La lettre juridique n°122 du 27 mai 2004 : Fiscalité des entreprises

[Evénement] L'impact fiscal du passage aux normes IFRS

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N1732ABR

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le 07 Octobre 2010

A compter du 1er janvier 2005, en application du règlement européen du 19 juillet 2002 (Règlement (CE) n° 1606/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 19 juillet 2002, sur l'application des normes comptables internationales N° Lexbase : L6959A4I), toutes les sociétés cotées de l'Union européenne (y compris les banques et les entreprises d'assurance), ainsi que leurs filiales, seront tenues d'établir leurs comptes consolidés en fonction des normes comptables internationales.
L'adoption de ces normes (élaborées par l'organisme international de normalisation comptable, l'International Accounting Standards Board (IASB)), dénommées dans un premier temps "normes IAS" (International Accounting Standards), puis rebaptisées en mai 2002 IFSR (International Financial Reporting Standards), permettra d'uniformiser l'information financière, afin de garantir la protection des investisseurs et de préserver la confiance envers les marchés financiers, tout en facilitant la négociation transfrontalière et internationale des valeurs mobilières.

Une récente étude réalisée par le cabinet d'audit Ernst &Young (*) révèle que seulement 27 % des entreprises interrogées ont pris en compte l'impact fiscal du projet de conversion aux normes comptables internationales. Pourtant, selon le baromètre établi par KPMG et Cartésis fin 2003, il apparaît que 83 % des groupes français ont démarré leurs projets de transition, et certains groupes sont même déjà prêts tels que EDF, Renault ou Michelin. Or, sachant que la réflexion comptable liée au passage aux IFRS porte en priorité sur les immobilisations (88 % des réponses), sur les impôts différés (dettes ou créances fiscales, 72 % des réponses) et les stocks (55 %) et frais de développement (53 %), sujets dont la prise en compte comptable s'accompagne, en général, d'une étude sur les aspects fiscaux, il semble étonnant qu'une minorité d'entreprises s'inquiète de la nécessité d'anticiper les conséquences fiscales de l'avènement des IFRS, afin de les intégrer à temps dans leur processus de gestion.

1. La vision erronée d'une fiscalité épargnée par le développement actuel de la comptabilité

Certes, il n'y a pas, pour l'instant d'impact du passage aux normes IFRS sur la fiscalité usuelle des entreprises, puisque celles-ci concernent les comptes consolidés, alors que la fiscalité se fonde sur les comptes sociaux. Cependant, cette situation peut ne pas perdurer.

En effet, le règlement européen de juin 2002 exigeant la publication de comptes consolidés en normes IFRS pour les sociétés cotées prévoit aussi la possibilité pour les Etats membres d'adopter sur option les normes IFRS au niveau des comptes sociaux. Les entreprises pourraient alors être tentées, par souci de ne pas tenir deux jeux de comptes, d'appliquer les normes IFRS dans leurs comptes sociaux. En outre, les Directives comptables européennes, actuellement en phase d'harmonisation avec les normes IFRS, vont progressivement influer sur les normes comptables locales, et, corrélativement sur les comptes sociaux des sociétés européennes.

Il est vrai qu'il est peu probable que les normes IFRS soient directement utilisables pour établir les comptes sociaux dès 2005, puisque, à ce jour, les pouvoirs publics français ne se sont pas encore prononcés sur l'utilisation de ces normes pour l'établissement des comptes sociaux des sociétés cotées ou non. Cependant, les pouvoirs publics n'écartent pas cette hypothèse puisqu'ils ont demandé une étude sur les conséquences qui résulteraient de l'exercice de cette option en France au Conseil national de la comptabilité au cours de l'année 2003.

2. Conséquences de l'option

La question de savoir si la France doit ou non exercer cette option revêt une dimension fiscale extrêmement importantes pour diverses raisons.

Contrairement au Royaume-Uni où la base fiscale est totalement autonome par rapport au résultat comptable, la base de l'impôt sur les sociétés en France est calculée à partir des écritures comptables en effectuant des retraitements (imprimé 2058-A ). Il y a donc connexité entre la comptabilité et la fiscalité. Cependant, elle n'est pas totale, puisque, aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III du CGI "les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt". Ainsi, le législateur peut apporter des exceptions plus ou moins nombreuses ou importantes, consistant notamment à écarter de l'assiette du prélèvement certains enrichissements comptables constatés au cours d'un exercice. Il y donc une interaction permanente entre la comptabilité et la fiscalité en France et, par conséquent, toute modification de règles comptables françaises a, en principe, nécessairement des répercussions sur l'assiette fiscale, sauf disposition fiscale spécifique contraire.

