La lettre juridique n°637 du 17 décembre 2015

La lettre juridique - Édition n°637

Éditorial

Du big data... au smart knowledge juridique

Lecture: 4 min

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par Fabien Girard de Barros, Directeur de la publication

Le 18 Décembre 2015


Les éditions Lexbase publient plus de trois millions de sources officielles, plusieurs millions de jugements et d'arrêts, plus de cent mille décisions supplémentaires chaque année. Le big data, ce déversement de la donnée, ici juridique, en quantité auprès des professionnels pour leur permettre, aujourd'hui, d'accéder à des données informationnelles presque confidentielles, hier, conjugué à une politique de mutualisation des coûts, pour une démocratisation de la documentation juridique : c'est l'engagement de notre société depuis plus d'une décennie.

Nous n'avons pas attendu que le mouvement open data/open law prenne les rênes de l'ouverture de l'accès à la donnée publique ; mieux, nous l'accompagnons en qualité d'expert, à travers des conférences et des programmes de développement.

Nous sommes convaincus que "le droit appelle le droit" : que l'accès à la donnée juridique brute (la source officielle) oblige l'interprétation de cette donnée, mieux l'opérationnalité de l'information qu'elle contient.

Cette année encore, Lexbase n'a pas été en reste pour grossir ses bases de données. Outre une politique active d'acquisition de jurisprudences à travers ses sélections de décisions des TGI, TI, TA et conseils de prud'hommes, nous entendons prochainement déverser de nouveaux contentieux intégraux de premières instances, essentielles à la connaissance des professionnels, des avocats en particulier. La doctrine administrative est également étoffée grâce à l'intégration massive des fonds relatifs aux circulaires et aux réponses ministérielles des deux assemblées. Enfin, l'intégration de la base Eur-lex assure l'intégralité des données législatives et réglementaires européennes nécessaires à une approche communautaire de tout dossier.

En 2015 : le big data juridique, c'est Lexbase !

Maintenant, se pose naturellement une question : que faire de cette quantité astronomique de données ? La donnée fait-elle la connaissance ? Mieux, son accès est-il synonyme de "compétence métier" ? Quelle efficacité opérationnelle pour ces millions de données juridiques ?

A l'heure où le conflit sévit entre gens de métier et legal start up, entre compétences, déontologie et algorithmes juridiques, il va de soi que l'appréhension de ces données brutes est un enjeu important pour la valorisation de chacune des prestations de services proposées par ces acteurs du droit.

"Transformer les données non-structurées et les informations contingentes du Big Data' d'aujourd'hui en connaissances opérationnelles structurées et réticulées -c'est-à-dire mises en qualité cognitive et en action opérationnelle au sein de compétences métier matures et partagées- est l'enjeu du Smart Knowledge' de demain, c'est-à-dire du Big Knowledge synthétique'" écrit Patrick Serrafero, Professeur associé à l'Ecole Centrale de Lyon.

"Les données auxquelles nous pouvons maintenant accéder sont époustouflantes et fantastiques, mais nous avons besoin de comprendre comment ces données peut effectivement être utilisées pour produire des pistes de réflexion" ajoute Lauren Fisher, co-fondatrice de Simply Zesty.

En clair, recueillir et organiser les informations n'est qu'une première étape, avant d'exploiter le potentiel de cette richesse d'information au-delà des trillions d'octets stockés chaque jour.

Mais alors comment exploiter ces données ? Comment passer du big data au smart knowledge ?

Cette connaissance issue de l'exploitation de l'information brute relève à la fois d'une pratique dite manuelle -c'est-à-dire humaine donc intellectuelle- et d'une pratique automatisée ou algorithmique. Les deux sont complémentaires.

La génération manuelle de cette "connaissance métier" passe par une production doctrinale toujours plus réactive et opérationnelle. C'est l'émergence de la doctrine pratique décrite dans un précédent éditorial. L'humain, sa connaissance propre, est le facteur déterminant de cette production éditoriale nécessaire à l'exploitation de la donnée à travers, ne serait-ce, d'une sélection, d'un parti pris d'interprétation, d'une mesure de la portée de l'information. Finalement, le plus traditionnellement du monde, l'auteur, valeur ajoutée de l'éditeur, enrichit et amende régulièrement la base de "règles", sources et doctrines, publiée sur les plateformes documentaires. Cette production intellectuelle se nourrit de l'évolution de l'expertise métier, des retours d'expérience sur la pratique des "connaissances métier" juridiques, de ces professeurs souvent avocats désormais, de ces lecteurs qui peuvent compléter leurs bases documentaires par des notes personnelles, mémoires de leur expérience empirique consolidée à la connaissance théorique.

La génération automatisée de cette exploitation synthétisée de la donnée juridique reste, elle, à inventer. Certains éditeurs ont tenté déjà de s'y frotter, mais sans succès. C'est sans doute parce que l'algorithme, base de l'automatisation du traitement de la donnée juridique s'établit à partir de données initiales (dénommés "faits initiaux") -en droit, la jurisprudence- et de "connaissances métier" compilées (dénommées "règles expertes") -en droit, la doctrine-, pour fabriquer de nouvelles données et informations de sortie (dénommés "faits conclusifs") apportant une valeur ajoutée conforme aux objectifs poursuivis par l'algorithme. Si une base manque de "faits initiaux", faute d'un nombre suffisant de décisions variées et pertinentes ; et si l'algorithme n'est pas élaboré avec le concours actif d'un collège doctrinal... l'échec est plus que probable.

Concrètement, il n'y a que l'association d'un big data juridique et d'un collège doctrinal progressiste et réactif qui pourra permettre de développer l'intelligence artificielle juridique ! Le premier apporte la complétude des connaissances, le second la cohérence de ces dernières.

C'est à cette condition que l'on pourra alors inscrire dans un moteur de recherche, non plus une liste de mots-clés, mais une question factuelle suggérant une réponse en droit.

Les professionnels du droit ont-ils de quoi avoir peur pour leur avenir ? Sont-ils condamnés à disparaître comme le laisse penser une mauvaise lecture de Richard Susskind ?

Assurément non ! Le professionnel du droit, l'avocat en particulier, a une compétence métier, un savoir-faire professionnel individuel qui lui permet de finaliser par l'action, l'ensemble des "connaissances métiers" auxquelles il aura bientôt accès. Et, "l'expérience métier" constituée de "cas métier" mémorisant les succès et les échecs professionnels issus de la pratique régulière de la "compétence métier" juridique demeurera la clé de voûte de la valeur ajoutée ultime du professionnel : sa qualité à proposer une stratégie, comme le soulignait Maître Henri de La Motte Rouge, lors de la journée organisée par Juriconnexion sur le Big data juridique : enjeux et opportunités, le 8 décembre 2015.

La jurimétrie, si elle éclairera le professionnel dans ses choix, ne les fera jamais à sa place. L'intelligence naturelle a alors toute sa place pour transcender l'intelligence artificielle, et non l'inverse : car le propre d'un conseil professionnel, c'est justement de prendre parti pour une stratégie juridique, à force d'observations, d'expérimentations, de déductions, d'inductions, de validations, de réutilisations et de consolidations de ses expériences.

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Avocats/Honoraires

[Brèves] Du point de départ de la prescription de l'action de l'avocat en paiement de ses honoraires

Réf. : Cass. civ. 2, 10 décembre 2015, n° 14-25.892, F-P+B+I (N° Lexbase : A9029NY3)

Lecture: 1 min

N0421BWI

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Le 17 Décembre 2015

La prescription de l'action des avocats pour le paiement de leurs honoraires court à compter de la date à laquelle leur mission a pris fin. Et ce délai de deux ans à compter de la fin de mission ne peut être interrompu par l'envoi d'une LRAR. Telle est la solution dégagée par la deuxième chambre civile de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 10 décembre 2015 (Cass. civ. 2, 10 décembre 2015, n° 14-25.892, F-P+B+I N° Lexbase : A9029NY3). En l'espèce, trois personnes ont confié à un avocat la défense de leurs intérêts dans le cadre d'un litige les opposant à leur employeur. Plusieurs décisions sont intervenues. Mais, à la suite d'un différend sur le paiement de ses honoraires, l'avocat a saisi le Bâtonnier de son Ordre d'une demande en fixation de ceux-ci. Pour déclarer recevable la demande de l'avocat, le premier président de la cour d'appel de Versailles, dans son ordonnance 27 août 2014, énonce que la lettre recommandée avec accusé de réception adressée par celui-ci à ses clients pour obtenir le paiement de ses honoraires est interruptive de prescription (CA Versailles, 27 août 2014, n° 13/04143 N° Lexbase : A9028MUW). L'arrêt sera censuré par la Haute juridiction au visa de l'article L. 137-2 du Code de la consommation (N° Lexbase : L7231IA3), ensemble l'article 420 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L0430IT4) et les articles 2240 (N° Lexbase : L7225IAT), 2241 (N° Lexbase : L7181IA9) et 2244 (N° Lexbase : L4838IRM) du Code civil. Enonçant le principe précité la Cour de cassation reproche au premier président de ne pas avoir recherché si la demande en fixation de ses honoraires formée par l'avocat l'avait été dans le délai de deux années à compter de la fin de sa mission, lequel ne pouvait avoir été interrompu par l'envoi d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E2710E47).

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Avocats/Procédure

[Jurisprudence] L'absence de notification des droits de la personne gardée lors du prolongement de la garde à vue porte nécessairement atteinte aux droits de la défense

Réf. : Cass. crim., 1er décembre 2015, n° 15-84.874, FS-P+B (N° Lexbase : A6162NYU)

Lecture: 8 min

N0468BWA

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par Guillaume Royer, Maître de conférences à Sciences-Po Paris (Campus franco-allemand de Nancy), Avocat au barreau de Nancy

Le 17 Décembre 2015

Dans un important arrêt en date du 1er décembre 2015, la Chambre criminelle de la Cour de cassation considère que la prolongation de la garde à vue doit conduire à une nouvelle notification des droits de la personne concernée. L'officier de police judiciaire ne peut s'en dispenser en se retranchant derrière la notification initiale des droits au moment du placement en garde à vue. Cette absence de notification fait nécessairement grief aux droits de la défense qui n'a donc nullement besoin de rapporter la preuve d'une quelconque atteinte à ses droits (1). Voilà une affaire qui serait digne de la célèbre série américaine "Cold case"... Au mois de novembre 2012, est retrouvé sans vie le corps d'une quadragénaire qui gisait dans un fossé au fond duquel coule quelques centimètres d'une eau boueuse. Aucune trace de violences n'étant constatée sur le corps de la victime, les enquêteurs ont rapidement conclu à une mort accidentelle. Mais c'était sans compter l'abnégation d'un proche de la victime qui a appris que celle-ci avait passé la soirée précédant le décès avec deux hommes et une femme. Sur la base de ces éléments, une information judiciaire a été ouverte et ces trois personnes, dont Mme X., ont été placées en garde à vue. Le 6 mai 2015 à 16h40, soit au moment du placement en garde à vue, Mme X. s'est vu notifier oralement ses droits par un officier de police judiciaire qui lui a aussi remis un document intitulé "formulaire de notification des droits d'une personne gardée à vue" mentionnant l'hypothèse d'une éventuelle prolongation de cette mesure. Près de vingt-quatre heures plus tard, Mme X. a été présentée au juge d'instruction qui l'a informée que sa garde à vue serait prolongée à compter du 7 mai 2015 à 16 heures 40. L'intéressée a ensuite été interrogée, en présence de son avocat, de 16 heures 10 à 18 heures 15 -l'interrogatoire se situant donc "à cheval" entre le placement initial et la prolongation de la mesure-, sans toutefois que les droits attachés à la prolongation de la garde à vue n'aient été notifiés dans les délais impartis. Elle n'avait donc pas été avertie qu'elle pouvait bénéficier de l'entretien de prolongation de garde à vue avec son avocat. Il convient toutefois de relever qu'à l'issue de l'interrogatoire litigieux, le conseil de Mme X. ne s'était nullement offusqué du fait que l'entretien de prolongation avait été ainsi jeté aux orties puisqu'il n'avait pas produit d'observations comme le permet pourtant l'article 63-4-3 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9632IPG). Quoi qu'il en soit, à l'issue de l'interrogatoire litigieux, la garde à vue a été levée et Mme X. a été mise en examen pour meurtre.

Constatant que la notification des droits de la personne gardée à vue n'avait pas été faite au moment de la prolongation, le juge d'instruction a, lui-même, saisit la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy d'une requête tendant, notamment, à l'annulation de la garde à vue litigieuse en invoquant l'absence de notification des droits attachés à la prolongation de la garde à vue. Par un arrêt en date du 29 juillet 2015, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy a considéré que cette absence de notification des droits spécifiques à la prolongation de la garde à vue avait nécessairement fait grief à Mme X. et ce, même si son audition avait été réalisée en présence d'un avocat qui n'a formulé aucune observation : n'ayant reçu de notification du droit à s'entretenir avec son avocat durant la prolongation de la gade à vue, elle n'avait pu solliciter le droit à l'entretien. Et, malgré le pourvoi en cassation formé par le procureur général près la cour d'appel de Nancy, la Chambre criminelle de la Cour de cassation a rendu un arrêt de rejet, en retenant qu'"état de ces énonciations, et dès lors que la notification à la personne concernée des droits attachés à la prolongation de la garde à vue est une condition d'effectivité de leur exercice, la chambre de l'instruction a justifié sa décision".

Il faut le dire sans détour, cet arrêt est extrêmement important pour deux raisons : d'une part, il fixe une véritable obligation positive pour les officiers de police judiciaire, intervenant dans le cadre de l'enquête et de l'information, de procéder à une notification spécifique des droits attachés à la prolongation de la garde à vue en temps utile (I). D'autre part, il offre une nouvelle illustration de l'emprise des nullités, sui generis, d'intérêt privé assimilées d'ordre public dans le contentieux des irrégularités procédurales en matière de garde à vue (II).

I - (Re) notification des droits du gardé à vue

La notification des droits de la personne gardée à vue est une question en perpétuelle évolution. Avec la loi n° 2011-392 du 14 avril 2011, relative à la garde à vue (N° Lexbase : L9584IPN), le législateur avait cru baliser définitivement la notification des droits de la personne gardée à vue (2), mais c'était sans compter avec les sources européennes qui l'ont conduit à intervenir en 2014 et à reconnaître de nouveaux droits. Ainsi, la loi n° 2014-535 du 27 mai 2014 (N° Lexbase : L2680I3N), portant transposition de la Directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales (N° Lexbase : L3181ITY), a notamment intégré un nouvel article 803-6 dans le Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2753I3D). Il résulte désormais de ce texte que "toute personne suspectée ou poursuivie soumise à une mesure privative de liberté en application d'une disposition du présent code se voit remettre, lors de la notification de cette mesure, un document énonçant, dans des termes simples et accessibles et dans une langue qu'elle comprend, les droits suivants, dont elle bénéficie au cours de la procédure en application du présent code : [...] le droit à l'assistance d'un avocat". Pour l'application de ces dispositions, une circulaire en date du 23 mai 2014 contient en annexe un modèle de "déclaration de droits - remise à une personne gardée à vue" (3) habituellement utilisé par les officiers de policier judiciaire. Cet imprimé souffrait un inconvénient majeur puisque, comme l'avait très justement relevé la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy, il y était fait mention de l'hypothèse d'une prolongation de cette mesure afin, peut être, de dispenser l'officier de police judiciaire d'une nouvelle notification des droits au moment de la prolongation de la garde à vue. Et puisque cette notification initiale avait eu lieu, l'officier de police judiciaire avait mené un interrogatoire qui se situait "à cheval" entre la première tranche de 24 heures et la seconde tranche de 24 heures.

Toutefois, cette notification initiale des droits de la personne gardée à vue est insuffisante pour la Chambre criminelle de la Cour de cassation qui considère que "la notification à la personne concernée des droits attachés à la prolongation de la garde à vue est une condition d'effectivité de leur exercice". L'analyse retenue par les juges du fond et la Chambre criminelle est particulièrement respectueuse des textes applicables à la garde à vue. En effet, si le placement en garde à vue génère une notification intégrale des droits de la personne concernée, prévue par l'article 63-1 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L3163I3K), la prolongation de la mesure génère de nouveaux droits pour la personne gardée à vue, figurant notamment à l'article 63-4 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L9746IPN) qui prévoit que "lorsque la garde à vue fait l'objet d'une prolongation, la personne peut, à sa demande, s'entretenir à nouveau avec un avocat dès le début de la prolongation". Compte tenu de cette articulation des textes, il y avait une irrégularité substantielle à ne pas avoir notifié le droit de pouvoir s'entretenir avec un avocat dans le cadre de la prolongation de la garde à vue. Restait à déterminer le régime de cette cause de nullité.

II - Atteinte présumée aux droits de la défense

Nul n'ignore évidemment que la théorie des nullités des actes de l'instruction peut être lue au travers de l'exigence du grief aux intérêts de la défense. Ainsi, on oppose, d'une part, les nullités d'intérêt privé soumises à grief pour la partie concernée, et d'autre part, les nullités d'ordre public dispensées de la preuve d'un quelconque grief. Cette distinction est prétorienne puisque l'article 802 du Code procédure pénale (N° Lexbase : L4265AZY) n'en fait nullement état (4). En effet, ce texte se contente d'affirmer que la nullité ne peut être prononcée que lorsqu'elle a eu pour conséquence de porter atteinte aux intérêts de la partie qu'elle concerne. Si le grief est expressément érigé en condition de la nullité, la question relative à la preuve de l'existence de ce grief n'est pas réglée. En matière de garde à vue, la Chambre criminelle réduit l'intérêt théorique de cette distinction en confirmant l'existence d'une catégorie de nullité sui generis, situé à mi-chemin entre les nullités d'ordre public et celles d'intérêt privé. L'arrêt rendu par la Chambre criminelle de la Cour de cassation offre une excellente illustration de cette tendance. La Chambre de l'instruction de la cour d'appel de Nancy est totalement approuvée d'avoir retenu que "cette absence de notification a nécessairement fait grief à Mme X [...] et ce, même si son audition a été réalisée en présence d'un avocat qui n'a formulé aucune observation". L'exigence d'un grief aux intérêts de la personne concernée subsiste, mais la Chambre criminelle le présume en estimant que l'absence de notification de la possibilité de s'entretenir à nouveau avec l'avocat nuit nécessairement à la personne mise en cause.

