COUR DE CASSATION
Chambre commerciale
Audience publique du 24 Juin 1997
Pourvoi n° 95-14.648
M. José Da Conceicao ... et autres
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M. Manuel Da Costa ...
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant
Sur le pourvoi formé par
1°/ M. José Da Conceicao ..., demeurant Besançon,
2°/ la Société Franche Comté nettoyage, société anonyme, venant aux droits de l'EURL Franche Comté nettoyage, dont le siège est Besançon, en cassation d'un arrêt rendu le 15 mars 1995 par la cour d'appel de Besançon (2e chambre civile), au profit de M. Manuel Da Costa ..., demeurant Besançon, défendeur à la cassation ;
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 13 mai 1997, où étaient présents M. Bézard, président, M. Léonnet, conseiller rapporteur, MM ..., ..., ..., ..., ..., ..., ..., conseillers, Mme ..., M. ..., Mme ..., M. ..., conseillers référendaires, M. Lafortune, avocat général, Mme Moratille, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Léonnet, conseiller, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. Da Conceicao ..., de la SCP Boré et Xavier, avocat de M. Da Costa ..., les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Donne acte à la société Franche Comté nettoyage de ce qu'elle se désiste du pourvoi formé par elle contre M. Manuel Da Costa ... ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche
Vu l'article 1134 du Code civil, ensemble l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure auxquelles il s'est référé que, par acte en date du 31 décembre 1987, M. Da Costa ... a cédé à M. Da Conceicao ..., pour un prix de 300 000 francs, les parts qu'il possédait dans la société Da Conceicao Costa et Costa ..., connue sous le nom commercial "Franche Comté nettoyage"; que dans cet acte figurait une clause de non-concurrence aux termes de laquelle M. Da Costa ... s'engageait "expressément à ne pas fonder, acquérir, gérer, diriger ou faire valoir un établissement commercial du même genre"; que cette interdiction était prise pour une durée de 5 ans mais ne précisait pas de limite territoriale; que quelques jours plus tard M. Da Costa ... est devenu gérant salarié, non associé, d'une société nouvellement créée, appelée Setra nettoyage et dont l'activité était l'entretien, le nettoyage de tous locaux industriels et commerciaux; que M. Da Conceicao ... estimant que M. Da Costa ... n'avait pas respecté l'engagement de non-concurrence qu'il avait signé, l'a assigné devant le tribunal de commerce ;
Attendu que pour rejeter la demande de M. Da Conceicao ..., l'arrêt, après avoir constaté que la clause de non-concurrence prévue dans l'acte de cession des parts sociales intervenu le 31 décembre 1987 précisait que le vendeur s'engageait expressément "à ne pas fonder, acquérir, gérer, diriger ou faire valoir un établissement commercial du même genre", énonce, en se référant à l'objet social de la société Franche Comté nettoyage, que, compte tenu de la très grande diversité du domaine d'activités de cette société, cette clause interdisait en fait au vendeur d'exercer à quelque endroit que ce soit et en quelque qualité que ce soit, un travail dans sa propre spécialité comme dans l'ensemble des dites activités, et qu'il convenait en conséquence de la déclarer nulle ;
Attendu qu'en statuant ainsi, par référence à la diversité des activités prévues dans l'objet social de la société Franche Comté nettoyage, pour déclarer la clause de non-concurrence nulle comme attentatoire à la liberté du travail, sans vérifier, avant de se prononcer sur la légalité de cette clause, si de façon concrète, la clause de non-concurrence qui concernait seulement une activité de gestion dans un "établissement du même genre" à celle exercée par la société Franche Comté nettoyage dans le domaine du nettoyage et de l'entretien des locaux industriels ou autres était disproportionnée par rapport à l'objet du contrat et avait pour effet, pendant une durée de cinq ans, d'empêcher M. Da Costa ... d'exercer localement ou sur le territoire national toute autre activité salariée ou de gestion, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la seconde branche du moyen
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 15 mars 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Besançon ;
remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Dijon ;
Condamne M. Da Costa ... aux dépens ;
Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. Da Costa ... et de M. Da Conceicao ... ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin mil neuf cent quatre-vingt-dix-sept.