CE, Collège de déontologie, 18 janvier 2019, avis n° 2018/4.

Lecture: 2 min

N7444BXY

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par Marie Le Guerroué

Le 06 Février 2019

► L’exercice rémunéré d’activités d’enseignement destinées à des avocats ne soulèverait pas d’objection déontologique de principe si ces sessions étaient organisées et rémunérées par les barreaux, ou par des organismes de formation ; en revanche, leur organisation par un cabinet d’avocats placerait le magistrat qui s’y livrerait dans une situation de dépendance incompatible avec son état et, éventuellement, par le montant envisagé de la rémunération.

 

Tel est l’avis rendu par le Collège de déontologie de la juridiction administrative le 18 janvier 2019 (CE, Collège de déontologie, 18 janvier 2019, avis n° 2018/4).

 

La secrétaire générale du Conseil d’Etat avait saisi le Collège de déontologie de la juridiction administrative pour avis car des membres du Conseil d’Etat avaient été sollicités par un cabinet d’avocats pour dispenser des prestations rémunérées de formation continue, notamment en présentant la jurisprudence relative à un domaine donné. La secrétaire générale interrogeait le Collège sur la possibilité pour ces magistrats d’accepter une telle mission et si une éventuelle modification des textes, qui viserait à soumettre à autorisation l’exercice d’activités de formation auprès d’entités privées, pouvait être opportune.

 

Le Collège de déontologie rappelle que conformément à l’article R. 131-1 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L2557ICP) selon lequel ils «[…] peuvent se livrer à des travaux scientifiques, littéraires ou artistiques et à toutes activités d'ordre intellectuel, et notamment d'enseignement, qui ne seraient pas de nature à porter atteinte à leur dignité ou à leur indépendance», les membres du Conseil d’Etat peuvent, sans qu’il soit besoin d’une autorisation expresse, exercer une activité d’enseignement dans un organisme public ou privé. Selon la charte de déontologie (point 67) il en va de même pour les membres des TA/CAA. Il précise, toutefois, que le bénéfice de ce régime traditionnel est subordonné au respect de deux exigences elles aussi bien établies et valant pour toute activité accessoire :

  • ne pas compromettre la disponibilité pour l’exercice des fonctions ;
  • ne pas être de nature à porter atteinte à la dignité ni à l’indépendance du magistrat.

 

Le Collège rend l'avis susvisé et ajoute, en outre, que toute prestation, rémunérée ou non, au profit exclusif des membres d’un cabinet d’avocats et éventuellement de leurs invités conduirait à une forme de rupture d’égalité au détriment des autres avocats. Il est donc d’avis que la participation de magistrats administratifs à des activités d’enseignement ainsi organisées serait contraire à la déontologie (cf. l’Ouvrage «La profession d’avocat» N° Lexbase : E7759ETK).

 

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Avocats/Publicité

[Brèves] Refus d’ouverture d’une franchise d’avocats : la cour d’appel donne raison au conseil de l’Ordre des avocats au barreau de Limoges

Réf. : CA Limoges, 9 janvier 2019, n° 18/00018 (N° Lexbase : A5142YUY)

Lecture: 4 min

N7507BXC

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par Marie Le Guerroué

Le 18 Février 2019

► Le refus par une société d’avocats, qui demandait l’ouverture d'un bureau secondaire, de justifier auprès du conseil de l’Ordre des conditions d'exercice et de son fonctionnement au sein de ce cabinet secondaire -déclinés en l’espèce dans un "concept book"- et, la mention par la société en vitrine de son intervention dans des domaines d’activité de nature à créer dans l'esprit du public l'apparence d'une qualification non reconnue ont justifié le refus d’ouverture de ce bureau secondaire.

 

Telle est la décision rendue par la cour d’appel de Limoges le 9 janvier 2019 (CA Limoges, 9 janvier 2019, n° 18/00018 N° Lexbase : A5142YUY ; commentaire à venir par G. Royer, La vitrine de l’avocat : suite et… encore !, in Lexbase Prof., 2019, n° 279 N° Lexbase : N7592BXH).

 

Une société d'avocats inscrits au barreau de Paris avait déposé auprès du conseil de l'Ordre des avocats à la cour d'appel de Limoges une demande d'ouverture d'un bureau secondaire. Cette autorisation avait été refusée. La société avait régulièrement formé un recours contre cette décision.

 

La cour d'appel rejette la demande de la société d'avocats en se fondant sur deux motifs. 

 

  • Premier motif : le refus de justifier des conditions d'exercice au sein du cabinet secondaire 

 

La cour d’appel de Limoges relève, d’abord, que l'autonomie qui est reconnue au conseil de l'Ordre des avocats et la conformité de l'article 8-1 aux dispositions de la Directive 2006/123/CE (N° Lexbase : L8989HT4) rendent inopérant le moyen développé par la société selon lequel le contrôle de ses conditions d'exercice au sein du barreau de Limoges ne pourrait s'étendre à celles déjà vérifiées par son barreau d'origine et qui ont fait l'objet d'une validation ordinale du barreau de Paris.

La cour relève, ensuite, qu’il est constant et même revendiqué par la société que le cabinet secondaire qu'elle entend ouvrir à Limoges est prévu pour exercer son activité selon un modèle et des conditions qui sont déclinés dans un "concept book" qui, pour ce qui est de son apparence extérieure, prévoit une implantation en rez-de-chaussée d'un immeuble d'une rue fréquentée, l'utilisation sur un bandeau de la dénomination du réseau et l'annonce en vitrine et. assortie de pictogrammes de sept domaines d'activité. De surcroît, lors de leur audition par le conseil de l'Ordre des avocats, l’avocat président et l’avocat associé de la société ont refusé de communiquer au conseil de l'Ordre un exemplaire de ce "concept book". Pour la cour, ce faisant, la société a refusé de justifier auprès du conseil de l'Ordre des conditions d'exercice et de son fonctionnement au sein du cabinet secondaire. Ce premier motif justifie le refus d'autorisation de son ouverture.