Il nous semble que cette présomption de grief se justifie pleinement par le caractère manifeste de la violation des droits de la défense. Qu'il s'agisse du retard dans l'information du magistrat instructeur mandant (5), du maintien de l'individu à la disposition des officiers de police judiciaire après la levée de la garde à vue par le magistrat (6), ou de l'absence de notification des droits du gardé à vue au moment de la prolongation, l'atteinte aux intérêts de la partie concernée paraît évidente. En l'occurrence, la prolongation de la mesure de garde à vue est une étape charnière de la mesure de garde à vue puisqu'après une première série d'auditions, l'entretien avec l'avocat constitue un bref "refuge" pour le gardé à vue qui pourra bénéficier du soutien psychologique (7) et, surtout, stratégique (8) de son conseil avant d'affronter de nouvelles auditions. S'il est vrai que l'entretien préalable est assez vide de substance lors du placement en garde à vue puisque l'avocat ne connaît pas le dossier et n'a pu accéder qu'à quelques pièces énumérées par le Code de procédure pénale (9), il en va différemment lors de l'entretien de prolongation puisqu'à ce moment de la mesure, l'avocat -attentif- aura peut être pu déceler quelques uns des atouts qui sont entre les mains des enquêteurs. L'entretien de prolongation de garde à vue est donc important puisqu'il permettra éventuellement de réajuster la stratégie de défense en garde à vue. En considérant que l'absence de notification de cet entretien de prolongation faisait nécessairement grief aux intérêts de la défense, la Cour de cassation lui restitue donc, à juste titre, toute son importance.


(1) L'auteur remercie vivement Mme le conseiller Véronique Geoffroy et Monsieur l'avocat général Claude Palpacuer pour leurs précieuses réflexions.
(2) Ch. Mauro, Rép. Dalloz, v° Garde à vue, § 143.
(3) Circulaire du 23 mai 2014 de présentation des dispositions de procédure pénale applicables le 2 juin 2014 de la loi portant transposition de la Directive 2012/13/UE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012 relative au droit à l'information dans le cadre des procédures pénales (N° Lexbase : L4128I3B), BOMJ n° 2014-05 du 30 mai 2014, p. 62.
(4) M. Guerrin, Rép. pén. Dalloz, v° Nullités de procédure, § 16.
(5) Cass. crim., 29 février 2000, n° 99-85573 (N° Lexbase : A4133CKB), Bull. crim., n° 92, v. aussi pour le retard dans l'information du procureur de la République dans le cadre d'une garde à vue en enquête de police : Cass. crim., 10 mai 2001, n° 01-81.441 N° Lexbase : A5695AT4), Bull. crim., n ° 119.
(6) Cass. crim., 2 février 2005, n° 04-86.805, F-P+F (N° Lexbase : A8831DG8), Bull. crim., n° 41.
(7) Ch. Mauro, Rép. Dalloz, v° Garde à vue, § 164.
(8 ) J. Boudot et B. Grazzani, La réforme de la garde à vue à l'épreuve de la pratique, AJ pénal, 2012, p. 512 et s..
(9) C. pr. pén., art. 64-4 (N° Lexbase : L8170ISE).

newsid:450468

Avocats/Statut social et fiscal

[Brèves] Requalification d'un contrat de collaboration (non) : l'évaluation de la participation d'un collaborateur au fonctionnement de la structure n'est pas de nature à caractériser, à elle seule, l'existence d'un lien de subordination

Réf. : Cass. civ. 1, 9 décembre 2015, n° 14-28.237, F-P+B (N° Lexbase : A1780NZX)

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N0442BWB

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Le 17 Décembre 2015

L'évaluation de la participation d'un collaborateur au fonctionnement de la structure, pratique courante dans les cabinets d'avocats destinée à favoriser la progression des collaborateurs, n'est pas de nature à caractériser, à elle seule, l'existence d'un lien de subordination. Telle est la solution dégagée par la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 9 décembre 2015 (Cass. civ. 1, 9 décembre 2015, n° 14-28.237, F-P+B N° Lexbase : A1780NZX ; sur l'autre apport de l'arrêt, lire N° Lexbase : N0441BWA). Dans cette affaire, Me D., avocate, a conclu, le 23 mars 2009, un contrat de collaboration libérale avec la société d'avocats H. et s'est engagée, le même jour, par acte séparé, à apporter sa clientèle moyennant une rétrocession d'honoraires. Seul le contrat de collaboration a été communiqué au conseil de l'Ordre. Après avoir remis une lettre de démission le 20 juin 2011, Me D. a saisi le Bâtonnier de l'Ordre des avocats au barreau de Paris en requalification du contrat de collaboration libérale en contrat de travail et paiement de diverses indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Par un arrêt rendu le 5 novembre 2014 (CA Paris, 5 novembre 2014, n° 12/21577 N° Lexbase : A7184MZ4), la cour d'appel de Paris a rejeté sa demande. Pourvoi est formé, en vain. En effet, dès lors que conformément aux clauses du contrat de collaboration, la société d'avocats a mis à la disposition de Me D., qui ne le conteste pas, une installation lui garantissant le secret professionnel ainsi que les moyens matériels et humains lui permettant de constituer et développer une clientèle personnelle, que la collaboratrice a conservé son indépendance statutaire et que l'évaluation de sa participation au fonctionnement de la structure, pratique courante dans les cabinets d'avocats destinée à favoriser la progression des collaborateurs, n'est pas de nature à caractériser, à elle seule, l'existence d'un lien de subordination, la cour d'appel a pu déduire de ce faisceau d'indices l'absence de salariat, justifiant ainsi légalement sa décision (cf. l’Ouvrage "La profession d'avocat" N° Lexbase : E9264ETB).

newsid:450442

Bancaire

[Brèves] Publication au Journal officiel d'un décret pris pour l'application de certaines dispositions du Règlement n° 2015/751 du 29 avril 2015, relatif aux commissions d'interchange pour les opérations de paiement liées à une carte

Réf. : Décret n° 2015-1591 du 7 décembre 2015 (N° Lexbase : L2769KU4)

Lecture: 2 min

N0524BWC

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Le 19 Décembre 2015

Publié au Journal officiel le 8 décembre 2015, le décret n° 2015-1591 du 7 décembre 2015 (N° Lexbase : L2769KU4) est venu modifier le taux de commission d'interchange applicables aux opérations effectuées par cartes de paiement dites universelles, en application du Règlement n° 2015/751 (N° Lexbase : L6419I8A). Ce dernier limite en effet le niveau des commissions interbancaires dites "commissions d'interchange", pouvant être exigées par les prestataires de services de paiement à l'occasion d'un paiement par carte tout en homogénéisant à l'échelle de l'UE, les plafonds applicables aux commissions d'interchange. La "commission d'interchange" est, telle que définie à l'article 2, § 10, du Règlement susmentionné, une commission payée directement, ou par un tiers, pour chaque opération effectuée entre l'émetteur et l'acquéreur qui sont parties à une opération de paiement liée à une carte, la compensation nette ou les autres rémunérations convenues étant considérées comme faisant partie de la commission d'interchange. Les articles 3 et 4 de ce même Règlement fixent ensuite des plafonds pour les commissions d'interchange, pour les opérations par cartes de débit, d'une part, et, pour les opérations par cartes de crédit, d'autre part, respectivement de 0,2 % et de 0,3 % de la valeur de l'opération, sans préjudice de mesures nationales pouvant fixer des taux inférieurs ou des modalités de calcul spécifiques. Néanmoins, le réseau d'acceptation national CB financé par les établissements de crédits français ne permet pas de distinguer un paiement réalisé par carte à débit immédiat d'un paiement réalisé par carte à débit différé, et avait précédemment fixé un taux de 0,29 % pour toute opération de paiement réalisée par carte, ne pouvant différencier la nature de la carte utilisée. Face à cette difficulté, l'article 16 du Règlement reconnaît l'existence d'opérations de paiement nationales ne pouvant être identifiées par le système des cartes de paiement comme opération à débit ou à crédit, dites cartes universelles, et prévoit alors qu'en tel cas, les dispositions relatives aux opérations par cartes de débit seront applicables. Cependant, le second paragraphe de l'article 16 permet aux Etats membres d'appliquer un plafond unique et spécifique de 0,23 % aux commissions d'interchange sur les opérations de paiement nationales effectuées au moyen de cartes universelles durant une période d'un an. Cet article prévoit donc une période transitoire d'un an permettant aux réseaux nationaux de procéder aux diverses adaptations techniques et durant laquelle un seul et unique taux s'appliquera, provisoirement. Ce taux de 0,23 % étant entré en vigueur le lendemain de la publication du présent décret, il sera applicable jusqu'au 9 décembre 2016 (cf. l’Ouvrage "Droit bancaire" N° Lexbase : E9005BXS).

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Collectivités territoriales

[Jurisprudence] Cession d'une dépendance du domaine privé : à quel(s) prix ?

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 14 octobre 2015, n° 375577, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A3716NTS)

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N0437BW4

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par Samuel Deliancourt, premier conseiller, cour administrative d'appel de Marseille, Centre Michel de l'Hospital - Ecole de droit - Université d'Auvergne

Le 17 Décembre 2015

Dans sa décision n° 375577 du 14 octobre 2015, le Conseil d'Etat rappelle qu'une commune ne peut céder une dépendance de son domaine privé à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé que si cette cession est justifiée par des motifs d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes. Et de préciser -c'est l'apport de cet arrêt qui sera publié au recueil Lebon- que, s'agissant de cette seconde condition, il appartient au juge d'identifier les contreparties que comporte la cession en tenant compte de leur nature et de leur effectivité. Il doit ensuite estimer si ces contreparties sont suffisantes pour justifier la différence entre le prix de vente et la valeur du bien cédé. Dans ce litige était contestée la légalité de la délibération adoptée le 9 décembre 2011 par un conseil municipal autorisant la cession de plusieurs parcelles communales pour un montant de cinq euros hors taxes par m². L'estimation réalisée par France Domaine était de trente euros par m². Deux habitants ont contesté cette délibération devant le tribunal administratif de Dijon. La qualité de membre du conseil municipal (1) comme celle de contribuables leur confèrent un intérêt pour agir. Les contribuables sont en effet "personnellement intéressés à ce que les actes de gestion du patrimoine communal soient accomplis dans les conditions prescrites par la loi" (2). C'est ce qu'a eu l'occasion de rappeler le Conseil d'Etat dans un arrêt du 10 avril 2015, en jugeant que tout contribuable peut contester une délibération relative à la gestion du patrimoine de la commune et cédant un élément du patrimoine de la collectivité, puisque celle-ci est de nature à affecter les ressources communales en cas de sous-estimation du prix de vente retenu (3).

Le tribunal administratif de Dijon a fait droit à la demande des intéressés par jugement (4) du 5 mars 2013 en annulant la délibération querellée. La commune a interjeté appel devant la cour administrative d'appel de Lyon, qui a rejeté sa requête par arrêt (5) lu le 19 décembre 2013. Elle a certes considéré que cette cession, qui était justifiée par la volonté de la commune de doter d'un logement décent de nombreuses familles issues de la communauté des gens du voyage occupant ce terrain dans des conditions d'hygiène et de salubrité sommaires, était justifiée par un motif d'intérêt général local, mais a estimé que la contrepartie imposée interdisant la vente de ce terrain qu'à prix coûtant, majoré du coût de la construction éventuellement édifiée, et ce pendant les dix premières années suivant la vente initiale, ne pouvait être regardée comme constituant une contrepartie suffisante à cette cession inférieure à sa valeur vénale.

Cet arrêt est annulé pour erreur de droit par le Conseil d'Etat dans la décision rendue le 14 octobre 2015 au motif que si la cour lyonnaise devait prendre en compte, pour apprécier les contreparties suffisantes, l'obligation de revente à prix coûtant pendant la décennie suivant la vente, elle devait aussi prendre en considération les autres contreparties dont la commune se prévalait, à savoir les avantages en matière d'hygiène et de sécurité publiques, la possibilité d'économiser le coût d'aménagement d'une aire d'accueil pour les gens du voyage, ainsi que les coûts d'entretien des terrains irrégulièrement occupés jusqu'à présent (6).

I - Les modalités de cession d'une dépendance du domaine privé

Le domaine public des personnes publiques est inaliénable, ainsi que le rappellent les articles L. 3111-1 du Code général de la propriété des personnes publiques (N° Lexbase : L7752IPS) et L. 1311-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L7342HIR), à la différence d'une dépendance du domaine privé.

A - L'estimation de France Domaine, un élément d'information des élus

Le conseil municipal étant seul compétent pour administrer les propriétés communales (7), l'assemblée délibérante peut autoriser la cession d'un immeuble relevant du domaine privé et autoriser le maire à signer la vente. Lorsque la commune comprend plus de 2 000 habitants, l'article L. 2241-1, alinéa 3, du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L2287IEG) exige que la cession donnant lieu à délibération, laquelle doit être motivée et porter sur les conditions de la vente et ses caractéristiques essentielles, soit précédée de la consultation de France Domaine. Cet avis doit être demandé en temps utile et il est réputé délivré à l'issue d'un délai d'un mois à compter de sa saisine. Les informations délivrées aux élus, en particulier lorsque la commune compte plus de 3 500 habitants et qu'une note de synthèse doit leur être préalablement envoyée (8), doivent être suffisantes pour leur permettre de se prononcer en toute connaissance de cause (9). Cependant, l'avis de France Domaine n'a pas à leur être communiqué, seulement sa teneur (10), à moins que les membres du conseil municipal demandent expressément à en prendre connaissance préalablement à la séance du conseil municipal (11). Cette consultation a donc pour seul objet d'informer les élus (12). C'est pourquoi, alors que l'avis de France Domaine est considéré comme une garantie en matière de préemption (13), il n'en est pas une dans le cadre d'une cession d'un immeuble du domaine privé, ainsi qu'il l'a jugé dans l'arrêt de Section du 23 octobre 2015 (14). Il s'agit seulement d'un élément d'information destiné à éclairer le conseil municipal afin que cette assemblée puisse se prononcer en connaissance de cause (15). Aussi, en cas de litige, "il appartient [...] au juge saisi d'une délibération prise en méconnaissance de cette obligation de rechercher si cette méconnaissance a eu une incidence sur le sens de la délibération attaquée" (16).

La procédure de cession n'a pas à être précédée d'une quelconque procédure, ni le terrain à être cédé au plus offrant (17). En effet, aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obligation aux communes ou à leurs établissements publics de recourir à une adjudication publique pour l'aliénation de biens immobiliers relevant de leur domaine privé (18). La seule exception concerne l'hypothèse où la cession est comprise dans une opération soumise aux obligations de publicité et de mise en concurrence résultant des principes généraux du droit de la commande publique (19).

B - Nature du contrat de cession et acte détachable

Le contrat de cession (20) conclu présente le caractère d'un contrat privé (21), à moins qu'il ne comporte des clauses exorbitantes du droit commun (22), c'est-à-dire une "clause qui, notamment par les prérogatives reconnues à la personne publique contractante dans l'exécution du contrat, implique, dans l'intérêt général, qu'il relève du régime exorbitant des contrats administratifs" (23). La juridiction judiciaire est compétente pour connaître des actions qui y seraient relatives. Telle est la position rappelée par le Conseil d'Etat dans un arrêt du 29 avril 2013 : "les contestations portant sur le contrat de vente d'un bien appartenant au domaine privé d'une personne publique doivent, sauf dispositions législatives contraires et dès lors que ce contrat ne comporte pas de clause exorbitante du droit commun, être portées devant le juge judiciaire" (24).

La juridiction administrative est en revanche compétente, comme en l'espèce, pour connaître de la contestation de la délibération autorisant la cession. D'une part, une telle délibération constitue un acte détachable du contrat de cession (25) susceptible d'être contestée par la voie du recours pour excès de pouvoir. D'autre part, un acte de cette nature affecte le périmètre et la consistance du domaine privé, dans la lignée de la jurisprudence "Brasserie du Théâtre" (26).

Le contrôle juridictionnel est limité à l'erreur manifeste d'appréciation s'agissant du principe comme du montant de la cession (27). Ainsi que l'a résumé le Conseil d'Etat, "l'appréciation à laquelle se livrent leur organes délibérants lors de ces cessions, placée sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, doit être exempte d'erreur de droit, d'inexactitude matérielle des faits, d'erreur manifeste ou de détournement de pouvoir" (28).

En cas d'annulation de la délibération, la collectivité devra déterminer les conséquences à tirer de cette annulation en fonction de la nature de l'illégalité commise. S'il s'agit par exemple d'un vice de forme ou de procédure affectant les modalités selon lesquelles la personne publique a donné son consentement, elle pourra procéder à sa régularisation, indépendamment des conséquences de l'annulation sur le contrat lui-même. La collectivité concernée pourra dans ce cas adopter un nouvel acte d'approbation avec effet rétroactif (29). Il s'agit de purger le vice affectant l'acte détachable afin de garantir le maintien du contrat (30) et, par là-même la transaction et la sécurité juridique des cocontractants.

II - Les conditions de cession d'une dépendance du domaine privé pour un montant inférieur à sa valeur vénale

La cession d'une dépendance du domaine privé communal à une personne privée, physique ou morale, entreprise ou association, doit être en principe réalisée au prix de la valeur vénale, c'est-à-dire celle du marché. Il s'agit de ne pas brader le domaine privé, étant rappelé que les collectivités publiques sont astreintes au respect du principe de bonne gestion de celui-ci (31).

Le prix fixé ou convenu peut cependant être inférieur à la valeur du marché, mais la jurisprudence constitutionnelle comme administrative ont posé les conditions cumulatives énoncées plus avant : la cession doit motivée un motif d'intérêt général et doit également comporter des contreparties suffisantes ou appropriées.

A - La protection constitutionnelle du droit de propriété des personnes publiques

La protection du droit de propriété par les articles 2 (N° Lexbase : L1366A9H) et 17 (N° Lexbase : L1364A9E) de la Déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers, mais aussi la propriété de l'Etat comme celle des autres personnes publiques (32). C'est pourquoi le Conseil constitutionnel a jugé dans sa décision n° 86-207 DC du 26 juin 1986 que "la Constitution s'oppose à ce que des biens ou des entreprises faisant partie de patrimoines publics soient cédés à des personnes poursuivant des fins d'intérêt privé pour des prix inférieurs à leur valeur ; que cette règle découle du principe d'égalité invoqué par les députés auteurs de la saisine ; qu'elle ne trouve pas moins un fondement dans les dispositions de la Déclaration des Droits de l'Homme de 1789 relatives au droit de propriété et à la protection qui lui est due ; que cette protection ne concerne pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi, à un titre égal, la propriété de l'Etat et des autres personnes publiques" (33). Il réaffirmera que "ces principes font obstacle à ce que des biens faisant partie du patrimoine de personnes publiques puissent être aliénés ou durablement grevés de droits au profit de personnes poursuivant des fins d'intérêt privé sans contrepartie appropriée eu égard à la valeur réelle de ce patrimoine" (34). A cette exigence de contrepartie appropriée imposée par le Conseil constitutionnel (35), le Conseil d'Etat contrôle l'existence de contreparties suffisantes.

