La lettre juridique n°719 du 16 novembre 2017

La lettre juridique - Édition n°719

Avocats/Institutions représentatives

[Questions à...] Des Ordres unis pour un CNB qui réussit - Questions à Jérôme Gavaudan, premier vice-Président de la Conférence des Bâtonniers

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la Rédaction

Le 16 Novembre 2017

Les élections du Conseil national des barreaux se tiendront le 21 novembre 2017. L'enjeu est de taille face aux défis qui attendent la profession d'avocat. Le collège ordinal, qui sera élu à l'issue de cette date, a deux branches : la branche "Paris" et la branche "province". Pour la première fois de manière aussi visible, la Conférence des Bâtonniers a apporté son soutien à une liste de 26 candidats issus des Ordres de province. Afin de comprendre ce choix et les enjeux attachés, Lexbase Hebdo - édition Professions a rencontré Monsieur le Bâtonnier Jérôme Gavaudan, premier vice-Président de la Conférence des Bâtonniers. Ce futur président de la Conférence des Bâtonniers, à compter du 1er janvier 2018, dont la particularité est d'avoir à son actif deux mandats au CNB, sera amené directement à travailler avec ce collège ordinal pour son mandat. Lexbase : Qu'est ce qui a poussé la Conférence des Bâtonniers pour cette élection à apporter son soutien officiel à cette liste de 26 candidats ?

Jérôme Gauvaudan : Cela procède d'une démarche positive mise en place par la Conférence pour soutenir ces 26 candidats au collège ordinal province. Je rappelle qu'il ne s'agit pas d'une "liste" au sens électoral mais de 26 candidatures, pour un scrutin uninominal à un tour.

Traditionnellement la Conférence des Bâtonniers avait la maitrise des candidatures. En effet, qui d'autre qu'elle est la mieux placée pour présenter les candidats des barreaux ?

Mais, pour la première fois cette année et de manière aussi visible sous l'impulsion du président Yves Mahiu, la Conférence des Bâtonniers a décidé de manifester une lisibilité plus importante en soutenant de manière explicite et dans le cadre d'une campagne électorale non pas une liste mais des candidats clairement identifiés comme étant issus des choix de la Conférence des Bâtonniers pour représenter les conseils de l'Ordre, les Bâtonniers et en réalité les barreaux de Province.

Ce sont des candidatures personnelles mais ce ne sont pas des candidatures isolées ou simplement individuelles.

Lexbase : S'agit-il d'une nouvelle démarche ?

Jérôme Gavaudan : Cette démarche n'est pas si nouvelle que cela puisque la Conférence s'est toujours préoccupée des candidatures et il y avait, ce qui a été maintenu d'ailleurs, un système de présélection par les Conférences régionales.

Mais cette année, il a été décidé de soutenir dans le cadre d'une véritable campagne de communication auprès des membres du conseil de l'Ordre et des Bâtonniers, les candidats issus de leurs rangs et de leurs régions

Nos candidats, issus des choix des conférences régionales, sont des femmes et des hommes indépendants et expérimentés et tous engagés dans leur vie professionnelle au service des avocats et des Ordres.

Lexbase : Quel sera l'impact de cet appui sur l'organisation concrète au sein du CNB ?

Jérôme Gavaudan : L'idée de fond est que l'usage des 25 dernières années a montré que le CNB fonctionnait mieux lorsque les Ordres étaient unis et bien représentés.

Nous ne sommes pas en concurrence avec les syndicats ou les associations qui ont leur propre système de fonctionnement et d'élection dans le collège général.

Pour la Conférence des Bâtonniers, garante du respect des barreaux et de leur unité, ce sont les candidats choisis par les Ordres qui vont le mieux représenter les diversités géographiques et modes d'exercice de nos confrères.

Nous avons ainsi, dans le cadre de cette liste, une vraie représentativité de ce que sont les Ordres et les conseils de l'Ordre qui administrent au quotidien dans la France entière chacun de nos barreaux.

Je le redis, un collège ordinal province fort et uni est un gage de succès du CNB.

Notre objectif est que ce collège ordinal province soit un véritable pôle de stabilité, de propositions et de modernité du CNB dans le respect des valeurs fondamentales de la profession.

Les compétences avérées et reconnues par le passé de nos candidats, nous permettront de nous impliquer toujours plus et mieux dans le fonctionnement du CNB et notamment au sein de ses commissions et groupe de travail.

Enfin, il y a une idée plus interne à la sphère de la Conférence des Bâtonniers.

Nous avons déjà créé un esprit d'équipe lors de nos rencontres. Cet esprit d'équipe manifeste ce qui, je le souhaite, va apparaître dans notre méthode de fonctionnement pour les trois années qui viennent pour le Conseil national des barreaux.

Faire une campagne commune, c'est donner une cohésion à notre groupe, c'est donner des réflexes de concertation avant la prise de décision. Ce groupe travaillera de manière étroite avec le Bureau de la Conférence des Bâtonniers.

L'idée est donc d'avoir une équipe soudée prête à travailler dès le 16 décembre prochain lors de la première assemblée de la future mandature.

Et quand vous la regardez cette équipe de candidats (1), elle a de l'allure ! Les Outre mers et toutes nos régions sont représentées, toutes les compétences sont là et elle est paritaire.

Et ce n'est pas seulement la parité de résultat voulue par la loi : nous avons voulu d'emblée, présenter autant d'hommes que de femmes, ce sont toutes et tous des Bâtonniers ou anciens Bâtonniers qui ont une expérience de terrain.

Le CNB est une institution décrite comme étant trop politique ou trop technocratique et par la proposition de ce collège ordinal nous montrons à nos confrères que nous présentons des élus de nos Barreaux qui s'unissent afin de prendre en main les problèmes nationaux de la profession.

Cela permet d'insister sur une certitude : qu'on le veuille ou non l'avenir de la profession demeure fondé sur les Ordres locaux.

Qu'elles que soient les évolutions de la société, des nouvelles technologies ou de la loi, un avocat se retrouve toujours et d'abord au sein de son Ordre.

La notion de présence vive des Ordres au sein du CNB nous est apparue encore plus fondamentale que par les temps passés car les évolutions de la profession sont rapides et les sujets à traiter sont de plus en plus nombreux.

Ainsi, à la place qui est la sienne, la Conférence des Bâtonniers veut initier une dynamique de cohésion, de solidarité et de compétences au sein de notre Conseil national des barreaux.


(1) Liste des candidats :

M. Christophe BORE (Val de Marne)
Mme Françoise ARTUR (Poitiers)
M. Gilles BOXO (Pyrénées orientales)
Mme Odile BORDIER (Chartres)
M. Gérard BOUISSINET (Carcassonne)
Mme Françoise CASAGRANDE (Bordeaux)
M. Jean-Michel CALVAR (Nantes)
Mme Dominique de GINESTET (Dax)
M. Olivier FERNEX de MONGEX (Chambéry)
Mme Anne-Sophie GOUEDO (Laval)
M. Olivier FONTIBUS (Versailles)
Mme Nathalie JAY (Saint Pierre de la Réunion)
M. Jean-Luc FORGET (Toulouse) 
Mme Catherine JONATHAN-DUPLAA (Aix-en-Provence)
M. Eric GOIRAND (Toulon)
Mme Laurence JUNOD-FANGET (Lyon)
M. Philippe KLEIN (Aix-en-Provence)
Mme Hélène MARICHAL (Châlons-en-Champagne)
M. Gonzague de LIMERVILLE (Amiens)
Mme Bénédicte MAST (Coutances-Avranches)
M. Jean-Luc MEDINA (Grenoble)
Mme Zohra PRIMARD (Essonne)
M. Jean-François MERIENNE (Dijon)
Mme Florence ROCHELEMAGNE (Avignon)
M. Bernard TRUNO (Cusset- Vichy)
Mme Marie-Laure VIEL (Saint Quentin)

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Avocats/Institutions représentatives

[Questions à...] CNB, mon amour ! Questions à Stéphane Lallement, Avocat au barreau de Nantes, candidat au sein du collège ordinal

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N1290BX3

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par Anne-Laure Blouet Patin, Directrice de la rédaction

Le 17 Novembre 2017

Les élections du Conseil national des barreaux se tiendront le 21 novembre 2017. L'enjeu est de taille face aux défis qui attendent la profession d'avocat. Pour le collège ordinal "province", 24 postes sont à pourvoir, et si 26 candidats ont été adoubés par la Conférence des Bâtonniers, 10 autres portent un projet personnel qu'ils ont pris soin d'exprimer par une profession de foi individuelle. Lexbase Hebdo - édition Professions a rencontré l'un d'eux, Maître Stéphane Lallement, Avocat au barreau de Nantes. Lexbase : Pouvez-vous nous présenter votre parcours ?

Stéphane Lallement : Avocat depuis 22 ans, je suis inscrit au barreau de Nantes, où j'exerce aujourd'hui au sein d'une structure de trois associés.

Mon premier engagement fut syndical, puisque j'ai eu la chance en 2001 de présider la Fédération nationale des unions de jeunes avocats (FNUJA).

Mais j'ai également acquis une solide expérience ordinale en siégeant durant six ans au sein du conseil de l'Ordre, dont quatre années en qualité de secrétaire du conseil.

Investi dans les questions de formation, j'ai été désigné administrateur de l'Ecole des avocats du Grand Ouest, dont j'ai occupé durant six ans le poste de trésorier.

Enfin, j'ai eu la chance de siéger à deux reprises déjà au sein du Conseil national des barreaux : en qualité de simple élu lors de la mandature 2003/2005, puis en qualité de membre du bureau lors de la mandature 2012/2014.

Lexbase : Quelles sont vos motivations pour vous présenter aux élections du CNB ?

Stéphane Lallement : Depuis sa naissance, il y a 25 ans, le Conseil national des barreaux a grandi dans l'adversité, sous la férule parfois étouffante du barreau de Paris et de la Conférence des Bâtonniers. A force de travail, il a enfin conquis la confiance des pouvoirs publics, et endossé définitivement son habit législatif de représentant institutionnel de la profession d'avocat.

Et pourtant...

Les avocats n'aiment pas le CNB : il suffit pour s'en convaincre de parcourir les réseaux sociaux ou d'arpenter les couloirs de nos palais de justice, emplis les uns comme les autres de réflexions amères sur l'inefficacité supposée de notre représentation nationale.

Ils ne l'aiment pas parce qu'ils ne le connaissent pas. Par l'insuffisance des moyens consacrés à sa propre communication, le CNB ne laisse à voir de son activité que la partie émergée de l'iceberg, maintenant dans l'ombre le travail considérable accompli dans un total désintéressement par des confrères animés dans leur immense majorité par le seul souci de l'intérêt général.

Ils ne l'aiment pas parce qu'il ne leur ressemble pas. Par l'inutile complexité de son mode de scrutin, et tant qu'il n'aura pas admis l'évidente nécessité du suffrage universel direct, le CNB reste sociologiquement éloigné de la réalité d'une profession résolument jeune, économiquement fragile et pourtant tournée vers l'avenir.

Ils ne l'aiment pas parce qu'il demeure parfois le théâtre de luttes d'ego et de calculs carriéristes bien éloignés des légitimes attentes de nos confrères.

En mai 2013, sous l'injonction de sa Bâtonnière de l'époque, le conseil de l'Ordre du barreau de Paris décidait de "suspendre sa participation aux travaux du Conseil national des barreaux" afin de faire obstacle au projet de réforme de la gouvernance de la profession que la représentation nationale s'apprêtait à voter. Cette initiative devait engendrer une crise institutionnelle sans précédent, conduisant quelques semaines plus tard à la démission du président du CNB.

Alors membre du bureau du Conseil national des barreaux, j'ai été le témoin privilégié de cette stratégie auto-destructrice dans laquelle certains de nos représentants semblent vouloir se complaire, et qui nuit tant à l'image de notre institution nationale.

De telles dérives doivent cesser. Pour les avoir vécues au plus près, je crois pouvoir utilement les combattre. C'est le sens de ma candidature.

Lexbase : Pourquoi ne figurez-vous pas dans la liste soutenue par la Conférence des Bâtonniers ?

Stéphane Lallement : Le Conseil national des barreaux est composé pour moitié d'un collège général, élu par tous les avocats, et pour moitié d'un collège ordinal, élu par les Bâtonniers et membres de conseils de l'Ordre en exercice.

Les textes prévoient que le collège ordinal est élu au scrutin uninominal.

Une élection n'est pas une cooptation, et un scrutin uninominal n'est pas un scrutin de liste.

Il ne s'agit donc pas pour les électeurs d'adouber collectivement une liste de noms, fut-elle composée par la Conférence des Bâtonniers, mais bien de choisir individuellement chacun de ceux qui, pour les trois années à venir, leur semblent le mieux en situation de servir la profession au sein de l'institution nationale.

24 postes sont à pourvoir dans le collège ordinal province. Parmi les 36 candidats en lice, 26 représentent collectivement la Conférence des Bâtonniers, tandis que 10 autres portent un projet personnel qu'ils ont pris soin d'exprimer par une profession de foi individuelle. Je suis persuadé pour ma part que nos confrères ne souhaitent pas un CNB monolithique, et qu'ils auront à coeur de se déterminer au regard des engagements de chaque candidat.

Lexbase : Quelle est votre vision des défis que le CNB devra relever ?

Stéphane Lallement : A l'heure où notre profession est confrontée à de profondes mutations, je crois à un CNB pluriel, rénové et représentatif.

Où la pertinence des opinions ne soit pas mesurée à l'aune des années de barre.

Où chaque barreau puisse faire entendre sa voix, qu'il soit riche de quinze avocats ou de vingt-neuf mille.

Où s'expriment les multiples métiers composant notre profession : du secteur aidé à l'ingénierie juridique, de l'exercice individuel à la legaltech...

Je crois surtout que chacun des candidats à cette élection devrait faire sienne l'analyse du président Burguburu, qui, au sortir de son mandat fin 2014, s'exclamait : "Pour être un bon membre du CNB, il faut d'abord l'aimer".

Et c'est parce que j'aime cette institution que j'offre de la servir pour les trois ans à venir.

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Baux d'habitation

[Brèves] Absence de sanction afférente à l'obligation de régularisation annuelle des charges locatives et prescription de l'action en répétition des charges indûment perçues par le bailleur

Réf. : Cass. civ. 3, 9 novembre 2017, n° 16-22.445, FS-P+B+R+I (N° Lexbase : A1366WYA)

Lecture: 2 min

N1145BXP

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 16 Novembre 2017

L'obligation de régularisation annuelle des charges n'est assortie d'aucune sanction et le bailleur peut en justifier à tout moment dans la limite du délai de prescription ; l'action en répétition des charges indûment perçues par le bailleur au titre d'un bail "loi 1948", ou au titre d'une habitation à loyer modéré se prescrit par trois ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, ce jour étant celui de la régularisation des charges, qui seule permet au preneur de déterminer l'existence d'un indu, et non celui du versement de la provision. Tels sont les enseignements délivrés par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 9 novembre 2017 (Cass. civ. 3, 9 novembre 2017, n° 16-22.445, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A1366WYA).

En l'espèce, les locataires faisaient grief à l'arrêt du 14 avril 2016 de rejeter leur demande de restitution des provisions sur charges réglées au bailleur (organisme HLM), au titre des années 2007 à 2014. En vain. La Haute juridiction approuve la cour ayant exactement retenu que l'obligation de régularisation annuelle des charges n'était assortie d'aucune sanction et que le bailleur pouvait en justifier à tout moment dans la limite du délai de prescription. Aussi, selon la Haute juridiction, la cour d'appel, qui avait relevé que la bailleresse avait produit les justificatifs des charges assortis des clés de répartition et que les locataires avaient été en mesure, lors des deux expertises successivement ordonnées, de soumettre contradictoirement l'ensemble de leurs critiques à l'expert qui avait repris toutes les données dans un tableau de synthèse année par année, en avait déduit, à bon droit, sans priver les locataires de leur droit à un procès équitable, qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner le remboursement intégral des provisions.

En revanche, la Cour suprême censure l'autre arrêt attaqué, rendu le 16 mai 2013, en ce qu'il déclarait prescrites les demandes des locataires visant les charges payées antérieurement au 3 novembre 2007. Selon la Cour régulatrice, il résulte de la combinaison de l'article 68 de la loi du 1er septembre 1948 (N° Lexbase : L4772AGT), ensemble les articles L. 442-6 du Code de la construction et de l'habitation (N° Lexbase : L7739LCM) et 2224 du Code civil (N° Lexbase : L7184IAC), que l'action en répétition des charges indûment perçues par le bailleur se prescrit par trois ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; et d'ajouter que ce jour est celui de la régularisation des charges, qui seule permet au preneur de déterminer l'existence d'un indu, et non celui du versement de la provision. Aussi, en retenant, pour déclarer prescrites les demandes des locataires, que le point de départ de la prescription était la date de paiement des provisions indues et non la date de régularisation des charges, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

newsid:461145

Concurrence

[Brèves] Rupture d'une relation commerciale : justification par la crise du secteur d'activité

Réf. : Cass. com., 8 novembre 2017, n° 16-15.285, F-P+B+I (N° Lexbase : A8839WXN)

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N1127BXZ

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par Vincent Téchené

Le 16 Novembre 2017

La baisse de commandes passées par un distributeur auprès de son fournisseur qui est due à la crise du secteur d'activité n'engage pas la responsabilité du premier à l'égard du second pour rupture brutale de relation commerciale (C. com., art. L. 442-6, I, 5° N° Lexbase : L7575LB8). Tel est le sens d'un arrêt rendu le 8 novembre 2017 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation (Cass. com., 8 novembre 2017, n° 16-15.285, F-P+B+I N° Lexbase : A8839WXN).

En l'espèce, une société (le distributeur) qui commercialise des chemises, a confié, à partir de l'année 2000, la maîtrise d'oeuvre de chemises fabriquées au Bangladesh à une société (le fournisseur), moyennant le règlement de commissions calculées en fonction du volume des commandes. Reprochant au distributeur d'avoir diminué le volume de ses commandes à partir de l'année 2008, le fournisseur l'a assigné en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale d'une relation commerciale établie et agissements parasitaires. La cour d'appel a rejeté ces demandes (CA Paris, Pôle 5, 5ème ch., 11 février 2016, n° 14/18391 N° Lexbase : A9139PKP).

Saisie d'un pourvoi, la Cour de cassation le rejette et confirme la décision des juges du fond. En premier lieu, après avoir constaté que le distributeur n'avait pris aucun engagement de volume envers son partenaire, l'arrêt d'appel relève qu'il a souffert d'une baisse de chiffre d'affaires d'un peu plus de 15 % du fait de la situation conjoncturelle affectant le marché du textile, baisse qu'il n'a pu que répercuter sur ses commandes dans la mesure où un donneur d'ordre ne peut être contraint de maintenir un niveau d'activité auprès de son sous-traitant lorsque le marché lui-même diminue. Dans le même temps, il a proposé une aide financière au fournisseur pour faire face à la baisse de ses commissions, démontrant sa volonté de poursuivre leur relation commerciale. Ainsi, la cour d'appel a pu retenir que la baisse des commandes, inhérente à un marché en crise, n'engageait pas la responsabilité du distributeur.