 

  • Second motif : la mention en vitrine d’intervention dans des domaines d’activités créant dans l'esprit du public l'apparence d'une qualification non reconnue

 

La cour ajoute que l'article 10.1 du règlement intérieur national de la profession d'avocat (N° Lexbase : L4063IP8) opère une distinction entre les formes de communication permises à l'avocat que sont la publicité personnelle et l'information professionnelle. La publicité personnelle, qui s'entend de toute forme de communication destinée à promouvoir les services de l'avocat et qui est permise si elle procure une information sincère sur la nature des prestations de services proposées, peut utiliser des supports de large, voire très large diffusion, alors que l'information professionnelle, qui s'entend des plaques, des cartes de visite et de tout document destiné à la correspondance, s'inscrit dans un champ nécessairement plus restreint à destination d'un public déjà client ou futur client à la recherche d'un avocat. L'une et l'autre de ces formes de communication doivent respecter les principes essentiels de la profession énoncés à l'article 3 du décret du 12 juillet 2005 (décret n°2005-790, relatif aux règles de déontologie de la profession d'avocat N° Lexbase : L6025IGA), que sont notamment la dignité, la délicatesse, la modération et, à l'égard de ses clients, la compétence et la prudence. Aux termes des articles 10.6.1 et 10.6.2 du même règlement, les dispositions relatives à la correspondances postale ou électronique s'appliquent à la plaque professionnelle située à l'entrée de l'immeuble où est exercée l'activité du cabinet, que celle-ci ne peut faire mention, pour chaque avocat, que des spécialisations régulièrement obtenues dans les conditions prévues par les articles 86 et suivants du décret du 27 novembre 1991 (décret n°91-1197 du 27 novembre 1991, organisant la profession d'avocat N° Lexbase : L8168AID), à l'exclusion de ses domaines d'activité, et que l'article 10.2 prohibe toute mention susceptible de créer dans l'esprit du public l'apparence d'une qualification professionnelle non reconnue. Ces dispositions visent à assurer l'objectivité de l'information délivrée et tendent à empêcher que, par la mention de domaines d'activité, un avocat ou une société d'exercice puisse s'attribuer une compétence spécifique hors de toute reconnaissance officielle au risque d'une confusion dans l'esprit du public. L'annonce de domaines d'activité sur la vitrine d'un cabinet s'apparente à l'information pouvant être donnée sur une plaque professionnelle dans la mesure où il s'agit d'une information statique et permanente, donnée à l'entrée de l'immeuble où est exercée l'activité du cabinet et destinée au client, qu'elle est étrangère au domaine de la publicité et relève donc de l'information professionnelle.


Dès lors, pour la cour, la mention par la société en vitrine du cabinet secondaire de son intervention dans les domaines du droit fiscal et du droit immobilier, qui est de nature à créer dans l'esprit du public l'apparence d'une qualification non reconnue puisqu'aucun membre de la structure n'a justifié être titulaire d'un certificat de spécialité en ces domaines, contrevient aux dispositions de l'article 10.6.2 du règlement intérieur national, ainsi qu'aux principes essentiels de la professions énoncés ci-dessus.

La société voit donc sa demande d'ouverture d'un bureau secondaire à Limoges rejetée (cf. l’Ouvrage «La profession d’avocat» N° Lexbase : E7705ETK et N° Lexbase : E1788E7D).

 

 

newsid:467507

Consommation

[Brèves] Validité de l’interdiction par étapes de cigarettes et tabac à rouler contenant un arôme

Réf. : CJUE, 30 janvier 2019, aff. C‑220/17 (N° Lexbase : A5078YUM)

Lecture: 2 min

N7477BX9

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par Vincent Téchené

Le 06 Février 2019

► Ne méconnaissant ni les principes de la sécurité juridique, d’égalité de traitement et de proportionnalité, ni celui de la libre circulation des marchandises, l’interdiction par étapes, au niveau de l’UE, de cigarettes et tabac à rouler contenant un arôme est valide. Tel est le sens d’un arrêt rendu par la CJUE le 30 janvier 2019 (CJUE, 30 janvier 2019, aff. C‑220/17 N° Lexbase : A5078YUM).

 

Elle constate que l’interdiction de la mise sur le marché, depuis le 20 mai 2016, de cigarettes et tabac à rouler contenant un arôme pour autant que le volume des ventes à l’échelle de l’UE est inférieur à 3 % dans les catégories cigarettes et tabac à rouler et à compter du 20 mai 2020, dans le cas contraire, est valide. Pour la Cour, le fait que la Directive (Directive 2014/40 du 3 avril 2014 N° Lexbase : L1190I3H) ne précise pas les produits dont les volumes des ventes représentent 3 % ou plus et qu’elle ne prévoit pas de procédé concret aux fins de les déterminer ne signifie pas qu’elle méconnaît le principe de sécurité juridique. La procédure à suivre afin de déterminer si un produit du tabac déterminé atteint la limite de 3 % doit être établie conformément au droit interne de l’Etat membre concerné. La distinction en fonction du volume des ventes est objectivement justifiée et ne méconnaît donc pas le principe d’égalité de traitement. En effet, le législateur de l’Union était en droit de procéder par étapes et d’accorder aux consommateurs de produits représentant un volume de ventes élevé le temps nécessaire pour passer à d’autres produits. L’interdiction de mise sur le marché de produits du tabac contenant un arôme ne va pas non plus manifestement au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine, particulièrement pour les jeunes, et ne méconnaît donc pas le principe de proportionnalité.

 

En outre, la Cour estime que, si l’interdiction en cause constitue une restriction à la libre circulation des marchandises, une telle restriction s’avère justifiée par la mise en balance de ses conséquences économiques et de l’impératif consistant à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine. Elle constate que la période de deux ans dont disposaient les Etats membres pour adopter les dispositions nécessaires en vue de transposer la Directive et garantir qu’il reste aux opérateurs économiques concernés suffisamment de temps pour s’adapter aux prescriptions de cette Directive est suffisante au regard du principe de proportionnalité.

 

En ce qui concerne l’interdiction d’utiliser des informations évoquant un goût, une odeur, un arôme ou un autre additif, la Cour précise que la Directive impose aux Etats membres d’interdire l’utilisation de telles informations même s’il s’agit d’informations non publicitaires et que l’utilisation des ingrédients concernés demeure autorisée.

 

En ce qui concerne l’interdiction d’utiliser sur l’étiquetage des unités de conditionnement, sur l’emballage extérieur et sur le produit du tabac proprement dit des marques évoquant un arôme, la Cour constate que cette restriction n’équivaut pas à une privation du droit de propriété mais seulement à une limitation de celui-ci.

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Contrats administratifs

[Brèves] Recours «Béziers II» : l'existence d'un motif d'intérêt général s'opposant à la reprise des relations contractuelles ne peut s’apprécier indépendamment de la gravité des vices affectant la mesure de résiliation

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 25 janvier 2019, n° 424846, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3236YUE)

Lecture: 1 min

N7480BXC

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par Yann Le Foll

Le 06 Février 2019

L'existence d'un motif d'intérêt général s'opposant à la reprise des relations contractuelles recherchée par un recours «Béziers II» (CE, Sect., 21 mars 2011, n° 304806 N° Lexbase : A5712HIE) ne peut s’apprécier indépendamment de la gravité des vices affectant la mesure de résiliation. Ainsi statue le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 25 janvier 2019 (CE 2° et 7° ch.-r., 25 janvier 2019, n° 424846, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3236YUE).

