La lettre juridique n°339 du 26 février 2009 : Bancaire

[Textes] Réforme de la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

Réf. : Ordonnance n° 2009-104 du 30 janvier 2009, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (N° Lexbase : L6934ICS)

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N5754BIX

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par Vincent Téchené, Rédacteur en chef de Lexbase Hebdo - édition privée générale

le 07 Octobre 2010

Le 5 juin 2008, la Commission européenne a fait savoir qu'elle avait décidé de poursuivre les procédures d'infraction contre 15 Etats membres, dont la France, pour non-transposition de la troisième Directive anti-blanchiment (Directive 2005/60 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme N° Lexbase : L3529HD3), alors que les droits internes auraient dû l'"absorber" au plus tard le 15 décembre 2007. La Directive, adoptée en 2005, repose sur la législation européenne existante et intègre dans le droit européen la révision de juin 2003 des quarante recommandations du groupe d'action financière (le GAFI), organisme normalisateur international dans le secteur de la lutte contre le blanchiment d'argent et contre le financement du terrorisme. Ce texte, applicable au secteur financier ainsi qu'aux avocats, aux notaires, aux comptables, aux agents immobiliers, aux casinos, aux fondations et aux prestataires de services aux entreprises, vise, également, l'ensemble des fournisseurs de marchandises pour les paiements en espèces dont le montant dépasse 15 000 euros. Elle introduit, en outre, des exigences et des garanties supplémentaires pour les situations à plus haut risque (telles que, par exemple, les transactions avec des banques situées en dehors de l'Union européenne). La France, en infraction avec ses obligations communautaires, a pris rapidement les mesures nécessaires pour palier cette carence, puisque deux mois après le lancement de la procédure d'infraction par la Commission européenne, le Parlement habilitait, par l'article 152 de la loi de modernisation de l'économie, dite "LME" (loi n° 2008-776 du 4 août 2008 N° Lexbase : L7358IAR), le Gouvernement à transposer par ordonnance la Directive 2005/60, ainsi que sa Directive portant mesures d'exécution, la Directive 2006/70 du 1er août 2006 (Directive de la Commission, portant mesures de mise en oeuvre de la Directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil pour ce qui concerne la définition des "personnes politiquement exposées" N° Lexbase : L4619HKB).

C'est donc dans ce contexte qu'a été publiée au Journal officiel du 31 janvier 2009, l'ordonnance n° 2009-104, relative à la prévention de l'utilisation du système financier aux fins de blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme.

Néanmoins, le texte ne se contente pas de mettre la législation française en adéquation avec ses engagements communautaires. En effet, l'ordonnance va au-delà puisqu'elle met en conformité le dispositif français avec les recommandations du GAFI qui ne ressortissent pas au premier pilier des Communautés européennes et ne sont donc pas appréhendées par la Directive précitée, mise en conformité motivée notamment, par le fait qu'elle a été présentée comme particulièrement importante en vue de l'évaluation de la France par ses pairs du GAFI, qui débutera à la fin de l'année 2009.

Mais, l'ordonnance va encore au-delà puisqu'elle contient, en outre, des dispositions visant à faciliter la mise en oeuvre des mesures de gel des avoirs non terroristes, décidées en application des résolutions adoptées dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations Unies ou des actes pris en application de l'article 15 du Traité sur l'Union européenne .

En fait, on ne le regrettera pas, le Gouvernement a opté pour une remise à plat du dispositif qui résultait de l'empilement de réformes successives -comme souvent- qui ont abouti à un "mille-feuille" réglementaire complexe -un de plus- afin de lui redonner une cohérence globale, laquelle passe au-delà de l'édiction des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (I), par la mise en place de règles relatives au gel des avoirs (II) et de dispositions que l'on appellera "annexes" afin de renforcer l'efficacité de la lutte, l'ensemble constituant le corpus juridique du droit du blanchiment.

I Les obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme

A Les personnes visées par le dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme

Deux catégories de personnes sont soumises à des obligations distinctes : les personnes soumises à l'obligation de déclaration au procureur de la République et les personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.

