Jurisprudence : CA Colmar, 23-09-2022, n° 20/03086, Confirmation

CA Colmar, 23-09-2022, n° 20/03086, Confirmation

A90868L4

Référence

CA Colmar, 23-09-2022, n° 20/03086, Confirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/88600160-ca-colmar-23092022-n-2003086-confirmation
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MINUTE N° 396/2022


Copie exécutoire à


- Me Marion BORGHI


- la SELARL ACVF ASSOCIES


Le 23/09/2022


Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE


ARRET DU 23 Septembre 2022


Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03086 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HNKR


Décision déférée à la cour : 05 Octobre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTE :


S.A.R.L. MKM prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]


représentée par Me Marion BORGHI, avocat à la cour.


INTIMÉE :


S.C.P. PATRICK METZ ET Aa A NOTAIRES ASSOCIES Prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

[Adresse 1]


représentée par la SELARL ACVF ASSOCIES, avocat à la cour.



COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 Juin 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.


Greffier, lors des débats : Mme Ab B faisant fonction


ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 16 septembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile🏛.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES


Selon acte reçu le 19 avril 2012 par Me [P], notaire au sein de la SCP Patrick Metz et Aa A, notaires associés à [Localité 3], la SARL MKM a acquis de la SCI Antonin un bien immobilier à usage commercial situé [Adresse 4] au prix de 770 000 euros HT, soit 920 920 euros TTC.


L'acte notarié précisait que le bien vendu était constitué d'un immeuble à usage commercial comportant :

- un local libre de toute location et occupation,

- un local donné à bail commercial à une société Zeeman textiel supers pour un loyer de 2 830,55 euros HT majoré d'une TVA de 564,85 euros,

- 60 emplacements de parking.


Au titre des déclarations fiscales, l'acte de vente stipulait page 7 que :

« Pour la perception des droits, le Vendeur déclare :

- qu'il est assujetti à la TVA dans le cadre de son activité économique et qu'il est identifié sous le n° de TVA FR67 4337793007,

- que l'immeuble vendu est achevé depuis plus de 5 ans et que son acquisition lui a ouvert droit à déduction de la TVA.


En conséquence la présente vente est exonérée de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 261,5-2° du code général des impôts🏛.

Toutefois le vendeur déclare vouloir opter pour la taxation des présentes à la TVA sur le prix total ainsi que l'article 260 5° bis du code général des impôts🏛 lui en laisse la possibilité (...) ».


La société MKM qui a déduit de sa déclaration de TVA du mois d'avril 2012 le montant de la TVA versée au titre de cette acquisition, soit la somme de 150 920 euros, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité dans le cadre de laquelle l'administration a remis en cause la déductibilité de la TVA acquittée, motif pris de ce que la vente ne pouvait être soumise à la TVA puisqu'elle bénéficiait de l'exonération de l'article 257 bis du code général des impôts🏛 qui prévoit que les ventes de l'universalité totale ou partielle de biens sont dispensées de plein droit de la TVA lorsqu'elles sont réalisées au profit d'une personne qui entend exploiter l'universalité, aucune option n'étant pas ouverte dans ce cas au contribuable.


Les recours formés par la société MKM devant le tribunal administratif de Strasbourg, puis devant la cour administrative d'appel de Nancy n'ayant pas abouti, elle a assigné la SCP Patrick Metz et Aa A, le 30 mars 2017, devant le tribunal de grande instance de Strasbourg en paiement d'une somme de 170 920 euros à titre de dommages et intérêts.



Par jugement du 5 octobre 2020, le tribunal judiciaire a débouté la société MKM de sa demande et l'a condamnée aux dépens après avoir constaté que la société MKM n'exposait pas la nature de la faute reprochée.



La société MKM a interjeté appel de ce jugement, le 23 octobre 2020.


Par conclusions transmises par voie électronique le 14 janvier 2021, elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau, de condamner la SCP Patrick Metz et Aa A au paiement de la somme de 170 920 euros, outre 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛 et aux entiers dépens de la procédure.


Elle soutient que :

- sa demande est nécessairement fondée sur les articles 1382 et suivants, devenus 1240 et suivants du code civil🏛 ;

- la décision de la juridiction administrative fut-elle critiquable, est néanmoins intervenue de manière définitive et constate le redressement, et par voie de conséquence, indirectement la faute du notaire qui doit assurer l'efficacité de son acte, laquelle a été contestée puisque la société MKM a fait l'objet d'un redressement fiscal et que les différents recours régularisés ont été rejetés ;

- son préjudice est établi car il est faux de soutenir que la vente n'aurait pas été consentie au prix de 770 000 euros si elle n'avait pas été soumise à la TVA.


Par conclusions transmises par voie électronique le 6 avril 2021, la SCP Patrick Metz et Aa A conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement et sollicite la condamnation de la société MKM au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛 et aux dépens des deux instances.


L'intimée conteste toute faute de sa part, laquelle doit être appréciée in abstracto, faisant valoir que la décision du tribunal administratif de Strasbourg, confirmée par la cour administrative de Nancy, est particulièrement contestable, au regard de la doctrine fiscale qui était opposable au moment de la vente, et soutient que c'est de manière appropriée que la TVA a été appliquée à la vente au regard de la doctrine administrative alors en vigueur.


Elle soutient que le lien de causalité n'est pas non plus démontré, la société MKM invoquant une faute indirecte du notaire, alors que les fautes commises dans la défense de la société devant la juridiction administrative sont prépondérantes, ajoutant qu'il appartient en outre à la société MKM de démontrer qu'elle aurait économisé le montant de la TVA si les dispositions de l'article 257 bis du code général des impôts🏛 avaient été appliquées à la vente, or il n'est pas certain que la SCI Antonin aurait alors vendu l'immeuble à un prix identique.


