Jurisprudence : Cass. crim., 22-09-1999, n° 99-84.387, Rejet

Cass. crim., 22-09-1999, n° 99-84.387, Rejet

A7582AHB

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Cour de Cassation - Chambre criminelle
Audience publique du 22 Septembre 1999
Rejet
N° de pourvoi 99-84387
Président M. GOMEZ

Demandeur
X et autres
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt-deux septembre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf, a rendu l'arrêt suivant
Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire ..., les observations de Me ... et de la société civile professionnelle Pascal TIFFREAU, avocats en la Cour, et les conclusions de M l'avocat général de GOUTTES ;
Statuant sur les pourvois formés par
- X,
- Y, épouse X,
- Z, épouse L,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS, en date du 3 juin 1999, qui les a renvoyés devant la cour d'assises de l'Essonne sous l'accusation, les deux premiers, de violences volontaires habituelles commises sur mineur de quinze ans ayant entraîné la mort, la dernière, du délit connexe de non-assistance à personne en danger ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Vu les mémoires produits ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour X et Y, et pris de la violation des articles 222-14, 222-44, 222-45, 222-46, 222-47, 222-48 du Code pénal et, pour les faits commis avant le 1er mars 1994, par l'article 312 de l'ancien Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;
"en ce que l'arrêt attaqué a mis les mis en examen en accusation devant la cour d'assises de l'Essonne pour avoir commis sur Amira ..., mineure de quinze comme étant née le 22 août 1993, des violences volontaires habituelles ayant entraîné la mort de celle-ci ;
"aux motifs que, au regard des éléments objectifs du dossier de l'information, il ressortait que la mort d'Amira ... prenait place dans un ensemble de violences, habituellement pratiquées sur une durée indéterminée selon les experts médicaux, dont la dernière apparaissait comme l'acte ultime directement à l'origine du décès ;
"alors, d'une part, qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que la mort d'Amira ... a été causée par une péritonite purulente d'origine traumatique avec rupture du mésentère ; que les mis en examen avaient déclaré que, la veille de son décès, la jeune Amira avait fait une chute depuis une table où sa mère était occupée à la changer sur un banc placé au-dessous et sur lequel elle s'était blessée au front et au ventre ; que l'information n'a pas établi que cette chute ne s'était pas produite ou qu'elle n'était pas accidentelle ; que, dès lors, faute d'avoir recherché si l'enfant avait effectivement fait une chute le jour précédent son décès et si les circonstances dans lesquelles cette chute s'était produite avaient pu avoir pour conséquence un traumatisme en relation directe avec le décès de la jeune Amira, la chambre d'accusation n'a pas donné de base légale à la mise en accusation ;
"alors, d'autre part, que les preuves de l'innocence d'une personne accusée peuvent être rapportées à tout moment de la procédure d'information ou de jugement devant les juges qui ont alors le devoir de vérifier la véracité et le bien-fondé des éléments ou des allégations destinées à établir cette innocence ; qu'en déclarant peu crédible l'explication, donnée par les mis en examen, du traumatisme à l'abdomen provoqué par la chute dont la jeune Amira a été victime la veille de son décès, au seul motif que cette explication n'avait pas été mentionnée antérieurement par eux dans leurs diverses déclarations, la chambre d'accusation n'a pas légalement justifié la mise en accusation ;
"alors, de troisième part, que, à supposer que des violences eussent été commises sur l'enfant, elles ne pouvaient justifier la mise en accusation devant la juridiction criminelle qu'à la condition que ces violences eussent été à l'origine du décès de cette dernière ; que l'énonciation que l'enfant présentait, selon les experts, le syndrome d'enfant battu, ne caractèrise pas, en tant que telle, la commission d'un crime justiciable de la cour d'assises et n'établit pas, en particulier, ni que la chute dont l'enfant a été victime, la veille de son décès, aurait été délibérément provoquée par la mère ou le père, ni que la péritonite purulente aurait été la conséquence de violences volontaires à l'abdomen, ni que les violences prétendument subies par l'enfant auraient entraîné une incapacité permanente ; que la mise en accusation du chef de violences volontaires habituelles ayant entraîné la mort n'est pas légalement justifiée ;
"alors, enfin, que dans leur mémoire, les mis en examen avaient souligné que les deux fractures au crâne et au coude étaient la conséquence d'un accident et que les brûlures cutanées étaient, en fait, des cicatrices consécutives à un vaccin et à la pose d'un cathéter ; qu'en se bornant à retenir que l'examen radiologique du cadavre de la fillette avait constaté l'existence de diverses fractures, l'une récente et les autres anciennes, consolidées, et des lésions d'âges divers et plaie cutanée, sans autre précision sur la nature de ces fractures, lésions et plaie, la chambre d'accusation n'a pas légalement justifié la mise en accusation" ;
