La lettre juridique n°764 du 6 décembre 2018 : Avocats/Accès à la profession

[Le point sur...] Une formation initiale plus dense et plus exigeante pour les futurs avocats

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par Stéphane Lallement, Avocat à Nantes, Membre de la commission de la formation professionnelle au Conseil national des barreaux

le 05 Décembre 2018

Mots-clefs : Formation initiale • Réforme • CNB • CAPA

 

Résumé : Le Conseil national des barreaux a adopté le 16 novembre 2018 une réforme de la formation initiale des avocats, dont la mise en œuvre est désormais entre les mains de la Chancellerie.

Parmi les missions qui lui sont dévolues par la loi, le Conseil national des barreaux est notamment en charge d’organiser la formation initiale et continue des avocats [1]. Il est à l’origine du format actuel de la formation initiale, défini en 1997 [2] selon l’articulation suivante :

 

  • un examen d’accès au centre régional de formation professionnelle (CRFP), accessible aux titulaires d’une maîtrise en droit ou d’un diplôme reconnu comme équivalent ;
  • dix-huit mois de formation décomposés en trois périodes :
    • six mois d’enseignement au sein du CRFP pour l’acquisition des fondamentaux,
    • six mois consacrés à la réalisation d’un projet pédagogique individuel (PPI) choisi par l’élève et agréé par le CRFP,
    •  six mois de stage en cabinet d’avocat ;
  • un certificat d’aptitude à la profession d’avocat (CAPA) délivré à l’issue d’un examen comportant diverses épreuves écrites et orales ;
  • le titulaire du CAPA étant ensuite libre d’exercer la profession selon les modalités de son choix (collaboration ou installation).

 

Plusieurs ajustements ont été apportés depuis à ce dispositif, et notamment :

  • l’harmonisation des programmes de la formation commune de base dispensée par les CRFP [3] ;
  • la réforme de l’examen d’entrée, dont les sujets sont désormais élaborés par une commission nationale [4].

 

Au fil des années, il est apparu nécessaire, cependant, d’envisager une refonte plus globale de la formation initiale des avocats afin de l’adapter aux nouveaux enjeux de la profession.

 

C’est le sens du travail mené au sein de la commission formation du Conseil national des barreaux [5], et qui a conduit l’instance nationale à adopter lors de son assemblée générale du 16 novembre 2018 une série de propositions transmises à la Chancellerie en vue de la réforme de la formation initiale [6].

 

 

I - Le niveau de recrutement

 

En l’état actuel des textes, le niveau requis des étudiants présentant l’examen d’entrée au CRFP est celui de la «maîtrise en droit», correspondant en fait au Master 1 (Bac + 4) selon la nouvelle terminologie LMD (Licence / Master / Doctorat).

 

Il s’avère cependant que plus de 90 % des élèves qui franchissent l’examen avec succès sont en fait titulaires d’un Master complet, ou «Master 2» (Bac + 5).

 

De fait, d’autres professions juridiques (notaires, commissaires de police…) ont déjà fait le choix depuis plusieurs années de porter leur niveau de recrutement au Master 2.

 

Au regard de ces constatations, l’assemblée générale du Conseil national des barreaux a débattu d’un possible rehaussement du niveau de recrutement des CRFP.

 

Les élus de la Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats (FNUJA) s’y sont montrés défavorables, redoutant que cet allongement du cursus universitaire ne ferme l’accès à la profession à un certain nombre d’étudiants désirant entrer au plus vite sur le marché du travail.

 

Une majorité s’est néanmoins dégagée en faveur de cette évolution et, le Conseil national des barreaux a donc décidé que l’examen d’entrée au CRFP serait désormais réservé aux seuls titulaires d’un Master en droit (Bac + 5) ou d’un diplôme reconnu comme équivalent.

 

 

II - La situation des docteurs en droit

 

Depuis la création des CRFP, une disposition législative spécifique [7] dispense les docteurs en droit de l’examen d’entrée et leur permet d’accéder directement à la formation délivrée par les écoles.

 

Différentes données statistiques amènent, cependant, à s’interroger sur la pertinence de cette dispense. Il a été observé, en effet, que les docteurs en droit, qui constituent 8 % du corps des élèves avocats, représentent à eux seuls 62 % des candidats échouant à l’examen final du CAPA.

 

Cette constatation tend à démontrer que les docteurs en droit, dont les compétences juridiques ne sont naturellement pas discutables, sont sans doute insuffisamment sensibilisés aux valeurs propres à la profession d’avocats que les autres élèves appréhendent au travers de l’examen d’entrée.

 

L’hypothèse d’une suppression pure et simple de la dispense, un temps envisagé, a donné lieu à de vifs échanges entre le Conseil National des Barreaux et les représentants de l’université.

