La lettre juridique n°715 du 12 octobre 2017 : Voies d'exécution

[Doctrine] Le tiers saisi dans la saisie-attribution de créances en droit OHADA (première partie)

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N0429BX8

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par Jérémie Wambo, Avocat au barreau du Cameroun, Juriste Référendaire / CCJA - OHADA

le 12 Octobre 2017

L'article 156 de l'Acte uniforme portant organisation des procédures simplifiées de recouvrement et des voies d'exécution (AUPSRVE) (N° Lexbase : L0546LGC) traite du rôle, au demeurant central, que doit jouer le tiers saisi dans cette mesure d'exécution forcée, ou mieux, détermine l'attitude qu'il est appelé à adopter à l'occasion de la saisie-attribution, ainsi que les sanctions applicables en cas de défaillance. En effet, aux termes de l'article 156 de l'Acte uniforme susvisé : "le tiers saisi est tenu de déclarer au créancier l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter et, s'il y a lieu, les cessions de créances, délégations ou saisies antérieures. Il doit communiquer copie des pièces justificatives. Ces déclaration et communication doivent être faites sur le champ à l'huissier ou l'agent d'exécution et mentionnées dans l'acte de saisie ou au plus tard, dans les cinq jours si l'acte n'est pas signifié à personne. Toute déclaration inexacte, incomplète ou tardive expose le tiers saisi à être condamné au paiement des causes de la saisie, sans préjudice d'une condamnation au paiement de dommages-intérêts". La pertinence de cette disposition réside dans le fait que la mesure ne peut pas être menée jusqu'à son terme, ou produire le résultat escompté si la tierce personne, le détenteur des sommes appartenant au débiteur, n'apporte pas son concours, en toute bonne foi. Le tiers saisi est, en effet, tenu d'apporter son concours aux mesures d'exécution lorsqu'il en est légalement requis, toute défaillance de sa part pouvant aussi bien entraîner des conséquences fâcheuses pour le saisissant ou le saisi qu'engager sa responsabilité personnelle. C'est ainsi que, de son attitude, dépendra ou non la poursuite de l'opération de saisie. D'où son importance. On peut dès lors s'interroger sur l'étendue des obligations du tiers saisi (I) et les sanctions attachées à la violation desdites obligations (II) (cf. sur la deuxième partie N° Lexbase : N0430BX9). I - Les obligations du tiers saisi dans la saisie attribution de créances

Les obligations du tiers saisi s'entendant de sa contribution ou plutôt de sa coopération pour le bon déroulement des opérations de saisie, cette coopération est matérialisée par les déclarations qu'il est appelé à faire à l'occasion de la saisie, notamment les renseignements qu'il fournit à l'huissier instrumentaire, dans le but de permettre au créancier saisissant de donner à la saisie opérée une suite appropriée. Ces déclarations, qui sont obligatoirement accompagnées de pièces justificatives, sont déterminantes pour les suites réservées à la saisie, lesquelles suites dépendront du contenu des déclarations (A) et du moment où elles interviennent (B).

A - Le contenu des déclarations

La déclaration est la réponse donnée par le tiers saisi à l'huissier instrumentaire qui lui notifie l'acte de saisie. En réalité, cette déclaration ne recouvrira tout son sens que si elle émane du tiers saisi, détenteur des sommes appartenant au débiteur saisi (2) ; d'où la nécessité d'éclaircir la notion même de tiers saisi (1).

1 - La notion de tiers saisi

Le tiers saisi, au sens de l'article 156 de l'AUPSRVE, doit s'entendre d'une personne tierce à l'égard du débiteur saisi (1.1), mais qui est débitrice de ce dernier (1.2).

1.1 - Le tiers saisi doit être un tiers à l'égard du saisi

La notion de tiers, ici, s'entend de quelqu'un qui est étranger à la relation entre le créancier et le débiteur. En revanche, il doit exister une relation de droit entre le débiteur saisi et le tiers qui détient pour son compte. Pour la Cour de cassation française en effet, le tiers saisi est une personne qui "se trouve dans un rapport de droit avec le débiteur et à qui la mesure [...] pratiquée impose des obligations" (1).

