Jurisprudence : CJCE, 27-11-1997, aff. C-57/96, H. Meints c/ Minister van Landbouw, Natuurbeheer en Visserij

CJCE, 27-11-1997, aff. C-57/96, H. Meints c/ Minister van Landbouw, Natuurbeheer en Visserij

A0354AWZ

Référence

CJCE, 27-11-1997, aff. C-57/96, H. Meints c/ Minister van Landbouw, Natuurbeheer en Visserij. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/998274-cjce-27111997-aff-c5796-h-meints-c-minister-van-landbouw-natuurbeheer-en-visserij
Copier
Cour de justice des Communautés européennes

27 novembre 1997

Affaire n°C-57/96

H. Meints
c/
Minister van Landbouw, Natuurbeheer en Visserij



61996J0057

Arrêt de la Cour (cinquième chambre)
du 27 novembre 1997.

H. Meints contre Minister van Landbouw, Natuurbeheer en Visserij.

Demande de décision préjudicielle: Raad van State - Pays-Bas.

Règlement (CEE) nº 1408/71 - Prestation de chômage - Règlement (CEE) nº 1612/68 - Avantage social - Discrimination fondée sur la nationalité - Condition de résidence.

Affaire C-57/96.

Recueil de Jurisprudence 1997 page I-6689

1 Sécurité sociale des travailleurs migrants - Réglementation communautaire - Champ d'application matériel - Prestation de chômage - Notion - Prestation versée en une seule fois, d'un montant défini exclusivement en fonction de l'âge du bénéficiaire et soumise obligatoirement à remboursement en cas de nouvelle relation de travail avec l'ancien employeur - Exclusion

(Règlement du Conseil n° 1408/71, art. 4, § 1, g))

2 Libre circulation des personnes - Travailleurs - Égalité de traitement - Avantages sociaux - Notion - Prestation versée en une seule fois aux travailleurs agricoles n'étant plus engagés dans un rapport de travail en raison de la mise en jachère de terres de leur ancien employeur - Inclusion

(Règlement du Conseil n° 1612/68, art. 7, § 2)

3 Libre circulation des personnes - Travailleurs - Égalité de traitement - Avantages sociaux - Réglementation nationale subordonnant l'octroi d'un avantage social à une condition de résidence sur le territoire national - Inadmissibilité

(Règlement du Conseil n° 1612/68, art. 7, § 2)

4 Le règlement n° 1408/71, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement n° 2001/83, ne s'applique pas à un régime d'indemnisation en vertu duquel des travailleurs agricoles, dont le contrat de travail a pris fin en raison de la mise en jachère de terres de leur ancien employeur, bénéficient d'une prestation, additionnelle aux prestations de chômage prévues par le régime de sécurité sociale national, versée en une seule fois, dont le montant dépend exclusivement de l'âge du bénéficiaire et qui doit être remboursée si ce dernier entre à nouveau au service de son ancien employeur au cours d'une période de douze mois suivant la fin du contrat de travail. En effet, pour être qualifiée de prestation de chômage au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous g), du règlement, une prestation doit être destinée à remplacer le salaire perdu en raison du chômage afin de subvenir à l'entretien du travailleur en état de chômage.

5 Une prestation qui est versée en une seule fois aux travailleurs agricoles dont le contrat de travail a pris fin en raison de la mise en jachère de terres de leur ancien employeur doit être qualifiée d'avantage social au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté, le droit à une telle prestation étant intrinsèquement lié à la qualité objective de travailleurs des bénéficiaires.

6 Un État membre ne saurait subordonner l'octroi d'un avantage social, au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, à la condition que les bénéficiaires de l'avantage aient leur résidence sur le territoire national de cet État. En effet, à moins qu'elle ne soit objectivement justifiée et proportionnée à l'objectif poursuivi, une disposition de droit national doit être considérée comme indirectement discriminatoire dès lors qu'elle est susceptible, par sa nature même, d'affecter davantage les travailleurs migrants que les travailleurs nationaux et qu'elle risque, par conséquent, de défavoriser plus particulièrement les premiers. Tel est le cas d'une condition de résidence qui est plus facilement remplie par des travailleurs nationaux que par ceux des autres États membres.

Dans l'affaire C-57/96,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Nederlandse Raad van State (Pays-Bas) et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

H. Meints

Minister van Landbouw, Natuurbeheer en Visserij,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 4 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6), ainsi que de l'article 7 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2),

LA COUR

(cinquième chambre),

composée de MM. C. Gulmann, président de chambre, M. Wathelet, J. C. Moitinho de Almeida, D. A. O. Edward (rapporteur) et L. Sevón, juges,

avocat général: M. C. O. Lenz,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour le gouvernement néerlandais, par M. A. Bos, conseiller juridique au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. H. van Vliet et Mme M. Patakia, membres du service juridique, en qualité d'agents,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales du gouvernement néerlandais, représenté par M. M. Fierstra, conseiller juridique adjoint au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, du gouvernement français, représenté par M. C. Chavance, secrétaire des affaires étrangères à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par M. H. van Vliet, à l'audience du 29 mai 1997,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 16 septembre 1997,

rend le présent

Arrêt

1 Par décision interlocutoire du 22 février 1996, parvenue à la Cour le 26 février suivant, le Nederlandse Raad van State a, en application de l'article 177 du traité CE, posé deux questions préjudicielles sur l'interprétation de l'article 4 du règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983 (JO L 230, p. 6), ainsi que de l'article 7 du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté (JO L 257, p. 2).