En second lieu, après avoir relevé que le fournisseur avait annoncé le 5 janvier 2010 qu'il augmentait le coût unitaire des chemises au motif que la baisse des commandes entraînait une augmentation de ses coûts de production, l'arrêt constate que le distributeur lui a répondu le 6 janvier 2010 qu'il ne lui était plus possible de lui commander des chemises par suite de cette augmentation. Faisant ainsi ressortir que la situation observée en 2010 était, elle aussi, une conséquence de la crise du secteur d'activité et de l'économie nouvelle de la relation commerciale qui en était résultée, la cour d'appel a légalement justifié sa décision.

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Contrats administratifs

[Brèves] Facturation de la fourniture d'eau potable au tarif applicable à la catégorie d'usagers correspondante : application aux effets futurs des contrats conclus avant le 1er janvier 2008

Réf. : Cass. civ. 1, 8 novembre 2017, n° 16-18.859 (N° Lexbase : A9865WXN)

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N1124BXW

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par Yann Le Foll

Le 16 Novembre 2017

La loi n° 2006-1772 du 30 décembre 2006, sur l'eau et les milieux aquatiques (N° Lexbase : L9269HTH), enjoint expressément aux communes de mettre fin, à compter du 1er janvier 2008, aux stipulations contraires à l'obligation de facturation de la fourniture d'eau qu'elle édicte, de sorte qu'elle s'applique aux effets futurs des contrats conclus antérieurement à son entrée en vigueur. Ainsi statue la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 8 novembre 2017 (Cass. civ. 1, 8 novembre 2017, n° 16-18.859 N° Lexbase : A9865WXN).

Selon l'article L. 2224-12-1 du Code général des collectivités territoriales (N° Lexbase : L6329IWC) créé par la loi de 2006, toute fourniture d'eau potable, quel qu'en soit le bénéficiaire, fait l'objet d'une facturation au tarif applicable à la catégorie d'usagers correspondante. Les collectivités mentionnées à l'article L. 2224-12 (N° Lexbase : L3870HWA) sont tenues de mettre fin, avant le 1er janvier 2008, à toute disposition ou stipulation contraire. La Cour suprême en tire la solution précitée.

newsid:461124

Délégation de service public

[Brèves] Passation d'une concession de transports : possibilité pour l'autorité délégante de modifier en cours de route le déroulement de la procédure

Réf. : CE 2° et 7° ch.-r., 8 novembre 2017, n° 412859 (N° Lexbase : A9863WXL)

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N1146BXQ

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par Yann Le Foll

Le 16 Novembre 2017

Il est possible pour l'autorité délégante de modifier en cours de route le déroulement d'une procédure de passation d'une concession de transports. Ainsi statue le Conseil d'Etat dans un arrêt rendu le 8 novembre 2007 (CE 2° et 7° ch.-r., 8 novembre 2017, n° 412859 N° Lexbase : A9863WXL).

En l'espèce, la divulgation à l'un des candidats de documents se rapportant à l'offre d'un concurrent était de nature à nuire à la concurrence entre les opérateurs et, dans les circonstances de l'espèce, à porter irrémédiablement atteinte à l'égalité entre les candidats, dans le cadre de la procédure en cours mais aussi dans le cadre d'une nouvelle procédure dans l'hypothèse où la procédure de passation aurait dû être recommencée.

En outre, à la date où les documents ont été divulgués par erreur à la société retenue par la métropole pour figer l'état des offres, les négociations avaient donné lieu à de nombreux échanges entre la métropole et les candidats qui avaient disposé d'un délai suffisant, et strictement identique, pour présenter leurs offres : huit réunions, dont une séance de présentation de l'offre initiale aux élus et aux services de la métropole, trois réunions plénières de négociations et quatre journées d'ateliers thématiques, ainsi que de nombreux échanges écrits.

Le Conseil d'Etat admet donc la régularité de la procédure en cause, en relevant les circonstances très particulières de cette affaire.

newsid:461146

Discrimination et harcèlement

[Jurisprudence] Taille minimale exigée ! Sur l'apparence physique et la discrimination

Réf. : CJUE, 18 octobre 2017, aff. C-409/16 (N° Lexbase : A0212WWR)

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N1166BXH

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par Patrice Adam, Professeur à l'Université de Lorraine

Le 16 Novembre 2017

Peut-on faire d'une taille physique minimale une condition d'accès à une école de police ? C'est, en substance, la question posée à la Cour de justice de l'Union européenne par le Conseil d'Etat grec dans le cadre d'un renvoi préjudiciel. Dans cette affaire, la candidature de la plaignante au concours d'entrée de l'école de police avait fait l'objet d'un rejet immédiat, au seul motif que mesurant 1m68, elle n'atteignait pas la taille minimale requise (1m70, non chaussé) par la réglementation nationale (un décret présidentiel) pour ce type de concours. Trop petite pour intégrer les forces de police, mais assez grande pour agir en justice, la candidate malheureuse saisit le juge grec d'une demande d'annulation de l'acte administratif de refus. La cour administrative d'appel d'Athènes lui donne raison en jugeant que la disposition litigieuse est contraire au principe constitutionnel de l'égalité des sexes. Appel est alors formé par deux ministres devant le Conseil d'Etat. Ce dernier pose au juge de Luxembourg une question préjudicielle portant sur l'interprétation de diverses directives relatives à la mise en oeuvre du principe de l'égalité des chances ou/et de l'égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d'emploi et de travail (1). De cette question, il convient ici de livrer exacte reproduction : la disposition du décret présidentiel "qui prévoit que les candidats civils au concours d'entrée aux écoles des officiers et agents de l'académie de police doivent, parmi d'autres exigences, mesurer (hommes et femmes) au minimum 1,70 m, est-il conforme aux dispositions des Directives 76/207 (N° Lexbase : L9232AUH), 2002/73 (N° Lexbase : L9630A4G) et 2006/54 (N° Lexbase : L4210HK7), qui interdisent toute discrimination indirecte fondée sur le sexe en ce qui concerne l'accès à l'emploi, à la formation et à la promotion professionnelles, et les conditions de travail dans le secteur public [à moins que la différence de traitement qui en résulte ainsi en fait se justifie par des facteurs objectifs et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe et qu'elle ne dépasse pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but poursuivi par la mesure] ?". La réponse du juge de l'Union, le 18 octobre 2017, apparaît de structure fort classique, en ce qu'elle s'articule autour de deux "temps". Le premier : la règle nationale n'est, en principe, pas conforme au droit de l'Union dès lors qu'elle désavantage un nombre beaucoup plus élevé de personnes de sexe féminin par rapport à des personnes de sexe masculin (I). Mais pareille règlementation peut cependant se voir délivrer "certificat de conformité unioniste" si elle est propre ou nécessaire à la réalisation de l'objectif légitime qu'elle poursuit (II).
Résumé

La Directive 76/207 du 9 février 1976 doit être interprétée en ce sens qu'elle s'oppose à une règlementation d'un Etat membre subordonnant l'admission des candidats à un concours administratif, à une exigence de taille physique minimale, dès lors que cette règlementation désavantage un nombre beaucoup plus élevé de personnes de sexe féminin par rapport à des personnes de sexe masculin et que ladite règlementation n'apparaît ni propre ni nécessaire à la réalisation de l'objectif légitime qu'elle poursuit, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier.

Commentaire

I - Du caractère discriminatoire de la "taille"

Nul ne l'ignore : l'égalité entre les hommes et les femmes est, de longue date (depuis les origines) (2), une préoccupation "communautaire" (3). Préoccupation qui s'est muée en principe fondamental du droit de l'Union européenne (4). Les articles 21 et 23 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne en livrent désormais hiératique expression. Il incombe ainsi à l'Union de promouvoir l'égalité entre les femmes et les hommes (TUE, art. 3 N° Lexbase : L2130IPL ; TFUE, art. 8 N° Lexbase : L2731IPT) et de "combattre toute discrimination fondée sur le sexe" (TFUE, art. 10 N° Lexbase : L2396IPG) (5). Et de fait, l'exigence d'égalité entre les femmes et les hommes a donné lieu à une soutenue activité normative de l'Union (6).

C'est l'interprétation de la Directive 76/207 du 9 février 1976 qui est l'objet de l'arrêt de la CJUE ici rapporté. En effet, comme le relève le juge de Luxembourg, les actes administratifs contestés par la candidate évincée ont été adoptés au cours de l'année 2007. Or, le délai de transposition de l'importante Directive "refonte" 2006-54 (7) expirant seulement le 15 août 2008 (art. 33, al. 1er), les dispositions de ce texte n'étaient pas applicables au présent litige. Par ailleurs, le même texte prévoit que la Directive 76/207 est abrogée avec effet au 15 août 2009. Il en résulte donc bien que les dispositions applicables au litige sont celles de la Directive de 1976. Reste que la solution n'aurait pas été différente, les données normatives pertinents étant similaires, si la Directive "refonte" avait été applicable.

La question préjudicielle posée par le juge grec met en discussion la "conformité unioniste" de la législation hellénique au regard de la notion de "discrimination indirecte" (A). Mais il n'est pas inimaginable qu'un employeur privé souhaite également faire de la "taille du salarié" un critère de sélection des candidats à l'emploi. Le droit français du travail permet d'aborder le problème sous l'angle, cette fois, de la discrimination directe (B).

A - La caractérisation de la discrimination indirecte

L'article 2), 1 de la Directive 76/207 dispose que "le principe de l'égalité de traitement [...] implique l'absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l'état matrimonial ou familial". Et l'article 2), 2 de définir la discrimination indirecte comme "la situation dans laquelle une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre désavantagerait particulièrement des personnes d'un sexe par rapport à des personnes de l'autre sexe, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour parvenir à ce but soient appropriés et nécessaires". Son article 3 confère un champ d'application fort large au dispositif européen anti-discrimination puisqu'il vise "les secteurs public ou privé, y compris les organismes publics" en ce qui concerne, entre autres les conditions d'accès à l'emploi, "y compris les critères de sélection et les conditions de recrutement, quelle que soit la branche d'activité et à tous les niveaux de la hiérarchie professionnelle" (8).

Il ne faisait donc aucun doute, en contemplation de ce dernier texte, que les règles attachées au concours administratif en cause dans l'affaire grecque (celui de l'entrée à l'école de police) étaient bel et bien soumises à l'empire/l'emprise de la Directive de 1976. D'abord parce que le secteur public ne lui échappe point. Ensuite, parce que la règle contestée concerne, sans aucun doute, une "condition d'accès à l'emploi" puisqu'elle permet d'écarter le dossier de candidature de ceux qui ne remplissent pas la condition de taille minimum qu'elle pose (9).

Il était tout aussi incontestable que la règlementation grecque ne constituait pas une discrimination directe (au sens de la Directive de 1976). La condition de taille minimale s'imposait aux femmes comme aux hommes, sans distinction. Pour le dire comme la Cour, "cette règlementation traite de manière identique, quel que soit leur sexe, les personnes présentant leur candidature au concours d'entrée à l'école de police" (point 28). Quid de la discrimination indirecte ? Pareille discrimination est caractérisée lorsque "l'application d'une mesure nationale, bien que formulée de façon neutre, désavantage en fait un nombre beaucoup plus élevé de femmes que d'hommes" (10). Il convient de prendre mesure exacte, dans l'affaire qui nous occupe, de la formule ainsi ciselée.

Ce n'est pas parce que les femmes sont, en moyenne, plus petites que les hommes que la discrimination indirecte peut être retenue. En effet, constater que la taille moyenne des hommes est supérieure à celle des femmes n'implique pas en soi, logiquement, que le nombre de femmes dont la taille est inférieure à 1m70 est significativement plus important que celui des hommes n'atteignant pas cette barre. La différence de distribution des courbes de tailles (entre les hommes et les femmes) peut apparaître uniquement au-delà de cette taille minimale. Pour caractériser une discrimination indirecte, il est indispensable d'établir qu'un "nombre considérablement plus élevé de femmes que d'hommes" (11) ont une taille inférieure à la taille utilisée comme référence par la norme contestée. C'est bien dans cette perspective que s'inscrit l'arrêt commenté. On y lit en effet qu'il est établi -ce qu'a constaté la juridiction de renvoi elle-même- "qu'un nombre beaucoup plus élevé de femmes que d'hommes ont une taille inférieure à 1,70 m, de telle sorte que, en application de cette règlementation, celles-ci seraient très nettement désavantagées par rapport à ces derniers en ce qui concerne l'admission au concours d'entrée aux écoles des officiers et agents de la police hellénique" (point 32). Ce faisant, la qualification de discrimination indirecte s'impose.

B - Du côté du droit français du travail

1 - What is beautiful is good !

La solution adoptée par la CJUE trouve évidemment à s'appliquer dans le secteur public comme dans le secteur privé. Une question : la notion de discrimination directe ne pourrait-elle pas être retenue par le juge du contrat de travail sur le fondement de l'article L. 1132-1 du Code du travail (N° Lexbase : L0682H97), lorsque l'employeur a motivé telle ou telle de ses décisions (principalement d'embauche) par la taille du candidat à l'emploi (ou du salarié) (12) ? L'article L. 1132-1 vise explicitement "l'apparence physique" au titre des motifs prohibés de décision. La taille du candidat à l'emploi n'est-elle pas partie intégrante de cette "apparence physique" ?

L'apparence désigne l'aspect sous laquelle un individu apparaît à la vue d'autrui (Larousse.fr). "L'apparence physique" renvoie ainsi à l'image du "corps" (par opposition au psychique), à ses caractères (caractéristiques) visibles ou perceptibles. De cette notion, il semble cependant possible d'avoir une acception plus ou moins large. Au sens strict, "l'apparence physique" désigne l'apparence corporelle de l'individu, ses caractéristiques (traits) naturelles (la couleur des yeux, la forme du nez (13)...). Dans une acception plus large, elle englobe également les éléments artificiels (maquillage, vêtements, bijoux...) qui donnent du corps une certaine représentation. Et l'on sait tout le poids de l'apparence physique (au sens large) dans le jeu social et principalement dans les relations de travail (et d'embauche). "Les premières analyses des avantages que peut procurer dans le milieu professionnel une apparence physique séduisante sont le fait de chercheurs anglo-saxons et remontent aux années 1970" (14). Tout cela est aujourd'hui bien documenté en psychosociologie et en économie. "Les mécanismes d'attribution et d'attente conduisent à porter un jugement globalement positif et indulgent sur la personnalité et les comportements des individus beaux, ce qui confère à ces individus un statut social particulier. Ils sont jugés comme détenteurs de plus de qualités sociales, relationnelles (charisme, capacités de communication, force de persuasion...), mais aussi intellectuelles que les autres : c'est l'association d'attributs de personnalité favorables à la beauté qui fonde ce stéréotype énoncé par K. Dion dans les années 1970 : Ce qui est beau est bon'" (15). Etre recruté suppose souvent d'avoir le "physique de l'emploi" ! (16) Comme l'a souligné le Défenseur des droits, dans son rapport annuel d'activé 2016 (p. 97), "quinze ans après son introduction dans la loi et alors que la jurisprudence est encore rare, le critère de l'apparence physique apparaît bien comme un critère qui a pleinement sa place parmi les motifs de discrimination juridiquement prohibés".

2 - What is small is bad

La taille de l'individu est, il est difficile de le nier, un élément relevant de l'apparence physique de l'individu, puisqu'elle n'est rien d'autre que la dimension en hauteur du corps humain. Elle en est un élément naturel. Tout corps humain, même nu, privé de tout artifice social, à une taille. Taille dont il apparaît qu'elle est souvent corrélée avec les destins professionnels. "Deux chercheurs, Timothy Judge, professeur de gestion à l'université de Notre-Dame (Indiana), et Daniel Cable, professeur à l'université de Caroline du Nord, enfoncent le clou : en moyenne, une personne qui mesure 30 cm de plus qu'une autre, du même sexe, gagne environ 600 euros de plus par an !" (17). En droit français du travail, le verdict parait sans appel : faire de la taille du candidat à l'emploi (ou du salarié) un critère de décision tombe sous le coup de l'interdiction des discriminations (directes) en raison de l'apparence physique.

II - La justification de la discrimination

Dans l'affaire grecque, la discrimination indirecte est caractérisée (cf. supra). Pour autant, la règlementation nationale en cause peut ne pas constituer une discrimination (indirecte) interdite par la Directive de 1976 si elle est objectivement justifiée par un but légitime et si les moyens pour parvenir à ce but sont appropriés et nécessaires (article 2, paragraphe 2). On retrouve ici la classique faculté de justification des discriminations indirectes. Justification dont il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si elle existe ou non. Reste que le juge unioniste ne s'en reconnaît pas moins, traditionnellement (18), compétence pour donner des indications de nature à permettre à cette juridiction de statuer. Dans son arrêt du 18 octobre 2017, la CJUE ne s'écarte pas de cette "doctrine" (point n° 34) (A). En droit français du travail, la question de l'éventuelle justification de la "discrimination directe" emprunte évidemment un autre chemin (B).

A - De la justification de la discrimination indirecte

Pour faire échapper la discrimination indirecte préalablement caractérisée au "statut" de discrimination prohibée par le droit de l'Union, la justification mise en avant par le gouvernement hellénique doit donc passer un double point de contrôle. Le premier porte sur la légitimité de l'objectif poursuivi, à travers sa réglementation, par l'Etat membre (1) ; le second, sur la proportionnalité des moyens utilisés pour atteindre cet objectif (2).

1 - Objectif légitime

En l'espèce, le gouvernement grec arguait que la règlementation contestée avait "pour but de permettre l'accomplissement effectif de la mission de la police hellénique et que la possession de certaines aptitudes physiques particulières, telles qu'une taille physique minimale, constituait une condition nécessaire et appropriée pour atteindre ce but" (point n° 35).

Premier point de contrôle, la légitimité du but poursuivi. On peut être, croyons-nous, sur ce point, relativement bref. Il a déjà été jugé, comme le rappelle la Cour (point n° 36), que le souci d'assurer le caractère opérationnel et le bon fonctionnement des services de police constitue un objectif légitime. Rendu sur le fondement d'une autre Directive (Directive 2000/78/CE du 27 novembre 2000, portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail N° Lexbase : L3822AU4), la solution parait pleinement transposable dans le champ couvert par la Directive 76/207 du 9 février 1976. La chose est entendue ; on n'y insistera pas.

2 - Contrôle de proportionnalité

Second point de contrôle, plus délicat, l'adéquation des moyens mis en oeuvre pour atteindre le but visé. Immédiatement vient à l'esprit, et le juge de Luxembourg le souligne fort-à-propos, que "s'il est vrai que l'exercice de fonctions de police concernant la protection des personnes et des biens, l'arrestation et la surveillance des auteurs de faits délictueux ainsi que les patrouilles préventives peut exiger l'utilisation de la force physique et impliquer une aptitude physique particulière, il n'en demeure pas moins que certaines fonctions de police, telles que l'assistance aux citoyens ou la régulation de la circulation, ne nécessitent apparemment pas un engagement physique important" (point n° 38). Toutes les fonctions de police ne supposent pas les mêmes capacités ! Reste, en tout état de cause, que l'argument du gouvernement grec repose sur un très contestable présupposé : les aptitudes physiques (force, endurance...) d'un individu seraient liées à sa taille. En dessous d'une certaine taille, il n'aurait ainsi pas les aptitudes suffisantes pour exercer le métier de policier. Présupposé qui laisse tout de même fort septique. Sur quelle(s) "base(s)" (scientifique(s)) déterminer cette fameuse taille minimum à partir de laquelle les aptitudes du candidat deviendraient trop faibles ? On les cherchera en vain. Et d'ailleurs, la plaignante se plaisait à souligner, montrant l'incohérence des seuils retenus, "que, s'agissant des forces armées, de la police portuaire et de la garde côtière grecques, des tailles minimales différentes sont exigées pour les hommes et pour les femmes et que, en ce qui concerne ces dernières, la taille minimale est de 1,60 m'apparaissent également pertinentes" (point n° 41).

