Jurisprudence : CA Nîmes, 05-03-2015, n° 14/04940, Infirmation

CA Nîmes, 05-03-2015, n° 14/04940, Infirmation

A0433NDE

Référence

CA Nîmes, 05-03-2015, n° 14/04940, Infirmation. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/23577677-ca-nimes-05032015-n-1404940-infirmation
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Abstract

L'avocat qui omet de faire signer une convention d'honoraires dans une procédure de divorce peut-il réclamer des honoraires ? L'ordonnance, rendue le 5 mars 2015, par la cour d'appel de Nîmes, répond par l'affirmative en posant quelques limites.. Le non-respect de l'obligation d'établir une convention d'honoraire pour les procédures de divorce n'entraîne pas l'impossibilité pour l'avocat défaillant de percevoir tout honoraire, mais commande que la juridiction du recours fasse une analyse particulièrement poussée, non seulement, du travail réalisé, mais aussi, de la connaissance que le justiciable a eu de la procédure et si les renseignements fournis quant aux honoraires ont été particulièrement clairs.



ORDONNANCE N° RG N°14/04940
du 05/03/2015
Z
C/ Y
ORDONNANCE
Ce jour,
CINQ MARS DEUX MILLE QUINZE

Nous, Luc BARBIER, Conseiller à la Cour d'Appel de NÎMES, désigné par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 26 juillet 2013, pour connaître des recours contre les ordonnances de taxe rendues par les juridictions de première instance du ressort,
Assisté de Madame Véronique PELLISSIER, Greffier, lors des débats et du prononcé de la décision,

AVONS RENDU L'ORDONNANCE SUIVANTE
dans la procédure introduite par
Monsieur Philippe Z


AVIGNON
Comparant
CONTRE
Maître Joëlle Y

AVIGNON
Comparante
Toutes les parties convoquées pour le 05 Février 2015 par lettre recommandée avec avis de réception en date du 28 novembre 2014.
Statuant publiquement, après avoir entendu en leurs explications les parties présentes ou leur représentant à l'audience du 05 Février 2015 tenue publiquement et pris connaissance des pièces déposées au Greffe à l'appui du recours, l'affaire a été mise en délibéré au 05 Mars 2015 par mise à disposition au Greffe ;
Par lettre recommandée avec avis de réception expédiée le 11 octobre 2014 reçue et enregistrée le 14 octobre 2014, Monsieur Philippe Z a formé un recours contre la décision du Bâtonnier de l'ordre des avocats au Barreau d'Avignon en date du 10 septembre 2014 qui a fixé à la somme de 1 062.87 euros TTC les honoraires dus par le recourant à Maître Joelle Y.
Dans son courrier, et dans ses explications produites à notre audience, Monsieur Philippe Z expose qu'il avait demandé à Maître Y de défendre ses intérêts dans un contentieux familial l'opposant à son épouse.
Il indique que le rôle de l'avocat a consisté dans le dépôt d'une requête en divorce, l'assistance à l'ordonnance de non conciliation, à un rendez vous, qu'ensuite un autre avocat a pris la suite.
Il expose avoir d'ores et déjà versé une somme de 2 600 euros en cinq chèques, quatre de 500 euros et un 600 euros dont deux de 500 euros chacun postérieurs à l'ordonnance de non conciliation et indique qu'ils ont été remis le 28 novembre 2013 et encaissés.
Il fait observer que Maître Y contrairement à ce qu'exige la Loi n'a pas établi de convention d'honoraires ce qui est source de confusion car l'avocat mélange la procédure de divorce et celle auprès du Juge des enfants dont elle n'était pas saisie.
Monsieur Philippe Z demande ainsi le remboursement de la somme de
1 000 euros en ce qu'elle ne correspond plus à un travail effectif ayant fait le choix d'un autre avocat qui s'est occupé de la suite de la procédure et ne va pas payer deux avocats pour un travail identique.
Maître Y s'est présentée à l'appel des causes et a indiqué être retenue devant une autre juridiction et a déposé son dossier malgré le fait que lui ait été indiqué que la procédure était orale devant la présente juridiction. Ainsi lorsque l'affaire a été appelée en fin d'audience, le recourant était le seul présent.
Or en application de l'article 946 du Code de procédure civile dans les procédures sans représentation obligatoire devant la Cour d'appel, la procédure est orale. Le dépôt d'écritures que ce soit par conclusions ou par mémoires envoyés par recommandé ou même déposé à l'appel des causes ne saurait suppléer le défaut de comparution devant cette juridiction. Ainsi la Cour n'est saisie que des seuls arguments du recourant.

