Jurisprudence : CE 9/10 SSR, 20-10-2000, n° 197770

CONSEIL D'ETAT statuant au contentieux

N°197770

COMMUNE DE FAA'A

M. Mahé

Rapporteur

M. Courtial

Commissaire du Gouvernement

Séance du 20 septembre 2000

Lecture du 20 octobre 2000

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux (Section du contentieux, 9ème et 10ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 9ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête et le mémoire complémentaires, enregistrés le 6 juillet 1998 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour la COMMUNE DE FAXA, représentée par son maire en exercice ; la COMMUNE DE FAXA demande au Conseil d'Etat :

l°) d'annuler pour excès de pouvoir le décret n° 98-179 du 11 mars 1998 fixant pour l'année 1997 la quote-part des ressources du budget du territoire de la Polynésie française destinée à alimenter le fonds intercommunal de péréquation ;

2°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 15 000 F en application des dispositions de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 71-1028 du 24 décembre 1971

Vu le décret n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 3 1 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Mahé, Auditeur,

- les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de la COMMUNE DE FAA-A,

- les conclusions de M. Courtial, Commissaire du gouvernement ;

Considérant que la loi du 24 décembre 1971 instituant le régime communal en Polynésie française a prévu l'institution d'un fonds intercommunal de péréquation dont les versements alimentent le budget des communes ; qu'aux termes du premier alinéa de l'article 10 de la loi, ce fonds "reçoit une quote-part des impôts, droits et taxes perçus ou à percevoir au profit du budget territorial" ; qu'aux termes du deuxième alinéa du même article : "Cette quote-part, qui ne peut être inférieure à 15 % desdites ressources, est, compte tenu des charges respectives du territoire et des communes, fixée par décret en Conseil d'Etat après consultation de l'assemblée territoriale et avis du gouverneur et sur proposition du ministre chargé des territoires d'outre-mer" ; que le décret attaqué, en date du 11 mars 1998, a dans son article premier fixé la quote-part des ressources du territoire destinée à alimenter le fonds intercommunal" de péréquation pour 1997 à 15 % des ressources inscrites au budget primitif du territoire dont la liste et le montant figurent en annexe à ce décret ;

Considérant que l'article 2 du décret attaqué prévoit que le montant ainsi calculé il sera éventuellement majoré pour atteindre 15 % du total des impôts, droits et taxes du budget territorial constatés à la clôture de l'exercice 1997" ; que la COMMUNE DE FAXA ne saurait utilement contester la légalité de ces dispositions, qui n’amputent le fonds intercommunal de péréquation d'aucune des ressources qui doivent l'alimenter en application des dispositions de l'article 10 de la loi du 24 décembre 1971, mais visent au contraire à lui garantir des ressources assises sur les recettes effectivement perçues par le territoire lorsque celles-ci sont supérieures aux prévisions du budget primitif ;

Considérant que, si aucune disposition réglementaire n’a fixé les modalités d'application de l'article 10 précité de la loi du 24 décembre 1971, il résulte tant des termes de cet article que de l'intention du législateur, telle qu'elle ressort notamment des travaux parlementaires qui ont précédé le vote de la loi, que l'assiette de la contribution versée au fonds intercommunal de péréquation, constituée par les impôts, droits et taxes perçus ou à percevoir au profit du budget du territoire ne comprend pas l'ensemble des ressources du territoire de la Polynésie française, mais seulement les ressources fiscales du territoire constituant des impositions de toute nature ; qu'elle n’inclut, par suite, ni les ressources relevant d'autres catégories inscrites au budget du territoire, ni les ressources fiscales qui ne sont pas perçues au profit du budget du territoire ;

