Jurisprudence : CA Paris, 6, 6, 01-03-2023, n° 20/07201, Infirmation partielle

CA Paris, 6, 6, 01-03-2023, n° 20/07201, Infirmation partielle

A73849GL

Référence

CA Paris, 6, 6, 01-03-2023, n° 20/07201, Infirmation partielle. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/93778645-ca-paris-6-6-01032023-n-2007201-infirmation-partielle
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


COUR D'APPEL DE PARIS


Pôle 6 - Chambre 6


ARRET DU 01 MARS 2023


(n° 2023/ , 2 pages)


Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/07201 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCR7M


Décision déférée à la Cour : Jugement du 09 Septembre 2020 -Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de PARIS - RG n° 19/09509



APPELANTE


MadameAa[W] [L]

[Adresse 1]

[Localité 4]


Représentée par Me Florent HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222


INTIMÉE


MUTUALITÉ FONCTION PUBLIQUE ACTION SANTÉ SOCIAL prise en son établissement INSTITUT MUTUALISTE [6]

[Adresse 2]

[Localité 3]


Représentée par Me Philippe YON, avocat au barreau de PARIS, toque : P0521



COMPOSITION DE LA COUR :


L'affaire a été débattue le 10 janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :


Madame Christine Da Luz, Présidente de chambre

Madame Nadège BOSSARD, Conseillère

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller


qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile🏛.


Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats


ARRÊT :


- contradictoire,

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile🏛,

- signé par Madame Nadège BOSSARD, Conseillère, pour la présidente empêchée, et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.


RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE :


Mme [W] [Aa] a été embauchée par la Mutualité fonction publique action sociale au sein de l'institut [6] à compter du 10 octobre 2011, en qualité d'infirmière.


Mme [Aa] exerçait au sein des services SSPI (salle de réveil) et réanimation.


Mme [Aa] a pris un congé sans solde pour préparer le concours d'une école d'infirmière anesthésiste à [Localité 7], du 27 novembre 2017 au 31 août 2018.


Elle a été reçue à ce concours d'entrée.


Mme [Aa] a demandé le financement de cette formation à son employeur.


Par courrier du 23 mai 2018, Mme [Aa] se voyait notifier un refus.


Le 10 octobre 2018, à l'occasion de son entretien annuel d'évaluation, Mme [Aa] formait une demande de financement.


Par courriel du 28 décembre 2018, la directrice des ressources humaines a indiqué à Mme [Aa] que l'institut ne pourrait pas financer sa formation pour l'année 2019 ni pour l'année 2020.


Mme [Aa] a été placée en arrêt de travail à compter du 12 juillet 2019.


Mme [Aa] a saisi le conseil de prud'hommes, le 6 août 2019, durant son arrêt, afin de faire constater l'existence d'heures supplémentaires non rémunérées, d'une discrimination et d'une déloyauté sur l'accès à la formation et de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail.



Par lettre du 28 août 2019, elle a pris acte de la rupture de son contrat de travail. Elle a effectué son préavis d'un mois.


Elle a suivi la formation d'infirmière anesthésiste du 30 septembre 2019 au 30 septembre 2021.


Par jugement du 9 septembre 2020, le conseil de prud'hommes a débouté

Mme [Aa] de toutes ses demandes.


Mme [Aa] a interjeté appel le 22 octobre 2020.


Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 15 avril 2022, auxquelles la cour se réfère expressément, Mme [Aa] demande de :

Déclarer Mme [W] [Aa] recevable et bien fondée en son appel

Infirmer le jugement du 9 septembre 2020 en ce qu'il a débouté Mme [Aa] de l'intégralité de ses demandes,

Statuer à nouveau

1. Prononcer l'existence de faits de discrimination, selon la définition de l'article L. 1132-1, au préjudice de Mme [Aa],

En conséquence

Condamner la société Mutualité Fonction Publique Action Santé Social (MFPASS) à verser à Mme [Aa] une somme de 120 000 € :

' à titre de dommages-intérêts pour discrimination, sur le fondement de l'article L. 1132-1 du code du travail🏛,

' et en tout état de cause sur le fondement des articles L. 4121-1, et suivants du code du travail🏛, relatif à l'obligation de prévention et de sécurité de l'employeur, et sur le fondement de l'article L. 1222-1 du code du travail🏛, ces agissements constituant une exécution déloyale du contrat de travail,

2. Prononcer la violation par la société Mutualité Fonction Publique Action Santé Social (MFPASS) de son obligation de formation et d'adaptation envers Mme [Aa],

En conséquence

Condamner la société Mutualité Fonction Publique Action Santé Social (MFPASS) à verser à Mme [Aa] une somme de 105 128,72 € nets à titre de dommages et intérêts, sur le fondement des articles L. 6321-1 du code du travail🏛, dont le montant sera modulé en fonction de l'intégration de la réparation de ce préjudice au titre de la discrimination.