  • Les personnes soumises à l'obligation de déclaration au procureur de la République

L'article L. 561-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7095ICR) est en partie réécrit mais le dispositif antérieur à l'ordonnance du 30 janvier 2009 est inchangé : les personnes qui ne sont pas assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment qui, dans l'exercice de leur profession, réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entraînant des mouvements de capitaux, sont tenues de déclarer au procureur de la République les opérations dont elles ont connaissance et qui portent sur des sommes qu'elles savent provenir d'une infraction passible d'une peine privative de liberté supérieure à un an ou d'une fraude fiscale.

Le procureur de la République informe alors TRACFIN qui lui fournit tous renseignements utiles.

On rappellera qu'à l'instar des personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment, ceux qui ont fait, de bonne foi, une déclaration au procureur de la République ne peuvent être poursuivis pénalement, notamment, pour dénonciation calomnieuse, ou atteinte au secret professionnel. Aucune action en responsabilité civile ne peut être intentée et aucune sanction professionnelle ne peut être prononcée à leur encontre.

  • Les personnes assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

La liste des professions assujetties à l'obligation de lutte contre le blanchiment de capitaux reprend en grande partie la liste antérieure à l'ordonnance et comprend, à la fois, des professions financières et des professions non financières (C. mon. fin., art. L. 561-2 N° Lexbase : L7091ICM). Dans cette dernière catégorie, seules ont été ajoutées les sociétés de domiciliation qui sont couvertes par la troisième Directive anti-blanchiment en tant que prestataire de service aux sociétés et fiducies.

S'agissant des professions non financières, il convient de rappeler que toutes les professions juridiques sont soumises, depuis la transposition de la deuxième Directive blanchiment par la loi du 11 février 2004 (loi n° 2004-130, réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques N° Lexbase : L7957DNZ), à la lutte contre le blanchiment. Ainsi, l'article L. 561-2, 13° du Code monétaire et financier prévoit-il que sont assujettis aux obligations de vigilance "les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les avocats, les avoués près les cours d'appel, les notaires, les huissiers de justice, les administrateurs judiciaires, les mandataires judiciaires et les commissaires-priseurs judiciaires".
Néanmoins, leur implication, et notamment celle des avocats, dans le dispositif anti-blanchiment ne s'est pas faite sans heurt, puisque la profession a saisi à plusieurs reprises les juridictions de la validité de l'application de ces dispositions aux avocats. La jurisprudence communautaire devait, tout d'abord, circonscrire les obligations des avocats en la matière, puisque dans un arrêt du 26 juin 2007, répondant à une question préjudicielle de la Cour constitutionnelle belge, la Cour de justice des Communauté européenne a estimé que "les Etats membres ne sont pas tenus d'imposer les obligations d'information et de coopération des avocats pour ce qui concerne les informations reçues de l'un de leurs clients ou obtenues sur l'un de ceux-ci, lors de l'évaluation de la situation juridique de ce client, ou dans l'exercice de leur mission de défense ou de représentation de ce client dans une procédure judiciaire ou concernant une telle procédure, y compris dans le cadre de conseils relatifs à la manière d'engager ou d'éviter une procédure, que ces informations soient reçues ou obtenues avant, pendant, ou après cette procédure" (CJCE, 26 juin 2007, aff. C-305/05, Ordre des barreaux francophones et germanophone c/ Conseil des ministres N° Lexbase : A9284DWR). A cette "victoire", s'est ajoutée la volonté affichée du Conseil d'Etat (CE contentieux, 10 avril 2008, n° 296845, Conseil national des barreaux N° Lexbase : A8060D7N) de protéger le secret professionnel, puisque s'il n'a pas estimé utile de saisir la CJCE sur l'appréciation de la validité de la Directive, il a, néanmoins, tenu compte des exigences rappelées par la Cour dans sa décision du 26 juin 2007 pour annuler certaines dispositions du décret du 26 juin 2006, pris en application de la loi du 11 février 2004 (décret n° 2006-736 du 26 juin 2006, relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux et modifiant le Code monétaire et financier N° Lexbase : L1049HK3).