 

Une solution de compromis a finalement été adoptée, et le Conseil national des barreaux propose que les titulaires d’un doctorat en droit :

  • demeurent dispensés des épreuves écrites de l’examen d’entrée au CRFP ;
  • mais soient, désormais, soumis aux épreuves orales et notamment à l’exposé-discussion consacré aux libertés et droits fondamentaux, épreuve particulièrement fédérative favorisant ainsi leur meilleure intégration au sein de l’école.

 

 

III - La durée et le contenu de la formation

 

De toutes les critiques recensées par le Conseil national des barreaux quant à la formation initiale des élèves avocats, la plus récurrente réside certainement dans sa durée jugée excessive.

 

Bien que fixée à dix-huit mois par les textes, la durée effective de la formation initiale s’étend en pratique sur deux années compte-tenu de l’articulation des différentes périodes.

 

Dans la mesure où la plupart des impétrants ont déjà achevé un Master 2 avant d’intégrer le CRFP, l’âge moyen d’entrée dans la profession s’avère aujourd’hui nettement plus élevé qu’il ne l’était voici vingt ans lorsque le système actuel a été imaginé.

 

Cette situation expose un nombre croissant d’étudiants à d’importantes difficultés de financement de leur formation, et constitue un frein à la démocratisation du recrutement social de la profession.

 

En outre, beaucoup de jeunes confrères s’accordent à considérer que ce temps de formation initiale retarde inutilement leur entrée effective dans un cabinet d’avocats, lieu où s’acquièrent par excellence les compétences pratiques nécessaires à l’exercice de la profession.

 

Le Conseil national des barreaux travaille donc depuis plusieurs années déjà à un raccourcissement du cursus de formation, afin de concentrer l’ensemble des enseignements sur une période de douze mois alignée sur l’année civile.

 

La résolution adoptée le 16 novembre 2018 propose désormais d’articuler la formation des élèves avocats autour de trois périodes successives :

  • quatre mois d’enseignements pratiques au sein de l’école (pour un volume horaire de 270 heures au moins), consacrés à l’acquisition des fondamentaux : déontologie, environnement professionnel, gestion du cabinet, etc….
  • deux mois de stage extérieur en juridiction, en entreprise, au sein d’une administration, ou auprès d’autres professionnels du droit ;
  • six mois de stage en cabinet d’avocats, intégrant un temps de préparation à l’examen du CAPA.

 

L’élève intègrera ainsi l’école en début d’année civile, et présentera l’examen du CAPA en fin d’année civile afin d’être en mesure d’exercer la profession dès l’année suivante.

 

S’il le souhaite, l’élève pourra effectuer le stage intermédiaire de deux mois auprès d’un cabinet d’avocats, portant ainsi à huit mois la durée totale du stage en cabinet.

 

L’école pourra également proposer de débuter le cursus par le stage extérieur de deux mois, puis d’organiser ensuite pendant dix mois une alternance des enseignements (à concurrence de 270 heures au moins) et du stage en cabinet d’avocats.

 

Enfin, la possibilité sera laissée à l’élève de prolonger cette formation initiale de douze mois par un stage complémentaire d’un an, soit hors de la profession, soit dans un cabinet d’avocats à l’étranger ; l’examen du CAPA étant dans ce cas reporté à l’issue de cette période de deux ans.

 

 

IV - L’examen du CAPA

 

Initialement destiné à sanctionner les compétences acquises par l’élève avant son entrée officielle dans la profession, le CAPA semble ne plus remplir cette fonction et concentre, aujourd’hui, de nombreuses critiques.

 

Le véritable «filtre» quant à l’appréciation des compétences se situe en effet maintenant en amont du CRFP, dans le cadre de l’examen d’entrée récemment réformé et désormais national.

 

Chacun s’accorde à considérer que le CAPA n’a plus aujourd’hui de vocation sélective, dès lors que les candidats qui se présentent à l’examen final justifient pour la plupart d’un cursus de sept ans ou plus à l’université puis à l’école.

 

L’organisation matérielle du CAPA, quant à elle, mobilise au sein des écoles d’importantes ressources logistiques et financière (plus de 15 % du budget global de la formation initiale), dont la pertinence apparaît discutable au regard du taux de réussite à l’examen (98 % de reçus à l’issue des épreuves de rattrapage).

 

Enfin, il apparaît que la déontologie, qui constitue à l’évidence l’enseignement le plus essentiel, est insuffisamment valorisée dans le cadre de l’examen final ; le dispositif actuel permettant en effet à un élève de compenser son éventuelle insuffisance en ce domaine par les notes obtenues dans d’autres matières.

 

Ces considérations conduisent le Conseil national des barreaux à apporter plusieurs modifications à l’examen du CAPA.

 

En premier lieu, le jury ne sera plus présidé par un universitaire mais par un avocat, mieux à même d’apprécier les compétences professionnelles acquises par l’élève au cours de sa scolarité.

