Lexbase Public n°608 du 10 décembre 2020 : Marchés publics

[Textes] Le Code de la commande publique modifié par la loi « ASAP »

Réf. : Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020, d'accélération et de simplification de l'action publique (N° Lexbase : L9872LYB)

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par Paul-Maxence Murgue-Varoclier, docteur en droit public, juriste-consultant au CRIDON Lyon

le 09 Décembre 2020

 


Mots clés : commande publique • loi « ASAP » • Conseil constitutionnel

La loi « ASAP » du 7 décembre 2020 modifie le Code de la commande publique sur quatre points essentiels : passation d’un marché public sans mise en concurrence pour un motif d’intérêt général, rehaussement des seuils de passation des marchés de travaux sans mise en concurrence, dérogations aux procédures de mise en concurrence pour certaines prestations d’avocats, adaptation du droit de la commande publique pour faire face aux « circonstances exceptionnelles » (cet article est tiré du dossier « Les dispositions de la loi « ASAP » intéressant la sphère publique » paru le 10 décembre 2020, voir sommaire N° Lexbase : N5687BYB).


 

Le projet de loi « ASAP »  (Accélération et simplification de l’action publique) a été définitivement adopté par le Parlement le 28 octobre 2020. Si l’ambition première du texte était de répondre aux attentes exprimées lors du Grand débat national, la crise sanitaire que connaît la France a conduit le Parlement et le Gouvernement à modifier substantiellement le projet initial, quitte à en faire un texte « fourre-tout » [1]. Réunis en commission mixte paritaire, députés et sénateurs ont trouvé un accord sur le projet de loi qui a pu être voté dans les mêmes termes par les deux assemblées.

Amendé par le Gouvernement, le texte contient un certain nombre de mesures modifiant le Code de la commande publique (CCP), entré en vigueur le 1er avril 2019 [2]. Les nouvelles dispositions sont destinées à soutenir les opérateurs économiques dans le cadre du plan de relance et à pérenniser les dispositifs de simplification mis en place pendant la période d’état d’urgence sanitaire. On peut effectivement rappeler que, face à l’urgence de la crise sanitaire, le Gouvernement a adopté au printemps 2020 un arsenal d’ordonnances adaptant – à titre temporaire – le droit de la commande publique [3]. La loi « ASAP » a notamment pour objet d’inscrire dans le marbre du Code ces divers aménagements, consacrant ainsi l’existence d’un « droit de crise » de la commande publique.

Le 3 novembre 2020, le Conseil constitutionnel a été saisi par soixante députés pour contrôler la conformité du texte au bloc de constitutionnalité.  A cette occasion, les requérants ont contesté la constitutionnalité de la plupart des dispositions du texte modifiant le CCP. Les griefs portaient à la fois sur la procédure d’adoption de ces nouvelles mesures (« cavaliers législatifs » introduits à la hâte par le Gouvernement, absence d’étude d’impact et d’avis du Conseil d’Etat sur les nouvelles dispositions du Code relatives au « circonstances exceptionnelles », etc.) mais également sur le fond des nouveaux dispositifs. On peut d’ailleurs rappeler qu’à l’image du juge de l’Union européenne [4], le Conseil constitutionnel a consacré l’existence d’un « droit commun de la commande publique » [5]. Celui-ci repose notamment sur les principes de liberté d’accès à la commande publique, d’égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures [6]. Ces principes fondamentaux de la commande publique constituaient donc un utile point d’appui à la saisine du juge par les députés.

Par sa décision n° 2020-87 DC du 3 décembre 2020, le juge constitutionnel a néanmoins validé sans réserve le volet « commande publique » de la loi « ASAP », rejetant ainsi les prétentions des requérants sur cette question [7].

La loi « ASAP » du 7 décembre 2020 va donc modifier le CCP sur les points suivants.

