Lexbase Avocats n°149 du 16 mai 2013 : Avocats/Gestion de cabinet

[Le point sur...] L'exercice de la profession d'avocat en société

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par Frédéric Dal Vecchio, Avocat à la Cour, Docteur en droit, Chargé d'enseignement à l'Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

le 28 Août 2014

L'exercice de la profession d'avocat peut recouvrir plusieurs formes : individuelle, notamment au sein d'une entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL ; loi n° 2010-658 du 15 juin 2010, relative à l'entrepreneur individuel à responsabilité limitée N° Lexbase : L5476IMR ; C. com., art. L. 526-6 N° Lexbase : L3386IQH) ; sous forme d'association, avec clause de limitation de responsabilité (AARPI ; loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, art. 7 N° Lexbase : L6343AGZ) comparable à la Limited Liability Partnership (LLP).
L'avocat peut également exercer au sein :
- d'une société de moyens ;
- d'une société civile professionnelle ;
- d'une société d'exercice libéral ;
- d'une société de participations financières de professions libérales (SPFPL) ;
- d'une société en participation. 1 - Les sociétés de moyens

Issue de la loi du 29 novembre 1966 (loi n° 66-879 du 29 novembre 1966 N° Lexbase : L3146AID), la société civile de moyens permet la mise en commun d'éléments utiles à l'exercice de la profession d'avocat, telle une machine à photocopier par exemple ou du personnel (secrétaire, documentaliste...). Indéfiniment responsables sans solidarité, les associés peuvent créer une société civile de moyens interprofessionnelle (QE n° 34419, JOANQ 29 janvier 1996 p. 459, réponse publ. 15 avril 1996 p. 2077, 10ème législature N° Lexbase : L4870HTK).

La jurisprudence est susceptible de témoigner de conflits entre associés et il conviendra de souligner l'importance du respect du droit des sociétés, plus particulièrement pour l'établissement d'un acte relatant une décision des associés (Cass. com., 12 juin 2012, n° 11-17.042, F-PB N° Lexbase : A8831INE).

Sur le plan fiscal, on signalera que l'option de la société de moyens pour l'impôt sur les sociétés n'est pas possible, mais chaque associé sera imposé, au titre de l'impôt sur le revenu ou des sociétés, à raison de la quote-part de résultat en fonction de ses droits dans la société.

2 - Les sociétés civiles professionnelles (SCP)

L'exercice en commun de la profession d'avocat peut se faire par l'intermédiaire d'une société civile professionnelle. Elle a toutefois un inconvénient majeur : les associés, qui ne peuvent être que des personnes physiques, répondent indéfiniment des dettes sociales à l'égard des tiers. En outre, pour les actes passés avant l'entrée en vigueur de la loi de modernisation des profesions judiciaires ou juridiques et certaines professions régelmentées (loi n° 2011-331 du 28 mars 2011), les associés répondent solidairement de ces dettes à l'égard des tiers, peu importe le caractère civil de l'activité. C'est ainsi que des associés d'une SCP ont pu être condamnés solidairement pour licenciement abusif d'un salarié, quand bien même la société civile professionnelle avait fait l'objet d'une liquidation amiable (Cass. soc., 15 février 2012, n° 10-15.899, F-D N° Lexbase : A8605ICP). Dans le cadre d'une société civile professionnelle, le client n'a plus recours à un avocat isolé mais à une société qui doit se constituer en son nom. Par conséquent, un avocat qui exerce au sein d'une SCP n'agit plus en son nom propre mais au nom de la société civile professionnelle (Cass. com., 9 février 2010, n° 08-17.670, FS-P+B+R+I, N° Lexbase : A7438ERW) ; cette solution étant transposable aux sociétés d'exercice libéral (Cass. com., 9 février 2010, n° 08-15.191, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7436ERT ; Cass. com., 9 février 2010, n° 08-17.144, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7437ERU).

