Jurisprudence : Cass. civ. 1, 05-01-2022, n° 20-11.837, F-D, Rejet

Cass. civ. 1, 05-01-2022, n° 20-11.837, F-D, Rejet

A80277HR

Référence

Cass. civ. 1, 05-01-2022, n° 20-11.837, F-D, Rejet. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/76909317-cass-civ-1-05012022-n-2011837-fd-rejet
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CIV. 1

CF


COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 5 janvier 2022


Rejet


M. CHAUVIN, président


Arrêt n° 18 F-D


Pourvois n°
E 20-11.837
H 20-13.725 JONCTION


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 5 JANVIER 2022


Mme [P] [T], épouse [V], domiciliée [Adresse 1], a formé les pourvois n° E 20-11.837 et H 20-13.725 contre un arrêt rendu le 26 novembre 2019 par la cour d'appel de Bordeaux (1re chambre civile), dans les litiges l'opposant à M. [Aa] [N], domicilié [… …],

défendeur à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de chacun de ses pourvois, un moyen unique de cassation identique annexé au présent arrêt.


Les dossiers ont été communiqués au procureur général.

Sur le rapport de Mme Kloda, conseiller référendaire, les observations de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de Mme [T], de la SCP Boré, Ab de Bruneton et Mégret, avocat de M. [N], après débats en l'audience publique du 9 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Kloda, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Jonction

1. En raison de leur connexité, les pourvois n° E 20-11.837 et H 20-13.725 sont joints.


Faits et procédure

2. Selon l'arrêt attaqué (Bordeaux, 26 novembre 2019), par acte du 10 avril 1987, [F] [S] et son épouse ont vendu à M. et Mme [C] (les propriétaires) un bien immobilier en viager consistant en une maison d'habitation. En 1999, [F] [S] (le vendeur) a assigné les propriétaires en résiliation de la vente, en invoquant une inexécution de leurs obligations contractuelles. Un arrêt du 17 mars 2003 a prononcé la résiliation de la vente.

3. Par acte reçu le 27 octobre 2003 par M. [N] (le notaire), le vendeur a cédé la nue-propriété du bien, moyennant le paiement d'une rente viagère, à Mme [T] (l'acquéreur).

4. [F] [S] est décédé le 21 octobre 2004.

5. A la suite de la cassation de l'arrêt du 17 mars 2003, la cour d'appel de renvoi a rejeté la demande en résiliation de la vente.

6. Les propriétaires ont alors agi en revendication de la maison et un arrêt du 15 octobre 2012 a déclaré la vente consentie en 2003 inopposable aux propriétaires, ordonné l'expulsion de l'acquéreur et condamné celui-ci à leur verser une indemnité d'occupation.

7. Le 9 juillet 2015, l'acquéreur a assigné le notaire en responsabilité et indemnisation.


Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. L'acquéreur fait grief à l'arrêt de rejeter ses demandes de dommages-intérêts au titre de son préjudice économique et financier, alors :

« 1°/ que le notaire, qui doit s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il instrumente, est tenu de réparer le préjudice causé aux parties à l'acte par sa faute ou sa négligence ; que la faute du notaire, qui a omis de vérifier la qualité de propriétaire du vendeur, contribue directement au préjudice causé à l'acquéreur du fait de l'inopposabilité de la vente aux véritables propriétaires ; que dès lors la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations de fait et a ainsi violé l'ancien article 1382 du code civil🏛 devenu l'article 1240 du même code ;

2°/ que les indemnités d'occupation mises à la charge de l'acquéreur évincé au profit du véritable propriétaire sont assimilables à des fruits civils que le vendeur est tenu de restituer à l'acquéreur de bonne foi au jour de la vente ; qu'en jugeant néanmoins que les sommes que l'acquéreur a été condamnée à verser aux propriétaires constituaient la contrepartie de l'occupation du bien et qu'il ne pouvait obtenir réparation d'un préjudice à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 1630 du code civil🏛, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;

3°/ que la condamnation de l'acquéreur évincé au paiement d'une indemnité d'occupation au véritable propriétaire est la conséquence directe de l'éviction de l'acquéreur et de la faute du notaire qui a omis de vérifier la qualité de propriétaire du vendeur ; qu'en refusant de condamner le notaire, dont elle avait pourtant retenu la faute, à indemniser l'acquéreur du montant de l'indemnité d'occupation qu'il a été condamné à verser aux véritables propriétaires, la cour d'appel a violé l'ancien article 1382 devenu l'article 1240 du code civil🏛 et méconnu le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime. »


Réponse de la Cour

9. Il résulte de l'article 1382, devenu 1240, du code civil🏛 qu'ouvre droit à réparation le dommage en lien causal direct et certain avec la faute imputée au notaire, et que l'indemnité d'occupation due au propriétaire par l'acquéreur évincé à la suite de l'annulation d'un contrat de vente est la contrepartie de l'occupation du bien et ne constitue pas un dommage.