I - La passation d’un marché public sans mise en concurrence pour un motif d’intérêt général

Le texte modifie l’article L. 2122-1 du CCP (N° Lexbase : L3790LRS) en ajoutant un motif autorisant les acheteurs à conclure un marché public sans mise en concurrence lorsqu’un motif d’intérêt général permet de considérer que « le respect d’une telle procédure est inutile, impossible ou manifestement contraire aux intérêts de l’acheteur » [8].

Il s’agit d’une évolution importante du droit de la commande publique puisqu’elle est destinée à permettre aux acheteurs de « sécuriser » la conclusion de marchés publics sans publicité ni mise en concurrence. Selon l’auteur de l’amendement à l’origine de cette nouvelle disposition, « l’article L. 2122‑1 du CCP ne vise pas expressément, parmi les motifs permettant au pouvoir réglementaire de dispenser certains marchés de procédure de publicité et de mise en concurrence, de motifs liés à l’intérêt général. Pour sécuriser juridiquement les évolutions réglementaires qui pourraient intervenir pour simplifier la conclusion de certains marchés, notamment dans des secteurs confrontés à des difficultés économiques importantes ou constituant des vecteurs essentiels de la relance économique, la mesure proposée vise à ajouter l’intérêt général comme cas de recours possible à un marché passé sans publicité ni mise en concurrence. Il devrait notamment permettre de renforcer le tissu économique des territoires en facilitant la conclusion des marchés avec des PME qui n’ont souvent pas les moyens techniques et humains pour s’engager dans une mise en concurrence » [9]. Ce nouveau motif d’exclusion des règles de mise en concurrence suscite toutefois de nombreuses incertitudes et interrogations.

On remarque que le champ d’application de ce dispositif est limité aux marchés publics et ne concerne donc pas la passation des contrats de concession. L’invocation d’un motif d’intérêt général est extrêmement large pour permettre aux acheteurs de s’exonérer d’une procédure de mise en concurrence. On peut même considérer qu’un tel motif est tautologique s’agissant des acheteurs constitués sous forme publique (Etat, collectivités territoriales, établissements publics, etc.). En effet, l’intérêt général est à la fois le fondement et la limite de l’action des personnes publiques [10]. Comme l’écrit Didier Truchet, l’intérêt général est « le but ultime et le motif fondamental de l’activité administrative » [11]. Si une décision prise par une autorité publique n’est pas justifiée par l’intérêt général, elle peut être sanctionnée pour détournement de pouvoir [12]. On comprend ainsi qu’une lecture extensive du nouveau texte permettrait aux acheteurs publics de s’affranchir à l’envi des procédures de mise en concurrence prévues par le CCP dans la passation de leurs marchés publics.

Pour faire une exacte application de cette nouvelle disposition, il faut donc impérativement combiner le motif d’intérêt général invoqué par l’acheteur pour déroger aux exigences de publicité et de mise en concurrence à la situation particulière qu’il rencontre dans la passation d’un marché public. La dérogation aux règles de mise en concurrence prévues par le CCP – qui doit demeurer l’exception – n’est envisageable que lorsque l’acheteur peut démontrer in concreto que le respect de la procédure est inutile, impossible, ou manifestement contraire à ses intérêts. En effet, une interprétation extensive et non circonstanciée du motif d’intérêt général pour permettre à l’acheteur de s’exonérer des règles de publicité et de mise en concurrence serait, à coup sûr, sanctionnée par le juge.

C’est d’ailleurs une interprétation similaire qu’a retenu le Conseil constitutionnel. La décision énonce que « le législateur a renvoyé au pouvoir réglementaire la détermination des motifs d'intérêt général susceptibles de justifier, compte tenu des circonstances de l'espèce, de déroger aux règles de publicité et de mise en concurrence préalables. Il a précisé que ces dérogations ne sauraient s'appliquer que dans le cas où, en raison notamment de l'existence d'une première procédure infructueuse, d'une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée, le recours à ces règles serait manifestement contraire à de tels motifs » [13]. Surtout, le juge a tenu à rappeler que les acheteurs décidant de recourir au motif d’intérêt général pour déroger aux règles « formalisées » de mise en concurrence dans la passation de certains marchés demeurent soumis aux principes fondamentaux de la commande publique. Comme l’indique la décision : « ces dispositions n'exonèrent pas les acheteurs publics du respect des exigences constitutionnelles d'égalité devant la commande publique et de bon usage des deniers publics rappelées à l'article L. 3 du Code de la commande publique (N° Lexbase : L4460LRM) » [14].