Considérant qu'il résulte, en premier lieu, de ce qui précède qu'ont été légalement exclus de l'assiette de la contribution susmentionnée le produit des taxes parafiscales quelles que soient les conditions dans lesquelles elles ont été créées dans le cadre du régime financier, budgétaire et comptable propre au territoire de la Polynésie française, ainsi que les autres ressources financières du territoire dépourvues de caractère fiscal, qui sont la contrepartie de services rendus ou de cessions de caractère commercial, qui résultent de l'occupation du domaine public ou de frais de contrôle ou qui correspondent à des versements destinés en définitive à des tiers ou perçus à titre de sanction ; qu'ainsi ne peuvent être regardés comme les produits d'impositions de toute nature comprises dans le champ des impôts, droits et taxes" mentionnés à l'article 10 de la loi du 24 décembre 1971 ni la participation financière du G.I.E. "Tahiti-Tourisme" qui est une taxe parafiscale dont le produit est affecté aux actions de promotion du tourisme dans le territoire, ni les recouvrements prévus au cahier des charges annexé aux baux relatifs à la concession du dépôt d'hydrocarbures à Tahiti et ceux fixés dans le cadre de la concession de distribution publique d'énergie électrique de Tahiti, ni les participations de la caisse de prévoyance sociale, qui constituent la contrepartie financière versée au territoire par cet organisme en échange de la mise à disposition de moyens matériels et humains destinés au fonctionnement d'un bureau de ce service à Paris, ni les redevances pour services terminaux de la circulation aérienne prévues à l'article R. 134-4 du code de l'aviation civile, qui sont versées par les exploitants d'aéronefs à titre de redevances pour services rendus, ni les redevances de pêche résultant d'accords avec des Etats étrangers en contrepartie de l'octroi de droits de pêche dans les eaux territoriales, ni le produit de la taxe sur les agrégats perçue en contrepartie de l'autorisation d'extraction de matériaux sur le domaine public naturel du territoire, ni les produits de la cession, à titre onéreux, de bétail par le service de l'élevage du territoire, ni les sommes perçues au titre des salaires du conservateur des hypothèques lors de l'exécution des formalités de publicité immobilière, ni les loyers des immobilisations et les droits d'occupation du domaine public qui sont la contrepartie d'autorisations d'utilisation et de jouissance privative de ces biens et dépendances, ni les amendes et condamnations qui ont le caractère de sanctions, ni les "exonérations des droits et taxes" qui sont des écritures d'ordre ne correspondant à aucune recette effective et destinées à équilibrer le poste de dépenses d'un montant égal introduit dans le budget en vue de mesurer le poids financier des mesures d'exonération ;

Considérant, en second lieu, que si la contribution de solidarité territoriale établie sur les activités salariées et les professions non salariées dans les conditions définies par les délibérations du 8 décembre 1994 de l'assemblée territoriale constitue une imposition, les produits de cette contribution ne figurent pas en recettes du budget du territoire et sont directement recouvrés au profit de la caisse de prévoyance sociale qui assure la gestion du régime de protection sociale applicable dans le territoire ; que, dès lors, cette contribution ne constitue pas un impôt perçu ou à percevoir par le budget du territoire de la Polynésie française au sens de l'article 10 de la loi du 24 décembre 1971 ;

Considérant, en revanche, que le prélèvement sur les mises des loteries spécifiques au territoire, le prélèvement proportionnel sur les mises participantes des jeux et loteries pour lesquels il est fait masse commune des enjeux engagés sur l'ensemble du territoire national et le prélèvement progressif sur les gains perçus dans ces jeux, institués par l'article 43 de la loi de finances pour 1990 et mentionnés à l'article 2 de la délibération n° 90-128 AT du 13 décembre 1990 modifié par la délibération n° 92-44 AT du 19 mars 1992, ne sont pas destinés à couvrir les frais d'exploitation de ces jeux et loteries par le concessionnaire et ne constituent pas la contrepartie d'un service rendu ; que ces prélèvements, qui sont perçus au profit du budget du territoire et dont le montant est inscrit en recettes dans ce budget comme revenus des jeux de hasard, ont le caractère d'une imposition au sens de l'article 10 de la loi du 24 décembre 1971 ; que c'est, dès lors, à tort que cette catégorie de recettes ne figure pas au nombre de celles qui sont retenues dans l'assiette du fonds intercommunal de péréquation selon la liste annexée au décret du 11 mars 1998 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la COMMUNE DE FAXA n’est fondée à demander l'annulation du décret du 11 mars 1998 fixant pour l'année 1997 la quote-part des ressources du budget du territoire de la Polynésie française destinée à alimenter le fonds intercommunal de péréquation qu'en tant que ce décret exclut de l'assiette du fonds les revenus des jeux de hasard résultant des prélèvements sur les mises et gains au titre des jeux de hasard métropolitains et des loteries spécifiques au territoire ;

Considérant qu'il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner l'Etat à payer à la COMMUNE DE FAXA la somme de 15 000 F qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

DECIDE :

Article 1er : Le décret n° 98-179 du 11 mars 1998 fixant pour l'année 1997 la quote-part des ressources du budget du territoire de la Polynésie française destinée à alimenter le fonds intercommunal de péréquation est annulé en tant qu'il exclut de ces ressources les revenus des jeux de hasard résultant des prélèvements sur les mises et gains au titre des jeux de hasard métropolitains et des loteries spécifiques au territoire.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de la COMMUNE DE FAXA est rejeté.

Article 3 : La présente décision sera notifiée à la COMMUNE DE FAXA, au territoire de la Polynésie française, au Premier ministre et au secrétaire d'Etat à l'outre-mer.

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