Cahiers Louis Josserand n°1 du 28 juillet 2022 : Droit médical

[Doctrine] L’évolution de la relation patient-médecin : qu’en est-il du contrat médical ?

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N4421BZR

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par Chloé Leduque, Docteur en droit, Centre patrimoine et contrats, Équipe de recherche Louis Josserand

le 21 Février 2023

Si Accurse est certainement l’un des premiers à avoir saisi la relation entre le patient et son médecin par le prisme contractuel en affirmant que le contrat de mandat est le support de l’exercice de l’art médical [1], il faudra attendre

le célèbre arrêt Mercier [2] pour que l’existence du contrat médical soit consacrée. Conformément aux souhaits d’une part importante de la doctrine – des auteurs comme Dumoulin [3] ou Pothier [4] plaidant en faveur de la reconnaissance de la nature contractuelle de la relation de soins – la Cour de cassation affirma, le 20 mai 1936, « qu’il se forme entre le médecin et son client un véritable contrat comportant, pour le praticien, l'engagement, sinon, bien évidemment, de guérir le malade, […] du moins de lui donner des soins, non pas quelconques, […] mais consciencieux, attentifs et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ».

Deux éléments sont généralement mis en avant pour expliquer la solution de la Cour : d’une part, la volonté de contourner la règle d’unité des prescriptions de l’action civile et pénale qui obligeait les victimes à se soumettre au délai de prescription de l’action publique lorsque la faute à l’origine du dommage constituait également une infraction [5] ; et, d’autre part, le souhait de circonscrire le domaine de la responsabilité sans faute du fait des choses.

Le contrat médical a alors connu, à partir de 1936, une vie riche et fructueuse, participant véritablement au développement du droit médical en général, et des droits des patients en particulier. Il a, au fil des années, été enrichi par la jurisprudence avec la reconnaissance de différentes obligations, dont une obligation d’information [6] et une obligation de conformité et de sécurité pour le matériel employé [7].

Le contrat médical est parfois qualifié de louage d’ouvrage par certains auteurs, mais il est majoritairement décrit comme un contrat sui generis, comme l’a d’ailleurs affirmé la Cour de cassation en 1937 [8]. Il est donc soumis aux conditions de validité de droit commun et a, pour caractéristiques principales, d’être consensuel, synallagmatique puisqu’il crée des obligations à la charge du médecin et du patient, et conclu intuitu personae.

Toutefois, la nature de la relation entre le médecin et son patient a commencé à faire l’objet de discussions. L’adoption de la loi n° 2002-303, du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « Loi Kouchner » N° Lexbase : L1457AXA, a marqué une étape décisive dans les réflexions sur la nature de cette relation en modifiant profondément les termes du débat. Vingt ans après l’adoption de cette loi, il est permis de s’interroger sur la permanence de la notion de contrat médical. Autrement dit, l’on peut se demander si, à l’heure actuelle, il est toujours possible de parler de contrat médical, s’il existe encore un intérêt quelconque à saisir la relation entre le patient et le médecin par le recours à la figure contractuelle et si les vingt années d’application de la loi du 4 mars 2002 n’ont pas sonné le glas du contrat médical.

Pour répondre à ces interrogations, il nous faudra successivement évoquer l’œuvre de décontractualisation de la relation patient-médecin dont est à l’origine la loi du 4 mars 2002 N° Lexbase : L1457AXA, puis la poursuite de cette dynamique par la jurisprudence.

I. Une décontractualisation amorcée par la loi du 4 mars 2002

L’analyse contractuelle de la relation patient-médecin a été fortement remise en cause par l’adoption de la loi du 4 mars 2002 N° Lexbase : L1457AXA dont les dispositions ne font aucune référence à l’existence d’un contrat médical entre le patient et son médecin, et parlent essentiellement « d’usager du système de santé ». Plusieurs arguments ont été mis en avant pour justifier l’abandon progressif du contrat médical.