3. Dire et Juger que Mme [W] [Aa] a effectué des heures supplémentaires non rémunérées, évaluées à hauteur de 4.33 heures par mois

En conséquence

Condamner la société Mutualité Fonction Publique Action Santé Social (MFPASS) à verser à Mme [Aa] un rappel sur heures supplémentaires, d'août 2016 à juillet 2019, évalué à la somme de 841,73 €, ainsi que 84,17 € de congés payés afférents,

Condamner la société Mutualité Fonction Publique Action Santé Social (MFPASS) à verser à Mme [Aa] une somme de 22 783 € (6 mois) à titre d'indemnité à titre principal sur le fondement de l'article L. 8223-1 du code du travail🏛, pour travail dissimulé, et à titre subsidiaire sur le fondement des articles L. 3242-1 et L. 1222-1 du code du travail🏛🏛, pour manquement aux obligations relatives au versement du salaire.

4. Dire et Juger que la lettre de prise d'acte de Mme [Aa] du 28 août 2019 emporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Prononcer la nullité de ce licenciement en application des articles L. 1132-1 et L. 1132-4 du code du travail🏛🏛

En conséquence

Condamner la société Mutualité Fonction Publique Action Santé Social (MFPASS) à verser à Mme [Aa] une somme de 7 595 € à titre d'indemnité de licenciement,

Condamner la société Mutualité Fonction Publique Action Santé Social (MFPASS) à verser à Mme [Aa] :

A titre principal : du fait de la nullité du licenciement

une somme de 45 565 € (12 mois) à titre d'indemnité pour licenciement nul, sur le fondement de l'article L. 1132-4 du code du travail🏛.

À titre subsidiaire : du fait de l'absence de cause réelle et sérieuse de licenciement

une somme de 45 565 € (12 mois) à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail🏛, la cour écartant le plafond du barème comme contraire à l'article 10 de la convention 158 de l'OIT ratifié par la France le 16 mars 1989 et à l'article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996.

En tout état de cause

4. Débouter la société Mutualité Fonction Publique Action Santé Social (MFPASS) de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

5. Condamner la société Mutualité Fonction Publique Action Santé Social (MFPASS) à remettre à Mme [Aa] les bulletins de paie, et documents sociaux conformes au jugement à intervenir, et ce sous astreinte de 250 € par jour de retard et par document,

6. Se réserver le contentieux de la liquidation des astreintes,

7. Dire que les condamnations prononcées seront assorties des intérêts au taux légal, et anatocisme conformément à l'article 1154 du code civil🏛

8. Condamner la société Mutualité Fonction Publique Action Santé Social (MFPASS) à verser à Mme [Aa] une somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile🏛,

9. Condamner la société Mutualité Fonction Publique Action Santé Social (MFPASS) aux entiers dépens ainsi qu'aux éventuels frais d'exécution.


Selon ses dernières conclusions remises au greffe, notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 7 avril 2021, auxquelles la cour se réfère expressément, l'institut mutualiste [6] demande de :

- Confirmer le jugement du 9 septembre 2020 en toutes ses dispositions ;


Y ajoutant :

- Condamner Mme [Aa] au paiement au profit de l'Institut Mutualiste [6] à hauteur de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛 ;

- Condamner Mme [Aa] en tous les dépens.


L'ordonnance de clôture a été prononcée le 8 novembre 2022.



MOTIFS :

Sur la discrimination à raison du sexe :


En vertu de l'article L1132-1 du code du travail🏛, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation en entreprise, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008🏛 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L. 3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation ou identité sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille, de son lieu de résidence ou en raison de son état de santé ou de son handicap.


