Grosse Délivrée Le
2 9 AVR. 1989
COUR D'APPEL
DE PARIS
1ère chambre, section B
ARRET DU 16 AVRIL 1999
Numéro d'inscription au répertoire général : 1997/16598
Pas de jonction
Décision dont appel : Jugement rendu le 22/05/1997 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de PARIS 19ème Ch. RG n° : 1996/13592
Date ordonnance de clôture : 8 Janvier 1999
Nature de la décision : REPUTEE CONTRADICTOIRE
Décision : AU FOND
APPELANTE :
1) Madame MALGORNE Michèle épouse A
demeurant , … … … … …
… … …
représentée par la SCP GIBOU-PIGNOT-GRAPPOTTE-BENETREAU, avoué assistée de Me Robert PIGNOT, avocat à la Cour (D 130)
INTIMEE :
2) STE G.M.F. GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES ET EMPLOYES DE L'ETAT ET DES SERVICES PUBLICS
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
ayant son siège
76, rue de Prony - 75 017 PARIS
représentée par la SCP LECHARNY-CHEVILLER, avoué
plaidant assistée de pour Me la Dominique SCP DUMAS LE BRIS, LETU avocat à la Cour, FE
INTIMEE :
3) CPAM DE SEINE ET MARNE
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux ayant son siège Chemin des Mulets
77 950 RUBELLES
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
lors des débats et du délibéré :
Président : M. J. MAZARS
Conseillers : M. Aa B
Mme C. MAGUEUR
GREFFIER :
lors des débats et du prononcé de l’arrêt :
Mme J. LEFFTZ
MINISTERE PUBLIC :
représenté aux débats par Mme Ab X,
substitut général, qui a présenté des observations orales.
DEBATS :
A l'audience publique du 5 Février 1999
ARRET : REPUTE CONTRADICTOIRE
prononcé publiquement par M. Jean Mazars, Président, lequel a signé la minute avec Mme J. LEFFTZ, greffier.
Mme Michèle MALGORNE, épouse A, a été victime d’un accident de la circulation survenu le 5 décembre 1984 à COUILL Y-PONT-AUX- DAMES (Seine et Marne), dont M. Ac Y, assuré par le GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES (ci-après G.M.F.) a été reconnu responsable. Les conséquences connues à l’époque ont été indemnisées par la G.M.F.
Invoquant une aggravation de son état de santé liée à l’accident et résultat d’une atteinte par le virus de l’hépatite C révélée par une sérologie pratiquée en octobre 1991, Mme A a obtenu par ordonnance de référé du 13 février 1995, une expertise médicale, relative à l’origine de sa contamination,
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confiée au professeur LORTHOLARY avec le professeur RAUTUREAU
Au vu des conclusions des experts, Mme A a assigné la G.M.F. et la CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE SEINE ET MARNE (ci-après C.P.A.M..) devant le tribunal de grande instance de PARIS pour faire juger que sa contamination résulte des soins qu’elle a subis du fait de l’accident et obtenir l’indemnisation de ce nouveau préjudice.
Le tribunal, par jugement du 22 mai 1997, a constaté que l’imputabilité de la contamination aux transfusions sanguines réalisées sur Mme A à la suite de l’accident du 5 décembre 1984 n’était pas établie de façon certaine, a débouté Mme A de ses demandes, l’a déclarée tenue aux dépens et a dit le jugement commun à la C.P.A.M. Il a estimé que dès lors que le lien entre la contamination et les transfusions sanguines n’était pas formellement établi, l’imputabilité à ces transfusions ne peut être retenue en raison du pourcentage élevé de causes inconnues d’une telle contamination.
Mme A a interjeté appel du jugement. Elle demande à la Cour d’infirmer celui-ci, de condamner la G.M.F. à lui payer la somme de 360 000 F pour les conséquences connues et subies de l’hépatite C dont elle est atteinte, ainsi que celle de 30 000 F par application de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile et de déclarer la G.M.F. tenue aux dépens de première instance et d’appel.
Elle fait valoir que :
- la preuve de la contamination peut résulter de présomptions graves, précises et concordantes ;
- les experts ont relevé qu’elle avait subi des transfusions massives à la suite de l’accident, qu’elle n’a pas été exposée à d’autres causes connues de contamination et mène une vie régulière,
- dans ces conditions, en dépit de l’origine inconnue d’un nombre élevé de contaminations, elle établit que la sienne découle des transfusions susbies ;
- son préjudice, compte tenu de l’évolution imprévisible de la maladie est actuellement constitué par des troubles dans ses conditions d’existence, ses souffrances, son préjudice d’agrément et son préjudice moral.
La G.M.F,, intimée, sollicite la confirmation du jugement. Elle soutient que l’origine de la contamination n’a pas, en l’espèce, été établie, que celle-ci résulte dans un nombre élevé de cas d’une cause inconnue et que Mme A a séjourné au GABON, où elle a pu être contaminée.
Mme A conteste avoir été contaminée lors-de ce séjour.
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La C.P.A.M., intimée, bien que régulièrement assignée à personnes - + habilitée, n’a pas constitué avoué.
Le ministère public conclut oralement à l’infirmation du jugement au motif que des présomptions graves, précises et concordantes établissent que la contamination de Mme BON NY résulte des transfusions réalisées à la suite de l’accident.