Le lien de droit, ici, exclut les notions de subordination et de dépendance. Ainsi, une caissière ou un gérant salarié du débiteur saisi ne saurait avoir la qualité de tiers saisi faute de pouvoir disposer à sa guise des sommes entre ses mains. De même, un banquier louant par exemple un coffre-fort à un client ne peut être tiers saisi dans une saisie-attribution contre celui-ci, car il n'est pas son débiteur, mais son bailleur (2).

Il convient de relever par ailleurs que peuvent se retrouver chez la même personne les qualités de débiteur saisi et de tiers saisi. C'est notamment le cas du représentant légal d'un incapable qui le représente en tant que débiteur saisi, mais est tiers saisi à titre personnel. De même, il a été jugé qu'un liquidateur amiable désigné est, non seulement représentant légal du débiteur saisi, mais a également la qualité de tiers saisi et peut être condamné au paiement des causes de la saisie (3). Mais, il faut que le tiers saisi détienne des sommes pour le compte du saisi.

1.2 - Le tiers saisi doit être le débiteur du saisi

La qualité de tiers saisi ne découlera pas simplement de la relation établie entre celui-ci et le débiteur saisi. Un auteur indiquait déjà que "la condition sine qua non pour qu'on puisse parler de tiers saisi, c'est la réalité d'une créance du débiteur saisi sur un tiers [...]" (4).

En effet, pour la Cour commune de justice et d'arbitrage de l'OHADA, l'article 156 sus évoqué s'applique "exclusivement au tiers saisi, terme désignant la personne qui détient des sommes d'argent dues au débiteur saisi en vertu d'un pouvoir propre et indépendant, même si elle les détient pour le compte d'autrui" (5).

Ainsi, le tiers entre les mains de qui est effectuée une saisie et qui ne détient aucune somme pour le compte du saisi, ne saurait être tiers saisi et condamné en cette qualité pour déclaration tardive : "[...] mais attendu que la cour d'appel, en décidant qu'en l'absence de fond appartenant à M. H. dans les livres du Trésor Public selon les indications du Trésorier général dans sa lettre du 19 mars 2007 prive celui-ci de la qualité de tiers saisi et ne peut par conséquent l'exposer en cas de déclarations tardives ou inexactes sur l'étendue de ses obligations à l'égard du saisi, a donné une base légale à sa décision [...]" (6).

Cependant, la détention des sommes ne peut pas se présumer. Elle doit être prouvée et la charge de la preuve incombe au créancier saisissant qui doit, dès lors, être débouté s'il ne rapportait pas ladite preuve : "[...] attendu que sieur B. déclare lui-même 'qu'il est constant en effet que le Port ne peut nier avoir opéré des ponctions sur les paiements faits au Groupement pour le remboursement de la créance de la Banque mondiale et du Trésor public, créance née de l'avance de démarrage des travaux que ceux-ci ont faite au Groupement... ; qu'il est également constant qu'au titre de ces retenues d'avances de démarrage des travaux, le Port a reconnu avoir déduit l'intégralité des avances...pour rembourser la dette du Groupement' ; que ces aveux prouvent à suffisance que le Port ne détenait pas pour le compte du Gold 2000, mais pour des créanciers super-privilégiés que sont le Trésor public et la Banque mondiale ; qu'en outre, d'une part, en reprochant à l'arrêt attaqué le manque de base légale, alors que la cour d'appel d'Abidjan a fondé souverainement sa décision sur des éléments de fait caractérisant le défaut de preuves de la qualité de tiers saisi du Port Autonome de San Pedro, d'autre part, en soutenant par ce moyen unique et vague, que 'la cour d'appel a violé la loi' sans préciser les dispositions légales qui auraient été ainsi violées, il y a lieu de retenir que la cour d'appel d'Abidjan, en statuant comme elle l'a fait, a fait une saine interprétation des dispositions de l'Acte uniforme susvisé" (7). Cette position est également celle constante de la Cour de cassation française ces dernières années (8).

