Lexbase Avocats n°93 du 13 octobre 2011 : Avocats

[Focus] L'avocat en entreprise : les suites du rapport "Prada"

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par Xavier Berjot, Avocat Associé, Ocean Avocats

le 13 Octobre 2011

Le 21 juin 2011, le ministère de la Justice et des Libertés a organisé comme prévu une table ronde, afin de discuter des perspectives ouvertes à la suite du rapport "Prada", rendu public le 19 avril 2011 et portant sur "certains facteurs de renforcement de la compétitivité juridique sur la place de Paris" (1). Lexbase Hebdo - édition professions vous propose cette semaine de revenir sur les discussions menées et sur l'avenir de l'avocat en entreprise. I - Rappel du contexte

Le rapport "Prada", du nom de Michel Prada, inspecteur général des finances honoraire et ancien président de l'Autorité des marchés financiers, a été commandé par le Garde des Sceaux et le ministre des Finances, de l'Economie et de l'Industrie, le 28 octobre 2010, pour améliorer la compétitivité des professions juridiques en France, et notamment celle des juristes d'entreprise.

La mission ainsi confiée à Michel Prada comportait trois volets principaux :

- la consolidation de la place de Paris dans l'arbitrage international ;

- le renforcement de la compétitivité des entreprises françaises par l'amélioration du dispositif de traitement du droit en entreprise et la poursuite du mouvement engagé pour la constitution d'une grande profession du droit ;

- la problématique de la concurrence internationale en matière de prestations juridiques aux entreprises.

Le rapport "Prada" était très attendu par les professionnels du droit, dont les avocats, en particulier sur la question du statut de l'avocat en entreprise, récurrente au sein de la profession.

Sur ce point, la mission conduite par Michel Prada a relevé notamment que le positionnement des juristes d'entreprise était mal adapté dans la conduite des entreprises françaises, nécessitant de renforcer la compétitivité de ces dernières par rapport à leurs homologues étrangères.

La question, épineuse, est celle de la déontologie applicable au juriste d'entreprise (secret professionnel, confidentialité, etc.).

Le rapport a conclu que les efforts engagés depuis plusieurs décennies pour unifier les métiers du droit autour de la profession d'avocat (fusion avec les avoués près les tribunaux de grande instance, avec les conseils juridiques, avec les avoués près les cours d'appel) devaient se poursuivre.

A l'appui de cette conclusion, le rapport relevait que "l'appartenance à une grande profession, structurée autour d'une déontologie professionnelle rigoureuse, plaçant au premier plan le respect de la règle de droit et organisant un recrutement de qualité, confère à ces systèmes une réelle vertu et aux professionnels du droit un poids spécifique qui contribue à leur prestige, à leur crédibilité et, plus généralement, à un meilleur respect de la norme juridique dans la conduite des affaires".

Ainsi, le rapport "Prada" a émis plusieurs propositions relatives au statut de l'avocat en entreprise, s'inspirant en partie du modèle anglo-saxon :

- l'avocat en entreprise serait inscrit au barreau sur une liste ad hoc ;

- il serait tenu de respecter les principes déontologiques et éthiques de la profession, mais ne serait pas titulaire de l'obligation personnelle de respect du secret professionnel d'ordre public réservé aux avocats "libéraux" ;

- dans ses rapports avec son entreprise et avec ses homologues, l'avocat en entreprise bénéficierait d'un "privilège de confidentialité" permettant de protéger la confidentialité de ses conseils écrits délivrés à son employeur ;

- salarié de l'entreprise, dont il devrait réserver l'exclusivité de ses prestations, il en serait "un collaborateur sans autre spécificité que son appartenance au barreau" ;

- il n'aurait pas la capacité de plaider devant les tribunaux où la représentation par un avocat est obligatoire ;

- dans le cas de procédure d'investigation administrative ou pénale, un dispositif juridiquement encadré de levée du "privilège de confidentialité" pourrait être mis en oeuvre.