L'article L1134-1 dispose que lorsque survient un litige en raison d'une méconnaissance des dispositions du chapitre II, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, telle que définie à l'article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008🏛 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.


En l'espèce, Mme [Aa] soutient que sa situation justifiait la prise en charge de sa formation suivant la pratique en vigueur au sein de la société dans la mesure où :

- elle avait réussi le concours d'entrée à l'école de formation des infirmiers anesthésistes diplômés d'Etat ([5]),

- elle avait respecté le processus de demande durant l'entretien annuel d'évaluation,

- cette formation était adaptée à son profil, suivant un bilan de compétences effectué en amont,

- elle avait obtenu l'accord de son cadre, et un avis favorable des professionnels de santé avec lesquels elle travaillait,

- elle n'avait jusqu'à présent obtenu le financement d'aucune formation.


Elle justifie des soutiens écrits reçus des cadres de santé et des médecins avec lesquels elle travaillait attestant de sa capacité à suivre la formation qu'elle sollicitait.


Elle expose s'être vu opposer plusieurs refus, une première fois, par courrier du 23 mai 2018, puis, le 7 décembre 2018, de façon informelle, par Mme [F], au motif qu'elle serait « trop sensible », le 14 décembre 2018, par la DRH, Mme [Z], et le 28 décembre


2018, par téléphone et confirmation écrite de la DRH, lui indiquant que sa formation ne serait financée ni pour 2019 ni pour 2020.


Elle justifie des refus écrits mais ne produit pas d'éléments relatifs aux motifs allégués de ces refus ni des réponses orales alléguées.


Elle reproche à son employeur de ne pas avoir respecté la procédure interne d'examen des demandes de financement de formation en ayant pris une décision de refus avant même que la commission en charge de ces questions ne se réunisse en janvier 2019. Toutefois, le procès-verbal du comité économique et social du 26 janvier 2019 produit par Mme [Aa] mentionne qu'une commission de formation s'est réunie au cours de l'année 2018 sans que les dates en soient précisées. Les élus n'ont en revanche été consultés qu'en janvier 2019.


Mme [Aa] établit que les deux financements accordés pour cette formation en 2019 ont été accordés à deux hommes, M.[B] [I], et M. [U] [X], qui ont passé le concours en même temps que Mme [Aa], et que l'un d'eux, M. [B] [I], infirmier recruté en contrat de travail à durée indéterminée en février 2018, a obtenu une réponse positive en juillet 2018 pour le financement de sa formation d'[5] en septembre 2019.


Ces éléments, pris dans leur ensemble, font présumer une discrimination à raison du sexe.


L'employeur souligne n'avoir pas d'obligation légale de financement de formations qualifiantes et invoque avoir retenu comme critères de financement le classement des salariés au concours d'entrée et la présence du salarié à l'effectif.


Il produit la liste des candidats admis par rang de classement au concours d'entrée 2018 dont il résulte que Mme [Aa] était la 27ème et dernière admise tandis que M. [I] était admis au 8ème rang et M.[X] au 26ème rang.


Il n'est pas contesté que Mme [Aa] était en congé sabbatique du 27 novembre 2017 au 31 août 2018, de sorte qu'elle n'était pas en poste au moment des résultats du concours d'entrée qui ont été connus en mars 2018.


Aucune procédure écrite d'examen des demandes de financement de formation certifiante n'est versée aux débats. Les extraits du logiciel RH versés aux débats établissent que ce n'est qu'à compter des formations de l'année 2019 que les demandes devaient être formulées lors de l'entretien préalable soit en octobre 2018.


Quant à l'avis des élus, il n'a été recueilli qu'en janvier 2019 en raison de contraintes liées à la mise en place d'un nouveau logiciel RH et à l'installation du comité social et économique. Ce dernier a émis un avis défavorable au plan de formation 2019 après avoir souligné que le processus de sélection avait été compliqué et a proposé que soit institué une commission chargée d'examiner les demandes sur la base de critères prédéterminés.


Pour autant, le procès-verbal de réunion du comité social et économique du 29 janvier 2019 mentionne d'une part que la commission formation s'est réunie à plusieurs reprises en 2018 mais sans les élus et que sur 790 demandes de formation pour 2019, 390 ont été retenues dont 2 formations diplômantes à l'école des cadres, 2 formations d'[5] et 2 formations d'infirmier en bloc opératoire (IBODE).