En réalité, le créancier saisissant, qui dispose souvent de très peu d'informations sur les créances de son débiteur, se trouve toujours obligé, s'il veut augmenter la probabilité de réussite de ses opérations de saisie, de les multiplier en les diversifiant et en les orientant vers toute personne susceptible d'être redevable à l'égard de ce dernier, à quelque titre que ce soit. Très souvent, ce choix des tiers saisis probables est orienté, entre autres, aussi bien par la nature des activités du débiteur que par les modes de règlement auxquels il a souvent recouru pour désintéresser ses cocontractants : règlement par chèque de banque, chèque de coopérative ou chèque postal etc. D'où l'importance de la déclaration du tiers saisi, seule susceptible de sceller le sort des saisies opérées.

2 - Les déclarations du tiers saisi

Aux termes de l'article 156 de l'AUPSRVE, le tiers saisi doit non seulement faire des déclarations à l'occasion de la saisie opérée entre ses mains (2.1), mais il doit également communiquer les pièces justificatives desdites déclarations (2.2).

2.1 - Les déclarations proprement dites

Le texte ci-dessus cité précise que le tiers saisi est tenu de déclarer l'étendue de ses obligations à l'égard du débiteur ainsi que les modalités qui pourraient les affecter. En effet, il doit répondre à l'huissier instrumentaire de manière suffisamment précise pour permettre au créancier saisissant de savoir quel sort est réservé à sa saisie. La jurisprudence exige que cette déclaration soit faite exclusivement à l'huissier instrumentaire, comme le prescrit la loi : "que toutefois, la déclaration qu'elle a faite au greffe du tribunal de grande instance de Ouagadougou n'a pas respecté les forme et délai requis en ce, d'une part elle n'a pas été faite à l'huissier ou à l'agent d'exécution mais au greffe [...]" (9).

C'est ainsi que le tiers saisi a l'obligation d'indiquer par exemple le montant des sommes qu'il doit au saisi, en principal et intérêts. Il doit préciser si la créance est affectée d'un terme ou d'une condition, si elle est indisponible (10), par exemple en raison des cessions de créances, délégations et saisies antérieures. Il y a, en outre, indisponibilité de la créance lorsqu'un juge d'instruction a interdit au tiers saisi de se libérer des fonds saisis, une telle décision s'imposant à toutes les parties et constituant un obstacle à tout paiement (11).

Lorsque la saisie est opérée entre les mains d'un banquier, ce dernier doit indiquer le solde du ou des comptes ouverts par le saisi, ainsi que leur nature. Il doit, en outre, préciser s'il existe une convention de fusion de compte ou de compensation. Ainsi, ne commet aucune faute le banquier qui, accomplissant son devoir de renseignement vis-à-vis du saisissant, déclare le solde unique de l'ensemble des comptes du débiteur saisi, en vertu d'une convention de fusion : "en statuant ainsi, alors qu'une banque n'est tenue d'indiquer au créancier saisissant de l'un de ses clients que le solde unique résultant de l'application d'une stipulation d'unicité ou de fusion des divers comptes ouverts au nom de ce client, la cour d'appel violé les textes susvisés" (12).

En outre, le tiers saisi ne peut se soustraire à son obligation s'il ne justifie pas d'un motif légitime. Le banquier ne saurait par exemple refuser, sans engager sa responsabilité, de répondre au saisissant sous prétexte qu'il ne fournit pas les références bancaires précises des comptes du saisi (13), dès lors que le saisissant, de par les actes notifiés, lui donne suffisamment d'éléments lui permettant d'identifier la personne du saisi dans ses livres. C'est pour cette raison que l'acte de saisie doit contenir, entre autres, à peine de nullité, "l'indication des noms, prénoms et domiciles des débiteur et créancier ou, s'il s'agit de personne morale, de leur forme, dénomination et siège social" (14). Cependant, les renseignements ci-dessus ne peuvent être crédibles et conformes aux exigences légales que s'ils sont étayés par des documents que le tiers saisi est tenu de communiquer au saisissant.