Mais se poser cette question c'est déjà, en réalité, supposer qu'il existe un lien entre les capacités physiques d'un individu et sa taille. Supposition plus que douteuse... Dire que les personnes d'1m68 sont moins "fortes", moins "résistantes" (physiquement ou mentalement), moins rapides, moins agiles, que celles d'1m72, est proprement ridicule. La Cour ne dit pas autre chose lorsqu'elle remarque, qu'il "n'apparaît pas qu'une telle aptitude soit nécessairement liée à la possession d'une taille physique minimale et que les personnes d'une taille inférieure en soient naturellement dépourvues". A tout le moins, faudrait-il que ce lien puisse être étayé par des recherches scientifiques dont on suppute très fortement que le gouvernement grec ne trouvera pas trace ! Du caractère et des compétences des femmes et des hommes, la taille ne dit rien. "Tu n'es pas seulement un lâche, tu es un traître, comme ta petite taille le laissait deviner". La formule de l'espion français Hubert Bonisseur de la Bath est seulement une drôle réplique de cinéma (19).

Par ailleurs, sur le terrain du contrôle de nécessité de la mesure nationale contestée, la Cour souligne, avec force, que "l'objectif poursuivi par la règlementation en cause au principal pourrait être atteint par des mesures moins désavantageuses pour les personnes de sexe féminin, telles qu'une présélection des candidats au concours d'entrée aux écoles des officiers et agents de police fondée sur des épreuves spécifiques permettant de vérifier leurs capacités physiques" (point n° 42).

Et le juge de l'Union, finalement, de conclure que "les dispositions de la Directive 76/207/CEE [...] doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à une règlementation d'un Etat membre, telle que celle en cause au principal, subordonnant l'admission des candidats au concours d'entrée à l'école de police de cet Etat membre, quel que soit leur sexe, à une exigence de taille physique minimale de 1,70 m, dès lors que cette réglementation désavantage un nombre beaucoup plus élevé de personnes de sexe féminin par rapport à des personnes de sexe masculin et que ladite règlementation n'apparaît pas propre ni nécessaire à la réalisation de l'objectif légitime qu'elle poursuit, ce qu'il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier".

B - De la justification de la discrimination directe

Opérons un bref retour, pour conclure, sur les terres du droit du travail français. La décision patronale fondée sur la taille du candidat à l'emploi ou du salarié relève, nous l'avons dit (cf. supra), de la catégorie "discrimination directe" (cf. supra). Or, "l'article L. 1132-1 ne fait pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée" (C. trav., art. L. 1133-1) (20). Dans son arrêt "liberté religieuse" du 14 mars 2017 (CJUE, 14 mars 2017, aff. C-188/15 N° Lexbase : A4830T3B), la CJUE a réaffirmé que la notion d'"exigence professionnelle essentielle et déterminante", "renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d'exercice de l'activité professionnelle en cause". C'est dire qu'en matière de prise en compte de l'apparence physique, et singulièrement de prise en compte de la taille du salarié, la porte de la justification n'est pas totalement fermée, mais que l'on voit mal, à la lumière des observations précédentes, dans quelle situations concrètes il sera possible de l'ouvrir...


(1) Directive 76/207/CEE du 9 février 1976 (N° Lexbase : L9232AUH), modifié par la Directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002 (N° Lexbase : L9630A4G) ; Directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 (N° Lexbase : L4210HK7).
(2) L. Allart, L'interdiction des discriminations fondées sur le sexe, outil de promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes dans l'ordre juridique de l'Union européenne, Revue de l'Union européenne, 2015, 547.
(3) Le 7 mars 2011 (cinq ans après l'adoption d'un premier pacte européen sur le sujet), le Conseil de l'Union européenne avait adopté le Pacte européen pour l'égalité entre les hommes et les femmes (2011-2020) dans lequel il réaffirmait, sans ambages, que l'égalité entre les hommes et les femmes est une valeur fondamentale de l'Union européenne et que les politiques d'égalité entre les sexes sont essentielles à la croissance économique, à la prospérité et à la compétitivité.
(4) CJCE, 15 juin 1978, aff. C-149/77 (N° Lexbase : A7239AHL ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E5344EX9), point 27 : l'élimination des discriminations fondées sur le sexe en un droit fondamental de la personne faisant partie des principes généraux du droit communautaire ; CJCE, 10 février 2000, aff. C-50/96 (N° Lexbase : A1945AWX), point 57.
(5) Par ailleurs, en vue de réaliser les objectifs de politiques sociales qui lui incombe, "l'Union soutient et complète l'action des Etats membres [en matière] d'égalité entre hommes et femmes en ce qui concerne leurs chances sur le marché du travail et le traitement dans le travail" (TFUE, art. 153 N° Lexbase : L2455IPM).
(6) "Le Parlement européen et le Conseil, statuant selon la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social, adoptent des mesures visant à assurer l'application du principe de l'égalité des chances et de l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière d'emploi et de travail, y compris le principe de l'égalité des rémunérations pour un même travail ou un travail de même valeur" (TFUE, art. 157 N° Lexbase : L2459IPQ).
(7) Sur cette Directive, v. M.-T. Lanquetin, L'égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière d'emploi et de travail [A propos de la directive "refonte" 2006/54/CE du 5 juillet 2006], Dr. soc., 2007, p. 861.
(8) CJUE, 17 juillet 2014, aff. C-173/13 (N° Lexbase : A4746MUC), AJDA, 2014, 1519 (pour une discrimination indirecte à l'égard des hommes).
(9) La CJUE ne dit pas autre chose (CJUE, 18 octobre 2017, aff. C-409/16 N° Lexbase : A0212WWR, point 25 ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E5344EX9) : "en prévoyant que les personnes mesurant moins de 1,70 m ne peuvent pas être admises au concours d'entrée à l'école de police grecque, la règlementation en cause au principal affecte les conditions de recrutement de ces travailleurs et doit, dès lors, être considérée comme établissant des règles en matière d'accès à l'emploi dans le secteur public, au sens de l'article 3".
(10) CJUE, 2 octobre 1997, aff. C-100/95 (N° Lexbase : A9795AUC) ; CJUE, 20 juin 2013, aff. C-7/12 (N° Lexbase : A7919KGE ; cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0194ETD).
(11) CJCE, 23 octobre 2003, aff. C-4/02 et C-5/02 (N° Lexbase : A9760C9D), D., 2003, p. 2802.
(12) La question peut également se poser pour les fonctionnaires sur le fondement de l'article 6, alinéa 2 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires ([LXb=L6938AG3]). L'alinéa 3 du même texte prévoit, il est vrai, que "toutefois des distinctions peuvent être faites afin de tenir compte d'éventuelles inaptitudes physiques à exercer certaines fonctions". La taille peut-elle caractérisée une telle inaptitude ? On ne le croit pas...
(13) Native ou "travaillée" par les accidents de la vie...
(14) H. Garnier-Moyer, Le poids de l'apparence physique dans la décision d'embauche, Le journal des psychologues, 2008/4, n° 257, p. 80.
(15) Ibidem : "Une grande partie des recherches présentées conclut donc que l'apparence a un impact réel sur la décision d'embauche, mais la force de cet impact est fonction du sexe du candidat et du type de poste à pourvoir".
(16) "A partir d'une enquête menée en 2014 auprès de 1 000 demandeurs d'emploi, les résultats mettent en évidence la place importante qu'occupe, dans les recrutements, la conformité des candidats aux normes socialement admises, tant pour les codes vestimentaires, plus facilement modifiables, que pour les caractéristiques physiques, pourtant inaltérables. Avoir un style ou une corpulence 'hors normes' constitue ainsi des inconvénients majeurs pour être embauché et peut inciter les employeurs à questionner les candidats sur leur apparence lors des entretiens d'embauche [...]" (Défenseur des droits, rapport annuel d'activité, 2016, p. 97).
(17) A. Kahn, En entreprise, physique et taille jouent sur l'embauche et les rémunérations, Le Monde, 3 décembre 2012.
(18) CJCE, 10 mars 2005, aff. C-196/02 (N° Lexbase : A3858DHD ; cf. l’Ouvrage Droit du travail N° Lexbase : E2598ETE).
(19) OSS 117 Le Caire : nid d'espions (réalisé par Michel Hazanavicius, 2006).
(20) En droit de l'Union : est justifiée la limite d'âge fixée à 30 ans pour l'accès au corps des pompiers professionnels (CJUE, 12 janvier 2010, aff. C-88/08 N° Lexbase : A2798EIH, RDT, 2010, p. 237, note M. Schmitt) ; V. aussi, pour certaines fonctions militaires : CJCE, 26 octobre 1999, aff. C-273/97 (N° Lexbase : A0518AW4).

Décision

CJUE, 18 octobre 2017, aff. C-409/16 (N° Lexbase : A0212WWR)

Renvoi préjudiciel (Conseil d'Etat de Grèce)

Textes : Directive 76/207/CEE du 9 février 1976 (N° Lexbase : L9232AUH), modifié par la Directive 2002/73/CE du 23 septembre 2002 (N° Lexbase : L9630A4G) ; Directive 2006/54/CE du 5 juillet 2006 (N° Lexbase : L4210HK7).

Mots clé : égalité de traitement entre hommes et femmes ; discrimination fondée sur le sexe ; discrimination indirecte ; taille physique minimale ; concours administratif (école de police).

Lien base : (N° Lexbase : E5344EX9).

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Fiscalité des entreprises

[Jurisprudence] Absence de présomption irréfragable d'abus de droit fondée sur l'article 150-0 B

Réf. : CE 10° et 9° ch.-r., 22 septembre 2017, n° 412408, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A7392WSL)

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N1233BXX

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par Jean-Marie Garinot, Maître de conférences à l'Université de Bourgogne (CREDIMI) et Avocat au barreau de Paris

Le 16 Novembre 2017

Selon le Conseil d'Etat, l'article 150-0 B du CGI (N° Lexbase : L3216LC4) ne pose aucune présomption irréfragable d'abus de droit dès lors que la jurisprudence autorisait, avant même l'introduction de l'article 150-0 B ter (N° Lexbase : L3209LCT), le réinvestissement dans une activité économique du prix de cession de titres précédemment apportés à une société soumise à l'IS (CE 10° et 9° ch.-r., 22 septembre 2017, n° 412408, mentionné aux tables du recueil Lebon). L'arrêt rendu le 22 septembre 2017 montre que la question de l'apport de titres suivi de leur cession continue d'alimenter le contentieux. Il ressort de la décision de première instance (1) que le contribuable avait créé une société dont il était seul associé avant de lui apporter les titres d'une seconde société. La plus-value d'apport réalisée à cette occasion fut placée sous le régime du sursis d'imposition prévu par l'article 150-0 B du CGI. Le jour même de l'apport, l'assemblée générale de la seconde société décida une réduction de capital non motivée par des pertes et réalisée par le rachat de ses propres actions à une valeur identique à celle retenue lors de l'apport. Le prix fut payé à la première société au moyen de SICAV monétaire.

On rappellera que l'article 150-0 B (dont la rédaction n'a, sur ce point, pas changé à ce jour) prévoit que les règles d'imposition des plus-values constatées à l'occasion des cessions de titres ne sont pas applicables en cas d'apport de ces mêmes titres à des sociétés soumises à l'IS. Dans cette hypothèse, l'article 150-0 D (N° Lexbase : L3043LCP) prévoit l'imposition de plein droit des plus-values effectivement réalisées l'année de la cession des titres reçus lors de l'échange.

Ce dispositif ayant pour effet de différer l'imposition vise à faciliter la restructuration des groupes de sociétés et les échanges de titres, en évitant au contribuable d'être imposé sur une plus-value alors qu'il n'a pas perçu les liquidités lui permettant de payer l'impôt. Il résulte en outre des travaux préparatoires que ce mécanisme a également vocation à favoriser les réinvestissements de produits de cession de titres dans des activités économiques.

En l'espèce, l'administration a entendu remettre en cause les opérations passées sur le fondement de l'abus de droit et, plus précisément, de la fraude à la loi. Le contribuable soutenait, quant à lui, que faute d'appréhension effective du prix de cession des titres (celui-ci étant versé à la société bénéficiaire de l'apport), aucun avantage fiscal n'avait été retiré de l'opération. Ces arguments n'ont pas convaincu le tribunal administratif de Paris, qui a jugé que l'abus de droit caractérisé.

Frappée d'appel, la décision de première instance est soumise à la cour administrative d'appel de Paris (2), à laquelle le contribuable a demandé de transmettre au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité fondée sur l'égalité de l'impôt.

Selon la haute juridiction, l'article 150-0 B du CGI ne méconnaît pas le principe d'égalité devant l'impôt et n'institue pas une présomption irréfragable d'abus de droit (I). L'argument tiré de la violation de la Directive "fusions" (N° Lexbase : L7670AUM), dont l'article 8 prévoit la neutralité fiscale de ces opérations, n'a pas davantage prospéré (II).

I - Absence de présomption irréfragable d'abus de droit fondée sur l'article 150-0 B

Les règles d'imposition des plus-values de cession et d'opérations assimilées sont fixées par l'article 150-0 A du CGI (N° Lexbase : L3207LCR) et, comme le précise l'article 150-0 B, ces règles ne sont pas applicables aux fusions, scissions et opérations assimilées, ni aux apports de titres à des sociétés soumises à l'IS. Bien connue, l'opération d'apport-cession permet donc d'échapper à l'imposition immédiate de la plus-value d'apport et, lorsque la cession des titres apportés est réalisée à bref délai, aucune plus-value n'est constatée lors de cette seconde opération. Appliqué de manière littérale, cet article permet donc de céder des titres sans imposition immédiate de la plus-value puisque le contribuable reste détenteur des titres reçus en échange de l'apport, tandis que la société bénéficiaire du même apport appréhende le prix de cession. Tel était d'ailleurs le cas en l'espèce.

On sait que le Conseil d'Etat a eu l'occasion de juger, dans ses arrêts "Bazire" et "Bauchart" (3), que le grief d'abus de droit devait être écarté lorsque le produit de cession des titres apportés était réinvesti dans des activités économiques (par opposition à des activités purement patrimoniales). Dans la présente affaire, le prix de cession n'avait, semble-t-il, pas été réinvesti et le contribuable faisait valoir que cette différence de traitement méconnaissait l'égalité devant l'impôt.

Sans surprise, ce raisonnement n'est pas accueilli par le Conseil d'Etat qui rappelle que le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que le législateur traite différemment des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, en lien direct avec l'objet de la loi établissant cette inégalité.

Plus précisément, le Conseil d'Etat se fonde sur les travaux préparatoires pour rechercher les intentions du législateur quant au mécanisme de sursis d'imposition prévu par l'article 150-0 B du CGI. Ainsi, le législateur aurait entendu favoriser les restructurations d'entreprises en plaçant en sursis d'imposition la plus-value réalisée à l'occasion d'une opération ne dégageant pas de liquidités. Dans cette optique, lorsque le prix de cession est réinvesti dans une autre activité économique, l'objectif du législateur serait satisfait. A l'inverse, faute de réinvestissement, l'apport des titres suivi de leur cession pourrait être regardé comme une opération à but exclusivement fiscal puisqu'il conduirait à différer dans le temps le paiement de l'impôt.

De tout cela, le Conseil d'Etat conclut à l'absence d'une présomption irréfragable d'abus de droit en cas d'apport-cession. Sur ce point, la décision soumis à notre examen paraît devoir être approuvée dans la mesure où le réinvestissement du prix de cession faisant échapper l'opération à la qualification d'abus de droit, celle-ci n'est à l'évidence pas automatique.

En revanche, on peut douter que la volonté du législateur soit de faciliter les restructurations d'entreprises. En effet, le régime de l'article 150-0 B ne paraît pas réservé aux sociétés hébergeant des activités économiques et rien n'interdit, en apparence, qu'il s'applique aux titres de sociétés patrimoniales. En réalité, le véritable objectif du législateur semble être de différer la taxation de plus-values constatées à l'occasion d'opérations ne dégageant pas de liquidités pour l'apporteur. Dans cette optique, et comme le soutenait d'ailleurs le contribuable dans la présente espèce, il convient de ne pas perdre de vue que le prix de cession est versé à la société bénéficiaire de l'apport et non à l'apporteur lui-même. On peut donc douter que celui-ci en dispose de manière effective...

Quoi qu'il en soit, le mécanisme de l'apport-cession est aujourd'hui codifié par l'article 150-0 B ter du CGI, qui oblige bel et bien la société bénéficiaire de l'apport à réinvestir le prix de cession dans une activité économique ; les activités patrimoniales demeurant exclues du dispositif.

II - Absence de contrariété à la Directive "fusions"

Le requérant soutenait également que l'article 150-0 B du CGI découle de la Directive "fusions" dont l'article 8 précise qu'aucune imposition au titre du revenu, des bénéfices ou des plus-values, ne sera appliquée sur la tête de l'associé en cas de fusion, de scission ou d'échange d'actions. Néanmoins, l'article 11 de cette même Directive permet à chaque Etat membre d'en refuser l'application en cas d'opération ayant pour objectif principal la fraude ou l'évasion fiscale.

Fort logiquement, le Conseil d'Etat en déduit que la Directive n'interdit pas aux Etats membres de considérer que le fait d'interposer une société en vue d'appréhender les liquidités générées par la cession caractérise une opération ayant pour objectif principal la fraude ou l'évasion fiscales. Il n'est donc guère surprenant que ce dernier argument ait également été rejeté par la Haute juridiction administrative.


(1) TA Paris, 4 février 2016, n° 1400260 (N° Lexbase : A0036R8T).
(2) CAA Paris, 8 juillet 2016, n° 16PA01157 (N° Lexbase : A2485SIU).
(3) CE 3° et 8° s-s-r., 8 octobre 2010, n° 313139, mentionné aux tables du recueil Lebon (N° Lexbase : A3503GBD) et n° 301934, inédit au recueil Lebon (N° Lexbase : A3490GBU).

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Procédure pénale

[Brèves] Loyauté de la preuve : admissibilité de l'enregistrement réalisé par la victime et transmis ensuite aux enquêteurs

Réf. : Ass. plén., 10 novembre 2017, n° 17-82.028, P+B+R+I (N° Lexbase : A1541WYQ)

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N1156BX4

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par Edmond Coulot

Le 23 Novembre 2017

La victime est libre de procéder à l'enregistrement des preuves des faits qu'elle allègue, et est libre de remettre ces enregistrements aux enquêteurs, dès lors que ces derniers n'ont pas eu de rôle actif. Par un arrêt d'Assemblée plénière du 10 novembre 2017, ( Ass. plén., 10 novembre 2017, n° 17-82.028, P+B+R+I N° Lexbase : A1541WYQ) la Cour de cassation vient confirmer une décision de la chambre de l'instruction, venant se positionner à rebours d'une première décision de la Chambre criminelle dans ce dossier, en date du 20 septembre 2016 (Cass. crim., 20 septembre 2016, n° 16-80.820, FS-P+B N° Lexbase : A0010R47).