Ce bref rappel permet donc de comprendre que l'ordonnance, tout en confirmant l'assujettissement des professionnels du droit aux obligations de lutte contre le blanchiment de capitaux, l'a strictement conditionné (C. com., art. L. 561-3 N° Lexbase : L7164ICC).
En effet, ils ne sont soumis aux obligations de vigilance, de déclaration de soupçon et de droit de communication à TRACFIN que pour certaines activités de leur profession et lorsqu'ils agissent comme fiduciaires, activité possible depuis la loi de modernisation de l'économie et l'ordonnance du 30 janvier 2009, portant diverses mesures relatives à la fiducie (ordonnance n° 2009-112 N° Lexbase : L6939ICY). Aux cas précédemment prévus par l'ancien article L. 562-2-1 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7098ICU), qui soumettait les professionnels du droit au dispositif de lutte contre le blanchiment, lorsqu'ils assistent leur client à la préparation ou à la réalisation de certaines transactions (concernant l'achat et la vente de biens immeubles ou de fonds de commerce, la gestion de fonds, titres ou autres actifs appartenant au client, l'ouverture de comptes bancaires, d'épargne ou de titres, l'organisation des apports nécessaires à la création de sociétés, la constitution, la gestion ou la direction des sociétés, la constitution, la gestion ou la direction de fiducies ou de toute autre structure similaire), le nouveau texte ajoute deux nouvelles hypothèses : l'ouverture de contrat d'assurance et la constitution ou la gestion de fonds de dotation.

Les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les avocats et les avoués près les cours d'appel ne sont pas soumis "aux dispositions du présent chapitre l", lorsque l'activité se rattache à une procédure juridictionnelle, que les informations dont ils disposent soient reçues ou obtenues avant, pendant ou après cette procédure, ni lorsqu'ils donnent des consultations juridiques, à moins qu'elles n'aient été fournies à des fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme ou en sachant que le client les demande aux fins de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme.
Cette formulation peut sembler étonnante car elle a pour effet de dispenser les avocats de l'ensemble des obligations en matière de lutte contre le blanchiment, que ce soit de déclaration de soupçon -ce qui est en adéquation avec les exigences déontologiques de la profession-, mais aussi de vigilance et d'identification des clients. L'ordonnance va ainsi au-delà des réserves émises par la CJCE, qui ne prévoyait de dispenser les avocats que de l'obligation de déclaration et de transmission des informations, et se met en contravention avec les préconisations du GAFI.

D'ailleurs les autres professionnels du droit, lorsqu'ils donnent des consultations juridiques, à moins qu'elles n'aient été fournies à des fins de blanchiment, ne sont dispensés que des obligations déclaratives.

Enfin, on relèvera que, désormais, les personnes physiques ou morales qui exercent, en lien direct avec leur activité principale, une activité financière et qui présente peu de risques de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme sont exemptées des obligations. Un décret en Conseil d'Etat doit venir définir les activités financières accessoires en fonction de leur nature, de leur volume et du montant des opérations (C. mon. fin., art. L. 561-4 N° Lexbase : L7178ICT).

B Les obligations de vigilance à l'égard de la clientèle

Le principe de bas est posé à l'article L. 561-5 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7211IC3) : le professionnel doit identifier son client et, le cas échéant, le bénéficiaire effectif de la relation d'affaires par des moyens adaptés et vérifient ces éléments d'identification sur présentation de tout document écrit probant. Les bénéficiaires effectifs peuvent être les principaux actionnaires des personnes morales ou bien encore la personne pour le compte de laquelle le client agit.
En outre, le professionnel doit déterminer l'objet et la nature de la relation et tout autre élément d'information pertinent sur ce client et doit assurer un suivi régulier de celle-ci. Ainsi, pendant toute sa durée et dans les conditions qui seront fixées par décret en Conseil d'Etat, les personnes assujetties doivent exercer sur la relation d'affaires, dans la limite de leurs droits et obligations, une vigilance constante et pratiquent un examen attentif des opérations effectuées en veillant à ce qu'elles soient cohérentes avec la connaissance actualisée qu'elles ont de leur client (C. mon. fin. L. 561-6 N° Lexbase : L7191ICC).

La sanction du défaut ou de l'impossibilité d'identifier le client ou d'obtenir des informations sur l'objet et la nature de la relation d'affaires, est sans appel, puisque dans de telles circonstances il est interdit au professionnel d'entrer en relation d'affaires ou s'il l'a déjà fait, il doit y mettre fin (C. mon. fin., art. L. 561-8 N° Lexbase : L7103IC3).