2. 2 - La communication des pièces justificatives des déclarations

La communication des pièces justificatives des déclarations du tiers saisi n'est ni une option, ni une faculté pour ce dernier. Il s'agit d'une obligation dont la violation est sanctionnée.

Ainsi, le tiers saisi doit fournir au saisissant tous les éléments à sa disposition permettant de connaître l'étendue de ses obligations à l'égard de celui-ci. C'est le cas du banquier qui, non seulement doit justifier l'existence des différents comptes de son client à l'appui du ou des soldes excipés, mais doit également prouver, le cas échéant, la convention de fusion entre lesdits comptes, prouver l'existence du compte courant par une convention d'ouverture dudit compte etc.. De même, en cas de saisie entre les mains d'une société au préjudice d'un associé ou d'un actionnaire, cette société se doit de fournir au saisissant les documents, statuts et autres éléments permettant d'établir la situation financière du saisi (modalités de répartition des dividendes et rémunérations diverses).

Le défaut de communication de pièces justificatives des déclarations est autant répréhensible que le défaut de déclaration. Une déclaration, de surcroît affirmative, qui n'est pas étayée par des pièces justificatives est incomplète et encourt sanction.

Les déclarations et communications ci-dessus explicitées doivent intervenir à l'occasion de la notification de la saisie au tiers saisi.

B - Le moment de la déclaration et de la communication des pièces justificatives par le tiers saisi

L'article 156 de l'AUPSRVE précise en son alinéa 2 que "ces déclaration et communication doivent être faites sur le champ à l'huissier ou l'agent d'exécution et mentionnées dans l'acte de saisie ou, au plus tard, dans les cinq jours si l'acte n'est pas signifié à personne". Il en découle que, selon le cas, le tiers saisi peut être appelé à exécuter son obligation de renseignement immédiatement à la réception de l'acte de saisie (1), ou à différer sa déclaration et la faire dans un délai n'excédant pas cinq jours (2).

1 - Les déclaration et communication faites sur le champ

Aux termes du texte susvisé, les renseignements et les documents qui les accompagnent doivent être communiqués sur le champ à l'huissier instrumentaire, au moment de la signification de l'acte de saisie, lorsque cette signification est faite à la personne même du tiers saisi. Cette exigence a pour but essentiel de prévenir une collusion frauduleuse entre le débiteur du saisissant et le tiers saisi, les deux pouvant s'entendre pour saborder la saisie. Par ailleurs, elle permet au saisissant d'être rapidement fixé sur le sort de la saisie, et ainsi d'apprécier l'opportunité de la poursuite ou non de l'opération.

La jurisprudence interprète assez rigoureusement cette disposition et tire constamment les conséquences de toute déclaration tardive, dès lors que l'acte de saisie a été remis à la personne même du débiteur saisi qui plutôt que de répondre à l'instant a déclaré "nous aviserons dans le délai" (15). Ce qui n'est pas conforme à la lettre du texte de l'article 156.

La Cour s'est fait le devoir de rappeler dans une espèce "qu'en remettant à plus tard la déclaration, alors qu'en tant que tiers saisi la CBT était tenue de la faire sur le champ à l'huissier instrumentaire, le service juridique agissant au nom de la CBT dont il est un organe n'a pas obéi aux prescriptions de l'article 156 alinéa 2 sus-énoncées" (16). Une jurisprudence déduit même du défaut de déclaration dans le délai un préjudice subi par le saisissant qui n'a, de ce fait, pas poursuivi en connaissance de cause la saisie : "[...] que cette non déclaration dans le délai imparti par l'article 156 de l'Acte uniforme susvisé, ayant empêché la société S. de poursuivre en toute connaissance de cause la saisie-attribution engagée, a causé un préjudice certain à la créancière poursuivante [...]".

