La lettre juridique n°967 du 7 décembre 2023

La lettre juridique - Édition n°967

Douanes

[Brèves] Compétence des agents des douanes pour enquêter sur les faits de soustraction aux mesures de gel des avoirs

Réf. : Cass. crim., 29 novembre 2023, n° 22-85.867, F-B N° Lexbase : A925814N

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N7634BZR

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par Marie-Claire Sgarra

Le 20 Décembre 2023

► Les agents de l’administration des douanes ont compétence pour effectuer des enquêtes judiciaires sur les faits de soustraction aux mesures de gel des avoirs.

Les faits. Les requérants étaient respectivement président et secrétaire de deux associations dissoutes en mars 2019 car considérées comme vecteurs de diffusion d'une idéologie appelant à la haine, à la discrimination et faisant l'apologie du terrorisme. Des arrêtés ont prononcé le gel de leurs avoirs bancaires pour des périodes de six mois entre le 2 octobre 2018 et le 18 avril 2021.

Procédure. Le tribunal correctionnel les a condamnés pour soustraction aux mesures de gel des avoirs dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, un des requérants à la peine de deux mois d'emprisonnement, une amende douanière et une confiscation et, le second, à la peine de trois mois d'emprisonnement avec sursis, une amende douanière et une confiscation. Les intéressés ainsi que le ministère public et l'administration des douanes ont relevé appel de cette décision.

En cause d’appel, un des requérants a invoqué la nullité des actes réalisés par les agents des douanes, en enquête préliminaire, en soutenant qu'ils ne pouvaient enquêter sur le délit de soustraction aux mesures de gels des avoirs incriminées par l'article L. 574-3 du Code monétaire et financier N° Lexbase : L6220LYZ non visé par l'article 28-1 du Code de procédure pénale N° Lexbase : L2238MIQ et en l'absence de réquisition du procureur de la République à cette fin.

Pour écarter le moyen de nullité, selon lequel les agents des douanes habilités n'étaient pas compétents pour enquêter sur les faits de soustraction aux mesures de gel des avoirs sur le fondement de l'article 28-1 du CPP, l'arrêt retient que ce texte prévoit que ces agents peuvent effectuer des enquêtes judiciaires sous le contrôle du procureur de la République s'agissant des infractions douanières, mais également s'agissant des infractions connexes aux infractions douanières.

De plus, l'article L. 574-3 du CMF, qui incrimine la soustraction aux mesures de gel des avoirs, prévoit expressément que les modalités de constatation, de poursuite et de répression de cette infraction sont régies par le Code des douanes.

Il résulte de ce renvoi de l'article L. 574-3 du CMF aux textes du Code des douanes que les agents des douanes habilités ont bien compétence pour effectuer des enquêtes judiciaires sur cette infraction en application de l'article 28-1 du CPP.

Le moyen est ainsi écarté.

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Droits d'enregistrement

[Jurisprudence] Transformation avant cession : attention à la publication !

Réf. : CA Lyon, 6 juillet 2023, n° 20/05110 N° Lexbase : A99341A8

Lecture: 11 min

N7617BZ7

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par Quentin Némoz-Rajot, Maître de conférences, Université Lyon III

Le 06 Décembre 2023

Mots-clefs : actions • cession de droits sociaux • droits d’enregistrement • opposabilité • parts sociales • transformation

La transformation d’une SARL en SAS n’est opposable à l’administration fiscale qu’à compter de sa publication. Telle est la solution retenue par la Cour d'appel de Lyon dans un arrêt du 6 juillet 2023.


 

Portée : La transformation avant cession des titres est licite. Toutefois, l’accomplissement des formalités de publicité doit être effectué avant de réaliser la cession pour bénéficier des conséquences fiscales tirées du changement de forme sociale, notamment en matière de droits d’enregistrement.

Transformation et droits d’enregistrement. Changer de forme sociale au cours du fonctionnement de la société est courant. À ce titre, la transformation régulière d'une société en une société d'une autre forme, qu'elle soit civile ou commerciale, n'entraîne aucunement la création d'une personne morale nouvelle [1]. Cependant, comme le démontre l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Lyon le 6 juillet 2023 [2], il convient de se montrer particulièrement attentif au respect des formalités de publicité afin de bénéficier pleinement des conséquences de la transformation, notamment en matière de droits d’enregistrement. Pour ces derniers, dans le cadre d’une cession de droits sociaux, il n’existe pas de neutralité du droit fiscal. Bien au contraire, il faut distinguer entre cession de parts sociales et cession d’actions car le taux applicable varie en fonction du type de titre cédé. « Il demeure qu’il revient nettement plus cher de céder des parts sociales que des actions » [3]. Dès lors, réaliser la transformation avant cession d’une société dont le capital social est composé de parts sociales en une société par actions constitue-t-il un stratagème appréciable pour les cessionnaires afin de contourner cette distinction inopportune. Aux dires du Professeur Gutmann, « l’histoire enseigne en effet que la différence entre les taux des droits d’enregistrement est discutable d’un point de vue théorique et absurde d’un point de vue pratique » [4].

Les faits. En l’espèce, la SARL TDA International fut opportunément transformée en SAS avec effet immédiat à la suite d’un vote en assemblée générale extraordinaire des associés en date du 24 juillet 2012. Aux termes de l’arrêt, « le même jour a été ouvert au nom de la société TDA International un registre des mouvements de titres ». Le lendemain de l’assemblée générale, comme constaté dans le nouveau registre des mouvements de titres, la cession de l’intégralité de la société TDA International à la société Cegid était réalisée. La déclaration de cession de droits sociaux fut ensuite déposée le 3 août 2012 auprès du SIE entrainant le paiement, par la société Cegid, de droits d’enregistrement pour un montant de 37 303 euros.

Dans un second temps, le 7 août 2012, le procès-verbal de l’assemblée ayant décidé de la transformation était enregistré auprès du SIE puis publié dans un journal d’annonces légales le 1er septembre 2012. Par la suite, ce même procès-verbal était déposé au greffe du tribunal de commerce de Lyon le 25 septembre 2012 et, enfin, faisait l’objet d’une publication au BODACC le 25 octobre de la même année.

La rectification. En décembre 2015, l’Administration a adressé une proposition de rectification contradictoire à la société Cegid. Elle considérait que la transformation en SAS lui était inopposable à la date de la cession. Autrement dit, la cession des titres devait être soumise aux droits d’enregistrement applicables aux cessions de parts de SARL et non d’actions de SAS. Elle demanda alors le paiement de droits supplémentaire à hauteur de 75 455 euros et d’intérêts de retard pour 10 564 euros. Il n’était donc plus possible pour la Cegid de bénéficier du taux de droit d’enregistrement applicable aux cessions d’actions octroyé par l’habile transformation réalisée avant cession.

Taux des droits d’enregistrement en matière de cession de titres. En effet, pour une vente de parts sociales réalisée avant le 1er août 2012, l’opération était soumise à un droit d'enregistrement dont le taux était fixé comme suit : 3 % pour la fraction d'assiette inférieure à 200 000 €, 0,5 % pour la fraction comprise entre 200 000 euros et 500 000 000 euros et 0,25 % pour la fraction excédant 500 000 000 d’euros. En droit positif, en vertu de l’article 726 I 1 bis du Code général des impôts N° Lexbase : L4144MGL, le taux est désormais de 3 % avec application, sur la valeur de chaque part sociale, d’un abattement égal au rapport entre la somme de 23 000 euros et le nombre total de parts sociales de la société [5]. À l’inverse, pour les cessions d’actions, le taux est de 0,1% (CGI, art. 727 I 1°).

Procédure. En l’espèce, l’opportunité économique de procéder à une transformation de la SARL en SAS préalablement à la cession apparaissait évidente. Aussi, après rejet de sa réclamation, la société Cegid a-t-elle assigné l’Administration devant le tribunal judiciaire de Lyon pour obtenir la décharge des droits d’enregistrement pour la somme de 86.019€. La juridiction de première instance a fait droit à sa demande et le Directeur général des finances publiques a alors interjeté appel. Dans son arrêt en date du 6 juillet 2023, la Cour d’appel de Lyon lui donne raison à travers une décision qui invite les praticiens à la plus grande vigilance en matière de transformation avant cession.
Abus de droit et transformation avant cession. Avant tout, rappelons qu’une transformation avant cession ne porte pas en elle-même le germe d’un abus de droit au sens de l’article 64 du Livre des procédures fiscales [6]. Selon l’arrêt dit « RMC-France », une opération de transformation en SA suivie de la cession des titres ne peut être analysée comme un montage constitutif d'un abus de droit, sans constater que la société transformée était revenue à sa forme antérieure de SARL [7]. Dans une autre décision confirmant la licéité d’une transformation avant cession, la Cour de cassation a estimé que lorsque la cession de droits sociaux est subordonnée à la transformation préalable de la forme de la société (SARL en SA), cette clause présente le caractère d'une condition suspensive, excluant toute perception de l'impôt tant que la condition n'est pas réalisée. En revanche, après la transformation, le droit de mutation peut être perçu en fonction de la nature des biens transmis [8]. Il est vrai qu’une transformation décidée par les associés entraîne différents effets qui ne se limitent pas à la question des droits d’enregistrement. Aux dires de la Cour de cassation dans l’arrêt précité de 1996, « la transformation régulière et effective d'une société à responsabilité limitée en société anonyme, décidée par les associés à la majorité requise pour la modification des statuts entraîne des effets multiples et est une opération nécessairement distincte de la cession ultérieure des actions par les associés individuellement ». Cependant, et comme le démontre l’arrêt de la Cour d’appel de Lyon, encore faut-il accomplir des formalités de publicité pour rendre opposable la transformation à l’Administration.

La solution des magistrats lyonnais. Pour faire droit à la demande de l’administration, les magistrats lyonnais considèrent que l’inscription sur le registre des mouvements de titres indiquant qu’il s’agissait d’une cession d’actions de SAS ne rend pas la transformation de la société opposable à l’administration puisqu’il s’agit de deux opérations distinctes. Il est relevé que la transformation n’avait pas encore été publiée au moment de la cession et « que l’administration était dans l’impossibilité d’avoir connaissance de la transformation de la société TDA International  avant, au plus tôt, la publication du procès-verbal de délibération de l’assemblée générale extraordinaire de transformation qui n’a été enregistré auprès du SIE que le 7 août 2012 ». La cession devait donc être analysée comme une cession de parts sociales et taxée en conséquence. D’autant plus qu’il est ajouté dans l’arrêt que le rapport du commissaire à la transformation avait été, certes, déposé au greffe du tribunal de commerce antérieurement à la vente, mais qu’il ne permettait pas à l’Administration d’être informée de la nouvelle forme qui n’avait pas encore été adoptée. Dans l’attente d’un éventuel arrêt de la Cour de cassation sur la question, une extrême attention doit donc être apportée au respect et à l’ordre d’accomplissement des formalités rituelles : « d’abord la transformation et sa publicité, toujours, puis la cession et sa publicité, toujours ! ». En l’absence d’une disposition légale l’affirmant expressément, un temps certain doit désormais s’écouler entre la transformation suivie de sa publicité et la cession des titres.

Une solution critiquable. Pour éviter toute difficulté et diminuer la charge fiscale du cessionnaire, il est donc indispensable de rendre la transformation opposable à l’Administration. Cependant, l’analyse suivie par la Cour d’appel de Lyon interroge. Le Professeur Dondero décèle « une appréciation erronée retenue par la Cour d’appel » [9], là où le Professeur Vabres remarque « un arrêt critiquable » [10]. En effet, la Cour d’appel se fonde sur l’article L. 123-9 du Code de commerce N° Lexbase : L5567AIZ et notamment son alinéa 1er aux termes duquel : « la personne assujettie à immatriculation ne peut, dans l’exercice de son activité, opposer ni aux tiers ni aux administrations publiques, qui peuvent toutefois s’en prévaloir, les faits et actes sujets à mention que si ces derniers ont été publiés au registre ».

Si de toute évidence le fait générateur de l’impôt est bien la date de la cession, on peut s’interroger sur la date d’opposabilité à retenir à l’égard de l’administration. En effet, la société Cegid avait publié la transformation très largement avant la proposition de rectification contradictoire et une cession d’actions a bien été, dans les faits, réalisée. Certes, l’arrêt énonce « qu’à la date de la cession comme à la date de la présentation à l’enregistrement des déclarations de cession, la transformation de la SARL TDA International en société par actions simplifiée n’était pas opposable à l’administration fiscale qui était dans l’impossibilité d’en avoir connaissance ». Mais est-ce bien ces dates qui doivent être retenues dans le cadre d’une rectification et, au demeurant, laquelle de ces deux dates faut-il faire primer si la publicité est réalisée entre les deux ?

Dans la même veine, le raisonnement suivi paraît remettre en cause le délai d’un mois, certes non respecté en l’espèce, pour procéder aux mesures de publicité, déterminé par l’article R. 123-66 du Code de commerce N° Lexbase : L8305L3Y. Si ce délai est respecté, la transformation cession ne devrait-elle pas être opposable à l’administration ? Une réponse positive réduirait drastiquement la portée de la décision et s’avèrerait rassurante pour les praticiens. Néanmoins, la lettre de l’arrêt ne semble absolument pas aller en ce sens.

Enfin, l’alinéa 3 de l’article L. 123-29 du Code de commerce pourrait justifier une autre lecture de la situation. Ce texte précise que les tiers comme les administrations qui avaient personnellement connaissance des faits et actes non publiés ne peuvent se prévaloir de l’absence de publication. Le Conseil d’État a d’ailleurs eu l’occasion de le rappeler dans différentes affaires en énonçant « qu’il résulte de ces dispositions que les faits ou actes qui doivent être mentionnés au registre du commerce et des sociétés ou déposés en annexe à ce registre sont opposables aux administrations qui en ont eu connaissance, alors même que les faits ou actes en cause n'auraient pas fait l'objet de la formalité correspondante » [11]. Or, en l’espèce, les juges lyonnais remarquent que « la déclaration de cession des droits sociaux déposée le 3 août 2012 ne fait aucunement état de la transformation préalable de la société TDA International, la société TDA International y étant présentée comme une société par actions simplifiée ». Informer l’Administration d’une vente d’actions de SAS et non de parts sociales d’une SARL paraît cependant éclairant et suffisant. Dès lors, en dépit de la non-réalisation des formalités de publicité, pourquoi ne pas reconnaitre que l’Administration avait connaissance de la transformation qui devrait alors être taxée conformément à la volonté des parties mais aussi à la réalité ?