En dépit de ce « brevet de constitutionnalité », il reste permis de s’interroger sur la conformité du nouveau dispositif au droit de l’Union européenne, et notamment à la Directive « marchés » 2014/24/UE du 26 février 2014 (N° Lexbase : L1896DYU) [15].

II - Le rehaussement des seuils de passation des marchés de travaux sans mise en concurrence

La loi « ASAP » a également pour effet de rehausser les seuils de passation de certains marchés publics. Il est à noter que le Gouvernement s’était déjà engagé dans cette voie en édictant le décret n° 2019-1344 du 12 décembre 2019 (N° Lexbase : L8522LTS) portant le seuil financier des marchés publics conclus sans publicité ni mise en concurrence de 25 000 euros hors taxes à 40 000 euros hors taxes [16]. Entré en vigueur au 1er janvier 2020, ce nouveau dispositif ne dispense cependant pas l’acheteur de respecter certains principes directeurs de l’action et de la commande publiques. Le second alinéa de l’article R. 2122-8 du CCP (N° Lexbase : L2629LRS) dispose en effet que lorsque l’acheteur décide de conclure un marché public sans publicité ni mise en concurrence au motif que son montant est inférieur à 40 000 hors taxes, il « veille à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin ».

Dans la période de crise sanitaire, le Gouvernement a rehaussé temporairement, par décret [17], ces seuils en autorisant, jusqu’au 10 juillet 2021 inclus, la passation des marchés publics de travaux sans publicité ni mise en concurrence dont le montant est inférieur à 70 000 euros hors taxes. En outre, le texte a permis aux acheteurs de s’exonérer des exigences de publicité et de mise en concurrence dans la passation des marchés de fournitures de denrées alimentaires produites, transformées et stockées avant la fin de la première période d’état d’urgence sanitaire – soit jusqu’au 10 juillet 2020 – et livrées avant le 10 décembre 2020.

La loi « ASAP » vient élargir la possibilité pour les acheteurs de conclure des marchés publics sans publicité ni mise en concurrence en portant – temporairement – le seuil de dispense à 100 000 euros hors taxes pour la passation des marchés de travaux.

Les marchés de travaux sont définis à l’article L. 1111-2 du CCP (N° Lexbase : L3878LR3). Ils ont pour objet « soit l’exécution, soit la conception et l’exécution de travaux dont la liste figure dans un avis annexé au présent code »[18]. La liste des prestations susceptibles de revêtir la qualification de travaux au sens du CCP est très large. Elle comprend, notamment, la démolition d’immeubles, la construction de bâtiments de tous types, la construction d’ouvrages publics (autoroutes, voies ferrées, pistes d’atterrissage, etc.), certains travaux d’installation électrique, d’isolation, de plomberie, de menuiserie, etc. [19]. Lorsque les travaux ne figurent pas sur cette liste, le marché peut également porter sur une prestation de travaux lorsqu’il a pour objet « soit la réalisation, soit la conception et la réalisation, par quelque moyen que ce soit, d’un ouvrage répondant aux exigences fixées par l’acheteur qui exerce une influence déterminante sur sa nature ou sa conception » [20].

L’article 142 de la loi dispose ainsi : « jusqu’au 31 décembre 2022, les acheteurs peuvent conclure un marché public de travaux sans publicité ni mise en concurrence préalables pour répondre à un besoin dont la valeur estimée est inférieure à 100 000 euros hors taxes. Ces dispositions sont applicables aux lots qui portent sur des travaux et dont le montant est inférieur à 100 000 euros hors taxes, à la condition que le montant cumulé de ces lots n’excède pas 20 % de la valeur totale estimée de tous les lots. Les acheteurs doivent cependant veiller à choisir une offre pertinente, à faire une bonne utilisation des deniers publics et à ne pas contracter systématiquement avec un même opérateur économique lorsqu’il existe une pluralité d’offres susceptibles de répondre au besoin. A compter de l’entrée en vigueur de la loi « ASAP », cette disposition est destinée à s’appliquer aux procédures de mise en concurrence en cours, pour lesquelles une consultation est engagée ou un avis d’appel à la concurrence est envoyé à la publication ».