Pour la CCJA en effet, ne viole pas l'article 156 de l'AUPSRVE la cour d'appel qui condamne au paiement des causes de la saisie-attribution le tiers saisi qui, non seulement ne fait pas sa déclaration sur le champ, mais également ne fournit pas les justificatifs du gage excipé sur le compte objet de la saisie : "[...] que, d'une part, il résulte des mentions de l'arrêt déféré que pour retenir que la déclaration de la SGBCI est fautive, la cour d'appel a énoncé 'qu'il ressort de l'examen de l'acte de saisie-attribution de créance en cause daté du 17 juillet 2009 que la déclaration de la SGBCI est intervenue le 21 juillet 2009 et ne donne aucune précision des gages allégués ni des pièces justificatives ; qu'il s'ensuit manifestement que non seulement cette déclaration qui n'est pas intervenue sur le champ est tardive, mais également incomplète' ; qu'il ne résulte pas de ces motifs que le juge d'appel a déduit de l'inopposabilité des gages litigieux à la CNPS que la déclaration de la SGBCI était inexacte, incomplète ou tardive, comme le soutient la SGBCI ; attendu, d'autre part, que c'est à bon droit que la cour d'appel, constatant le défaut de communication de toute pièce relative aux gages évoqués par la banque, a estimé la déclaration de celle-ci non conforme aux exigences de l'article 156 de l'Acte uniforme susvisé ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel n'a violé en rien les dispositions du texte invoqué" (18).

La Cour martèle dans une espèce où une partie soutenait que le défaut de communication des pièces justificatives n'est pas assorti de sanction, que ce manquement est autant sanctionné que le défaut de communication de renseignements : "[...] contrairement aux énonciations de l'arrêt déféré relativement à un distinguo, la déclaration de l'étendue de ses obligations par le tiers saisi va de pair avec les modalités qui pourraient affecter ces obligations, modalités qui, elles-mêmes, doivent être justifiées par la production immédiate des pièces ; qu'en l'occurrence la SGBCI, en faisant état d'un gage à son profit sans communication sur-le-champ du document y relatif, a fait une déclaration incomplète tombant sous le coup de la sanction portée à l'article 156 visé ; qu'il y a lieu de casser l'arrêt susvisé et d'évoquer [...]" (19).

Il en découle que le tiers saisi qui reçoit personnellement signification de l'acte de saisi ne saurait différer la déclaration visée par la loi sans engager sa responsabilité, à moins de justifier de circonstances particulières l'ayant empêché de faire dans le délai imparti quelque déclaration qui soit utile.

Quoi qu'il en soit, la jurisprudence apprécie si le motif évoqué par le tiers saisi pour justifier la violation de l'obligation légale est légitime : "mais attendu que l'arrêt relève que le marché à forfait conclu avec M. X, entrepreneur, pour la construction de la maison individuelle de M. Y, avait subi des retards et était partiellement inexécuté du fait de l'entrepreneur, en sorte qu'une récapitulation des comptes était nécessaire, laquelle ne pouvait être immédiatement faite, sans un avis éclairé sur les droits respectifs des parties au contrat de construction, par le tiers saisi dépourvu, en l'espèce, de connaissance juridique particulière" (20).