C’est, en premier lieu, l’intrusion progressive de la loi dans la détermination des obligations pesant sur le médecin à l’égard du patient, qui a été pointée du doigt pour remettre en cause la nature contractuelle de la relation patient-médecin [9]. En effet, les obligations dégagées par la jurisprudence au fil des années sont devenues des droits des usagers du système de santé énoncés de manière très générale par les dispositions de la loi du 4 mars 2002 N° Lexbase : L1457AXA. L’article L. 1110-5 du Code de la santé publique N° Lexbase : L4249KYZ dispose, dans une formule qui n’est pas sans rappeler celle de l’arrêt Mercier, que toute personne a « le droit de recevoir les soins les plus appropriés et de bénéficier des thérapeutiques dont l'efficacité est reconnue et qui garantissent la meilleure sécurité sanitaire au regard des connaissances médicales avérées ». Le chapitre préliminaire de la loi Kouchner N° Lexbase : L1457AXA a ainsi mis en place un catalogue précis des droits des patients en consacrant, dans le Code de la santé publique, le droit à la protection de la santé, au respect de la dignité, à l’absence de discrimination dans l’accès aux soins, ainsi que le droit à la vie privée et au secret des informations concernant les patients [10]. Désormais, ces différentes obligations résultent donc directement de la loi et non plus du contrat passé entre le médecin et le patient, ce qui réduit considérablement le contenu du contrat médical. L’usager dispose de droits identiques, peu importe que la relation de soins ait eu lieu dans le secteur public ou privé. Le médecin, quant à lui, est tenu des mêmes obligations qui sont, en réalité, inhérentes à son statut et non pas dépendantes de la nature de la relation avec le patient.

C’est, en deuxième lieu, parce que la loi n° 2002-303, du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé N° Lexbase : L1457AXA a unifié les régimes de responsabilité des professionnels de santé, qu’une part importante de la doctrine estime que le fondement contractuel a été abandonné [11]. La loi a mis en place un régime transcendant la responsabilité civile et administrative qui vise la réparation des dommages causés à l’occasion d’une activité médicale de prévention, de diagnostic ou de soins, que l’activité médicale ait été exercée à titre privé ou au sein d’un établissement public. Le principe d’une responsabilité pour faute a été consacré à l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique N° Lexbase : L0670LTY et les délais d’action ont été unifiés : l’action en responsabilité à l’égard du professionnel de santé se prescrit par dix ans à compter de la date de consolidation du dommage [12]. Auparavant, l’action devant la juridiction administrative était soumise à une prescription de quatre ans, lorsque l’action en responsabilité contractuelle était régie par la prescription trentenaire de droit commun. 

Dès lors, bien que ni la loi ni les travaux préparatoires ne se soient prononcés sur la nature de cette responsabilité médicale, il est difficile aujourd’hui de maintenir l’analyse contractuelle au regard de dispositions législatives qui ont vraisemblablement instauré un régime légal autonome de responsabilité [13]. La loi n° 2002-303, du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé N° Lexbase : L1457AXA a vocation à régir entièrement la relation de soins, diminuant ainsi l’intérêt de recourir au contrat médical.

C’est, enfin, parce que le consentement du patient fait l’objet d’un traitement particulier dérogatoire au droit des contrats, que l’analyse contractuelle de la relation patient-médecin est remise en cause [14]. Certes, le patient choisit librement son praticien et ce dernier est en principe libre d’accepter ou de refuser la prise en charge, ce qui suppose l’existence d’un accord de volontés à l’origine de la relation patient-médecin. Toutefois, le consentement du patient à l’acte médical peut être retiré jusqu’à l’accomplissement de ce dernier [15], alors qu’en droit des contrats le respect de la parole donnée et le principe de la force obligatoire imposent de maintenir le consentement exprimé [16]. Pour contourner cette difficulté, certains auteurs ont proposé de distinguer le consentement au contrat médical du consentement permissif à chaque acte de soin postérieur [17]. Mais une telle solution ne permet pas d’expliquer toutes les singularités relatives au consentement que l’on rencontre au sein de la relation patient-médecin. En effet, tandis qu’en droit commun, le consentement doit être donné par une personne capable [18], la loi du 4 mars 2002 N° Lexbase : L1457AXA impose de rechercher systématiquement le consentement du majeur incapable ou du mineur s’il est apte à exprimer sa volonté et à participer à la décision. De manière encore plus dérogatoire, l’article L. 1111-5 du Code de la santé publique N° Lexbase : L9647KXL permet de se dispenser d’obtenir le consentement des titulaires de l’autorité parentale sur les décisions médicales à prendre lorsque l’acte s’impose pour sauvegarder la santé du mineur et que celui-ci souhaite garder le secret sur son état de santé.