Le Conseil constitutionnel a déclaré ce dispositif conforme à la Constitution pour trois raisons. D’abord, le juge relève que cette mesure permet d’atteindre le but poursuivi par le législateur, à savoir « faciliter la passation des seuls marchés publics de travaux, en allégeant le formalisme des procédures applicables, afin de contribuer à la reprise de l'activité dans le secteur des chantiers publics, touché par la crise économique consécutive à la crise sanitaire causée par l'épidémie de covid-19 ». Ensuite, il constate que ce dispositif d’exonération aux règles de mise en concurrence est temporaire. Enfin, le juge rappelle, ici encore, que les acheteurs demeurent – en tout état de cause – soumis au respect des principes fondamentaux de la commande publique, tels qu’ils figurent à l’article L. 3 du CCP [21].

III - Les dérogations aux procédures de mise en concurrence pour certaines prestations d’avocats

La loi « ASAP » met fin à la « surtransposition » des Directives « marchés » et « concessions » concernant certaines prestations d’avocat. Les Directives 2014/24/UE et 2014/25/UE (N° Lexbase : L8593IZB) du 26 février 2014 excluaient expressément de leur champ d’application les prestations de services juridiques suivantes : « i) la représentation légale d’un client par un avocat au sens de l’article 1er de la directive 77/249/CEE du Conseil dans le cadre :

- d’un arbitrage ou d’une conciliation se déroulant dans un État membre, un pays tiers ou devant une instance internationale d’arbitrage ou de conciliation ;

- ou d’une procédure devant les juridictions ou les autorités publiques d’un État membre ou d’un pays tiers ou devant les juridictions ou institutions internationales ;

ii) du conseil juridique fourni en vue de la préparation de toute procédure visée au présent point, sous i), ou lorsqu’il existe des signes tangibles et de fortes probabilités selon lesquels la question sur laquelle porte le conseil fera l’objet d’une telle procédure, pour autant que le conseil émane d’un avocat au sens de l’article 1er de la Directive 77/249/CEE » [22].

L’exclusion de ces prestations de services juridiques du champ d’application des procédures formalisées de mise en concurrence n’avait cependant pas été reprise par l’ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018, portant partie législative du Code de la commande publique (N° Lexbase : L0938LN3). L’article 46 de la loi corrige cette situation en incluant dans la catégorie des « autres » contrats de la commande publique (anciennement dénommée, contrats « exclus »), les prestations suivantes :

« Les services juridiques de représentation légale d’un client par un avocat dans le cadre d’une procédure juridictionnelle, devant les autorités publiques ou les institutions internationales ou dans le cadre d’un mode alternatif de règlement des conflits ».

« Les services de consultation juridique fournis par un avocat en vue de la préparation de toute procédure visée à l’alinéa précédent ou lorsqu’il existe des signes tangibles et de fortes probabilités que la question sur laquelle porte la consultation fera l’objet d’une telle procédure ».

Cependant, bien qu’exclus du champ d’application des procédures formalisées de publicité et de mise en concurrence, les « autres » contrats de la commande publique demeurent soumis aux principes fondamentaux de la commande publique, aujourd’hui codifiés à l’article L. 3 du CCP [23].

IV - L'adaptation du droit de la commande publique pour faire face aux « circonstances exceptionnelles »

Les deuxième et troisième parties du CCP, respectivement consacrées aux marchés publics et aux contrats de concession, sont l’une et l’autre complétées par un nouveau livre intitulé « Dispositions relatives aux circonstances exceptionnelles ». Celui-ci pérennise les mesures prises par ordonnance au printemps 2020 pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire. Il est destiné à permettre aux pouvoirs publics de « réagir plus rapidement et plus efficacement à la survenance de circonstances exceptionnelles nouvelles » [24].