B - Les cessions à un prix symbolique en contrepartie de la création d'emplois

Un immeuble communal, construit ou non, peut, sous conditions, être cédé à une personne privée pour un prix inférieur à la valeur du marché. Eu égard à la position constitutionnelle susrappelée, le Conseil d'Etat exige, ainsi qu'il le rappelle dans la décision présentement commentée, que l'opération soit justifiée par une finalité d'intérêt général et que la collectivité cédante dispose de contreparties suffisantes (36). Ce sont ces dernières qui ont vocation à rééquilibrer le prix de la cession afin que l'opération de vente ne puisse être considérée comme une libéralité, ce que ne peut jamais faire une personne publique (37). C'est ainsi qu'une vente au profit d'une société "à un prix très inférieur" à l'estimation du service des domaines, par exemple 30 %, a été considérée comme entachant d'illégalité la délibération (38). Est également illégale la délibération autorisant un échange entre l'immeuble d'un particulier au profit de la commune qui lui cède le sien, sans que le particulier ne participe à la poursuite de l'intérêt général, alors que l'estimation de son immeuble est cent fois moindre que l'immeuble communal (39).

La cession pour un euro symbolique (40) peut l'être au profit d'une entreprise lorsque cette dernière va s'installer, grâce au terrain cédé par la commune, sur le territoire de cette dernière et permettre ainsi localement la création d'emploi(s). Il s'agit d'une forme d'incitation à l'implantation, une aide à l'immobilier d'entreprise. La contrepartie est constituée par la garantie de la création d'emplois et, si tel est le cas, elle est suffisante. C'est ce qu'a jugé le Conseil d'Etat dans un arrêt du 3 novembre 1997 (41), dans lequel il a considéré que "la cession par une commune d'un terrain à une entreprise pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé lorsque la cession est justifiée par des fins d'intérêt général et comporte des contreparties suffisantes" (42). Dans cette affaire, la légalité de la délibération a été admise au motif que la cession autorisée par le conseil municipal avait pour contrepartie l'engagement de l'entreprise de créer cinq emplois dans le délai de trois ans, assortie, en cas d'inexécution de cet engagement, de l'obligation de rembourser à la commune le prix du terrain tel qu'il avait été évalué par le service des domaines. Les contreparties devant être justifiées et effectives, il a été jugé qu'une cession pour un montant symbolique ayant pour unique contrepartie l'engagement de l'acquéreur du terrain, de créer, dans un délai de deux ans, deux emplois de nature indéterminée dans l'établissement devant être édifié sur ce terrain, ne pouvait être regardée comme suffisamment importante, même en prenant en compte la taxe professionnelle versée par la société exploitant les bâtiments, compte tenu de l'avantage ainsi consenti et de la valeur vénale du terrain en cause (43).

Ces jurisprudences sont toutefois considérées comme étant devenues obsolètes depuis l'intervention du législateur et la rédaction de l'article L. 1511-3 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L2696IX7) modifié à la suite du vote de l'article 1er de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004, relative aux libertés et responsabilités locales (N° Lexbase : L0835GT4) (44). Selon la rédaction actuelle de cette disposition, "le montant des aides que les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent attribuer, seuls ou conjointement, sous forme [...] de rabais sur le prix de vente [...] de terrains nus ou aménagés ou de bâtiments neufs ou rénovés est calculé par référence aux conditions du marché, selon des règles de plafond et de zone déterminées par décret en Conseil d'Etat. Ces aides donnent lieu à l'établissement d'une convention et sont versées soit directement à l'entreprise bénéficiaire, soit au maître d'ouvrage, public ou privé, qui en fait alors bénéficier intégralement l'entreprise [...]". Le montant est fixé par référence à la valeur vénale des terrains et bâtiments d'après les conditions du marché (45).

C - La cession à un prix inférieur à la valeur de l'immeuble au profit de particuliers ou d'associations

La cession peut aussi être réalisée au profit de personnes publiques (46), comme elle peut également l'être au profit de particuliers. A par exemple été jugée légale la délibération d'un conseil municipal décidant de vendre des terrains communaux à des prix différents selon si les acheteurs étaient ou non de jeunes ménages envisageant d'y édifier leur résidence principale, eu égard à l'intérêt que présente pour une commune l'installation de ceux-ci sur son territoire afin de la revitaliser par une augmentation et un rajeunissement de la population sédentaire (47). Cet objectif a été regardé comme n'étant pas étranger aux intérêts généraux dont la commune a la charge.

Les bénéficiaires de la vente peuvent encore être des associations. Selon les principes posés et réaffirmés dans un arrêt du 25 novembre 2009 (48), "si la liberté reconnue aux collectivités territoriales par les dispositions précitées du Code général des collectivités territoriales d'accorder certaines aides ou subventions à des personnes privées pour des motifs d'intérêt général local ne peut légalement s'exercer que dans le respect des principes constitutionnels, la cession par une commune d'un terrain à une association locale pour un prix inférieur à sa valeur ne saurait être regardée comme méconnaissant le principe selon lequel une collectivité publique ne peut pas céder un élément de son patrimoine à un prix inférieur à sa valeur à une personne poursuivant des fins d'intérêt privé lorsque la cession est justifiée par des motifs d'intérêt général, et comporte des contreparties suffisantes". Le Conseil d'Etat a admis dans cette affaire la légalité de la cession autorisée en considérant que la différence de prix, sensible, entre l'estimation de l'immeuble par France Domaine à hauteur de 137 500 euros et le prix de cession convenu avec les associations pour 35 065 euros, s'analysait comme une aide apportée à ces dernières. Bien que le prix ne corresponde pas à la valeur du bien, la Haute juridiction administrative considère que la première condition est remplie dès lors que cette cession répond au double motif d'intérêt général tendant tant à une meilleure insertion d'habitants d'origine étrangère au sein de la commune par la création d'activités collectives que par le renforcement de la sécurité publique notamment pour la circulation en centre ville. Le second critère, celui de la contrepartie suffisante, est également satisfait : cette opération "a pour contreparties suffisantes, de permettre à ces associations de mener à bien, dans le cadre de leurs statuts, leurs projets et de disposer d'un lieu de réunion adapté à la réalisation de ceux-ci par sa dimension et ses accès ; qu'ainsi, en déniant à cette opération un caractère d'intérêt communal, la cour a inexactement qualifié les faits qui lui étaient soumis". Ainsi que le relevait le Professeur F. Melleray, la seconde condition se confond avec la première (49). L'intérêt de cet arrêt vient du fait que l'intérêt général poursuivi par le bénéficiaire de la cession a trait à son activité en elle-même.

D - L'appréciation du caractère suffisant des contreparties lorsque l'opération répond à un intérêt général

Dans l'affaire présentement commentée soumise au Conseil d'Etat, le prix de cession était six fois moindre (cinq euros le m² pour une valeur vénale de trente euros le m²), ce qui nécessitait des contreparties. Ce qui pose difficulté en pratique pour les praticiens, qu'ils soient élus, services administratifs, conseils, avocats ou juges, est l'appréciation de leur nature et de leur caractère suffisant lorsqu'elles ne revêtent pas un caractère onéreux (50). Les contreparties attendues ne présentent en effet pas toujours un caractère monétaire. C'est justement sur ce point que l'arrêt du 14 octobre 2015 apporte des précisions. Le Conseil d'Etat explicite le raisonnement à tenir une fois que la cession est justifiée par un motif d'intérêt général, qui constitue le premier temps du raisonnement, la condition première à remplir. Le second temps porte alors sur les modalités d'appréciation des contreparties invoquées par la collectivité cédante : il s'agit d'"identifier, au vu des éléments qui lui sont fournis, les contreparties que comporte la cession, c'est-à-dire les avantages que, eu égard à l'ensemble des intérêts publics dont la collectivité cédante a la charge, elle est susceptible de lui procurer, et de s'assurer, en tenant compte de la nature des contreparties et, le cas échéant, des obligations mises à la charge des cessionnaires, de leur effectivité ; qu'il doit, enfin, par une appréciation souveraine, estimer si ces contreparties sont suffisantes pour justifier la différence entre le prix de vente et la valeur du bien cédé". C'est pour méconnaissance de ce principe que le Conseil d'Etat annule pour erreur de droit l'arrêt rendu par la cour administrative d'appel de Lyon.

Cette dernière a commis une erreur en estimant que ni les avantages en matière d'hygiène et de sécurité publiques, ni la possibilité d'économiser le coût d'aménagement d'une aire d'accueil pour les gens du voyage et les coûts d'entretien de terrains irrégulièrement occupés, dont la commune se prévalait devant elle, ne pouvaient être comptés au nombre des contreparties de la cession. Les conditions d'intérêt général et de contreparties suffisantes se confondent, à l'instar des faits ayant donné lieu à la décision "Commune de Mer" du 25 novembre 2009 citée plus avant (51). Les contreparties à prendre en considération ne se limitent pas au prix de cession, mais portent également sur les avantages autres pour la collectivité cédante que va lui procurer la vente du terrain ou, de manière plus générale, de l'immeuble. En l'espèce, les trois éléments mis en avant par la commune -hygiène et sécurité publiques, baisse des coûts d'entretien et économie quant à la réalisation d'une aire d'accueil des gens du voyage- devaient être pris en compte dans l'appréciation des deux conditions et devront l'être par la juridiction de renvoi. Les considérations ayant trait à l'hygiène relèvent des obligations de la commune, que ce soit au titre du service public s'agissant de l'hygiène (assainissement, etc.) et/ou de la police administrative s'agissant de la sécurité, devaient être prises en compte dès lors que la cession constitue un moyen de les satisfaire. Les deux autres étaient relatives aux finances locales et aux économies susceptibles d'être réalisées dès lors que la commune n'aura plus à supporter la charge financière des terrains devant être cédés et que cette opération réduit en même temps son obligation quant à la réalisation d'une aire d'accueil des gens du voyage qui pourra avoir une taille moindre, les bénéficiaires de la cession étant de gens de voyage sédentarisés. Les contreparties ne s'analysent donc pas que comme le versement du prix, mais également sur les avantages financiers (gains, et économies) espérés grâce à la cession opérée. Il s'agit d'un principe de compensation largement apprécié destiné à équilibrer la cession d'un immeuble communal à un prix inférieur à sa valeur vénale. Mais dès lors que ces contreparties attendues ont trait aux obligations d'une commune, s'agissant d'obligations légales dont certaines relatives aux services publics, il devient difficile de considérer que l'activité par laquelle une personne publique gère son domaine immobilier privé ne constitue pas une mission de service public (52) dès lors que cette gestion y participe.


(1) CE, 24 mai 1995, n° 150360 (N° Lexbase : A4125AN4), rec. p. 208.
(2) Voir CE, 6 avril 1906, Balliman, rec. p. 328 ; CE 9 novembre 1917, Buneau et autres, rec. p. 703.
(3) CE 3° et 8° s-s-r., 10 avril 2015, n° 370223, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5030NGE), Contrats-Marchés publics, 2015, comm. n° 156, note J.-P. Pietri, RFDA, 2015, p. 926, concl. B. Bohnert.
(4) TA Dijon, 5 mars 2013, n° 1200312.
(5) CAA Lyon, 19 décembre 2013, n° 13LY01144 (N° Lexbase : A2098NZQ).
(6) Arrêt rapporté, BJCP, 2015, p. 294, concl. B. Bohnert, Contrats et marchés publics, 2015, comm. n° 156, note J.-P. Pietri, JCP éd. A, 2015, act. 871, note M. Touzeil-Divina.
(7) CGCT, art. L. 2122-21 (N° Lexbase : L9560DNE).
(8) CGCT, art. L. 2121-13 (N° Lexbase : L8562AAD).
(9) Voir CE, 8 juin 2011, n° 327515 (N° Lexbase : A5427HT8), au recueil, Contrats-Marchés publics, 2011, comm. n° 304, note J.-P. Pietri ; CE 3° et 8° s-s-r., 10 avril 2015, n° 370223, préc..
(10) CE, 11 mai 2011, n° 324173 (N° Lexbase : A8717HQW), rec. tables, p. 802, BJCL, 2011, p. 409, concl. N. Boulouis, Contrats-Marchés publics, 2011, comm. n° 269, note G. Eckert, JCP éd. A, 2011, 2282, note D. Dutrieux. Voir B. P.-Vantol, L'avis du service des domaines dans les transactions immobilières des collectivités territoriales, Defrénois, 2008, art. 38736, p. 624.
(11) CAA Marseille, 7ème ch., 22 avril 2014, n° 12MA00012 (N° Lexbase : A1513MMY), BJCL 6/2014, p. 391, nos concl..
(12) CGCT, art. L. 2121-13. Voir par ex. CAA Marseille, 2 décembre 2014, n° 11MA04789 (N° Lexbase : A2625NZA).
(13) CE, 23 décembre 2014, n° 364785 et n° 364786 (N° Lexbase : A8047M8K), rec. tables, p. 900, RD imm., 2015, p. 147, obs. P. Soler-Couteaux.
(14) CE, 23 octobre 2015, n° 369113 (N° Lexbase : A0318NUC), Contrats et Marchés publics, 2015, comm. n° 292, note M. Ubaud-Bergeron.
(15) Voir par ex. CAA Marseille, 7ème ch., 21 décembre 2012, n° 11MA00149 (N° Lexbase : A4426I4P), Droit de la voirie et du domaine public, 2013, n° 173, p. 138, nos concl..
(16) CE, 23 octobre 2015, n° 369113, préc..
(17) CE, 12 juin 1987, n° 71961 (N° Lexbase : A3798APD), rec. tables, p. 629 ; CE, 8 février 1999, n° 168043 (N° Lexbase : A4629AXQ) ; CE, 27 janvier 2010, n° 313247 (N° Lexbase : A7555EQU), rec. tables, p. 763, AJDA, 2010, p. 1282, note A. Legrand.
(18) CE, 24 janvier 1994, n° 127873 (N° Lexbase : A9293ARM).
(19) CAA Marseille, 25 février 2010, n° 07MA03620 (N° Lexbase : A1458E77), AJDA, 2010, p. 1200, concl. F. Dieu.
(20) Lire nos obs., Les contrats de cession d'immeubles du domaine privé, La Gazette des communes, 27 octobre 2008, p. 56.
(21) T. confl., 10 mai 1993, n° 02850 (N° Lexbase : A5900BKQ), rec. p. 399.
(22) T. confl., 15 novembre 1995, n° 03144 (N° Lexbase : A6678A7H), rec. p. 478 ; T. confl., 8 décembre 2014, n° 3979 (N° Lexbase : A6242M7C).
(23) T. confl., 13 octobre 2014, n° 3963 (N° Lexbase : A6721MYL), rec. p. 471, RFDA, 2014, p. 1068, concl. F. Desportes, AJDA, 2014, p. 2180, chron. J. Lessi et L. Dutheillet de Lamothe, RDP, 2015, p. 869, note A. Basset, Contrats et Marchés publics, 2014, comm. n° 122, note G. Eckert.
(24) CE, 29 avril 2013, n° 364058 (N° Lexbase : A8818KCL), rec. tables, p. 592-764, JCP éd., A 2013, n° 2327, note J.-F. Giacuzzo.
(25) Par ex. CE, 5 octobre 1988, n° 171737 (N° Lexbase : A8370ASS) ; CE, 8 février 1999, n° 168043 (N° Lexbase : A4629AXQ).
(26) T. confl., 22 novembre 2010, n° 3764 (N° Lexbase : A4408GLT), rec. p. 590, BJCP, 2010, p. 55, concl. P. Collin, RJEP, 2011, comm. 13, note G. Pélissier, Contrats-Marchés publics, 2011, comm. 26, AJDA, 2010, p. 2423, chron. D. Botteghi et A. Lallet, Dr. adm. 2011, comm. 20, note F. Melleray, AJDA, 2010, p. 841, note O. Févrot, JCP éd. A, 2011, act. 537, obs. G. Eveillard.
(27) Par ex. CE, 8 février 1999, n° 168043 (N° Lexbase : A4629AXQ) ; CAA Paris, 21 mars 2003, n° 01PA03769 (N° Lexbase : A0775B7T) ; CAA Versailles, 15 octobre 2009, n° 08VE00072 (N° Lexbase : A8304ENU).
(28) CE, 24 janvier 1994, n° 127873 (N° Lexbase : A9293ARM).
(29) CE, 8 juin 2011, n° 327515, préc..
(30) Voir par exemple pour le défaut de transmission de l'avis de France Domaine, CE 3° et 8° s-s-r., 10 avril 2015, n° 370223, préc..
(31) CE, Sect., 10 mars 1995, n° 108753 (N° Lexbase : A2925ANN), rec. p. 123, RFDA, 1996, p. 429, concl. H. Savoie, CJEG, 1995, p. 192, concl. H. Savoie, Dr. adm., 1995, comm. n° 577.
(32) Cons. const., décision n° 2010-67/86 QPC du 17 décembre 2010 (N° Lexbase : A1870GNL), JCP éd. A, 2011, n° 2002, note P. Yolka, Dr. adm., 2011, comm. n° 30, note J. Marchand.
(33) § 58, JORF, 27 juin 1986, p. 7978, AJDA, 1986, p. 575, note J. Rivero.
(34) Cons. const., déc. 24 juillet 2008, n° 2008-567 DC (N° Lexbase : A7893D99), AJDA, 2008, p. 1164, note Dreyfus, BJCP, 2008, p. 310, note Terneyre, Contrats-Marchés publics, 2008, repère 8, obs. Llorens et Soler-Couteaux ; D., 2008, J., p. 2356, note Apelbaum et Debouzy, Gaz. Pal., 8-9 août 2008, p. 2, note Linotte, JCP éd. A, 2008, n° 44, p. 37, note Gardères et Labayle-Pabet, LPA, 7 août 2008, p. 11, note Mouannès, RFDA, 2008, p. 1233, note Roblot-Troizier ; Cons. const., décision n° 2010-67/86 QPC du 17 décembre 2010, préc..
(35) Voir également Cons. const., décision n° 2010-67/86 QPC du 17 décembre 2010, préc., § 3.
(36) Voir à ce sujet, T. Rombauts, La relance des contreparties, Dr. adm., 2010, Etude 13.
(37) CE, Sect., 19 mars 1971, n° 79962 (N° Lexbase : A2915B8H), rec. p. 265, concl. M. Rougevin-Baville.
(38) Par ex. CE, 25 septembre 2009, n° 298918 (N° Lexbase : A3326ELR), rec. tables, p. 639-947, JCP éd. A, 2009, act. 1112, chron. C. Chamard-Heim, Dr. adm., 2009, comm. 148, F. Melleray (annulant une délibération cédant un bien estimé entre 710 000 euros et 770 000 euros, cédé pour un montant de 533 571 euros).
(39) TA Clermont-Ferrand, 27 février 2007,n° 0601642, LPA, 14 septembre 2007, n° 185, p. 9, nos obs..
(40) Voir C. Bosgiraud, Les ventes à l'euro symbolique consenties par les personnes publiques, JCP éd. A, 2011, n° 2359 ; S. Damarey, Le prix symbolique en droit public, AJDA, 2003, p. 2298.
(41) Voir P. Yolka, Sur un Lazare contentieux : l'arrêt Commune de Fougerolles, AJDA, 2010, p. 51.
(42) CE, 3 novembre 1997, n° 169473 (N° Lexbase : A5175ASH), Rec. p. 391, D. 1998, J., p. 131, note J.-F. Avignon, JCP éd. G, 1998, II, 10007, note R. Pastria, CJEG, 1998, p. 16, concl. L. Touvet, RFDA, 1998, p. 12, JCP éd. E, 1998, p. 270, note F. Chouvel, Dr. adm., 1997, comm. n° 387, obs. L.T., LPA, 6 février 1998, n° 16, p. 13, note J. Calvo.
(43) CAA Bordeaux, 8 novembre 2005, n° 02BX00744 (N° Lexbase : A6103DLM), JCP éd. A, 2006, n° 1041.
(44) Sur le mécanisme d'aide et l'impossibilité pour les commune d'accorder des rabais sur le prix de vente des immeubles qu'elles cèdent aux entreprises dans la limite de 25 % de la valeur vénale évaluée aux conditions du marché, voir CE, 27 février 1995, n° 143050 (N° Lexbase : A2858AN8), rec. p. 108 ; RDImm., 1995, p. 738, note J.-B. Auby. Dans cette affaire était concernée la cession par la commune de deux locaux pour le franc symbolique à une société civile immobilière en vue de la réalisation d'une librairie, mais le plafond posé par le texte règlementaire n'était pas respecté. L'annulation de la délibération est confirmée, après que la Haute juridiction administrative a écarté comme étant inopérants les moyens tirés de ce que ces locaux, dont les charges de copropriété pesaient lourdement sur le budget communal (soit 190 000 francs), n'auraient trouvé aucun preneur depuis quinze ans et que l'opération aurait permis de redonner vie aux commerces du centre-ville pour justifier légalement ce prix de vente, alors que l'immeuble était estimé à 1,4 millions de francs.
(45) CGCT, art. R. 1511-4 (N° Lexbase : L3285I33), R. 1511-12 (N° Lexbase : L6419I37) et R. 1511-14 (N° Lexbase : L2672IG3).
(46) Voir, par exemple, s'agissant de la cession par une commune de trois parcelles, à un prix symbolique pour l'une et à une valeur moindre que la valeur vénale, au profit de la communauté urbaine afin que cette dernière puisse réaliser des équipements, telle qu'une piscine communautaire et permettre la construction d'un carrefour giratoire servant à la desserte d'une zone d'activité économique, CE, 15 mai 2012, n° 351416 (N° Lexbase : A0943IMU), jugeant que "la commune tirera de la construction de la piscine communautaire et de la réalisation du carrefour giratoire des avantages importants ; que si le prix de vente des parcelles est effectivement, pour l'une d'entre elle, symbolique, pour les deux autres, inférieur au prix du marché, le bénéfice attendu pour les habitants de la commune de ces équipements d'intérêt général est de nature à constituer une contrepartie suffisante à l'économie générale de cette cession".
(47) TA Nantes, 28 avril 1998, n° 97-4256 (N° Lexbase : A3652BTG), rec. tables, p. 773, Dr. adm., 1998, comm. n° 243. Confirmé en appel par CAA Nantes, 30 juin 2000, n° 00NT00040 (N° Lexbase : A6394BHB), rec. tables, p. 814-857-986, AJDA, 2000, p. 951 et 885.
(48) CE, 25 novembre 2009, n° 310208 (N° Lexbase : A1309EP8), rec. p. 472, AJDA, 2010, p. 51, note Ph. Yolka, Dr. adm., 2010, comm. 23, note F. Melleray, JCP éd. A, 2010, 2031, note C. Chamard-Heim, Contrats et Marchés publics, 2010, comm. n° 41, note G. Eckert.
(49) F. Melleray, note préc..
(50) Voir par ex. CAA Marseille, 22 novembre 2010, n° 08MA03509 (N° Lexbase : A7999GS3), AJDA, 2011, p. 171, nos concl. (pour un désistement dans le cadre d'une action en rétrocession en contrepartie d'une cession d'une dépendance communale).
(51) CE, 25 novembre 2009, n° 310208, préc..
(52) Par ex . en ce sens, T. confl., 24 novembre 1894, Loiseleur, rec. p. 631, D., 1896, III, 3 ; T. confl., 18 juin 2001, n° 3241 (N° Lexbase : A5606BQP), p. 743, Bull. civ. I, n° 16, D., 1896, III, 3 ; T. confl., 19 janvier 2004, n° 3375 (N° Lexbase : A9910DT9), rec. p. 510.