10. Après avoir relevé que le notaire avait commis une négligence en ne s'inquiétant pas de savoir si l'arrêt du 17 mars 2003 ayant prononcé la résiliation de la vente consentie aux propriétaires était ou non frappé de pourvoi en cassation, la cour d'appel a retenu que la valeur actuelle du bien, dans lequel l'acquéreur soutenait avoir effectué des travaux de rénovation et d'installation, ne présentait pas de lien de causalité avec cette négligence, que l'acquéreur ne justifiait pas avoir effectué de tels travaux et versé des sommes aux propriétaires et qu'à supposer qu'il ait effectivement engagé certaines sommes, leur règlement constituait soit la contrepartie de l'occupation du bien, soient étaient liées aux améliorations apportées dont il pouvait demander le remboursement au vendeur ou aux propriétaires.

11. Elle a pu en déduire que les demandes de dommages-intérêts formées à l'encontre du notaire devaient être écartées.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois ;

Condamne Mme [T] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile🏛, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du cinq janvier deux mille vingt-deux. MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit aux pourvois n° E 20-11.837 et H 20-13.725 par la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat aux Conseils, pour Mme [T]

IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué D'AVOIR débouté l'acquéreur de sa demande tendant à la condamnation du notaire à lui verser des dommages et intérêts en réparation de son préjudice économique et financier résultant de la résolution de la vente immobilière ;

AUX MOTIFS QUE «Maître [N] s'est montré négligent en ne s'inquiétant pas de savoir si l'arrêt rendu le 17 mars 2003 par la cour d'appel de Bordeaux ayant résilié la vente consentie par monsieur [S] aux époux [C], était ou non frappé de pourvoi en cassation, et qu'il a engagé ainsi sa responsabilité professionnelle ; Mme [V] sollicite l'allocation d'une somme de 150.000 euros à titre de dommages et intérêts représentant la valeur actuelle du bien immobilier, dans lequel elle soutient avoir réalisé de nombreux travaux de rénovation et d'installation. A cet égard, l'inopposabilité de la vente de ce bien aux époux [C] ne peut en aucun cas être imputée à Me [N], ni le fait que Mme [Ac] ne soit finalement pas devenue propriétaire de cette maison, évènements relevant à tout le moins de l'abstention de son vendeur, M. [S], âgé de 97 ans au moment de la vente, et certes dommageables pour l'appelante, mais ne présentant aucun lien de causalité avec la négligence du notaire.

Par ailleurs, il doit être relevé que Mme [V] ne justifie en rien des travaux revendiqués, ni des sommes effectivement versées aux époux [C], aucune pièce n'ayant été produite à la procédure. A cet égard, et à supposer que ces sommes aient été effectivement engagées, leur règlement constitue soit la contrepartie de l'occupation du bien, soit celle des améliorations qui y ont été apportées et dont Mme [Ac] avait la faculté de demander remboursement à son vendeur, ou aux époux [C] » ;

1°) ALORS QUE le notaire doit s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il instrumente, est tenu de réparer le préjudice causé aux parties à l'acte par sa faute ou sa négligence ; que la faute du notaire, qui a omis de vérifier la qualité de propriétaire du vendeur, contribue directement au préjudice causé à l'acquéreur du fait de l'inopposabilité de la vente aux véritables propriétaires ; que dès lors la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations de fait et a ainsi a violé l'ancien article 1382 du code civil🏛 devenu l'article 1240 du même code🏛 ;

2°) ALORS QUE les indemnités d'occupation mises à la charge de l'acquéreur évincé au profit du véritable propriétaire sont assimilables à des fruits civils que le vendeur est tenu de restituer à l'acquéreur de bonne foi au jour de la vente ; qu'en jugeant néanmoins que les sommes que Mme [V] a été condamnée à verser aux époux [C] constituaient la contrepartie de l'occupation du bien et qu'elle ne pouvait obtenir réparation d'un préjudice à ce titre, la cour d'appel a violé l'article 1630 du code civil🏛, ensemble le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime ;

3°) ALORS QUE la condamnation de l'acquéreur évincé au paiement d'une indemnité d'occupation au véritable propriétaire est la conséquence directe de l'éviction de l'acquéreur et de la faute du notaire qui a omis de vérifier la qualité de propriétaire du vendeur ; qu'en refusant de condamner le notaire, dont elle avait pourtant retenu la faute, à indemniser Mme [V] du montant de l'indemnité d'occupation qu'elle a été condamnée à verser aux véritables propriétaires, la cour d'appel a violé l'ancien article 1382 devenu l'article 1240 du code civil🏛 et méconnu le principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit pour la victime.

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