L'ensemble des informations collectées doit être conservé, comme sous la législation antérieure à l'ordonnance, pendant cinq ans à compter de la clôture de leurs comptes ou de la cessation de leurs relations avec les client (C. mon. fin., art. L. 561-12 N° Lexbase : L7059ICG).
Toutefois, en vertu du principe de l'approche par les risques, ces obligations peuvent être modulées à la baisse (C. mon. fin., art. L. 526-9 N° Lexbase : L7083ICC) ou à la hausse (C. mon. fin. L. 561-10 N° Lexbase : L7079IC8), en fonction du risque de blanchiment. A ce titre, il est notamment prévu un examen renforcé de toute opération particulièrement complexe ou d'un montant inhabituellement élevé ou ne paraissant pas avoir de justification économique ou d'objet licite. Dans ce cas, ces personnes se renseignent auprès du client sur l'origine des fonds et la destination de ces sommes ainsi que sur l'objet de l'opération et l'identité de la personne qui en bénéficie. Un décret en Conseil d'Etat doit préciser les catégories de personnes et la liste des produits présentant un risque faible, ainsi que les mesures de vigilance complémentaires lorsque le risque est élevé.

Par ailleurs, et afin d'éviter la répétition des procédures d'identification des clients qui pourrait être source de retard des transactions, l'article L. 561-7 (N° Lexbase : L7112ICE) prévoit que les professionnels peuvent se reposer sur les procédures d'identification déjà effectuées par un autre professionnel assujetti. Toutefois, dans de telles circonstances, la personne assujettie, qui se repose sur les diligences effectuées par un tiers, demeure responsable du respect de ses obligations.

C Les obligations déclaratives

  • Champ d'application

Reprenant les dispositions de la troisième Directive anti-blanchiment (Directive 2005/60, art. 22), l'ordonnance a étendu le champ de la déclaration de soupçon au service TRACFIN, antérieurement limité aux sommes ou opérations qui pourraient provenir de certaines formes de criminalité d'exception (trafic de stupéfiants, criminalité organisée, financement du terrorisme, fraude aux intérêts des Communautés européennes...), aux sommes ou opérations qui pourraient provenir de toute infraction passible d'une peine de prison supérieure à un an ou qui pourraient participer au financement des activités terroristes (C. mon. fin., art. L. 561-15 N° Lexbase : L7202ICQ). Ainsi étendu à la délinquance de droit commun, le champ de la déclaration de soupçon couvrira désormais la fraude fiscale, passible d'une peine de prison maximale de cinq ans. Cependant, compte tenu de la complexité de cette fraude, la présente ordonnance propose d'assister les professionnels dans la détection de cette infraction par la définition de critères définis par décret (C. mon. fin., art. L. 561-15 II).

  • Modalités déclaratives

En principe, la déclaration doit être faite auprès de TRACFIN avant la réalisation de l'opération pour laquelle il soupçonne qu'elle pourrait participer au blanchiment de capitaux ou au financement du terrorisme.
Néanmoins, la déclaration peut être effectuée après la réalisation de l'opération ou de la transaction lorsque le soupçon est apparu postérieurement au professionnel, soit parce qu'il a été impossible de surseoir à son exécution, soit que son report aurait pu faire obstacle à des investigations portant sur une opération suspectée de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme, soit qu'il est apparu postérieurement à sa réalisation qu'elle était soumise à cette déclaration (C. mon. fin., art. L. 561-16 N° Lexbase : L7204ICS).

La déclaration est faite directement à TRACFIN. Toutefois, pour les avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, les avocats ou les avoués près la cour d'appel, la communication de la déclaration est effectuée, selon le cas, au président de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, au bâtonnier de l'ordre auprès duquel l'avocat est inscrit ou au président de la compagnie dont relève l'avoué. Ces autorités doivent vérifier que la déclaration est bien faite dans le cadre de l'assujettissement de ces professionnels du droit au dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Si tel est le cas, elles transmettent la déclaration à TRACFIN, dans les délais et selon les modalités définis par décret en Conseil d'Etat (C. mon. fin., art. L. 561-17 N° Lexbase : L7118ICM).