Face à toutes ces interrogations, une décision de la Haute juridiction est attendue avec insistance.


[1] M. Cozian, A. Viandier, F. Deboissy, Droit des sociétés, LexisNexis, coll. Manuel, 36e éd., 2023, p. 300, n° 749.

[2] CA Lyon, 6 juillet 2023, n° 20/05110, BJS 202m2, note R. Vabres ; BRDA 21/23, n° 25, note B. Dondero.

[3] C. de la Mardière, Droit fiscal de l’entreprise, Bruylant, coll. Paradigme, 1ère éd., 2022, p. 538, n° 1615.

[4] D. Gutmann, Droit fiscal des affaires, LGDJ, coll. Domat Droit privé, 14e éd., 2023, p. 822, n° 954.

[5] V. not. D. Gutmann, op. cit., p. 822, n° 954.

[6] V. not. R. Vabres, Droit fiscal 2023, Dalloz, coll. Hypercours, 3e éd., 2023, n° 1484.

[7] Cass. com. 10 déc. 1996, n° 94-20.070, publié au Bulletin N° Lexbase : A2547ABX ; D. 1997, som. p. 229, obs. J.-C. Hallouin ; JCP E 1997, II, 923, note H. Hovasse ; add. BOI-ENR-DMTOM-40-10-10, n° 140.   

[8] Cass. com., 9 févr. 1999, n° 97-10.907 N° Lexbase : A6402AG9, Dr. sociétés 1999, n° 122, obs. J.-L. Pierre ; Dr. fisc. 1999, n° 27, comm. 550.

[9] B. Dondero, note ss. CA Lyon, 6 juillet 2023, op. cit.

[10] R. Vabres, note ss. CA Lyon, 6 juillet 2023, op. cit.

[11] Pour un changement de la date de clôture de l’exercice d’une société : CE 3° et 8° ch.-r., 24 juillet 2019, n° 416243 N° Lexbase : A7261ZK7 ;  pour un changement d’adresse du siège social d’une société : CE 9° ch., 11 mai 2022, n° 443029 N° Lexbase : A83077WL.

newsid:487617

Droit international privé

[Jurisprudence] La détermination de la date de saisine de la juridiction dans le champ du Règlement « Bruxelles II bis » (désormais « Bruxelles II ter »)

Réf. : Cass. civ. 1, 22 novembre 2023, n° 21-25.874, FS-B N° Lexbase : A6636138

Lecture: 16 min

N7680BZH

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par Antoine Mars, Docteur en droit, Avocat, Mars & Tabone Associés

Le 06 Décembre 2023

Mots-clés : résidence habituelle • responsabilité parentale • date de saisine de la juridiction • compétence • litispendance • Bruxelles II bis  • Bruxelles II ter

La Cour de cassation apporte une précision bienvenue quant à la détermination de la date de saisine de la juridiction en matière de responsabilité parentale laquelle doit faire l’objet d’une appréciation objective. Ce faisant, la prévisibilité des solutions est renforcée en cas de saisine du juge aux affaires familiales sur requête. Il en résulte que les praticiens devraient privilégier ce mode de saisine, lorsqu’il est possible, dans un contexte international propice au forum shopping.


 

En matière de désunion et de responsabilité parentale, le Règlement « Bruxelles II bis » (Règlement (CE) n° 2201/2003 Conseil, 27 novembre 2003 N° Lexbase : L0159DYK) – désormais « Bruxelles II ter » (Règlement (UE) n° 2019/1111 du 25 juin 2019 N° Lexbase : L9432LQE) – prévoit que la compétence de la juridiction saisie s’apprécie au jour de sa saisine. Néanmoins, la variété des situations qui nourrissent le contentieux familial international amène régulièrement à s’interroger sur la détermination de la date de saisine de la juridiction avec des incidences pratiques considérables.

En l’espèce, le père d’un enfant mineur résidant en France a formé, par requête du 28 mai 2019 au juge aux affaires familiales de Nantes, des demandes relatives aux modalités d’exercice de l’autorité parentale. La requête a finalement été signifiée à la mère résidant en Allemagne le 18 septembre 2020. Or, à cette date, l’enfant ne résidait plus en France mais en Allemagne avec sa mère qui avait entretemps déménagé. Cette dernière avait d’ailleurs saisi le 17 mars 2020 les juridictions allemandes de demandes tendant aux mêmes fins. Il en a résulté une situation potentielle de litispendance qu’il aurait convenu, le cas échéant, de régler selon le principe chronologique habituel en la matière, la juridiction saisie en second devant se dessaisir au profit de la juridiction première saisie.

Le père résidant en France soutenait donc que les juridictions françaises avaient été saisies les premières, par requête du 28 mai 2019. Mais pour qu’il y ait litispendance, encore fallait-il que les juridictions concurremment saisies soient toutes deux compétentes. La mère résidant en Allemagne soutenait au contraire que ce n’est qu’à la date de l’assignation, soit le 18 septembre 2020, que les juridictions françaises avaient été saisies. Or, à cette date, l’enfant résidait avec elle en Allemagne. Ce faisant, les juridictions françaises n’étaient pas compétentes, il n’y avait pas de litispendance et seules les juridictions allemandes pouvaient connaître du litige. La cour d’appel de Rennes a suivi la mère dans son raisonnement par un arrêt du 25 octobre 2021.

Le père s’est pourvu en cassation. Il soutient dans son pourvoi que la cour d’appel a violé les articles 8 et 16 du Règlement « Bruxelles II bis » (désormais articles 7 et 17 du Règlement « Bruxelles II ter »). Pour mémoire, le premier de ces textes impose au juge de statuer sur sa compétence au regard de la résidence de l’enfant au jour de sa saisine [1], peu important son évolution ultérieure. Il s’agit d’une déclinaison du principe perpetuatio fori [2]. Le second de ces textes définit le moment de la saisine de la juridiction en fonction de la nature de l’acte de saisine [3]. En cas de saisine par requête, la juridiction est saisie au jour du dépôt de la requête, mais à la condition que le demandeur n’ait pas négligé par la suite les diligences nécessaires à la notification ou à la signification de l’acte au défendeur. En cas de saisine par assignation, la juridiction est saisie au jour de la délivrance de l’assignation, mais à la condition que le demandeur n’ait pas négligé par la suite d’enrôler valablement son assignation auprès greffe de la juridiction. En somme, le règlement fixe dans les deux cas la date de saisine de la juridiction sous condition suspensive de réalisation de diligences ultérieures.

Or, la cour d’appel a précisément retenu que, le père ayant fait preuve de négligence dans l’accomplissement des diligences consécutives au dépôt de la requête, les juridictions françaises n’avaient pas été saisies à cette date mais à celle de l’assignation portant effectivement à la connaissance de la mère le contenu de la requête. Or, au jour de l’assignation, l’enfant résidait en Allemagne auprès de cette dernière, ce qui a conduit la cour d’appel à conclure à l’incompétence des juridictions françaises.

Dans son arrêt du 22 novembre 2023, la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Elle reproche à la cour d’appel d’avoir retenu, pour se déclarer incompétente, que le père « a commis de graves négligences en s'abstenant d'aviser le greffe en temps utile de la nouvelle adresse de [la mère] en Allemagne et d'informer celle-ci de la procédure en cours avant l'assignation qu'il lui a fait délivrer le 18 septembre 2020, date à laquelle l'enfant n'avait plus sa résidence habituelle en France mais en Allemagne, de sorte qu'il n'est pas possible, au regard de l'article 16 du Règlement 2201/2003, de considérer que la juridiction française a été valablement saisie par la requête déposée le 28 mai 2019 ». Mais la cour d’appel ayant « constaté que [le père] avait déposé sa requête auprès de la juridiction française puis régulièrement assigné [la mère] », elle aurait au contraire dû juger que les juridictions françaises étaient saisies à compter du dépôt de la requête, soit le 28 mai 2019.

Ce faisant, la Cour de cassation retient que la juridiction, saisie sur requête, l’est à la date du dépôt de celle-ci dès lors que les diligences nécessaires ont été ensuite effectuées. Il n’y a pas lieu d’analyser le comportement du requérant, il suffit que les diligences soient valablement accomplies. En somme, la Cour retient une application objective de l’article 16 du Règlement « Bruxelles II bis » (article 17 de « Bruxelles II ter »). Une telle approche doit être approuvée dans la mesure où l’internationalité des situations crée un risque juridique spécifique qui se traduit par une incertitude quant à la juridiction compétente pour connaître du litige. Le risque est accru dans le contentieux international de la famille où la course à la juridiction revêt en enjeu stratégique capital. Dans ce contexte, les plaideurs doivent pouvoir être en mesure de déterminer avec la plus grande prévisibilité possible la date à laquelle une juridiction est saisie, cette date déterminant le moment où la compétence s’apprécie et, le cas échéant, l’ordre de saisine des juridictions.

Le présent arrêt, en retenant une détermination objective de la date de saisine de la juridiction (I), renforce de manière appréciable la prévisibilité de cette détermination (II).

I. La détermination objective de la date de saisine de la juridiction

Aux termes du présent arrêt, la Cour de cassation applique de manière rigoureuse l’article 16 du Règlement « Bruxelles II bis » (article 17 de « Bruxelles II ter ») : la juridiction est saisie au jour de l’acte introductif d’instance (A), à la condition que les diligences nécessaires qui lui sont consécutives soient valablement accomplies (B).

A. Une saisine au jour de l’acte introductif d’instance

L’article 8 du Règlement « Bruxelles II bis » (article 7 du Règlement « Bruxelles II ter ») constitue le chef de compétence de principe en matière de responsabilité parentale. Les juridictions compétentes sont celles de l’État membre dans lequel l’enfant a sa résidence habituelle. La détermination de la résidence habituelle, notion de fait révélée par un faisceau d’indices, génère un contentieux nourri [4]. En revanche, le moment de cette détermination est précisé par la règle afin d’éviter le contentieux qui découlerait immanquablement des nombreuses hypothèses de modification de la résidence habituelle en cours d’instance [5]. La résidence habituelle doit ainsi être déterminée au jour de la saisine de la juridiction.

Il reste à déterminer le moment de cette saisine, ce que le Règlement précise également aux termes de son article 16 (article 17 de « Bruxelles II ter ») : la juridiction est saisie au jour de l’acte introductif d’instance. À ce propos, l’article 1137 du Code de procédure civile N° Lexbase : L8628LY9 offre au demandeur une alternative dans les procédures hors divorce relevant de la compétence du juge aux affaires familiales. La juridiction peut être saisie par requête ou par assignation. Les articles 54 N° Lexbase : L8645LYT et 55 N° Lexbase : L9076LTC du Code de procédure civile les distinguent : la requête est remise au greffe de la juridiction, l’assignation est signifiée au défendeur. En cas de saisine par requête, le défendeur est ensuite convoqué à la diligence du greffe conformément aux dispositions de l’article 1138 du Code de procédure civile N° Lexbase : L1435I8N. En cas de saisine par assignation, il y a lieu de l’enrôler au moins quinze jours avant la date d’audience, conformément aux termes de l’article 754 du même code N° Lexbase : L5412L8X.

Le Règlement « Bruxelles II bis » et désormais le Règlement « Bruxelles II ter » prévoient donc que, dans un cas comme dans l’autre, c’est la date de l’acte introductif d’instance qui correspond à la date de saisine de la juridiction. La requête est datée du jour de son dépôt au greffe ; l’assignation du jour de sa signification. Comme l’un et l’autre acte nécessitent l’accomplissement de diligences ultérieures afin de valablement saisir la juridiction, le Règlement en précise le sens. Et la Cour de cassation, par le présent arrêt, vient en préciser la portée.

B. Une saisine sous condition suspensive de l’accomplissement de diligences ultérieures

En cas de saisine du juge aux affaires familiales par requête, le Règlement précise que la juridiction est saisie à la date de son dépôt « à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit notifié ou signifié au défendeur ». En matière familiale, le principe est que le requérant n’est tenu de procéder à aucune diligence particulière : il revient au greffe de convoquer le défendeur. En d’autres termes, la requête est notifiée à la partie adverse à la diligence du greffe du juge aux affaires familiales. Ce n’est que par exception que l’article 1138 du Code de procédure civile impose au requérant de faire procéder à la signification au défendeur de la requête lorsqu’elle « mentionne que l'adresse du défendeur est la dernière adresse connue ».

En l’espèce, la requête au juge aux affaires familiales de Nantes mentionnait l’adresse de la mère de l’enfant lorsque ceux-ci résidaient en France. Lorsque le greffe a convoqué la partie défenderesse, elle avait entretemps transféré sa résidence en Allemagne où elle et l’enfant étaient désormais établis. Le père, dûment informé du déménagement, avait cependant omis d’en avertir la juridiction. On comprend que la situation, initialement interne, était devenue internationale dans l’intervalle. Tant le juge aux affaires familiales que la cour d’appel ont sanctionné la négligence du demandeur, lui reprochant de ne pas avoir informé en temps utile le greffe. Ce faisant, la cour d’appel a considéré que le seul acte introductif d’instance valable était l’assignation, date à laquelle il convenait de vérifier la compétence des juridictions françaises. L’enfant résidant alors en Allemagne avec sa mère, l’incompétence est prononcée au profit des juridictions allemandes.

C’est ce raisonnement consistant à analyser le comportement procédural du demandeur que vient sanctionner la Cour de cassation. Lorsque le Règlement européen précise que la juridiction est saisie au jour du dépôt de la requête « à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures » nécessaires, cela doit s’entendre dans un sens objectif. La disposition pose simplement une sorte de condition suspensive. Elle n’invite pas le juge à contrôler la manière dont le demandeur a pris les mesures ultérieures nécessaires. En cas de défaillance de la condition, c’est-à-dire en l’absence de signification valable dans le cas où l’article 1138 du Code de procédure civile l’impose, la saisine n’est pas valable. Elle est caduque. En cas de réalisation de la condition, la saisine est valable. Elle opère au jour du dépôt de la requête. En d’autres termes, dès lors que la requête est valablement signifiée, la juridiction doit être considérée comme ayant été saisie à la date de son dépôt au greffe. Il n’y a pas lieu à tenir compte du comportement du requérant résultant, notamment, de la tardiveté avec laquelle il a informé la juridiction du changement d’adresse du défendeur.