 

En l’espèce, le juge des référés d'un tribunal administratif s'est borné, pour rejeter la demande de suspension de la décision d'une commune résiliant un contrat relatif à l'exploitation de parcs de stationnement, à juger, après avoir relevé que la société requérante soutenait que cette décision était entachée de plusieurs vices, que la reprise provisoire des relations contractuelles serait de nature à porter une atteinte excessive à l'intérêt général tenant à la volonté de la commune de s'engager dans une nouvelle politique et une gestion plus dynamique du stationnement sur son territoire.

 

En s'abstenant de rechercher si les vices invoqués par la société à l'encontre de la mesure de résiliation étaient d'une gravité suffisante pour conduire à la reprise des relations contractuelles et non à la seule indemnisation de la société, c'est-à-dire si, eu égard à leur gravité et, le cas échéant, à celle des manquements de la société à ses obligations contractuelles, ainsi qu'aux motifs de la résiliation, une telle reprise n'était pas de nature à porter une atteinte excessive à l'intérêt général, le juge des référés a donc entaché, au vu du principe précité, son ordonnance d'une erreur de droit.

newsid:467480

Entreprises en difficulté

[Brèves] Plan de cession : substitution autorisée du cessionnaire et absence de garantie de l’auteur de l’offre retenue du paiement des échéances du prêt transféré

Réf. : Cass. com., 30 janvier 2019, n° 17-15.036, F-P+B (N° Lexbase : A9866YUX)

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N7493BXS

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par Vincent Téchené

Le 06 Février 2019

► Si l'auteur de l'offre de reprise retenue par le tribunal demeure garant solidairement des engagements qu'il a souscrits lors de la préparation du plan de cession en cas de substitution autorisée du cessionnaire, il ne garantit pas à celui-ci l'exécution de l'obligation légale qui pèse sur le cessionnaire de s'acquitter des échéances du prêt transféré, sauf engagement personnel de sa part. Tel est le sens d’un arrêt rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 30 janvier 2019 (Cass. com., 30 janvier 2019, n° 17-15.036, F-P+B N° Lexbase : A9866YUX).

 

En l’espèce, une société (la débitrice) a fait l'objet d'un plan de cession arrêté par un jugement du 19 octobre 2012 au profit d’une société (l’auteur de l’offre), laquelle, autorisée par une disposition de ce jugement, s'est substitué un tiers, pour l'exécution du plan. Ce dernier (le cessionnaire substitué) a été mise en liquidation judiciaire le 22 novembre 2013. Le liquidateur a assigné l’auteur de l’offre en paiement des échéances d'un prêt consenti par une banque et repris par le cessionnaire substitué.

 

L’arrêt d’appel (CA Amiens, 20 octobre 2016, n° 15/01907 N° Lexbase : A5847R83) a condamné l’auteur de l’offre à payer une certaine somme au liquidateur du cessionnaire substitué. Il relève que ce dernier devait s'acquitter des échéances du prêt litigieux, conformément à l'article L. 642-12, alinéa 4, du Code de commerce (N° Lexbase : L7334IZN) et que l’auteur de l’offre s’est engagé «à maintenir [sa] garantie financière en faveur de l'activité, objet de l'offre au minimum pour le temps nécessaire au remboursement des encours d'emprunts de la [banque]» soit «un encours total d'environ 285 000 euros». La cour d’appel en a donc déduit qu'elle s'était engagée à supporter les échéances à échoir du prêt.

 

Enonçant le principe précité, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l’article L. 642-9, alinéa 3, du Code de commerce (N° Lexbase : L3916HBN) : en effet, en se déterminant comme elle l’a fait, sans constater que l’auteur de l’offre s'était engagé en faveur du cessionnaire substitué à exécuter personnellement les obligations mises à la charge de cette dernière envers la banque, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision (cf. l’Ouvrage «Entreprises en difficulté» N° Lexbase : E7335E9K).

newsid:467493

Marchés publics

[Conclusions] La sanction infligée au pouvoir adjudicateur ayant méconnu l’obligation de ne pas signer le marché alors qu’un référé précontractuel avait été formé - Conclusions du Rapporteur public

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 25 janvier 2019, n° 423159, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3233YUB)

Lecture: 10 min

N7479BXB

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par Gilles Pellissier, Rapporteur public au Conseil d'Etat

Le 06 Février 2019

Dans une décision rendue le 25 janvier 2019, la Haute juridiction a dit pour droit que le fait qu’un marché soit signé dans le délai de suspension de signature alors que le pouvoir adjudicateur était clairement informé de l'existence d'un référé précontractuel doit entraîner l’infliction d'une pénalité. Lexbase Hebdo - édition publique vous propose de retrouver les conclusions anonymisées du Rapporteur public, Gilles Pellissier. 

Le litige qui oppose la société X hospitalière d’assurance mutuelle (SHAM), candidate évincée de l’attribution par le centre hospitalier intercommunal (CHI) de Fréjus Saint-Raphaël d’un marché d’assurance, à ce dernier et à la société Y, mandataire du groupement avec lequel il l’a conclu le 23 décembre 2017, ne vous est pas inconnu. Vous avez ainsi annulé par une décision du 25 juin 2018 (CE, n° 417734 N° Lexbase : A9109XTK, aux Tables) l’ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Toulon qui avait rejeté le référé contractuel de la candidate évincée au motif que si le contrat avait bien été signé après que le Centre hospitalier avait reçu notification du référé précontractuel qu’elle avait formé, cette notification ne lui était pas opposable faute d’avoir été accompagnée de l’accusé de réception du dépôt et de l’enregistrement de sa requête. Vous avez censuré pour erreur de droit cette exigence et renvoyé l’affaire au juge du référé contractuel qui, par une ordonnance du 17 juillet 2018 contre laquelle la société Y se pourvoit en cassation, a prononcé la résiliation du marché à compter du 1er mars 2019.