2 Ces questions ont été soulevées dans le cadre d'un litige opposant M. Meints au Minister van Landbouw, Natuurbeheer en Visserij (ministre de l'Agriculture, du Patrimoine naturel et de la Pêche), au sujet du refus de ce dernier d'accorder à M. Meints une prestation en faveur de travailleurs agricoles devenus chômeurs à la suite de mesures de mise en jachère de terres de leur ancien employeur.

Le droit communautaire

3 Selon l'article 4, paragraphe 1, sous g), du règlement n° 1408/71, ce dernier s'applique à toutes les législations relatives aux branches de sécurité sociale qui concernent, notamment, les prestations de chômage.

4 Le premier considérant du règlement n° 1612/68 expose que "la libre circulation des travailleurs doit être assurée à l'intérieur de la Communauté au plus tard à l'expiration de la période de transition, que la réalisation de cet objectif implique l'abolition, entre les travailleurs des États membres, de toute discrimination fondée sur la nationalité en ce qui concerne l'emploi, la rémunération et les autres conditions de travail, ainsi que le droit pour ces travailleurs de se déplacer librement à l'intérieur de la Communauté pour exercer une activité salariée, sous réserve des limitations justifiées par des raisons d'ordre public, de sécurité publique et de santé publique".

5 Les troisième et quatrième considérants du même règlement énoncent, d'une part, qu'"il convient d'affirmer le droit de tous les travailleurs des États membres d'exercer l'activité de leur choix à l'intérieur de la Communauté" et, d'autre part, que "ce droit doit être reconnu indifféremment aux travailleurs 'permanents', saisonniers, frontaliers ou qui exercent leur activité à l'occasion d'une prestation de services".

6 L'article 7 du règlement n° 1612/68 prévoit ensuite:

"1. Le travailleur ressortissant d'un État membre ne peut, sur le territoire des autres États membres, être, en raison de sa nationalité, traité différemment des travailleurs nationaux, pour toutes conditions d'emploi et de travail, notamment en matière de rémunération, de licenciement, et de réintégration professionnelle ou de réemploi s'il est tombé en chômage.

2. Il y bénéficie des mêmes avantages sociaux et fiscaux que les travailleurs nationaux."

La législation néerlandaise

7 Aux Pays-Bas, la Stichting Ontwikkelings- en Saneringsfonds voor de Landbouw (Fonds de développement et d'assainissement pour l'agriculture, ci-après le "Fonds") est une personne morale de droit privé qui a pour objet statutaire de promouvoir le développement et l'assainissement de l'agriculture et est chargée, à cette fin, de missions publiques, dont la mise en oeuvre en droit national de certaines dispositions communautaires. Les moyens dont elle bénéficie proviennent du budget du ministère de l'Agriculture, du Patrimoine naturel et de la Pêche.

8 Ainsi le Fonds a-t-il adopté la Vergoedingsregeling voor uittreding van werknemers in de landbouw (décision portant régime d'indemnisation des travailleurs se retirant de l'agriculture, Staatscourant n° 114 du 16 juin 1988, p. 23, ci-après le "régime d'indemnisation"), qui vise à répartir une subvention nationale accordée au secteur agricole en vue de soutenir les adaptations nécessitées dans ce secteur par le droit communautaire.

9 Aux termes de la décision précitée, la direction du Fonds peut, sur demande et sous réserve du respect de certaines conditions, accorder une prestation aux travailleurs agricoles dont le contrat de travail a pris fin en raison de la mise en jachère de terres de leur ancien employeur.

10 Cette prestation consiste en une allocation fixe, versée en une seule fois et dont le montant dépend exclusivement de l'âge du bénéficiaire. Si le travailleur a moins de 50 ans, le régime d'indemnisation prévoit, en plus, une intervention dans les frais de recyclage.

11 L'article 4, sous e), du régime d'indemnisation subordonne l'octroi de la prestation litigieuse à la condition que le travailleur ait droit à une prestation en vertu de la Werkloosheidswet (loi sur le chômage). L'article 19, paragraphe 1, sous f), de cette dernière loi prévoit, quant à lui, que le travailleur qui réside ou séjourne, pour d'autres motifs que des vacances, en dehors des Pays-Bas n'a pas droit à une prestation de chômage.

