Jurisprudence : CE 2/7 ch.-r., 10-10-2023, n° 472831, mentionné aux tables du recueil Lebon

CE 2/7 ch.-r., 10-10-2023, n° 472831, mentionné aux tables du recueil Lebon

A13031LT

Référence

CE 2/7 ch.-r., 10-10-2023, n° 472831, mentionné aux tables du recueil Lebon. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/100433683-ce-27-chr-10102023-n-472831-mentionne-aux-tables-du-recueil-lebon
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Abstract

01-01-05-02-02 Le refus d’enregistrer une demande de titre de séjour motif pris du caractère incomplet du dossier ne constitue pas une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque le dossier est effectivement incomplet.



CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 472831⚖️


Séance du 22 septembre 2023

Lecture du 10 octobre 2023

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux

(Section du contentieux, 2ème et 7ème chambres réunies)


Vu la procédure suivante :

Par une décision n° 2202695 du 21 mars 2023, enregistrée le 11 avril 2023 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le tribunal administratif de Dijon, avant de statuer sur la demande de M. I M E tendant à l'annulation des décisions des 11 mai et 8 juillet 2022 par lesquelles le préfet de la Côte d'Or a refusé d'enregistrer sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile🏛 et à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Côte d'Or d'enregistrer sa demande dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, a décidé, en application des dispositions de l'article L. 113-1 du code de justice administrative🏛, de transmettre le dossier de cette demande au Conseil d'Etat, en soumettant à son examen les questions suivantes :

1°) la solution jurisprudentielle, selon laquelle le refus d'enregistrer une demande tendant à l'octroi ou au renouvellement d'un titre de séjour, à l'appui de laquelle est présentée un dossier incomplet, ne constitue pas une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir, solution qui a été étendue aux demandes abusives ou dilatoires, doit-elle être remise en cause, au regard notamment des dispositions de l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration🏛, issues de l'article 2 du décret n° 2011-492 du 6 juin 2001, pris pour l'application de l'article 19-1 de la loi du 12 avril 2000🏛 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations '

2°) un préfet peut-il refuser d'enregistrer une demande de délivrance d'un titre de séjour au motif que cette demande est tardive au regard des dispositions des articles L. 431-2 et D. 431-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile🏛🏛 ' Un tel motif ne peut-il être opposé qu'à l'occasion d'une décision de refus de séjour prise par l'autorité administrative compétente après instruction de cette demande ' Le cas échéant, un refus d'enregistrement d'une demande de titre de séjour fondé sur ce motif constitue-t-il une décision susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir '

3°) le cas échéant, à quelles conditions un refus d'enregistrement d'une demande de titre de séjour pour le motif cité au 2°) peut-il être opposé ' En particulier, un tel refus est-il subordonné à la circonstance que l'étranger ne s'est pas prévalu de circonstances nouvelles '

Quelles que soient les réponses apportées aux questions précédentes :

4°) Quelles conséquences y a-t-il lieu de tirer de l'existence de circonstances nouvelles qui seraient invoquées lors de la procédure contentieuse, sans avoir été portées à la connaissance de l'autorité administrative à la date de son refus d'enregistrement d'une demande de délivrance d'un titre de séjour '

5°) Les dispositions des articles L. 431-2 et D. 431-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent-elles être regardées comme soumettant à une condition de délai une demande de titre de séjour formée par un étranger qui entre dans leur champ d'application mais n'a pas déposé de demande de titre de séjour dans le délai initial qui lui était imparti, et se prévaut de circonstances nouvelles ' Le cas échéant, quels sont la nature de ce délai et son mode de computation '

6°) L'étranger qui se prévaut de circonstances nouvelles au sens de ces dispositions bénéficie-t-il, au cours du nouveau délai visé au 5°), de la possibilité prévue par le dernier alinéa de l'article R. 431-10 du même code🏛 d'être autorisé à déposer son dossier sans présentation des documents que cet article énumère '

Par un mémoire, enregistré le 14 juin 2023, le ministre de l'intérieur et des Outre-mer a présenté des observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1.

Après avoir entendu en séance publique :

- le rapport de Mme Amélie Fort-Besnard, maître des requêtes,

- les conclusions de M. Clément Malverti, rapporteur public ;

REND L'AVIS SUIVANT :

Sur les demandes de titre de séjour incomplètes :