L'institut mutualiste apporte ainsi une justification objective étrangère à toute discrimination à sa décision de financer les formations de M. [I] et [X] et non celle de Mme [Aa] en ayant pris en compte, dans les limites de son budget et au regard de ses besoins, deux critères objectifs : le classement et la présence à l'effectif au jour de la demande.


La cour a dès lors la conviction que Mme [Aa] n'a pas subi de discrimination. Sa demande de dommages-intérêts est en conséquence rejetée.


Aucun élément ne vient faire présumer un manquement de l'employeur à son obligation de prévention et de sécurité, la salariée se limitant à invoquer un préjudice moral causé par le refus de financement de sa formation.


Les faits invoqués par Mme [Aa] ne caractérisent pas plus une exécution déloyale par l'employeur de ses obligations.


Les demandes subsidiaires de dommages-intérêts formées sur ces fondements sont en conséquence rejetées. Le jugement entrepris sera confirmé de ces chefs.


Sur le non-respect par l'employeur de son obligation de formation et d'adaptation


En vertu de l'article L. 6321-1 du code du travail🏛, l'employeur assure l'adaptation des salariés à leur poste de travail.

Il veille au maintien de leur capacité à occuper un emploi, au regard notamment de l'évolution des emplois, des technologies et des organisations.

Il peut proposer des formations qui participent au développement des compétences, y compris numériques, ainsi qu'à la lutte contre l'illettrisme, notamment des actions d'évaluation et de formation permettant l'accès au socle de connaissances et de compétences défini par décret.

Les actions de formation mises en oeuvre à ces fins sont prévues, le cas échéant, par le plan de développement des compétences mentionné au 1° de l'article L. 6312-1. Elles peuvent permettre d'obtenir une partie identifiée de certification professionnelle, classée au sein du répertoire national des certifications professionnelles et visant à l'acquisition d'un bloc de compétences.


Contrairement à ce que soutient Mme [Aa], le refus de financement d'une formation ne constitue pas nécessairement une violation de l'obligation de formation. Elle ne constitue pas une telle violation lorsque la formation est qualifiante comme en l'espèce pour la formation d'infirmière anesthésiste diplômée d'Etat.


S'agissant de l'obligation pour l'employeur de conduire un entretien professionnel tous les deux et six ans, prévu par l'article L6315-1 du code du travail🏛, Mme [Aa] produit elle-même le compte rendu d'entretien professionnel de 2018 de sorte que l'employeur a respecté son obligation d'organisation d'un tel entretien.


L'employeur ayant exécuté son obligation de formation, la demande indemnitaire est rejetée. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.


Sur les heures supplémentaires :


L'article L3171-2 prévoit que lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.

Le comité social et économique peut consulter ces documents.

Selon l'article L3171-4 du code du travail🏛, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.


Il résulte de ces dispositions, qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.


Mme [Aa] expose qu'elle travaillait alternativement une semaine de cinq jours de 12 heures et une semaine de deux jours de 12 heures et qu'elle effectuait régulièrement deux heures supplémentaires toutes les deux semaines.


Elle produit un tableau mentionnant le nombre d'heures supplémentaires réalisées chaque mois d'août 2016 à juillet 2019, lequel n'excède pas 2,1 heures par mois.


L'employeur, bien que sommé par la salariée de produire les relevés de badgeage, ne produit aucun élément pour établir les heures de travail réellement effectuées parAaMme [L].


Au regard de ces éléments, la cour a la conviction que Mme [Aa] a réalisé les heures supplémentaires dont elle sollicite le paiement. La mutualité fonction publique action santé prise en son établissement l'institut mutualiste [6] est en conséquence condamnée à lui payer la somme de 841,73 euros de rappel de salaire et 84,17 euros de congés payés y afférents.


Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.


Sur l'indemnité pour travail dissimulé :


Selon l'article L8221-5 du code du travail🏛, 'Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.'


Le non paiement d'heures supplémentaires ne suffit pas à caractériser une intention de dissimulation d'heures travaillées.


Mme [Aa] ne produisant aucun élément de nature à rapporter une telle preuve, la demande de dommages-intérêts pour travail dissimulé est rejetée.