           

 

Il a considéré que les prestations prévues par les stipulations du marché relatives à la protection juridique des agents, et en particulier son volet défense pénale, figurant à l’article 2.2.19 du cahier des clauses techniques particulières, étaient des prestations d’assurance de protection juridique au sens du droit des assurances et constaté que la société Y, courtier gestionnaire et mandataire du groupement, de disposait pas, en qualité d’intermédiaire d’assurances, d’un mandat de la société Z, membre du groupement désigné comme étant celle qui devait garantir les risques relatifs à la protection juridique, en méconnaissance tant de l’article 4.1 du règlement de la consultation que des articles 48 à 54 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, relatif aux marchés publics (N° Lexbase : L3006K7H), qui imposent, dans le cas où le dossier de candidature est présenté par un intermédiaire d’assurances, le mandat en vertu duquel cet intermédiaire représentait la société candidate à l’attribution du marché. Il en a donc conclu que le pouvoir adjudicateur avait manqué à ses obligations de mise en concurrence en retenant une offre irrégulière.

 

Il a ensuite relevé que l’offre de la candidate évincée auteur du recours était également irrégulière, de sorte que le manquement commis par le pouvoir adjudicateur n’avait pas affecté ses chances d’obtenir le contrat, ce qui faisait obstacle à ce qu’il pût faire droit à ses conclusions en annulation du contrat en application de l’article L. 551-18 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L1598IEW). Il devait toutefois infliger l’une des autres sanctions prévues par l’article L. 551-20 (N° Lexbase : L1585IEG), à savoir la résiliation du contrat, la réduction de sa durée ou une pénalité financière et nous avons dit qu’il avait fait le choix de la résiliation avec effet différé.

 

Le principal moyen du pourvoi est tiré de ce que le juge du référé aurait commis une erreur de droit en jugeant que les prestations d’assurances prévues par les stipulations relatives à la défense pénale, qui visent «à défendre les intérêts des assurés exposés au risque du prononcé d’une sanction pénale, ne peuvent être regardées comme s’exerçant en même temps dans l’intérêt de l’assureur», de sorte qu’elles devaient être regardées comme des prestations de protection juridique.

 

Ce raisonnement porte sur les dispositions combinées des articles L. 127-1 (N° Lexbase : L0116AAK) et L. 127-6 (N° Lexbase : L0121AAQ) du Code des assurances. Le premier définit l’opération d’assurance de protection juridique comme recouvrant «toute opération consistant, moyennant le paiement d’une prime ou d’une cotisation préalablement convenue, à prendre en charge des frais de procédure ou à fournir des services découlant de la couverture d’assurance, en cas de différend ou de litige opposant l’assuré à un tiers, en vue notamment de défendre ou représenter en demande l’assuré dans une procédure civile, pénale, administrative ou autre ou contre une réclamation dont il est l’objet ou d’obtenir réparation à l’amiable du dommage subi». Aux termes du second, «Les dispositions du présent chapitre ne s’appliquent pas : […] 2° A l’activité de l’assureur de responsabilité civile pour la défense ou la représentation de son assuré dans toute procédure judiciaire ou administrative, lorsqu’elle s’exerce en même temps dans l’intérêt de l’assureur». Dans ce dernier cas, les prestations d’assurance relèvent non de l’assurance «protection juridique» mais de l’assurance «responsabilité civile».

           

Contrairement à ce que soutient la société X en défense, l’erreur éventuellement commise par le juge du référé quant à la qualification juridique des prestations d’assurance n’est pas sans incidence sur le dispositif de son ordonnance en tant qu’il fait grief à l’auteur du pourvoi. Cette qualification fonde le constat de l’irrégularité du marché litigieux, qui fonde à son tour le choix de la sanction prononcée en application de l’article L. 551-20, lequel ouvre au juge du référé contractuel le choix entre l’annulation du contrat, sa résiliation ou une pénalité financière. La société Y ayant intérêt à contester la résiliation du marché qui lui a été attribuée a donc intérêt à critiquer les motifs qui la justifient aux yeux du juge du référé. Que l’irrégularité de la passation du contrat ait été invoquée par l’auteur du référé contractuel à l’appui de conclusions en annulation du contrat qui ont finalement été rejetées par le juge ne rend donc pas inopérante sa critique par le titulaire du contrat.

 

La question de savoir si les prestations objet d’un contrat d’assurances relèvent de la «protection juridique» ou de la «responsabilité civile» est une question de qualification juridique qui, comme toute opération de qualification juridique, comporte une part de raisonnement juridique et une part d’interprétation des stipulations du contrat. Si cette dernière est laissée à l’appréciation souveraine des juges du fond, vous contrôlez au titre de l’erreur de droit le maniement du critère légal qui conduit à déterminer de quelle catégorie juridique relèvent les prestations du contrat (voyez par exemple, pour la qualification de missions d’intermédiation d’assurance de prestations dont le contenu est souverainement constaté par les juges du fond : CE, 10 février 2014, n° 367262 N° Lexbase : A3840MEX, aux Tables). En l’occurrence, la question posée par le pourvoi ne porte pas sur la détermination des prestations d’assurance qui, aux termes de l’article 2.2.19 du cahier des clauses techniques particulières, consistent «à défendre l’assuré, le directeur de l’établissement et les personnes ayant reçu une délégation de pouvoir dans l’exercice de leurs fonctions, ainsi que les agents placés sous l’autorité de l’assuré pendant leur service, lorsqu’ils sont personnellement poursuivis devant une juridiction répressive à l’occasion d’un dommage garanti au titre du contrat ‘Assurance Responsabilité Civile’», mais sur l’application à ces prestations du critère légal tenant à ce que «l’activité de l’assureur de responsabilité civile pour la défense ou la représentation de son assuré dans toute procédure judiciaire ou administrative […] s’exerce en même temps dans l’intérêt de l’assureur», qui a pour effet de l’exclure du champ de la protection juridique.

 

Si, comme dans les affaires de la Caisse des dépôts et consignations également à votre rôle de ce jour, nous ne voyons pas de difficulté à ce que vous adoptiez une conception différente de celle de la juridiction judiciaire d’une notion générale telle que celle d’omission déclarative pour l’application de textes différents à des situations juridiques différentes, il nous semblerait tout à fait inopportun qu’une même disposition législative permettant de qualifier une même prestation d’assurance soit interprétée différemment selon que cette prestation figure dans un contrat de droit privé ou dans un contrat qui n’est administratif que par détermination de la loi. Et comme cette disposition législative figure dans le Code des assurances, dont le juge judiciaire à une pratique à la fois beaucoup plus longue et ample que la vôtre, c’est naturellement vers sa jurisprudence que nous nous tournons pour déterminer le sens et la portée qu’il convient de donner à ce critère de l’activité d’assurance de responsabilité s’exerçant «en même temps dans l’intérêt de l’assureur», critère issu de l’article 2 de la Directive n° 87/344/CEE du 22 juin 1987, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l’assurance-protection juridique, dont l’article L. 127-6 assure la transposition.   