1.Aux termes de l'article L. 100-1 du code des relations entre le public et l'administration🏛 : " Le présent code régit les relations entre le public et l'administration en l'absence de dispositions spéciales applicables ". L'article L. 114-5 du même code dispose que : " Lorsqu'une demande adressée à l'administration est incomplète, celle-ci indique au demandeur les pièces et informations manquantes exigées par les textes législatifs et réglementaires en vigueur. Elle fixe un délai pour la réception de ces pièces et informations. / () / Le délai () au terme duquel, à défaut de décision expresse, la demande est réputée rejetée est suspendu pendant le délai imparti pour produire les pièces et informations requises. Toutefois, la production de ces pièces et informations avant l'expiration du délai fixé met fin à cette suspension. / La liste des pièces et informations manquantes, le délai fixé pour leur production et la mention des dispositions prévues, selon les cas, au deuxième ou au troisième alinéa du présent article figurent dans l'accusé de réception prévu à l'article L. 112-3. Lorsque celui-ci a déjà été délivré, ces éléments sont communiqués par lettre au demandeur. " Les dispositions législatives et règlementaires du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoient la procédure de dépôt, d'instruction et de délivrance des différents titres autorisant les étrangers à séjourner en France. Ainsi, selon l'article R. 431-10 de ce code🏛 : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / 3° Les documents justifiants de l'état civil et de la nationalité de son conjoint, de ses enfants et de ses parents lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour pour motif familial. / La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. / Lorsque la demande de titre de séjour est introduite en application de l'article L. 431-2, le demandeur peut être autorisé à déposer son dossier sans présentation de ces documents ". L'article R. 431-12 du même code🏛 dispose que : " L'étranger admis à souscrire une demande de délivrance ou de renouvellement de titre de séjour se voit remettre un récépissé qui autorise sa présence sur le territoire pour la durée qu'il précise. / () ". Ainsi que le précise l'article L. 431-3 de ce code🏛, la délivrance d'un tel récépissé ne préjuge pas de la décision définitive qui sera prise au regard de son droit au séjour. En outre, selon l'article R. 431-11 de ce code🏛 : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande les pièces justificatives dont la liste est fixée par arrêté annexé au présent code ", cet arrêté dressant une liste de pièces pour chaque catégorie de titre de séjour.

2. En premier lieu, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile constituent des dispositions spéciales régissant le traitement par l'administration des demandes de titres de séjour, en particulier les demandes incomplètes, que le préfet peut refuser d'enregistrer. Par suite, la procédure prévue à l'article L. 114-5 du code des relations entre le public et l'administration n'est pas applicable à ces demandes.

3. En second lieu, le refus d'enregistrer une telle demande motif pris du caractère incomplet du dossier ne constitue pas une décision faisant grief susceptible d'être déférée au juge de l'excès de pouvoir lorsque le dossier est effectivement incomplet, en l'absence de l'un des documents mentionnés à l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou lorsque l'absence d'une pièce mentionnée à l'annexe 10 à ce code, auquel renvoie l'article R. 431-11 du même code, rend impossible l'instruction de la demande. L'enregistrement de la demande de titre de séjour d'un étranger ayant présenté une demande d'asile qui n'a pas été définitivement rejetée ne peut être refusé au motif de l'absence de production des documents mentionnés à l'article R. 431-10.

Sur les demandes de titre de séjour des étrangers ayant demandé l'asile :

4. Aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 611-3, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour ". L'article D. 431-7 du même code a précisé que les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois, porté à trois mois lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné à l'article L. 425-9. Il résulte notamment des articles L. 521-7 et R. 521-8 du même code🏛🏛 que, lorsque sa demande d'asile relève de la compétence de la France, l'étranger se voit remettre au moment de son enregistrement, une attestation de demande d'asile qui l'autorise à rester sur le territoire.

5. Dans le cas où un étranger ayant demandé l'asile a été dûment informé, en application des dispositions de l'article L. 431-2 citées au point 4, des conditions dans lesquelles il peut solliciter son admission au séjour sur un autre fondement et où il formule une demande de titre de séjour après l'expiration du délai qui lui a été indiqué pour le faire, l'autorité administrative peut rejeter cette demande motif pris de sa tardiveté à moins que l'étranger ait fait valoir, dans sa demande à l'administration, une circonstance de fait ou une considération de droit nouvelle, c'est-à-dire un motif de délivrance d'un titre de séjour apparu postérieurement à l'expiration de ce délai . Si tel est le cas, aucun nouveau délai ne lui est opposable pour formuler sa demande de titre. L'étranger ne peut se prévaloir pour la première fois devant le juge d'une telle circonstance.

6. La tardiveté de la demande de titre formulée par l'étranger ayant présenté une demande d'asile peut constituer l'un des motifs de la décision de refus de titre prise après le rejet définitif de sa demande d'asile ou fonder un refus d'enregistrement de la demande de titre, dont l'étranger sera recevable à demander l'annulation pour excès de pouvoir.

7. Le présent avis sera notifié au tribunal administratif de Dijon, à M. I M E et au préfet de la Côte d'Or. Il sera publié au Journal officiel de la République française.

Délibéré à l'issue de la séance du 22 septembre 2023 où siégeaient : M. Rémy Schwartz, président adjoint de la section du contentieux, présidant ; M. F H, M. Olivier Japiot, présidents de chambre ; M. G K, Mme A J, M. D L, M. Jean-Yves Ollier, conseillers d'Etat, M. Jérôme Goldenberg, conseiller d'Etat en service extraordinaire et Mme Amélie Fort-Besnard, maître des requêtes-rapporteure.

Rendu le 10 octobre 2023.

Le président :

Signé : M. Rémy Schwartz

La rapporteure :

Signé : Mme Amélie Fort-Besnard

La secrétaire :

Signé : Mme B C

Pour expédition conforme,

Pour la secrétaire du contentieux, par délégation :

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