Concernant la formation de la SCP, des apports en nature ou en numéraire sont possibles, ainsi que des apports en industrie, bien que cette dernière possibilité ait entraîné des contentieux en cas d'annulation des parts en industrie (CA Bordeaux, 3 mars 2011, n° 09/06106 N° Lexbase : A3869G98), ou en l'absence de toute disposition contractuelle fixant les modalités d'indemnisation de l'associé retrayant (CA Paris, 1ère ch., Sect. A, 17 juin 2008, n° 06/03926 N° Lexbase : A2645D9T). La jurisprudence a salutairement eu à rappeler qu'un avocat est associé même s'il ne détient qu'une seule part sociale (CA Paris, Sect. 2, ch. 1, 23 février 2010, n° 09/05901 N° Lexbase : A9087ESD).

Sur le plan fiscal, les bénéfices des sociétés civiles professionnelles seront déterminés selon les règles qui gouvernent les bénéfices non commerciaux, au prorata des droits de chaque associé qui les déclarera au titre de l'impôt sur le revenu. Les sociétés civiles professionnelles sont autorisées à opter pour l'impôt sur les sociétés. Dans une telle occurrence, cette option est irrévocable. On prendra alors attention au fait qu'un changement de régime fiscal est considéré comme une cessation d'entreprise, emportant notamment la taxation des plus-values latentes, mais que les conséquences peuvent être atténuées à certaines conditions. De même, s'agissant des associés, le changement de régime fiscal de la SCP ayant opté pour l'impôt sur les sociétés entraîne le transfert des parts sociales du patrimoine professionnel dans le patrimoine privé : l'associé, dont la plus-value est alors imposable, peut toutefois se prévaloir des dispositions de l'article 151 nonies, III du CGI (N° Lexbase : L1201IE9), permettant le report de l'imposition de la plus-value constatée à la date de cession, de rachat ou d'annulation des parts de l'associé. Ce report est maintenu en cas de transmission, à titre gratuit, des parts de l'associé à une personne physique, si celle-ci prend l'engagement de déclarer en son nom cette plus-value lors de la cession, du rachat ou de l'annulation de ces parts. De plus, en cas de transmission à titre gratuit, la plus-value en report est définitivement exonérée lorsque, de manière continue pendant les cinq années suivant la transmission, le bénéficiaire de la transmission exerce une fonction de direction, au sens de l'article 885-0 bis du CGI (N° Lexbase : L1126ITU) et que la société dont les parts ont été transmises poursuit son activité libérale. Enfin, s'agissant des opérations de restructuration, l'option pour le régime de faveur en matière d'impôt sur les sociétés est possible (CGI, art. 210 A N° Lexbase : L9521ITS ; CGI, art. 210 B N° Lexbase : L4802ICT) et, en présence d'associés relevant de l'impôt sur le revenu, le bénéfice du report d'imposition permettra de reporter les plus-values constatées quant aux immobilisations non amortissables (CGI, art. 151 octies A N° Lexbase : L2464HNL).

3 - Les sociétés d'exercice libéral

Les avocats peuvent, depuis l'adoption de la loi du 31 décembre 1990 (loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire N° Lexbase : L3046AIN ; décret n° 93-492 du 25 mars 1993 N° Lexbase : L4321A4S), exercer leur activité dans le cadre d'une société d'exercice libéral (SEL). Commerciales par la forme mais civiles par leur objet, entraînant ainsi la compétence des juridictions civiles en cas de litige, les SEL se déclinent en société à responsabilité limitée (SELARL) ou par actions simplifiée (SELAS), toutes deux pouvant être constituées avec ou sans associé unique avec un capital -théoriquement- d'un euro minimum ; en société anonyme (SELAFA) avec au moins trois actionnaires (1) ou en commandite par actions (SELCA). Il est à noter que l'associé d'une société d'exercice libéral doit exercer sa fonction d'avocat au sein de cette société, ce qui lui interdit tout exercice individuel, ou au sein d'une autre société, ou bien encore en qualité d'avocat salarié.