La détermination de la date de saisine de la juridiction posé par l’article 16 (article 17 de « Bruxelles II ter ») repose en conséquence sur un système objectif et non sur une appréciation subjective du comportement procédural du demandeur. On ne peut qu’approuver une telle décision, tant le besoin de prévisibilité est important dans la détermination de la compétence juridictionnelle en matière de contentieux familial international.

II. La détermination prévisible de la date de saisine de la juridiction

Par cette décision, la Cour de cassation renforce la prévisibilité de la date de saisine de la juridiction (A). Cependant, cette prévisibilité nécessaire, spécialement dans le contentieux international de la famille, doit encore être renforcée (B).

A. Une prévisibilité renforcée en cas de saisine sur requête

La décision objet du présent commentaire ne peut qu’être approuvée. En effet, si le raisonnement de la cour d’appel avait été confirmé, il aurait pu donner naissance à un nouveau contentieux. Le droit international de la famille connaît déjà un important phénomène de forum shopping [6]. En effet, l’unification européenne du droit international privé a contribué à grandement priver de son intérêt la course au tribunal en assurant la désignation d’une même loi applicable dans tous les États membres – ou dans la plupart d’entre eux en cas de coopération renforcée. Mais paradoxalement, elle a dans le même temps accru le phénomène en prévoyant, notamment en matière familiale, de nombreux chefs de compétence alternatifs à la disposition du demandeur. La prévalence de la compétence fondée sur la résidence habituelle a au surplus accentué encore davantage le phénomène par la facilité avec laquelle cette résidence se modifie. Dans le contentieux familial, le forum shopping ne réside plus forcément uniquement dans le choix de l’ordre juridique offrant la solution au fond la plus avantageuse mais plus prosaïquement dans le choix de la juridiction la plus proche du demandeur (ou la plus éloignée du défendeur). Cela peut conduire à générer un important contentieux dans des dossiers pour lesquels l’intérêt supérieur de l’enfant est en jeu avec une imprévisibilité due au caractère factuel de la notion de résidence habituelle. Les Règlements « Bruxelles II bis » et « Bruxelles II ter » éliminent fort heureusement le risque de conflit mobile en fixant la détermination de la compétence juridictionnelle au jour de la saisine de la juridiction. Il importait que le risque contentieux ne se déplace pas à la détermination du moment de cette saisine. En objectivant celle-ci, en conformité avec la lettre et l’esprit des articles 16 du Règlement « Bruxelles II bis » et 17 du « Règlement Bruxelles II ter », la Cour de cassation assure une prévisibilité renforcée des solutions.

Le présent arrêt participe à la limitation de l’intérêt pour les plaideurs de saisir une seconde juridiction tout en soutenant le défaut de saisine préalable de la première afin d’éviter le déclanchement de l’exception de litispendance. Mais la décision rendue concerne la saisine du juge par requête. Un doute regrettable subsiste quant à la saisine par voie d’assignation.

B. Une prévisibilité à renforcer en cas de saisine par assignation

Lorsque le juge aux affaires familiales est saisi par voie d’assignation, la saisine opère « à la date à laquelle il est reçu par l'autorité chargée de la notification ou de la signification » (Règlement « Bruxelles II bis », art. 16 ; Règlement « Bruxelles II ter », art. 17). Or, comme le pointe très justement Alexandre Boiché, « quelle est ‘l’autorité chargée de la signification’ ? Est-ce l’huissier français, entité d’origine, qui devra transmettre l’assignation à l’autorité désignée pour faire la signification dans l’État de destination, entité requise ? Ou est-ce cette dernière » [7] ? Tout l’enjeu consiste à s’assurer que compte la remise de l’assignation à l’autorité de l’État membre d’origine que seule maîtrise le demandeur tout comme il maîtrise le moment de la remise au greffe de la requête. Dans le cas contraire, la détermination de la compétence puis, le cas échéant, de l’ordre de saisine des juridictions pour la mise en œuvre de l’exception de litispendance, échappe au contrôle du demandeur.

Depuis la refonte du Règlement « Bruxelles I » applicable en matière civile et commerciale, il est désormais expressément prévu à l’article 32. 1 du « Bruxelles I bis » que « l’autorité chargée de la notification ou de la signification visée au point b) est la première autorité ayant reçu les actes à notifier ou à signifier ». La refonte du Règlement « Bruxelles II bis » aurait permis d’inclure à l’article 17 du Règlement « Bruxelles II ter » une précision analogue. Or, il n’en est rien. Est-ce à dire que le législateur européen n’a pas souhaité étendre à « Bruxelles II ter » la solution de « Bruxelles I bis » ? Il s’agit plus probablement d’un oubli.

Néanmoins, ce défaut de précision peut avoir des conséquences pratiques d’ampleur. Il en résulte qu’en présence d’un élément d’extranéité, la saisine du juge aux affaires familiales sur requête est à privilégier lorsqu’elle est possible – c’est-à-dire pour les procédures hors divorce et partage. Par son arrêt du 22 novembre 2023, la Cour de cassation vient opportunément renforcer la prévisibilité des solutions sur ce point.

 

[1] « 1. Les juridictions d'un État membre sont compétentes en matière de responsabilité parentale à l'égard d'un enfant qui réside habituellement dans cet État membre au moment où la juridiction est saisie. 2. Le paragraphe 1 s'applique sous réserve des dispositions des articles 9, 10 et 12. »

[2] Sur lequel, v. P. Lagarde, Perpetuatio fori et litispendance en matière internationale, in Mél. Dominique Holleaux, Litec, 1990, p. 237 s.

[3] « 1. Une juridiction est réputée saisie : a) à la date à laquelle l'acte introductif d'instance ou un acte équivalent est déposé auprès de la juridiction, à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit notifié ou signifié au défendeur ; ou b) si l'acte doit être notifié ou signifié avant d'être déposé auprès de la juridiction, à la date à laquelle il est reçu par l'autorité chargée de la notification ou de la signification, à condition que le demandeur n'ait pas négligé par la suite de prendre les mesures qu'il était tenu de prendre pour que l'acte soit déposé auprès de la juridiction. »

[4] V. pour la période récente, sur la résidence habituelle des époux : Cass. civ. 1, 30 novembre 2022, n° 21-15.988, FS-B N° Lexbase : A45348WT, RCDIP 2023. 471, note Fulli-Lemaire, AJ fam. 2023. 115, obs. D. D'Ambra, Dr. fam. 2023, comm. 33, obs. M. Farge ; sur la résidence habituelle de l’enfant, CJUE, 12 mai 2022, aff. C-644/20 N° Lexbase : A16657XX, Dalloz Actualité, 30 mai 2022, obs. F. Mélin, Dr. Fam. 2022, comm. 116, note A. Devers, RCDIP 2023.198, note N. Joubert ; CJUE 14 juillet 2022, aff. C-572/21 N° Lexbase : A51838BL, Dalloz Actualité, 28 septembre 2022, note F. Mélin, Europe 2022. comm. 354, note L. Idot ; CJUE 27 avril 2023, aff. C-372/22 N° Lexbase : A55859SN, Dalloz Actualité, 1er juin 2023, obs. F. Mélin, Europe 2023. comm. 237, note L. Idot, JDE 2023. 402, note C. de Bouyalski, K. Pigneret.

[5] On observe parfois à l’inverse une prise en compte spécifique de la modification de la résidence habituelle. C’est ainsi qu’en matière de loi applicable aux obligations alimentaires, l’article 3. 2 du protocole de La Haye du 23 novembre 2007 précise expressément : « En cas de changement de la résidence habituelle du créancier, la loi de l'État de la nouvelle résidence habituelle s'applique à partir du moment où le changement est survenu ».

[6] V. not., P. de Vareilles-Sommières, Le forum shopping devant les juridictions françaises, Trav. Com. Fr DIP 2001, p. 49 s.

[7] A. Boiché, in Dalloz référence Droit et pratique du divorce 2022-2023, n° 711.87.

newsid:487680

Droit rural

[Brèves] Cessation d'activité d'un copreneur : sanction de l’absence de régularisation de la situation du copreneur resté en place ?

Réf. : Cass. civ. 3, 30 novembre 2023, n° 21-22.539, FS-B N° Lexbase : A023317R

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N7687BZQ

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par Anne-Lise Lonné-Clément

Le 07 Décembre 2023

► L'article L. 411-35, alinéa 3, du Code rural et de la pêche maritime, qui prévoit que lorsqu'un des copreneurs d'un bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom, ne crée, pour le copreneur resté en activité, qu'une simple faculté, dont le non-usage ne constitue pas une infraction aux dispositions de l'article L. 411-35, de nature à permettre la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1°.

Le présent arrêt rendu le 30 novembre 2023 tranche une question qui méritait d’être clarifiée : en cas de cessation d’activité d’un copreneur, quelles sont les conséquences de l’absence de régularisation de la situation du copreneur resté en place afin de poursuivre le contrat à son seul nom, comme le lui permet l’article L. 411-35, alinéa 3, du Code rural et de la pêche maritime N° Lexbase : L4458I4U ?

Plus précisément, s’agit-il d’un motif de résiliation judiciaire sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1°, du même code N° Lexbase : L8924IWG, qui prévoit que le bailleur peut demander la résiliation du bail en cas de contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 ?

Ou bien cela prive-t-il simplement le preneur resté en place de sa faculté de céder le bail dans les conditions de l'article L. 411-35.

Dans son arrêt rendu le 30 novembre 2023, promis aux honneurs du bulletin, la Haute juridiction retient la seconde option aux termes d’une motivation enrichie, alors qu’elle avait retenu l’option inverse dans un précédent arrêt inédit (Cass. civ. 3, 4 mars 2021, n° 20-14.141, F-D N° Lexbase : A02404K4).

En l’espèce, les bailleurs se référaient manifestement à cet arrêt puisqu’ils exposaient l’argument  suivant : l'article L. 411-31, II, 1°, du Code rural et de la pêche maritime permet au bailleur de demander la résiliation du bail s'il justifie de toute contravention aux dispositions de l'article L. 411-35 du même code ; aussi, le défaut d'accomplissement de l'obligation d'information du propriétaire, en cas de cessation d'activité de l'un des copreneurs, qui doit s'entendre comme la cessation de sa participation à l'exploitation de façon effective et permanente, constitue un manquement aux obligations nées du bail et une violation de l'article L. 411-35.

Et l’argument est effectivement convaincant si l’on s’en tient à une lecture stricte des textes. Mais la Haute juridiction choisit de modifier sa position en adoptant ici une interprétation téléologique de la loi.

C’est ainsi qu’en l’espèce, reprochant à la copreneuse restée en place de ne pas leur avoir demandé la poursuite du bail à son seul nom alors que le copreneur aurait cessé de participer à l'exploitation du bien loué, les bailleresses avaient assigné les preneurs en résiliation du bail. Elles n’obtiendront pas gain de cause devant la Cour suprême, qui rejette l’argument aux termes d’une motivation enrichie.

Elle relève ainsi qu’aux termes de l'article L. 411-35, alinéa 1er, du Code rural et de la pêche maritime, sous réserve des dispositions particulières aux baux cessibles hors du cadre familial prévues au chapitre VIII du présent titre et nonobstant les dispositions de l'article 1717 du Code civil N° Lexbase : L1839ABQ, toute cession de bail est interdite, sauf si la cession est consentie, avec l'agrément du bailleur, au profit du conjoint ou du partenaire d'un pacte civil de solidarité du preneur participant à l'exploitation ou aux descendants du preneur ayant atteint l'âge de la majorité ou ayant été émancipés. À défaut d'agrément par le bailleur, la cession peur être autorisée par le tribunal paritaire.

Selon l'article L. 411-35, alinéa 3, de ce code, issu de la loi n° 2014-1170, du 13 octobre 2014, lorsqu'un des copreneurs du bail cesse de participer à l'exploitation du bien loué, le copreneur qui continue à exploiter dispose de trois mois à compter de cette cessation pour demander au bailleur par lettre recommandée avec demande d'avis de réception que le bail se poursuive à son seul nom.

Selon l'article L. 411-31, II, 1°, du même code, le bailleur peut demander la résiliation du bail en cas de contravention aux dispositions de l'article L. 411-35.

La formalité prévue par le deuxième de ces textes a pour objet de permettre au preneur resté en activité de régulariser la poursuite du bail à son seul nom et de préserver ainsi sa faculté de le céder dans les conditions de l'article L. 411-35.

En effet, la cessation de la participation à l'exploitation du bien loué par l'un des copreneurs, qui y reste tenu, est de nature à faire obstacle à la cession du bail (Cass. civ. 3, 3 février 2010, n° 09-11.528 N° Lexbase : A6149ER8).

Ce texte ne crée donc, pour le copreneur resté en activité, qu'une simple faculté, dont le non-usage ne constitue pas une infraction aux dispositions de l'article L. 411-35, de nature à permettre la résiliation du bail sur le fondement de l'article L. 411-31, II, 1°.

Pour aller plus loin : v. ÉTUDE : Cession du bail rural, sous-location et cotitularité du bail, spéc. Cessation d'activité d'un copreneur et poursuite du contrat par l'autre copreneur in Droit rural (dir. Ch. Lebel), Lexbase N° Lexbase : E9061E9H.

newsid:487687

Entreprises en difficulté

[Jurisprudence] La clôture anticipée du redressement judiciaire, une simple faculté

Réf. : Cass. com., 22 novembre 2023, n° 22-17.894, F-B N° Lexbase : A862213Q

Lecture: 8 min

N7605BZP

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par Pierre-Michel Le Corre, Professeur à l'Université Côte d'Azur, Directeur du Master 2 Administration et liquidation des entreprises en difficulté de la Faculté de droit de Nice, Membre CERDP (EA 1201)

Le 05 Décembre 2023

Mots-clés : redressement judiciaire • clôture anticipée • démonstration de la possibilité de payer les créances exigibles et les frais de la procédure • obligation pour le tribunal (non) • faculté (oui)

Il n’est pas possible, sous couvert de griefs non fondés de violation des articles L. 631-16 et R. 663-34 du Code de commerce, de remettre en cause l'exercice par la cour d'appel du pouvoir souverain qu'elle tient de l'article L. 631-16 de ne pas faire usage de la faculté offerte par ce texte de mettre fin au redressement judiciaire.