  • Principe de confidentialité de la déclaration

L'ordonnance pose le principe de confidentialité de la déclaration dont l'existence, le contenu et les informations sur les suites qui lui ont été réservées ne doivent pas être révélées au propriétaire des sommes, à l'auteur de l'opération, ou à des tiers sous peine de sanctions pénales. Par ailleurs, la déclaration n'est accessible à l'autorité judiciaire que sur réquisition auprès de TRACFIN et dans les seuls cas où cette déclaration est nécessaire à la mise en oeuvre de la responsabilité des déclarants ou de celle des autorités professionnelles et lorsque l'enquête judiciaire fait apparaître qu'ils peuvent être impliqués dans le mécanisme de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme qu'ils ont révélé.
L'ordonnance contient, cependant, quelques tempéraments. Ainsi, tout d'abord, l'article L. 561-20 du Code monétaire et financier (N° Lexbase : L7094ICQ) prévoit que les compagnies financières et les compagnies financières holding mixtes qui appartiennent à un même groupe, ainsi que les professionnels du chiffre et du droit qui appartiennent au même réseau ou à une même structure d'exercice professionnel, s'informent de l'existence et du contenu de la déclaration. Néanmoins, les informations divulguées doivent être nécessaires à l'exercice, au sein du groupe, du réseau ou de la structure d'exercice professionnel, de la vigilance en matière de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et doivent être exclusivement utilisées à cette fin. Ensuite, l'article L. 561-21 (N° Lexbase : L7196ICI) autorise l'échange d'informations en dehors du groupe ou du réseau mais uniquement pour les professionnels qui appartiennent à une même catégorie lorsque ces informations portent sur un même client et une même transaction.

  • Immunité pénale, civile et disciplinaire du déclarant

Enfin, afin d'assurer l'effectivité de la participation des professionnels à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme, l'ordonnance renforce la sécurité juridique de ces derniers à l'encontre desquels aucune action en responsabilité civile ne peut être intentée s'ils ont effectué la déclaration de soupçon de bonne foi. Sous la même condition, ils ne peuvent être poursuivis pour dénonciation calomnieuse ou atteinte au secret professionnel. De même, sauf concertation frauduleuse avec le propriétaire des sommes, aucune poursuite pénale pour trafic de stupéfiants, recel ou blanchiment ne peut être intentée contre les professionnels déclarants qui auraient effectué une opération suspecte.

D La mise en place de procédures et de contrôle interne

L'ordonnance du 30 janvier 2009 prévoit, d'une part, la mise en oeuvre de systèmes d'évaluation et de gestion des risques de blanchiment et de financement du terrorisme (C. mon. fin., art. L. 561-32 N° Lexbase : L7216ICA), dont les modalités seront précisées par décret en Conseil d'Etat et, s'agissant des organismes financiers mentionnés au 2° de l'article L. 561-36, par le règlement général de l'Autorité des marchés financiers (organismes de placement collectif, sociétés de gestions de portefeuille, dépositaires centraux et gestionnaires de systèmes de règlement et de livraison d'instruments financiers et conseillers en investissements financiers), et, d'autre part, la diffusion de procédures et d'informations régulières de l'ensemble des membres de leurs personnels concernés et la formation de ces derniers (C. mon. fin., art. L. 561-33 N° Lexbase : L7155ICY).

E Les autorités de contrôle et les sanctions administratives

Conformément à la Directive 2005/60, chaque professionnel assujetti aux mesures de prévention contre le blanchiment et le financement du terrorisme doit faire l'objet d'un contrôle du respect de ces mesures, assorti d'un pouvoir de sanctions disciplinaires efficaces, proportionnées et dissuasives. Ainsi, l'article L. 561-36 (N° Lexbase : L7213IC7) propose, s'agissant des organismes financiers, de confier ce pouvoir à la Commission bancaire, à l'Autorité des marchés financiers et à l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles. Les professions juridiques indépendantes seront quant à elles contrôlées par leurs ordres professionnels, selon les principes actuellement en vigueur dans chacun de ces ordres. La désignation de l'autorité administrative compétente pour contrôler les agents immobiliers, sociétés de domiciliation, casinos et cercles de jeux et les sociétés de jeux de hasard est renvoyée à un décret en Conseil d'Etat.

F Le droit d'accès indirect aux données

Les professions assujetties aux obligations de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme étant amenées à créer et gérer des traitements de données personnelles, les obligations de vigilances contre le blanchiment et le financement du terrorisme que les professionnels doivent mettre en oeuvre sont adaptées au respect de la loi informatique et libertés (loi n° 78-17, du 6 janvier 1978 N° Lexbase : L8794AGS). Il crée ainsi un droit d'accès indirect des clients aux informations à caractère personnel collectées par les professionnels assujettis aux obligations de vigilance (C. mon. fin., art. L. 561-45 N° Lexbase : L7107IC9). Les données pourront ensuite être communiquées au requérant par la CNIL, en accord avec le service TRACFIN et après avis du responsable du traitement. Cette procédure permettra de garantir que cette communication de données à caractère personnel ne sera pas susceptible de révéler l'existence d'une déclaration de soupçon ou l'occurrence de l'exercice d'une demande d'information sur le client par le service TRACFIN.