newsid:450437

Consommation

[Brèves] Information sur les prix aux consommateurs : mise en place d'un dispositif de prise de position formelle de la DGCCRF

Réf. : Ordonnance n° 2015-1628 du 10 décembre 2015, relative aux garanties consistant en une prise de position formelle, opposable à l'administration, sur l'application d'une norme à la situation de fait ou au projet du demandeur, art. 1er (N° Lexbase : L6732KUU)

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N0498BWD

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Le 17 Décembre 2015

L'article 9 de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 (N° Lexbase : L0720I7S) a autorisé le Gouvernement à prendre toute mesure relevant du domaine de la loi ayant pour objet de permettre à une autorité administrative "d'accorder, à une personne qui le demande, une garantie consistant en une prise de position formelle, opposable à l'administration, sur l'application d'une norme à sa situation de fait ou à son projet". Une ordonnance, publiée au Journal officiel du 11 décembre 2015 (ordonnance n° 2015-1628 du 10 décembre 2015, relative aux garanties consistant en une prise de position formelle, opposable à l'administration, sur l'application d'une norme à la situation de fait ou au projet du demandeur N° Lexbase : L6732KUU), modifie six codes dont le Code de la consommation. Ainsi, l'article 1er de l'ordonnance crée un article L. 113-3-3 dans ce code (N° Lexbase : L6623KUT) qui met en place un dispositif de prise de position formelle de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour les professionnels quant à l'information sur les prix qu'ils donnent aux consommateurs. L'information sur les prix est, en effet, une obligation qui s'impose à l'ensemble des opérateurs commerciaux, quel que soit le secteur concerné, et qui est, depuis la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, relative à la consommation (N° Lexbase : L7504IZX), contrôlée et sanctionnée par la DGCCRF. L'administration pourra, sur demande écrite, précise et complète de la part de professionnels de bonne foi, apprécier le caractère lisible et compréhensible de l'information, l'adaptation au produit du procédé et support d'information choisi, ou encore la pertinence des raisons qui empêchent de calculer le prix à l'avance et le caractère compréhensible du mode de calcul du prix. La prise de position formelle de l'administration l'engagera et préservera le professionnel de toute sanction même en cas d'erreur d'appréciation de l'administration. L'ordonnance fixe également les conditions dans lesquelles la garantie ainsi octroyée prend fin, à savoir :
- à la date à laquelle la situation du professionnel n'est plus identique à celle présentée dans la demande ;
- à la date à laquelle est intervenue une modification dans la législation ou la réglementation applicable de nature à affecter la validité de la garantie ;
- à compter du jour où l'autorité administrative notifie au professionnel la modification de son appréciation. Cette notification fait l'objet d'une information préalable du professionnel.
Ces dispositions entrent en vigueur le 1er janvier 2016.

newsid:450498

Contrat de travail

[Jurisprudence] Nullité de la clause de non-concurrence assortie d'une faculté de renonciation anticipée : la Cour de cassation n'en fait-elle pas trop ?

Réf. : Cass. soc., 2 décembre 2015, n° 14-19.029, FS-P+B (N° Lexbase : A6908NYI)

Lecture: 7 min

N0428BWR

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par Christophe Radé, Professeur à la Faculté de droit de Bordeaux, Directeur scientifique de Lexbase Hebdo - édition sociale

Le 17 Décembre 2015

La lecture de certaines décisions rendues par la Chambre sociale de la Cour de cassation laisse parfois un goût amer, et le sentiment que dans un certain nombre d'affaires la mobilisation de principes salutaires sert des intérêts particuliers pas toujours dignes d'intérêt. C'est le sentiment éprouvé à la lecture d'un arrêt rendu par la Haute juridiction le 2 décembre 2015, qui affirme, pour la première fois à notre connaissance, que la clause de non-concurrence ne peut comporter de faculté de renonciation anticipée au bénéfice de l'employeur (I) et que la sanction doit être la nullité de la clause dans son ensemble, ce qui a pour effet de permettre au salarié de se faire embaucher au service d'un concurrent juste après sa démission (II).
Résumé

Est nulle dans son ensemble la clause de non-concurrence qui confère à l'employeur la faculté de renoncer à tout moment, avant ou pendant la période d'interdiction, aux obligations qu'elle faisait peser sur le salarié, ce dernier ayant été laissé dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler.

Commentaire

I - La prohibition d'une faculté anticipée de renonciation à la clause de non-concurrence

Contexte. La reconnaissance, à partir de 2002, d'un droit à contrepartie financière du salarié lié par une clause de non-concurrence, a profondément modifié l'analyse que la jurisprudence fait des intérêts en présence. Jusqu'à lors, la clause apparaissait comme un frein à l'emploi ; désormais elle pourrait bien apparaître comme une source de revenus.

Ce changement de paradigme n'est pas sans effet sur la validité des clauses de renonciation stipulées au bénéfice des employeurs.

C'est en 2010, dans l'arrêt "société Dyneff", que la Chambre sociale de la Cour de cassation a, pour la première fois, affirmé que "le salarié ne pouvant être laissé dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler, la clause par laquelle l'employeur se réserve la faculté, après la rupture, de renoncer à la clause de non-concurrence à tout moment au cours de l'exécution de celle-ci doit être réputée non écrite" (1).

Cette solution, qui concerne la renonciation au moment de la rupture du contrat et qui impose une renonciation immédiate, a été complétée en 2015 : lorsque le contrat permet à l'employeur de renoncer à la clause en notifiant cette décisions au plus tard huit jours après la rupture du contrat, ce dernier ne peut renoncer avant la rupture : "la clause de non-concurrence, dont la validité est subordonnée à l'existence d'une contrepartie financière, est stipulée dans l'intérêt de chacune des parties au contrat de travail, de sorte que l'employeur ne peut, sauf stipulation contraire, renoncer unilatéralement à cette clause, au cours de l'exécution de cette convention" (2).

L'arrêt semblait donc réserver la possibilité de stipuler une faculté de renonciation en cours d'exécution du contrat de travail. Or, c'est cette possibilité qui est niée dans cette décision.

Les faits. Un salarié, embauché en mars 2003 en qualité de technico-commercial et exerçant au moment de la rupture de son contrat de travail des fonctions de responsable secteur vente, a démissionné fin juillet 2010 pour entrer au service d'un concurrent, quinze jours après l'expiration de son préavis, en dépit d'une clause de non-concurrence, et a saisi la juridiction prud'homale de différentes demandes. Il demandait, notamment, l'annulation de sa clause de non-concurrence, en raison d'une stipulation particulière par laquelle l'employeur se réservait la faculté d'y renoncer à tout moment, avant ou pendant la période d'interdiction. Il a obtenu gain de cause et la cour d'appel de Montpellier a déclaré illicite sa clause de non-concurrence, lui a accordé, à ce titre, trois mille euros de dommages et intérêts, et a débouté ce dernier de sa demande en paiement de la somme forfaitaire en cas de non-respect de cette clause d'un montant de 23 683,12 euros.

Le pourvoi. Dans son pourvoi, l'employeur considérait que l'illicéité de la faculté de renonciation anticipée ne devait pas affecter l'ensemble de la clause de non-concurrence.

La cassation. Cet argument n'a pas convaincu la Chambre sociale de la Cour de cassation qui rejette le pourvoi et adresse au passage un satisfecit à la cour de Montpellier qui a "exactement" déduit ce ses observations que la clause devait être annulée "en son ensemble", dès lors que la "clause réservait à l'employeur la faculté de renoncer à tout moment, avant ou pendant la période d'interdiction, aux obligations qu'elle faisait peser sur le salarié" qui "avait été laissé dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler".

II - La prohibition des facultés de renonciation à la clause de non-concurrence à tout moment

L'illicéité de la faculté de renonciation anticipée à la clause de non-concurrence. C'est à notre connaissance la première fois que la Haute juridiction se prononce explicitement sur la validité d'une faculté de renonciation anticipée à une clause de non-concurrence, pour l'exclure au nom du principe dégagé en 2010 selon lequel le salarié ne saurait être "laissé dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler".

Cette extension de la jurisprudence "société Dyneff" aux facultés de renonciation anticipée nous semble discutable.

La Cour de cassation veillerait ainsi au respect d'une certaine sécurité juridique pour le salarié, ce qui explique qu'elle refuse qu'une faculté de renonciation puisse s'exercer sur une période trop longue, qu'il s'agisse de la période d'exécution du contrat de travail proprement dite, ce qui résulte de la décision commentée, ou, à plus forte raison, de la période d'exécution de la clause elle-même, ce qui résultait de l'arrêt "société Dyneff". Dans cette dernière hypothèse, la solution se comprend car le salarié qui quitte l'entreprise doit savoir sur quel type de poste il peut ou non candidater, selon que l'employeur entend ou non faire usage de la clause ; permettre à l'employeur de renoncer au bout de quelques semaines, voire de quelques mois, serait préjudiciable au salarié qui aurait pu laisser passer sa chance de trouver un emploi dans le même secteur d'activité et pour des fonctions comparables.

On peut, en revanche, douter de la nécessité de prohiber toute faculté de renonciation pendant la durée de vie du contrat, c'est-à-dire avant même que la clause n'entre en application, au regard même des principes posés.

En premier lieu, rappelons que la clause de non-concurrence se justifie avant tout par la nécessité de protéger les intérêts de l'entreprise, compte tenu du risque de voir le salarié révéler à la concurrence des éléments stratégiques. Or, cet intérêt dépend étroitement des fonctions occupées par le salarié, et on sait d'ailleurs que la justification de la clause se vérifie d'abord au regard de ces fonctions. Si le salarié change de fonctions, alors l'intérêt de la clause peut disparaître, ce qui justifie la possibilité reconnue à l'employeur de renoncer à une clause devenue sans intérêt. Quant à la nécessité de permettre au salarié d'être fixé sur l'étendu de ses droits, cette exigence se justifie au moment où le contrat de travail est rompu lorsque le salarié cherche un nouvel emploi, mais pas pendant la vie du contrat, puisque par hypothèse, il n'est pas censé rechercher un nouvel emploi. Dans la mesure où il sait que l'employeur peut renoncer à la clause en cours d'exécution du contrat, il ne sera, par ailleurs, pas surpris s'il exerce cette faculté, qui plus est si c'est au moment d'un changement de fonctions.

En second lieu, la solution repose en réalité sur l'idée, exprimée dernièrement dans l'arrêt "société Delta", que la clause est stipulée dès le départ aussi dans l'intérêt du salarié, et que ce dernier doit pouvoir compter sur son versement au moment de la rupture du contrat de travail. Or, nous contestons cette affirmation car la clause de non-concurrence est d'abord stipulée dans l'intérêt de l'entreprise, le versement d'une contrepartie financière n'étant qu'une compensation, et non la promesse d'un salaire d'inactivité (3).

L'illicéité affectant l'ensemble de la clause. Dans cette affaire, le demandeur avait certainement jugé préférable de ne pas se battre sur l'illicéité de la faculté de renonciation unilatérale, ce qu'il aurait sans doute dû également faire, et de concentrer ses efforts sur l'étendue de la sanction. Dans la mesure où il n'avait pas renoncé à la clause et qu'il cherchait au contraire à la sauver pour l'opposer au salarié, il avait intérêt à admettre que la faculté de renonciation était réputée non écrite, et pouvait d'ailleurs se prévaloir des termes mêmes de l'arrêt "société Dyneff" (4) et d'un certain nombre de décisions ayant neutralisé certains éléments de clause, notamment celles restreignant les hypothèses dans lesquels la contrepartie financière serait due (5).

Tel n'est pas l'avis de la Cour de cassation qui admet que cette faculté anticipée rendait la clause nulle dans son ensemble, ce qui interdit à l'employeur, qui n'a pas renoncé, de s'en prévaloir, pire, qu'il soit condamné à des dommages et intérêts en raison de ce caractère illicite, et ce, alors que le salarié était presque immédiatement après sa démission entré au service d'un concurrent.

Cette solution, sévère, pour ne pas dire injuste, pour l'employeur, peut également être discutée dans la mesure où il aurait été parfaitement possible de séparer cette stipulation du reste, si la Cour avait un tant soit peu l'intention de faire vivre la clause de non-concurrence, comme d'ailleurs cela résultait de l'arrêt "société Dyneff". Faut-il le rappeler, dans la décision commentée il ne s'agissait pas de savoir si la renonciation de l'employeur était valable, comme c'était le cas dans les autres affaires, mais bien au contraire de savoir si le salarié pouvait entrer au service d'un concurrent, alors qu'il était lié par une clause, sous prétexte que cette dernière était assortie d'une faculté de renonciation unilatérale au bénéfice de l'employeur, qui n'avait pas été mise en oeuvre !

La Cour ne fait donc ici aucun effort pour sauver la clause, au nom du respect d'un hypothétique intérêt du salarié, comme si l'intérêt économique de l'entreprise passait au second plan derrière l'intérêt immédiat du salarié, oubliant sans doute un peu rapidement que l'intérêt de l'entreprise, ce n'est pas l'intérêt uniquement de l'employeur, mais que c'est aussi celui de ses salariés ... auxquels leur ancien collègue joue ainsi un bien vilain tour...


(1) Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 09-41.626, FS-P+B+R (N° Lexbase : A6837E4Y) et nos obs., Heurs et malheurs de la faculté de renonciation à la clause de non-concurrence, Lexbase Hebdo n° 406 du 2 septembre 2010 - édition sociale (N° Lexbase : N0341BQP). Dans le même sens Cass. soc., 22 septembre 2010, n° 08-45.341, F-D (N° Lexbase : A2159GA9).
(2) Cass. soc., 11 mars 2015, n° 13-22.257, FS-P+B (N° Lexbase : A3163NDI) et nos obs., Les modalités de renonciation à la clause de non-concurrence doivent être définies avec clarté et précision par le contrat de travail, Lexbase Hebdo n° 606 du 26 mars 2015 - édition sociale (N° Lexbase : N6557BUE).
(3) En ce sens, notre comm., sous l'arrêt du 11 mars 2015, n° 13-22.257, FS-P+B, préc.
(4) Cass. soc., 13 juillet 2010, n° 09-41.626, FS-P+B+R, préc. : "le salarié ne pouvant être laissé dans l'incertitude quant à l'étendue de sa liberté de travailler, la clause par laquelle l'employeur se réserve la faculté, après la rupture, de renoncer à la clause de non-concurrence à tout moment au cours de l'exécution de celle-ci doit être réputée non écrite".
(5) Cass. soc., 8 avril 2010, n° 08-43.056, FS-P+B (N° Lexbase : A5805EUK) ; Cass. soc., 25 janvier 2012, n° 10-11.590, FS-P+B (N° Lexbase : A4389IB8) ; Cass. soc., 9 avril 2015, n° 13-25.847, FS-P+B (N° Lexbase : A5250NGK).