 

La logique d’une procédure collective de sauvetage est de débuter par une période d’observation et de se terminer par l’adoption d’un plan de sauvegarde ou de redressement. Cependant, il se peut que, pendant la période d’observation, la situation se soit améliorée à un point tel que le débiteur n’ait pas besoin d’obtenir un moratoire pour le paiement de ses dettes. Le plan ne sert plus alors à rien et le débiteur préfère, pour son image, quitter le plus vite possible la sphère des procédures collectives.

Le législateur lui en donne les moyens tant dans la procédure de sauvegarde que dans la procédure de redressement judiciaire.

Dans la procédure de sauvegarde, l’article L. 622-12 du Code de commerce N° Lexbase : L3520ICD dispose que « Lorsque les difficultés qui ont justifié l'ouverture de la procédure ont disparu, le tribunal y met fin à la demande du débiteur. Il statue dans les conditions prévues au quatrième alinéa de l'article L. 622-10 N° Lexbase : L9122L7Y ». La rédaction de ce texte fait apparaître que la clôture de la sauvegarde est obligatoire « [l]orsque les difficultés qui ont justifié l'ouverture de la procédure ont disparu ». Le débiteur sollicite la clôture. Le tribunal n’a pas de pouvoir d’appréciation : si les difficultés ont disparu, il doit accorder au débiteur la clôture qu’il sollicite.

Dans la procédure de redressement judiciaire, une clôture anticipée est également prévue. Elle est régie par l’article L. 631-15, alinéa 1er, du Code de commerce, selon lequel « S'il apparaît, au cours de la période d'observation, que le débiteur dispose des sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers et acquitter les frais et les dettes afférents à la procédure, le tribunal peut mettre fin à celle-ci ». C’est l’application de ce texte qui était au centre de l’arrêt commenté.

En l’espèce, à la suite de l’assignation d’un créancier, la société JASSP a été mise en redressement judiciaire. Le 5 juillet 2021, le tribunal a arrêté le plan de redressement de la société JASSP d'une durée de 6 ans.

La société JASSP avait demandé la clôture de son redressement judiciaire et fait, par conséquent, grief à la cour d’appel d’avoir confirmé le jugement ayant arrêté son plan et rejeté sa demande de clôture du redressement judiciaire.

La société débitrice prétendait, en effet, avoir consigné les sommes suffisantes pour, d’une part, payer ses créanciers dont les créances étaient exigibles et, d’autre part, acquitter les frais et les dettes afférents à la procédure, à savoir divers honoraires de repartions dus au mandataire judiciaire. Un doute existait sur le montant exact des honoraires de répartition devant être alloué au mandataire judiciaire, variant entre 300 et 2300 euros, de sorte que la discussion pouvait porter sur la possibilité de prise en charge totale de l’honoraire de répartition qui, au demeurant, n’avait pas encore été taxé. Et toute la discussion du débiteur portait sur ce point.

La cour d’appel ne s’était guère appesantie sur cette question, préférant confirmer le jugement ayant adopté le plan de redressement du débiteur.

Un point de droit n’avait en réalité pas été abordé : celui de savoir si, lorsque les conditions de clôture du redressement judiciaire sont réunies, le tribunal doit ou simplement peut faire droit à la demande de clôture du redressement judiciaire présentée par le débiteur ?

C’est sur cet unique terrain que va se placer la Cour de cassation, pour confirmer la décision de la cour d’appel ayant rejeté la demande de clôture du redressement judiciaire et confirmer le jugement ayant adopté le plan. La Cour de cassation juge que « Selon l'article L. 631-16 du Code de commerce N° Lexbase : L4027HBR, le juge peut mettre fin à la période d'observation s'il apparaît que le débiteur dispose des sommes suffisantes, non seulement pour désintéresser les créanciers, mais aussi pour acquitter les frais et dettes afférents à la procédure collective. Sous le couvert de griefs non fondés de violation des articles L. 631-16, R. 663-34 N° Lexbase : L8328MHW du Code de commerce et 455 du Code de procédure civile N° Lexbase : L6565H7B, le moyen ne tend qu'à remettre en cause l'exercice par la cour d'appel du pouvoir souverain qu'elle tient de l'article L. 631-16 précité de ne pas faire usage de la faculté offerte par ce texte de mettre fin au redressement judiciaire ».

Ainsi, il importe peu, devant la Cour de cassation, de discuter sur le point de savoir si la preuve est rapportée que les conditions de la clôture anticipée sont réunies. C’est là une question de preuve. Une fois que la cour d’appel a dit, en faisant application de son pouvoir d’appréciation, qu’il n’y avait pas place à clôture, il est inutile de porter le débat devant la Cour de cassation. Les juges du fond sont souverains pour apprécier s’il faut ou non accorder au débiteur la clôture anticipée de son redressement judiciaire, dans l’hypothèse où les conditions en seraient réunies.

Comme l’énonce l’article L. 631-15 du Code de commerce N° Lexbase : L9174L7W, « le tribunal peut mettre fin » au redressement judiciaire si le débiteur dispose des sommes suffisantes pour désintéresser les créanciers et acquitter les frais et les dettes afférents à la procédure. La formule utilisée « peut mettre fin » ne laisse place à aucun doute : cette clôture anticipée du redressement est une faculté pour le tribunal non une obligation.

Le contraste est d’ailleurs saisissant par rapport à la formule utilisée par le législateur à propos de la clôture anticipée de la sauvegarde : « Lorsque les difficultés qui ont justifié l'ouverture de la procédure ont disparu, le tribunal y met fin à la demande du débiteur ». Le tribunal a ici l’obligation d’accorder au débiteur qui la sollicite la clôture de la sauvegarde.

Le redressement judiciaire est une procédure obligatoire pour le débiteur, qui, tout en ayant encore la possibilité de se redresser, est en état de cessation des paiements depuis au moins 45 jours. Au contraire, la sauvegarde est une procédure facultative, puisque le débiteur n’est pas en état de cessation des paiements.

Ainsi :

  • à procédure facultative, clôture anticipée obligatoire ;
  • à procédure obligatoire, clôture anticipée facultative.

Ces solutions s’expliquent. En effet, il est logique de ne pas laisser de pouvoir d’appréciation au tribunal pour clôturer une sauvegarde : le débiteur n’était pas en état de cessation des paiements. Les difficultés qui l’ont amené à franchir les portes du tribunal pour se mettre sous sa protection ont disparu. Il n’a plus besoin de la protection du tribunal. Il le fait savoir et on doit le laisser tranquille. Il ne fait pas courir de risque majeur à l’environnement économique.

Au contraire, lorsque le débiteur est placé en redressement judiciaire, il est par hypothèse en état de cessation des paiements. Il peut être contagieux pour l’environnement économique. Une mesure de prophylaxie consiste à le mettre sous procédure collective. Il ne doit pas pouvoir en sortir facilement car il est dangereux. Certes, observa-t-on, ces dangers se sont écartés s’il peut payer son passif exigible. Certes ! Mais la loi n’est pas ici assez exigeante. En effet, il se peut que, à l’instant « t », il soit en en mesure de payer son passif exigible. Le sera-t-il encore à l’instant « t’ » lorsqu’un passif supplémentaire sera devenu exigible ? Le danger est réel pour les créanciers et c’est ce qui a conduit le législateur à opter pour une clôture simplement facultative.

La solution ici posée n’est au demeurant qu’un rappel. En effet, la Cour de cassation l’avait déjà bien précisé dans une décision : « la cour d’appel n’a fait qu’user du pouvoir souverain qu’elle tient de l’article L. 631-16 du Code de commerce, dans sa rédaction issue de la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, en ne faisant pas usage de la faculté offerte par ce texte de mettre fin au redressement judiciaire » [1]. Ainsi, seule importe à la Cour de cassation, le fait que la cour d’appel ait fait usage de sa faculté, ce qui suppose qu’elle apprécie les éléments de nature à la conduire à décider que la clôture de la procédure doit ou non intervenir. Il y a là une appréciation en opportunité.

Terminons par une observation. Il faut  bien comprendre que le débiteur peut jouer contre son intérêt à solliciter la clôture de son redressement judiciaire si des créances n’ont pas été régulièrement déclarées. En effet, la créance non déclarée est inopposable à la procédure collective. Et depuis l’ordonnance du 18 décembre 2008 (ordonnance n° 2008-1345 N° Lexbase : L2777ICT), une règle spéciale prévoit que l’inopposabilité de la créance non déclarée subsiste après complète exécution du plan de sauvegarde ou de redressement. Il est donc largement préférable pour le débiteur désireux de se débarrasser d’une partie de son passif, en présence d’importantes créances non déclarées régulièrement, d’obtenir un plan de redressement plutôt que de solliciter la clôture de sa procédure de redressement judiciaire.

 

[1] Cass. com., 16 décembre 2008, n° 07-22.033, N° Lexbase : A9133EBU, D., 2009,  AJ 94, note A. Lienhard ; JCP E, 2009, 1347, n° 2, obs. M. Cabrillac ; Act. proc. coll., 2009/2, n° 32, note C. Régnaut-Moutier ; Defrénois, 2009, 38973, p. 1405, n° 6, note D. Gibirila ; P.-M. Le Corre, in Chron., Lexbase Affaires, janvier 2009, n° 334, N° Lexbase : N3534BIQ.

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Licenciement

[Jurisprudence] Précisions sur le périmètre de l’obligation de reclassement au sein du groupe : le secteur d’activité reste un critère inopérant

Réf. : Cass. soc., 8 novembre 2023, n° 22-18.784, F-B N° Lexbase : A48321UI

Lecture: 17 min

N7628BZK

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par Gwenola Bargain, Maîtresse de conférences, Directrice du Master Droit de l’entreprise à l’Université de Tours, IRJI EA 7496

Le 06 Décembre 2023

Mots-clés : licenciement pour motif économique • obligation de reclassement • périmètre • groupe de reclassement • permutabilité du personnel • secteur d’activité

L’exécution de l’obligation de reclassement s’effectue dans le périmètre comprenant l’ensemble des entreprises du groupe dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. Le secteur d’activité de ces différentes entreprises ne constitue pas un élément pertinent pour apprécier l’étendue du périmètre de la recherche du poste de reclassement.


Que reste-t-il du groupe de reclassement [1] ? Si la question se posait légitimement dès les premières semaines d’entrée en vigueur des ordonnances dites « Macron » [2], elle pourrait sembler aujourd’hui, les années ayant passé, quelque peu obsolète. En réalité, compte tenu de la temporalité du contentieux, il aura fallu attendre l’année 2023 pour que la jurisprudence commence à redessiner les contours du groupe de reclassement tant en matière d’inaptitude qu’en matière de licenciement économique.

Rappelons-le, l’employeur qui envisage le licenciement pour motif économique d’un salarié doit au préalable rechercher à le reclasser. La délimitation du périmètre au sein duquel doit s’effectuer cette recherche est tributaire de l’éventuelle appartenance de l’entreprise à un groupe. Jusqu’à l’adoption de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 N° Lexbase : L7629LGN, les juges exigeaient de prendre en considération le seul périmètre constitué des entreprises du groupe dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; le groupe de reclassement était conçu comme un « groupe de permutabilité » [3]. L’actuel article L. 1233-4 du Code du travail N° Lexbase : L7298LHR reprend, certes, dans son alinéa premier, ce critère de permutation et les éléments jurisprudentiels le caractérisant, mais en précisant, ensuite, que la notion de groupe s’entend de celle qui répond aux critères d’un groupe sociétaire tel que circonscrit par trois articles du Code de commerce auxquels il renvoie [4]. Il s’agirait désormais en matière de reclassement d’identifier, tout d’abord, l’existence d’un groupe au sens du Code de commerce, à partir d’un critère de contrôle et de délimiter, ensuite, l’espace de reclassement, le périmètre social, au regard des possibilités de permutation du personnel entre les entreprises du groupe ainsi dessiné [5].

Livrant pour la première fois une interprétation de l’alinéa 1 de l’article L. 1233-4, dans sa version modifiée, la Chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt du 8 novembre 2023, précise les éléments pertinents pour délimiter le périmètre social du groupe de reclassement. En l’espèce, une société de distribution avait procédé au licenciement d’un magasinier pour motif économique en l’absence de reclassement possible. Contestant la cause réelle et sérieuse de son licenciement, le salarié faisait valoir la délimitation erronée du périmètre au regard duquel l’obligation de reclassement avait été exécutée. L’argument fut rejeté par la cour d’appel de Bordeaux. Estimant que les entreprises du groupe ne relevaient pas du même secteur d’activité, les juges du fond avaient considéré que la permutation du personnel n’était pas possible si bien que le reclassement ne pouvait s’apprécier qu’au regard du périmètre du seul employeur et non des autres entreprises. L’arrêt de la cour d’appel est cassé au visa de l’article L. 1233-4, alinéa 1er du Code du travail, dans sa rédaction modifiée par l’ordonnance du 20 décembre 2017. Sans surprise, la Chambre sociale de la Cour de cassation précise que, pour délimiter le périmètre à prendre en considération pour l’exécution de l’obligation de reclassement, seul compte le critère de la permutation du personnel entre les entreprises du groupe, « peu important qu’elles appartiennent ou non à un même secteur d’activité ». La formule n’est pas nouvelle et la rédaction de l’alinéa 1 de l’article L. 1233-4, dans sa version modifiée, n’a pas vocation à la faire évoluer. L’alinéa 2 n’est lui pas mentionné dès lors que l’existence d’un groupe au sens du Code de commerce n’était pas ici remise en cause.