On le voit, la relation patient-médecin semble répondre à un régime légal qui déroge au droit des contrats, ce qui rend difficile le maintien de l’analyse contractuelle. Ce mouvement de décontractualisation a d’ailleurs été poursuivi par la jurisprudence qui, depuis l’adoption de la loi n° 2002-303, du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé N° Lexbase : L1457AXA, semble n’avoir de cesse de réduire le contenu du contrat médical.

II. Une décontractualisation poursuivie par la jurisprudence

Pour saisir la nature de la relation patient-médecin et la place qu’occupe encore le contrat en son sein, il est donc nécessaire, dans un deuxième temps, de tourner le regard vers la jurisprudence. Or lorsqu’on s’intéresse aux arrêts qui ont eu à connaître de cette relation et, plus particulièrement, ceux dans lesquels la responsabilité du médecin a été mise en jeu, on constate que les références au droit commun des contrats se font de plus en plus rares. En effet, la Cour de cassation a tendance à ne plus invoquer l’article 1147 ancien du Code civil N° Lexbase : L1248ABT au soutien de ses décisions [19].

Pour mieux comprendre l’évolution de la jurisprudence quant à la nature contractuelle de la relation patient-médecin, il convient de distinguer les arrêts traitant de l’obligation d’information du médecin, de ceux touchant à l’obligation de soins.

En effet, c’est en matière de responsabilité du médecin pour manquement à son obligation d’information que la jurisprudence a commencé à s’éloigner de l’analyse contractuelle. De manière remarquable, la Cour de cassation va abandonner le recours au contrat pour des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi n° 2002-303, du 4 mars 2002, relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé N° Lexbase : L1457AXA, anticipant donc l’application de la loi. En ce sens, l’arrêt de la première chambre civile du 6 décembre 2007 est le premier à abandonner le visa de l’article 1147 ancien du Code civil N° Lexbase : L1248ABT pour lui substituer deux autres fondements : l’article R. 4127-36 du Code de la santé publique N° Lexbase : L7281L4G et l’article 1382 ancien du Code civil N° Lexbase : L1488ABQ [20]. La Cour ne vise donc plus la responsabilité contractuelle, mais invoque les obligations déontologiques du médecin ainsi que la responsabilité délictuelle. De manière encore plus évidente, la Cour vise, dans un arrêt remarqué du 3 juin 2010 [21], l’article 1382 du Code civil N° Lexbase : L1018KZQ ainsi que le respect de la dignité de la personne humaine et d’intégrité du corps humain. Elle se fonde alors sur les articles 16 N° Lexbase : L1687AB4 et 16-3, alinéa 2 N° Lexbase : L6862GTC, du Code civil, tout en reproduisant une partie de l’article L. 1111-2 du Code de la santé publique N° Lexbase : L4848LWH mais sans le mentionner expressément. Cette précaution est toutefois rapidement abandonnée par la Cour qui, dès le 6 octobre 2011, vise les articles 16 N° Lexbase : L1687AB4, 16-3 N° Lexbase : L6862GTC du Code civil ainsi que l’article L. 1111-2 du Code de la santé publique N° Lexbase : L4848LWH alors que ce dernier n’était pas encore applicable aux faits d’espèce, l’intervention chirurgicale ayant eu lieu en 1997 [22]. Dans un arrêt du 12 janvier 2012 enfin, la Cour vise expressément, aux côtés de l’article 1382 du Code civil N° Lexbase : L1018KZQ, le respect de la dignité de la personne humaine et d’intégrité du corps humain [23]. Si un arrêt du 26 janvier 2012 [24] a continué de viser l’article 1147 du Code civil N° Lexbase : L0866KZ4, il s’agit a priori d’un cas isolé qui concerne, d’ailleurs, une hypothèse où la loi du 4 mars 2002 N° Lexbase : L1457AXA n’était pas applicable. Au demeurant, la Cour de cassation a récemment confirmé sa position pour des faits postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 N° Lexbase : L1457AXA en se fondant, dans un arrêt du 23 janvier 2019, sur les articles 16 N° Lexbase : L1687AB4, 16-3 N° Lexbase : L6862GTC du Code civil et L. 1111-2 du Code de la santé publique N° Lexbase : L4848LWH [25].

