Le Quotidien du 5 novembre 2020 : Droit pénal de la presse

[Brèves] Refus d’insertion du droit de réponse : absence d’incidence du caractère diffamatoire de l’article initial et faculté, pour la juridiction saisie des dispositions civiles, d’ordonner l’insertion

Réf. : Cass. crim., 3 novembre 2020, n° 19-85.276, F-P+B+I (N° Lexbase : A4177334)

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[Brèves] Refus d’insertion du droit de réponse : absence d’incidence du caractère diffamatoire de l’article initial et faculté, pour la juridiction saisie des dispositions civiles, d’ordonner l’insertion. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/article-juridique/61440756-breves-refus-dinsertion-du-droit-de-reponse-absence-dincidence-du-caractere-diffamatoire-de-larticle
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par Adélaïde Léon

le 18 Novembre 2020

► Le droit de réponse prévu par l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse (N° Lexbase : L7589AIW) est strictement personnel et celui qui entend en user ne peut répondre qu’à sa propre mise en cause, et non à celle d’un tiers, celui-ci aurait-il été également nommé ou désigné dans la publication suscitant la réponse ;

La circonstance que le texte auquel il est répondu soit ultérieurement jugé diffamatoire à l’égard du demandeur à l’insertion est sans incidence sur la caractérisation du délit de non-insertion ;

L’insertion d’une réponse présentée dans les conditions de forme requises ne peut être refusée que si ladite réponse est contraire aux lois, à l’intérêt légitime des tiers, n’est pas en corrélation avec l’article auquel il est répondu et met en cause l’honneur du journaliste ou de l’organe de presse de façon disproportionnée au regard de la teneur de l’article initial ; il n’est pas porté atteinte à l’honneur du journaliste lorsque les termes employés dans la réponse sont, certes sévères, mais mesurés et proportionnés au ton ironique et péremptoire desdits articles ;

La juridiction, saisie d’un appel sur les dispositions civiles d’un jugement de relaxe du délit de refus d’insertion de droit de réponse, et à qui la partie civile sollicite, en réparation du préjudice résultant pour elle de la faute civile à partir et dans la limite des faits objets de la poursuite que soient ordonnées les insertions refusées peut valablement faire droit à cette demande.

Rappel des faits. À la suite de la publication, dans le quotidien Le Journal de La Réunion, de deux articles d’abord, puis de quatre autres, ensuite, une personne, au demeurant directrice générale de l’Association pour l’utilisation du rein artificiel à La Réunion (Aurar), a successivement fait délivrer au directeur de la publication deux actes d’huissier demandant chacun l’insertion d’une réponse.

La première réponse n’a pas été insérée. Considérant que la seconde l’avait été dans des conditions qui n’étaient pas conformes aux exigences de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, l’intéressée a fait citer le directeur de la publication du journal ainsi que, en qualité de civilement responsable, la société éditrice du quotidien.

Après la relaxe du prévenu en première instance, la partie civile a relevé appel de cette décision.

En cause d’appel. Les juges ont confirmé le jugement et débouté la partie civile s’agissant de la seconde demande d’insertion d’une réponse. Elle estimait que ladite réponse ne concernait que l’Aurar, sans mentionner son auteure de qui la demande émanait, et ne respectait donc pas le caractère personnel prévu par la loi. La cour d’appel précisait que le caractère légitime de ses refus n’était pas remis en cause par le fait que les articles à l’origine de la première demande d’insertion avaient par la suite été jugés diffamatoires.

Pour débouter l’intéressée de toutes ses demandes, la cour d’appel soulignait par ailleurs que certains termes utilisés dans la première demande mettaient en cause le sérieux de l’enquête du journaliste personnellement visé et étaient de nature à porter atteinte à son honneur et à sa considération.

Enfin, pour débouter la partie civile de sa demande visant à ordonner l’insertion des droits de réponse, la cour d’appel retenait qu’elle n’était saisie que du seul appel sur les dispositions civiles et qu’il ne lui appartenait donc pas d’ordonner ladite insertion.

Moyens du pourvoi. La partie civile estimait que les réponses dont l’insertion était demandée n’étaient pas contraires aux lois, aux bonnes mœurs, à l’intérêt légitime des tiers ou à l’honneur du journaliste. Dès lors, le refus de les insérer ne pouvait légalement se justifier. Elle soulignait également que le droit de réponse appartient à celui qui a été expressément ou implicitement mis en cause et qu’il n’est pas nécessaire que le contenu de la réponse mentionne expressément le nom de la personne ou sa fonction. Enfin, la partie civile reprochait à la cour d’appel d’avoir retenu que ses écritures ne concernaient que le délit de refus d’insertion sans aucun argument sur les éléments constitutifs d’une faute civile distincte de la faute pénale.

Réponse de la Cour. S’agissant de la seconde demande d’insertion, la Chambre criminelle juge que les griefs ne sont pas fondés. La Cour rappelle tout d’abord que le droit de réponse est strictement personnel. Dès lors, celui qui souhaite en faire usage ne peut répondre qu’à sa propre mise en cause. Elle relève qu’en l’espèce la cour d’appel a justement noté que la seconde réponse ne concernait pas l’auteure de la demande d’insertion.

La Chambre criminelle précise par ailleurs que la circonstance que le texte auquel il est répondu soit ultérieurement jugé diffamatoire à l’égard du demandeur à l’insertion est sans incidence sur la caractérisation du délit de non-insertion. En effet, la démonstration du caractère diffamatoire n’est pas une condition de la demande d’insertion laquelle est ouverte à toute personne dénommée ou désignée.

En revanche, s’agissant de la première demande, la Chambre criminelle censure l’arrêt d’appel au visa de l’article 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

La Cour rappelle que l’insertion d’une réponse présentée dans les conditions de forme de l’article précité ne peut être refusée que si ladite réponse est contraire aux lois, à l’intérêt légitime des tiers, n’est pas en corrélation avec l’article auquel il est répondu et met en cause l’honneur du journaliste ou de l’organe de presse de façon disproportionnée au regard de la teneur de l’article initial.

La Chambre criminelle souligne que la réponse qui se contente de critiquer, dans des termes proportionnés à cet article, la légitimité du but poursuivi par un article, le sérieux de l’enquête conduite par son auteur, sa prudence dans l’expression ou son absence d’animosité personnelle, ne porte pas atteinte à l’honneur du journaliste. En l’espèce, la Haute juridiction constate que les termes employés dans la réponse étaient sévères mais mesurés et, surtout, restaient proportionnés au ton ironique et péremptoire desdits articles. La Cour de cassation reproche ainsi aux juges d’appel de ne pas avoir apprécié le contenu de la réponse au regard du contenu de l’article initial.

Enfin, aux visas des articles 2 (N° Lexbase : L9908IQZ), 497 (N° Lexbase : L3893AZ9) et 509 (N° Lexbase : L7521LPA) du Code de procédure pénale et 13 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, la Haute juridiction juge que la cour d’appel, à qui la partie civile sollicite, en réparation du préjudice résultant pour elle de la faute civile à partir et dans la limite des faits objets de la poursuite que soient ordonnées les insertions refusées, pouvait valablement faire droit à cette demande.

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