Décision

Cass. soc., 2 décembre 2015, n° 14-19.029, FS-P+B (N° Lexbase : A6908NYI).

Rejet (CA Montpellier, 16 avril 2014)

Textes : C. trav., art. L. 1221-1 (N° Lexbase : L0767H9B) et C. civ., art. 1134 (N° Lexbase : L1234ABC).

Mots clef : clause de non-concurrence ; renonciation anticipée ; nullité.

Lien base : (N° Lexbase : E8734ESB).

newsid:450428

Contrat de travail

[Brèves] Absence de coemploi caractérisé entre une filiale et la société mère ayant renoncé à apporter son concours financier afin d'éviter une liquidation judiciaire de la filiale

Réf. : Cass. soc., 10 décembre 2015, n° 14-19.316, FS-P+B (N° Lexbase : A1886NZU)

Lecture: 2 min

N0555BWH

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Le 19 Décembre 2015

Ne peut suffire à caractériser une situation de coemploi le fait que les dirigeants de la filiale proviennent du groupe et soient en étroite collaboration avec la société mère, et que celle-ci ait pris durant les quelques mois suivant la prise de contrôle de la filiale des décisions visant à sa réorganisation dans le cadre de la politique du groupe, puis ait renoncé à son concours financier destiné à éviter une liquidation judiciaire de la filiale, tout en s'impliquant dans les recherches de reclassement des salariés au sein du groupe. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 10 décembre 2015 (Cass. soc., 10 décembre 2015, n° 14-19.316, FS-P+B N° Lexbase : A1886NZU).
En l'espèce, la société X et les actionnaires de la société Y, employant, au 5 mai 2010, un effectif de 284 salariés répartis sur quatre sites, dont le principal était situé à Alès, ont signé une convention d'achat d'actions en exécution de laquelle les ordres de mouvement de titres ont été réalisés au bénéfice de la société X le 24 novembre 2010, devenant actionnaire unique. Le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la société Y convertie en liquidation judiciaire par jugement du 5 mai 2011. Le liquidateur a élaboré un PSE et procédé au licenciement pour motif économique de l'ensemble des salariés de la société Y. Ceux-ci ont saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement de sommes au titre d'indemnité de licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse, du manquement à l'obligation de formation, et pour certains, de la gratification due pour la médaille d'honneur, formulées à titre principal à l'encontre de la société X, en qualité de coemployeur.
La cour d'appel (plusieurs arrêts dont CA Nîmes, 15 avril 2014, n° 12/04552 N° Lexbase : A1772MKT) ayant fait droit à ces demandes, la société X s'est pourvue en cassation.
Cependant, en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l'arrêt d'appel au visa de l'article L. 1221-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0767H9B) (dans le même sens, voir Cass. soc., 9 juin 2015, n° 13-26.558, F-D N° Lexbase : A8840NKM ; Cass. soc., 22 octobre 2015, n° 14-15.780, F-D N° Lexbase : A0267NUG) .

newsid:450555

Contrôle fiscal

[Brèves] Application de la majoration de 80 % pour activité occulte : renversement de la charge de la preuve ?

Réf. : CE 3°, 8°, 9° et 10° s-s-r., 7 décembre 2015, n° 368227, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0405NZZ)

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N0452BWN

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Le 24 Décembre 2015

Dans le cas où un contribuable n'a ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, l'administration doit être réputée apporter la preuve, qui lui incombe, de l'exercice occulte de l'activité professionnelle si le contribuable n'est pas lui même en mesure d'établir qu'il a commis une erreur justifiant qu'il ne se soit acquitté d'aucune de ces obligations déclaratives. S'agissant d'un contribuable qui fait valoir qu'il a satisfait à l'ensemble de ses obligations fiscales dans un Etat autre que la France, la justification de l'erreur commise doit être appréciée en tenant compte tant du niveau d'imposition dans cet autre Etat que des modalités d'échange d'informations entre les administrations fiscales des deux Etats. Telle est la solution dégagée par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 7 décembre 2015 (CE 3°, 8°, 9° et 10° s-s-r., 7 décembre 2015, n° 368227, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0405NZZ). En effet, lorsque le contribuable n'a pas déposé dans le délai légal les déclarations qu'il était tenu de souscrire et n'a pas fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, la majoration de 80 % qu'il est prévu d'instituer au dernier alinéa du 3 de l'article 1728 du CGI (N° Lexbase : L9544IY7) s'applique, et il incombe alors à l'administration d'apporter la preuve de l'exercice occulte de l'activité professionnelle (Cons. const., 29 décembre 1999, n° 99-424 DC N° Lexbase : A8787ACG). En l'espèce, la cour administrative d'appel de Marseille a déchargé la société requérante, espagnole, des pénalités qui lui ont été appliquées sur le fondement des dispositions de l'article 1728 car il appartenait à l'administration de prouver les agissements intentionnellement dissimulés par la société (CAA Marseille, 22 mars 2013, n° 10MA01903 N° Lexbase : A7241KBS). Toutefois, pour la Haute juridiction, l'administration devait juste rechercher si la société avait été en mesure d'établir qu'elle avait commis une erreur justifiant qu'elle n'ait ni déposé dans le délai légal les déclarations qu'elle était tenue de souscrire, ni fait connaître son activité à un centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce, afin de pourvoir appliquer la majoration de 80 % pour activité occulte .

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Entreprises en difficulté

[Chronique] Chronique de droit des entreprises en difficulté - Décembre 2015

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Sophia-Antipolis

Le 19 Décembre 2015

Lexbase Hebdo - édition affaires vous propose de retrouver, cette semaine, la chronique de Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises, et Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Sophia-Antipolis, Co-directrice du Master 2 Droit des difficultés d'entreprise, Membre du CERDP (EA 1201), retraçant l'essentiel de l'actualité juridique rendue en matière de procédures collectives. Le Professeur Le Corre commente un arrêt publié au Bulletin rendu par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 17 novembre 2015 qui se prononce sur le sort des fonds déposés à la Caisse des dépôts et consignations après caducité de la procédure de séquestre (Cass. com., 17 novembre 2015, n° 14-19.504, F-P+B). Emmanuelle Le Corre-Broly a sélectionné, quant à elle, un arrêt rendu le même jour par la même formation relatif à l'incidence d'une déclaration effectuée hors délai en remplacement d'une précédente déclaration de créance (Cass. com., 17 novembre 2015, n° 14-18.759, F-D).
  • Le sort des fonds déposés à la Caisse des dépôts et consignations après caducité de la procédure de séquestre (Cass. com., 17 novembre 2015, n° 14-19.504, F-P+B N° Lexbase : A5466NXQ ; cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E0282EXQ)

On se souvient que, sous l'empire de la loi du 25 janvier 1985 (loi n° 85-98 N° Lexbase : L7852AGW), dans sa rédaction d'origine, les séquestres conventionnels conservaient toute leur efficacité en cas d'ouverture d'une procédure collective. Il en résultait que, selon le droit commun, le séquestre avait l'obligation de rendre la somme séquestrée à la personne qui était jugée devoir l'obtenir (1).

L'article 94 du décret du 28 décembre 2005 (N° Lexbase : L3297HET, devenu C. com., art. R. 622-19, al. 1er N° Lexbase : L1619IUI) a modifié la solution. Puis l'ordonnance n° 2008-1345 du 18 décembre 2008 (art. 30) a fait passer en partie législative (C. com., art. L. 622-21, II N° Lexbase : L3452ICT) la règle selon laquelle le jugement d'ouverture arrête toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture. Le législateur prend aujourd'hui le soin de prévoir dans une disposition unique que le jugement d'ouverture "arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles, ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture". Le législateur ne distingue plus selon que la procédure de distribution en cours s'inscrit ou non dans une voie d'exécution. La règle Ubi lex... interdit en conséquence à l'interprète de distinguer. Il en résulte que les séquestres conventionnels ne peuvent plus résister à l'ouverture d'une procédure collective (2) et tombent sous le coup de l'arrêt des poursuites individuelles et des voies d'exécution (C. com., art. L. 622-21).

L'article R. 622-19 du code, texte de la sauvegarde, est également applicable en redressement judiciaire (C. com., art. R. 631-20 N° Lexbase : L1003HZ8, anciennement décret du 28 décembre 2005, art. 189). Il prévoit l'obligation pour le séquestre de remettre les fonds -ce qui le libère- au mandataire judiciaire. Ce texte oblige à considérer que les fonds remis par le séquestre, au mandataire judiciaire, doivent être placés par ce dernier, qui en a l'obligation (C. com., art. L. 622-18 N° Lexbase : L3877HB9), à la Caisse des dépôts et consignations. Que deviennent-ils ensuite ? C'est la question posée dans l'arrêt commenté à la Cour de cassation.

En l'espèce, trois fonds de commerce sont cédés pour un prix de 4 200 000 euros. Le prix étant insuffisant à désintéresser les créanciers de chacun des fonds, opposition au paiement du prix a été formée par les créanciers. Le notaire, rédacteur de l'acte authentique de cession des fonds a, en octobre 2010, séquestré le prix global. Puis, les trois sociétés, propriétaires de chacun des fons de commerce, ont été placées en redressement judiciaire en février 2011. La procédure a été convertie en mai 2011 en liquidation judiciaire, le jugement de conversion ayant ensuite été annulé en octobre 2011. L'arrêt de la cour d'appel, après avoir annulé la conversion, a prononcé la liquidation judiciaire. Cet arrêt a ensuite été cassé et l'affaire a été renvoyée devant le tribunal pour la suite de la procédure. Autrement dit, les sociétés se sont à nouveau retrouvées en redressement judiciaire. Et la question s'est alors posée de savoir si le prix de cession des fonds de commerce séquestré avant l'ouverture de la procédure pouvait être utilisé pour assurer le redressement des entreprises.

A cette question, la Cour de cassation va répondre par la négative : "les fonds remis au mandataire judiciaire en raison de la caducité de la procédure de distribution en cours à l'ouverture de la procédure de redressement judiciaire et que le mandataire judiciaire a dû immédiatement verser à la Caisse des dépôts et consignations, n'ont pas vocation à financer une poursuite d'activité".

Si l'on fait abstraction des péripéties procédurales de cette affaire, il faut donc, pour raisonner simplement, se focaliser sur l'idée que les sociétés ont été placées en redressement judiciaire alors qu'une procédure de distribution était en cours. En application de l'article L. 622-21, I, 2° du Code de commerce, cette procédure est caduque. Les fonds doivent donc être remis au mandataire judiciaire par le séquestre, qui se trouve ainsi libéré. Le mandataire judiciaire, pour sa part, a l'obligation, sous peine de sanction financière personnelle, de les déposer à la Caisse des dépôts et consignations. Ces fonds sont alors à l'abri de toute saisie, en vertu de l'article L. 662-1 du Code de commerce (N° Lexbase : L4178HBD).

La suite est dictée par la lettre de l'article R. 622-19. Si un plan de sauvegarde -et la solution vaut pour le plan de redressement puisque la disposition s'applique en redressement judiciaire (C. com., art. R 631-20)- est adopté, les fonds sont remis au commissaire à l'exécution du plan aux fins de répartitions. Il apparaît donc très clairement que les fonds versés à la Caisse des dépôts et consignations ne peuvent être mouvementés avant la fin de la période d'observation. La règle énoncée par l'article R. 622-19, alinéa 2, du Code de commerce conduit à décider que ces fonds sont indisponibles pendant la période d'observation et qu'ils ne peuvent donc être utilisés par l'administrateur judiciaire ou le débiteur, lesquels ne peuvent donc demander l'arbitrage au juge-commissaire, sur le fondement de l'article R. 622-16, alinéa 2, du Code de commerce (N° Lexbase : L0888HZW), texte qui prévoit que "si la poursuite de l'activité l'exige, le juge-commissaire peut modifier la répartition des sommes entre, d'une part, les comptes de l'entreprise et, d'autre part, les comptes ouverts à la Caisse des dépôts et consignations".

Une fois le plan adopté, les fonds versés à la Caisse des dépôts et consignations ne peuvent servir qu'à une seule chose : des répartitions au profit des créanciers en anticipation sur les dividendes du plan.

On ne peut dès lors, devant un texte aussi clair, qu'approuver la Cour de cassation d'avoir estimé que ces fonds ne pouvaient servir à assurer la poursuite de l'activité.

Que se passe-t-il si, à l'issue de la période d'observation, il y a conversion en liquidation judiciaire ? L'article R. 641-24 du Code de commerce (N° Lexbase : L1052HZY) répond à la question. L'alinéa 2 de cet article prévoit que, "en cas de prononcé de la liquidation judiciaire pendant le cours d'une période d'observation, le mandataire judiciaire les [les fonds provenant de la procédure de distribution en cours] remet au liquidateur".

Ainsi, dans tous les cas, les fonds sont destinés à être distribués, dans le cadre des opérations de la procédure collective. On comprend ainsi que la caducité de la procédure de distribution en cours à l'ouverture de la procédure collective n'a pour seul objet que de changer les règles de distribution, pour tenir compte de la procédure collective et du nouveau classement qu'elle induit entre les créanciers, non de supprimer le principe de distribution.

Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université de Nice Sophia Antipolis, Directeur du Master 2 Droit des difficultés d'entreprises

  • L'incidence d'une déclaration effectuée hors délai en remplacement d'une précédente déclaration de créance (Cass. com., 17 novembre 2015, n° 14-18.759, F-D N° Lexbase : A5581NXY ; cf. l’Ouvrage "Entreprises en difficulté" N° Lexbase : E0295EX9)

Le créancier titulaire d'une créance antérieure au jugement d'ouverture de la procédure collective atteignant son débiteur doit déclarer sa créance dans le délai de deux mois visés à l'article R. 622-24 du Code de commerce (N° Lexbase : L6120I33). Ce délai court à compter de la publication du jugement d'ouverture, pour les créanciers qui ne sont pas titulaires de contrats ou de sûretés publiées. Dès lors que le créancier a procédé à sa déclaration de créance dans le délai, quelle est l'incidence d'une déclaration faite hors délai en remplacement de sa déclaration initiale ? Cette question est abordée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation dans un arrêt du 17 novembre 2015. La solution retenue suscite l'étonnement. Bien que cet arrêt ne soit pas publié au Bulletin, son intérêt mérite qu'on s'y attarde.

En l'espèce, deux créanciers membres d'un même groupe avaient assigné en responsabilité une société pour concurrence déloyale. A la suite du prononcé du redressement judiciaire du défendeur, les deux créanciers avaient, dans un premier temps et dans le délai légal de déclaration de créance, déclaré chacun une créance de 83 000 euros au passif du débiteur. Dans un second temps, après l'expiration du délai de déclaration de créance, les créanciers avaient chacun procédé à une nouvelle déclaration de créance, à hauteur de 65 000 euros, venant en remplacement des premières déclarations. Les juges du fond avaient déclaré irrecevables tant les secondes que les premières déclarations de créances. Pour cela, l'arrêt d'appel avait considéré que seules les secondes déclarations de créance devaient être prises en considération car elles remplaçaient les premières... mais que les secondes étaient cependant atteintes par la forclusion. Bien qu'elle puisse paraître surprenante, cette solution est entérinée par la Chambre commerciale de la Cour de cassation qui rejette le pourvoi formé contre l'arrêt d'appel. Au regard du caractère dévastateur de cette solution pour les créanciers, il est important de mettre en évidence les raisons qui ont conduit à cette solution inédite à notre connaissance.

Rappelons, d'abord, que la déclaration de créance, selon l'analyse qu'en fait la jurisprudence, équivaut à une demande en justice (3). Elle doit donc être effectuée dans le délai de l'action, en l'occurrence celui de deux mois précité. Lorsque le montant de la créance n'est pas déterminé au jour de la déclaration de créance, le créancier doit déclarer par évaluation (C. com., art. L. 622-24, al. 4 N° Lexbase : L7290IZZ et R. 622-23, 1° N° Lexbase : L0895HZ8). Cette évaluation doit être chiffrée au maximum de ce à quoi le créancier pourrait avoir droit car le montant de la déclaration de créance ne peut pas être revu à la hausse après l'expiration du délai légal de déclaration (4). Il s'agirait là d'une demande additionnelle, laquelle doit être présentée dans le délai de l'action. En revanche, le montant de cette évaluation peut naturellement être revu à la baisse, même après expiration du délai de déclaration de créance. Comment, dans ces conditions, les premiers juges, suivis en cela par la Chambre commerciale, ont-ils pu adopter la solution contenue dans l'arrêt rapporté ?

La Chambre commerciale motive l'arrêt de la façon suivante : "mais attendu qu'ayant relevé qu'aucune des diverses déclarations de créance adressées par les sociétés G et MS n'indiquait la nature des créances respectives déclarées par ces sociétés puis retenu que les déclarations dites rectificatives du 26 mars 2012 [les secondes déclarations] ne réduisaient pas les montants figurant dans celles du 24 octobre 2011 mais modifiaient de manière substantielle ces premières déclarations, dont elles précisaient elles-mêmes qu'elles les remplaçaient, la cour d'appel en a exactement déduit, par une décision motivée, que seules les nouvelles déclarations [effectuées hors délai] devaient être prises en considération et qu'elles étaient atteintes par la forclusion".