 

Il en ressort de manière constante que l’exclusion posée par cet article ne joue que lorsque l’intervention de l’assureur “concerne les événements entrant dans le cadre de la police” (Cass. civ. 1, 8 juillet 1997, n° 95-13.484 N° Lexbase : A0418ACH, Bull. civ. 1, 1997, n° 232). Par un autre arrêt du même jour, la Cour a jugé qu’une clause dite "assistance juridique, défense et recours" figurant dans un contrat d'assurance de responsabilité professionnelle ayant vocation à jouer même en dehors du cadre des garanties au fond de l'assureur relevait de la garantie de protection juridique (Cass. civ. 1, 8 juillet 1997, n° 95-17.548 N° Lexbase : A0612ACN, Bull. civ. 1, 1997, n° 231). Elle a confirmé cette interprétation quelques années plus tard en indiquant qu’«une clause qui prévoit l’intervention de l’assureur uniquement en cas d’action mettant en cause une responsabilité garantie par le contrat ne constitue pas une garantie de protection juridique indépendante de toute autre qui s’imposerait à l’assureur quelles que soient les circonstances du sinistre» (Cass. civ. 2, 28 février 2013, n° 12-12.813 N° Lexbase : A8759I8W, Bull. civ. 2, 2013, n° 44).

 

Le critère de l’intérêt de l’assureur s’apprécie donc en fonction du périmètre de la garantie d’assistance juridique : l’assureur a un intérêt personnel à l’issue d’une action en justice à laquelle est partie son assuré lorsque cette action est susceptible de déboucher sur une responsabilité qu’il est tenu de garantir. Dans ce cas, il doit pouvoir se réserver la possibilité de veiller lui-même à la défense des intérêts de son assuré, dans les droits et obligations duquel il pourra être subrogé. Les clauses de défense et de représentation sont alors considérées comme des clauses de direction du procès, accessoires à la garantie de responsabilité civile qui pourra l’obliger à prendre en charge la condamnation de son assuré. En revanche, si la garantie d’assistance juridique porte sur des obligations qu’il n’assure pas, il n’a aucun intérêt personnel à l’issue du litige. Il doit seulement prendre en charge par l’assureur les frais exposés par son assuré pour la défense de ses seuls intérêts.

 

L’application de ce critère aux prestations du contrat litigieux telles qu’elles ressortent des stipulations précitées conduit sans aucun doute à les regarder comme s’exerçant «en même temps dans l’intérêt de l’assureur» puisqu’elles consistent «à défendre l’assuré, le directeur de l’établissement et les personnes ayant reçu une délégation de pouvoir dans l’exercice de leurs fonctions, ainsi que les agents placés sous l’autorité de l’assuré pendant leur service, lorsqu’ils sont personnellement poursuivis devant une juridiction répressive à l’occasion d’un dommage garanti au titre du contrat ‘Assurance Responsabilité Civile’» et seulement à l’occasion d’un dommage garanti à ce titre. Il ne s’agit donc pas d’une garantie «protection juridique» indépendante, mais d’un accessoire de la garantie responsabilité civile. Le juge du référé a donc commis une erreur de droit en jugeant le contraire. 

           

Si vous nous suivez, vous annulerez l’ordonnance attaquée, sans avoir besoin d’examiner les autres moyens du pourvoi, qui ne seraient pas fondés si vous écartez le premier puisque le juge du référé n’a ni inexactement qualifié les faits ni ne les a dénaturés en jugeant que l’irrégularité du contrat entraînait sa résiliation.  

           

Vous devrez, s’agissant d’une deuxième cassation, régler l’affaire au titre de la procédure de référé contractuel.

 

Vous écarterez, pour les raisons que nous venons de dire, le moyen retenu à tort par le juge du référé et qui était le seul manquement reproché au pouvoir adjudicateur dans l’attribution du contrat. Les prestations d’assurance ne portant pas sur des risques relatifs à la protection juridique, la société mandataire du groupement n’avait pas à produire de mandat pour l’exercice d’une telle garantie.

 

En l’absence d’irrégularité entachant la procédure de passation du contrat, la candidate évincée n’est pas fondée à demander l’annulation du contrat, indépendamment même de la question de savoir si son offre était régulière [1].

 

Vous devez donc fixer, en application de l’article L. 551-20, la sanction qu’il convient d’infliger au pouvoir adjudicateur pour avoir méconnu l’obligation de ne pas signer le marché alors qu’un référé précontractuel avait été formé. Nous ne voyons pas de raison de prononcer la résiliation d’un contrat régulier. Vous devrez alors infliger une pénalité financière (sur cette obligation : CE, 30 novembre 2011, n° 350788 N° Lexbase : A1061H3P, au Recueil). Le montant de cette pénalité est fonction du montant du contrat et des circonstances de la méconnaissance de l'obligation de suspension qu'elle sanctionne. Le montant du marché s’élève à près de 650 000 euros TTC. Les circonstances de la conclusion irrégulière du contrat n’incitent pas à la clémence, le Centre hospitalier ayant signé le marché un samedi, alors qu’il avait reçu notification deux jours auparavant du recours formé par la société X. Même sans lui imputer d’intention de court-circuiter ce recours, la plus élémentaire prudence aurait dû l’inciter à ne pas signer le marché. Nous vous proposons donc de fixer cette amende à 20 000 euros, afin de rappeler aux acheteurs publics que la notification d’un recours contentieux doit conduire à suspendre la signature du contrat, sans chercher des raisons juridiquement douteuses de s’y soustraire. Vous aviez retenu un tel montant dans le cas d’une volonté encore plus manifeste de faire échec au recours précontractuel (CE, 14 février 2017, n° 403614 N° Lexbase : A2620TPQ, aux Tables), mais les cas dans lesquels vous avez fixé des sommes inférieures (10 000 euros : CE, 1er mars 2012, n° 355560 N° Lexbase : A3385IE4, aux Tables ; CE, 15 février 2013, n° 363854 N° Lexbase : A1776I8B, aux Tables) faisaient apparaître une bonne foi de l’acheteur qu’il apparaît ici plus difficile de porter au crédit du Centre hospitalier de Fréjus.

 

Et par ces motifs nous concluons :

 

- à l’annulation de l'ordonnance attaquée ;

 

- au rejet de la demande de référé contractuel présentée par la société X ;

 

- à la condamnation du centre hospitalier de Fréjus à verser au Trésor Public une pénalité de 20 000 euros ;

 

- A ce que vous mettiez à la charge de la société X et du centre hospitalier de Fréjus le versement à la société Y d’une somme de 1 500 euros chacun au titre des frais exposés par elle devant vous.