Concernant les dividendes versés par les SEL, la loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, de financement de la Sécurité sociale pour l'année 2009, soumet aux cotisations sociales "la part des revenus mentionnés aux articles 108 à 115 du CGI [...] et des revenus visés au 4° de l'article 124 du même code qui est supérieure à 10 % du capital social, des primes d'émission et des sommes versées en compte courant". Un tel régime, qui a suscité un contentieux qui n'a malheureusement pas abondé dans le sens des cotisants (2), a anticipé sur ce que connaissent désormais les gérants majoritaires de SARL (3) (loi n° 2012-1404 du 17 décembre 2012, de financement de la Sécurité sociale pour 2013 N° Lexbase : L6715IUA) au nom de la "moralisation" chère à l'ancien ministre délégué au Budget (4) et qui ne manque pas de piquant eu égard aux circonstances entourant son départ du Gouvernement.

Sur le plan fiscal, les SELARL (5), les SELAFA et les SELAS relèvent de plein droit de l'impôt sur les sociétés mais il est possible, à l'exception des SEL sous la forme d'une commandite, qu'elles optent pour l'impôt sur le revenu lorsqu'elles ont été créées depuis moins de cinq ans à la date d'effet de l'option (CGI, art. 239 bis AB N° Lexbase : L5711IXS). Les sociétés d'exercice libéral peuvent se prévaloir des dispositions dérogatoires au droit commun lorsqu'elles s'implantent dans certaines zones (par exemple, les entreprises nouvelles pour les SEL soumises de plein droit à l'impôt sur les sociétés, CGI, art. 44 sexies N° Lexbase : L0835IPM ; les ZFU, CGI, art. 44 octies N° Lexbase : L0833IPK ; les bassins d'emploi à redynamiser, CGI, art. 44 duodecies N° Lexbase : L5397IRC).

4 - Les sociétés de participations financières de profession libérale (SPFPL)

Afin de pouvoir développer des structures susceptibles de faire concurrence aux sociétés d'avocats anglo-saxonnes, le législateur a permis la constitution de sociétés holdings de professions libérales (loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001, portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (dite loi "MURCEF" N° Lexbase : L0256AWE), sous la forme de sociétés à responsabilité limitée, de sociétés anonymes, de sociétés par actions simplifiées ou de sociétés en commandite par actions dont le capital et les droits de vote sont majoritairement dans les mains des avocats -n'appartenant pas nécessairement au même barreau- personnes physiques ou morales (par exemple, une SCP d'avocats). Depuis l'adoption de la loi du 28 mars 2011 (loi n° 2011-331 du 28 mars 2011, de modernisation des professions judiciaires ou juridiques et certaines professions réglementées, N° Lexbase : L8851IPI), il est possible de constituer des SPFPL ayant pour objet l'exercice des professions d'avocat, d'huissier de justice, de commissaire-priseur judiciaire, d'expert-comptable, de commissaire aux comptes ou de conseil en propriété industrielle. Les SPFPL sont assujetties à l'impôt sur les sociétés : l'option pour le régime de l'intégration fiscale leur est ouverte (CGI, art. 223 A N° Lexbase : L5189IRM), ainsi que le régime mère-fille, permettant une remontée des dividendes de la filiale vers la mère en franchise d'impôt, sous réserve d'une quote-part de frais et charges (CGI, art. 145 N° Lexbase : L9522ITT ; CGI, art. 216 N° Lexbase : L0666IPD).