Dans cette affaire, deux auteurs d'un livre sur un souverain étranger ont été poursuivis pour des faits de chantage et d'extorsion de fonds, ayant proposé de renoncer à leur ouvrage contre une somme d'argent. Le représentant du souverain a enregistré plusieurs de ses rendez-vous avec les auteurs, alors sous surveillances policières, et a joint ces enregistrements à sa plainte. Ces derniers ont été retranscrits sur procès-verbal par les enquêteurs.

Les prévenus ont d'abord saisi la chambre de l'instruction, en demandant l'annulation des enregistrements, en estimant que la collecte de ces preuves avait en réalité été organisée par les enquêteurs, et qu'elle constituait donc des preuves déloyales. Leur demande avait été rejetée par la chambre de l'instruction. Ils ont donc saisi la Cour de cassation, qui leur a donné raison en annulant la décision de la chambre de l'instruction, dans un arrêt du 20 septembre 2016. L'affaire ayant été renvoyée devant la chambre de l'instruction, celle-ci a, à nouveau, considéré que ces enregistrements constituaient des preuves admissibles. Les prévenus se sont donc une nouvelle fois pourvu en cassation.

Ils évoquent à nouveau devant la Cour le caractère déloyal de ces enregistrements, arguant qu'ils résulteraient en réalité d'une collusion entre le représentant du souverain et les enquêteurs. Mais la Cour de cassation constate qu'il apparaît comme légitime que la victime d'une infraction tente de collecter des preuves de son existence, à titre personnel, et que le fait qu'une telle collecte ait été faite dans des lieux placés sous surveillance policière ne prouve aucune collusion entre la victime et les enquêteurs, ces derniers ayant eu un comportement passif, laissant se produire l'infraction sans la provoquer.

La Cour rejette donc le pourvoi (cf. l’Ouvrage "Procédure pénale" N° Lexbase : E1785EUN).

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Propriété intellectuelle

[Jurisprudence] Contrefaçon de droit d'auteur sur internet et compétence territoriale : qui trop (cyber)embrasse, mal indemnise...

Réf. : Cass. civ. 1, 18 octobre 2017, n° 16-10.428, F-P+B (N° Lexbase : A4544WW9)

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N1163BXD

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par Fabienne Fajgenbaum et Thibault Lachacinski, Avocats à la cour

Le 16 Novembre 2017

L'accessibilité, dans le ressort de la juridiction saisie, d'un site internet diffusant un spot publicitaire argué de contrefaçon suffit à retenir la compétence de cette juridiction, prise comme celle du lieu de la matérialisation du dommage allégué, pour connaître de l'atteinte portée aux droits d'auteur revendiqués par le demandeur. Les juridictions françaises peuvent donc valablement statuer sur des actes argués de contrefaçon, quand bien même ceux-ci ont été commis sur des sites internet ne visant pas le public français. Tel est l'enseignement d'un arrêt de la Cour de cassation rendu le 18 octobre 2017 au visa de l'article 46 du Code de procédure civile ((N° Lexbase : L1210H4L) -destiné à une publication au Bulletin d'information-, dans la droite ligne de l'arrêt "Pez Hedjuk" de la Cour de justice de l'Union européenne. En perpétuelle évolution, le droit se doit d'accompagner les mutations de la société. C'est bien souvent aux juridictions saisies de ces nouvelles problématiques qu'est tout d'abord dévolue la mission d'adapter des concepts juridiques parfois rétifs à ces nouveaux objets du droit ; la réponse normative n'intervient quant à elle que dans un second temps, le plus souvent pour consacrer dans les textes les solutions apportées par les juges.

L'avènement d'internet a ainsi représenté un véritable défi pour les juristes. Alors que l'on peut faire remonter son essor à plus de vingt ans, certaines réponses juridiques n'ont été définitivement fixées par la jurisprudence que très récemment. Tel est notamment le cas de la problématique, pourtant primordiale, de la détermination du for délictuel en matière d'atteintes commises sur internet. La cyber-contrefaçon, puisqu'il faut l'appeler par son nom, oppose en effet au raisonnement classique une difficulté de taille : son ubiquité. Internet étant par définition accessible en tout lieu disposant d'une connexion, les atteintes sont susceptibles de se matérialiser partout à travers le monde. Pour autant, ce constat ne justifie certainement pas que les juridictions de n'importe quel Etat se déclarent compétentes pour connaître de litiges de propriété intellectuelle en lien avec internet. Dès lors, quel critère de compétence territoriale retenir pour des atteintes portées via un medium par nature transfrontalier et dématérialisé ?

La jurisprudence communautaire construit peu à peu une jurisprudence complète au gré des questions préjudicielles qui lui sont posées, par la Cour de cassation française notamment (I). Rapidement, ces enseignements sont ensuite intégrés au droit positif national, ainsi que l'arrêt rendu le 18 octobre 2017 par la première chambre civile en apporte une nouvelle illustration (II). La consécration en droit interne du critère de l'accessibilité ne doit pas faire oublier que les juridictions saisies ne sont alors compétentes que pour connaître du dommage subi dans leur ressort (III).

I - L'accessibilité, critère communautaire de détermination du for spécial en matière d'atteintes en ligne à des droits d'auteur

A - Sur la notion de "lieu de matérialisation du dommage" en droit communautaire

En matière d'actions engagées sur le fondement de la responsabilité délictuelle, les articles 2 et 5.3 du Règlement nº 44/2001, concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale (N° Lexbase : L7541A8S) (1), organisent une option au bénéfice des demandeurs : saisir la juridiction de l'Etat dans le ressort duquel est situé le domicile du défendeur ou, de manière alternative, saisir les juridictions dans le ressort desquelles est situé "le lieu où le fait dommageable s'est produit ou risque de se produire".

La compétence de principe revient naturellement au for du défendeur, la juridiction saisie pouvant alors statuer sur l'intégralité du préjudice allégué. Toutefois, cette compétence ne recueille pas nécessairement les faveurs des demandeurs qui, par inclination naturelle, préfèrent plaider à domicile. Dans ce contexte, la compétence spéciale (donc d'interprétation stricte (2)) du for du lieu du fait dommageable présente des attraits réels, permettant d'agir, au choix, devant les tribunaux du lieu de l'événement causal ou les tribunaux du lieu de la matérialisation du dommage.

La juridiction du lieu de l'événement causal à l'origine du dommage bénéficie d'une compétence pour l'ensemble du dommage subi (3). S'agissant de l'usage de la marque d'autrui dans le cadre d'un service de référencement Adword, la Cour de Justice a retenu la compétence du lieu d'établissement de l'annonceur, entendu comme le lieu du "déclenchement du processus technique d'affichage" (4). En pratique, ce for concorde toutefois le plus souvent avec le for de principe en faveur des juridictions du domicile du défendeur. Pour cette raison, il ne présente qu'un intérêt limité pour les victimes alléguées d'actes de contrefaçon de marque sur internet.

Sans surprise, c'est dès lors davantage la notion de "lieu de matérialisation du dommage" causé sur internet qui a cristallisé les débats juridiques. A cet égard, il est admis que le risque qu'un dommage se matérialise dans un Etat membre déterminé est nécessairement subordonné à ce que le droit dont la violation est alléguée soit protégé dans cet Etat membre (5). En revanche, la Cour de justice rappelle régulièrement que le lieu de la matérialisation du dommage peut varier en fonction de la nature du droit prétendument violé (6).

Ainsi, en cas d'atteinte aux droits de la personnalité commise au moyen d'un contenu mis en ligne, la victime peut introduire une action en responsabilité devant les juridictions de chaque Etat membre sur le territoire duquel ledit contenu est accessible ou l'a été (7). Toutefois, la juridiction saisie n'est alors compétente que pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de son Etat. A titre alternatif, le demandeur peut donc avoir tout intérêt à saisir les juridictions de l'Etat membre dans lequel se trouve le "centre de ses intérêts", lesquelles pourront alors statuer sur l'intégralité du dommage causé. Cette option spécifique aux droits de la personnalité s'inscrit ainsi dans une volonté de bonne administration de la justice et d'organisation utile du procès. Dans la majorité des cas, le centre des intérêts de la victime correspondra au forum actoris, c'est-à-dire son lieu de résidence habituelle.

A l'inverse des droits de la personnalité qui sont protégés dans tous les Etats membres, la protection du droit des marques est intimement liée à la notion de territorialité : la marque n'est opposable aux tiers que dans les limites du territoire de l'Etat membre qui l'a enregistrée. Pour cette raison, la Cour de justice a retenu la compétence spéciale des juridictions de l'Etat membre d'enregistrement de la marque, entendu comme le for du lieu de la matérialisation du dommage. Les juges communautaires ont en effet estimé, à raison, que ces juridictions sont les mieux à même d'évaluer s'il est effectivement porté atteinte au droit en cause (8).

B - Sur le critère d'accessibilité retenu pour les droits d'auteur

Qu'en est-il en matière d'atteinte aux droits patrimoniaux d'auteur sur internet ? La question a longtemps fait l'objet d'intenses débats en doctrine, comme en jurisprudence. Comme nous l'avons vu, la compétence pour connaître d'une action en matière délictuelle ou quasi-délictuelle est établie, au profit de la juridiction saisie, dès lors que l'Etat membre sur le territoire duquel se trouve cette juridiction protège les droits patrimoniaux dont le demandeur se prévaut et que le dommage allégué risque de se matérialiser dans le ressort de la juridiction saisie. S'agissant de la condition de la protection, elle est remplie sans difficulté dans la mesure où les droits patrimoniaux d'auteur doivent être protégés de manière automatique dans tous les Etats membres, ainsi que cela résulte notamment de la Directive 2001/29 du 22 mai 2001, sur l'harmonisation de certains aspects du droit d'auteur et des droits voisins dans la société de l'information (N° Lexbase : L8089AU7) (9).

Aux termes de son arrêt "Pinckney" du 3 octobre 2013, la CJUE a dit pour droit que la simple accessibilité d'un site internet permet de retenir la compétence juridictionnelle de l'Etat membre, le risque d'un dommage découlant de la possibilité de se procurer, au moyen d'un site internet accessible dans le ressort de la juridiction saisie, une reproduction de l'oeuvre protégée (10). Toutefois, conformément aux enseignements de l'arrêt "Fiona Shevill" (11), la juridiction saisie n'est alors compétente que pour connaître du seul dommage causé sur le territoire de l'Etat membre dont elle relève, les juridictions des autres Etats membre restant mieux placées pour apprécier et évaluer l'atteinte alléguée sur leurs territoires respectifs.

Pour justifier le recours à la notion d'accessibilité, la Cour de justice invoque un argument principalement textuel, rappelant que l'article 5.3 du Règlement ne pose nullement comme condition que l'activité en cause soit "dirigée vers" l'Etat membre de la juridiction saisie (12) ; à l'inverse, en matière de consommation, l'article 15.1c du Règlement comporte bien cette exigence. Le critère dit de "focalisation" ou de "ciblage," un temps privilégié par les juridictions françaises, serait donc incompatible avec les textes communautaires. Surtout, se démarquant de la position exprimée par son Avocat général Niilo Jaaskinen (13), la Cour de justice manifeste son souhait de privilégier un critère de rattachement simple, plutôt que d'avoir à procéder une analyse factuelle basée sur un faisceau d'indices (langue du site, monnaie utilisée, lieu de livraison etc.) relevant en réalité d'un examen au fond (14).

L'affaire "Pinckney" ayant trait à une espèce particulière (commercialisation de supports matériels contrefaisants par le biais d'internet), se posait toutefois la question de savoir si son enseignement pouvait être appliqué mutatis mutandis aux atteintes directement perpétrées en ligne, par la diffusion d'oeuvres protégées (streaming, mise en ligne de photographies etc.). En effet, comment déterminer le "lieu de matérialisation du dommage" pour une oeuvre qui, par définition, est dématérialisée c'est-à-dire accessible dans n'importe quel pays ? L'avocat général Cruz Villalon (15) n'avait pas manqué de soulever ce paradoxe en présence d'un dommage ainsi qualifié de "délocalisé". Dans cette hypothèse particulière, il avait donc suggéré de renoncer purement et simplement au for du dommage.

Telle n'est pas la solution retenue par la Cour de justice aux termes d'un arrêt "Pez Hedjuk" rendu le 22 janvier 2015 (16). Au contraire, la Cour décide de généraliser l'application du critère unifié de l'accessibilité à l'ensemble des atteintes aux droits patrimoniaux d'auteur perpétrées sur internet, y compris en l'absence de supports matériels ; cette appréciation doit d'ailleurs tout aussi bien prévaloir pour les droits voisins du droit d'auteur. Ce faisant, la Cour de justice donne raison à la Cour de cassation française qui, exactement un an plus tôt (le 22 janvier 2014), avait déjà fait application du critère d'accessibilité dans une affaire ayant trait à la mise en ligne non autorisée d'un documentaire sur internet (17).

Reste à savoir si la solution retenue pour les droits patrimoniaux d'auteur sera étendue aux droits moraux. Certes, les droits moraux sont par leur nature plus proches des droits de la personnalité. Pour autant, ne conviendrait-il pas de faire prévaloir une approche pragmatique en privilégiant un critère de compétence (l'accessibilité) unifié en droit d'auteur ? Or, un même acte emporte bien souvent tant violation des droits patrimoniaux que des droits moraux. Il paraît dès lors préférable de permettre à la victime d'obtenir réparation de son préjudice sans lui imposer de saisir différentes juridictions (18). Tel semble en tout cas être le sens d'un autre arrêt rendu le 22 janvier 2014 par la Cour de cassation, ayant indistinctement retenu le critère de l'accessibilité pour des demandes formulées tant au titre des prérogatives patrimoniales qu'extrapatrimoniales du droit d'auteur (19).

II - Sur la consécration des enseignements communautaires en droit positif français

La Cour de cassation française, qui avait transmis à la Cour de justice les questions préjudicielles à l'origine de l'affaire "Pinckney", en a naturellement repris la solution aux termes d'un important arrêt du 22 janvier 2014, publié au Bulletin (20). Le même jour, la première chambre civile a par ailleurs rendu deux autres décisions (non publiées au Bulletin) dans le même sens, aux termes desquelles elle a censuré des cours d'appel qui avaient écarté la compétence des juridictions françaises au motif que le public français n'était pas visé par les diffusions internet en cause.

Ce faisant, la Haute juridiction française a définitivement écarté le critère dit de la "focalisation", qui avait jusqu'alors majoritairement prévalu, exigeant donc la démonstration d'un "lien suffisant, substantiel ou significatif" (21). En clair : peu importe qu'un site internet vise le public français ou même qu'il soit actif, pourvu qu'il soit accessible depuis le territoire français.

Les juges du fond ont majoritairement pris acte de ce revirement de jurisprudence, accueillant leur compétence chaque fois que l'accessibilité depuis le territoire français des sites internet en cause pouvait être établie (22).

De façon isolée, l'action intentée par l'association Théâtre Royal de Luxe à l'encontre des filiales françaises de Coca-Cola a pourtant été jugée irrecevable par le juge des référés (23), puis par la cour d'appel de Paris (24). Le litige portait sur la création, par ces dernières, d'un spot publicitaire pour la boisson Coca-Cola diffusé dans divers pays et censé reprendre les caractéristiques principales d'un spectacle mettant en scène des personnages de sept à douze mètres de hauteur, déambulant selon une chorégraphie particulière dans les rues d'une ville sur lequel l'association revendiquait des droits d'auteur. Après avoir relevé "à titre préalable" que la demanderesse avait fait le choix de ne pas saisir le juge des référés de la juridiction du siège social des défenderesses (domiciliés dans le ressort du tribunal de grande instance de Nanterre), ces décisions ont procédé à une analyse des éléments de preuve qui leur étaient soumis pour en déduire que les vidéos diffusées à l'étranger n'étaient pas à destination du public français. En d'autres termes, l'action de l'association Théâtre Royal de Luxe ne remplirait pas le critère de la "focalisation".

Cette apparente absence de conformité avec les enseignements de l'affaire "Pez Hedjuk" pourrait s'expliquer par une différence de fondement textuel. En effet, si les juges communautaires ont fait application des dispositions du Règlement nº 44/2001, le litige dont étaient saisies les juridictions françaises mettait exclusivement en présence des sociétés françaises, justifiant donc qu'il soit fait application de l'article 46 du Code de procédure civile (25).

La première chambre civile a cassé l'arrêt de la cour d'appel de Paris au motif que "l'accessibilité, dans le ressort de la juridiction saisie, d'un site Internet diffusant le spot publicitaire litigieux suffit à retenir la compétence de cette juridiction, prise comme celle du lieu de la matérialisation du dommage allégué". Rappelons que les dispositions de l'article 46 précité sont très similaires à celles de l'article 5.3 du Règlement (devenu l'article 7.2 du Règlement "Bruxelles I bis" du 12 décembre 2012). Il aurait donc été contraire au principe de sécurité juridique que des situations juridiques identiques donnent lieu à une solution différente au seul motif que la nationalité des parties aurait été différentes, entraînant la mise en oeuvre de dispositions distinctes.

D'ailleurs, il est intéressant de constater que, au visa de ce même article 46 du Code de procédure civile, l'un des trois arrêts rendus le 22 janvier 2014 par la Cour de cassation avait déjà eu l'occasion d'étendre la solution retenue par l'arrêt "Pinckney" hors du champ d'application du droit communautaire (26). De manière générale, l'on constate que la Cour de cassation n'hésite pas à adopter une interprétation extensive de cette jurisprudence communautaire, ayant de même transposé le critère d'accessibilité retenu en matière d'atteinte sur internet à l'audiovisuel et jugé que la simple réception d'un programme télévisuel "par voie hertzienne" en France suffit à retenir la compétence des juridictions françaises (27). Nous l'avons vu, la Cour de cassation a adopté une démarche similaire en matière de droits moraux.

Enfin, l'article 46 du Code de procédure civile permet également de retenir la compétence territoriale des juridictions françaises dans des litiges franco-français. En effet, la jurisprudence rappelle que, quand bien même des atteintes auraient pu être commises sur d'autres parties du territoire français, les juges du fond sont valablement saisis d'un litige dès lors qu'est rapportée la preuve que le site internet vecteur de la contrefaçon est accessible depuis leur ressort de compétence (28). Pour l'ensemble de ces raisons, l'arrêt du 18 octobre 2017 nous semble devoir être approuvé.

III - Qui trop embrasse, mal étreint ou le retour du critère de la "focalisation" au stade du préjudice

Le choix de retenir le critère uniforme de l'accessibilité s'agissant des atteintes en ligne aux droits d'auteur présente incontestablement l'avantage de la simplicité. Corrélativement, il emporte toutefois quelques inconvénients, parmi lesquels celui de favoriser un certain forum shopping, il est vrai peu compatible avec l'objectif de prévisibilité et de bonne administration de la justice poursuivi par le Règlement nº 44/2001. Se voyant offrir l'opportunité de saisir les juridictions de n'importe lequel des Etats membres, le demandeur se trouve incité à privilégier in fine celles dont la pratique indemnitaire pourrait lui sembler la plus généreuse.