CELA ETAT EXPOSE
LA COUR,
1. Sur l’imputabilité de la contamination
Considérant que la preuve des faits invoqués peut résulter de l’existence de présomptions graves, précises et concordantes ;
Considérant en l’espèce qu’il résulte du rapport des experts que Mme A, transportée à l’hôpital de MEAUX pour polytraumatisme consécutif à l’accident de la circulation du 5 décembre 1984, y a subi une splénectomie en urgence nécessitant la transfusion d’onze unités de sang ; qu’elle n’avait aucun symptôme d’hépatite dans les premiers mois de 1985 ; qu’à l’occasion d’un bilan de santé effectué en 1989, une élévation des transaminases à été constatée et qu’une recherche des anticorps anti virus C était positive le 30 octobre 1991 ; qu’elle est atteinte d’une hépatite virale C chronique ; qu’elle ne présentait aucun risque sérieux de contamination au regard de ses antécédents médicaux et de son mode de vie ; que les culots de sang transfusés provenaient de dix donneurs dont quatre ont été retrouvés qui étaient négatifs ; que la contamination par le virus de l’hépatite C, en l’état de nos connaissances, se fait avant tout par voie veineuse, mais a aussi d’autres origines (affections cutanées, endoscopies, notamment digestives, soins dentaires, relations sexuelles) et a une cause non décelée dans environ 30 % des cas ;
Considérant qu’il ressort de cette expertise que la transfusion sanguine est le mode le plus fréquent de contamination par le virus de l’hépatite C : que Mme A a subi, à la suite de l’accident de la circulation, une importante transfusion de sang provenant de dix donneurs dont six n’ont pu être identitifés ; qu’elle n’a pas eu d’autres transfusions sanguines, ni avant ni après celles réalisées à l’hôpital de MEAUX ; que ses antécédents médicaux et son mode de vie ne constituent “aucun risque sérieux de contamination” selon les experts qui ont notamment eu connaissance de son séjour familial, au demeurant bref (une semaine), au GABON ; qu’il convient d’ailleurs de noter qu’aucun membre de sa famille n’a souffert d’hépatite C ;
Considérant qu’en dépit de ce que l’origine de l’hépatite C n’est pas décelée dans environ 30 % des cas, en l'espèce l’existence de la cause
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principale de la contamination (la transfusion, avec des donneurs dont il n’est pas prouvé qu’ils sont tous négatifs au regard du risque de cette hépatite), d’une part, l’absence de toute autre cause connue, d’autre part, constituent des présomptions graves, précises et concordantes permettant d’imputer la contamination aux suites de l’accident de la circulation dont Mme A a été victime et obligeant la G.M.F., assureur du responsable, à réparer le préjudice en découlant;
Considérant que le jugement déféré sera donc infirmé en ce sens;
2. Sur le préjudice
Considérant qu’il résulte du rapport des experts que Mme A est atteinte “d’une hépatite virale C chronique d’activité modérée, modérément évolutive”, ayant résisté à deux traitements à l’interféron alpha, qui ne peuvent être renouvelés, et dont l’évolution n’est pas prévisible ; qu’il n’est pas possible de fixer une date de consolidation ni de proposer un taux d’incapacité permanente partielle ; qu’il n’existe pas de préjudice esthétique ;
Considérant que les experts retiennent une incapacité temporaire totale de quinze jours correspondant aux hospitalisations pour bilans et ponction biopsie du foie ;
Considérant que Mme A, réfutant cette analyse, sollicite l’attribution d’une somme de 60 000 F pour troubles dans ses conditions d’existence depuis six ans, constitués par une grande fatigue et une règle de vie stricte ;
Considérant que les experts ont admis l’existence d’une préjudice d’agrément qu’ils chiffrent à 5/7 et lient à l’asthénie parfois intense dont est atteinte Mme A ; que celle-ci réclame à ce titre la somme de 50 000 F sans justifier d’autre trouble ;
Considérant que l’asthénie est reconnue par les experts et que la règle de vie rigide découle des contraintes liées à l’existence de la maladie ; que compte tenu de l’absence de consolidation et de la nature identique du préjudice dont l’entière réparation est demandée sous deux chefs différents, il y a lieu d’allouer à la victime la somme globale de 80 000 F à ce titre ;
Considérant que les experts chiffrent encore à 5/7 les souffrances subies qui sont constituées par les examens nécessaires, en particulier les biopsies hépatiques, et par l’anxiété engendrée par la connaissance des risques d’évolution de la maladie chronique (cirrhose, cancer hépato-cellulaire) ; que Mme A, distinguant le pretium doloris au sens strict et l’incertitude sur l’avenir, qu’elle qualifie de préjudice moral, sollicite à ce titre respectivement les sommes de 50 000 F et 200 000 F ; que compte tenu de la nature du préjudice, de son importance et de l’anxiété générée, ces deux postes seront indemnisés par la somme globale de 120 000 F ;
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Considérant qu’ainsi l’indemnité totale revenant à Mme A - - en réparation de ses préjudices personnels pour les conséquences connues et subies de l’hépatite C dont elle est atteinte se monte à 200 000 F ;
3. Sur les autres demandes
Considérant que pour faire valoir ses droits, Mme A a exposé en première instance et en appel des frais irrépétibles ; qu’en application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile, il lui sera allouée à ce titre la somme de 25 000 F ;
Considérant que la G.M.F., qui succombe, devra les dépens de première instance et appel, y compris les frais d’expertise ;
PAR CES MOTIFS
Infime le jugement rendu entre les parties le 27 mai 1997 par le tribunal de grande instance de Paris ;
Statuant à nouveau :
Condamne la GARANTIE MUTUELLE DES FONCTIONNAIRES (G.M.F.) à payer à Mme Michèle MALGORNE, épouse A, la somme de 200 000 F pour les conséquences déjà connues et subies de l’hépatite C dont elle est atteinte et celle de 25 000 F en application des dispositions de l’article 700 du nouveau Code de procédure civile ;
Déboute la G.M.F. de ses demandes, et, faisant masse des dépens de première instance et d'appel, la condamne aux entiers dépens, y compris les frais de l’expertise ;
Dit que les dépens pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du nouveau code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
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