Si la permutation du personnel reste un critère essentiel pour délimiter le périmètre du groupe de reclassement (II.), elle ne doit pas être confondue avec le critère du secteur d’activité seul pertinent pour apprécier la réalité et le sérieux de la cause économique du licenciement (I.). Il n’est pas certain, cependant, que la nouvelle rédaction de l’article L. 1233-4, en superposant au groupe de reclassement un groupe sociétaire, n’alimente pas la confusion des périmètres, tant la démarche à suivre peut sembler éloignée de celle originellement adoptée par la Cour de cassation.

I. Le secteur d’activité : critère inopérant du périmètre du groupe de reclassement

De longue date, la jurisprudence distingue le périmètre du groupe au sein duquel l’appréciation de la cause économique du licenciement s’opère et le périmètre du groupe au sein duquel s’effectue l’appréciation de l’exécution de l’obligation de reclassement de l’employeur. Exigeant que les possibilités de reclassement soient « recherchées à l’intérieur du groupe parmi les entreprises dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation leur permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel » [6], la Chambre sociale de la Cour de cassation a ainsi dessiné très tôt un espace de maintien du lien d’emploi aux contours spécifiques. Ces éléments garantissant la délimitation du périmètre de reclassement ont été repris à l’identique à l’alinéa 1 de l’article L. 1233-4 du Code du travail, dans sa version modifiée par l’ordonnance du 20 décembre 2017. L’arrêt du 8 novembre 2023 réaffirme cette exigence au visa de cet alinéa, en prenant soin d’indiquer que le périmètre de reclassement comprend l’ensemble des entreprises dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation « permettent d’effecteur la permutation de tout ou partie du personnel », là où la loi mentionne cependant des éléments qui « assurent » cette permutation.

Le sens du critère de la permutabilité du personnel peut, de prime abord, apparaître comme relativement flou dès lors qu’il s’appuie sur différents indices qui n’ont pas tous à être réunis pour circonscrire le périmètre du groupe de reclassement. Les juges rappellent ici que ce critère ne se confond pas avec le secteur d’activité des entreprises concernées, cette appartenance à un même secteur constituant un élément indifférent pour délimiter l’aire du groupe de reclassement. La confusion est compréhensible, l’identification des activités pouvant être centrale en pratique dans la délimitation de cet espace puisqu’elle permettra de mettre en exergue une proximité éventuelle entre les entreprises dans le cadre d’une organisation économique commune [7]. À ce titre, elle reste souvent au cœur de la démarche permettant concrètement d’identifier les possibilités de reclassement au regard de postes comparables entre les entreprises [8]. Elle n’épuise pas cependant les éléments pertinents pour dessiner le groupe de reclassement. En l’espèce, l’employeur prenait pour argument la différence de domaine d’activité entre les sociétés pour justifier l’impossibilité d’une permutation de personnel. Il fut rejoint en cela par les juges de la cour d’appel de Bordeaux, qui ont retenu que les autres sociétés du groupe avaient pour objet la réalisation de travaux, là où l’employeur avait lui pour objet une activité de négoce, si bien que le périmètre de recherche de reclassement ne pouvait inclure ces sociétés. C’est ce raisonnement impropre à caractériser les contours du périmètre de reclassement qui est censuré par la Chambre sociale sans pour autant que le critère de permutation en soit davantage précisé.

La solution n’est cependant pas nouvelle, plusieurs arrêts antérieurs ayant eu l’occasion d’éclairer l’approche fonctionnelle retenue pour la délimitation concrète du périmètre au sein duquel le poste de reclassement doit être recherché et qui diffère à ce titre de celle de la cause économique. C’est en ce sens que, pour délimiter le groupe de reclassement, les juges du fond avaient pu, « à bon droit et sans se contredire », retenir « un périmètre différent que celui retenu pour l’appréciation de la cause économique du licenciement et limité aux entreprises appartenant au même secteur d’activité du groupe » [9]. La confusion des périmètres a pu cependant être crainte dès lors que l’appréciation de la cause économique implique, si l’entreprise appartient à un groupe, de se référer au secteur d’activité commun aux entreprises du groupe, celui-ci étant caractérisé « notamment par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché » (C. trav., art. L. 1233-3 N° Lexbase : L1446LKR). Dans une démarche affichée de simplification, voire de rationalisation, le législateur a également souhaité aligner la notion de groupe telle qu’elle est conçue dans le cadre de la cause économique avec celle de l’obligation de reclassement, utilisant désormais le même renvoi aux articles du Code de commerce. Cette unification opérée au regard du droit des sociétés de la notion de groupe n’implique pas cependant une identité d’espace quant à l’appréciation de l’exécution des obligations pesant sur l’employeur. Dans un cas, c’est le secteur d’activité qui est pris en compte, dans l’autre la permutabilité du personnel.

L’interprétation retenue par l’arrêt du 8 novembre 2023 maintient l’autonomie dessinée par la jurisprudence antérieure des deux périmètres d’appréciation, le périmètre du secteur d’activité pour appréhender la réalité et le sérieux du motif économique et celui de l’exécution de l’obligation de reclassement. En l’espèce, c’est l’absence de secteur d’activité commun qui avait été relevé par les juges du fond comme étant un élément rédhibitoire quant au reclassement à l’extérieur de l’entreprise. La cour d’appel de Bordeaux avait effectivement retenu, dans un premier temps, que les sociétés du groupe ne relevaient pas du même secteur d’activité, ce qui impliquait que la considération des difficultés économiques ne pouvait se faire qu’à l’échelle des seuls résultats de l’entreprise. En réitérant ce raisonnement retenu pour l’appréciation de la cause économique, elle a, ensuite, pu conclure également à l’absence de permutabilité possible, évinçant toute recherche de reclassement au-delà du seul employeur. C’était regarder dans la mauvaise direction dès lors que la considération de la permutation du personnel invite au contraire à appréhender les liens existants entre les sociétés au-delà de leur seul domaine d’activité et de la décision économique prise par l’employeur. Ces liens pouvant très bien être établis alors même que les sociétés n’appartiennent pas au même secteur d’activité.

II. La permutation du personnel : critère essentiel du périmètre du groupe de reclassement

Si le critère de la permutation du personnel ne s’apprécie pas au regard du secteur d’activité des entreprises du groupe, il implique cependant de scruter le tissu économique et social des relations qui ont pu, ou peuvent, être établies entre elles afin d’effectuer la recherche du poste de reclassement. Au vu de la jurisprudence antérieure, une permutation du personnel a pu être retenue dès lors que les relations existantes entre les entités laissent transparaître une « organisation économique, mais aussi une politique sociale globale de gestion du personnel » [10]. Certains arrêts ont, en ce sens, fait de l’existence de ces relations un élément déterminant pour établir la permutabilité du personnel, mettant l’accent sur les relations de partenariat [11], sur les relations de collaboration [12] ou encore sur l’existence d’une gestion commune [13]. La Cour de cassation a souvent insisté sur cette permutabilité rendue possible, « en raison des relations qui existent » [14], entre les entreprises du groupe, soulignant la proximité organisationnelle à travers, par exemple, l’utilisation des mêmes procédures ou des mêmes types d’actions [15]. En cela, la jurisprudence antérieure a toujours été claire pour que se dessine un périmètre de reclassement plus large que la seule approche économique tenant à l’activité de production assurée, mais aussi distinct des éventuels liens capitalistiques unissant ou non les entités entre elles. La Cour de cassation a pu afficher une volonté de « délimiter un “réseau” pour favoriser les possibilités de reclassement des salariés dont le licenciement économique est envisagé » [16]. La logique est d’ailleurs fort semblable à celle permettant l’identification d’une unité économique et sociale, sans pour autant s’y fondre complètement [17].

Si l’arrêt du 8 novembre 2023 ne donne pas plus de précisions sur les éléments permettant la caractérisation de cette permutation, il reste que, bien souvent, l’activité ainsi que le lieu d’exploitation pourront aussi constituer les indices pertinents pour établir cette possibilité [18]. La délimitation de l’espace de reclassement au sein du groupe se dessine au regard des éléments de preuve apportés par l’employeur et le salarié et soumis à l’appréciation des juges du fond. Le groupe de permutabilité apparaît avant tout comme un « espace modulable selon les spécificités du contexte et les éléments dont le juge dispose » [19]. C’est bien en ce sens que la jurisprudence invite à prendre en considération l’organisation productive, ou le « périmètre organisationnel » [20], au-delà des seules relations capitalistiques entre les entreprises. Dans l’affaire en cause, le salarié faisait valoir qu’il avait été initialement embauché par une autre société du groupe, son contrat de travail ayant été ensuite transféré à la société devenue son employeur. Le transfert ayant été possible, il n’y avait pas, selon lui, d’obstacle à envisager à nouveau son reclassement au sein d’une autre entité du groupe. Si le critère de la permutation n’impose pas nécessairement que celle-ci ait pu être possible par le passé, il reste que le transfert antérieur du contrat peut figurer au titre des indices d’une possible permutation. Cet indice n’est cependant pas ici mentionné par la Chambre sociale puisque les juges du fond ont estimé de façon erronée que la différence de secteur d’activité constituait un obstacle rédhibitoire à toute possibilité de permutation.

À lire la solution retenue par la Cour de cassation, il semble donc que la jurisprudence relative aux modalités de caractérisation du périmètre du groupe de reclassement puisse se maintenir. « Tout change pour que rien ne change » ? En réalité, l’ajout en 2017 d’une étape supplémentaire, et première, à travers l’identification d’un groupe sociétaire préalable à la délimitation de l’espace de reclassement contribue à obscurcir l’approche fonctionnelle du périmètre du groupe de reclassement, conçu comme une « notion autonome » [21]. Une telle démarche n’était pas ici en cause dès lors que l’existence d’un groupe au sens du Code de commerce n’était pas remise en question en l’espèce. La Cour de cassation a eu cependant l’occasion de préciser, dans un arrêt du 5 juillet 2023 concernant le groupe de reclassement en matière d’inaptitude consécutive à une maladie ou un accident non professionnel, que le ré-ordonnancement des périmètres opéré par les ordonnances de 2017 impliquait désormais au moins deux étapes dans la délimitation du groupe [22]. Cette démarche nécessite de relier différentes entités, au regard cette fois-ci de leurs liens capitalistiques et de critères de contrôle, puis d’opérer une nouvelle délimitation visant à identifier l’espace au sein duquel la permutation du personnel est possible ou « assurée ». Ce raisonnement a vocation à s’appliquer également en matière de licenciement pour motif économique dès lors que la rédaction des articles concernés est identique. Les arrêts ayant pu par le passé considérer que la seule détention de capital ne suffit pas à établir la possibilité d’une permutation du personnel [23] ne seront certes pas remis en cause. Tel pourrait cependant ne pas être le cas de la jurisprudence retenant que l’absence de liens capitalistiques entre les entités ne pouvait suffire à exclure la possibilité d’une permutation du personnel [24]. Il peut d’ailleurs être relevé que la référence explicite à une permutabilité « rendue possible en raison des relations qui existent » entre les entreprises n’est pas reprise dans l’arrêt ici commenté, lequel se contente de la formule désormais codifiée faisant mention « des activités, de l’organisation ou du lieu d’exploitation », sans référence aux relations existantes. Il faut bien avouer que la démarche se complexifie quelque peu puisque là où il suffisait de pointer le curseur sur la configuration des « relations existantes » pour délimiter le groupe de reclassement, il faut désormais concilier une qualification de « relations » de contrôle en identifiant un « groupe premier » [25], et une qualification de « relations » organisationnelles en identifiant un « groupe second » (sans compter le périmètre géographique). Dans ce jeu de triangulation ou de relations croisées, il n’est pas dit que la rationalisation recherchée en insistant sur sa faisabilité pratique soit si évidente. L’imbrication des critères, sociétaire et social, participe d’une confusion qu’évitait la seule considération d’un groupe fonctionnel, dit de « permutabilité » ; la crainte de voir le groupe de reclassement devenir un « sous-groupe de sociétés » [26], ou une notion semi-autonome, pourrait se confirmer sauf à considérer qu’il existe encore un levier pour retenir une approche plus souple du groupe, au sens du Code de commerce, et élargir un peu le champ des possibles à travers la considération de l’influence dominante de l’article L. 233-16 du Code commerce N° Lexbase : L9089KBA, comme le défendent plusieurs auteurs [27]. Il faudra peut-être attendre 2024 pour que la précision soit apportée et voir cette géométrie des périmètres réalignée au regard de leur finalité.


[1] A. Fabre, Que reste-t-il du droit du licenciement pour motif économique ?, SSL, 2 octobre 2017, n° 1784, p. 3.

[2] Ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail N° Lexbase : L7629LGN ; ordonnance n° 2017-1718 du 20 décembre 2017, du 20 décembre 2017 visant à compléter et mettre en cohérence les dispositions prises en application de la loi n° 2017-1340 du 15 septembre 2017, d'habilitation à prendre par ordonnances les mesures pour le renforcement du dialogue social N° Lexbase : L6578LH4.

[3] F. Favennec-Héry, Le groupe de reclassement, Droit social, 2012, p. 987.

[4] C. trav., art. L. 1233-4, al. 2 N° Lexbase : L7298LHR : « pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du Code de commerce ».

[5] Cass. soc., 5 juillet 2023, n° 22-10.158, FS-B N° Lexbase : A330498U.

[6] Cass. soc., 5 avril 1995, n° 93-42.690 N° Lexbase : A4018AA3, « Videocolor ».

[7] Voir déjà, Cass. soc., 23 mai 1995, n° 93-46.142 N° Lexbase : A7548AXT : si les possibilités de reclassement d'un salarié doivent s'apprécier à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur concerné, parmi les entreprises dont les activités ou l'organisation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, une association, gérant une gare routière, peut constituer, avec d'autres entreprises de transports, un groupe au sein duquel les possibilités de reclassement doivent être examinées.

[8] E. Wurtz, Le périmètre du reclassement du salarié : entre continuité et rupture, Cah. soc., mars 2018, n° 122, p. 173.

[9] Cass. soc., 5 mai 2017, n° 16-10.136, F-D N° Lexbase : A9472WBG.

[10] M. Kocher, La notion de groupe en droit du licenciement pour motif économique : une nouvelle partition pour un accord parfait ?, RDT, 2017, p. 44.

