Jurisprudence : CA Metz, 07-04-2015, n° 13/02982

CA Metz, 07-04-2015, n° 13/02982

A3340NGS

Référence

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Arrêt n° 15/00143 07 Avril 2015
RG N° 13/02982
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de METZ
26 Septembre 2013
12/0871 I
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE METZ
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU
sept Avril deux mille quinze

APPELANTE
SAS CFEB SISLEY prise en la personne de son représentant légal

PARIS
Représentée par Me MEIERS substituant Me Philippe ..., avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
Madame Marianne Y

METZ
Représentée par Me Bernard PETIT, avocat au barreau de METZ

COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Février 2015, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame
Christine CAPITAINE, Présidente de Chambre, chargé d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de
Madame Christine CAPITAINE, Présidente de Chambre
Monsieur Alain BURKIC, Conseiller
Madame Annyvonne BALANÇA, Conseiller
Greffier, lors des débats Madame Christiane VAUTRIN, Greffier
ARRÊT
contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;
Signé par Madame Christine CAPITAINE, Présidente de Chambre, et par Madame Christiane VAUTRIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE
Madame Y a été engagée par la société Sisley en qualité de démonstratrice fixe, (catégorie employé, coefficient 175), moyennant une rémunération brute mensuelle de 1.889 euros, selon contrat à durée indéterminée du 3 mai 1999.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des industries chimiques.
Le 17 février 2012, Madame Y et la société Sisley ont signé une rupture conventionnelle du contrat de travail.
Madame Y a saisi le conseil de prud'hommes de Metz le 24 juillet 2012 aux fins de voir prononcer la nullité de la rupture conventionnelle, pour voir dire que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et demande de condamner la société Sisley à lui verser les sommes de
- 4.073,56 euros brut au titre de l'indemnité de préavis, - 407,35 euros au titre des congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir et exécution provisoire en application de l'article R.1454 du code du travail,
- 25.000,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
avec intérêts au taux légal à compter du jugement et exécution provisoire en application des dispositions de l'article 515 du code de procédure civile,
Et condamner la société Sisley à lui verser la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Par jugement du 26 septembre 2013, le conseil de prud'hommes de Metz a prononcé la nullité de la rupture conventionnelle du contrat de travail de Madame Y, a dit que la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et condamné la société Sisley à verser à Madame Y les sommes de
- 4.073,56 euros brut au titre de l'indemnité de préavis,
- 407,35 euros au titre des congés payés afférents,
avec intérêts au taux légal à compter du jour de la saisine,
- 12.500,00 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
avec intérêts au taux légal à compter du jugement,
- 800,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Débouté Madame Y du surplus de ses demandes, débouté la société Sisley de sa demande reconventionnelle, rappelé que l'exécution provisoire est de droit et retenu un salaire brut mensuel de 2.036,78 euros, dit n'y avoir lieu à application de l'article 515 du code de procédure civile en ce qui concerne les dommages et intérêts, et condamné la société Sisley aux dépens.