 

En vue de l’obtention du certificat, l’élève se verra attribuer une note finale composée de la moyenne des trois notes suivantes :

 

  • Une note de contrôle continu, qui se substituera aux actuelles épreuves écrites ainsi qu’à l’épreuve de langue ;

 

  • Une note à coefficient double sanctionnant une épreuve orale de déontologie de 30 minutes, précédée d’un temps de préparation de 15 minutes. Le programme de l’examen de déontologie sera identique à celui imposé aux personnes sollicitant l’entrée dans la profession avec dispense du CAPA [8]. Afin de renforcer l’importance de cette épreuve, toute note inférieure à 10 sera éliminatoire.

 

  • Une note sanctionnant une épreuve orale de 40 minutes environ, se déroulant en deux temps :

 

  1. Après une préparation d’une heure, présentation en 10 minutes d’un dossier portant sur l’une des matières suivantes : droit civil, droit des affaires, droit social, droit pénal, droit administratif, droit international et européen, droit fiscal. Cette présentation sera suivie d’une discussion avec le jury.
  2. Présentation en 10 minutes des rapports de stage (stage extérieur de deux mois et stage en cabinet d’avocats), suivie d’une discussion avec le jury.

 

Enfin, le jury pourra arrêter et publier un classement par ordre de mérite pour les premiers lauréats de chaque promotion.

 

 

V - L’entrée dans la profession du titulaire du CAPA

 

Un débat a pris place au sein du Conseil national des barreaux quant aux modalités d’exercice de sa profession par le jeune confrère nouvellement diplômé.

 

Du fait du raccourcissement de la période de formation initiale, d’aucuns souhaitaient en effet que soit limitée la possibilité d’installation immédiate actuellement ouverte aux titulaires du CAPA dès leur sortie de l’école. Il avait donc été envisagé dans un premier temps de conférer au lauréat le titre «d’avocat référendaire», et de l’astreindre pendant une année après sa prestation de serment à une collaboration obligatoire complétée par une obligation de formation renforcée ; le titre d’avocat de plein exercice n’étant décerné qu’à l’issue de cette période.

 

Cette proposition a suscité diverses réserves :

  • de la Chancellerie, qui  y voyait une possible atteinte au principe communautaire de la liberté d’établissement ;
  • ainsi que d’une partie de la profession et notamment de la Fédération Nationale des Unions de Jeunes Avocats (FNUJA), dénonçant une résurgence de l’ancien statut d’avocat stagiaire.

 

Tenant compte de ces observations, le Conseil national des barreaux confirme en définitive que l’avocat titulaire du CAPA est bien avocat de plein exercice. Dès sa sortie de l’école, il pourra donc exercer à son gré :

  • soit en qualité de collaborateur libéral ou salarié,
  • soit en qualité d’avocat associé,
  • soit dans le cadre d’une installation immédiate.

 

Au cours de sa première année d’exercice professionnel, il bénéficie désormais de l’appui d’un avocat accompagnant, justifiant d’un an au moins d’ancienneté, dont il aura fait le choix ou qui lui aura été désigné par le conseil de l’ordre.

 

En outre, le nouveau titulaire du CAPA est assujetti pendant un an à une obligation renforcée de formation continue à concurrence de 30 heures, dont 10 heures dédiées à la déontologie et 10 heures à la gestion de cabinet ; le non-respect de cette obligation étant sanctionné par l’omission.

 

 

Toutes ces propositions adoptées le 16 novembre par le Conseil National des Barreaux ont été transmises à la Chancellerie. Il appartient désormais à celle-ci de définir le calendrier de la réforme, qui sera mise en œuvre par voie législative et réglementaire. Dans l’attente, les textes actuels demeurent naturellement en vigueur.

 

C’est donc à l’horizon 2019/2020 que nos futurs confrères devraient enfin pouvoir bénéficier de cette formation densifiée, synonyme d’un renforcement des compétences pour une profession résolument tournée vers l’avenir.

 

 


[1] Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, art. 21-1 (N° Lexbase : L6343AGZ).

[2] Issu d’un rapport adopté le 15 novembre 1997 par le Conseil national des barreaux, le dispositif n’a été transcrit dans les textes qu’en 2004 pour une entrée en vigueur au 1er septembre 2005

[3] Décision CNB du 7 janvier 2015, JO, 18 janvier 2015, p. 833.

[4] Décret n° 2016-1389 du 17 octobre 2016 modifiant les conditions d'accès aux centres régionaux de formation professionnelle d'avocats (N° Lexbase : L5926LAQ).

[5] La commission de la formation professionnelle (décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991 organisant la profession d'avocat, art. 39 N° Lexbase : L8168AID) est composée de six avocats élus parmi les membres du CNB, et de deux magistrats et deux universitaires désignés par arrêté du garde des Sceaux. Elle élabore des propositions au vu desquelles l’assemblée générale du CNB délibère ensuite.

[6] Résolution disponible au téléchargement sur le site du CNB : http://cnb.avocat.fr

[7] Loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, art. 12-1, alinéa 3.

[8] Décret n° 91-1197 du 27 novembre 1991, art. 98-1.

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