Dès lors, toute déclaration qui n'est pas faite sur le champ par le tiers saisi qui a reçu personnellement signification de l'acte de saisie est tardive et est susceptible d'être sanctionnée. La jurisprudence considère le retard comme équivalent à un refus de renseignement, même si le retard observé est bref ou léger : "le tiers saisi doit être condamné au paiement des causes de la saisie dès lors qu'il n'a communiqué les renseignements sollicités que le lendemain du passage de l'huissier et ce sans motif légitime justifiant un tel retard" (21). Il en est ainsi également pour le banquier tiers saisi qui, consécutivement à une saisie conservatoire pratiquée entre ses mains, s'abstient de révéler tous les comptes de son client débiteur saisi, pour ne le faire que plus tard à la suite d'une sommation interpellative du saisissant, fait des déclarations mensongères l'exposant au paiement des dommages-intérêts "[...] la cour d'appel qui a déduit qu'en ne révélant pas l'existence de tous les comptes que M. B. possède dans ses livres, la SGBCI a fait des déclarations mensongères l'exposant au paiement de dommages-intérêts, a fait une juste application de la loi" (22). A contrario, une décision de la Cour de cassation française admet qu'un dysfonctionnement technique ou informatique du système bancaire perturbant la tenue des comptes peut justifier le différé de la déclaration du tiers saisi (23), ou qu'un acte de saisie-attribution remis par un clerc d'huissier sans que l'huissier lui-même interpelle le tiers saisi, peut justifier une réponse différée par courrier dans un délai raisonnable (24). Cependant, le tiers saisi qui n'a pas reçu personnellement l'acte, dispose de cinq jours pour faire la déclaration prescrite par la loi.

2 - La déclaration différée

Lorsque l'acte de saisie a été reçu par une personne autre que le tiers saisi, mais pour son compte es qualité de représentant, le tiers saisi dispose de cinq jours à compter de cette signification pour faire sa déclaration. Cette disposition est compréhensible et logique, dans la mesure où une personne autre que le destinataire de l'acte ne peut disposer ni de renseignements, ni de documents à fournir au saisissant en lieu et place dudit destinataire.

On peut cependant redouter que, dans l'intervalle, il n'y ait une collusion frauduleuse avec le débiteur saisi qui, en vertu de ses rapports avec le tiers saisi, est aussitôt informé de la saisie effectuée sur son ou ses comptes. Il n'est d'ailleurs pas rare que le tiers saisi de manière informelle (surtout lorsqu'il s'agit d'une banque), prenne des dispositions pour joindre son client et convenir avec lui de la conduite à tenir, généralement lorsque ce client est si important pour lui que sa présence dans le portefeuille de la banque, influence considérablement son chiffre d'affaires. Ainsi, pour ne pas compromettre certaines opérations en cours de son client ou lui causer quelque désagrément, le banquier tiers saisi, avant de faire sa déclaration à l'huissier, s'assure qu'il est en phase avec lui.

Par ailleurs, on peut raisonnablement se poser la question de savoir si certaines déclarations ne méritent pas d'être différées, indépendamment de toute considération, pour permettre au saisissant de disposer de réponses utiles. Ainsi par exemple, une saisie-attribution pratiquée au siège social d'une banque au préjudice d'un débiteur client de ladite banque, mais dont le compte est plutôt en agence. Il n'est pas aisé pour le tiers saisi dans ces conditions de faire de déclaration sur le champ, encore moins de communiquer immédiatement les pièces justificatives, sans un minimum de vérifications qui peuvent prendre un petit laps de temps.

Cette question mérite d'être posée dans la mesure où une jurisprudence invalide une saisie-attribution pratiquée dans une agence d'une banque, laquelle agence ne détenait aucun compte au nom du débiteur, en précisant que la théorie des gares principales ne peut pas s'appliquer (25). La Cour de cassation française ne faisait-elle pas déjà observer que l'exigence de réponse sur le champ est "irréaliste si la signification de l'acte n'a pas été faite entre les mains du destinataire ou du possesseur de renseignements" (26). Quoi qu'il en soit, l'article 156 sanctionne les déclarations aussi bien tardives, incomplètes qu'inexactes.