[11] Cass. soc., 14 décembre 2011, n° 10-23.182, F-D N° Lexbase : A4939H8G, relevant que n’étaient pas « démontrées une organisation et des relations de partenariat permettant la permutation ». V. également : Cass. soc., 24 juin 2009, n° 07-45.656, F-P+B N° Lexbase : A4144EIC.

[12] Cass. soc., 13 février 2008, n° 06-45.567, F-D N° Lexbase : A9278D4E. En l’espèce, ce sont « des relations fortes de collaboration et de gestion » qui étaient relevées.

[13] Cass. soc., 10 février 2009, n° 07-45.712, F-D N° Lexbase : A1306EDQ.

[14] V. encore récemment : Cass. soc., 19 avril 2023, n° 21-15.500, F-D N° Lexbase : A78079Q9.

[15] Cass. soc., 19 avril 2023, n° 22-10.906, F-D N° Lexbase : A76029QM.

[16] Cass. soc., 16 novembre 2016, n° 14-30.063, FS-P+B+R+I N° Lexbase : A0729SHH, Note explicative des arrêts du 16 novembre 2016 [en ligne].

[17] Voir P. Morvan, Restructurations en Droit social, LexisNexis, 5ème édition, 2020, p. 568. Cf. par exemple : Cass. soc., 11 mai 2017, n° 15-19.684, F-D N° Lexbase : A8748WCY.

[18] Cass. soc., 22 septembre 2011, n° 10-30.293, F-D N° Lexbase : A9746HXA : était relevée « l’existence d'un groupe caractérisé par plusieurs sociétés dont au moins deux qui, par leur activité et leur lieu d'exploitation, permettaient la permutation de tout ou partie du personnel ».

[19] M. Kocher, Le groupe, périmètre d'application du droit du travail : en-quête de rationalité(s), in A. Ghenim, Ch. Hannoun, P. Henriot, E. Peskine, F. Rilov et S. Vernac (dir.), Groupes de sociétés et droit du travail. Nouvelles articulations, nouveaux défis, Dalloz, coll. « Thèmes et commentaires », 2019, p. 17.

[20] E. Peskine et C. Wolmark, Droit du travail, HyperCours Dalloz, 2023, p. 491.

[21] G. Auzero, Le groupe de reclassement : une notion autonome, Bull. Joly Sociétés, février 2012, p. 172.

[22] Cass. soc., 5 juillet 2023, n° 22-10.158, FS-B N° Lexbase : A330498U. En ce sens, v. G. Auzero, Interprétation restrictive du groupe au sens du droit du travail, Bull. Joly Travail, octobre 2023, p. 33 ; M. Gadrat, Précisions sur le périmètre du « groupe de reclassement, Droit social, 2023, p. 829 ; S. Ranc, Dessine-moi un groupe de reclassement, Bull. Joly Travail, novembre 2023, p. 15.

[23] Cass. soc., 10 février 2009 n° 07-45.712, F-D N° Lexbase : A1306EDQ.

[24] Cass. soc., 13 décembre 2011, n° 10-21.745, F-D N° Lexbase : A4940H8H ; Cass. soc., 12 septembre 2012, n° 11-30.373, F-D N° Lexbase : A7451ISR ; Cass. soc., 18 janvier 2023, n° 21-21.332, F-D N° Lexbase : A337689W.

[25] G. Auzero, Interprétation restrictive du groupe au sens du droit du travail, Bull. Joly Travail, octobre 2023, p. 33.

[26] A. Fabre, art. préc..

[27] G. Auzero, art. préc., 2023, p. 33. ; S. Ranc, art. préc., p. 17.

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Licenciement

[Brèves] Congé maternité : attention à la date d’envoi de la lettre de convocation à un entretien préalable de licenciement !

Réf. : Cass. soc., 29 novembre 2023, n° 22-15.794, FS-B N° Lexbase : A924814B

Lecture: 3 min

N7623BZD

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par Lisa Poinsot

Le 06 Décembre 2023

La convocation à un entretien préalable de licenciement, constituant une mesure préparatoire au licenciement (pour motif personnel ou économique), ne peut pas être envoyée à une salariée pendant la période de protection légale liée à la maternité, peu important que l’entretien ait lieu à l’issue de cette période.

Faits et procédure. Une salariée voit son contrat de travail suspendu, pendant la période du 8 septembre 2017 au 24 janvier 2018, en raison de son congé maternité et des congés payés immédiatement après.

La date de reprise effective de son travail est fixée au 25 janvier 2018. Or, son employeur lui envoie, le 16 janvier 2018, une lettre de convocation à un entretien préalable à son éventuel licenciement.

La cour d’appel (CA Paris, 3 mars 2022, n° 20/03041) relève que la salariée ne peut valablement se prévaloir de sa convocation à entretien préalable notifiée pendant sa période de protection pour soutenir que la décision de la licencier est prise en l’absence de tout élément objectif venant caractériser cette volonté de l’employeur.

Elle affirme donc que l’employeur n’a pas procédé à un acte préparatoire au licenciement pendant la période de protection de sorte que l’intéressée est déboutée de sa demande de nullité de son licenciement.

Rappel. En matière de congé maternité, il faut distinguer deux types de protection.

La protection est dite relative lorsqu’il est interdit de rompre le contrat de travail de la salariée, sauf en cas de faute grave de la part de l’intéressée, non liée à son état de grossesse, ou en cas d’impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement. Cette protection relative s’applique dès le début de la déclaration de grossesse de la salariée à l’employeur jusqu’au début du congé maternité et reprend pendant une période de 10 semaines suivant le congé maternité ou les congés payés.

La protection est dite absolue lorsqu’il est interdit de rompre le contrat de salariée, même si l’on se retrouve dans l’une des deux exceptions. Cette protection absolue s’applique pendant le congé maternité et les éventuels congés payés pris immédiatement après.

La salariée forme un pourvoi en cassation.

La solution. Énonçant la solution susvisée, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule la décision de la cour d’appel sur le fondement de l’article L. 1225-4 du Code du travail N° Lexbase : L7160K93, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1088, du 8 août 2016 N° Lexbase : L8436K9C et interprété à la lumière de l’article 10 de la Directive n° 92/85, du 19 octobre 1992 N° Lexbase : L7504AUH.

Pour aller plus :

  • v. infographie, INFO591, Le congé maternité, Droit social N° Lexbase : X7197CNU ;
  • v. ÉTUDE : Les congés de maternité et d’adoption, Les mesures préparatoires au licenciement, in Droit du travail, Lexbase N° Lexbase : E060703U.

 

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Marchés publics

[Brèves] Loi « industrie verte » : les implications en droit de la commande publique

Lecture: 7 min

N7608BZS

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par Anna Maria Smolinska, Avocat spécialiste en droit public et de la commande publique

Le 05 Décembre 2023

Mots clés : industrie verte • commande publique • transition énergétique • développement durable • critère environnemental

La loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023, relative à l'industrie verte, aurait pu porter le nom de la loi « 3F » par rapport aux objectifs affichés, tels que notamment rappelés dans l’exposé des motifs du dossier législatif : faciliter, favoriser et financer l’attractivité du territoire français pour le développement des industries vertes.


 

La loi ne définit pas la notion de l’industrie verte. Le ministre de l’Économie et des Finances a tenté de synthétiser cette définition dans son discours à l’occasion de la présentation du projet de la loi le 16 mai 2023 (discours de Bruno Le Maire), en indiquant que « l’industrie verte » est en fait la somme de deux stratégies complémentaires : d’une part celle de la décarbonation des industries existantes et, d’autre part, celle de la production massive des technologies vertes : pompes à chaleur, éolien, photovoltaïque, batteries et hydrogène vert.

Pour développer ces deux axes, à travers les trois « exigences » de faciliter, favoriser et financer, le ministre a annoncé l’utilisation « des instruments révolutionnaires, qui marquent un changement d’approche radical et volontaire dans notre relation à l’industrie ».

La loi instaure des mesures relevant de plusieurs domaines : la planification industrielle, la modernisation de consultation du public, le développement de l’économie circulaire, la réhabilitation des friches pour un usage industriel, l’implantation d’industries vertes, le financement de l’industrie verte et – l’objet de cette réflexion – les enjeux environnementaux de la commande publique.

Pour mémoire, ce n’est pas la première des « grandes lois environnementales » qui traite de ces enjeux de la commande publique. La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets N° Lexbase : L6065L7R, dite « climat et résilience », a déjà opéré un certain « verdissement » de la commande publique. Parmi ses mesures phares : l’intégration des objectifs de développement durable dans les spécifications techniques, l’obligation de prévoir un critère environnemental, l’obligation d’utiliser des matériaux biosourcés ou bas-carbone « dans au moins 25 % des rénovations lourdes et des constructions relevant de la commande publique ». Il faudra cependant attendre encore quelques années (parfois jusqu’en 2030) pour voir ces obligations appliquées, ce qui altère leur caractère « révolutionnaire ».

Qu’en est-il des mesures prévues par la loi « industrie verte » ? Sont-elles, comme annoncé par le ministre, « révolutionnaires » ?

Ces mesures sont, indiscutablement, assez nombreuses et variées. Elles sont regroupées en trois catégories.

I. Une meilleure prise en compte des considérations environnementales dans la commande publique

L'on peut ici citer :

- l’extension du champ d’application de l’obligation d’adopter un schéma de promotion des achats publics socialement et économiquement responsables (SPASER) à l'État et à tous les acheteurs soumis au Code de la commande publique en fonction du montant de leurs achats annuels (le cas échéant, la mutualisation de cette démarche est autorisée) (CCP, art. L. 2111-3 N° Lexbase : L9546MIE) ;

- la précision sur l’appréciation de la notion de « l’offre économiquement la plus avantageuse », qui doit inclure les critères environnementaux ou sociaux (CCP, art. L. 2152-7 N° Lexbase : L9501MIQ) ;

- l’extension des motifs d’exclusion des procédures de passation pour les entreprises qui ne satisfont pas à l’obligation d’établissement d’un bilan des émissions de gaz à effet de serre et à celle de publication d'informations en matière de durabilité (CCP, art. L. 2141-7-2 N° Lexbase : L9499MIN et L. 3123-7-2 N° Lexbase : L9550MIK) ;

- l’accélération du calendrier de la prise en compte obligatoire d’un critère environnemental dans l’appréciation des offres, prévue « au plus tard » en août 2026 (loi « Climat et résilience »), cette obligation entraînant en vigueur en de manière progressive en suivant « des dates fixées par décret en fonction de l'objet du marché » (loi « industrie verte », art. 29.II.3°).

II. La simplification « de la passation des marchés publics par les entités adjudicatrices dont les activités, notamment de production et distribution d'énergie, de traitement et distribution d'eau ou de transport de passagers, jouent un rôle moteur dans la transition énergétique nationale »

Lors de la présentation de la loi par la DAJ, ont ainsi été dévoilées :

- la dérogation au principe de l’allotissement des marchés « lorsque la dévolution en lots séparés risque de conduire à une procédure infructueuse » (CCP, art. L. 2113-11 N° Lexbase : L9547MIG) ;

- la possibilité de déroger à la durée maximum des accords-cadres, réservée aux entités adjudicatrices (qui bénéficient déjà d’une durée maximum de 8 ans), dans le cas où une durée trop courte (sous-entendu, de 8 ans) crée un « risque important de restriction de concurrence ou de procédure infructueuse » (CCP, art. L. 2125-1 N° Lexbase : L9548MIH) ;

- la possibilité (déjà envisagée lors de la réforme de 2015 et, finalement abandonnée à cette époque (cf. article 32 de la version initiale de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015, relative aux marchés publics N° Lexbase : L9077KBS) de présenter des offres variables selon le nombre de lots susceptibles d’être obtenus (cette possibilité sera réservée aux marchés supérieurs à un certain seuil, restant à définir, CCP, art. L. 2151-1 N° Lexbase : L9500MIP et L. 2152-7).

III. Le conditionnement de l’octroi des aides publiques à l’engagement des bénéficiaires dans la transition écologique et énergétique

Ces mesures sont-elles révolutionnaires ? La réponse est nécessairement subjective et, à ce jour, sans recul nécessaire pour juger de ses effets réels. Des doutes semblent cependant permis.

Tout d’abord, il pourrait être reproché à plusieurs de ces mesures d’avoir un effet d’annonce plutôt qu’un réel impact.

Il en est ainsi de la disposition qui modifie la définition de l’offre économiquement la plus avantageuse, dont le Conseil d’État a conseillé l’abandon au Gouvernement en se fondant sur la présence dans la partie réglementaire du code des critères économiques et en soulignant que « la disposition proposée ne change rien au droit positif » [1]. L’on peut noter que le Conseil d’État a exprimé une sorte d’agacement, en rappelant au Gouvernement que « les dispositions de l’article L. 2152-7 ont déjà fait l’objet d’une modification, qui n’est pas encore entrée en vigueur, par la loi du 22 août 2021, portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, consistant à rendre obligatoire la prise en compte d’au moins un critère environnemental » et qu’un tel enchaînement des textes est « inutilement complexe, dès lors surtout que, ainsi qu’il a été dit, la disposition prévue n’ajoute rien au droit de la commande publique ».

Il en est ainsi, également, de l’accélération, à venir, de la mise en œuvre de l’obligation d’un critère obligatoire. Quelle différence réelle entre la disposition issue de la loi « climat et résilience » qui prévoit une entrée en vigueur « au plus tard en août 2026 », à fixer par décret et celle de la loi « industrie verte » qui permet une entrée en vigueur « par objet » selon un calendrier… restant à déterminer par décret ?

Ensuite, les nouvelles dispositions législatives réellement « révolutionnaires » : offres variables, non-allotissement, durée longue de certains accords-cadres, sont réservées aux seules entités adjudicatrices, ce qui limite considérablement leur portée.

Enfin, l’efficacité réelle de l’obligation d’établir un schéma de promotion des achats publics socialement responsables (SPASER) (obligation encore largement méconnue par les acheteurs qui y sont déjà soumis et non assortie d’une sanction) ou celle de la possibilité (et non l’obligation) d’écarter les entreprises n’établissant pas leur bilan de gaz à effet de serre ou manquant à leur obligation de reporting de durabilité paraît incertaine.