5 - Les sociétés en participation d'avocats

D'une très grande souplesse d'utilisation quant à leur organisation et à leur fonctionnement, les sociétés en participation (loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, relative à l'exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire N° Lexbase : L3046AIN ; décret n° 93-492 du 25 mars 1993 N° Lexbase : L4321A4S) sont appréciées pour leur discrétion, mais leur constitution n'entraîne pas l'octroi de la personnalité morale. Tenus indéfiniment et solidairement, les associés -qui ne peuvent pas être des personnes morales- rédigeront les statuts avec précision et ils devront exercer un choix quant au régime fiscal applicable : impôt sur le revenu ou impôt sur les sociétés. En effet, la société en participation peut être soumise à l'impôt sur les sociétés sur option ou à titre punitif si les associés ne sont pas connus de l'administration fiscale (CAA Paris, 2ème ch., 17 avril 2001, n° 97PA01515, inédit au recueil Lebon N° Lexbase : A6093A7S) en communiquant eux-mêmes leurs noms et adresses avant l'expiration du délai de dépôt de la déclaration de résultat, ce qui suppose une démarche positive des associés (CE 9° et 10° s-s-r., 21 avril 2000, n° 179092, mentionné aux tables du recueil Lebon N° Lexbase : A9248AGM). Il conviendra, par conséquent, d'être particulièrement méticuleux quant à la communication de ces informations en temps et en heure.


(1) Alors que la société anonyme de droit commun comprend au moins sept actionnaires.
(2) Loi n° 2008-1330 du 17 décembre 2008, de financement de la Sécurité sociale pour 2009, art. 22 (N° Lexbase : L2678IC8) ; CSS, art. L. 131-6 (N° Lexbase : L6963IUG) ; décret n° 2009-423 du 16 avril 2009 (N° Lexbase : L0987IEB) ; circulaire DSS 2010-315 du 18 août 2010 (N° Lexbase : L9694IMY) ; conformité à la Constitution : Cons. const., décision n° 2010-24 QPC du 6 août 2010 (N° Lexbase : A9232E73), RJS, 12/10, n° 992.
(3) "Mme Véronique Louwagie. La grande majorité des entreprises françaises du secteur marchand non agricole sont dirigées par des chefs d'entreprise non salariés, les travailleurs indépendants. En proposant de réintégrer dans l'assiette des cotisations sociales les dividendes versés dépassant 10 % des capitaux propres, vous faites un amalgame entre les revenus du capital et ceux du travail. Les dividendes sont d'une autre nature que les revenus du travail : ce sont des revenus du capital, qui sont d'ailleurs imposés comme tels. Il convient de maintenir cette distinction.
M. Gérard Bapt, rapporteur. On ne peut parler de revenus du capital, puisqu'il s'agit ici pour l'entreprise de contourner la distribution de revenus du travail en distribuant les bénéfices par le biais des dividendes. La fiscalité sur les dividendes est en effet inférieure aux cotisations sur le salaire déclaré du gérant", compte rendu, Commission des affaires sociales du 16 octobre 2012 n° 05, p. 6.
(4) "M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué [...] Cette mesure vise, non à lutter contre la fraude, puisque cette possibilité était tout à fait légale, mais à instaurer une forme de moralisation et à rétablir une concurrence saine et loyale. Prenons deux indépendants exerçant le même métier, réalisant des chiffres d'affaires comparables, dont l'un se rémunérerait sous forme de salaires, avec les charges qui y sont attachées, et l'autre sous forme de dividendes, pour éviter précisément ces charges. Qui ne voit que l'un possède à l'égard de l'autre un avantage concurrentiel qui n'est pas d'une totale loyauté ?", compte rendu des débats parlementaires devant l'Assemblée nationale, le 24 octobre 2012, p. 4222.
(5) Les SELARL à associé unique personne physique relèvent des dispositions de l'article 8 du CGI (N° Lexbase : L1176ITQ), avec une option possible pour l'impôt sur les sociétés (CGI, art. 239 N° Lexbase : L4947HLS). En revanche, il n'est pas possible d'opter pour le régime des SELARL de famille pour les avocats (CGI, art. 239 bis AA N° Lexbase : L4952HLY).

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