En cas de guerre, de pandémie, de crise économique mondiale, de catastrophe naturelle, le Gouvernement pourra, par décret, déclencher l’application de ce « droit de crise » de la commande publique sur tout ou partie du territoire [25]. Les mesures concernent à la fois la passation et l’exécution des marchés publics et des concessions. Pendant toute la période d’application du décret, les acheteurs et autorités concédantes disposent des prérogatives suivantes.

Adaptation des procédures en cours : l’administration peut aménager les modalités de la mise en concurrence en cours de procédure lorsque les documents de la consultation des entreprises ne peuvent être respectées. Cet aménagement devra respecter le principe d’égalité de traitement des candidats [26].

Prolongation des délais de présentation des offres : les délais de réception des candidatures et des offres dans les procédures en cours peuvent être prolongés d’une durée suffisante, fixée par l’administration, pour permettre aux opérateurs économiques de présenter leur candidature ou de soumissionner [27].

Prolongation des contrats arrivés à terme : les contrats qui arrivent à terme durant la période de circonstances exceptionnelles peuvent être prolongés par avenant au-delà de la durée prévue par le contrat, lorsqu’une procédure de mise en concurrence ne peut être mise en œuvre [28].

Prolongation de la durée d’exécution des contrats : lorsque le délai d’exécution ne peut pas être respecté en cas de difficulté d’exécution de la prestation, il est prolongé par avenant, sur simple demande du cocontractant, d’une durée équivalente à la période de non‑respect du délai d’exécution résultant directement des circonstances exceptionnelles [29].

Sanctions interdites en cas d’impossibilité d’exécution du contrat : lorsque le cocontractant démontre qu’il ne dispose pas des moyens suffisants ou que leur mobilisation ferait peser sur lui une charge manifestement excessive, il ne peut pas, pour ce motif, être sanctionné, se voir appliquer les pénalités contractuelles ou voir sa responsabilité contractuelle engagée. L’administration pourra conclure un marché de substitution avec un tiers pour satisfaire ses besoins qui ne peuvent souffrir aucun retard. L’exécution du contrat de substitution ne peut être effectuée aux frais et risques du titulaire initial[30].

V - Dispositions diverses

Dans le but de faciliter l’accès des entreprises en difficulté aux contrats de la commande publique, le Gouvernement a amendé le texte du projet de loi « ASAP » pour ouvrir la possibilité à une entreprise en redressement judiciaire de se porter candidate à un contrat de la commande publique, lorsqu’elle peut justifier avoir été habilitée à poursuivre son activité pendant la durée prévisible du contrat [31]. On précisera, à ce sujet, que cette solution était déjà admise par la jurisprudence [32].

La loi « ASAP » renforce également le dispositif de réservation de l’exécution de certains marchés publics à des petites ou moyennes entreprises (PME) ou à des artisans. Ce mécanisme était déjà prévu dans les marchés globaux et les acheteurs doivent tenir compte, dans les critères d’attribution, de la part du marché que le candidat entend confier à des PME ou à des artisans [33]. Le « système de réservation » a été étendu au choix de l’attributaire des marchés de conception-réalisation, des marchés globaux de performance et des marchés globaux sectoriels [34].

Enfin, le texte étend la possibilité de modifier les contrats de la commande publique « pour lesquels une consultation a été engagée ou un avis d’appel à la concurrence a été envoyé à la publication avant le 1er avril 2016 » selon les règles prévues par le CCP. Préalablement à cette date, la modification des marchés était règlementée par le Code des marchés publics. Or, son article 20 n’ouvrait la possibilité de modifier – par avenant – un marché qu’« en cas de sujétions techniques imprévues ne résultant pas du fait des parties ». Le Code de la commande publique – comme le décret d’application de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 (N° Lexbase : L9077KBS), entré en vigueur le 1er avril 2016 [35] – a élargi les possibilités de modification du contrat, sans nouvelle mise en concurrence. L’acheteur peut notamment modifier le marché lorsque « des travaux, fournitures ou services supplémentaires sont devenus nécessaires » [36], dans la limite de 50 % du montant initial. Cette disposition a donc pour mérite d’unifier le régime de modification des marchés publics, indépendamment de la date à laquelle ils ont été conclus.