Sur les dommages-intérêts pour manquement aux obligations relatives au versement du salaire :


La salariée fonde sa demande indemnitaire sur le fondement des articles L. 3242-1 et L. 1222-1 du code du travail🏛🏛, pour manquement aux obligations relatives au versement du salaire.


L'article L.3242-1 est relatif à la mensualisation. Or, il n'est pas contesté que l'employeur lui ait versé un salaire mensuel.


S'agissant du manquement à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, elle suppose un acte délibéré qui n'est pas suffisamment caractérisé par l'absence de paiement d'heures supplémentaires.


La demande indemnitaire formée de ces chefs est en conséquence rejetée. Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.


Sur la prise d'acte :


La prise d'acte de la rupture produit les effets d'un licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse lorsque les manquements de l'employeur invoqués par le salarié sont établis et suffisamment graves pour justifier la rupture. A défaut, elle produit les effets d'une démission.


En l'espèce, Mme [Aa] reproche à son employeur :

- l'absence de paiement de l'intégralité de ses heures de travail,

- une discrimination sur l'accès à la formation,

- un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité à cet égard, et une déloyauté dans l'exécution de son contrat de travail

- le non-respect par l'employeur de son obligation de formation et d'adaptation.


Si seul le non paiement d'heures supplémentaires est caractérisé, il revêt une gravité suffisante pour justifier une prise d'acte aux torts de l'employeur laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.


Sur l'indemnité légale de licenciement :


En vertu de l'article L1234-9 du code du travail🏛, dans sa rédaction applicable au litige, le salarié titulaire d'un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu'il compte 8 mois d'ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Les modalités de calcul de cette indemnité sont fonction de la rémunération brute dont le salarié bénéficiait antérieurement à la rupture du contrat de travail. Ce taux et ces modalités sont déterminés par voie réglementaire.


L'article R1234-2 du même code🏛 prévoit que l'indemnité de licenciement ne peut être inférieure aux montants suivants :

1° Un quart de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années jusqu'à dix ans ;

2° Un tiers de mois de salaire par année d'ancienneté pour les années à partir de dix ans.


En vertu de l'article R1234-4 dans sa rédaction issue du décret n°2017-1398 du 25 septembre 2017, le salaire à prendre en considération pour le calcul de l'indemnité de licenciement est, selon la formule la plus avantageuse pour le salarié :

1° Soit la moyenne mensuelle des douze derniers mois précédant le licenciement, ou lorsque la durée de service du salarié est inférieure à douze mois, la moyenne mensuelle de la rémunération de l'ensemble des mois précédant le licenciement ;

2° Soit le tiers des trois derniers mois. Dans ce cas, toute prime ou gratification de caractère annuel ou exceptionnel, versée au salarié pendant cette période, n'est prise en compte que dans la limite d'un montant calculé à due proportion.


Le salaire le plus favorable à Mme [Aa] est le salaire des trois derniers mois lequel s'élève à 3 300 euros, heures supplémentaires comprises.


Au regard de son ancienneté de 7 années et deux mois, congés sans solde déduits et délai de préavis pris en compte, l'indemnité légale qui lui est due s'élève à 6 739,26 euros. La mutualité fonction publique action santé social est condamnée à payer cette somme à Mme [Aa]. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.


Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse :


Selon l'article L1235-3 du code du travail🏛, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés pour 7 ans d'ancienneté entre 3 et 8 mois de salaire.


Mme [Aa] demande à la cour d'écarter le plafond du barème de l'article L1235-3 du code du travail🏛 comme étant selon elle contraire à l'article 10 de la convention 158 de l'OIT ratifié par la France le 16 mars 1989 et à l'article 24 de la charte sociale européenne du 3 mai 1996 et sollicite 12 mois de salaire à titre d'indemnité.


Il est de droit que sous réserve des cas où est en cause un traité international pour lequel la Cour de justice de l'Union européenne dispose d'une compétence exclusive pour déterminer s'il est d'effet direct, les stipulations d'un traité international, régulièrement introduit dans l'ordre juridique interne conformément à l'article 55 de la Constitution, sont d'effet direct dès lors qu'elles créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir et que, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale du traité invoqué, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, elles n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire pour produire des effets à l'égard des particuliers.