A la lecture de cet attendu, il ressort tout d'abord que les juges du fond reprochaient aux créanciers de ne pas avoir indiqué la nature des créances déclarées, en l'occurrence, semble-t-il, une créance de dommages et intérêts issue de l'engagement de responsabilité du débiteur pour concurrence déloyale. Cette obligation d'indiquer la nature des créances déclarées s'évince de l'article R. 622-23 du Code de commerce, aux termes duquel "la déclaration de créance contient : 1° les éléments de nature à prouver l'existence et le montant de la créance si elle ne résulte pas d'un titre ; à défaut, une évaluation de la créance si son montant n'a pas encore été fixé". Cette obligation d'indiquer la nature de la créance découle non seulement de ce texte, mais également de l'analyse jurisprudentielle de la déclaration de créance qui la considère comme équivalente à une demande en justice. Dès lors qu'elle est jugée comme telle, la déclaration de créance doit répondre aux exigences procédurales de la demande en justice. Or, lorsqu'il introduit son action, le demandeur doit faire état de ses prétentions, indiquer le fondement de sa demande et donc la nature de sa créance. Ainsi, sur ce premier point, la position adoptée par les juges est à l'abri de la critique : faute pour le créancier d'indiquer la nature des créances déclarées, la déclaration était irrecevable. L'occasion est ainsi donnée d'insister sur le fait que le créancier doit impérativement indiquer la nature de la créance déclarée : créance délictuelle ou quasi délictuelle résultant de tels agissements du débiteur ou encore créances de capital, d'intérêts ou de clause pénale issues de tel contrat de prêt, par exemple. Ainsi, lorsque des créances de natures différentes peuvent résulter d'un même contrat, il faudra préciser cette nature. Si la créance déclarée est issue d'un contrat de crédit-bail, il convient donc d'indiquer si cette créance est une créance de loyer ou d'indemnité de résiliation. Rappelons à ce sujet qu'une déclaration de loyer "à échoir" au titre d'un contrat de crédit-bail -laquelle ne doit pas faire l'objet d'une déclaration (5)-, n'équivaut pas à la déclaration de l'indemnité de résiliation même si, sur un plan strictement économique, le montant de la créance est identique. C'est la raison pour laquelle le crédit bailleur ayant, à tort, déclaré une créance de loyer "à échoir", ne peut pas prétendre être admis pour le même montant au titre d'une créance d'indemnité de résiliation qui n'aurait pas été déclarée.

Si les juges n'avaient fait état que de cette seule motivation, la solution aurait, semble-t-il, été à l'abri de toute critique. Cependant, les juges du fond ont, en outre, considéré que les deuxièmes déclarations de créance effectuées remplaçaient les premières et devaient donc être seules prises en considération... mais qu'elles étaient irrecevables puisqu'atteintes par la forclusion ! Cette solution est surprenante. Si les secondes déclarations de créance avaient constitué une nouvelle demande en justice, celles-ci auraient dû, pour produire un quelconque effet, être effectuées dans le délai de déclaration de créance. Or, en l'espèce, ces deuxièmes déclarations qui remplaçaient les premières avaient été effectuées hors délai, de sorte qu'aucun effet n'aurait dû y être attaché. Il aurait donc dû en découler l'absence de remplacement des premières déclarations de créance, c'est-à-dire le maintien de celles-ci. C'est de façon très critiquable, à notre sens, qu'il a été considéré que les secondes déclarations pouvaient remplacer les premières. Il s'agit là, peut-être, d'un arrêt d'espèce, sentiment corroboré par le fait qu'il n'est pas appelé à la publication.

Quoi qu'il en soit le conseil doit être donné au créancier qui revoit à la baisse le montant de sa déclaration de créance en dehors du délai de déclaration, de mentionner dans son courrier qu'il ne s'agit pas là de remplacer la déclaration initialement effectuée, mais seulement d'en modifier le montant à la baisse.

Emmanuelle Le Corre-Broly, Maître de conférences - HDR à l'Université de Nice Sophia-Antipolis, Co-directrice du Master 2 Droit des difficultés d'entreprise, Membre du CERDP (EA 1201)


(1) Cass. com., 25 février 2004, n° 00-16.070, F-D (N° Lexbase : A3908DBD), LPA, 12 avril 2005, n° 72, p. 10, M. Sénéchal ; Cass. com., 21 novembre 2006, n° 03-20.362, F-D (N° Lexbase : A5183DSR) : Cass. com., 16 octobre 2007, n° 05-21.306, F-D (N° Lexbase : A8018DYM), D., 2008, pan. 573, obs. F.-X. Lucas, Gaz. proc. coll., 2008/1, p. 45, note M. Sénéchal.
(2) CA Paris, Pôle 1, 4ème ch., 18 septembre 2009, n° 09/10412 (N° Lexbase : A3898ELX). En ce sens aussi : L.-C. Henry, note sous CA Lyon, 3ème ch., sect. A, 5 juin 2008, n° 07/06177, Act. proc. coll., 2009, n° 29 ; Ph. Roussel Galle, Les retouches apportées aux règles de l'interdiction des poursuites individuelles et de l'arrêt des voies d'exécution, Gaz. Pal., 8 à 10 mars 2009, n° sp. p. 21 et s., sp. p. 23, n° 11 ; A. Lienhard, 4ème éd., 2011, n° 78.28 ; F. Vauvillé, La remise du prix de vente en cas de procédure collective, Defrénois, 2010, 39048, p. 17 et s., sp. p. 28.
(3) Cass. com., 14 décembre 1993, n° 93-11.690, publié (N° Lexbase : A4985CH4), Bull. civ. IV, n° 471 ; RJDA 1994, n° 1, p. 12, concl. Piniot ; Bull. Joly Sociétés, 1994. 196, note M. Jeantin ; JCP éd. E, 1994, II, 573, note M.-J. Campana et J.-M. Calendini ; JCP éd. G, 1994, II, 22200, note J.-P. Rémery ; Banque, 1994, 93, obs. J.-L. Guillot ; Rev. sociétés, 1994. 100, note Y. Chartier ; RTDCom., 1994, 367, obs. A. Martin-Serf.
(4) Cass. com., 26 mai 1998, n° 96-12.207, publié (N° Lexbase : A2642ACT), Bull. civ. IV, n° 165, Gaz. Pal., 26-27 juin 1998, p. 21 ; Cass. com., 4 juillet 2000, n° 97-21.324, inédit (N° Lexbase : A5480CMW) ; Cass. com., 2 mai 2001, n° 98-11.912 (N° Lexbase : A3390ATQ) ; Cass. com., 7 avril 2004, n° 01-17.601, F-D (N° Lexbase : A7457DDK) ; Cass. com., 28 septembre 2004, n° 03-11.820, F-D (N° Lexbase : A5723DDC).
(5) Cass. com., 16 juin 2004, n° 02-14.942, FS-P+B (N° Lexbase : A7345DCZ), Bull. civ. IV, n° 129 ; CA Douai, 2ème ch., 12 décembre 1996 ; CA Paris, 3ème ch., sect. A, 3 février 2004, n° 2003/09857 (N° Lexbase : A3378DC4), nos obs. La déclaration de créance du bailleur financier, Lexbase Hebdo n° 129 du 15 juillet 2004 - édition affaires (N° Lexbase : N2355ABT) ; CA Versailles, 13ème ch., 21 février 2008, n° 07/03489 (N° Lexbase : A1647D9U), D., 2008. AJ 1054. V. nos obs., La déclaration de créance du bailleur financier et du crédit-bailleur - l'abus de déclaration peut être dangereux pour la santé financière, Gaz. proc. coll., 2005/1, p. 14.

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Fiscalité des particuliers

[Jurisprudence] Le champ d'application de l'abattement pour durée de détention applicable aux gains de cession de valeurs mobilières

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 12 novembre 2015, n° 390265, mentionné au tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A5889NWZ)

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par Florent Roemer, Docteur en droit de l'Université Paris II Panthéon-Assas, Ancien élève de l'Ecole Nationale des Impôts, Doyen de la Faculté de droit, économie et administration de Metz et Membre de l'Institut François Gény (Université de Lorraine)

Le 17 Décembre 2015

Le Conseil d'Etat, dans un arrêt rendu le 12 novembre 2015, a refusé de transmettre une QPC concernant le champ d'application de l'abattement pour durée de détention applicable aux gains de cession de valeurs mobilières et plus particulièrement du sort des moins-values (CE 3° et 8° s-s-r., 12 novembre 2015, n° 390265, mentionné au tables du recueil Lebon). En effet, par une requête en date du 18 mai 2015 et un mémoire en réplique en date du 20 août 2015, est demandé au Conseil d'Etat d'annuler pour excès de pouvoir diverses dispositions des instructions fiscales relatives aux plus-values sur biens meubles incorporels (1) dans la mesure où, d'une part, celles-ci font application d'un abattement pour durée de détention (2) aux moins-values de cession et, d'autre part, est écarté ledit abattement dans le cas des plus-values en report d'imposition antérieures au 1er janvier 2000. Cette demande est complétée par une question prioritaire de constitutionnalité au motif que la non-application de cet abattement aux plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition serait contraire au principe d'égalité devant la loi fixé aux articles 1er (N° Lexbase : L1365A9G) et 6 (N° Lexbase : L1370A9M) de la DDHC de 1789, ainsi qu'au principe d'égalité devant les charges publiques fixé à l'article 13 du même texte (N° Lexbase : L1360A9A). Se pose donc la question des conditions d'application de l'abattement pour durée de détention (I) et de la compatibilité de celles-ci avec la Constitution (II). I - Conditions d'application de l'abattement pour durée de détention

Lors d'une cession de valeurs mobilières, de droits sociaux ou de titres (3), les gains nets de cessions sont déterminés par la différence entre le prix effectif de cession des valeurs, titres ou droits, nets des frais et taxes acquittés par le cédant et leur prix effectif d'acquisition ou de souscription, le cas échéant diminué des réductions d'impôt obtenues ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation (4). Dans ces conditions les "gains nets" peuvent désigner les plus-values ou les moins-values de cession. Les moins-values subies au cours d'une année sont imputables exclusivement sur les plus-values de même nature réalisées au cours de la même année ou des dix années suivantes (5). La moins-value qui n'est pas imputée au titre de l'année de sa réalisation peut être reportée pour être imputée sur des plus-values de même nature réalisées au cours des années suivantes, mais aucune imputation sur le revenu global n'est possible. Les moins-values les plus anciennes s'imputent en priorité sur les plus-values, gains, profits et distributions de l'année considérée (6).

Les gains nets de cession sont réduits soit d'un abattement de droit commun fixé par l'article 150-0 D, 1 ter du CGI, soit d'un abattement spécifique pour durée de détention renforcé prévu par l'article 150-0 D, 1 quater du CGI. Dans la présente décision, est concerné l'abattement pour durée de détention qui s'applique aux gains de cession à titre onéreux réalisés à compter du 1er janvier 2013 (7). L'abattement s'applique aux gains nets de cession réalisés par les contribuables personnes physiques, agissant dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé, dont le domicile fiscal est situé en France et aux contribuables personnes physiques qui ne sont pas domiciliés en France au sens de l'article 4 B du CGI (N° Lexbase : L1010HLY) si ces gains sont retirés de titres faisant partie d'une participation substantielle d'une société ou d'un fonds établi en France (8), sous réserve, toutefois, des dispositions prévues par l'article 244 bis A du CGI (N° Lexbase : L4675I7B) et de l'application des conventions fiscales internationales. L'abattement pour durée de détention de droit commun s'applique aux cessions à titre onéreux réalisées directement par le contribuable ou par personne interposée et dans le cadre de la gestion privée d'un portefeuille de titres. Ainsi, sont exclues du bénéfice de l'abattement pour durée de détention les cessions réalisées dans le cadre d'une activité professionnelle industrielle, commerciale, artisanale, ou agricole (9).

Lorsque les titres cédés sont détenus depuis moins de deux ans ou lorsque la distribution perçue est afférente à des titres détenus depuis moins de deux ans, le gain net de cession n'est pas éligible à l'abattement pour durée de détention. En revanche, lorsque les titres concernés sont détenus depuis au moins deux ans, l'abattement pour durée de détention est égal à 50 % du montant du gain net réalisé ou de la distribution perçue lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis moins de huit ans à la date de la cession ou de la distribution ou est égal à 65 % du montant du gain net réalisé ou de la distribution perçue lorsque les actions, parts, droits ou titres sont détenus depuis au moins huit ans à la date de la cession ou de la distribution (10). Afin de déterminer l'abattement pour durée de détention, il convient d'établir le gain net de cession des actions, parts, droits ou titres cédés à partir du prix moyen pondéré d'acquisition. Il convient ensuite d'apprécier la durée de détention des actions, parts, droits ou titres cédés, en répartissant les quantités cédées en fonction de leur durée de détention. Cette répartition est opérée en retenant le principe selon lequel les actions, parts, droits ou titres cédés sont ceux réputés acquis ou souscrits aux dates les plus anciennes. Enfin, il convient de répartir le gain net total de cession par taux d'abattement applicable.

L'administration fiscale considère que l'abattement s'applique quelle que soit la nature du gain de cession, plus-value ou moins-value. Pourtant, en l'espèce, le Conseil d'Etat considère que l'abattement pour durée de détention ne peut pas s'appliquer aux moins-values retirées de la cession de valeurs mobilières dans la mesure où lorsque l'instruction administrative prévoit l'application à celles-ci de l'abattement pour durée de détention avant l'imputation sur les plus-values réalisées, elle ne se bornerait pas à expliciter la loi mais ajouterait des dispositions qui ne seraient pas prévues par les textes. Or, d'une part, l'exclusion des moins-values ne paraît pas concrètement souhaitable et, d'autre part, le Conseil d'Etat n'explique pas, sur le fond, ce qui justifie la réduction du champ d'application d'un abattement qui est permis par la doctrine. Il est à souhaiter que la position de l'administration fiscale puisse être confirmée afin de traiter de manière équivalente l'ensemble des gains de cession.

Par ailleurs, l'abattement pour durée de détention ne s'applique pas, notamment, aux gains nets de cession, d'échange ou d'apport réalisés avant le 1er janvier 2013 et placés en report d'imposition dans les conditions prévues au II de l'article 92 B du CGI (N° Lexbase : L1933HL8), au I ter de l'article 160 du CGI (N° Lexbase : L2652HLS) et à l'article 150 A bis du CGI (N° Lexbase : L2335HL3) dans leur rédaction en vigueur avant le 1er janvier 2000, à l'article 150-0 C du CGI (N° Lexbase : L2317HLE) dans sa rédaction antérieure au 1er janvier 2006, à l'article 150-0 D bis du CGI (N° Lexbase : L5278IRW) dans sa rédaction en vigueur du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 ainsi qu'à l'article 150-0 B ter du CGI (N° Lexbase : L0969IZW) (11). C'est ce qui est également contesté dans la présente décision, mais le Conseil d'Etat considère sur ce point que l'exclusion ne peut pas être contestée dans la mesure où l'instruction fiscale ne ferait qu'expliciter la loi. En revanche, est également soulevée l'inégalité de cette disposition par rapport à la situation postérieure au 1er janvier 2013 qui fait l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité.

II - Respect du principe d'égalité

L'article 61-1 de la Constitution (N° Lexbase : L5160IBQ) prévoit que peut faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité une disposition qui porterait atteinte aux "droits et libertés que la Constitution garantit", figurant dans l'ensemble du bloc de constitutionnalité (12). En matière fiscale, la DDHC est la principale source de droit et libertés invocable. Peuvent être notamment invoqués le principe d'égalité, comme c'est le cas en l'espèce, qui est composé du principe d'égalité devant la loi (13) et du principe d'égalité devant l'impôt et les charges publiques (14). Dans la présente affaire, le contribuable affirme que l'application de l'abattement pour durée déterminée aux moins-values retirées de cessions de valeurs mobilières et l'exclusion du bénéfice de cet abattement des plus-values réalisées antérieurement au 1er janvier 2013 et placées en report d'imposition serait contraire au principe d'égalité fixé par les articles 1er, 6 et 13 de la DDHC de 1789.

Le système de la QPC repose sur un double filtre : l'un du fait de la transmission par le juge a quo, l'autre du fait du renvoi du Conseil d'Etat ou de la Cour de cassation vers le Conseil constitutionnel. Le filtrage est effectué conformément à trois critères cumulatifs : d'une part, la disposition contestée doit être applicable au litige, d'autre part, la disposition ne doit pas avoir été déclarée conforme à la Constitution, enfin, la question ne doit pas être dépourvue de caractère sérieux devant le juge a quo et doit être nouvelle ou sérieuse devant le Conseil constitutionnel.

L'affirmation du principe d'égalité résulte de l'application de l'article 6 et de l'article 13 de la DDHC et constitue une des principales garanties offerte par la Constitution et ce principe entre clairement en contradiction avec le fait que l'impôt est par "essence inégalitaire" (15) et qu' "il est ainsi dans la nature du texte [fiscal] de porter atteinte au principe d'égalité" (16).

Faisant application de l'article 6 de la DDHC, le Conseil constitutionnel considère qu'il est possible d'instaurer des dispositifs, en matière fiscale, qui conduisent à traiter différemment des situations différentes et à traiter de manière identique des situations différentes. En revanche, il n'est pas possible d'instaurer un traitement différent à des situations identiques sauf si des raisons d'intérêt général le justifient et dans la mesure où cela reste conforme à l'objet de la loi (17). Le Conseil constitutionnel considère qu'un dispositif est conforme à la Constitution même si ledit dispositif s'applique à des situations différentes et il importe peu que les contribuables placés dans une situation différente fassent ou non l'objet d'un traitement identique (18). De manière plus rare, le Conseil constitutionnel est saisi d'affaires concernant des dispositifs fiscaux différents qui s'appliquent à des situations identiques (19). En l'espèce, le Conseil d'Etat reprend le considérant de principe plusieurs fois énoncé par le Conseil constitutionnel selon lequel "le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit" et considère que s'il existe une différence de traitement, elle résulte de la succession dans le temps de deux systèmes juridiques et reste conforme à l'objet de la loi qui vise à "encourager la détention longue de valeurs mobilières".

Par ailleurs, conformément aux dispositions de l'article 13 de la DDHC, le principe d'égalité devant les charges publiques ne peut être écarté que si la différence de traitement appliquée aux contribuables est fondée sur des critères objectifs, rationnels et conformes aux buts fixés par le législateur. Or, en l'espèce, la non-application de l'abattement pour durée de détention aux plus-values placées en report d'imposition "n'est ni dénuée de relation avec la capacité contributive du contribuable, ni confiscatoire", et ne méconnaît donc pas les dispositions de l'article 13 de ladite Déclaration.

Dans ces conditions, le Conseil d'Etat considère que la question prioritaire de constitutionnalité n'est pas nouvelle et ne présente pas un caractère sérieux. Il n'est donc pas nécessaire de la transmettre au Conseil constitutionnel.