II - Suites du rapport "Prada"

Dans le cadre de sa mission, Michel Prada a rencontré de nombreux acteurs du monde de l'entreprise, de l'arbitrage, de la profession d'avocat, des autorités de contrôle, ainsi que des juridictions administratives et judiciaires.

Pour sa part, le Conseil national des barreaux (CNB) a souligné son opposition à l'instauration d'une double déontologie, soulignant que la profession est attachée à son unité et au principe de l'égalité entre avocats (2).

En novembre 2010, le CNB avait d'ailleurs, à une large majorité, rappelé son opposition à la fusion entre la profession réglementée d'avocat et la profession non réglementée de juriste d'entreprise, et s'était déclaré défavorable (à défaut de majorité) à un mode d'exercice de la profession d'avocat salarié en entreprise (3).

Quant à l'Ordre des avocats de Paris, il s'est prononcé en 2009 en faveur de la création d'un statut d'avocat en entreprise, position réitérée depuis à plusieurs reprises.

A la suite de la remise de son rapport, les préconisations émises par Michel Prada ont été soumises à consultation publique, jusqu'au 20 mai 2011.

Il était prévu que cette consultation donnerait lieu à une synthèse établie lors d'une table ronde devant se tenir au mois de juin 2011, à l'issue de laquelle les pouvoirs publics devaient décider de la suite à donner aux conclusions du rapport "Prada".

Cette table ronde s'est tenue le 21 juin 2011, portant sur le thème suivant : "Avocats et juristes en entreprise : les perspectives après le rapport".

Etaient notamment présents le CNB, la Conférence des Bâtonniers, l'Ordre des avocats de Paris, l'Association française des juristes d'entreprise (AFJE), l'Association nationale des juristes de banque (ANJB) ou, encore, le MEDEF.

Durant cette table-ronde, les représentants du monde de l'entreprise ont pu rappeler que le positionnement actuel des juristes d'entreprise induit un désavantage concurrentiel des entreprises françaises vis-à-vis des entreprises d'autres pays européens sur le plan juridique.

Par ailleurs, si un consensus est apparu sur la nécessité de revoir ou d'adapter le statut des juristes en entreprise, aucune position commune n'a pu se dégager sur la question de l'intégration ou non de ces professionnels du droit à la profession d'avocat.

Enfin, il est ressorti des débats que la notion de secret professionnel applicable aux juristes d'entreprise devait être clarifiée, entre un "privilège de confidentialité" à l'anglo-saxonne ("legal privilege") et un secret professionnel d'ordre public, tel que celui actuellement applicable aux avocats.

Dans son discours de clôture, le Garde des Sceaux a souligné que le temps était venu "de faire progresser les réflexions de chacun sur la base d'un texte".

Dans cette perspective, il a chargé le directeur des affaires civiles et du Sceau de préparer un avant-projet de texte devant être soumis à l'appréciation de l'ensemble des acteurs concernés, au cours du mois d'octobre 2011. A suivre très rapidement, donc...


(1) Pour aller plus loin sur le rapport "Prada", voir :
- Rapport "Prada" : renforcement de la compétitivité juridique de la place de Paris - Statut du juriste d'entreprise (N° Lexbase : N2823BSD), Lexbase Hebdo n° 76 du 19 mai 2011 - édition professions ;
- Rapport "Prada" : renforcement de la compétitivité juridique de la place de Paris - Arbitrage international (N° Lexbase : N4124BSK), Lexbase Hebdo n° 78 du 2 juin 2011 - édition professions ;
- Rapport "Prada" : renforcement de la compétitivité juridique de la place de Paris - Ouverture du marché des services juridiques (N° Lexbase : N4123BSI), Lexbase Hebdo n° 78 du 2 juin 2011 - édition professions.
(2) Position du Conseil national des barreaux (CNB), 14 mai 2011.
(3) CNB, Assemblée générale du 20 novembre 2010.

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