En matière d’obligation d’information, la rupture avec le fondement contractuel est donc sans appel. L’information due au malade n’est plus vue comme une simple obligation du professionnel qui découlerait du contrat médical, mais avant tout comme un devoir légal du médecin [26] résultant du nécessaire respect des droits subjectifs du patient. À ce titre, les visas retenus par la jurisprudence sont clairs : en se fondant sur le droit au respect de l’intégrité corporelle et de la dignité humaine, les magistrats font sortir l’obligation d’information du contrat médical : le patient a le droit à cette information par sa qualité de personne humaine et non de contractant. Le respect des droits de la personnalité dépasse donc nécessairement le cadre contractuel et s’impose quelle que soit la nature de la relation de soins. L’obligation d’information est une obligation légale et règlementaire découlant de l’article L. 1111-2 du Code de la santé publique N° Lexbase : L4848LWH, fondée sur le respect des droits de la personnalité du patient, et a donc désormais une nature extracontractuelle [27].

Il n’y a toutefois pas qu’en matière d’obligation d’information que le contrat médical est en net recul. Bien qu’amorcée plus tardivement, une position similaire se développe s’agissant de l’obligation de soins. Dans un arrêt du 28 janvier 2010, la Cour de cassation vise directement l’article L. 1142-1 du Code de la santé publique N° Lexbase : L1910IEH, combiné à l’article 16-3 du Code civil N° Lexbase : L6862GTC, lorsque le pourvoi invoquait pour sa part la responsabilité contractuelle du médecin sur le fondement de l’article 1147 du Code civil N° Lexbase : L0866KZ4 [28]. La solution a ensuite été régulièrement confirmée, notamment en juin 2012 où la Cour a invoqué, aux côtés de l’article L. 1142-1 précité N° Lexbase : L1910IEH, l’article 1382 du Code civil N° Lexbase : L1018KZQ [29]. Certes, le bulletin évoque encore la responsabilité contractuelle s’agissant d’un arrêt du 14 octobre 2010 [30]. Toutefois, le doute est rapidement dissipé à la lecture du rapport annuel de la Cour de cassation. En effet, en évoquant cet arrêt, la Haute juridiction rappelle que « pour les soins dispensés après le 5 septembre 2001, date d’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, la responsabilité des professionnels de santé est devenue une responsabilité légale. Les obligations de ces derniers sont entièrement définies par la loi, de sorte que le fondement contractuel, qui a pu s’imposer naguère, revêt à présent un caractère artificiel » [31].

Le manquement à l’obligation de soins semble désormais uniquement sanctionné par le recours au Code de la santé publique, les quelques arrêts se fondant encore sur l’article 1147 du Code civil N° Lexbase : L0866KZ4 concernant des faits antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002 N° Lexbase : L1457AXA. L’obligation de soins a donc également quitté le giron du contrat médical, la responsabilité médicale de manière générale n’étant plus contractuelle mais légale.

III. Quid du contrat médical, vingt ans après l’adoption de la loi Kouchner ?

Aux termes de ces quelques développements, l’on peut donc se demander ce qui subsiste du contrat médical vingt ans après l’adoption de la loi Kouchner N° Lexbase : L1457AXA. Un constat s’impose d’emblée : le contenu de ce dernier a été considérablement réduit, puisque les principales obligations qui en découlaient ont été intégrées au Code de la santé publique et que le régime de responsabilité a été unifié.

Cette décontractualisation progressive de la relation patient-médecin ne fait toutefois pas obstacle à ce que le contrat médical survive, ne serait-ce que pour l’organisation matérielle de la relation et notamment pour le paiement des honoraires [32]. En revanche, il perd, avec loi du 4 mars 2002 N° Lexbase : L1457AXA, son principal effet, à savoir l’obligation de dispenser des « soins consciencieux, attentifs et […] conformes aux données acquises de la science ».

Certains y voient un retour à la solution jurisprudentielle de l’arrêt Thouret-Noroy de 1835 [33] qui réduisait le contrat médical au paiement des honoraires et à l’accomplissement des soins [34]. D’autres vont plus loin et prophétisent sa disparition en affirmant qu’il ne subsiste plus qu’à « l’état de coquille vide, dépourvu de toute application concrète » [35].

À l’heure actuelle, la disparition du contrat médical n’est toutefois pas définitivement actée et rien n’indique qu’il sera un jour totalement abandonné. Mais vingt ans après l’entrée en vigueur de la loi du 4 mars 2002, son contenu s’est particulièrement amoindri, ce qui complique sensiblement l’analyse contractuelle de la relation patient-médecin. Si les défenseurs du contrat médical rappelaient, avant les arrêts relatifs à l’obligation de soins, que ce dernier ne pouvait être réduit au devoir accessoire d’information et s’étendait à l’obligation principale de soins ainsi qu’à sa contrepartie financière [36], l’évolution de la jurisprudence sur la responsabilité du médecin pour manquement à l’obligation de soins rend plus délicat le maintien de ces objections.