Sur le moyen unique de cassation proposé pour Z, et pris de la violation des articles 52, alinéa 2, de l'ancien Code pénal, 223-6 du nouveau Code pénal, 485, 567, 591 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale ;
"en ce que la chambre d'accusation renvoie devant la cour d'assises, Z, épouse L, docteur en médecine, du chef du délit connexe d'abstention volontaire de porter à une personne en péril, l'assistance que sans risque pour lui ou pour les tiers, il pouvait lui prêter, soit par son action personnelle, soit en provoquant un secours ;
"aux motifs que "reconnaissant () avoir ressenti quelque inquiétude () le docteur ..., épouse L, a seulement conseillé () d'emmener rapidement la fillette à l'hopital en se contentant de rédiger une lettre d'accompagnement, alors que, selon ses propres dires, X lui avait fourni des explications contradictoires ; que () précisant avoir vu Amira ... à plusieurs reprises dans les mois précédant la mort de celle-ci, elle a affirmé n'avoir jamais constaté de lésions sur le corps de la fillette ; qu'à l'examen des éléments objectifs du dossier, une telle assertion apparaît contraire à toutes les expertises médicales sus-évoquées, faisant état de violences continuelles et prolongées ; que d'ailleurs, dans leur expertise, le professeur ... et le docteur ... ont mis en évidence les relations amicales du docteur ... et de Y X, qui auraient empêché le praticien de prendre du recul par rapport à cette famille et de remplir son rôle de médecin de Protection Maternelle et infantile, soulignant que le moindre indice doit entraîner une démarche active du médecin pour étayer le diagnostic de sévices ;
que, contrairement aux allégations du mémoire, la circonstance que les experts aient invoqué un âge différent de celui de la fillette n'a ni factuellement ni juridiquement l'importance que la personne mise en examen veut lui accorder, alors surtout que les experts en cause s'en sont expliqués par un nouveau rapport en date du 13 juillet 1998 () que les éléments subjectifs recueillis lors des consultations doivent inciter tout médecin, particulièrement de Protection Maternelle et Infantile, à se montrer encore plus perspicace dans la recherche de signes éventuels de maltraitance () que l'interruption pendant cinq mois du suivi en Protection Maternelle et Infantile, préjudiciable à l'enfant aux termes du mémoire, eût dû pareillement inciter le médecin à une perspicacité renforcée au retour, compte tenu des éléments antérieurement remarqués ; qu'en effet, les dispositions de l'article 223-6 du Code pénal, comme celles des articles 9 et 44 du décret n° 95-1000 du 6 septembre 1995 portant Code de déontologie médicale, contraignent le médecin à rechercher activement l'information utile à l'appréciation du péril, et particulièrement lorsqu'un mineur est concerné, à mettre en oeuvre les moyens les plus adéquats pour protéger la personne qu'il pense être victime de sévices et de privations ; qu'en l'espèce, il résulte suffisamment du dossier de l'information, compte tenu notamment des constatations médicales sus-énoncées, que le docteur ... n'a pas pu ne pas s'apercevoir qu'Amira ... était victime de sévices ou, à tout le moins, avoir sur ce point un doute que le droit positif l'obligeait à lever par une démarche positive suggérée par les experts dans leur rapport, singulièrement lors de la visite du 16 novembre 1994, à un moment où l'état de santé délabré de la victime et l'inquiétude légitimement ressentie aurait dû l'amener à retirer immédiatement l'enfant du milieu familial et à ordonner son hospitalisation ; que si, comme le prétend le mémoire et l'avis médical qui y est joint, le docteur ... ne disposait pas des moyens techniques destinés à préciser le diagnostic, il lui appartenait de prendre toutes les mesures utiles aux fins de faire procéder aux radiographies nécessaires" ;
"alors qu'en statuant par ces seuls motifs, impropres à établir que la mise en examen aurait eu personnellement conscience du caractère d'imminente gravité d'un péril auquel se serait trouvé exposé l'enfant dont l'état aurait requis secours et qu'elle n'aurait pu mettre en doute la nécessité d'intervenir immédiatement en vue de conjurer ce danger, la chambre d'accusation a violé les textes susvisés" ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour renvoyer X et Y devant la cour d'assises sous l'accusation de violences volontaires habituelles commises sur mineur de quinze ans ayant entraîné la mort, l'arrêt attaqué relève que le premier examen médical réalisé sur le corps d'Amira ..., âgée d'environ un an, décédée au domicile de ses parents, avait révélé que la