Pour autant, faut-il craindre des actions de pure opportunité devant un for artificiellement sélectionné ? Certainement pas, compte tenu du garde-fou que constitue la compétence limitée reconnue au juge du for de la matérialisation du dommage ; celui-ci ne peut en effet indemniser que le préjudice subi sur son territoire. Ainsi, si le critère de l'accessibilité permettra le plus souvent au demandeur de passer avec succès l'obstacle de la compétence territoriale, il ne le dispensera pas d'avoir à établir la responsabilité du défendeur (s'agissant notamment de la question de l'imputabilité) et de justifier de la réalité du préjudice subi dans le for de la juridiction saisie.

En pratique, la victime des atteintes en ligne aura donc tout naturellement intérêt à se diriger vers le for du pays où le préjudice est le plus important ; encore n'obtiendra-t-il pas alors une réparation intégrale de son préjudice puisque les atteintes subies à l'étranger ne seront pas prises en compte. On le constate, l'application du critère de l'accessibilité n'offre pas les mêmes avantages que celui du "centre des intérêts" retenu en matière d'atteinte aux droits de la personnalité et qui confrère une compétence globale au juge ainsi désigné pour se prononcer sur l'intégralité du préjudice.

Alors que les procédures judiciaires sont potentiellement coûteuses et par nature aléatoires, les plaideurs ne doivent pas se dispenser de procéder à une analyse du public concrètement visé par les actes litigieux. A défaut, ils s'exposent à n'obtenir qu'une réparation symbolique ou, pire, à être tout bonnement déboutés pour absence de préjudice.

Ce dernier cas de figure n'est pas simplement hypothétique, ainsi que l'illustre un jugement rendu le 2 mars 2017 par le tribunal de grande instance de Paris (29). Après avoir retenu sa compétence territoriale du fait de la diffusion d'articles sur un site internet à destination exclusive du public espagnol (édité par une société espagnole, intégralement rédigé en espagnol et uniquement accessible à partir d'une adresse URL comportant une extension ".es"), le tribunal a en effet décidé "d'examiner prioritairement la réalité du préjudice subi en France [...], son inexistence privant d'objet le débat sur la titularité". Or, en l'absence de la démonstration d'un lien de rattachement avec la France et d'un préjudice subi en France, le demandeur s'est finalement vu opposer un rejet pur et simple de ses demandes. Ou comment la notion de focalisation, bannie de l'appréciation de la compétence territoriale, refait surface au stade de l'examen au fond. Chacun appréciera...

En définitive, si la jurisprudence "Pez Hedjuk" facilite grandement l'accès aux juridictions, il n'en allège pas pour autant la charge de la preuve de l'existence d'un préjudice et ne permet pas de sauver une action mal fondée. Autrement dit, nous assistons simplement à un déplacement du débat judiciaire... "Qui trop embrasse, mal étreint".


(1) Devenu l'article 7.2 du Règlement n° 2015/2012 "Bruxelles I bis" du 12 décembre 2012 (N° Lexbase : L9189IUU).
(2) CJUE, 3 octobre 2013, aff. C-170/12, point 25 (N° Lexbase : A1786KM4).
(3) Analysant l'événement causal, cf. CJUE, 16 mai 2013, aff. C-228/11 (N° Lexbase : A3202KDX).
(4) CJUE, 19 avril 2012, aff. C-523/10, points 34 et 37 (N° Lexbase : A0988IKS) ; le critère de "processus technique d'affichage" a également été retenu dans CJUE, 22 janvier 2015, aff. C-441/13, point 24 (N° Lexbase : A6841M9A).
(5) CJUE, 3 octobre 2013, aff. C-170/12, préc., point 33.
(6) CJUE, 19 avril 2012, aff. C-523/10, préc., points 21 à 24.
(7) CJUE, 25 octobre 2010, aff. C-509/09, point 52.
(8) CJUE, 19 avril 2012, aff. C-523/10, préc., points 25, 27 à 29 (objectifs de prévisibilité et de bonne administration de la justice).
(9) CJUE, 3 octobre 2013, aff. C-170/12, préc., point 39.
(10) CJUE, 3 octobre 2013, aff. C-170/12, préc., points 43 et 44.
(11) CJCE, 7 mars 1995, aff. C-68/93, point 30 (N° Lexbase : A0139AW3).
(12) CJUE, 3 octobre 2013, aff. C-170/12, préc., points 40 à 42 ; dans le même sens, CJUE, 22 janvier 2015, aff. C-441/13, préc., points 32 et 33.
(13) Conclusions de l'Avocat général présentées le 13 juin 2013, aff. C-170/12, Points 64 à 68 ("Je précise que le critère de l'accessibilité, qui consiste à considérer qu'un dommage potentiel survient dans tous les lieux depuis lesquels le site en question peut être consulté, me semble devoir être écarté. En effet, un tel point de rattachement encouragerait le forum shopping", Point 68).
(14) CJUE, 3 octobre 2013, aff. C-170/12, préc., point 40 ; de même dans l'Affaire "Wintersteigner" précitée (CJUE, 19 avril 2012, aff. C-523/10), la Cour de justice n'avait pas suivi l'analyse de l'Avocat général Cruz Villalon (16 février 212) appelant de ses voeux un examen des faits pour apprécier l'existence d'un risque réel d'atteinte (points 26 à 31).
(15) Conclusions de l'Avocat général présentées le 11 septembre 2014, aff. C-441/13, Points 44 et 45.
(16) CJUE, 22 janvier 2015, aff. C-441/13, préc..
(17) Cass. civ., 1, 22 janvier 2014, n° 11-24.019, F-D (N° Lexbase : A9917MCB).
(18) Cf sur cette question, Propriétés Intellectuelles, janvier 2014, n° 50, p. 96, A. Lucas ; CCE, 2013, chronique 1, n° 3, M.-E. Ancel.
(19) Cass. civ. 1, 22 janvier 2014, n° 11-26.822, préc..
(20) Cass. civ. 1, 22 janvier 2014, n° 10-15.890, FS-P+B+I (N° Lexbase : A9855KZZ).
(21) CA Paris, 4ème ch., 26 avril 2006, n° 05/05038 (N° Lexbase : A7221DP7) : "considérant que, sauf à vouloir conférer systématiquement, dès lors que les faits ou actes incriminés ont eu pour support technique le réseau internet, une compétence territoriale aux juridictions françaises, il convient de rechercher et de caractériser, dans chaque cas particulier, un lien suffisant, substantiel ou significatif, entre ces faits ou actes et le dommage allégué" ; cf. également, CA Paris, Pôle 5, 1ère ch., 16 octobre 2013, n° 12/02520 (N° Lexbase : A8967KM3) et en matière pénale : Cass. crim., 9 septembre 2007, n° 07-87.281, F-D (N° Lexbase : A7370EA9) et Cass. crim., 14 décembre 2010, n° 10-80.088, F-D (N° Lexbase : A9889GPX) ; ayant en revanche consacré le critère dit de la "localisation" : Cass. civ. 1, 9 décembre 2003, n° 01-03.225, FS-P+B (N° Lexbase : A4178DAY), arrêt dit "Cristal Roederer".
(22) CA Bordeaux, 14 mars 2017, n° 16/00424 (N° Lexbase : A0594T77) ; CA Nancy, 28 novembre 2016, n° 14/00920 (N° Lexbase : A5531SN8, sur renvoi après la cassation prononcée par l'arrêt du 22 janvier 2014 précité) ; TGI Paris, 14 octobre 2016, n° 15/16203 (N° Lexbase : A2647SCZ) ; CA Versailles, 7 janvier 2016, n° 14/10195 ; TGI Paris, 3ème ch., 10 juillet 2015, n° 13/16205 (N° Lexbase : A3111NPW) ; TGI Paris, 3ème ch., 19 décembre 2014, n° 14/01985 (N° Lexbase : A6481NAB) ; CA Paris, Pôle 5, 2ème ch.,28 mars 2014, n° 13/19067 (N° Lexbase : A0039MIB).
(23) TGI Paris, 24 janvier 2014, n° 13/59406 (N° Lexbase : A0595MKA).
(24) CA Paris, Pôle 1, 2ème ch., 22 octobre 2015, n° 13/59406 (N° Lexbase : A8143NTR).
(25) "Le demandeur peut saisir à son choix, outre la juridiction du lieu où demeure le défendeur : [...] en matière délictuelle, la juridiction du lieu du fait dommageable ou celle dans le ressort de laquelle le dommage a été subi [...]".
(26) Cass. civ. 1, 22 janvier 2014, n° 11-26.822, préc..
(27) Cass. civ. 1, 22 janvier 2014, n° 11-26.822, préc. et Cass. civ. 1, 22 janvier 2014, n° 11-24.019, préc..
(28) TGI Paris, 17 mars 2017, n° 17/51979 (N° Lexbase : A0958WGL) ; TGI Paris, 3ème ch. ord. JME, 5 février 2016, n° 15/00418 (N° Lexbase : A9772PK7) ; CA Bordeaux, 10 septembre 2015, n° 15/00452 (N° Lexbase : A7742NN3) ; TGI Paris, 3ème ch., ord. JME, 19 décembre 2014, n° 14/07866 (N° Lexbase : A6487NAI).
(29) TGI Paris, 3ème ch., 2 mars 2017, n° 15/13888 (N° Lexbase : A3706T3N).

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Rémunération

[Brèves] Condition d'octroi et fixation du montant de l'indemnité au titre de l'occupation du domicile à des fins professionnelles

Réf. : Cass. soc., 8 novembre 2017, n° 16-18.499, FS-P+B (N° Lexbase : A8332WYA)

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N1205BXW

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par Charlotte Moronval

Le 16 Novembre 2017

Le salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l'occupation de son domicile à des fins professionnelles dès lors qu'un local professionnel n'est pas mis effectivement à sa disposition. Les juges du fond apprécient souverainement l'importance de la sujétion pour fixer le montant de l'indemnité dès lors que l'occupation du logement à des fins professionnelles résultant du stockage du matériel professionnel ne varie ni en fonction du temps de travail effectif ni en raison de l'utilisation des heures de délégation. Telle est la solution dégagée par la Chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt rendu le 8 novembre 2017 (Cass. soc., 8 novembre 2017, n° 16-18.499, FS-P+B N° Lexbase : A8332WYA ; voir également Cass. soc., 12 décembre 2012, n° 11-20.502, FS-P+B N° Lexbase : A1167IZA).

Dans cette affaire, des salariés itinérants d'une société, exerçant les fonctions de visiteurs médicaux ou de délégués pharmaceutiques, ont saisi la juridiction prud'homale de demandes d'indemnisation au titre de l'occupation d'une partie de leur logement personnel à des fins professionnelles.

La cour d'appel (CA Paris, Pôle 6, 9ème ch., 13 avril 2016, six arrêts dont n° 13/06556 N° Lexbase : A6049RCZ) fait droit aux demandes des salariés. L'employeur forme un pourvoi en cassation.

En énonçant la règle susvisée, la Haute juridiction rejette les pourvois. Ayant, d'une part, constaté que les personnels itinérants doivent notamment gérer des commandes, préparer leurs visites et en rendre compte, actualiser leurs informations, répondre à leurs courriels, accéder aux formations obligatoires dispensées à distance, alors même qu'ils ne disposent pas de lieu au sein de l'entreprise pour accomplir ces tâches, et d'autre part, retenu, que si les intéressés peuvent exécuter certaines tâches courantes grâce à une connexion en Wifi ou au moyen d'une clé 3G leur permettant de se connecter en tout lieu, l'employeur ne peut pour autant prétendre que l'exécution par les salariés de leurs tâches administratives à domicile ne résulte que de leur seul choix, compte tenu de la diversité de ces tâches et de la nécessité de pouvoir s'y consacrer sérieusement dans de bonnes conditions, la cour d'appel a légalement justifié sa décision. Par ailleurs, la cour d'appel, appréciant souverainement l'importance de la sujétion, a fixé le montant de l'indemnité devant revenir aux salariés (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0809ET7).

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Sociétés

[Doctrine] L'administration provisoire des sociétés commerciales en Afrique : étude des droits OHADA, CEMAC, UEMOA et CIMA (première partie)

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N0992BXZ

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par Voudwe Bakreo, Docteur en droit, Chargé de cours à l'Université de Douala (Cameroun)

Le 16 Novembre 2017

Aucune société commerciale n'est à l'abri de crises (1) : crise de pouvoir (2), crise de confiance ou crise économique (3). Ces crises, qui peuvent être fatales pour la société, lorsqu'elles sont mal gérées, sont, généralement, soit le fait des organes d'administration, soit celui des associés, ou des deux à la fois. Elles peuvent être si aiguës au point de rendre impossible tout fonctionnement de la société, ou de conduire à remettre en cause l'existence de l'entité qui en est victime. C'est ce qui justifie que la vie des sociétés commerciales soit, en général, parfois très règlementée. Mais bien souvent, la réalité est toute autre : les techniques traditionnelles du droit des sociétés ne sont pas toujours efficaces. Et devant l'échec des mécanismes légaux et statutaires de résolution de ces crises, le recours à d'autres solutions s'impose (4). C'est dans ce sens qu'il faut comprendre l'institution par le législateur OHADA, à travers la réforme du droit des sociétés et du groupement d'intérêt économique du 30 janvier 2014 (Acte uniforme révisé relatif au droit des sociétés commerciales et du groupement d'intérêt économique du 30 janvier 2014 N° Lexbase : L0647LG3) (5), de l'administration provisoire (6). Il s'agit d'une technique qui permet à l'autorité compétente (7), à l'effet de régler la crise sociale qui motive sa mise oeuvre, de désigner temporairement un administrateur à la tête d'une société, en remplacement ou en assistance des organes normaux de gestion. Elle est de ce fait comparable à la situation de tout administrateur judiciaire (8). En effet, dans une acception générale les administrateurs judiciaires sont les mandataires, personnes physiques ou morales, chargés par décision de justice d'administrer les biens d'autrui ou d'exercer des fonctions d'assistance ou de surveillance dans la gestion de ces biens (9). Les tâches que comporte l'exécution de leur mandat leur incombent personnellement. Appliqué au droit des sociétés, l'administrateur provisoire pourrait être défini comme la personne désignée par l'autorité judiciaire en vue d'assurer, à titre temporaire, la gestion d'une personne morale, civile ou commerciale, et, parallèlement, de s'efforcer de résoudre la crise ayant motivé sa désignation (10). De cette définition, il résulte : que l'administrateur provisoire tient ses pouvoirs de l'autorité judiciaire et non de l'assemblée générale des actionnaires ou d'une décision collective des porteurs de parts ; que les motifs de sa désignation ne sont pas limités à l'absence ou à la carence des organes de direction, mais qu'ils peuvent trouver leur source dans toute crise sociale, quelle qu'en soit la cause ; qu'enfin, sa mission n'est pas cantonnée à la gestion temporaire de la société, mais qu'elle implique la recherche d'une solution aux difficultés particulières qui justifient sa nomination.

On voit donc que l'origine de l'administration provisoire se trouve dans les nécessités de la vie économique qui peuvent justifier une immixtion judiciaire. Cette intervention judiciaire est particulièrement accentuée dans la mesure où elle se concrétise par un dessaisissement des dirigeants sociaux. Toutefois, les juges nuancent leurs arrêts en décidant, lorsque la crise n'est pas d'une gravité particulière, de ne nommer qu'un contrôleur de gestion ou un observateur de gestion qui, ne remplaçant pas les dirigeants, sont dotés de pouvoirs moins étendus. Les magistrats peuvent même s'en tenir à la nomination d'un mandataire ad hoc, chargé d'accomplir une formalité particulière, telle la convocation d'une assemblée.

L'administrateur provisoire ainsi défini doit être distingué de l'expert de gestion (11), chargé de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion déterminées. Celui-ci est désigné à la demande d'un ou plusieurs actionnaires représentant au moins le cinquième du capital social (pour les sociétés à responsabilité limitée, les associés doivent détenir au moins un dixième du capital social). De plus, l'administrateur provisoire doit être différencié de l'expert désigné dans le cadre de l'expertise in futurum (12). Enfin, l'administrateur provisoire ne doit pas être confondu avec l'administrateur judiciaire (13). A la différence de l'administrateur provisoire, l'administrateur judiciaire est toujours d'origine légale. Par conséquent, alors que l'administrateur judiciaire intervient lorsque la société fait l'objet d'une procédure collective, l'administrateur provisoire est susceptible de faire irruption dans la société quand celle-ci est in bonis (14).

La mesure ainsi définie est prévue aux articles 160-1 et suivants qui précisent d'ailleurs que toutes les sociétés, peuvent être dotées d'un administrateur provisoire : peu importe la forme de l'entité à placer sous-main de justice.

Mais en réalité, il faut relever que ce souci de règlement de difficultés des sociétés affiché par les dispositions de l'Acte uniforme portant droit des sociétés commerciales et du GIE (AUSCGIE) révisé en 2014 ne date pas d'aujourd'hui (15). Il a toujours été une préoccupation constante dans les pays de l'OHADA (16). L'administration provisoire était déjà dans l'esprit du législateur OHADA avant 2014, même si la dénomination ou les circonstances de son intervention n'étaient pas exactement les mêmes que celles qui ont été finalement consacrées par l'AUSCGIE de 2014. Cette volonté de traitement des difficultés des sociétés existait déjà en droit des sociétés, fébrilement, notamment à travers l'expertise de gestion (17), la procédure d'alerte (18) et le mandat ad hoc. Elle l'était également en droit des procédures collectives avec le règlement préventif (19), le redressement judiciaire (20) ou la liquidation des biens (21). Toutes ces procédures conduisaient, en effet, dans la plupart des cas, à la nomination d'une personne autre que les organes de gestion mis en cause : expert de gestion, mandataire ad hoc expert du règlement préventif, syndic, juge commissaire... L'idée était donc déjà courante avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l'Acte uniforme sur le droit des sociétés commerciales et du GIE qui n'a fait que la consacrer expressément.

L'administration provisoire était même de mise et véritablement consacrée dans les sociétés du secteur public et parapublic (22). En témoignent les différents textes relatifs aux entreprises publiques à l'instar de la loi camerounaise du 22 décembre 1999 portant statut général des établissements publics et des entreprises du secteur public et parapublic, la loi burkinabé du 18 avril 1996, portant réglementation générale des sociétés à capitaux publics (23), qui consacrent, toutes, la mesure. De même, quelques textes épars de l'Union économique et monétaire ouest africain (UEMOA) (24), de la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale (CEMAC) (25) et de la (Conférence interafricaine des marchés d'assurance) CIMA (26) abordaient également la question. En effet, les législateurs communautaires de la CEMAC, de l'UEMOA, et de la CIMA ont également, très tôt, consacré cette technique de sauvetage des entreprises dans les conventions créant les commissions bancaires de ces entités (27), dans le Code CIMA, les lois cadres portant réglementation bancaire et portant réglementation des systèmes financiers décentralisés de l'UEMOA (28), ou le Règlement régissant l'activité de micro-finance dans la CEMAC (29).