Au demeurant, l’ordonnance n° 2016-131, du 10 février 2016, portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations N° Lexbase : L4857KYK ne semble pas en mesure de changer cet état de fait [37]. La codification à droit constant opérée par le législateur n’apporte aucune modification substantielle qui serait à même de redonner ses lettres de noblesse au contrat médical.

Faut-il toutefois s’alarmer et voir, dans cette évolution de la nature de la relation patient-médecin, un signe de déresponsabilisation des praticiens ? Rien n’est moins sûr car le contenu de la jurisprudence Mercier n’a pas disparu, il a simplement changé de nature en passant du giron du contrat à celui de la loi. Les différentes obligations à la charge du patient et du médecin ont en revanche été sauvegardées, de sorte que la décontractualisation de la relation ne devrait pas avoir de véritables conséquences pratiques, le Code de la santé publique prenant simplement le relai du contrat médical.

Par Chloé Leduque

 


[1] En ce sens, v. F. Leduc, Pas de requiem prématuré pour l’arrêt Mercier, RDC, 2011, p. 345.

[2] Cass. civ., 20 mai 1936, DP, 1936. 1. 88 ; RTD civ., 1936, p. 691, obs. Demogue ; GAJC, t. 2, Obligations, contrats spéciaux, sûretés, 13e éd., 2015, n° 162-163.

[3] C. Dumoulin, Commentarius in codicem, IV, 35, Opera, t. 3, p. 236.

[4] R.-J. Pothier, Traité du contrat de mandat, n° 26, p. 221.

[5] Les victimes étaient dès lors privées du bénéfice de la prescription trentenaire.

[6] Req. 28 janvier 1942, DC, 1942. 63 ; Gaz. Pal., 1942. 1. 177.

[7] Cass. civ. 1, 9 novembre 1999, n° 98-10.010, publié au bulletin N° Lexbase : A8162AGE ; JCP, 2000. II. 10251, obs. Ph. Brun. 

[8] Cass. civ., 13 juillet 1937, Gaz. Pal., 1937, 2, p. 384.

[9] En ce sens, v. not. M. Girer, Chronique de la mort annoncée du contrat médical ?, in Mélanges Callu, LexisNexis, 2013, p. 387 et s., spéc. p. 390 et s.

[10] CSP, art. L. 1110-1 à L. 1110-13 N° Lexbase : L4820MB7.

[11] F. Dreifuss-Netter, Feue la responsabilité civile contractuelle du médecin ?, RCA, n°10, octobre 2002, chron. 17 ; E. Terrier, Médecine : réparation des conséquences des risques sanitaires, Rép. civ., octobre 2020, n°15 ; M. Girer, art. préc.

[12] CSP, art. L. 1142-28 N° Lexbase : L2945LC3.

[13] H. Boucard, Responsabilité contractuelle, Rép. civ, juillet 2018, n°255 ; F. Dreifuss-Netter, art. préc.

[14] P. Lokiec, La décision médicale, RTD civ., 2004, p. 641.

[15] CSP, art. L. 1111-4, al. 4 N° Lexbase : L4849LWI : « aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment ».

[16] C. civ., art. 1103 N° Lexbase : L0822KZH.

[17] v. par exemple : R. Nerson, « Le respect par le médecin de la volonté du malade », in Mélanges Marty, Université des sciences sociales de Toulouse, 1978, p. 870 ; A. Garay, P. Goni, « la valeur juridique de l'attestation de refus de transfusion sanguine », LPA, 13 août 1993, n° 97, p. 15 : le « particularisme de la pratique médicale oblige à distinguer l'accord de la volonté initiale, indispensable à la conclusion du contrat - qui se manifeste par la volonté délibérée de se soigner en consultant le praticien - du consentement, postérieur au diagnostic, à l'intervention chirurgicale. Le passage à l'acte chirurgical suppose, outre le consentement préalable à vouloir se faire soigner, l’assentiment à l’intervention » ; X. Pin, Le consentement en matière pénale, LGDJ, 2002, n°250 : « le contrat médical constitue seulement le cadre à l'intérieur duquel le consentement permissif est une permission de chaque instant. L'individu qui accepte un contrat (de soin, de transfusion, de prélèvement, de recherche, n'aliène pas son droit à l'intégrité corporelle. Il n'autorise pas toute atteinte future mais il détermine, grâce au contrat, les conditions de l'intervention ».