Prenons un exemple pour illustrer notre propos en cas d'option. Les normes IFRS modifient la définition de l'immobilisation, ainsi que celle de leur prix de revient. Ces changements, qui font passer certaines charges en immobilisation, amortissable ou non, vont entraîner des difficultés de déductibilité différée des dépenses nouvellement immobilisées. Ainsi, si l'administration fiscale continue de se référer à la définition comptable d'une immobilisation, les charges, qui étaient déductibles immédiatement auparavant, ne seront désormais déductibles que de manière échelonnée si l'actif est amortissable, ou, dans le cas contraire, lors de la cession des actifs. Or, si l'administration fiscale souhaite maintenir une connexion entre la fiscalité et la comptabilité sur cette question, elle ne semble pourtant pas envisager une modification des principes de déductibilité des provisions pour dépréciation subie par une immobilisation non amortissable. Quelle incohérence ! Selon Anne Colmet Daage (**), "on ne peut pas à la fois dire que la valeur des actifs augmente en intégrant des frais auparavant qualifiés de charges déductibles par nature, et dans le même temps, ne pas évoluer sur les critères de déductibilité des provisions pour dépréciation". Les entreprises n'apprécieront guère.

En outre, actuellement les "provisions dites réglementées" ne sont déductibles des résultats imposables que si elles ont été pratiquées en comptabilité. Or, les normes IFRS ne reconnaissent pas cette notion.

Par conséquent, pour éventuellement sauvegarder certains avantages fiscaux, de nombreuses modifications du Code général des impôts seraient nécessaires, entraînant une déconnexion plus forte entre la comptabilité et la fiscalité.

3. Positions des différents acteurs

La majorité des comptables d'entreprises semble favorable à ce que la France permette cette option, afin de faciliter leurs travaux de consolidation et à ne pas avoir à tenir deux jeux de comptes.

Toutefois, le Conseil national de la comptabilité n'est pas pour le moment favorable à l'exercice de l'option pour les comptes sociaux. Cependant, il souhaite faire converger les règles comptables de l'ensemble des entreprises avec les normes comptables internationales imposées par la mondialisation des marchés.

Quant à l'administration fiscale, elle semble ouverte à une évolution des règles comptables vers d'autres normes, mais se refuse, pour l'instant à déconnecter la fiscalité de la comptabilité. Ses objectifs principaux sont de limiter autant que possible les retraitements fiscaux et les obligations déclaratives, ainsi que de maintenir les avantages fiscaux existants issus des politiques de protection des investissements.

Pour l'instant, ont été mis en place en France, afin d'envisager une adaptation des règles fiscales en réponse aux évolutions comptables, des groupes de réflexion, notamment sous l'égide du Conseil national de la comptabilité en collaboration avec le ministère des finances, mais aussi au niveau européen dans le cadre d'une consultation de la Commission en vue de parvenir à une harmonisation fiscale européenne, et éventuellement à un impôt sur les bénéfices européens, par l'intermédiaire des normes IFRS.

Sabine Dubost
DESS de fiscalité internationale, Université de Paris II Panthéon -Assas
DEA de droit fiscal, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne


(*) Les entreprises ont peu formalisé l'impact fiscal des normes IFRS, La Tribune, le 19 mai 2004
(**) MN, bfinance du 13 mai 2004

Lire également :

- Les conséquences fiscales de l'adoption des normes comptables internationales, Dominique Villemot, Dr. Fisc n° 50, 2003, p. 1581 ;

- L'extension des normes internationales aux comptes sociaux et la déconnexion entre fiscalité et comptabilité, Gilbert Gélard, Dr. Fisc n° 8, 2004, p. 423 ;

- Fiscalité et normes comptables internationales : "mais où et donc or ni car ?", Eric Delesalle, Dr. Fisc n° 16, 2004, p. 739 ;

- Les normes comptables internationales à leur juste valeur, A. M. Profeta et P. de Thomasson, Petites affiches, 5 février 2004, n° 26, p. 4 ;

- Quand le comptable tient le fiscal en l'état, Jean-Luc Rossignol, Petites affiches, 7 février 2004, n° 42, p. 4 ;

- Identifier les incidences fiscales des normes IFRS, Claire Acard, Anne Colmet Daage, Véronique Ménard, Isabelle Santenac, Sarah Belin-Zerbib et Florence Fougerousse, Option Finance n° 779 du 5 avril 2004.

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