 

 

 

 

[1] Elle ne l’était pas : nous partageons sur ce point l’analyse du premier juge. L’article 7.2 du CCAP imposait l’indication dans les annexes de prix des indices de référence des clauses d’indexation et de leur périodicité. Or l’offre de la société X se bornait à indiquer que les cotisations relatives à la responsabilité civile seraient révisées annuellement «en fonction de l’EPRD déclaré et ce conformément aux dispositions de l’article 19 des conventions spéciales CS RC FRA 17 A», lesquelles n’étant pas produites à l’appui de son offre, il n’était pas possible de déterminer l’indice de référence exigé par le cahier des clauses administratives particulières.

 

newsid:467479

Pénal

[Brèves] Pénalisation du recours à la prostitution : le Conseil constitutionnel refuse de censurer la loi de 2016

Réf. : Cons. constit., décision n° 2018-761 QPC, du 1er février 2019 (N° Lexbase : A6449YUE)

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par June Perot

Le 06 Février 2019

► Le premier alinéa de l'article 225-12-1 (N° Lexbase : L7009K7Q) et l'article 611-1 (N° Lexbase : L6968K79) du Code pénal, sont conformes à la Constitution en ce qu’ils ne méconnaissent ni le droit au respect de la vie privée, ni aucun autre droit ou liberté que la Constitution garantit.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 1er février 2019 (Cons. constit., décision n° 2018-761 QPC, du 1er février 2019 N° Lexbase : A6449YUE).

 

Le Conseil constitutionnel avait été saisi par le Conseil d’Etat dans une décision du 12 novembre 2018 (CE 9° et 10° ch. r., 12 novembre 2018, n° 423892, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A0840YLP). Pas moins de neuf associations portaient cette QPC.

 

Elles reprochaient à ces dispositions, une interdiction générale et absolue qui porterait atteinte à la liberté des personnes prostituées et de leurs clients, qui serait non susceptible d'être justifiée par la sauvegarde de l'ordre public, la lutte contre le proxénétisme et le trafic des êtres humains ou la protection des personnes prostituées. Il en résulterait une méconnaissance du droit au respect de la vie privée, ainsi que du droit à l'autonomie personnelle et à la liberté sexuelle qui en découleraient. Il en résulterait, en deuxième lieu, une méconnaissance de la liberté d'entreprendre et de la liberté contractuelle. Il est soutenu, en dernier lieu, que la pénalisation de tout recours à la prostitution contreviendrait aux principes de nécessité et de proportionnalité des peines. Par ailleurs, certaines parties intervenantes soutiennent que les dispositions contestées auraient pour conséquence d'aggraver l'isolement et la clandestinité des personnes prostituées, les exposant ainsi à des risques accrus de violences de la part de leurs clients et les contraignant, pour continuer à exercer leur métier, à accepter des conditions d'hygiène portant atteinte à leur droit à la protection de la santé.

 

S’agissant de la liberté personnelle, le Conseil répond qu’en prévoyant la pénalisation des acheteurs de services sexuels, le législateur a entendu, en privant le proxénétisme de sources de profits, lutter contre cette activité et contre la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle, activités criminelles fondées sur la contrainte et l'asservissement de l'être humain. Il a ainsi entendu assurer la sauvegarde de la dignité de la personne humaine contre ces formes d'asservissement et poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public et de prévention des infractions.

 

Sachant que le législateur a estimé que «dans leur très grande majorité, les personnes qui se livrent à la prostitution sont victimes du proxénétisme et de la traite», le Conseil constitutionnel ne voit pas de déséquilibre entre «cet objectif de valeur constitutionnelle de sauvegarde de l’ordre public et de prévention des infractions et la sauvegarde de la dignité de la personne humaine et, d’autre part, la liberté personnelle».

 

S’agissant de l’atteinte alléguée au principe de proportionnalité des peines, le Conseil relève qu’au regard de la nature des comportements réprimés, les peines de 1 500 euros d’amende, portée à 3 750 euros en cas de récidive, ainsi que certaines peines complémentaires, ne sont pas manifestement disproportionnées. Les Sages relèvent par ailleurs qu’il ne lui appartient pas de substituer son appréciation à celle du législateur sur les conséquences sanitaires pour les personnes prostituées des dispositions contestées, dès lors que cette appréciation n'est pas, en l'état des connaissances, manifestement inadéquate (cf. l’Ouvrage «Droit pénal spécial», L'achat d'acte sexuel (le recours à la prostitution) N° Lexbase : E1016E9I).

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Procédure civile

[Jurisprudence] Fin de non-recevoir tirée de la prescription et irrecevabilité des conclusions d’intimés devant la cour d’appel

Réf. : Cass. civ. 2, 10 janvier 2019, n° 17-20.018, F-P+B (N° Lexbase : A9849YSL)

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N7382BXP

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par Gabrielle Guizard, Avocate au barreau de Paris (GLH Avocats), membre de l’Association Droit et Procédure

Le 06 Février 2019

Un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation donne une illustration de l’effet dévolutif de l’appel en matière de prescription tout en se prononçant sur l’effet de conclusions d’intimés jugées irrecevables.

Dans cette affaire, l’appelant, associé d’une entreprise familiale avait cédé ses parts dans le capital de la société à ses trois frères, par acte sous seing privé du 27 juin 1986. A l’occasion d’un litige ultérieur dans le cadre de la succession de leur père, estimant avoir été spolié lors de la cession de ses parts sociales, il a fait assigner ses frères par acte du 17 juin 2011 devant le tribunal de grande instance de Lons-le-Saunier aux fins d’obtenir la nullité pour dol de l’acte de cession et subsidiairement leur condamnation à des dommages et intérêts sur le fondement d’un manquement à leur obligation de loyauté en tant que dirigeants sociaux. Par acte du 17 juin 2013, l’associé cédant faisait également assigner la société rédactrice de l’acte, en responsabilité civile extracontractuelle.

Le tribunal a, par jugement du 22 avril 2015, déclaré irrecevable l’action en nullité de la cession pour cause de dol, estimant que l’action n’avait pas été engagée dans le délai de cinq ans à compter de la révélation du dommage. Le tribunal avait également soulevé d’office le moyen de prescription de l’action fondée sur le devoir de loyauté des mandataires sociaux et le délai de trois ans prescrit à l’article L. 223-23 du Code de commerce (N° Lexbase : L5848AIG) mais ce chef du jugement sera ensuite annulé et ne sera pas commenté ci-après.