(1) Cass. avis, 24 janvier 1994, n° 09-30.020 (N° Lexbase : A7841CIA), Bull. civ. n° 4.
(2) M. Donnier et J.-B. Donnier, Voies d'exécution et procédures de distribution, 6ème éd., p. 196.
(3) Cass. civ. 2, 10 novembre 2010, n° 09-71.609, F-P+B (N° Lexbase : A9079GGD ; cf. l’Ouvrage "Voies d'exécution" N° Lexbase : E8446E8C).
(4) B. Diallo, note sous CCJA, 27 janvier 2005, n° 09/2005, Jurifis Info n° 2.
(5) CCJA, 27 Janvier 2005, n° 009/2005, précité, Recueil de jurisprudence CCJA n° 5, vol. 1, p. 7 ; voir dans le même sens : CCJA, 30 janvier 2014, n° 003/2014 (N° Lexbase : A7015WQU), Recueil de jurisprudence CCJA, n° 21 janvier - juin 2014, vol. 1, p. 195 ; CCJA, 25 avril 2014, n° 062/2014 (N° Lexbase : A8359WQN), Recueil de jurisprudence CCJA, n° 21, p. 246 ; CCJA, 25 avril 2014, n° 071/2014 (N° Lexbase : A8368WQY), Recueil de jurisprudence CCJA n° 21, p. 252.
(6) CCJA, 8 décembre 2011, n° 040/2011 (N° Lexbase : A3656WQH), Recueil de jurisprudence CCJA, n° 17, p. 93.
(7) CCJA, 26 novembre 2015, n°153/2015, inédit.
(8) Cass. civ. 2, 10 février 2011, n° 10-30.008, F-P+B (N° Lexbase : A7387GWI).
(9) CCJA, 7 avril 2005, n° 027/2005, Recueil de jurisprudence CCJA, n° 5, p. 78 et ss.
(10) L'indisponibilité de la créance saisie peut aussi résulter de ce que l'ordonnance d'injonction de payer revêtue de la formule exécutoire qui a servi de base à la saisie est frappée d'opposition dans l'intervalle, opposition dûment notifiée au tiers saisi.
(11) Cass. civ. 2, 21 janvier 2010, n° 08-20.810, F-P+B (N° Lexbase : A4648EQ9).
(12) Cass. civ. 2, 5 juillet 2000, n° 97-22.287 (N° Lexbase : A9083AGI), Bull. civ II, n° 113.
(13) "Ne se prévaut pas d'un motif légitime l'établissement de crédit tiers saisi qui refuse de communiquer à l'huissier le solde des comptes de son client au motif qu'il ne lui était pas donné le libellé et le numéro d'identification de chacun d'eux" TGI, Cherbourg, 8 Décembre 1993, D., 1994, J, 291, note R. Martin.
(14) AUPSRVE, art. 157.
(15) CCJA, 6 avril 2009, n° 015/2009, Recueil de Jurisprudence CCJA n° 13, p.58.
(16) CCJA, arrêt n° 015 précité.
(17) CCJA, 29 juin 2006, n° 013, Recueil de Jurisprudence CCJA n° 7, p. 74.
(18) CCJA, 11 février 2016, n° 015/2016, inédit.
(19) CCJA, 2 avril 2015, n° 017/2015 (N° Lexbase : A4891WGA), Recueil de jurisprudence CCJA, n° 23, vol.1, p. 205 et s.
(20) Cass. civ. 2, 28 janvier 1998, n° 95-18.340 (N° Lexbase : A5077ACZ), D., 1998, inf. rap., p. 78.
(21) Cass. civ. 2, 2 avril 1997, n° 95-13.567 (N° Lexbase : A0424ACP), Bull. civ II, n° 107.
(22) CCJA, 22 mars 2012, n° 032/2012 (N° Lexbase : A3684WQI), Recueil de jurisprudence, CCJA, n°18, p.157
(23) CA Paris, 18 novembre 1999. Voir, cependant, en sens contraire, CA Chambéry, 8 Janvier 2002, Revue de Droit Bancaire et Financier 2002, n° 73.
(24) CA de Paris, 25 mai 2000.
(25) CA de Douai, 18 novembre 1993, Revue des Huissiers 1994, 205.
(26) Rapport annuel de la Cour de cassation, 1999, p. 33.

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