(1) BOFIP-RPPM-PVBMI-20-10-40, § 80, 20 mars 2015 (N° Lexbase : X7868ALY) ; BOFIP-RPPMPVBMI-20-20-10, § 1 et § 130, 20 avril 2015 (N° Lexbase : X5822AL9) ; BOFIP-RPPM-PVBMI-2020-20-10, § 10, 20 mars 2015 (N° Lexbase : X3739AP8) ; BOFIP-RPPM-PVBMI-30-10-30-10, § 370, 14 octobre 2014 (N° Lexbase : X7358AL4) ; BOFIP-RPPM-PVBMI-30-10-30-20, § 480, 14 octobre 2014 (N° Lexbase : X5461ALT).
(2) CGI, art 150-0 D (N° Lexbase : L1892KG8).
(3) CGI, art. 150-0 A (N° Lexbase : L4977I7H).
(4) CGI, art. 150-0 D ; BOFIP-RPPM-PVBMI-20-10, 14 octobre 2014 (N° Lexbase : X4600ALX).
(5) CGI, art. 150-0 D.
(6) BOI-RPPM-PVBMI-20-10-40, 20 mars 2015.
(7) BOI-RPPM-PVBMI-20-20, 20 mars 2015 (N° Lexbase : X8052ALS).
(8) CGI, art. 244 bis B (N° Lexbase : L1153KKW).
(9) BOI-RPPM-PVBMI-20-20-10, 20 avril 2015.
(10) BOI-RPPM-PVBMI-20-20-20-10, § 60 et § 70, 20 mars 2015.
(11) BOI-RPPM-PVBMI-20-20-10, 20 avril 2015.
(12) V. Restino, Les aspects procéduraux de la QPC, Dr. fisc., n° 13, 26 mars 2015, 234.
(13) DDHC, art. 6 : v. Cons. const., 28 mai 2010, n° 2010-1 QPC (N° Lexbase : A6283EXY) ; Cons. const., 6 juin 2014, n° 2014-400 QPC (N° Lexbase : A0200MQH) ; Cons. const., 20 juin 2014, n° 2014-404 QPC (N° Lexbase : A6294MRK).
(14) DDHC, art. 6 et art. 13 : v. Cons. const., 17 septembre 2010, n° 2010-28 QPC (N° Lexbase : A4759E97) ; Cons. const. 26 novembre 2010, n° 2010-70 QPC (N° Lexbase : A3870GLW) ; Cons. const., 21 janvier 2011, n° 2010-88 QPC (N° Lexbase : A1521GQE) ; Cons. const., 20 septembre 2013, n° 2013-340 QPC (N° Lexbase : A4337KL9) ; Cons. const., 19 septembre 2014, n° 2014-413 QPC (N° Lexbase : A6204MWP) ; Cons. const., 19 septembre 2014, n° 2014-417 QPC (N° Lexbase : A6205MWQ) ; Cons. const., 14 novembre 2014, n° 2014-425 QPC (N° Lexbase : A0177M3X) ; Cons. const., 28 novembre 2014, n° 2014-431 QPC (N° Lexbase : A3791M48) ; Cons. const., 15 janvier 2015, n° 2014-436 QPC (N° Lexbase : A1942M9S) ; Cons. const., 20 janvier 2015, n° 2014-437 QPC (N° Lexbase : A4823M9I).
(15) O. Fouquet, Le Conseil constitutionnel et le principe d'égalité devant l'impôt, Nouveaux cahiers du Conseil constitutionnel, oct. 2011, n° 33.
(16) Cons. const., 3 juillet 1986, n° 86-209 DC (N° Lexbase : A8136ACC).
(17) R. Torlet et M. Valeteau, La jurisprudence du Conseil constitutionnel relative au principe d'égalité depuis l'institution de la QPC, Dr. fisc., n° 13, 26 mars 2015, 231.
(18) Cons. const., n° 2013-330 QPC, 28 juin 2013 (N° Lexbase : A7735KHX) ; Cons. const., n° 2012-659 DC, 13 décembre 2012 (N° Lexbase : A8300IY3) ; Cons. const., 29 décembre 2012, n° 2012-662 DC (N° Lexbase : A6288IZW) ; Cons. const., 14 novembre 2014, n° 2014-425, QPC ; Cons. const. 29 décembre 2013, n° 2013-685 DC (N° Lexbase : A9152KSR).
(19) Cons. const., 6 août 2014, n° 2014-698 DC (N° Lexbase : A8365MUD).

newsid:450477

Fiscalité internationale

[Brèves] Imputation sur l'impôt français des prêts étrangers de titres ?

Réf. : CE 3°, 8°, 9° et 10° s-s-r., 7 décembre 2015, n° 357189, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A0396NZP)

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N0457BWT

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Le 30 Décembre 2015

L'article 122 du CGI (N° Lexbase : L8875IR7) ne fait pas obstacle, pour le calcul du montant maximal du crédit d'impôt imputable au titre des retenues à la source acquittées sur les dividendes de source étrangère perçus par une société soumise à l'impôt en France, à la déduction de la rémunération que le bénéficiaire du crédit d'impôt verse, en vertu l'article 24 de la Convention franco-italienne (N° Lexbase : L6706BHT), au prêteur étranger de titres. Telle est la solution retenue par le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 7 décembre 2015 (CE 3°, 8°, 9° et 10° s-s-r., 7 décembre 2015, n° 357189, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A0396NZP). En effet, les termes "bénéfices", "revenus" et "autres revenus positifs" mentionnés à l'article 24 de la Convention fiscale franco-italienne ne sont pas autrement définis par cette Convention en ce qui concerne les dividendes et doivent, dès lors, être interprétés selon le principe énoncé au paragraphe 2 de l'article 3 de cette Convention, aux termes duquel : "Pour l'application de la Convention par un Etat toute expression qui n'y est pas définie a le sens que lui attribue le droit de cet Etat concernant les impôts auxquels s'applique la Convention, à moins que le contexte n'exige une interprétation différente". Ainsi, en l'absence d'élément exigeant une interprétation différente, les "bénéfices", "revenus" et "autres revenus positifs" auxquels fait référence l'article 24 de la Convention fiscale franco-italienne, notamment les crédits d'impôt imputables sur l'impôt français, sont ceux déterminés selon les règles fixées par le CGI. En l'espèce, une société française a réalisé pendant de courtes périodes des opérations d'emprunt de titres d'une société italienne auprès d'une banque située au Royaume-Uni. La société française a imputé sur le montant de l'impôt sur les sociétés des crédits d'impôts correspondant au montant des retenues à la source acquittées en Italie sur les dividendes encaissés pendant la période d'emprunt des titres, conformément à l'article 24 de la Convention franco-italienne. L'administration fiscale a alors remis en cause cette imputation, puis le Conseil d'Etat a donné raison à cette dernière en s'appuyant sur le CGI. Dès lors, pour les Hauts magistrats, la cour a commis une erreur de droit (CAA Versailles, 13 décembre 2011, n° 10VE03240 N° Lexbase : A2109NZ7) en énonçant que, lorsque des dividendes de source étrangère provenaient de titres empruntés, il ne convenait pas de prendre en compte la rémunération versée au prêteur pour déterminer le montant maximal du crédit d'impôt susceptible d'être imputé sur l'impôt français. Cette décision met en lumière la règle dite "du butoir", étant traditionnelle, selon la doctrine, dans les conventions conclues par la France qui prévoient un partage du droit d'imposer (cf. l’Ouvrage "Conventions fiscales internationales" N° Lexbase : E2980EUW et le BoFip - Impôts N° Lexbase : X7693ALI).

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Fonction publique

[Brèves] Agent en congé de maladie refusant de se soumettre à une contre-visite : situation de nature à caractériser un abandon de poste

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 11 décembre 2015, n° 375736, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2047NZT)

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N0478BWM

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Le 19 Décembre 2015

Si, dans le délai fixé par la mise en demeure, l'agent en congé de maladie ne justifie pas son absence à la contre-visite à laquelle il était convoqué, n'informe l'administration d'aucune intention et ne se présente pas à elle, sans justifier, par des raisons d'ordre médical ou matériel, son refus de reprendre son poste, et si, par ailleurs, aucune circonstance particulière, liée notamment à la nature de la maladie pour laquelle il a obtenu un congé, ne peut expliquer son abstention, l'autorité compétente est en droit d'estimer que le lien avec le service a été rompu du fait de l'intéressé. Telle est la solution d'un arrêt rendu par le Conseil d'Etat le 11 décembre 2015 (CE 3° et 8° s-s-r., 11 décembre 2015, n° 375736, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2047NZT, sur la suspension de la rémunération s'étant soustrait au contrôle, voir CE, 23 décembre 1994, n° 133017 N° Lexbase : A4205ASK). La cour administrative d'appel (CAA Douai, 2ème ch., 10 décembre 2013, n° 13DA00081 N° Lexbase : A5123MPG) a rejeté l'appel de la commune contre le jugement du 20 novembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Rouen a annulé cette décision de radiation, au motif, d'une part, que la circonstance que M. X se soit soustrait sans justification à deux contre-visites demandées par la commune ne permettait pas de considérer qu'il avait rompu tout lien avec le service et, d'autre part, que la mise en demeure de reprendre son service lui avait été adressée à une date où il demeurait en position régulière de congé de maladie. En ne recherchant pas si, compte tenu du refus non justifié de l'intéressé de se soumettre à des contre-visites, la commune avait pu, en respectant les exigences précitées, prendre la décision litigieuse, la cour a commis une erreur de droit (cf. l’Ouvrage "Fonction publique" N° Lexbase : E5956ESE).

newsid:450478

Licenciement

[Brèves] Caractérisation de la cause réelle et sérieuse du licenciement par les juges

Réf. : Cass. soc., 10 décembre 2015, n° 14-16.214, FS-P+B (N° Lexbase : A1764NZD)

Lecture: 2 min

N0556BWI

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Le 18 Décembre 2015

Il ne peut être considéré comme sans cause réelle le licenciement d'un salarié lorsque la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement ne comporte pas l'indication que le salarié a la possibilité de saisir une commission composée de trois représentants de l'employeur et de trois représentants du personnel et que le fait que l'employeur invoque l'absence de délégués du personnel, outre le fait que le salarié puisse réclamer lui-même que soient organisées les élections, laisse à la charge de l'employeur l'obligation de mettre en place un tel conseil en le dotant de trois représentants du personnel, au besoin désignés à cette fin, et ce alors que l'employeur produisait un procès-verbal de carence, dont la validité n'était pas contestée. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 10 décembre 2015 (Cass. soc., 10 décembre 2015, n° 14-16.214, FS-P+B N° Lexbase : A1764NZD).
En l'espèce, M. X, engagé le 28 juin 2004 par la société Y en qualité d'adjoint au directeur financier, s'est trouvé en arrêt de travail pour maladie à compter du 28 juillet 2009. Il a été déclaré le 3 septembre 2009 inapte temporairement à son poste par le médecin du travail et a été licencié le 30 septembre 2009. Il a saisi la juridiction prud'homale.
Pour dire que le licenciement du salarié est sans cause réelle et sérieuse, la cour d'appel (CA Paris, Pôle 6, 3ème ch., 25 février 2014, n° 12/02685 N° Lexbase : A5480MG3) retient que la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement ne comporte pas l'indication que le salarié a la possibilité de saisir une commission composée de trois représentants de l'employeur et de trois représentants du personnel et que le fait que l'employeur invoque l'absence de délégués du personnel, outre le fait que le salarié puisse réclamer lui-même que soient organisées les élections, laisse à la charge de l'employeur l'obligation de mettre en place un tel conseil en le dotant de trois représentants du personnel, au besoin désignés à cette fin. A la suite de cette décision, la société s'est pourvue en cassation.
Cependant, en énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction casse l'arrêt d'appel au visa de l'article 90 de la Convention collective nationale des sociétés d'assurances du 27 mai 1992 (N° Lexbase : X0769AE9) et l'article L. 1235-3 du Code du travail (N° Lexbase : L1342H9L) (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E4682EXP).

newsid:450556

Mineurs

[Brèves] Absence de dispositif d'autorisation de sortie du territoire des mineurs

Réf. : CE, 9 décembre 2015, n° 386817 (N° Lexbase : A0445NZI)

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N0427BWQ

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Le 17 Décembre 2015

Par un arrêt rendu le 9 décembre 2015, le Conseil d'Etat a jugé qu'aucun texte ne crée d'obligation d'instituer un dispositif d'autorisation de sortie du territoire des mineurs et rejeté une demande d'indemnisation formée par les parents d'une mineure ayant quitté le territoire pour la Turquie aux fins de rejoindre la Syrie (CE, 9 décembre 2015, n° 386817 N° Lexbase : A0445NZI). Dans l'affaire soumise à la Haute juridiction administrative, les parents d'une mineure ayant quitté le territoire pour la Turquie avaient demandé en mars 2014 au ministre de l'Intérieur d'instituer un dispositif exigeant des Français mineurs d'être munis d'une autorisation de leurs parents pour quitter seuls le territoire français, à l'instar d'un régime qui avait été institué par une circulaire du ministre de l'Intérieur du 11 mai 1990, abrogée en 2012, qui exigeait des Français mineurs quittant seuls le territoire qu'ils détiennent une autorisation parentale s'ils voyageaient avec leur carte d'identité ou un passeport périmé. Par ailleurs, postérieurement à la demande des parents, une instruction ministérielle du 5 mai 2014 avait mis en place un dispositif d'opposition à la sortie du territoire national d'un mineur non accompagné d'un parent, lorsque les parents craignent un départ vers les zones de conflit ; et la loi n° 2014-1353 du 13 novembre 2014 (N° Lexbase : L8220I49) avait institué un régime d'interdiction administrative de sortie du territoire, prononcée par le ministre de l'intérieur. Le ministre n'ayant pas répondu à la demande des parents de rétablissement et renforcement du dispositif antérieur à 2012, ils avaient demandé au Conseil d'Etat d'annuler son refus implicite. En vain. Le Haut Conseil a estimé que ni le Code civil, qui définit l'autorité parentale et prévoit que l'enfant ne peut pas quitter la maison familiale sans permission de ses parents, ni le règlement de l'Union européenne qui fixe le régime de franchissement des frontières n'imposaient au pouvoir réglementaire d'instituer un dispositif général exigeant des ressortissants français mineurs d'être munis d'une autorisation de leurs parents pour quitter seuls le territoire français. Le Conseil d'Etat a ensuite rejeté la demande des parents tendant à condamner l'Etat à les indemniser du préjudice qu'ils estimaient avoir subi du fait du départ de leur fille mineure pour Istanbul, d'où elle avait, selon eux, rejoint la Syrie. Il a relevé que leur fille était en possession d'un passeport en cours de validité et d'un billet d'avion à son nom, que les fonctionnaires chargés du contrôle des frontières avaient vérifié la conformité du nom figurant sur sa carte d'embarquement avec celui figurant sur son passeport et s'étaient assurés qu'elle ne faisait pas l'objet d'une interdiction de sortie du territoire ou d'une opposition à sortie du territoire. Il en a déduit qu'aucune faute n'avait été commise par l'Etat dans sa mission de surveillance.

newsid:450427

Procédure administrative

[Brèves] Absence d'autorité de chose jugée de l'ordonnance de référé provision : application d'une loi de validation réservant les décisions en force de chose jugée

Réf. : CE 3° et 8° s-s-r., 11 décembre 2015, n° 383625, publié au recueil Lebon (N° Lexbase : A2055NZ7)

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N0539BWU

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Le 18 Décembre 2015

Lorsque le juge du fond est saisi pour fixer définitivement la dette, l'ordonnance du juge du référé provision ne peut, alors même que, faute d'appel dans les délais, elle est devenue définitive, être regardée comme passée en force de chose jugée pour l'application d'une loi qui, ayant pour objet la validation d'actes administratifs, réserve l'hypothèse des décisions passées en force de chose jugée. Ainsi statue le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 11 décembre 2015 (CE 3° et 8° s-s-r., 11 décembre 2015, n° 383625, publié au recueil Lebon N° Lexbase : A2055NZ7). Une commune a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg d'une demande tendant à ce que l'Etat lui verse une provision d'un montant de 523 973, 71 euros au titre des frais de fonctionnement de la régie de recettes de l'Etat créée auprès de la police municipale pour percevoir le produit des amendes forfaitaires de la police de la circulation et des consignations émises par les agents de la police municipale. Par une ordonnance du 14 mars 2011, le juge des référés a partiellement fait droit à cette demande, pour un montant de 495 775, 28 euros. L'Etat a demandé au tribunal administratif de Strasbourg, sur le fondement de l'article R. 541-4 du Code de justice administrative (N° Lexbase : L2551AQK), qu'il soit statué définitivement sur le montant de sa dette à l'égard de la commune. Ce dernier a jugé que l'Etat n'était redevable d'aucune somme à son égard, décision confirmée en appel. Pour la Haute juridiction, la cour administrative d'appel (CAA Nancy, 1ère ch., 12 juin 2014, n° 13NC00790 N° Lexbase : A6635MSK) n'a pas commis d'erreur de droit en jugeant, après avoir relevé que l'Etat avait saisi le juge du fond sur le fondement de l'article R. 541-4 précité par un recours du 18 mai 2011, que l'ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Strasbourg du 14 mars 2011 n'était pas passée en force de chose jugée et en en déduisant que les dispositions de l'article 86 de la loi n° 2011-1978 du 28 décembre 2011, de finances rectificative pour 2011 (N° Lexbase : L4994IRE), faisaient obstacle aux prétentions de la commune (cf. l’Ouvrage "Procédure administrative" N° Lexbase : E4191EXI).

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Procédure civile

[Chronique] Chronique en matière d'injonction de payer - Décembre 2015

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par Philippe Casson, Maître de conférences à l'Université de Haute-Alsace, H.D.R.

Le 17 Décembre 2015

Lexbase Hebdo - édition privée vous propose un nouveau rendez-vous d'actualité avec la chronique en matière d'injonction de payer de Philippe Casson, Maître de conférences à l'Université de Haute-Alsace, H.D.R.. D'abord, seront analysées des décisions concernant le droit d'agir en justice du Conseil national de l'Ordre des masseurs-kinésithérapeutes (Cass. civ. 1, 25 novembre 2015, cinq arrêts, n° 15-10.597, F-D, n° 15-10.598, F-P+B+I, n° 15-10.599, F-D, n° 15-10.600, F-D, n° 15-10.601, F-D). Ensuite, l'auteur s'intéressera à l'impact de l'opposition sur une procédure de saisie-attribution (Cass. com., 6 octobre 2015, n° 13-20.381, F-D) et sur l'apposition de la formule exécutoire concernant une ordonnance d'injonction de payer (Cass. civ. 2, 15 octobre 2015, n° 14-22.755, F-D). Enfin, il sera question de la nouvelle procédure simplifiée de recouvrement des petites créances (loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, art. 208).