G Dispositions pénales

Les articles 4 à 8 consacrés aux dispositions pénales reprennent pour l'essentiel le dispositif antérieur à l'ordonnance. On relèvera, notamment, qu'est étendu le régime de sanctions pénales prévues en cas de méconnaissance de l'interdiction de divulgation de l'existence d'une déclaration de soupçon ou d'un droit de communication à TRACFIN à tous les professionnels assujettis aux obligation de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (C. mon. fin., L. 574-1 N° Lexbase : L7192ICD).

II Les obligations relatives au gel des avoirs

La loi n° 2006-64 du 26 janvier 2006, relative à la lutte contre le terrorisme (N° Lexbase : L4643HG3), a instauré une procédure de gel des avoirs de personnes physiques ou morales qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme.
L'ordonnance étend cette procédure de gel au-delà du terrorisme aux cas des sanctions financières internationales décidées en application des résolutions adoptées par le Conseil de sécurité des Nations unies dans le cadre du chapitre VII de la Charte des Nations unies ou des actes pris en application de l'article 15 du Traité sur l'Union européenne. En effet, ces décisions politiques n'entrent en oeuvre qu'après l'adoption d'un Règlement européen, dont la négociation nécessite parfois plusieurs mois. De tels délais autorisent donc l'évasion des fonds présents sur le territoire. C'est pourquoi l'ordonnance autorise le Gouvernement à geler par décret les fonds des personnes physiques ou morales désignées par une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies ou par une position commune du Conseil (C. mon. fin., art. L. 562-2 N° Lexbase : L7101ICY et s.).

L'article 11 autorise, quant à lui, l'accès des agents du ministère des Finances chargés de l'application des mesures de gel des avoirs au fichier national des comptes bancaires (FICOBA), qui recense les ouvertures, modifications et clôtures de comptes bancaires. Cette mesure permettra de faciliter la détection des comptes qui font l'objet d'une mesure de gel des avoirs (LPF, art. L. 135 T N° Lexbase : L7133IC8 et L. 228 A N° Lexbase : L7062ICK).

III - Dispositions "annexes" renforçant l'efficacité du dispositif de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme

Tout d'abord, l'ordonnance prévoit, conformément aux dispositions de la Directive 2005/60, une procédure d'agrément des sociétés de domiciliation permettant de s'assurer de l'honorabilité et de l'aptitude de leurs gestionnaires et de leurs actionnaires pour éviter tout risque de détournement de ces sociétés aux fins de blanchiment des capitaux et de financement du terrorisme. Le Code de commerce prévoit, désormais, une procédure d'agrément de ces sociétés par le préfet, à qui il appartient de vérifier que ses dirigeants et actionnaires ou associés à plus de 25 % des voix ou des parts n'ont pas fait l'objet de condamnation définitive, notamment en matière de criminalité financière. L'exercice de l'activité de domiciliation sans agrément est sanctionné pénalement.

Ensuite, les compétences de contrôle du Conseil des sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques sur ces dernières sont étendues au respect du dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

Enfin, la loi du 2 janvier 1970 (loi n° 70-9 {"IOhtml_internalLink": {"_href": {"nodeid": 8323701, "corpus": "sources"}, "_target": "_blank", "_class": "color-textedeloi", "_title": "Loi n\u00b0 70-9 du 2 janvier 1970 r\u00e9glementant les conditions d'exercice des activit\u00e9s relatives \u00e0 certaines op\u00e9rations portant sur les immeubles et les fonds de commerce", "_name": null, "_innerText": "N\u00b0\u00a0Lexbase\u00a0: L7536AIX"}}) est modifiée pour contenir des dispositions sur le contrôle des actionnaires et associés des agents immobiliers soumis aux mesures de prévention contre le blanchiment et le financement du terrorisme et la compétence des ordres professionnels sur les professions juridiques est étendue au contrôle qui les concernent au respect du dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme.

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