Le régime juridique de l'administration provisoire était, ainsi qu'on peut le constater, diversement envisagé avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l'AUSCGIE. Mais toutes les techniques de sauvetage des entreprises notées par-ci et par-là n'avaient pas jusqu' alors fait l'objet d'une réglementation spécifique ou d'ensemble dans le cadre de l'OHADA, même si les juges ont eu de façon prétorienne à évoquer la question (30). C'est sans doute parce que ces applications disparates n'ont pas tardé à se révéler inappropriées que la consécration de l'administration provisoire par l'AUSGIE de 2014 apparaîtra comme la formule achevée de ces constructions jurisprudentielles (31) et légales en vigueur avant l'adoption de ses nouvelles dispositions.

Dès lors la question qui se posait était celle de savoir si l'AUSCGIE a procédé à une véritable harmonisation des régimes parcellaires de l'administration provisoire en vigueur avant 2014 dans l'espace OHADA ? En effet, en se référant à l'objet du Traité OHADA (N° Lexbase : L3251LGI), annoncé d'emblée dans le préambule et repris à son article 1er, on peut constater que l'OHADA et ses actes uniformes consistent en "l'harmonisation du droit des affaires dans les Etats Parties par l'élaboration et l'adoption de règles communes simples, modernes et adaptées à la situation de leurs économies". Et la technique utilisée par l'OHADA pour l'harmonisation du droit des affaires est celle de l'unification des règles matérielles (32). L'article 6 du Traité institue le Conseil des ministres des Etats parties comme organe législatif à cet effet et précise que c'est le Secrétariat permanent de l'institution qui, en concertation avec les Gouvernements de ces Etats, prépare les règles communes appelées Actes uniformes. La conséquence en est donc que l'OHADA réalise dans les matières concernées une véritable uniformisation (33) des règles en procédant à l'élaboration d'une réglementation unique, identique en tous points pour l'espace OHADA (34). L'AUSCGIE a-t-il obéi à cette règle relativement à l'administration provisoire ? A-t-il tenu compte des différentes solutions et pratiques de l'administration provisoire antérieurement consacrées soit par des textes communautaires ou nationaux, soit par la jurisprudence ?

On peut en douter. A l'évidence, le régime de l'administration provisoire de l'OHADA nouvellement consacrée se démarque de ses prédécesseurs sur plusieurs points. Ainsi peut-on noter à titre indicatif et de manière générale que, contrairement aux régimes d'administration provisoire antérieurs qui se veulent extrajudiciaires (35), celui prévu par l'AUSCGIE est une procédure essentiellement judicaire. A cette différence de nature s'ajoutent également des divergences de règles de fond qui caractérisent chaque régime.

L'avènement de l'administration provisoire version OHADA (36), avec la révision de l'AUSCGIE de 2014, ne va donc qu'accentuer la diversité des régimes juridiques de cette institution, guère à l'abri, désormais, d'un enchevêtrement juridique et d'un chevauchement des domaines de compétence des organisations existantes dans un même espace ; car d'importantes disparités existaient déjà entre les régimes juridiques de l'administration provisoire préexistants eux-mêmes (37), auxquelles s'ajoute finalement la situation créée par l'OHADA (38). Si bien que se pose avec une certaine acuité la question de l'opportunité du maintien de ces multiples régimes de l'administration provisoire et qui ne saurait être continuellement regardé sans que l'on ne cherche véritablement à lui donner un sens, à vérifier sa logique ou à identifier les véritables stratégies qu'il renferme. Ce souci devient plus envahissant lorsque l'on envisage la question sous l'angle de la compatibilité de ces régimes juridiques ainsi diversement institués.

Le risque de conflits entre les différents systèmes juridiques n'est pas simplement virtuel, il est réel eu égard à l'existence dans un même domaine de divers ordres juridiques ; du fait, entre autres, de la souplesse, voire de l'imprécision avec laquelle la sphère d'intervention de chacune des normes et des organisations qui les génèrent a été fixée (39). Un conflit de compétence peut ainsi surgir entre le régime institué par l'AUSCGIE et celui mis en place par une organisation régionale à compétence sectorielle. Ce sera le cas notamment de la CIMA. Le droit des assurances est de la compétence de la CIMA. Mais, en réalité, les sociétés d'assurance sont également régies par le droit des sociétés. Théoriquement, rien n'empêche donc au droit OHADA de s'appliquer auxdites sociétés. Mais, il serait curieux que l'OHADA intervienne dans ces domaines pour ne pas briser l'homogénéité des sources formelles de la matière et pour ne pas amputer la CIMA de ses compétences. Le risque de chevauchement entre le droit OHADA et le droit CIMA est réel : le Code CIMA détermine, par exemple, les règles de constitution, de fonctionnement, de dissolution et de liquidation des sociétés d'assurances. Dans ce cadre, les procédures de redressement et de sauvegarde des entreprises d'assurance qui ont été prévues par les articles 321 à 321-3 du Code CIMA, sont différentes de celles énoncées par l'Acte uniforme portant organisation des procédures collectives d'apurement du passif en ses articles 25 et suivants. Heureusement que le droit OHADA limite sa portée abrogatoire en précisant qu'il n'abroge pas les dispositions législatives auxquelles sont assujetties les sociétés soumises à un régime particulier (40). Mais qu'adviendra-t-il lorsque, dans le cadre d'une procédure ouverte impliquant à la fois le droit CIMA et le droit OHADA, se pose en filigrane la question du choix de la norme à appliquer ? C'est exactement en de pareils termes que se pose le problème lié à la diversité des régimes de l'administration provisoire.

Pour justifier les différents régimes particuliers des sociétés commerciales ainsi institués, plusieurs raisons ont souvent été avancées : on a parfois mis en avant l'idée selon laquelle il s'agissait des sociétés soumises à un régime particulier pour tenir compte soit de la présence d'une personne morale de droit public parmi les associés (41) (les sociétés nationales ou d'Etat, les sociétés d'économie mixte...), soit des finalités économiques particulières assignées à ces personnes morales (42) (les sociétés d'assurance, les sociétés de banque et d'assurance notamment). Mais convient-il de s'accommoder pour autant de cette pluralité au nom de ces raisons ? Y a-t-il un intérêt à laisser éparse les règles régissant l'administration provisoire ? Ne faudrait-il pas concevoir un régime unitaire ? En d'autres termes, quels sont les intérêts que présenterait l'adoption d'un régime unitaire de l'administration provisoire ?

C'est à cette série de questions que la présente étude tente de répondre de manière prosaïque. Mais, avant de formuler une réponse précise à la question de(s) l' (les) intérêt(s) qu'il y a à consacrer un régime unitaire de l'administration provisoire (II) (cf. sur la seconde partie N° Lexbase : N0993BX3), il importe au préalable de mesurer l'ampleur de la diversité des règles qui encadrent désormais cette technique de sauvetage de sociétés en difficultés (I).

I - Le constat de la diversité des régimes de l'administration provisoire

L'administration provisoire est une mesure d'application générale. Elle s'applique quasiment à toutes les sociétés commerciales et ce, qu'elles soient de droit commun ou qu'elles relèvent des régimes particuliers. Et suivant les cas, elle a fait l'objet non seulement des dispositions du CIMA, des Conventions et Règlements de la CEMAC ou de l'UEMOA, mais également de l'AUSCGIE et la jurisprudence. Cette diversité de sources de l'administration provisoire déteint forcement sur son régime juridique qui apparaît par conséquent très varié. Il en est résulté non seulement une diversité des raisons de sa mise en oeuvre (A), mais également celle des règles de la procédure qui la sous-tend (B).

A - La diversité des raisons de mise en oeuvre de l'administration provisoire

La diversité des causes d'intervention de l'administrateur provisoire est intimement liée au cycle de genèse de l'administration provisoire dans l'espace OHADA. Aux causes originaires et jurisprudentielles (1) se sont ajoutées, au gré des besoins et des spécificités de chaque type de sociétés concernées, des causes dites législatives (2).

1. Les causes dégagées par la jurisprudence

La jurisprudence (43) a, très tôt, déterminé les circonstances pouvant justifier l'intervention de l'administrateur provisoire dans les sociétés commerciales. A cet effet, elle a posé un ensemble de règles relatives aux raisons de cette intervention (44). Ces règles ont vite fait de s'imposer comme les raisons de droit commun de l'administration provisoire dans la mesure où le droit commun ne prévoyait pas encore de règles en la matière.

En vigueur dans l'espace OHADA, ces raisons se sont affirmées en plusieurs phases dont la ligne de démarcation est posée, de la même manière qu'en France, dans les termes de l'arrêt "Fruehauf" du 22 mai 1965 (45). En effet, limitée au départ aux cas de crise de pouvoir intra organique et de crise inter organique, l'administration provisoire a été par la suite utilisée en cas d'urgence (46), d'un péril en la demeure (47).

Le caractère exceptionnel de la mesure a, cependant, justifié que la jurisprudence en limite l'ouverture à deux conditions essentielles à savoir : l'atteinte au fonctionnement normal des organes sociaux et le fait que l'intérêt social soit exposé à un péril imminent (48).

La première condition traduit plusieurs situations. Ainsi, a par exemple été jugée comme une raison justifiant la nomination d'un administrateur provisoire la carence ou l'absence des organes de représentation (49). De même, il a été admis que lorsque le gérant est dans l'incapacité de rendre compte de sa gestion, de justifier de l'encaissement des loyers et de présenter tant des comptes approuvés que des procès-verbaux de l'assemblée générale, la gérance est défaillante, le fonctionnement de la société anormal, ce qui justifie la désignation d'un administrateur provisoire (50). En outre, la paralysie du conseil d'administration justifie la désignation d'un administrateur provisoire (51). Cette paralysie résulte le plus souvent de désaccords. En effet, si des administrateurs peuvent suppléer la vacance d'un siège de telle sorte que le fonctionnement de la société n'est pas affecté, il n'y a pas lieu de désigner un administrateur provisoire (52). Dès lors, un simple conflit entre administrateurs ne peut justifier la nomination d'un administrateur provisoire. La désignation de l'administrateur peut, encore, résulter du fait que la société est en proie à un blocage qui peut résulter d'une perte de confiance entre l'équipe dirigeante et l'assemblée (53). Le blocage peut également se produire dans l'hypothèse de deux blocs égaux paralysant tout processus décisionnel. Enfin, un administrateur provisoire sera également désigné si l'assemblée se trouve dans l'impossibilité de prendre une décision, ce qui résultera en particulier de l'absence de quorum, de la répartition des actions entre deux groupes antagonistes, d'une contestation concernant la propriété d'une part importante des actions, ou de la présence d'actions indivises ou litigieuses (54).

On estime, dans un autre type de relation, que la désignation d'un administrateur provisoire peut permettre de résoudre un conflit entre associés (55). On remarque, effectivement, que la désignation d'un administrateur provisoire peut être conçue comme un moyen efficace d'assurer la protection des minoritaires. Depuis la célèbre décision "Fruehauf" (56), les juges reconnaissent la possibilité de désigner un administrateur provisoire, à la demande des minoritaires, alors que la société fonctionne normalement (57). Mais, le simple dissentiment entre les associés ne saurait donner, cependant, lieu à la nomination d'un administrateur provisoire : ce cas classique de conflit social doit se dénouer selon les règles du droit des sociétés, entre autres, par la loi de la majorité. C'est la raison pour laquelle la jurisprudence exige que cette mésentente grave fasse obstacle au fonctionnement normal de la société ou la mette en péril (58).

La deuxième condition posée par la jurisprudence relative à l'atteinte à l'intérêt social (59) découle de la première concernant le fonctionnement anormal de la société : bien souvent, le fonctionnement anormal des organes sociaux est de nature à mettre en péril l'intérêt social (60). Il existe donc un lien entre ces deux conditions. Par conséquent, les juges rappellent qu'en l'absence de toute conséquence sur le fonctionnement de la société, le conflit ne peut être réglé par la désignation d'un administrateur provisoire (61).

On notera que certaines décisions font référence, non pas au péril imminent de l'intérêt social, mais à un dommage imminent (62). On peut penser que les deux notions se rejoignent, le caractère imminent du dommage menaçant de manière inéluctable l'intérêt social (63). Si la preuve est rapportée que l'intérêt social est exposé à un péril imminent, il semble bien que la jurisprudence tolère parfois qu'il s'agisse d'une condition autonome. Les conditions seraient alors alternatives et non plus cumulatives. On notera d'ailleurs que dans l'arrêt "Fruehauf" de la cour d'appel de Paris du 22 mai 1965 précité, la condition relative à l'intérêt social exposé à un péril imminent passait au premier plan : en effet, la politique sociale, sur laquelle existaient des divergences de vues, était de nature à conduire la société au dépôt de bilan.

Ces conditions jurisprudentielles ont été pendant longtemps les principales raisons de la mise sous administration provisoire des sociétés commerciales. Elles seront reprises, sur certains aspects, par des textes législatifs qui n'hésiteront pas d'ailleurs d'aller au-delà de cette oeuvre jurisprudentielle.

2. Les causes dégagées par la loi

Conscient de la nécessité de l'administration provisoire telle que mise en place par la jurisprudence, plusieurs législations africaines avaient déjà, avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions de l'AUSGIE, prévu un certain nombre de cas d'ouverture de cette mesure. Il ne s'agissait cependant pas d'une règlementation globale, les législations communautaire et nationale de l'espace OHADA préféraient faire une administration provisoire limitée à quelques entités économiques et à quelques-uns des aspects de son régime juridique seulement. C'est ce qu'ont fait la majorité des réglementations communautaires de la CEMAC, de l'UEMOA et de la CIMA ou des législations nationales relatives aux entreprises publiques.

De l'économie des textes communautaire et nationaux, il ressort que malgré le caractère exceptionnel de la mesure, les hypothèses de recours à l'administration provisoire sont nombreuses et diffèrent d'une législation à une autre.

En effet, sur le plan international, les articles 16 de l'Annexe de la Convention du 16 octobre portant création de la COBAC, 39 de la Convention du 17 janvier 1992 et 63 du Règlement CEMAC n° 1/02/CEMAC/UMAC relatif aux conditions d'exercice de l'activité de micro-finance dans la CEMAC (64), énumèrent un certain nombre d'hypothèses de désignation de l'administrateur provisoire (65). Pour l'essentiel, ces dispositions recouvrent les cas où la gestion de l'entreprise ne peut plus être assurée dans les conditions normales, les cas de démission d'office des dirigeants prononcées à titre de sanction et les cas de carence dans l'administration, la gérance ou la direction de l'établissement. Il en découle que l'administration provisoire y est perçue non seulement comme une mesure de sauvetage de l'entreprise en difficulté mais également comme une sanction, voire une mesure d'accompagnement des sanctions de la gestion inconséquente des établissements de crédit et de micro-finance.

En plus de ces causes qui viennent d'être étudiées, l'UEMOA institue une cause spécifique de constitution de l'administration provisoire dans les banques et les établissements financiers. L'article 31 de l'Annexe à la Convention du 3 avril 2007 précise que "la commission bancaire peut décider la mise sous administration provisoire d'un établissement de crédit soit : sur requête des dirigeants sociaux, lorsqu'ils estiment ne plus être en mesure d'exercer normalement leurs fonctions ; lorsqu'elle constate que la gestion ne peut plus être assurée dans des conditions normales ; lorsqu'elle a prononcé en vertu de l'article 28, la suspension ou la démission d'office des dirigeants responsables d'une infraction à la législation bancaire [...]".

Enfin, le Code CIMA institue ses propres causes d'ouverture de l'administration provisoire. Ainsi, l'article 17 (d) de ce texte pose comme principe que "pour l'exécution des sanctions prévues à l'article 17, alinéa c, la Commission propose au ministre en charge du secteur des assurances, le cas échéant, la nomination d'un a administrateur provisoire". L'administration provisoire est visée ici comme une mesure d'exécution des sanctions disciplinaire prises par la Commission Régionale de contrôle des Assurances (CRCA) à l'encontre d'assurances ou de leurs dirigeants. Par ailleurs, comme toutes les entreprises, les compagnies d'assurance peuvent être en proie à des difficultés de divers ordre et de nature à paralyser leur vie. C'est pourquoi, l'article 321 du Code CIMA prévoit quatre autres causes d'ouverture de l'administration provisoire : lorsque la situation financière de la compagnie d'assurance est telle que les intérêts des assurés et bénéficiaires de contrats sont compromis ou susceptible de l'être ; lorsque les dirigeants de la société estiment ne plus être en mesure d'exercer normalement leurs fonctions ; lorsque la gestion de l'établissement ne peut plus être assurée dans des conditions normales et ; lorsqu'a été prise une sanction de suspension ou la démission des dirigeants responsables. On le voit, pour le législateur CIMA, il n'y a pas que la mise en péril des intérêts des actionnaires qui justifie l'ouverture d'une administration provisoire. La sauvegarde des intérêts des assurés et des bénéficiaires de contrats d'assurance le justifie également.

S'agissant, enfin, de l'OHADA, il faut relever que législateur OHADA n'a pas véritablement révolutionné les raisons d'intervention de l'administration provisoire (66). Il a tout simplement procédé à la reprise, à l'article 160 (1) de l'AUSGIE, des raisons arrêtées par la jurisprudence (67) : dysfonctionnement de la société du fait des dirigeants et dysfonctionnement de la société du fait des associés notamment.

Sur le plan national, plusieurs législations des Etats de l'OHADA ont mis en place des mécanismes de recours à l'administration provisoire pour assurer le sauvetage des sociétés à capital public et des établissements publics administratifs en difficulté (68). Cette initiative a consisté en l'octroi à une autorité nationale du pouvoir de désigner un administrateur provisoire à la tête de telle ou telle entreprise publique lorsqu'une situation donnée le justifie. Pour l'essentiel, les formules dégagées, par exemple en droit camerounais et en droit gabonais, font état de l'ouverture de l'administration provisoire pour des causes de crises graves susceptibles de mettre en péril les missions d'intérêt général, l'objet social ou les objectifs sectoriels du gouvernement ou pour des nécessités de restructuration de l'entreprise (69). Ces causes seront reprises par d'autres pays avec une formulation quelque peu différente. Ainsi, en droit burkinabé peut-on relever semblables dispositions en ces termes : "en cas de difficulté graves de nature à compromettre la continuation de l'activité de la société ou de mettre en péril des intérêts des créanciers, l'Etat peut procéder à la nomination d'un administrateur provisoire" (70). Ce motif de crise grave a justifié la mise sous administration des sociétés telles que l'Office ivoirien des chargeurs (OIC) (71) ou Faso Fani (72).