Le Conseil national de l'Ordre des masseurs kinésithérapeutes obtient des juridictions de proximité de Saintes, de Macon et de Lorient des ordonnances d'injonction de payer à l'encontre de certains de ses membres, débiteurs de cotisations ordinales. Les cinq adhérents forment opposition à l'encontre de ces ordonnances. Les juges de proximité ont fait droit à la fin de non-recevoir opposée par les débiteurs fondée sur le défaut du droit d'agir du Conseil national. La première décision rendue par la juridiction de proximité de Saintes se fonde sur les articles 32 (N° Lexbase : L1172H48), 117 (N° Lexbase : L1403H4Q), 122 (N° Lexbase : L1414H47) du Code de procédure civile, la deuxième, la troisième et la cinquième, qui émanent de la juridiction de proximité de Macon, allèguent que le président du Conseil national ne peut agir en justice sans l'autorisation du conseil départemental, et la quatrième, rendue par la juridiction de proximité de Lorient, retient le défaut de production des statuts de l'Ordre. Les cinq jugements sont cassés. Dans la première, la seconde, la troisième et la cinquième affaire, la cassation intervient au visa des articles L. 4321-18 du Code de la santé publique (N° Lexbase : L5738IEA) et 1134 du Code civil (N° Lexbase : L1234ABC) au motif "qu'en statuant ainsi, alors que l'article L. 4321-18 du Code de la santé publique, régissant l'action en justice du président du Conseil départemental de l'Ordre, n'est pas applicable à celle diligentée par le président du Conseil national de l'Ordre et que, pour permettre l'accomplissement des missions confiées au Conseil national de l'Ordre en application des articles L. 4321-14 (N° Lexbase : L5621IEW) et suivants du même code, les articles 12.3 et 15.3 du règlement intérieur de l'Ordre habilitent le président du Conseil national de l'Ordre à ester en justice au nom de ce Conseil et ce dernier à recouvrer les cotisations dues, la juridiction de proximité a violé les textes susvisés, le premier par fausse application et les autres, par refus d'application". Pour ce qui est de la quatrième affaire, au visa de l'article 1134 du Code civil, la Cour de cassation énonce "qu'en statuant ainsi, alors que le Conseil national de l'Ordre avait versé aux débats le règlement intérieur de l'Ordre dont les articles 12. 3 et 15.3 habilitent le président du Conseil national de l'Ordre à ester en justice au nom de ce Conseil et ce dernier à recouvrer les cotisations dues, la juridiction de proximité a dénaturé ce règlement et violé le texte susvisé".

Les articles 4321-14 et suivants du Code de la santé publique recensent les missions confiées au Conseil national et c'est le règlement intérieur de cet Ordre qui prévoit, dans son article 12.3, que le président du Conseil national assume dès son élection ses fonctions, et dans son article 15.3 que "si la cotisation n'est pas réglée à l'issue du délai imparti, le Conseil national est autorisé à procéder au recouvrement amiable puis contentieux des cotisations dues. Dans un premier temps, le Conseil national communique aux conseils départementaux la liste de leurs inscrits qui n'ont pas réglé leur cotisation, afin d'alerter ces derniers sur les conséquences de cette infraction. Puis le Conseil national peut faire appel à un organisme de recouvrement qui se verra confier la mission de procéder au recouvrement amiable des cotisations dues. Les frais de recouvrement et les intérêts moratoires sont réclamés et mis à la charge du débiteur. Si au terme de cette procédure amiable, la cotisation demeure impayée, le Conseil national peut procéder au recouvrement contentieux de la cotisation due. En application de l'article 700 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L1253IZG), il sera demandé à ce que les frais engagés soient mis à la charge du débiteur".

Le droit d'agir en recouvrement des cotisations ordinales du Conseil national représenté par son président n'était donc pas contestable ni sur le fondement de l'article L. 4321-18 du Code de la santé publique, lequel prévoit dans son alinéa 1er que le président du conseil départemental exerce sous le contrôle du Conseil national, les attributions générales de l'Ordre énoncées à l'article L. 4321-14 et suivants, et, dans son alinéa 2, que ce même conseil départemental autorise le président de l'Ordre à ester en justice, ni en alléguant du défaut de production des statuts de l'Ordre, le règlement intérieur de ce dernier reconnaissant sans conteste à celui-ci, représenté par son président, le droit d'agir en justice pour obtenir le recouvrement des cotisations impayées.

  • L'opposition, recevable en application de l'article 1416, alinéa 2, du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6356H7K), ne permet pas d'ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée, mais fait obstacle, jusqu'à ce qu'il ait été statué par la juridiction compétente, au paiement du créancier des sommes rendues indisponibles. La saisie-attribution signifiée au tiers saisi avant l'ouverture de la procédure collective du débiteur produit ses effets. L'article L. 622-22 du Code de commerce (N° Lexbase : L7289IZY) n'est pas applicable (Cass. com., 6 octobre 2015, n° 13-20.381, F-D N° Lexbase : A0480NTX ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E8454E8M)

A propos d'une banale affaire de facture impayée, la Cour de cassation rappelle une solution aujourd'hui acquise et qui semble avoir été perdue de vue par les plaideurs. Une société est chargée par une autre de réaliser des prestations de maintenance aéronautiques et, à cette occasion, donne mandat à une troisième de procéder aux formalités douanières. La société mandataire effectue certaines prestations dont elle réclame à sa mandante le remboursement. La mandante refuse de payer parce que son propre donneur d'ordre s'y oppose à juste titre car cette prestation n'avait pas lieu d'être. La société mandataire obtient du Président du tribunal de commerce de Créteil une ordonnance d'injonction de payer en date du 15 octobre 2009. A l'issue du mois suivant la signification de l'ordonnance, le mandataire demande l'exécutoire et le 21 janvier 2010 fait procéder à une saisie-attribution sur le compte bancaire de sa mandante qui fait alors opposition à l'ordonnance le 25 janvier 2010. La société mandante est successivement mise en redressement judiciaire le 7 juillet et en liquidation judiciaire le 3 novembre 2011. Saisi sur l'opposition de la mandante, le tribunal de commerce rend sa décision le 1er décembre 2011. La cour d'appel retient que le jugement du tribunal de commerce rendu sur opposition a mis fin à l'obstacle au paiement du créancier des sommes rendues indisponibles par la saisie-attribution pratiquée sur le compte bancaire de la mandante à concurrence des sommes réclamées par la mandataire.

Devant la Cour de cassation, le liquidateur de la société mandante reproche à la cour d'appel d'avoir ainsi statué au motif qu'en vertu du jugement d'ouverture de la procédure collective, le juge saisi de l'opposition ne pouvait que se limiter à constater et fixer le montant de la créance litigieuse, l'opposition ayant suspendu les effets de l'ordonnance d'injonction de payer sur le fondement de laquelle la saisie-attribution avait été pratiquée. Le pourvoi est rejeté. Il convient de rappeler que lorsque, comme en l'espèce, l'ordonnance d'injonction de payer n'est pas signifiée à la personne du débiteur, le délai d'un mois court selon l'article 1416, alinéa 2  du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6356H7K), à compter du premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout en partie les biens du débiteur. En l'espèce, il se déduit des faits tels que relatés par l'arrêt, que le délai d'un mois avait commencé à courir à partir de la dénonciation de la saisie-attribution faite au débiteur, comme le décide la Cour de cassation (1). En revanche, la saisie-attribution pratiquée sur le fondement de l'ordonnance d'injonction de payer du 15 octobre 2009 avait produit ses effets au jour de la signification au tiers saisi avant le jugement d'ouverture de la procédure collective. A partir de ce moment clé, le créancier saisissant devient le créancier personnel du tiers saisi en raison de l'effet attributif immédiat attaché à cette saisie. "Le créancier saisissant cesse d'être le créancier du débiteur initial dès le jour de la saisie-attribution pour devenir, au même instant, le créancier direct du tiers saisi" (2). Le créancier n'a donc pas à produire sa créance (3). L'article L. 211-2, alinéa 1er, du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L5838IRN) l'exprime à sa façon : "l'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation". La saisie-attribution réalisée, comme en l'espèce avant l'ouverture de la procédure collective n'est pas remise en cause par cette dernière comme le précise l'alinéa 2 de l'article L. 211-2 du Code des procédures civiles d'exécution : "la notification ultérieure d'autres saisies ou de toute autre mesure de prélèvement, même émanant de créanciers privilégiés, ainsi que la survenance d'un jugement portant ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ne remettent pas en cause cette attribution".

L'opposition à injonction de payer, recevable en application de l'article 1416, alinéa 2, du Code de procédure civile, ne permet pas d'"ordonner la mainlevée de la saisie-attribution pratiquée mais fait obstacle, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'opposition par la juridiction compétente, au paiement au créancier des sommes rendues indisponibles" (4). En d'autres termes, seul demeure l'effet d'indisponibilité attaché à la saisie (5). Le jugement sur opposition rendu par le tribunal de commerce tranche la difficulté et permet le paiement des sommes saisies, la suspension des poursuites prévue notamment par l'article L. 622-22 du Code de commerce (N° Lexbase : L7289IZY) (l'ancien article L. 621-41 N° Lexbase : L6893AI7 invoqué par le demandeur dans son pourvoi) n'ayant pas lieu de jouer (6).

  • La formule exécutoire ne peut être apposée sur l'ordonnance d'injonction de payer dès lors que le débiteur a formé opposition (Cass. civ. 2, 15 octobre 2015, n° 14-22.755, F-D N° Lexbase : A5864NTD)

Aux termes de l'article 1422 du Code de procédure civile (N° Lexbase : L6364H7T), "en l'absence d'opposition dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance portant injonction de payer, quelles que soient les modalités de la signification, ou en cas de désistement du débiteur qui a formé opposition, le créancier peut demander l'apposition sur l'ordonnance de la formule exécutoire. Le désistement du débiteur obéit aux règles prévues aux articles 400 (N° Lexbase : L6501H7W) à 405. L'ordonnance produit tous les effets d'un jugement contradictoire. Elle n'est pas susceptible d'appel même si elle accorde des délais de paiement".

Ainsi, que l'ordonnance d'injonction de payer ait été signifiée à personne ou non, le créancier doit, à l'expiration du mois qui suit cette signification, demander au greffe que soit apposée la force exécutoire sur l'ordonnance, sous peine de voir l'ordonnance réputée non avenue. C'est le greffe qui est chargé d'apposer la formule exécutoire sans aucun contrôle du juge. L'ordonnance ainsi revêtue de la force exécutoire produit alors tous les effets d'un jugement contradictoire auquel s'attache l'autorité de la chose jugée. Dans l'espèce sous analyse, une ordonnance d'injonction de payer avait été accordée à un syndicat de copropriété à l'encontre d'une société. L'ordonnance avait été signifiée le 29 avril 2014 au débiteur qui a formé opposition le 26 mai 2014. Le 12 juin 2014, la juridiction du Président du TGI de Metz a apposé la formule exécutoire sur l'ordonnance. L'accomplissement de cette formalité n'était pas possible en raison de l'opposition formée par le débiteur dans le délai d'un mois de l'article 1416 du Code de procédure civile qui a suivi la signification à la personne de la société. On sait en effet, comme l'a précisé la Cour de cassation "qu'une ordonnance d'injonction de payer n'est une décision de justice, au sens de l'article 68 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 (N° Lexbase : L9124AGZ-l'actuel article L. 511-2 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L5914IRH)-, qu'en l'absence d'opposition dans le mois de sa signification" (7). La doctrine conclut "que cet arrêt conduit à analyser l'ordonnance monitoire en une décision de justice conditionnelle. En effet, la qualification de l'ordonnance monitoire en décision de justice dépend d'une condition suspensive, d'un élément incertain -le silence possible du débiteur pendant le délai d'opposition -. Plus précisément, il s'agit d'une condition suspensive négative -l'absence d'opposition du débiteur- qui est aussi une condition potestative, placée sous le contrôle, théorique du moins, du débiteur qui, par son comportement, décidera du destin de cette ordonnance" (8). L'opposition du débiteur "suffit à mettre à néant l'ordonnance portant injonction de payer" (9). La cassation de l'ordonnance était donc imparable, mais seulement, comme le précise l'arrêt en ce qu'elle est revêtue de la formule exécutoire. Du fait de l'opposition, l'affaire sera donc débattue dans le cadre d'une procédure contradictoire à l'issue de laquelle le TGI de Metz se prononcera sur le fond de l'affaire.

  • Nouvelle procédure simplifiée de recouvrement des petites créances (loi n° 2015-990 du 6 août 2015, pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, art. 208 N° Lexbase : L4876KEC ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E8352E8T)

L'article 208 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 a modifié le Code civil en ajoutant un article 1244-4 (N° Lexbase : L1619KG3) ainsi libellé : "une procédure simplifiée de recouvrement des petites créances peut être mise en oeuvre par un huissier de justice à la demande du créancier pour le paiement d'une créance ayant une cause contractuelle ou résultant d'une obligation de caractère statutaire et inférieure à un montant défini par décret en Conseil d'Etat. Cette procédure se déroule dans un délai d'un mois à compter de l'envoi par l'huissier d'une lettre recommandée avec demande d'avis de réception invitant le débiteur à participer à cette procédure. L'accord du débiteur, constaté par l'huissier, suspend la prescription. L'huissier qui a reçu l'accord du créancier et du débiteur sur le montant et les modalités du paiement délivre sans autre formalité un titre exécutoire. Les frais de toute nature qu'occasionne la procédure sont à la charge exclusive du créancier. Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités d'application du présent article, notamment les règles de prévention des conflits d'intérêts lors de la délivrance par l'huissier de justice d'un titre exécutoire".

Conséquence de ce qui précède, l'article 2238 du Code civil (N° Lexbase : L2011KGL) a également été modifié par ce même texte en prévoyant que "[...] la prescription est également suspendue à compter de la conclusion d'une convention de procédure participative ou à compter de l'accord du débiteur constaté par l'huissier de justice pour participer à la procédure prévue à l'article 1244-4. [...] En cas d'échec de la procédure prévue au même article 1244 -4, le délai de prescription recommence à courir à compter de la date du refus du débiteur, constaté par l'huissier, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois".

Enfin, l'article L. 111-3 du Code des procédures civiles d'exécution (N° Lexbase : L2012KGM) recense dans son 5° un nouveau titre exécutoire délivré par l'huissier de justice "en cas d'homologation de l'accord entre le créancier et le débiteur dans les conditions prévues à l'article 1244-4 du Code civil".

La loi "Macron" crée ainsi une nouvelle procédure simplifiée de recouvrement des petites créances ayant une cause contractuelle ou résultant d'une obligation de nature statutaire inférieures à un montant défini par décret en Conseil d'Etat qui ne devrait pas dépasser 2 000 euros. Destinées à permettre aux PME et TPE de recouvrir rapidement et à moindre frais leurs petites créances impayées, cette nouvelle procédure est sans conteste originale à un double titre. Tout d'abord, dans la mesure où, sur saisine du créancier, l'huissier de justice par lettre recommandée avec accusé de réception invite le débiteur à participer à la procédure. Si le débiteur accepte cette proposition, ce que l'huissier doit constater, la prescription extinctive est suspendue. L'huissier qui recueille l'accord du créancier et du débiteur sur le montant et les modalités du paiement délivre, sans autre formalité, un titre exécutoire. Ensuite, dans la mesure, là encore, où un titre exécutoire délivré par un huissier de justice ne sera soumis au contrôle d'aucun juge sauf éventuellement celui du juge de l'exécution en cas de difficultés d'exécution. Il convient d'attendre le décret d'application pour connaître le détail de la mise en oeuvre de cette nouvelle procédure qui tend à concurrencer celle prévue par le Code de procédure civile d'injonction de payer jugée trop lourd et dissuasive pour ce qui concerne les petites créances. Nous reviendrons donc prochainement sur cette procédure.


(1) Cass. avis 16 septembre 2002, n° 02-00003 (N° Lexbase : A7546CHX), rapport de Mme Bezombes, conclusions de M. Benmakhlouf, RTDCiv., 2003, p. 142, obs. R. Perrot ; Cass. civ. 2, 11 décembre 2008, n° 08-10.141, FS-P+B (N° Lexbase : A7285EBG), Bull. civ. II, n° 4, J.-M. Sommer C. Nicolitis, Chronique de jurisprudence de la Cour de cassation, D., 2009, p. 757, n° 2.
(2) R. Perrot, obs. sous Cass. com., 23 novembre 2004, n° 02-11.992, FS-P+B+I (N° Lexbase : A0236DEH), Procédures 2005, com. 39.
(3) Ph. Théry R. Perrot, Procédures civiles d'exécution, 3ème Dalloz, 2013, n° 402.
(4) Cass. avis, 8 mars 1996, n° 09-60001 (N° Lexbase : A5907CGU).
(5) J. Héron Th. Le Bars, Droit judiciaire privé, 6ème éd., LGDJ, 2015, n° 586, note 104.
(6) F. Ghelfi-Tastevin, Le principe de "l'effet attributif immédiat" des saisies et le droit des entreprises en difficultés (1ère partie), LPA, 1999, n° 207, p. 6.
(7) Cass. civ. 2, 13 septembre 2007, n° 06-14.730, FS-P+B (N° Lexbase : A2162DYQ), Bull. civ. II, n° 218, Procédures 2007, com., 250, obs. R. Perrot, RTDCiv., 2007, p. 813, obs. R. Perrot.

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Procédure pénale

[Brèves] Inconstitutionnalité des dispositions prolongeant à quatre-vingt seize heures la garde à vue pour les infractions de blanchiment ou de recel provenant du délit d'escroquerie en bande organisée et pour des infractions d'association de malfaiteurs

Réf. : Cons. const., décision n° 2015-508 QPC, du 11 décembre 2015 (N° Lexbase : A0394NZM)

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Le 17 Décembre 2015

Dans la mesure où le Conseil constitutionnel a déclaré la disposition du 8° bis de l'article 706-73 du Code de procédure pénale (N° Lexbase : L2793KGK) contraire à la Constitution, la référence à celle-ci par les articles 14° et 15° du même article permettant, jusqu'à la date de son abrogation, le recours à la garde à vue de quatre jours, prévue par l'article 706-88 dudit code (N° Lexbase : L2768KGM), est contraire à la Constitution. Telle est la substance d'un arrêt rendu par le Conseil constitutionnel, le 11 décembre 2015 (Cons. const., décision n° 2015-508 QPC, du 11 décembre 2015 N° Lexbase : A0394NZM ; cf., l'arrêt de renvoi au Conseil constitutionnel, Cass. crim., 30 septembre 2015, n° 15-83.026, F-D N° Lexbase : A5664NSL). En l'espèce, selon le requérant, en permettant le recours à la garde à vue prolongée de quatre-vingt-seize heures pour les infractions de blanchiment ou de recel du produit, des revenus, des choses provenant du délit d'escroquerie en bande organisée et pour des infractions d'association de malfaiteurs lorsqu'elles ont pour objet la préparation de ce même délit, les dispositions contestées méconnaîtraient la liberté individuelle et les droits de la défense dès lors que ces infractions ne portent pas atteinte en elles mêmes à la sûreté, à la dignité ou à la vie des personnes. Enonçant la règle susmentionnée, le Conseil constitutionnel lui donne raison et déclare la référence auxdites dispositions contraire à la Constitution. Toutefois, considérant que la remise en cause des actes de procédure pénale, pris sur le fondement des dispositions inconstitutionnelles, méconnaîtrait l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et aurait des conséquences manifestement excessives, les Sages décident que les mesures prises avant le 19 août 2015 en application de la référence au 8° bis par les 14° et 15° de l'article 706-73 du Code de procédure pénale ne peuvent être contestées sur le fondement de cette inconstitutionnalité (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E4304EUX).

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