 

[1] E. Royer, Projet de loi « ASAP » : un texte fourre-tout, AJCT, 2020. 444 ; M.-Ch. De Montecler, Adoption définitive de la loi « ASAP » devenue fourre-tout, AJDA, 2020. 2052.

[2] Ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018, portant partie législative du code de la commande publique.

[3] Ordonnance n° 2020-319 du 25 mars 2020, portant diverses mesures d’adaptation des règles de passation, de procédure ou d’exécution des contrats soumis au Code de la commande publique et des contrats publics qui n’en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l’épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L4300LXK) ; ordonnance n° 2020-460 du 22 avril 2020, portant diverses mesures prises pour faire face à l’épidémie de covid-19 (N° Lexbase : L7287LWS) ; ordonnance n° 2020-738 du 17 juin 2020, portant diverses mesures en matière de commande publique (N° Lexbase : L4300LXK).

[4] CJCE, 7 décembre 2000, aff. C-324/98, Telaustria Verlags GmbH (N° Lexbase : A1916AWU), Rec. CJCE, p. I-10745, AJDA, 2001, p. 106, note L. Richer, CMP, 2001, p. 50, note F. Llorens, BJCP, 2001, p. 132, concl. N. Fenelly, p. 145, note C. Maugüé, GAJUE, n° 64.

[5] Cons. const., décision n° 2003-473 DC du 26 juin 2003 (N° Lexbase : A9631C89), Rec. Cons. const., p. 382, JCP éd. A, 2003, p. 1890, note F. Linditch, AJDA, 2003, p. 1391, note J.-E. Schoetll, AJDA, 2003, p. 1404, note É. Fatôme, AJDA, 2003, p. 2348, étude É. Fatôme et L. Richer, RDP, 2003, p. 1163, note F. Lichère, AJDA, 2003, p. 1404, note É. Fatôme, GDDAB, n° 78.

[6] CCP, art. L. 3 : « les acheteurs et les autorités concédantes respectent le principe d’égalité de traitement des candidats à l’attribution d’un contrat de la commande publique. Ils mettent en œuvre les principes de liberté d’accès et de transparence des procédures, dans les conditions définies dans le présent code. Ces principes permettent d’assurer l’efficacité de la commande publique et la bonne utilisation des deniers publics ».

[7] Cons. const., décision n° 2020-807 DC du 3 décembre 2020 (N° Lexbase : A721138L). On notera, toutefois, que 26 articles du projet de loi ont été censurés par le juge car ils constituaient des « cavaliers législatifs ».

[8] CCP, art. L. 2122-1 : « l’acheteur peut passer un marché sans publicité ni mise en concurrence préalables dans les cas fixés par décret en Conseil d’Etat lorsqu’en raison notamment de l’existence d’une première procédure infructueuse, d’une urgence particulière, de son objet ou de sa valeur estimée, le respect d’une telle procédure est inutile, impossible ou manifestement contraire aux intérêts de l’acheteur ou à un motif d’intérêt général ».

[9] Assemblée Nationale, amendement n° 652 au projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique.

[10] Pour paraphraser la célèbre formule de Léon Duguit, « le service public est le fondement et la limite du pouvoir gouvernemental », Traité de droit constitutionnel, t. 1, Fontemoing, 1911, p. 99.

[11] D. Truchet, Droit administratif, 6ème éd., PUF, 2015, p. 47.