Les avancées de la loi « industrie verte » par rapport à la loi « climat et résilience » dans l’objectif du « verdissement » de la commande publique sont donc assez décevantes.

Reste que certaines dispositions issues de ces deux lois inquiètent fortement les acheteurs publics quant à leurs modalités pratiques de mise en œuvre. En première place arrivent les modalités d’application du critère environnemental dans certains marchés publics, notamment des prestations intellectuelles en dépassant le stéréotype des critères liés à l’utilisation du papier recyclé et la limitation des déplacements polluants, dont le lien avec l’objet du marché et ses conditions d’exécution n’est pas toujours pertinent.

 

[1] CE, avis consultatif, 17 mai 2023, site du Conseil d'État.

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Responsabilité

[Brèves] Force majeure et exonération du gardien de la chose : à propos de la chute d’un pilote sur un circuit

Réf. : Cass. civ. 2, 30 novembre 2023, n° 22-16.820, F-B N° Lexbase : A992814H

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par Hélène Nasom-Tissandier, Maître de conférences HDR, Université Paris Dauphine-PSL, CR2D

Le 07 Décembre 2023

► La faute de la victime n’exonère totalement le gardien de sa responsabilité qu’à la condition de constituer un cas de force majeure ; tel n’est pas le cas d’un pilote qui chute sur un circuit, faute d’imprévisibilité.

Faits et procédure. En l’espèce, le pilote d’une motocyclette, au cours d’une séance de « roulage » sur un circuit fermé, a chuté au sol lors d’une manœuvre de freinage, avant d'être percuté par une autre motocyclette conduite. Il assigne en indemnisation le conducteur l’ayant percuté et son assureur sur le fondement de la responsabilité pour faute et de la responsabilité du fait des choses.

La cour d’appel déboute la victime de toutes ses demandes en considérant qu’elle avait freiné brutalement sans nécessité, contrairement aux consignes données, alors qu'elle était en pleine accélération après une sortie de virage, créant un risque de collision avec les motards qui le suivaient. Les juges du fond estiment ainsi que la victime avait commis une faute de conduite en lien de causalité avec son dommage.

La cour d’appel considère par ailleurs que les fautes imprévisibles et irrésistibles de la victime exonèrent totalement le conducteur de la motocyclette l’ayant percuté de sa responsabilité de gardien, dès lors que ce dernier ne pouvait prévoir que, durant une course consacrée aux pilotes de la catégorie « confirmé » qui s'étaient vus rappeler les consignes de sécurité avant le départ, la victime violerait ces règles et opérerait un freinage brutal qui ne s'imposait pas (CA Paris, 17 février 2022, n° 20/05938).

La victime de l’accident forme un pourvoi en cassation. Elle fait grief à l'arrêt de l’avoir déboutée de toutes ses demandes indemnitaires alors notamment que « l'exonération totale du gardien de la chose instrument du dommage suppose que la faute de la victime revête les caractéristiques de la force majeure » et que « le freinage brutal d'un participant en cas d'accident lors d'une course de motocyclette, ne saurait être considéré comme un événement imprévisible » et cela malgré des consignes de sécurité avant le départ dès lors que la victime n'était pas licenciée contrairement au motocycliste l’ayant percuté, et où leur commune appartenance au classement confirmé ne résultait que « des performances de temps réalisées au tour précédent ». Comment caractériser la cause étrangère ?

Solution. La Cour de cassation casse et annule la décision des juges du fond. Après voir rappelé, au visa de l'article 1384, alinéa 1er, devenu 1242, alinéa 1er, du Code civil N° Lexbase : L0948KZ7 que « la faute de la victime n'exonère totalement le gardien de sa responsabilité que si elle constitue un cas de force majeure », elle considère que, contrairement à ce que retient la cour d’appel, « la chute d'un pilote sur un circuit ne constitue pas un fait imprévisible pour les motards qui le suivent ». La force majeure ne pouvant être caractérisée, le conducteur ne peut être exonéré de sa responsabilité de gardien du véhicule.

Il est quelque peu étonnant que la Cour de cassation ne tienne pas compte des circonstances de l’espèce ni ne renvoie à l’appréciation souveraine des juges du fond quant à l’appréciation du caractère extérieur, imprévisible et irrésistible de la force majeure. Toutefois, si les juges du fond sont souverains pour apprécier si les faits de l’espèce permettent de caractériser les éléments constitutifs de la force majeure, la Cour de cassation exerce son contrôle sur la qualification (v. Cass. civ. 2, 13 juillet 2006, n° 05-10.250, FS-P+B N° Lexbase : A4485DQ8) et vérifie que les juges du fond justifient de l’imprévisibilité de l’évènement (v. par ex. Cass. civ. 2, 27 mars 2014, n° 13-15.528, F-D N° Lexbase : A2339MIH ; Cass. civ. 2, 6 février 2018, n° 16-26.198, FS-P+B+I N° Lexbase : A6833XC3). On peut néanmoins regretter la formulation très générale retenue en l’espèce qui ne renvoie pas explicitement à cette exigence de justification mais semble signifier que désormais aucune chute sur un circuit ne saurait être qualifiée de force majeure.

newsid:487674

Responsabilité

[Brèves] Le cycliste circulant sur la voie réservée au tramway : faute ou pas faute ?

Réf. : Cass. civ. 2, 30 novembre 2023, n° 21-19.215 F-B N° Lexbase : A992914I

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N7672BZ8

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par Claire-Anne Michel, Maître de conférences, Université Grenoble-Alpes, Centre de recherches juridiques (CRJ)

Le 06 Décembre 2023

► L’article R. 422-3, I du Code de la route conférant une priorité de passage au matériel circulant sur une voie ferrée s’applique aux tramways ; la personne traversant les voies commet donc une faute de conduite.

Un tramway bénéficie-t-il de la priorité de passage dont bénéficient, en application de l’article R. 422-3, I, du Code de la route N° Lexbase : L1550DKM, les matériels circulant sur les voies ferrées ? Selon cette disposition, « lorsqu'une voie ferrée est établie sur une route ou la traverse à niveau, la priorité de passage appartient aux matériels circulant normalement sur cette voie ferrée, à l'exception des véhicules de transport public assujettis à suivre, de façon permanente, une trajectoire déterminée par un ou des rails matériels et empruntant l'assiette des routes dont les conducteurs doivent respecter les signalisations comportant des prescriptions absolues et les indications données par les agents réglant la circulation ».

Faits et procédure. En l’espèce, un cycliste circulait sur un passage « surbaissé » qui avait vocation à permettre de traverser la ligne du tramway. Le chauffeur du tramway invoquant un traumatisme psychologique et des pertes de revenus professionnels avait assigné l’assureur du cycliste décédé des suites de l’accident. Les juges du fond avaient considéré que (i) le tramway était prioritaire et que (ii) le cycliste avait commis une faute de conduite (CA Grenoble, 27 avril 2021, n° 18/00218). Ils se fondaient implicitement sur l’article R. 422-3 du Code de la route.

Solution. La Cour de cassation rejette le pourvoi. Elle rappelle que cette disposition confère au matériel circulant une priorité de passage, laquelle s’applique aux tramways, « en l’absence de signalisation ou d’indication contraire donnée par un agent réglant la circulation ».

Or, en l’espèce, les juges du fond avaient constaté qu’il n’existait pas de signal d’arrêt sur les lieux. Le cycliste avait commis une faute dès lors qu’il avait traversé sur la voie réservée au tramway et avait continué malgré l’avertisseur sonore actionné par le conducteur.

Une solution identique avait été admise sur le fondement des anciens articles du Code de la route, notamment son article R. 29 (Cass. civ. 2, 17 octobre 1990, n° 89-15.894 N° Lexbase : A4588AHE). Les règles de priorité de passage s’appliquent donc aux tramways, la personne les enfreignant commet donc une faute de conduite de nature à engager sa responsabilité.

newsid:487672

Salaire

[Brèves] Partage de la valeur en entreprise : publication de la loi !

Réf. : Loi n° 2023-1107, du 29 novembre 2023, portant transposition de l'accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l'entreprise N° Lexbase : L4230MKU

Lecture: 15 min

N7600BZI

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par Lisa Poinsot

Le 06 Décembre 2023

Publiée au Journal officiel du 30 novembre 2023, la loi n° 2023-1107, du 29 novembre 2023, transpose l’accord national interprofessionnel, relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise, conclu en février 2023 entre les syndicats et le patronat. Ce texte prévoit plusieurs mesures réparties en cinq priorités, toutes orientées vers l’objectif de dynamiser le partage de la valeur tout en rappelant le principe de non-substitution, selon lequel les sommes versées dans le cadre des dispositifs de partage de la valeur ne doivent pas se substituer aux salaires.

I. Réforme de la prime de partage de la valeur (PPV)

  • Régime social et fiscal de la participation

Les sommes portées à la réserve spéciale de participation au cours d'un exercice sont déductibles pour l'assiette de l'impôt sur les sociétés ou de l'impôt sur le revenu exigible au titre de l'exercice au cours duquel elles sont réparties entre les salariés.

Le législateur réaffirme le principe de non-substituabilité entre salaire et dispositif d’épargne salariale, déjà présent dans la loi du 16 août 2022, à l’article L. 3325-1 du Code du travail N° Lexbase : L9017LK8, en indiquant que ces sommes n’ont pas le caractère d’élément de salaire pour l’application de la législation du travail et sont exclues de l’assiette des cotisations. En outre, ces sommes ne peuvent se substituer à aucun des éléments de rémunération.

Toutefois, en cas de suppression totale ou partielle d'un élément de rémunération, cette règle de non-substitution ne peut avoir pour effet de remettre en cause les exonérations prévues, dès lors qu'un délai de douze mois s'est écoulé entre le dernier versement de cet élément de rémunération et la date d'effet de l'accord de participation.

Les entreprises qui ne sont tenues d'appliquer un régime de participation qu'à compter du troisième exercice clos après le franchissement du seuil d'assujettissement à la participation, en application du premier alinéa de l'article L. 3322-3 du Code du travail, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, conservent le bénéfice de cette disposition jusqu'au terme du report.

  • Partage de la valeur en cas d’augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal

Afin de prévoir un meilleur partage des bénéfices exceptionnels, les entreprises de plus de 50 salariés, dans lesquelles un accord d'intéressement ou de participation est applicable au 30 novembre 2023 et qui disposent d’un ou plusieurs délégués syndicaux, doivent engager, avant le 30 juin 2024, la négociation portant sur la définition d'une augmentation exceptionnelle de leur bénéfice et sur les modalités de mise en œuvre de partage de la valeur avec les salariés.

Les partenaires sociaux peuvent convenir que l’employeur verse aux salariés un supplément d’intéressement ou de participation ou qu’il soit renvoyé à une négociation spécifique visant à mettre en place un dispositif de partage de la valeur.

Ne sont pas concernées les entreprises qui sont déjà couvertes par des accords comportant des stipulations prenant en compte l’augmentation exceptionnelle du bénéfice.

Concernant la définition d’une augmentation exceptionnelle du bénéfice, il faut prendre en compte des critères tels que la taille de de l’entreprise, le secteur d’activité, la survenance d’une ou de plusieurs opérations de rachat d’actions de l’entreprise suivie de leur annulation dès lors que les opérations n’ont pas été précédées des attributions aux salariés, les bénéfices réalisés lors des années précédentes ou les événements exceptionnels externes à l’entreprise intervenus avant la réalisation du bénéfice.

La loi n° 2023-1107, du 29 novembre 2023, prévoit la prorogation jusqu’au 31 décembre 2026, au profit des seuls salariés dont la rémunération est inférieure à trois fois le SMIC employés au sein des entreprises de 50 salariés et moins, d’un dispositif transitoire les faisant bénéficier, en sus des exonérations de cotisations sociales pérennes applicables à toutes les primes de partage de la valeur, d’exonérations de l’impôt sur le revenu, de la CSG et de la CRDS.

 

Rémunération < à 3 SMIC

Cotisations et contributions sociales

Exonération dans la limite de 3 000 euros (ou par exception à 6 000 euros)

CSG / CRDS

Exonération dans la limite de 3 000 euros (ou par exception à 6 000 euros)

Forfait social

Exonération quel que soit l’effectif

Impôt sur le revenu

Exonération dans la limite de 3 000 euros (ou par exception à 6 000 euros)

Taxes sur les salaires

Exonération dans la limite de 3 000 euros (ou par exception à 6 000 euros)

En outre, l’employeur a désormais la possibilité de verser 2 fois la PPV au titre d’une même année civile.

Enfin, le salarié peut alimenter son plan d’épargne entreprise ou son plan d’épargne retraite d’entreprise par des sommes attribuées au titre des PPV, sommes qui sont exonérées de l’impôt sur le revenu.

II. Création du plan de partage de la valorisation de l'entreprise

Une prime conçue pour refléter l’évolution de la valeur de l’entreprise peut désormais être attribuée, dans le cadre d’un plan de partage de la valorisation de l’entreprise déterminé par accord collectif, aux salariés des entreprises de droit privé justifiant d’au moins un an d’ancienneté à la date de départ d’une période de trois ans au cours de laquelle est appréciée l’augmentation de la valeur de leur entreprise.

Le plan de partage de la valorisation de l’entreprise est mis en place par accord, établi sur rapport spécial du commissaire aux comptes de l’entreprise.

Il est prévu que cette prime soit exonérée de cotisations sociales et d’un certain nombre de contributions à caractère social et soumise au prélèvement d’une contribution au profit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse lorsqu’elle est versée au titre des plans de partage de la valorisation de l’entreprise couvrant la période 2026-2028.

III. Aménagements des différents dispositifs d’épargne salariale

  • Adaptation du critère d’ancienneté pour fixer les modalités de répartition de l’intéressement et de la participation au sein de la branche des entreprises de travail temporaire

Les partenaires sociaux de la branche professionnelle du travail temporaire peuvent retenir par accord de branche étendu une durée d’ancienneté supérieure pour les seuls travailleurs temporaires, et les complète en exigeant que cette durée ne puisse pas être supérieure à quatre-vingt-dix jours.