Les dispositions de la Charte sociale européenne selon lesquelles les Etats contractants ont entendu reconnaître des principes et des objectifs poursuivis par tous les moyens utiles, dont la mise en oeuvre nécessite qu'ils prennent des actes complémentaires d'application et dont ils ont réservé le contrôle au seul système spécifique visé par la partie IV, ne sont pas d'effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.


L'invocation de son article 24 ne peut dès lors pas conduire à écarter l'application des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail🏛, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017🏛.


Les stipulations de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT), qui créent des droits dont les particuliers peuvent se prévaloir à l'encontre d'autres particuliers et qui, eu égard à l'intention exprimée des parties et à l'économie générale de la convention, ainsi qu'à son contenu et à ses termes, n'ont pas pour objet exclusif de régir les relations entre Etats et ne requièrent l'intervention d'aucun acte complémentaire, sont d'effet direct en droit interne.


Aux termes de l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la loi doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle punisse.


Les dispositions des articles L. 1235-3, L. 1235-3-1 et L. 1235-4 du code du travail🏛🏛🏛, dans leur rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017🏛, qui permettent raisonnablement l'indemnisation de la perte injustifiée de l'emploi et assurent le caractère dissuasif des sommes mises à la charge de l'employeur, sont de nature à permettre le versement d'une indemnité adéquate ou une réparation considérée comme appropriée au sens de l'article 10 de la Convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail (OIT).


Il en résulte que les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail🏛 sont compatibles avec les stipulations de l'article 10 de la Convention précitée.


En conséquence, il appartient seulement au juge d'apprécier la situation concrète de la salariée pour déterminer le montant de l'indemnité due entre les montants minimaux et maximaux déterminés par l'article L. 1235-3 du code du travail🏛.


En l'espèce, au regard de la qualification de Mme [Aa], de son âge, de son ancienneté, du délai qui lui a été nécessaire pour retrouver un emploi à l'issue de sa formation d'infirmière anesthésiste diplômée d'Etat, de son salaire mensuel moyen des six derniers mois de 3 273 euros, la mutualité fonction publique action santé sociale est condamnée à lui payer la somme de 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.


Sur les intérêts et leur capitalisation :


Conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil🏛, les créances salariales sont assorties d'intérêts au taux légal à compter de la réception par la société de la convocation à comparaître devant le bureau de conciliation du conseil de prud'hommes soit le 16 janvier 2020.


En vertu de l'article 1231-7 du code civil🏛, les dommages et intérêts alloués sont assortis d'intérêts au taux légal à compter de la présente décision.


Il convient d'ordonner la capitalisation des intérêts échus sur une année entière.


Sur la remise des documents de rupture :


La mutualité fonction publique action santé sociale est condamnée à remettre à Mme [Aa] un bulletin de salaire, une attestation destinée à Pôle emploi conformes au présent arrêt.


Les circonstances de la cause ne justifient pas le prononcé d'une astreinte.


Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile🏛 :


La mutualité fonction publique action santé sociale est condamnée aux dépens de première instance et d'appel et au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛.



PAR CES MOTIFS :


La cour,


INFIRME le jugement entrepris sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de dommages-intérêts pour discrimination, pour manquement à l'obligation de prévention et de sécurité de l'employeur, pour manquement à l'obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, pour manquement à l'obligation de formation et pour travail dissimulé,


LE CONFIRME de ces chefs,


Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,


JUGE que la prise d'acte produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,


CONDAMNE la mutualité fonction publique action santé sociale à payer à Mme [W] [Aa] les sommes de :

- 841,73 euros de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires et 84,17 euros de congés payés y afférents,

- 6 739,26 euros à titre d'indemnité légale de licenciement,

- 15 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,


DIT que les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter du 20 janvier 2020 et les créances indemnitaires produiront intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent arrêt,


ORDONNE la capitalisation des intérêts échus sur une année entière,

CONDAMNE la mutualité fonction publique action santé sociale à remettre à Mme [Aa] un bulletin de salaire, une attestation destinée à Pôle emploi conformes au présent arrêt,


REJETTE la demande d'astreinte,


CONDAMNE la mutualité fonction publique action santé sociale à payer à Mme [Aa] la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile🏛,


CONDAMNE la mutualité fonction publique action santé sociale aux dépens de première instance et d'appel.


LA GREFFIÈRE LA CONSEILLÈRE POUR LA PRÉSIDENTE EMPÊCHÉE

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