L’associé cédant a relevé appel du jugement le 22 septembre 2015 devant la cour d’appel de Besançon. Il soulevait à titre liminaire l’irrecevabilité des conclusions des intimés, constatée par ordonnance du conseiller de la mise en état, et estimait que la cour d’appel n’était dès lors pas saisie du moyen tiré de la prescription. Subsidiairement, il arguait de ce que le délai de prescription n’aurait couru qu’à compter du dépôt d’un rapport d’expertise en date du 2 juin 2006.

 

La cour d’appel de Besançon (CA Besançon, 17 janvier 2017, n° 15/01896 N° Lexbase : A4985S9I) n’a pas suivi son raisonnement et considéré que le moyen tiré de la prescription était manifestement dans le débat pour avoir été soulevé par les intimés dans leurs écritures devant la juridiction de première instance, laquelle y avait expressément répondu et l’avait d’ailleurs considéré opérant. La cour d’appel a par ailleurs relevé qu’en application de l’article 562 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L7233LEM), la dévolution de l’appel s’était opérée pour le tout, l’appel n’étant pas limité à certains chefs du jugement, et qu’au surplus l’appelant avait conclu subsidiairement sur le moyen tiré de la prescription. Elle a donc statué sur ce moyen de défense et confirmé le jugement, considérant en l’espèce que l’associé cédant avait déjà connaissance de l’existence du dol bien avant le dépôt du rapport d’expertise, ainsi qu’il ressortait de ses conclusions prises dans l’instance successorale le 27 novembre 2001, et que le point de départ de la prescription devait être fixé à tout le moins à cette date, de sorte que le délai quinquennal était expiré à la date de l’assignation du 17 juin 2011.

 

L’associé cédant a formé un pourvoi en cassation, estimant qu’en application combinée des articles 954, alinéa 2 (N° Lexbase : L0386IGE), 561 (N° Lexbase : L6714H7S) et 562 du Code de procédure civile dans leur rédaction alors applicable, la cour d’appel ne pouvait retenir que sa demande de nullité pour dol était prescrite, dans la mesure où les intimés n’avaient pas déposé des conclusions recevables devant la cour d’appel, et ce même si la prescription avait été soulevée par les intimés en première instance et alors même que la juridiction de première instance avait déclaré sa demande prescrite.

Le pourvoi est rejeté par la Cour de cassation qui considère qu’ayant constaté que les conclusions déposées par les intimés avaient été déclarées irrecevables, ce dont il résultait qu’ils étaient réputés ne pas avoir conclu et s’être approprié les motifs du jugement ayant accueilli la fin de non-recevoir tirée de la prescription, c’est à bon droit que la cour d’appel a statué sur le moyen de défense dont elle était saisie.

 

Cette décision illustre l’effet de conclusions d’intimés jugées irrecevables en matière de prescription. Il sera ci-après brièvement revenu sur l’effet de conclusions d’intimé irrecevables et l’état de la jurisprudence existante en la matière (I) avant de s’interroger sur la portée de cet arrêt au regard des nouvelles dispositions issues du décret de 6 mai 2017 (II).

 

I - Effet de conclusions d’intimés jugées irrecevables

 

Il a déjà été jugé que si l’intimé ne conclut pas, la cour d’appel statue néanmoins sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés [1].

Par ailleurs, il a été implicitement jugé que la cour d’appel ne peut déduire de l’irrecevabilité des conclusions d’intimé que ce dernier ne sollicite pas la confirmation du jugement [2]. Ces décisions ont été rendues au visa de l’article 472 du Code de procédure civile selon lequel si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée. La Cour de cassation a ainsi étendu l’application de cet article, régissant la procédure de première instance, à la procédure d’appel.

 

Dans un arrêt de 2015, la Cour de cassation a précisé que la cour d’appel qui n’est pas saisie de conclusions de l’intimé doit, pour statuer sur l’appel, examiner les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de cette partie en première instance [3].

 

La cour d’appel ne statue donc pas au vu des seules conclusions de l’appelant mais doit prendre en compte l’ensemble des données et notamment les prétentions de l’intimé accueillies en première instance.

 

Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation estime qu’en présence de conclusions déclarées irrecevables, l’intimé est réputé ne pas avoir conclu et s’être approprié les motifs du jugement ayant accueilli les prétentions de l’intimé, à savoir ici la fin de non-recevoir tirée de la prescription.

Cette décision peut être rapprochée de l’article 954, alinéa 5, du Code de procédure civile qui, dans sa rédaction antérieure au décret du 6 mai 2017, prévoyait que la partie qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s’en approprier les motifs.

La Cour de cassation va néanmoins plus loin que l’article 954, alinéa 5, puisqu’en l’espèce les intimés n’avaient pas demandé la confirmation du jugement sans énoncer de nouveaux moyens mais leurs conclusions avaient été déclarées irrecevables. On notera à cet égard que l’arrêt n’est d’ailleurs pas rendu au visa de l’article 954. La Cour de cassation se fonde ici, sans toutefois le mentionner, sur le principe de l’effet dévolutif de l’appel, édicté aux articles 561 et suivants du même code.

Peu importait ici que l’intimé n’ait pas conclu ou que ses conclusions soient jugées irrecevables, la cour d’appel était saisie des prétentions de l’intimé qui avaient été accueillies par les premiers juges.

 

A noter que la cour d’appel prenait le soin de préciser également que l’appel de l’associé cédant n’était pas limité et que dans ses conclusions d’appel il s’était défendu à titre subsidiaire sur le moyen de prescription. Ce raisonnement est approuvé par la Cour de cassation qui indique que la cour d’appel a, à bon droit, statué sur le moyen de défense dont elle était saisie.

 

II - Portée des nouvelles dispositions de l’article 954 du Code de procédure civile

 

Depuis l’entrée en vigueur du décret du 6 mai 2017 (décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile N° Lexbase : L3858LGY), l’article 954, alinéa 6 (N° Lexbase : L7253LED), prévoit désormais que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs. La règle précédemment évoquée est donc étendue au cas d’absence de conclusions. Ainsi en l’absence de conclusions de l’intimé, ce dernier est réputé s’approprier les motifs du jugement.

 

On peut se demander si cette nouvelle disposition vise également le cas de conclusions irrecevables. La circulaire du 4 août 2017 de présentation des dispositions du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile (N° Lexbase : L6244LGD), prise à la suite du décret susvisé semble dire le contraire puisqu’il y est précisé que la présomption vise nécessairement la partie qui, après avoir comparu, ne conclut pas et non la partie qui n’a pas comparu ou dont les conclusions sont jugées irrecevables [4].