Les dispositions permettant par la négociation collective de branche d’adapter le critère d’ancienneté pour les salariés temporaires ont pour finalité d’une part, de mieux prendre en compte la contribution réelle des différentes catégories de salariés des entreprises de travail temporaire à la réalisation de la performance et aux résultats de ces entreprises et d’autre part, de mieux soutenir le pouvoir d’achat de leurs salariés permanents.

  • Sécurisation du versement d’avances d’intéressement et de participation

Désormais, l'accord d'intéressement ou de participation peut prévoir le versement, en cours d'exercice, d'avances sur les sommes dues au titre de l'intéressement ou de la réserve spéciale de participation. Les avances sont versées au bénéficiaire, après avoir recueilli son accord, selon une périodicité qui ne peut être inférieure au trimestre.

  • Révision du calcul du montant de la participation

Lorsque la déclaration des résultats d'un exercice est rectifiée par l'administration ou par le juge de l'impôt, que les rectifications donnent lieu ou non à l'application de majorations, à des poursuites pénales ou à une convention judiciaire d'intérêt public, le montant de la participation des salariés au bénéfice de cet exercice fait l'objet d'un nouveau calcul tenant compte des rectifications apportées.

Le montant de la réserve spéciale de participation est modifié en conséquence au cours de l'exercice pendant lequel les rectifications opérées par l'administration ou par le juge de l'impôt sont devenues définitives ou ont été formellement acceptées par l'entreprise. 

  • Répartition de l’intéressement

La répartition de l'intéressement entre les bénéficiaires peut être uniforme, proportionnelle à la durée de présence dans l'entreprise au cours de l'exercice ou proportionnelle aux salaires. L'accord peut également retenir conjointement ces différents critères. Ces critères peuvent varier selon les établissements et les unités de travail. À cet effet, l'accord peut renvoyer à des accords d'établissement.

Désormais, l'accord peut fixer un salaire plancher, un salaire plafond ou les deux, servant de base de calcul de la part individuelle.

IV. Obligation pour certaines entreprises de se doter d’un dispositif de partage de la valeur

La loi n° 2023-1107 prévoit, pour développer le partage de la valeur au sein des entreprises, de faciliter la généralisation des dispositifs de partage de la valeur dans les petites et moyennes entreprises de 11 à 50 salariés lorsque leur situation économique le permet.

  • Expérimentation dans les entreprises d’au moins 11 salariés

À titre expérimental et pendant une durée de 5 ans à compter du 30 novembre 2023, les entreprises d'au moins 11 salariés qui ont réalisé pendant trois exercices consécutifs un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % du chiffre d'affaires doivent, au titre de l'exercice suivant :

  • soit mettre en place un régime de participation ou un régime d'intéressement ;
  • soit abonder un plan d'épargne salariale ;
  • soit verser la prime de partage de la valeur.

L'obligation de mettre en place l'un des dispositifs s'applique aux exercices ouverts après le 31 décembre 2024.

  • Expérimentation pour certaines personnes morales de droit privé

À titre expérimental et pendant une durée de 5 ans à compter du 30 novembre 2023, les personnes morales de droit privé constituées sous la forme de coopératives, de mutuelles ou d'unions relevant du Code de la mutualité ou de sociétés d'assurance mutuelles relevant du code des assurances, de fondations ou d'associations régies par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association ou, le cas échéant, par le Code civil local applicable aux départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle qui emploient au moins 11 salariés qui ont réalisé pendant trois exercices consécutifs un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % du chiffre d'affaires doivent, lorsqu’un accord de branche étendu le permet, au titre de l'exercice suivant :

  • soit mettre en place un régime de participation ou un régime d'intéressement ;
  • soit abonder un plan d'épargne salariale ;
  • soit verser la prime de partage de la valeur.

L'obligation de mettre en place l'un des dispositifs s'applique aux exercices ouverts après le 31 décembre 2024.

  • Expérimentation dans les entreprises de 50 salariés et moins

À titre expérimental et pendant une durée de 5 ans à compter du 30 novembre 2023, les entreprises de cinquante salariés et moins peuvent mettre en œuvre, par voie d’accord de branche ou d’entreprise, des régimes de participation dérogeant à la règle de l’équivalence des avantages consentis. Il s’agit de faciliter la mise en place de la participation dans ces entreprises, tout en tenant compte de leurs spécificités.

Une négociation en vue de la mise en place d'un régime de participation est ouverte dans chaque branche au plus tard le 30 juin 2024.

Toutefois, afin de protéger les droits des salariés, les entreprises de cinquante salariés et moins qui mettent déjà en œuvre un régime de participation volontaire ne peuvent basculer sur un nouveau régime de participation fondé sur les dispositions de la présente loi et dérogeant donc à la règle d’équivalence des avantages consentis, que par accord d’entreprise.

V. Développement de l’actionnariat salarié

  • Modification des plafonds d’attributions gratuites d’actions aux salariés

Les plafonds des attributions gratuites d’actions aux salariés et à certains mandataires sociaux sont modifiés en les portant à 15 % du capital social au sein des grandes entreprises et des entreprises intermédiaires et 20 % au sein des petites et moyennes entreprises et à 40 % du capital social en cas d’attribution au bénéfice de l’ensemble des salariés.

Est créé également un nouveau plafond intermédiaire de 30 % du capital social à la double condition que les salariés bénéficiaires représentent plus de 25 % de la masse salariale et plus de 50 % de l’effectif salarié.

Enfin, le plafond individuel attribuable en actions gratuites, fixé en sorte qu’un salarié ou mandataire social ne détienne pas plus de 10 % du capital social du fait de l’attribution, est inchangé mais les modalités de son calcul évoluent en excluant les titres détenus depuis plus de sept ans.

  • Promotion d’une épargne verte, solidaire et responsable

Les entreprises sont incitées à orienter les fonds de l’épargne salariale vers des fonds satisfaisant à des critères de financement de la transition énergétique et écologique ou d’investissement socialement responsable.

Ainsi, le règlement du plan d'épargne d'entreprise prévoit qu'une partie des sommes recueillies peut être affectée, dans les limites prévues à l'article L. 214-164 du Code monétaire et financier, à l'acquisition de parts de fonds investis dans des entreprises solidaires d'utilité sociale ainsi que de parts d'au moins un fonds labellisé ou d'un fonds nourricier d'un fonds labellisé au titre du financement de la transition énergétique et écologique ou de l'investissement socialement responsable.

  • Imposer aux sociétés de gestion des fonds communs de placements d’entreprises la présentation annuelle au conseil de surveillance de sa politique d’engagement actionnarial et le compte rendu de sa mise en œuvre

À noter. De nombreux décrets d’application sont attendus pour préciser certaines dispositions. On peut citer, par exemple, la liste des labels ainsi que, pour ceux qui sont créés par l'État, leurs critères et leurs modalités de délivrance sont précisés par décret.

  Calendrier récapitulatif de mise en œuvre de la réforme de partage de la valeur au sein de l'entreprise
Dates Dispositions à mettre en œuvre
1er décembre 2023 Entrée en vigueur des dispositions législatives, sauf exceptions
30 juin 2024

1. Date limite d'ouverture des négociations de branche pour la mise en place d'un régime de participation dérogatoire proposant une formule de calcul moins favorable que la formule légale pour les entreprises non tenues de mettre en application un régime de participation de manière obligatoire

2. Date limite d'ouverture des négociations visant à définir les bénéfices exceptionnels dans les entreprises soumises à l'obligation de négocier sur ce thème et appliquant un accord d'intéressement ou de participation au moment de la promulgation de la loi

1er juillet 2024  Entrée en vigueur l'obligation de proposer, au sein des plans d'épargne, un fonds satisfaisant des critères de financement de la transition énergétique et écologique ou d'investissements socialement responsables 
24 octobre 2024 Entrée en vigueur de la version modifiée de l'article L. 224-3 du Code monétaire et financier et de l'article L. 132-27-4 du Code des assurances
1er janvier 2025

1. Commencement de l'obligation de mise en place d'un des dispositifs de partage de la valeur à titre expérimental dans les entreprises d'au moins 11 salariés, ayant réalisé pendant 3 exercices consécutifs un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % et n'ayant pas déjà mis en œuvre un dispositif de partage de la valeur

2. Commencement de l'obligation de mise en place d'un des dispositifs de partage de la valeur à titre expérimental au sein des personnes morales de droit privé (constituées sous la forme de coopératives, de mutuelles, etc.) d'au moins 11 salariés, ayant réalisé pendant 3 exercices consécutifs un bénéfice net fiscal au moins égal à 1 % et lorsqu'un accord de branche étendu le permet

du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2026 Prorogation de l'exonération d'impôt, de CSG et de CRDS au titre de la PPV versée aux salariés dont la rémunération est inférieure à 3 fois le SMIC employés au sein des entreprises de 50 salariés et moins
du 1er janvier 2026 au 31 décembre 2028 La prime issue du plan de partage de la valorisation en entreprise est exonérée de cotisations sociales et d’un certain nombre de contributions à caractère social et soumise au prélèvement d’une contribution au profit de la Caisse nationale d’assurance vieillesse lorsqu’elle est versée au titre des plans de partage de la valorisation de l’entreprise couvrant la période 2026-2028

 

Pour aller plus loin : 

 

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Sociétés

[Brèves] Reprise des actes de la société en formation : important revirement de jurisprudence

Réf. : Cass. com., 29 novembre 2023, trois arrêts, n° 22-12.865, FS-B+R N° Lexbase : A925614L, n° 22-21.623, FS-B+R N° Lexbase : A925914P et n° 22-18.295, FS-B+R N° Lexbase : A924914C

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par Perrine Cathalo

Le 06 Décembre 2023

Il résulte des articles L. 210-6 et R. 210-6 du Code de commerce que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés ;

Les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits, lesquels sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société ;

En présence d'un acte dans lequel il n'est pas expressément mentionné qu'il a été souscrit au nom ou pour le compte de la société en formation, il appartient au juge d'apprécier souverainement, par un examen de l'ensemble des circonstances, tant intrinsèques à cet acte qu'extrinsèques, si la commune intention des parties n'était pas qu'il soit conclu au nom ou pour le compte de la société et que cette société puisse ensuite, après avoir acquis la personnalité juridique, décider de reprendre les engagements souscrits.

Faits et procédure. Les trois arrêts sont nés de litiges relatifs à la validité des actes (bail commercial ou promesse de cession de parts) qui ont été consentis à des sociétés en formation.

En particulier, les cours d’appel (CA Dijon, 6 janvier 2022, n° 20/01499 N° Lexbase : A60657H4 ; CA Papeete, 8 septembre 2022, n° 19/00450 ; CA Paris, 5-9, 18 novembre 2021, n° 21/08774 N° Lexbase : A16667CP) étaient confrontées à la question de savoir si, pour être susceptibles de reprise, les actes accomplis par une société en formation devaient expressément être accomplis « au nom » ou « pour le compte » de cette dernière.

Décision. La Haute juridiction rappelle dans chacun des arrêts le principe des articles L. 210-6 N° Lexbase : L5793AIE et R. 210-6 du Code de commerce N° Lexbase : L4150LTU, dont il résulte que les sociétés commerciales jouissent de la personnalité morale à dater de leur immatriculation au registre du commerce et des sociétés. Les personnes qui ont agi au nom ou pour le compte d'une société en formation avant qu'elle ait acquis la jouissance de la personnalité morale sont tenues solidairement et indéfiniment responsables des actes ainsi accomplis, à moins que la société, après avoir été régulièrement constituée et immatriculée, ne reprenne les engagements souscrits. Ces engagements sont alors réputés avoir été souscrits dès l'origine par la société.

Dans cette logique, la Cour affirme qu’il est désormais bien établi que seuls les engagements souscrits « au nom » (v. déjà Cass. com., 22 mai 2001, n° 98-19.742, inédit N° Lexbase : A4846ATN ; Cass. com., 21 février 2012, n° 10-27.630, F-P+B N° Lexbase : A3197IDR ; Cass. com., 13 novembre 2013, n° 12-26.158, F-D N° Lexbase : A6189KPW) ou « pour le compte » (v. déjà Cass. com., 11 juin 2013, n° 11-27.356, F-D N° Lexbase : A5812KGD ; Cass. com.,  10 mars 2021, n° 19-15.618, F-D N° Lexbase : A01174LW) de la société en formation sont susceptibles d’être repris par la société après son immatriculation. À l’inverse, sont nuls les actes passés « par » la société, même s'il ressort des mentions de l'acte ou des circonstances que l'intention des parties était que l'acte soit accompli en son nom ou pour son compte (v. déjà Cass. civ. 3, 5 octobre 2011, n° 09-72.855, FS-D N° Lexbase : A6055HYW ; Cass. com., 21 février 2012, n° 10-27.630, F-P+B N° Lexbase : A3197IDR ; Cass. com., 19 janvier 2022, n° 20-13.719, F-D N° Lexbase : A19517KH).

Les Hauts magistrats sont néanmoins conscients des effets indésirables de cette solution, qui s'avère être utilisée par des parties souhaitant se soustraire à leurs engagements au détriment de la protection des entreprises, lors de leur démarrage sous forme sociale, et de celle des tiers cocontractants, qui, en cas d'annulation de l'acte, se trouvent dépourvus de tout débiteur.

C’est la raison pour laquelle la Chambre commerciale énonce la solution précitée à trois reprises, opérant ainsi un véritable revirement de jurisprudence. La Cour va d'ailleurs jusqu'à ajouter que la validité de l'acte passé pour le compte d'une société en formation n'implique pas, sauf les cas de dol ou de fraude, que la société effectivement immatriculée revête la forme et comporte les associés mentionnés, le cas échéant, dans l'acte litigieux (n° 22-12.865).

Dès lors, il appartenait aux cours d’appel de rechercher s'il ne résultait pas, non seulement des mentions de l'acte, mais aussi de l'ensemble des circonstances que, nonobstant une rédaction défectueuse, la commune intention des parties était que l'acte fût passé au nom ou pour le compte de la société en formation.

Pour en savoir plus : v. B. Dondero, Trop subtile distinction entre les actes conclus « par » et « pour le compte de » la société en formation, Lexbase Affaires, mai 2022, n° 715 N° Lexbase : N1333BZE.

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