La société Sisley a régulièrement relevé appel de ce jugement selon lettre recommandée avec accusé de réception parvenue au greffe de la cour le 28 octobre 2013.
A l'audience du 24 février 2015, développant oralement ses conclusions, la société Sisley demande à la cour d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Metz du 26 septembre 2013 et demande de dire que Madame Y n'a été victime d'aucun vice du consentement lors de la conclusion de la rupture conventionnelle de son contrat de travail, que la rupture est valable et débouter Madame Y de ses demandes. A titre subsidiaire, elle demande de réduire l'indemnité pour licenciement abusif à six mois de salaire, soit 11.964 euros, de réduire l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 883,48 euros, outre 88,35 euros à titre de congés payés afférents à condition que la salariée apporte la preuve qu'elle est restée à disposition de l'employeur pendant cette période, débouter Madame Y de ses autres demandes, la condamner aux dépens et à lui verser la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de son appel, elle fait valoir que Madame Y a été reçue au début de l'année 2012 à plusieurs reprises pour évoquer l'éventualité d'une rupture conventionnelle, ces entretiens étant suivis d'un délai de réflexion, puis à la suite de la signature de la rupture conventionnelle, Madame Y n'ayant pas exercé son droit de rétractation, le contrat de travail a été rompu le 26 mars 2012, Madame Y percevant une indemnité spéciale de 14.580 euros. Elle soutient que la loi ne prévoit aucun formalisme particulier, que l'employeur n'a pas l'obligation d'informer le salarié de la possibilité de se faire assister au cours des entretiens préalables à la conclusion de la rupture conventionnelle, l'absence de cette information ne pouvant justifier la rupture.
Elle estime que Madame Y n'apporte pas la preuve que son consentement ait été vicié.
Madame Y a repris oralement à l'audience ses écritures et demande à la cour de débouter la société Sisley de l'ensemble de ses demandes, à titre principal de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes de Metz du 26 septembre 2013, subsidiairement, de condamner la société Sisley à lui verser la somme de 12.500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi pour absence d'information et dans tous les cas, de condamner la société Sisley à lui verser la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Elle fait valoir que l'employeur n'a pas respecté les règles de procédure concernant la rupture conventionnelle, en ne lui remettant pas un exemplaire du formulaire signé, qu'elle a subi une contrainte morale pour signer la rupture conventionnelle du fait de sa reprise à mi-temps thérapeutique, étant dans un état dépressif, la rupture s'analysant en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions déposées le 19 janvier 2015 par Madame Y et à celles déposées le 24 octobre 2014 par la société Sisley développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS
Sur la rupture conventionnelle du contrat de travail
Selon les dispositions des articles L.1237-11 et suivants du code du travail, l'employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie, cependant la rupture conventionnelle du contrat de travail ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties, elle est soumise à des dispositions destinées à garantir la liberté du consentement des parties ; elle résulte d'une convention signée par les parties après un ou plusieurs entretiens au cours desquels elles peuvent se faire assister ; la convention doit prévoir une indemnité spécifique de rupture qui ne peut être inférieure à l'indemnité de licenciement et elle fixe la date de la rupture qui ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l'homologation ; à compter de la signature de la convention, les parties disposent d'un droit de rétractation pendant quinze jours ; à l'issue du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d'homologation à l'autorité administrative avec un exemplaire de la convention ; la validité de la convention est subordonnée à son homologation.
Au soutien de sa contestation, Madame Y fait valoir que l'employeur ne lui a pas remis un exemplaire du formulaire de la convention de rupture conventionnelle après la signature, cette remise étant intervenue ultérieurement après l'expiration du délai de rétractation.
En l'espèce, la convention de rupture conventionnelle signée par les parties a pris la forme d'un formulaire CERFA contenant la demande d'homologation.
En stipulant qu'à l'expiration du délai de rétractation, la partie la plus diligente adresse une demande d'homologation à l'autorité administrative avec un exemplaire de la convention de rupture, l'article L. 1237-14 du code du travail rappelle implicitement que la convention doit être établie en double exemplaire sans quoi, une des parties serait privée du droit d'exercer son droit de demander l'homologation.