[18] C. civ., art. 414-1 N° Lexbase : L8394HWS ; C. civ., art. 1129 N° Lexbase : L0843KZA.

[19] H. Boucard, art. préc., n° 257. 

[20] . Cass. civ. 1, 6 décembre 2007, n° 06-19.301, FS-P+B N° Lexbase : A0359D3P, Bull. civ. I, n° 380 ; D., 2008. 192, note P. Sargos ; RTD civ., 2008, p. 303, obs. P. Jourdain ; RDC, 2008, p. 769, obs. J.-S. Borghetti.

[21] Cass. civ. 1, 3 juin 2010, n° 09-13.591, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A1522EYZ, Bull. civ. I, n° 128 ; D., 2010, p. 1522, note P. Sargos ; RTD civ., 2010 p. 571, obs. P. Jourdain ; RDC, 2010, p. 1235, obs. J.-S. Borghetti ; JCP, 2010. II. 788, obs. S. Porchy-Simon.

[22] Cass. civ. 1, 6 octobre 2011, n° 10-21241, inédit N° Lexbase : A6137HYX ; Rev. droit et santé, janvier 2012, n° 45, p. 54, note F. Vialla.

[23] Cass. civ. 1, 12 janvier 2012, n°10-24.447, F-D N° Lexbase : A7926IAS, Rev. gén. dr. méd., 2012, n° 42, p. 463, obs. M. Girer.

[24] Cass. civ. 1, 26 janvier 2012, n° 10-26.705, F-D N° Lexbase : A4344IBI, Rev. Gén. Dr. méd., 2012, n° 43, p. 568, obs. M. Girer.

[25] Cass. civ. 1, 23 janvier 2019, n° 18-10.706, FS-P+B N° Lexbase : A3034YUW, D., 2019. 976, note J. Mattiussi.

[26] F. Dreifuss-Netter, art. préc.

[27] C. Guettier, Ph. Le Tourneau, C. Block, A. Giudicelli, J. Julien, D. Krajeski, M. Poumarède, Droit de la responsabilité et des contrats, coll. Dalloz action, Dalloz, 2021/2022, n° 6411.13.

[28] Cass. civ. 1, 28 janvier 2010, n° 09-10.992, F-P+B N° Lexbase : A7720EQY, D., 2010, p. 1522, note P. Sargos.

[29] Cass. civ. 1, 28 juin 2012, n° 11-19.265, FS-P+B+I N° Lexbase : A9900IPD, Bull. civ. I, n° 148.

[30] Cass. civ. 1, 14 octobre 2010, n° 09-69195, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A7906GBG, Bull. civ. I, n° 200, LPA, 5 janvier 2011, p. 7, note E. Ay.

[31] Rapport annuel de la Cour de cassation, Le droit de savoir, 2010, p. 400.

[32] F. Dreifuss-Netter, art. préc.

[33] Req. 18 juin 1835, DP, 1835. 1. 300 : dans cet arrêt, la Cour de cassation a admis l’existence d’un contrat entre le patient et le médecin mais a réduit son contenu obligationnel au seul paiement des honoraires et à l’accomplissement des soins. En cas de faute du médecin, la question de la qualité des soins continuait d’être traitée sous l’angle de la responsabilité délictuelle ; v. not. H. Boucard, art. préc., n° 255.

[34] Il convenait de distinguer l’accomplissement des soins de leur qualité, cette dernière ne relevant pas du fondement contractuel.

[35] M. Girer, Chronique de la mort annoncée du contrat médical ?, art. préc., spéc. p. 415 ; les défenseurs du contrat médical reconnaissent d’ailleurs que « la jurisprudence Mercier [est] ainsi appelée à survivre en état végétatif » : F. Leduc, Pas de requiem prématuré pour l’arrêt Mercier, RDC, 2011, n° 1, p. 345.

[36] M. Bacache, Longue vie à l’arrêt Mercier, RDC, 2011, n° 11, p. 335.

[37] Contra B. Bévière-Boyer, L’opportunité du maintien du contrat médical confirmée par les dispositions de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, LPA, 8 mars 2017, p. 5.

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