La SCP Patrick Metz et Aa A considère en outre que la société MKM ne peut opposer au notaire les conséquences d'une décision juridictionnelle lui ayant imposé un redressement fiscal, ce qui bafouerait le droit à un procès équitable puisque le notaire n'a pas pu faire valoir ses droits, et relève que selon une jurisprudence constante, le paiement d'un impôt ne constitue pas un préjudice réparable.


Elle souligne qu'en matière de manquement à l'obligation de conseil seule la perte de chance d'une éventualité favorable peut être réparée, or la réalité d'une telle perte de chance n'est pas démontrée. Enfin les frais de procédure devant la juridiction administrative ne sont justifiés ni sur le principe ni sur le montant.


Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.


La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er février 2022.



MOTIFS


Le notaire, en sa qualité d'officier ministériel chargé d'authentifier les actes qu'il reçoit, est tenu de s'assurer de leur validité et de leur efficacité. Il est également tenu d'un devoir d'information et de conseil à l'égard de l'ensemble des parties à l'acte, et il doit notamment informer et éclairer les parties, de manière complète et circonstanciée, sur la portée et les effets, notamment quant aux incidences fiscales, des actes auxquels il prête son concours En cas de manquement à ce devoir, il engage sa responsabilité, sur le fondement de l'article 1382, ancien, du code civil🏛, applicable au litige.


Il appartient à la société MKM qui recherche la responsabilité de la SCP Patrick Metz et Aa A de rapporter la preuve d'une faute du notaire, qui ne peut être tirée du seul fait que la société MKM a fait l'objet d'un redressement fiscal validé par la juridiction administrative, qui ne constitue pas nécessairement une présomption de faute du notaire.


La société MKM reproche à l'intimée de ne pas avoir assuré l'efficacité de l'acte reçu par son ministère.


Ce grief n'est toutefois pas fondé dans la mesure où l'acte qui porte sur une cession d'immeuble est en lui-même efficace puisqu'il a emporté transfert de la propriété des locaux cédés au profit de la société MKM, la circonstance que le régime fiscal auquel la vente a été soumise ait été ultérieurement contesté par l'administration, et par voie de conséquence, la déductibilité de la TVA payée par l'acquéreur sur le prix de vente, ne privant pas l'acte de son efficacité.


Il n'est pas non plus établi qu'en soumettant la vente à la TVA sur option du vendeur le notaire aurait fait application d'un régime fiscal non applicable, s'agissant de la vente d'une universalité de biens exonérée de plein droit de la taxe sur la valeur ajoutée sans possibilité d'option.


La SCP Patrick Metz et Aa A se prévaut en effet d'une consultation établie le 31 mai 2018 par le Centre notarial d'assistance fiscale dont il résulte que, dans la mesure où la vente portait non seulement sur un local faisant l'objet d'un bail commercial avec reprise du bail en cours par l'acquéreur, mais aussi sur un local libre de toute location et occupation, qui était vacant depuis fin 2011 et n'a pas été reloué avant la fin de l'année 2014 ou le début de l'année 2015, ce local ne pouvait être qualifié de local affecté à une activité locative, de sorte qu'au regard de la doctrine administrative alors en vigueur résultant des rescrits du 12 septembre et du 26 décembre 2006 et du 4 mars 2008, la dispense de taxation concernant les ventes d'universalité totale ou partielle de biens affectés à une activité locative lorsque l'acquéreur poursuit cette activité prévue par l'article 257 bis du code général des impôts🏛, n'avait pas vocation à s'appliquer, et que le vendeur, qui était assujetti à la TVA comme l'acquéreur, était fondé à opter pour l'application de cette taxe.


Cette argumentation qui n'a pas été soumise à la juridiction administrative, n'apparaît pas en contradiction avec la décision rendue, la cour administrative d'appel de Nancy dans son arrêt du 30 novembre 2017 ayant en effet relevé que ' la société ne justifie pas que le cédant s'était réservé la jouissance du local libre de location ou que ce bien n'était pas proposé à la location ; que dans ces conditions, il n'est pas établi que l'immeuble cédé n'était affecté que de manière partielle à une activité locative  , ce qui implique que, sur la base d'autres éléments de preuve, le redressement aurait pu être invalidé.


Dans ces conditions, seul un manquement du notaire à son devoir d'information sur les incidences fiscales de l'opération, et le cas échéant sur l'incertitude affectant le régime fiscal applicable à l'acte serait tout au plus susceptible d'être reproché à la SCP Patrick Metz et Aa A, manquement qui n'est pas invoqué par la société MKM.


En tout état de cause, comme le souligne l'intimée cette faute n'occasionnerait qu'une perte de chance d'avoir pu éviter d'avoir à payer à TVA, et ne pourrait conduire à obtenir une indemnisation à hauteur du montant de TVA déduit à tort selon l'administration fiscale, le paiement d'un impôt auquel le contribuable est légalement tenu ne constituant pas en lui-même un préjudice.


Le jugement entrepris sera donc confirmé.


La société MKM qui succombe en son appel supportera la charge des dépens d'appel ainsi que d'une indemnité de procédure de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛, sa propre demande de ce chef étant rejetée.



PAR CES MOTIFS


La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile🏛,


CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 5 octobre 2020 en toutes ses dispositions ;


Y ajoutant,


DEBOUTE la société MKM de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;


CONDAMNE la SARL MKM aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SCP Patrick Metz et Aa A la somme de 3 000 euros (trois mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛.


Le greffier,La présidente,

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