fillette, hypotrophe, déshydratée, présentait des lésions traumatiques multiples ; que le rapport d'autopsie et les expertises suivantes ont établi que la cause immédiate du décès était une péritonite due à la complication d'une contusion abdominale par coups portés à l'abdomen et que l'enfant était décédée dans un tableau de sévices corporels volontaires, associant des fractures osseuses multiples et des lésions cutanées, d'âges divers, signes objectifs de violences extrêmes répétées, sur une durée indéterminée, et révélateurs d'un syndrome de Silverman ; que les juges retiennent que l'ensemble de ces constatations médicales a permis d'établir non seulement la cause immédiate de la mort mais également l'existence de violences habituelles dont avait été victime l'enfant ; que ces éléments ont été corroborés par les déclarations et les dessins précis et concordants de l'autre fille des époux ... ; que l'arrêt énonce que les dénégations constantes des époux ..., accompagnées de variations incessantes, voire de contradictions, dans les explications données, sont rigoureusement et catégoriquement contredites par les constatations médicales objectives, réitérées par les différents experts ; que les juges précisent que les violences n'ont pu être exercées qu'au sein de la cellule familiale par les seuls époux ..., à l'exclusion de leurs autres enfants qui n'auraient pu provoquer des lésions de l'importance de celles constatées ;
Attendu que, pour renvoyer Z devant la cour d'assises du chef de non-assistance à personne en danger, l'arrêt attaqué relève que l'intéressée, médecin de la Protection Maternelle et Infantile, a reconnu s'être inquiétée, lors d'un examen de la fillette effectué une semaine avant le décès, de la présence sur le front de l'enfant d'un "oeuf de pigeon" avec une bosse sous-jacente laissant craindre une fracture du crâne ou un hématome sous-dural ; qu'elle s'était contentée, d'une part, de conseiller à YX de conduire Amira à l'hôpital, d'autre part, de rédiger une lettre d'accompagnement, tout en remarquant que les explications de la mère étaient contradictoires ; qu'elle prétendait n'avoir jamais constaté de lésions sur le corps de la fillette ; que les juges rappellent les conclusions des experts contredisant cette assertion et évoquant les relations amicales unissant Z et YX qui l'auraient empêchée de remplir son rôle de médecin de Protection Maternelle et Infantile, lequel était d'entreprendre une démarche active au moindre indice de sévices ; que l'arrêt en déduit que ZZ n'avait pas pu ne pas s'apercevoir qu'Amira était victime de sévices ou, à tout le moins, avoir un doute que le droit positif, notamment les dispositions du Code pénal et celles du Code de déontologie médicale, l'obligeait à lever à un moment où l'état de santé délabré de la fillette et l'inquiétude qu'elle avait légitimement ressentie auraient dû l'amener à retirer l'enfant de son milieu familial et à ordonner son hospitalisation ; que la chambre d'accusation précise que si les moyens techniques faisaient défaut à Z, il lui appartenait de prendre toutes mesures utiles aux fins de faire procéder à des radiographies ;
Attendu qu'en cet état, la chambre d'accusation, qui a répondu comme elle le devait aux articulations essentielles des mémoires dont elle était saisie, a caractérisé, d'une part, au regard de l'article 222-14 du Code pénal et, pour les faits commis avant le 1er mars 1994, de l'article 312 de l'ancien Code pénal, les circonstances dans lesquelles X et Y se seraient rendus coupables du crime de violences volontaires habituelles sur mineur de quinze ans ayant entraîné la mort, d'autre part, au regard de l'article 223-6 du Code pénal et, pour les faits commis avant le 1er mars 1994, de l'article 63, alinéa 2, de l'ancien Code pénal, celles dans lesquelles Z se serait rendue coupable du délit de non-assistance à personne en danger ;
Qu'en effet, les chambres d'accusation apprécient souverainement si les faits retenus à la charge de la personne mise en examen sont constitutifs d'une infraction, la Cour de Cassation n'ayant d'autre pourvoir que de vérifier si la qualification retenue justifie le renvoi devant la juridiction de jugement ;
Que, dès lors, les moyens ne peuvent qu'être écartés ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente, qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle les accusés sont renvoyés, que la procédure est régulière et que les faits, objet principal de l'accusation, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE les pourvois ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire M. ... président, Mme ... conseiller rapporteur, M. ... conseiller de la chambre ;
Avocat général M de Gouttes ;
Greffier de chambre Mme Nicolas ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;
Publication
Inédit
Décision attaquée
chambre d'accusation de la cour d'appel de PARIS 1999-06-03

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