SUR CE
Sur la forme
Attendu qu'en application des articles 175 et 176 du décret du 27 novembre 1991 modifié, les contestations en matière d'honoraires d'avocat sont soumises au bâtonnier qui doit statuer dans un délai de 4 mois renouvelable une fois par décision motivée notifiée aux parties;
Que si le bâtonnier n' a pas pris sa décision dans le délai de 4 mois, il est dessaisi et l'affaire est directement portée devant le premier président;
Que lorsque les parties n'ont pas été avisées de la faculté de saisir le premier président dans le délai d'un mois, l'irrecevabilité pour tardiveté de la saisine du premier président n'est pas encourue;
Qu'en l'espèce, il résulte des pièces et explications produite par Monsieur Z que sa demande de contestation de l'ordonnance de taxe du bâtonnier qui nous a été adressée le 14 octobre 2014 doit être déclarée recevable puisqu'il ressort de la procédure que la notification au recourant est en date du 15 septembre 2014, le délai d'un mois durant lequel il peut exercer une voie de recours a été ainsi respecté.
Sur le fond
Attendu qu'en ce qui concerne les honoraires, il y a lieu de faire application de l'article 10 de la loi du 31 décembre 1971, selon lequel les honoraires de consultations, d'assistance, de conseil, de rédaction des actes juridique sous seing privé et de plaidoirie son fixés avec accord du client. Qu'en l'absence de convention entre l'avocat et son client, l'honoraire est fixé selon les usages, en fonction de la situation de fortune du client, de la difficulté de l'affaire, des frais exposés par l'avocat, de sa notoriété et des diligences effectuées dans le dossier;
Que d'autre part, l'article 11.2 du règlement intérieur national de la profession d'avocat indique que l'avocat informe son client, dès sa saisine, puis de manière régulière, des modalités de détermination des honoraires et de l'évolution prévisible de leur montant. Le cas échéant, ces informations figurent dans la convention d'honoraires;
Qu'il appartient à l'avocat, en l'absence de convention d'honoraires, de rapporter la preuve que cette information a été délivrée de manière claire, sincère, exhaustive et non équivoque;
Attendu par ailleurs que la procédure spéciale prévue par décret n°91-1197 du 27 novembre 1991 ne s'applique qu'aux contestations relatives à un montant et au recouvrement des honoraires des avocats; qu'il en résulte que le bâtonnier et, sur recours, le premier président, n'ont pas le pouvoir de connaître, même à titre incident, de la responsabilité de l'avocat à l'égard de son client résultant d'un manquement à son devoir de conseil et d'information ou de toute autre éventuelle faute susceptible d'engager sa responsabilité, mais seulement de fixer le montant des honoraires au regard des critères rappelés ci-dessus;
Qu'en revanche, la vérification du respect de l'avocat de son obligation déontologique et professionnelle d'information du client quant aux modalités de détermination de ses honoraires et à l'évolution prévisible de leur montant, ressorti pleinement à la compétence du juge de l'honoraire qui peut, dans son évaluation, tirer toutes conséquences de la violation de cette obligation, sans toutefois que l'avocat défaillant dans ce devoir d'information soit privé de son droit à honoraires;
Attendu qu'en l'espèce, aucune convention d'honoraires n'a été signée entre les parties alors que l'article 14 de la loi n°2011-1862 du 13 décembre 2011 relative à l'aménagement des règles régissant la procédure en matière familiale a ajouté un alinéa 4 à l'article 10 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques prévoyant que l'avocat est désormais tenu de conclure avec son client une convention d'honoraires pour les procédures de divorce;
Attendu que ces dispositions ont été déclarées applicables à compter du 1er janvier 2013, qu'ainsi l'avocat a manqué à cette obligation légale puisque il ressort de la décision querellée que Maître Y a été saisie courant mars 2013; qu'il résulte des travaux parlementaires que le législateur entend une convention écrite et non orale sauf à vider de sa substance cette innovation.
Qu'au cas d'espèce, le non respect n'entraîne pas l'impossibilité pour l'avocat défaillant de percevoir tout honoraire mais commande que la juridiction du recours fasse une analyse particulièrement poussée d'une part du travail réalisé mais aussi de la connaissance que le justiciable a eu de la procédure et si les renseignements fournis quant aux honoraires ont été particulièrement clairs.
Qu'il apparaît que l'information a été fidèle et loyale, ce dont ne disconvient pas le recourant, jusqu'à l'ordonnance de non conciliation, qu'ainsi les sommes payées avant cette date demeureront acquises à l'avocat, qu'en revanche, le rôle de l'avocat n'est pas précisément clair postérieurement à cette décision ; qu'ainsi sont évoqués dans l'ordonnance déférée des pourparlers, une procédure au fond, et le recourant ajoute sur l'audience une procédure devant le juge des enfants, qu'ainsi faute de convention, il n'est pas possible avec certitude de considérer que le justiciable a été informé des honoraires qu'il engageait, ni des aspects procéduraux et implication des procédures dont il semble bien ignorant jusque sur l'audience.
Qu'il s'évince de ses éléments que la réformation s'impose, toute somme perçue postérieurement à l'ordonnance de non conciliation n'étant pas précisément et explicitement causée. Le recourant est bien fondé à solliciter la restitution de la facture numéro 28-2013 en date du 28 novembre 2013, ainsi Maître Y sera tenue de restituer la somme de 1 000 euros.
Que cette dernière sera condamnée aux dépens de l'instance, succombant en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS
Nous, Luc ..., Conseiller à la Cour d'Appel de Nîmes, statuant en matière de contestation d'honoraires d'avocats, publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirmons en toutes ses dispositions la décision de Madame le bâtonnier d'Avignon en date du 10 septembre 2014 ;
En conséquence,
Ordonnons la restitution par Maître Y à Monsieur Philippe Z de la somme de 1 000 euros.
Condamnons Maître Y aux dépens.
Ordonnance signée par M. Luc ..., Conseiller et par Madame Véronique ..., Greffier.
Le Greffier Le Président

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