 

Eu égard à l’arrêt commenté, on peut s’attendre à ce que la Cour de cassation donne néanmoins les mêmes effets à l’absence de conclusions de l’intimé qu’à des conclusions d’intimé irrecevables. La sanction de l’irrecevabilité de ses conclusions ne serait en définitive pas dramatique pour l’intimé qui se contente de demander la confirmation du jugement, si on met de côté le fait qu’il ne peut alors soulever de moyens nouveaux et qu’il ne pourra plaider. Si néanmoins l’intimé entend relever appel incident, l’irrecevabilité de ses conclusions lui causera grief puisqu’il sera réputé ne pas critiquer le jugement et la cour d’appel ne sera pas saisie de son appel incident.

 

Il en ressort que l’intimé, tout comme l’appelant, doit être très vigilant quant au respect des délais et au contenu de ses conclusions, même si dans certains cas sa négligence pourra être couverte par l’effet dévolutif de l’appel, de sorte que le juge d’appel se trouvera saisi des motifs du jugement ayant accueilli ses prétentions.

 

[1] Cass. civ. 2, 30 avril 2003, n° 01-12.289, FS-P+B (N° Lexbase : A7537BSX).

[2] Cass. civ. 2, 30 avril 2009, n° 08-15.947 ([LXB=]).

[3] Cass. civ. 3, 7 juillet 2015, n° 14-13.715, F-D (N° Lexbase : A7641NMX).

[4] BOMJ, n° 2017-08 du 31 août 2017, page 12.

newsid:467382

Procédures fiscales

[Brèves] Imposition des intérêts moratoires versés à l’occasion de dégrèvements

Réf. : CE 9° et 10° ch.-r., 28 janvier 2019, n° 406722, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3761YUT)

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N7485BXI

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par Marie-Claire Sgarra

Le 06 Février 2019

Il résulte de l'article L. 208 du Livre des procédures fiscales (N° Lexbase : L7618HEU) dans ses rédactions successives applicables aux années 2002 à 2006, que les intérêts moratoires assis sur des impositions dégrevées, qui ont pour seul objet de tenir compte de la durée pendant laquelle le contribuable a été privé des sommes correspondantes et dont ils ne sont ainsi que l'accessoire, doivent être soumis au même régime fiscal que ces dégrèvements ;

►Lorsque des impositions restituées à une entreprise sont incluses dans son résultat imposable, les intérêts moratoires qui lui sont versés en application de l'article L. 208 du Livre des procédures fiscales précité doivent également être soumis à l'impôt.

 

Telle est la solution retenue par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 28 janvier 2019 (CE 9° et 10° ch.-r., 28 janvier 2019, n° 406722, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A3761YUT).

 

En l’espèce, à la suite d’une vérification de comptabilité, la société MACIF a fait l’objet de rappels de taxe sur les conventions d’assurance au titre des exercices 1997 à 1999. Ces impositions et pénalités ont été mises en recouvrement en 2002 et la société les a déduites de son bénéfice imposable au titre de l’exercice clos de la même année.

 

En 2006, la société a obtenu le dégrèvement de l’ensemble des impositions et intérêts de retard qu’elle avait acquittés.

 

A la suite d’une nouvelle vérification de comptabilité au titre des exercices clos en 2005, 2006 et 2007, l’administration fiscale a réintégré dans ses bases imposables à l’impôt sur les sociétés les intérêts moratoires qu’elle avait perçus lors de l’ordonnancement en 2006 du dégrèvement des rappels de taxe sur les conventions d’assurance et des intérêts de retard correspondant au titre des exercices 1997 à 1999.

 

Par une réclamation, la société au litige conteste cette réintégration. Sa demande étant rejetée, elle saisit le tribunal administratif de Montreuil qui rejette également sa demande. La cour administrative d’appel de Versailles réforme ce jugement. Pour la Cour, les intérêts moratoires, qui ont pour objet d'indemniser le contribuable de la perte occasionnée par le paiement indu d'une imposition et qui n'ont, par hypothèse, pu faire l'objet d'aucune déduction préalable des résultats, à la différence des sommes dégrevées, n'entrent pas dans le champ des impôts déductibles.

 

Le Conseil d’Etat annule cette décision et se conforme à la doctrine administrative (cf. le BoFip - Impôts annoté N° Lexbase : X7954AL8).

newsid:467485

Successions - Libéralités

[Brèves] Pension alimentaire due par la succession au conjoint successible dans le besoin : l’état de besoin est une condition nécessaire et suffisante !

Réf. : Cass. civ. 1, 30 janvier 2019, n° 18-13.526, FS-P+B (N° Lexbase : A9872YU8)

Lecture: 1 min

N7496BXW

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 06 Février 2019

► Selon l'article 767 du Code civil (N° Lexbase : L1762IEY), la succession de l'époux prédécédé doit une pension au conjoint successible qui est dans le besoin et cette pension alimentaire est prélevée sur la succession ;

► il en résulte que la pension est due dès lors que l’état de besoin du conjoint successible est constaté ; ajoute alors une condition à la loi, la cour d’appel qui, pour rejeter la demande de pension présentée par le conjoint, tout en ayant constaté l'état de besoin de l'épouse, retient que la succession se trouvait détentrice de droits sur un bien non mobilisable et qu'il s'évinçait de ces éléments que les ressources de la succession ne permettaient pas à celle-ci de régler la pension sollicitée.

 

Telle est la solution qui se dégage d’un arrêt rendu le 30 janvier 2019 (Cass. civ. 1, 30 janvier 2019, n° 18-13.526, FS-P+B N° Lexbase : A9872YU8).

 

En l’espèce, le de cujus était décédé le 3 juin 2014, en l'état d'un testament olographe instituant ses deux frères légataires universels et exhérédant son épouse, de ses droits légaux dans la succession ; celle-ci, se prévalant d'un état de besoin, les avait assignés le 12 mai 2015 en fixation d'une pension alimentaire à la charge de la succession, sur le fondement de l'article 767 du Code civil.

Pour rejeter sa demande, après avoir constaté l'état de besoin de l'épouse, la cour d’appel avait relevé que la déclaration de succession laissait apparaître un actif net de 17 611,50 euros, composé principalement des droits indivis des légataires sur un immeuble dont l'un d'eux jouissait actuellement pour y loger sa famille, que la succession se trouvait ainsi détentrice de droits sur un bien non mobilisable et qu'il s'évinçait de ces éléments que les ressources de la succession ne permettaient pas à celle-ci de régler la pension sollicitée.

La décision est censurée par la Cour régulatrice, qui retient qu’en statuant de la sorte, les juges d’appel ont alors ajouté une condition à la loi, violant l’article 767 précité.

newsid:467496

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