Pour la seconde cause, c'est-à-dire les nécessités de restructuration de l'entreprise, l'administration provisoire est perçue comme une mesure de restructuration permettant d'assurer la transition devant conduire les entreprises vers leurs cessions. Dans bien des cas, il s'est agi de cession au privé dans le cadre des privatisations. Mais dans d'autres cas, il s'est agi de cession à l'Etat. C'est fut le cas à propos de la banque Versus Bank en Côte d'Ivoire. En effet, suite à des difficultés survenues en 2006, lesquelles ont conduit à une décote de plus d'un tiers de ses actifs, elle fut placée sous administration provisoire en 2006. A la suite de cette administration provisoire,Versus Bank fut reprise par l'Etat de Côte d'ivoire qui acquit la totalité de son capital social en 2009. C'est dans la même lancée que l'administration provisoire de la société A. au Gabon avait été ordonnée en vue "d'assurer la transition devant conduire l'entreprise vers sa cession au secteur privé". On peut également citer l'administration provisoire installée le 23 février 2005 à la Cameroon Airlines (CAMAIR) au Cameroun et dont la mission était de "veiller essentiellement à la poursuite harmonieuse du processus de restructuration-privatisation de la société, ainsi qu'à la continuité du service". Il faut citer également l'administration provisoire qui fut installée, dans le même pays, à la Campost au Cameroun en 2005 et celle mise en place dans la Société nationale des eaux du Cameroun (SNEC) mise en place le 24 avril 2001.

Au regard de ce tout ce qui précède, il apparait que les causes de l'administration provisoire dans les pays membres de l'OHADA sont légion, très variées et parfois différentes selon les textes qui les consacrent. Cette diversité est certainement elle -même due à la diversité des régimes juridiques qui les définissent.

B - La diversité des règles de mise en oeuvre de l'administration provisoire

La diversité des règles de mise en oeuvre de l'administration provisoire se traduit principalement par deux aspects : la détermination de la liste des initiateurs de la procédure qui varient selon les régimes (1) et la procédure proprement dite qui est tantôt judicaire, tantôt extrajudiciaire (2) selon les régimes.

1. La diversité des titulaires du droit de demander la désignation d'administrateur provisoire

La détermination de l'initiateur de l'ouverture d'une administration provisoire est un bel exemple de la diversité des régimes juridiques de l'administration provisoire dans l'espace OHADA. Alors que L'AUSCGIE en son article 160-1 semble limiter cette initiative aux seules personnes ayant un lien de droit avec la société, les législateurs de la CEMAC, de l'UEMOA et de la CIMA visent, quant à eux, d'autres catégories de personnes.

En effet, aux termes de l'article 160-1 précité, "la juridiction compétente est saisi à la requête soit des organes de gestion, de direction ou d'administration soit d'un ou de plusieurs associés". Ainsi, en tant que détenteurs du capital social et donc propriétaires de la société anonyme, les associés (73) ont la qualité de demandeur légitime de l'ouverture de l'administrateur provisoire en saisissant le juge des référés (74). Dans l'affaire "Reemtsma et autres contre Sitabac et autres" (75), ce sont les actionnaires et notamment la société Reemtsma, les sieurs E., B. et autres qui ont sollicité du TGI de Douala, la désignation d'un administrateur provisoire. Les organes de direction et d'administration (76) de la société ont également le droit de demander la nomination d'un administrateur provisoire. En pratique, on conçoit aisément qu'il s'agit toujours d'un ou de plusieurs administrateurs, ne disposant pas de la majorité au sein de l'organe dont ils font partie, et qui se heurtent à l'opposition des autres membres. La qualité de dirigeant de la société est également attributaire du droit d'agir valablement en demande d'ouverture de l'administration provisoire.

Contrairement au législateur OHADA qui a entendu limiter le bénéfice de la demande de l'administration provisoire aux seuls acteurs internes de la société, les législations de la CEMAC, de l'UEMOA et de la CIMA reconnaissent respectivement à la Commission Bancaire de l'Afrique centrale, à la Commission bancaire de l'UEMOA et à la Commission régionale de contrôles des assurances le droit d'initier une telle demande pour les sociétés relevant de leurs ressorts respectifs. Il ressort, en effet, des textes en vigueur dans la zone CEMAC que le pouvoir d'initiative de la procédure d'ouverture de l'administration provisoire des établissements de crédit appartient à la COBAC (77). La convention de 1990 ne reconnaît pas, contrairement au droit OHADA, ce droit aux titulaires du pouvoir de direction et d'administration. La COBAC initie cette procédure sur saisine d'office (78). Par ailleurs, l'alinéa 4 de l'article 16 de l'annexe de la Convention de 1990 étend le droit d'initiative de la désignation de l'administrateur provisoire au président de la COBAC en ces termes "en cas d'urgence, le président de la Commission Bancaire procède lui-même à la désignation d'un administrateur provisoire sous réserve de notification par la commission lors de sa prochaine séance".

Dans le cadre de l'UEMOA, l'article 31 de l'annexe à la convention régissant la Commission bancaire de l'Union monétaire Ouest-Africaine du 3 Avril 2007 précise également que l'initiative de la demande d'ouverture de l'administration provisoire intervenant dans le cadre de mesure de sauvegarde des établissements de crédit appartient à la Commission bancaire de l'Union Monétaire Ouest-Africaine et aux titulaires du pouvoir de gestion des établissements de crédit concernés. Le pouvoir d'initiative de l'ouverture de l'administration provisoire par le président de la Commission bancaire, reconnu dans le cadre de la CEMAC, n'a pas été envisagé ici.

Enfin, le Code CIMA énonce, pour sa part, aux termes de son article 321, que l'ouverture de l'administration provisoire dans le cadre de la société d'assurance est faite "soit à la demande des dirigeants lorsqu'ils estiment ne plus être en mesure d'exercer normalement leurs fonctions, soit à l'initiative de la commission ou de son mandataire lorsque la gestion de l'établissement ne peut plus être assurée dans les conditions normales ou lorsqu'a été prise la sanction prévu au 5ème alinéa de l'article 312" (79). Ce texte se rapproche de l'article 100 de l'AUSCGIE en ce qu'il étend le droit d'initier la procédure aux dirigeants sociaux, mais il s'en démarque car il en exclut les associés. Les divergences entre les deux textes s'observent, d'ailleurs, à plus forte raison lorsqu'il s'agit de la procédure proprement dite.

2. La diversité des procédures

La procédure de désignation de l'administrateur provisoire offre également une belle illustration de la diversité des régimes juridiques de l'administration provisoire dans l'espace OHADA. En effet, l'organe chargé de décider de la mise en place de la mesure diffère selon les législations. Alors que la procédure relève de la compétence exclusive du juge dans le cadre de l'OHADA (80), dans le cadre des autres législations, elle est essentiellement extra-judiciaire.

L'AUSCGIE n'a pas opéré une révolution sur ce point. Il se contente de préciser à l'article 160 (2), al. 1 que : "la juridiction compétente est saisie à la requête soit des organes de gestion, de direction ou d'administration, soit d'un ou plusieurs associés". Il ne précise pas dans quelle forme la requête du demandeur doit être formulée. Tout porte à croire que, s'agissant d'une procédure d'urgence, elle puisse se faire par deux voies : soit par voie de référé, soit par requête ; le référé étant en pratique la voie la plus utilisée en raison de sa célérité et de son efficacité (81).

Cela étant, l'article 162 (2), alinéa 3, de l'AUSCGIE dispose que, dans tous les cas la décision d'ouverture de l'administration provisoire devrait obligatoirement déterminer l'étendue de la mission de l'administrateur provisoire et ses pouvoirs (82) et indiquer le cas échéant ceux des organes de direction et d'administration qui restent en fonction ainsi que les pouvoirs et compétences qui leurs sont dévolus. Elle devrait également fixer la rémunération de l'administrateur provisoire ainsi que la durée de sa mission. Il devrait en être de même si c'est plutôt la voie de la requête qui est choisie par les demandeurs de l'administration provisoire.

La procédure non judiciaire de désignation de l'administrateur provisoire retenue par les législateurs communautaires concerne les législateurs de la CEMAC de l'UEMOA et CIMA. Elle implique donc une pluralité de procédures. Il s'agit en pratique, soit d'une procédure de désignation d'office, par la personne habilitée à déclencher la procédure d'administration provisoire, soit d'une procédure de désignation à la suite de la demande d'ouverture formulée auprès de la personne.

La désignation d'office est celle dans laquelle l'organe habilité à désigner l'administrateur provisoire n'attend pas d'être saisi pour procéder à ladite désignation. Dès lors que les exigences de déclenchement sont réunies, la machine de désignation est automatiquement mise en marche. Cette désignation s'opère dans le cadre de la CEMAC en application des articles 39 de l'annexe à la Convention de 1992 et 16, alinéa 4 de l'annexe à la Convention de 1990. En ce qui concerne, les établissements de crédit à l'instar des banques, le règlement relatif au traitement de leurs difficultés le prévoit à son article 29, alinéa 2.

La désignation d'office est prévue dans l'espace de l'UEMOA à l'article 31 de l'annexe à la convocation régissant la Commission bancaire de l'Union Monétaire Ouest -Africaine du 3 avril 2007 et à l'article 60 de la loi-cadre portant règlementation bancaire. Elle est mise en jeu par la Commission bancaire qui propose alors au ministre chargé des finances de l'Etat membre concerné, de procéder à la désignation de l'administrateur provisoire.

Le législateur du Code CIMA a également retenu cette hypothèse de désignation d'office dans son article 312. La décision du conseil des ministres de la CIMA du 24 avril 1999 reconnait la compétence de nomination de l'administration provisoire au ministre en charge des assurances de l'Etat donc la compagnie d'assurance est en voie de connaitre cette mesure (83). Il s'agit soit du ministre de l'Economie, soit du ministre des Finances (84) de cet Etat. Celui-ci agit sur proposition faite par la Commission régionale de contrôle des finances.

La désignation sur demande, quant à elle, suppose qu'au départ, une demande d'ouverture de l'administration provisoire soit initiée et laissée à l'appréciation souveraine de l'instance habilitée à choisir l'administrateur provisoire (85). A la suite de cette demande formulée auprès, soit de la COBAC, soit de la commission de l'UEMOA, soit de la CRCA, l'administrateur provisoire est nommé soit par un acte pris par l'instance saisie, soit par un acte pris par le ministre en charge des Finances sur proposition de l'institution saisie. Il s'agit d'une décision dans le cadre de la CEMAC (86) et d'une proposition dans le cadre de la CIMA (87). Toutefois, l'acte qui nomme l'administration provisoire en application de ces propositions est un acte administratif émis par le ministre des Finances ou de l'Economie (88).

Dans l'UEMOA, pour ce qui est des banques, l'acte pris par l'institution est une décision (89) mais, l'acte qui nomme l'administrateur provisoire en application de cette décision ou proposition est un acte administratif émis par le ministre des Finances et ou de l'Economie (90).

Les procédures de désignation d'office et sur demande sont des procédés non juridictionnels de désignation d'un administrateur provisoire prévues par les législateurs communautaires (CEMAC, l'UEMOA et CIMA). Ces deux procédures amènent à conclure que l'administration provisoire peut voir le jour en dehors d'une décision judiciaire.


