Le Quotidien du 25 septembre 2002

Le Quotidien

Contrats et obligations

[Jurisprudence] La nature de la responsabilité encourue en cas de rupture fautive des pourparlers est délictuelle

Réf. : CJCE, 17 septembre 2002, aff. C-334/00, Fonderie Officine Meccaniche Tacconi SpA c/ Heinrich Wagner Sinto Maschinenfabrik GmbH (HWS) (N° Lexbase : A3661AZM)

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par David Bakouche, Professeur agrégé des Facultés de droit

Le 07 Octobre 2010

Par un arrêt rendu le 17 septembre 2002, la Cour de justice des Communautés européennes a nettement posé le principe selon lequel la responsabilité précontractuelle relève de la matière délictuelle et non pas contractuelle et que, précisément, elle est engagée en cas de violation de règles de droit, "notamment celle qui impose aux parties d'agir de bonne foi dans le cadre (de) négociations" (CJCE, 17 septembre 2002, aff. C-334/00, Fonderie Officine Meccaniche Tacconi SpA c/ Heinrich Wagner Sinto Maschinenfabrik GmbH (HWS) N° Lexbase : A3661AZM). En l'espèce, une société A a assigné une société B devant une juridiction italienne afin de faire constater l'absence de conclusion entre cette dernière société et une troisième, la société C, d'un contrat de vente portant sur une installation de moulage, alors que les sociétés A et C avaient, avec l'accord de la société B, déjà conclu un contrat de leasing ayant pour objet ladite installation. Selon la société A, le contrat entre les sociétés B et C ne s'est pas conclu en raison du refus injustifié de la société B de procéder à la vente et donc de la violation par cette société des obligations de loyauté et de bonne foi qui lui incombaient. Aussi, la société B ayant porté atteinte à la confiance légitime de la société A, celle-ci lui réclame des dommages-intérêts afin d'obtenir la réparation de son dommage. En défense, la société B invoqua le défaut de compétence du juge italien du fait, entre autres, de l'application de l'article 5, point 1, de la Convention de Bruxelles, concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.

C'est dans ce contexte que la Cour suprême italienne saisit la Cour de justice des Communautés européennes d'une demande, en vertu du protocole du 3 juin 1971 relatif à l'interprétation par la Cour de justice de la Convention du 27 septembre 1968, afin d'obtenir, dans le litige pendant devant elle entre les sociétés A et B, une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 5, points 1 et 3, de ladite Convention. Selon ce texte en effet, "le défendeur domicilié sur le territoire d'un Etat contractant peut être attrait, dans un autre Etat contractant : (...)
1) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l'obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée ;
3) en matière délictuelle ou quasi-délictuelle, devant le tribunal du lieu où le fait dommageable s'est produit
".

La solution de la Cour de justice est dépourvue de toute ambiguïté. Elle estime en effet que, dans les circonstances de l'affaire au principal, "caractérisée par l'absence d'engagements librement assumés par une partie envers une autre à l'occasion des négociations visant à la formation d'un contrat et par l'éventuelle violation de règles de droit, notamment celle qui impose aux parties d'agir de bonne foi dans le cadre de ces négociations, l'action par laquelle la responsabilité précontractuelle du défendeur est invoquée relève de la matière délictuelle ou quasi-délictuelle, au sens de l'article 5, point 3, de la Convention du 27 septembre 1968".

Cette solution confirme la tendance contemporaine consistant à considérer que la gestation des volontés, autrement dit la phase des négociations ou des pourparlers, est placée sous le signe d'une liberté qui n'est que relative (voir, pour une synthèse sur cette question, D. Mazeaud, Mystères et paradoxes de la période précontractuelle, in Le contrat à l'aube du XXIème siècle, Etudes offertes à J. Ghestin, LGDJ, 2001, p. 637 et s., spéc. p. 641). Sans doute, en effet, le principe demeure-t-il ici celui de la liberté contractuelle qui implique, en l'occurrence, celle de ne pas contracter, de telle sorte que les parties à une négociation restent libres de rompre les pourparlers. La jurisprudence le rappelle d'ailleurs fréquemment (voir les références citées par D. Mazeaud, article précité).

Cependant, même à ce stade du processus, la liberté ne règne pas sans partage. Pour tenir compte des contraintes de durée et de coût qu'imposent des négociations de plus en plus complexes compte tenu de l'importance des échanges, la jurisprudence refuse aujourd'hui d'abandonner la phase précontractuelle à la seule volonté des parties. Aussi, tout en sauvegardant le principe de la liberté de la conduite et de la rupture des négociations, elle impose le respect de ce que l'on a pu appeler une certaine éthique précontractuelle (voir notamment B. Oppetit, Ethique et vie des affaires, Mél. Colomer, 1993, p. 321 ; Th. Revet, L'éthique des contrats en droit interne, in Ethique des affaires : de l'éthique de l'entrepreneur au droit des affaires, Librairie de l'Université d'Aix-en-Provence, 1997, p. 208) qui, précisément, se traduit par une exigence de négocier de bonne foi (voir les références citées par D. Mazeaud, article précité) et qui est sanctionnée par la mise en oeuvre de la responsabilité délictuelle.

Du reste, cette exigence de loyauté transcende d'autres systèmes juridiques que le notre : par exemple, les droits allemand, néerlandais, suisse, italien, etc. Elle se retrouve encore dans les codifications contractuelles privées. Ainsi les principes Unidroit et les principes du droit européen du contrat sanctionnent-ils la mauvaise foi dans la conduite et la rupture de la négociation, spécialement lorsqu'une partie entrave ou poursuit les pourparlers alors qu'elle n'a pas l'intention de parvenir à un accord, ou encore lorsqu'elle viole l'obligation de confidentialité qu'engendrait la négociation. Il n'est, dès lors, pas surprenant de voir la Cour de justice des Communautés européennes imposer aux parties lors des pourparlers d'agir de bonne foi, l'importance du rôle joué par la bonne foi en matière contractuelle et, par extension donc, précontractuelle, n'étant plus à démontrer.

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Concurrence

[Textes] La directive marché des réseaux et communications électroniques publiée

Réf. : Directive (CE) 90/388 DE LA COMMISSION du 28 juin 1990 relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications (N° Lexbase : L7682AU3)

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N4045AA3

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Le 07 Octobre 2010

La directive n°2002/77/CE de la Commission européenne relative à la concurrence dans les marchés des réseaux et des services de communications électroniques a été publiée au Journal officiel des Communautés européennes. Ce texte vient rénover la directive n°90/388/CEE du 28 juin 1990 relative à la concurrence dans les marchés des services de télécommunications (N° Lexbase : L7682AU3). La nouvelle directive adapte le droit en fonction de la libéralisation qui s'est opéré depuis 1990 dans le secteur des télécommunications. "Les États membres sont tenus de supprimer (s'ils ne l'ont pas déjà fait) les droits spéciaux ou exclusifs pour l'exploitation de tous les réseaux de communications électroniques", peut-on lire dans la directive 2002/77. De plus, le texte de la Commission indique que "les États membres ne peuvent restreindre le droit d'un opérateur d'établir, d'étendre et/ou d'exploiter un réseau câblé au motif qu'un tel réseau pourrait être utilisé pour la transmission de programmes de radio et de télévision ".

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