[12] En effet, le détournement de pouvoir est « le fait pour une autorité administrative d’user de ses pouvoirs en vue d’un but autre que celui pour lequel ces pouvoirs lui ont été conférés ». Il est constitué lorsque qu’une personne publique « use de ses pouvoirs à des fins étrangères à l’intérêt général » : P. Gonod, M. Guyomar, « Détournement de pouvoir et détournement de procédure », Répertoire de contentieux administratif, Dalloz, octobre 2008, n° 1. Sur ce point v. R. Goy, « La notion de détournement de pouvoir », in Mélanges d’études en hommage à Charles Eisenmann, Éditions Cujas, 1975, p. 321.

[13] Décision n° 2020-807 DC, préc., cons. n° 43.

[14] Idem, cons. n° 44.

[15] Directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014, cons. n° 50 : « compte tenu de ses effets négatifs sur la concurrence, le recours à une procédure négociée sans publication préalable d’un avis de marché devrait être réservé à des circonstances très exceptionnelles. Ces exceptions devraient se limiter aux cas où une publication n’est pas possible pour des raisons d’extrême urgence résultant d’événements imprévisibles qui ne sont pas imputables au pouvoir adjudicateur ou bien lorsqu’il est clair dès le départ qu’une publication ne susciterait pas plus de concurrence ou n’apporterait pas de meilleurs résultats, en particulier parce qu’il n’existe objectivement qu’un seul opérateur économique capable d’exécuter le marché ».

[16] Décret n° 2019-1344 du 12 décembre 2019, modifiant certaines dispositions du code de la commande publique relatives aux seuils et aux avances (N° Lexbase : L8522LTS).

[17] Décret n° 2020-893 du 22 juillet 2020, portant relèvement temporaire du seuil de dispense de procédure pour les marchés publics de travaux et de fourniture de denrées alimentaires (N° Lexbase : L7038LXX).

[18] CCP, art. L. 1111-2, 1°.

[19] Arrêté du 22 mars 2019, portant l’annexe préliminaire du Code de la commande publique, annexe n° 1.

[20] CCP, art. L. 1111-2, 2°.

[21] Décision n° 2020-807 DC, préc., cons. 56-57.

[22] Directive 2014/24/UE préc., art. 10 ; Directive 2014/25/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014, art. 21.

[23] En ce sens, v. H. Hoepffner, P. Terneyre, La place des principes dans le Code de la commande publique, RFDA, 2019. 206.

[24] F. Londitch, Projet de loi « ASAP » : les précisions de la DAJ , Contrats et Marchés pub., n° 12, Décembre 2020, alerte 52.

[25] CCP, art. L. 2711-1 : « lorsqu’il est fait usage de prérogatives prévues par la loi tendant à reconnaître l’existence de circonstances exceptionnelles ou à mettre en œuvre des mesures temporaires tendant à faire face à de telles circonstances et que ces circonstances affectent les modalités de passation ou les conditions d’exécution d’un marché public, un décret peut prévoir l’application de l’ensemble ou de certaines des mesures du présent livre aux marchés publics en cours d’exécution, en cours de passation ou dont la procédure de passation n’est pas encore engagée ». Pour les concessions : CCP, art. L. 3411-1.

[26] CCP, art. L. 2711-3 et L. 3411-3.

[27] CCP, art. L. 2711-4 et L. 3411-4.

[28] CCP, art. L. 2711-5 et L. 3411-5.

[29] CCP, art. L. 2711-7 et L. 3411-7.

[30] CCP, art. L. 2711-8 et L. 3411-8.

[31] CCP, art. L. 2141-3, 3° et L. 3123-3, 3°.

[32] En ce sens, v. CE, 26 mars 2014, n° 374387 (N° Lexbase : A2310MIE) ; CAA Bordeaux, 1er décembre 2016, n° 14BX01718 (N° Lexbase : A9952SNW) ; CE 25 janvier 2019, n° 421844 (N° Lexbase : A3232YUA).

[33] CCP, art. L. 2213-14 et L. 2222-4.

[34] CCP, art. L. 2152-9.

[35] Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016, relatif aux marchés publics.

[36] CCP, art. L. 2194-1.

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