(1) La notion de crise employée ici peut recouvrir plusieurs sens. La crise évoque irrésistiblement le marasme économique dans lequel est susceptible de ployer n'importe quelle entreprise. Ensuite, l'entreprise peut également être secouée par une crise de confiance, notamment lorsque les dirigeants sont soupçonnés de gérer la société de manière irrégulière et contrairement à l'intérêt social. Enfin, la société peut être victime de détournement de pouvoirs reconnus à ses différents acteurs.
(2) V. A. Fenéon, Les droits des actionnaires minoritaires dans les sociétés commerciales de l'espace OHADA, Penant, 2002, p. 153. ; A. Foko, L'essor de l'expertise de gestion dans l'espace OHADA, in Les mutations juridiques dans l'espace OHADA (Dir. A. Akam Akam), L'Harmattan, 2009, p. 147 et s.
(3) Y. Guyon, La mission des administrateurs provisoires de sociétés, Mél. Bastian, p. 103, n° 4.
(4) V. pour une vue d'ensemble sur la question, P. Nguihe Kante, Les techniques de sauvetage de l'entreprise en difficulté en droit commercial, Thèse 3ème Cycle, Université de Yaoundé II, 1992 ; M. A. Ndjandeu, La protection de la société commerciale en droit OHADA, in Les mutations juridiques dans l'espace OHADA (Dir. A. Akam Akam), L'Harmattan 2009, p. 234 et s..
(5) V. pour plus de détail sur l'apport de cette réforme au droit des sociétés OHADA, P. S. A. Badji, Réforme du droit des sociétés commerciales OHADA, Harmattan (Sénégal), 2016, 214 p.
(6) B. Boccara, L'administration provisoire des sociétés commerciales, Thèse, Paris, 1948. - C. De Buttet, L'administration provisoire des sociétés commerciales, Thèse, Lyon, 1970 ; A. Chassagnon, L'administrateur provisoire de société commis par justice, Thèse, Paris, 1954 ; G. Sousi, L'intérêt social dans le droit français des sociétés commerciales, Thèse, Lyon, 1974 ; Distinctions entre l'administrateur provisoire et le mandataire ad hoc, Cah. dr. entr. novembre-décembre, 2009, 53, cahier pratique rédigé par inforeg ; J. Mestre, Réflexion sur les pouvoirs du juge dans la vie des sociétés, Journ. Agréés, 1985, 81.
(7) A l'origine de sa création, il s'agissait exclusivement du juge. Mais la pratique dans les pays de l'OHADA l'a généralisé à divers organes : commission bancaire, conseil de ministres, ministres des finances, etc. mais l'AUSCGIE revient sur la solution classique à savoir la limitation au juge du pouvoir de nommer un administrateur provisoire.
(8) Y. R. Kalieu, note sous CA Littoral, arrêt n° 38/REF du 10 février 1999, Juridis Périodique, n° 42, avril-mai-juin, 2000, p. 54.
(9) V. B. Njoya Kamga, L'administration provisoire des sociétés dans l'espace OHADA, Véritas, 2012, p. 538.
(10) Y. Guyon, La mission des administrateurs provisoires de sociétés, op. cit., n° 4 ; M. Jeantin, Le rôle du juge en droit des sociétés, in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs, Mélanges R. Perrot, 1996, Dalloz, p. 149 ; J. Mestre, Réflexions sur les pouvoirs du juge dans la vie des sociétés, RJC, 1985, 81.
(11) V. pour plus de détails sur l'expertise de gestion, A.-S. Maigret-Mathiot, L'expertise dans les sociétés commerciales, Thèse, Rennes, 2003 ; I. Urbain-Parleani, L'expertise de gestion et l'expertise in futurum, Rév. sociétés, 2003, p. 234 ; M. A. Ndjandeu, La protection de la société commerciale en droit OHADA, in Les mutations juridiques dans l'espace OHADA (Dir. A. Akam Akam), op. cit., p. 234 et s. ; B. Y. Meukeu, L'information des actionnaires minoritaires dans l'OHADA. Réflexion sur l'expertise de gestion, ohadata. D.05.56, à lire sur www.ohada.com ; A. Foko, L'essor de l'expertise de gestion dans l'espace OHADA, in Les mutations juridiques dans l'espace OHADA (Dir. Akam Akam), op. cit., p. 147 et s..
(12) J. Moury, Expertise de gestion. La concurrence indélicate de l'article 145 du Code de procédure civile, in Prospectives du droit économique, Mélanges M. Jeantin, 1999, Dalloz, p. 297. ; M. Jeantin, Les mesures d'instruction in futurum, Juris-classeur procédure civile, fasc., 634, n° 109 ; I. Urbain-Parleani, L'expertise de gestion et l'expertise in futurum, op .cit., p. 213.
(13) G. Bolard, Administrateur provisoire et mandat ad hoc : du fait au droit, JCP éd. E, 1995, 1509, p. 479. ; G. Sousi, L'intérêt social dans le droit français des sociétés commerciales, Thèse, Lyon, 1974 ; Distinctions entre l'administrateur provisoire et le mandataire ad hoc, op. cit..
(14) M. Jeantin, Le rôle du juge en droit des sociétés, in Nouveaux juges, nouveaux pouvoirs, Mélanges R. Perrot, 1996, Dalloz, p. 149 ; J. Mestre, Réflexions sur les pouvoirs du juge dans la vie des sociétés, RJCom., 1985, 81.
(15) V. pour amples explications B. Njoya Kamga, L'administration provisoire des sociétés d'ans l'espace OHADA, op. cit., p. 538.
(16) V. M. A. Ndjandeu, La protection de la société commerciale en droit OHADA, in Les mutations juridiques dans l'espace OHADA (Dir. A. Akam Akam), op. cit., p. 234 et s.
(17) V. l'AUSCGIE, anc. art. 259 ; V ; également B. Y. Meukeu, L'information des actionnaires minoritaires dans l'OHADA. Réflexion sur l'expertise de gestion, op. cit. ; A. Foko, L'essor de l'expertise de gestion dans l'espace OHADA, in Les mutations juridiques dans l'espace OHADA (Dir. A. Akam Akam), op. cit., p.147 et s.
(18) V. art. 257 et s. de la version ancienne de l'AUS ; v. également OHADA, La procédure d'alerte dans les sociétés anonymes, Bulletin du droit des affaires en Afrique, n° 4, avril 2007, pp. 10-12. ; M. Diouf, L'intervention des juges dans la vie des sociétés, Thèse, UCAD (Sénégal), 2007.
(19) Acte uniforme portant procédure collectives d'apurement du passif, anc. art. 5, v. P.-G. Pougoue et Y. R. Kalieu, L'organisation des procédures collectives d'apurement du passif OHADA, PUA, Collection droit uniforme, 1999, 232 p ; F. M. Sawadogo, OHADA, Droit des entreprises en difficulté, collection droit uniforme africain, Juriscope, Bruylant, 2002.
(20) V. art. 25 ibid. v. également Y. R. Kalieu Elongo, Le droit des procédures collectives de l'OHADA, Presses universitaires d'Afrique 2016, 214 p..
(21) Ibid.
(22) V. par exemple la loi gabonaise n° 1/96 du 13 décembre 1996, relative à la privatisation ; la loi camerounaise n° 2017/ 2017/011 du 12 juillet 2017, portant statut général des entreprises publiques.
(23) V. notamment la loi n° 08/96/ADP, portant réglementation générale des sociétés à capitaux publics.
(24) V. la loi uniforme portant réglementation des systèmes financiers décentralisés adoptée par le Conseil des ministres de l'UEMOA le 6 avril 2007.
(25) V. le Règlement n° 01/02/CEMAC/UEMOA, relatif aux conditions d'exercice de l'activité de micro-finance dans la CEMAC du 26 janvier 2002 ; v. également C. Mba-Owono, Droit communautaire des affaires de la CEMAC, LGDJ, Coll. Droits africains, 2016, 488 p..
(26) V. le Code CIMA notamment ; V. E. Bokalli, Le nouveau droit du contrat d'assurance des Etats africains francophones, RADIC, 1998, p. 439 et A. M. Assi-Esso, J. Issa-Sayeg et J. Lohoues-Oble, CIMA, Droit des assurances, Bruylant Bruxelles, 2002, p. 165.
(27) V. Annexe à la convention du 19 décembre 1990, art. 16 et Annexe à la convention du 24 avril 1990, créant respectivement les commissions bancaires de la CEMAC et de l'UEMOA, art. 26.
(28) V. notamment la loi-cadre portant réglementation bancaire et portant réglementation dans l'UEMOA et ses reprises nationales, à l'instar de l'ordonnance n° 2009-385 du 1er décembre 2009 portant réglementation bancaire de la Côte d'Ivoire.
(29) V. Règlement n° 01/02/CEMAC/UEMOA relatif aux conditions d'exercice de l'activité de micro-finance dans la CEMAC du 26 janvier 2002, op. cit..
(30) V. par exemple CA Centre/Yaoundé, arrêt n° 223/CIV/03-04 du 23 avril 2004.
(31) Y. R. Kalieu, note sous CA Littoral, arrêt n° 38/REF du 10 février 1999, op. cit., p. 54.
(32) P.-G. Pougoue, Y.-R. Kalieu, Introduction critique à l'OHADA, PUA, 2008, p. 51.
(33) V. K. Mbaye, in Penant, n° spécial OHADA, n° 827 mai-août 1998, p. 125.
(34) P.-G. Pougoué, Y.-R. Kalieu, Introduction critique à l'OHADA, op. cit., p. 51. On est très loin de l'harmonisation dans laquelle on recherche à coordonner des systèmes juridiques différents ou à respecter la sensibilité essentielle d'une législation donnée.
(35) Avant la réforme de l'AUS il n'existait aucun texte dans le droit des sociétés habilitant l'administrateur provisoire à intervenir et à dessaisir des dirigeants qui, rappelons-le, ont été désignés régulièrement par les associés ou d'autres organes autre que le juge.
(36) V. pour plus de détail A. G. Tamkam Silatchom, Réflexions sur l'administration provisoire dans l'AUDSCGIE relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE, Pénant, n° 892, juillet-septembre 2015, p. 345 et s. E. Ndeme Assene, L'administration provisoire en droit OHADA, mémoire de Master II, Université de Douala, 2015.
(37) Sur plusieurs points, les régimes de l'administration provisoire consacrés soit par les droits nationaux, soit par les textes communautaires étaient différents les uns des autres.
(38) V. pour plus de détail, D. Abarchi, La supranationalité de l'OHADA, Revue burkinabè de Droit, n° 37-1er semestre 2000, p. 9-27.
(39) V. de manière générale sur la question de la cohabitation entre les différentes normes, P.-G. Pougoue et Y.-R. Kalieu Elongo, Introduction critique à l'OHADA, PUA, 2008, p. 180 ; J. Issa-Sayegh, L'intégration juridique des Etats africains dans la zone franc, Penant n° 823, p. 9 ; Quelques aspects techniques de l'intégration juridique : l'exemple des actes uniformes de l'OHADA, Revue uniforme de droit, UNIDROIT, Rome 1999-1, p. 5 ; Colloque sur "La problématique de la délimitation des compétences entre la Cour de justice de l'UEMOA, la Cour de justice et d'arbitrage de l'OHADA et les juridictions nationales des Etats parties", Centre de formation judicaire de Dakar, 9-13 octobre 2000 ; D. B. Ba, Le problème de la compatibilité entre l'UEMOA et l'OHADA, in La libéralisation de l'économie dans le cadre de l'intégration régionale : le cas de l'UEMOA (Dir. P. Meyer, Publication du CEEI n° 3, p. 180).
(40) V. AUSCGIE, art. 916.
(41) V. P.-G. Pougoué, Les sociétés d'Etat à l'épreuve du droit OHADA, Juridis Périodique, n° 65, Janvier-Février-Mars, pp. 99 et s. ; TGI du Wouri, jugement des 12 et 13 décembre 2007, Affaire "Etondo Ekoto et Cie ; SIC, Affaire "Belinga Gilles Roger et Cie", jugement n° 880/Crim. du 27 septembre 2007 ; "MP et FEICOM c/o. N. Emmanuel", TGI du Mfoundi, jugement n° 371/crim. du 27 juin 2007.
(42) J. Issa-Sayegh, Droit des sociétés commerciales: droit commun et régimes particuliers,Ohadata. D-03-09, Penant, 887.
(43) J. Mestre, Droit commercial, 24ème éd., LGDJ, 1999, n° 270, p. 209 ; L'administrateur provisoire est une notion créée par la jurisprudence. Mais les rares dispositions en droit des sociétés consacrées à la désignation d'un mandataire de justice ayant pour mission de remplacer les dirigeants défaillants étaient jusqu'ici cantonnées à des hypothèses particulières, notamment concernant la convocation d'une assemblée ou l'accomplissement d'une formalité de publicité. V. Cass. com., 16 février 2010, n° 08-19.356, F-D (N° Lexbase : A0370ESI), Rev. sociétés, 2010, 219, note D. Poracchia ; Dr. sociétés, janvier 2010, Comm. 8, obs. H. Hovasse ; Cass. com., 18 mai 2010, n° 09-14.838, F-D (N° Lexbase : A3867EXI).
(44) B. Njoya Kamga, L'administration provisoire des sociétés dans l'espace OHADA, op. cit., p. 32 et s..
(45) R. Rodiere, Les grands arrêts du droit des affaires, op. cit, n° 44, 487 ; R. Contin, L'arrêt "Fruehauf" et l'évolution du droit des sociétés, op. cit., p 254 ; CA Paris, 22 mai 1965, JCP éd. G, 1965, II, 14274 bis, concl. av. gén. Nepveu ; D., 1968, 147, note R. Contin ; RTDCom., 1965, 631.
(46) Cass. com. 24 mai 1994, n° 92-21.699 (N° Lexbase : A6168CZH), Bull. Joly, 1994. 789 ; RJDA,1994, n° 1031 et 1035 ; Dr. sociétés, 1995, n° 3, note T. Bonneau.
(47) V. Cass. com., 25 janvier 2005, n° 00-22.457, F-D (N° Lexbase : A6158DG8).
(48) Ibid.
(49) Cass. com., 26 novembre 1985, n° 84-13.206 (N° Lexbase : A4672AAB), Bull. civ. IV, n° 279. V. également Cass. com., 8 février 2017, n° 15-19.897, F-D (N° Lexbase : A2081TC3) ; G. Guilhem, L'administration provisoire : un bouclier contre la déloyauté du gérant, Joly Sociétés, 2017, n° 5, p. 291 ; CA Paris, 12 février 1991, Bull. Joly 1991, 410, note P. Le Cannu.
(50) Cass. civ. 1, 11 janvier 2005, n° 01-13.936, F-D (N° Lexbase : A0102DGU) ; V. J. Cavallini, Le juge des référés et les mandataires de justice dans les sociétés in bonis, Rev. sociétés, 1998, 247.
(51) CA Paris, 22 juillet 2005, n° 2004/09981 (N° Lexbase : A6809DKE).
(52) Ibid.
(53) V. Cass. com., 17 octobre 1989, n° 87-19.369 (N° Lexbase : A4030AGD), Bull. civ. IV, n° 250, Rev. sociétés 1989. 30, note Y. Chartier : dans cette décision, il "n'était pas possible de maintenir l'administration sociale entre les mains d'un gérant sérieusement accusé de ne pas l'avoir conduite de façon normale et qui avait perdu la confiance de l'associé porteur de la moitié des parts, dès lors que les faits imputés étaient de nature à porter préjudice irrémédiablement aux intérêts de la société et qu'ils induisaient une suspicion qui bloquait son administration".
(54) Cass. civ. 3, 19 février 1970, n° 68-13.866 (N° Lexbase : A6549AGN), Bull. civ. III, n° 123.
(55) V. A. Fénéon, La mésentente entre associés dans les sociétés anonymes OHADA prévention et modes de règlement, Penant, n° 848, Juillet/Septembre 2004, pp. 256 à 279 H. Matsopoulou, La dissolution pour mésentente entre associés, Rev. sociétés 1998, 21.
(56) JCP éd. G, 1965, II, 14274 bis, concl. av. gén. Nepveu ; D., 1968, 147, note R. Contin ; RTDCom., 1965, 631, obs. R. Rodière, Grands arrêts du droit des affaires, 1995, Dalloz, n° 44, p. 487 ; R. Contin, L'arrêt Fruehauf et l'évolution du droit des sociétés, D., 1968, Chron., 45.
(57) Dans cette affaire, un différend opposait la majorité des administrateurs représentant un groupe étranger et les représentants de capitaux français minoritaires : les administrateurs géraient une filiale française d'une société mère américaine ; cette dernière leur avait demandé de résilier un contrat de sous-traitance dont le bénéficiaire était la République populaire de Chine, les administrateurs suivant purement et simplement la politique décidée par la société mère. Cette politique, si elle servait les intérêts de la société mère, était contraire, en revanche, à ceux de la filiale. C'est dans ce contexte que les minoritaires ont pu obtenir la désignation d'un administrateur provisoire chargé de gérer la société pour un temps déterminé. Cette solution, si elle apparaît concevable pour protéger efficacement les minoritaires, devrait cependant être entourée de conditions strictes dans la mesure où elle ne doit pas, non plus, être motivée par les craintes des minoritaires, suscitées par la politique menée par les majoritaires. La condition relative à l'intérêt social gravement compromis ne doit donc pas être perdue de vue.
(58) Cass. com., 3 juillet 1984, n° 82-17.721 (N° Lexbase : A0381AAD), Rev. sociétés, 1985, 628, note P. Didier ; CA Paris, 5 octobre 1988, Bull. Joly, 1988, 936 ; Cass. com., 25 janvier 2005, n° 00-22.457 (N° Lexbase : A6158DG8).
(59) V. sur la notion d'intérêt social, parmi tant d'autres M.-A. Ndjandeu Mouthieu, L'intérêt social en droit des sociétés, Thèse, Yaoundé II, 2006 ; A. Pirovano, La "boussole" de la société. Intérêt commun, intérêt social, intérêt de l'entreprise ?, D., 1997, chron., 189 ; A. Couret, L'intérêt social, Cah. dr. entr., octobre 1996, n° 4, p. 1. - D. Schmidt, De l'intérêt social, JCP éd. E, 1995, I, 488.
(60) C. Ruellan, Les conditions de désignation d'un administrateur provisoire, Dr. sociétés, 2000, Chron. 4 ; M. Jeantin, Le rôle du juge en droit des sociétés, Mélanges R. Perrot, 1996, Dalloz, p. 149 ; J. Mestre, Réflexions sur les pouvoirs du juge en droit des sociétés, op. cit..
(61) Cass. com., 3 juillet 1984, Rev. sociétés, 1985, 628, note P. Didier, op. cit..
(62) V. par ex., Cass. com., 25 janvier 2005, n° 00-22.457 (N° Lexbase : A6158DG8), Rev. sociétés, 2005, 828, note B. Lecourt, "La désignation d'un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle, qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société, et menaçant celle-ci d'un dommage imminent". Pour une société qui connaît des difficultés financières, V. Cass. civ. 3, 15 novembre 1995, n° 93-13-451 (N° Lexbase : A8604CTT) ; CA Paris, 3 avril 1998, Bull. Joly, 1998, 1185, note T. Granier ; CA Paris, 14 mai 1999, RTDCom., 1999, 680, obs. C. Champaud et D. Danet ; Bull. Joly, 1999, 866, obs. P. Scholer ; TGI Carpentras, ord. réf., 12 janvier 2000, RTDCom., 2001, 155, obs. J.-P. Chazal et Y. Reinhard.
(63) V. M. Armand-Prevost, Les attentes du juge, RJCom., 2000, hors-série, n° 9, p. 7 s.
(64) Cf. le site des textes officiels CEMAC.
(65) V. R. Nemedeu, L'administrateur provisoire dans les établissements de micro-finance(EMF) en 10 questions, in Juridis Périodique, numéro 91, Juillet-Août-Septembre 2012 ; B. Njoya Nkamga, L'administration provisoire des sociétés dans l'espace l'OHADA, op. cit., n° 1, p. 15 ; Y. Kalieu, Le contrôle bancaire dans la zone de l'Union monétaire de l'Afrique centrale, Penant, n° 841, p. 465 ; A. Deupe Wendji, L'administration provisoire en droit des sociétés, Mémoire de DEA, Université de Yaoundé II-Soa, 2008/2010.
(66) V. A. G. Tamkam Silatchom, Réflexions sur l'administration provisoire dans l'AUDSC relatif au droit des sociétés commerciales et du GIE, op. cit., p. 345 et s. E. Ndeme Assene, L'administration provisoire en droit OHADA, op. cit., 2015 ; A. Deupe Wendji, L'administration provisoire en droit des sociétés, op. cit..
(67) V. B. Njoya Nkamga, L'administration provisoire des sociétés dans l'espace OHADA, op.cit., n° 207, p. 121.
(68) Ibid.
(69) C'est ce qui ressort, pour le premier cas, de la loi gabonaise n° 1/96 du 13 décembre 1996 relative à la privatisation, ou de l'article 23 de la loi camerounaise n° 99/016 du 22 décembre 1999 qui pose le principe de l'administration provisoire des entreprises publiques et parapubliques.
(70) V. le décret burkinabé n° 96-375/PRES/PM/MCIA portant statut général des sociétés d'Etat.
(71) V. arrêt n° 688 du 25 juin 2004 de la cour d'appel d'Abidjan, aff. OIC et autre c/ B.A.
(72) TGI de Ouagadougou, Jugement no 423 du 23 avril 2001.
(73) D. Vidal, Droit des sociétés, 6ème éd. LGDJ., 2008, p. 382, n° 783 ; CA Versailles, 1er octobre 1998, RJC, 1999, 282.
(74) Cl. Berr, L'exercice du pouvoir dans les sociétés commerciales, op.cit., n° 493, p. 290.
(75) V. C A. Littoral, 10 février 1999, n° 38/REF ; v. également Y. R. Kalieu Elongo, Affaire REEMTSMA et autres C/ SITABAC et autres, in Juridis Périodique, n° 42, avril - Mai - Juin 2000, pp. 45-54.
(76) D. Vidal, Droit des sociétés, op. cit., n° 782, p. 382 ; CA Paris, 20 décembre 1991, Dr. Société 1992, n° 131.
(77) V. art 16 de la Convention de 1990.
(78) B. Njoya Nkamga, L'administration provisoire des sociétés dans l'espace OHADA, op.cit., n° 207, p. 121.
(79) L'art. 312 al. (a) : "La suspension ou la démission d'office des dirigeants responsables".
(80) V. AUSCGIE, art. 160-1 et s.
(81) B. Njoya Nkamga (B.), L'administration provisoire des sociétés dans l'espace OHADA, op.cit., n° 217, p.124.
(82) "L'acte de nomination de l'administrateur provisoire : déterminer l'étendue de sa mission et ses pouvoirs ; indiquer, le cas échéant, ceux des organes de gestion, de direction ou d'administration qui restent en fonction et précise les pouvoirs et compétence qui leurs sont maintenues ; fixe sa rémunération, qui sera à la charge de la société, ainsi que la durée de sa mission laquelle ne peut excéder six mois, sauf renouvellement décidé par le juge à la requête de l'administrateur provisoire, les parties étant appelées. Dans sa demande de renouvellement, l'administrateur provisoire doit indiquer, à peine d'irrecevabilité, les raisons pour lesquelles sa mission n'a pu être achevée, les mesures qu'il envisage de prendre et les délais que nécessite l'achèvement de la mission".
(83) B. Njoya Nkamga, L'administration provisoire des sociétés dans l'espace OHADA, op.cit., n° 240, p. 132.
(84) Pour le Cameroun.
(85) R. Nemedeu, L'administration provisoire dans les établissements de micro-finance (EMF) en 10 questions, op.cit., p. 113.
(86) "Les décisions sont obligatoires dans tous leurs éléments pour les destinataires qu'elles désignent [...]", énonce l'article 21, al. 4,de l'Additif au Traité de la CEMAC relatif au système institutionnel et juridique de la Communauté.
(87) Code CIMA, art. 312 (a).
(88) Code CIMA, art. 312 (b).
(89) Annexe à la convention du 3 avril 2007, art. 31.
(90) Ibid. Toutefois, il convient de relever que l'article 60 alinéa 7 de la loi-cadre portant règlementation bancaire de l'UEMOA suscite des questions lorsqu'il énonce que le ministre chargé des finances de l'Etat peut nommer dans les mêmes formes un administrateur provisoire secondaire auprès des filiales installées sur le territoire des autres Etats membres de l'UEMOA. En considération du fait que les filiales sont des personnes morales distinctes de la banque qui les contrôle, cette règle semble inappropriée au sens d'un auteur, opinion que nous partageons. D'une part, elle peut créer un risque inutile de conflits de compétence entre les Etats ou plus précisément entre les ministres en matière de nomination de l'administrateur provisoire. D'autre part, elle ne prend pas en compte les distinctions qu'opère le législateur du droit des sociétés entre la filiale et la succursale dans l'espace OHADA, laquelle justifie que seules ces dernières puissent faire l'objet d'une telle extension de compétence. En cas de contestation de ces ordres de désignation, les contestataires ont la possibilité de les attaquer, quel que soit le mode de nomination choisie : désignation d'office ou sur demande. Mais, ceci ne peut être valablement fait que suivant les procédures retenues par les textes régissant chacun de ces actes.

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Temps de travail

[Brèves] Précision sur le jour de repos hebdomadaire accordé au salarié à la suite d'une période de six jours de travail consécutifs

Réf. : CJUE, 9 novembre 2017, C-306/16 (N° Lexbase : A0031WYS)

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par Charlotte Moronval

Le 16 Novembre 2017

Le repos hebdomadaire des travailleurs ne doit pas nécessairement être accordé le jour suivant six jours de travail consécutifs. Il peut être accordé n'importe quel jour au cours de chaque période de sept jours. Telle est la précision apportée par la CJUE dans une décision du 9 novembre 2017 (CJUE, 9 novembre 2017, C-306/16 N° Lexbase : A0031WYS ; voir également CJUE, 23 décembre 2015, C-180/14 (N° Lexbase : A5149N34).

L'affaire concerne un salarié travaillant dans un casino au Portugal. Le casino est ouvert tous les jours à l'exception des 24 et 25 décembre, de l'après-midi jusqu'au matin suivant. Au cours des années 2008 et 2009, le salarié a parfois travaillé pendant sept jours consécutifs. A compter de 2010, son employeur a modifié l'organisation des horaires de travail, afin que les employés ne travaillent pas plus de six jours consécutifs. Son contrat de travail ayant pris fin en mars 2014, le salarié a introduit un recours contre son employeur visant à faire constater, en substance, que cette dernière ne lui avait pas accordé les jours de repos obligatoires auxquels il estimait avoir droit. A cet égard, il a réclamé des indemnités et des dédommagements correspondant à la rémunération pertinente des heures supplémentaires travaillées.

Eprouvant des doutes quant à l'interprétation de la Directive 2003/88/CE du 4 novembre 2003 (N° Lexbase : L5806DLM) sur l'aménagement du temps de travail qui dispose que tout travailleur bénéficie, au cours de chaque période de 7 jours, d'une période minimale de repos sans interruption de 24 heures, auxquelles s'ajoutent 11 heures de repos journalier, la cour d'appel de Porto demande à la Cour de justice si la période minimale de repos hebdomadaire sans interruption de 24 heures à laquelle le travailleur a droit doit être accordée au plus tard le jour qui suit une période de six jours de travail consécutifs.

En énonçant la règle précitée, la Cour répond à la question préjudicielle posée et déclare que le droit de l'Union exige non pas que la période minimale de repos hebdomadaire soit accordée au plus tard le jour qui suit une période de six jours de travail consécutifs, mais qu'elle le soit à l'intérieur de chaque période de sept jours (cf. l’Ouvrage "Droit du travail" N° Lexbase : E0334ETK).

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