Ainsi, la remise d'un exemplaire de la convention de rupture au salarié est nécessaire à la fois pour que chacune des parties puisse demander l'homologation de la convention, dans les conditions prévues par l'article L. 1237-14 du code du travail, et pour garantir le libre consentement du salarié, en lui permettant d'exercer ensuite son droit de rétractation en connaissance de cause. Lorsque le salarié n'a pas reçu un exemplaire de la convention de rupture, celle-ci se trouve, de ce seul fait, atteint de nullité.
L'examen de la convention de rupture permet à la cour de constater, qu'hormis la signature de Madame Y précédée de la mention " lu et approuvé ", il n'existe pas de mention concernant le nombre d'originaux établis, ni de la remise d'un exemplaire à la salariée.
A défaut pour Madame Y d'avoir été en possession d'un exemplaire de la convention, il ne peut être vérifié qu'elle a eu une parfaite connaissance des termes de la convention signée et il ne peut être présumé qu'elle avait retenu la totalité des dispositions et en particulier qu'elle pouvait contacter le service public de l'emploi pour l'aider à prendre une décision en pleine connaissance de cause, qu'elle disposait d'une faculté de rétractation, qu'elle devait l'exercer dans un délai de quinze jours et que ce délai expirait le 3 mars 2012, toutes ces informations figurant dans la convention.
Le seul défaut de remise à Madame Y de la convention de rupture conventionnelle, que ne conteste au demeurant pas l'employeur dans ses écritures ni à l'audience, suffit à justifier l'annulation de ladite convention. Le jugement déféré sera en conséquence confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité de la rupture conventionnelle du contrat de travail de Madame Y.
La nullité de la convention de rupture conventionnelle s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ce qui ouvre droit pour la salariée à une indemnité compensatrice de préavis et à une indemnité pour réparer le préjudice subi.
Au vu des éléments de préjudice versé au dossier, notamment l'ancienneté de la salariée, de son âge et de son état de santé, le conseil de prud'hommes a justement évalué la réparation du dommage causé par la rupture abusive du contrat de travail à la somme de 12.500 euros.
S'agissant du préavis, la société Sisley considère que le contrat de travail a été rompu le 17 février 2012 et que la salarié a été payée jusqu'au 26 mars 2012 et qu'elle ne pourrait donc prétendre à une indemnité compensatrice de préavis que pour la période allant du 27 mars 2012 au 17 avril 2012 et qu'il convient également de tenir compte du fait qu'elle travaillait dans le cas d'un mi-temps thérapeutique de trois jours par semaine.
De son côté, la salariée soutient que le préavis devait s'exécuter à compter de la rupture du contrat de travail soit le 26 mars 2012.
La nullité de la convention de rupture conventionnelle donne droit à la salariée à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à celle qu'aurait dû effectuer la salariée en cas de licenciement. Ainsi, il ne peut être retenu comme point de départ la date de signature de la convention de rupture conventionnelle dès lors que celle-ci est soumise à un délai de rétractation et à un délai pour l'homologation et qu'il n'est pas convenu dans cette procédure, de l'exécution par le salarié d'un préavis.
L'indemnité prévue par l'article L. 1234-5 du code du travail doit être calculée en prenant en compte tous les éléments de rémunération qu'aurait perçue le salarié s'il avait travaillé pendant cette période. Cependant, dans le calcul du salaire de référence, il n'y a pas lieu d'inclure les périodes de mi-temps thérapeutique.
C'est donc à juste titre que le conseil de prud'hommes a retenu comme base de calcul le salaire de Madame Y au cours des douze derniers mois comme précisé dans la convention de rupture conventionnelle, soit la somme de 2.036,58 euros. Le jugement sera également confirmé en ce qu'il a condamné la société Sisley à verser à Madame Y les sommes de 4.073,56 euros brut au titre de l'indemnité de préavis et de 407,35 euros au titre des congés payés afférents.
Sur la demande d'indemnité en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens
L'équité commande tout à la fois de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a accordé à Madame Y une indemnité de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et de lui allouer une nouvelle indemnité de 1.500 euros sur le même fondement pour les frais exposés par elle en cause d'appel.
La société Sisley qui succombe dans la présente instance sera déboutée de sa demande à ce titre et condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS
La Cour,
Confirme le jugement prononcé le 26 septembre 2013 par le conseil de prud'hommes de Metz en toutes ses dispositions ;
Ajoutant,
Condamne la société Sisley à payer à Madame Y, en cause d'appel, une somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Sisley aux dépens. Le Greffier, La Présidente,

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