12 Conformément à l'article 6 du régime d'indemnisation, le droit à la prestation litigieuse disparaît si le bénéficiaire entre à nouveau au service de son ancien employeur au cours d'une période de douze mois suivant la fin de son ancien contrat de travail. Sans être contredite sur ce point, la Commission a précisé que, dans ce cas, le prestation doit, en principe, être remboursée.

13 Selon l'article 13 du régime d'indemnisation, le montant total des prestations versées au cours d'une année ne peut dépasser la somme de 1 000 000 HFL. Le gouvernement néerlandais a toutefois informé la Cour que, jusqu'ici, les moyens budgétaires consacrés à la prestation litigieuse n'ont jamais été épuisés au cours d'une année.

14 Le gouvernement néerlandais a en outre précisé que, dans les limites de ce budget, toute personne satisfaisant aux conditions d'octroi prévues au régime d'indemnisation et qui en fait la demande a un droit subjectif à la prestation. La marge d'appréciation des autorités est limitée au pouvoir de déroger aux conditions d'octroi dans des circonstances particulières pour accorder la prestation aux personnes qui n'y ont pas formellement droit.

Le litige au principal

15 M. Meints, de nationalité allemande, a travaillé dans une exploitation agricole néerlandaise, tout en résidant en Allemagne.

16 A la suite de mesures prises par son ancien employeur pour mettre des terres en jachère, M. Meints a perdu son emploi et a alors perçu une allocation de chômage en Allemagne. Il a, en outre, demandé aux autorités néerlandaises de lui accorder une prestation au titre du régime d'indemnisation.

17 Cette demande a été rejetée par décision du 28 août 1991 au motif que, n'ayant pas sa résidence aux Pays-Bas, M. Meints n'avait pas droit à une prestation en vertu de la Werkloosheidswet et, donc, ne satisfaisait pas à la condition prévue à l'article 4, sous e), du régime d'indemnisation.

18 Le 16 septembre 1991, M. Meints a introduit une réclamation contre cette décision devant la direction du Fonds qui, par décision du 9 juillet 1992, l'a rejetée. Il a ensuite introduit une nouvelle réclamation contre cette décision devant le ministre de l'Agriculture, du Patrimoine naturel et de la Pêche, qui, le 2 mars 1994, l'a également rejetée.

19 M. Meints a alors formé un recours contre cette dernière décision devant l'Arrondissementsrechtbank te Den Haag qui, par jugement du 15 février 1995, l'a déclaré non fondé.

20 Enfin, par requête du 6 mars 1995, M. Meints a interjeté appel de ce jugement devant le Nederlandse Raad van State. Devant cette juridiction, il soutient, en substance, que le refus de lui accorder la prestation litigieuse en raison de sa résidence allemande est incompatible soit avec le règlement n° 1408/71, soit avec le règlement n° 1612/68.

21 Doutant de l'interprétation à donner aux dispositions de ces deux règlements, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les deux questions préjudicielles suivantes:

"1) Le règlement n° 1408/71 s'applique-t-il à la prestation mise en place par la Vergoedingsregeling voor uittreding van werknemers in de landbouw (régime d'indemnisation des travailleurs se retirant de l'agriculture), qui ne dépend pas de la durée du chômage et participe d'un ensemble de dispositions visant à améliorer la structure du secteur agricole, en favorisant spécialement la fermeture totale ou partielle des exploitations et le retrait des exploitants?

Quelles autres circonstances ont éventuellement aussi une incidence sur ce point?

2) Si la première question appelle une réponse négative, faut-il assimiler une prestation au titre de la Vergoedingsregeling voor uittreding van werknemers in de landbouw (régime d'indemnisation des travailleurs se retirant de l'agriculture) à un avantage social au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68? Si tel est le cas, la condition imposée au travailleur, de résider aux Pays-Bas, doit-elle être considérée comme étant une distinction fondée sur la nationalité, interdite par l'article 7 de ce règlement?"

Sur la première question

22 Par cette question, le juge national demande en substance si le règlement n° 1408/71 s'applique à un régime d'indemnisation, tel que celui en cause dans le litige au principal, en vertu duquel des travailleurs agricoles dont le contrat de travail a pris fin en raison de la mise en jachère de terres de leur ancien employeur bénéficient d'une prestation, versée en une seule fois, dont le montant dépend exclusivement de l'âge du bénéficiaire et qui doit être remboursée si ce dernier entre à nouveau au service de son ancien employeur au cours d'une période de douze mois suivant la fin du contrat de travail.

23 Selon la jurisprudence de la Cour, la distinction entre les prestations exclues du champ d'application du règlement n° 1408/71 et celles qui en relèvent repose essentiellement sur les éléments constitutifs de chaque prestation, notamment sa finalité et ses conditions d'octroi, et non pas sur le fait qu'une prestation est qualifiée ou non par une législation nationale de prestation de sécurité sociale (voir, notamment, arrêts du 10 mars 1993, Commission/Luxembourg, C-111/91, Rec. p. I-817, point 28, et du 27 mars 1985, Hoeckx, 249/83, Rec. p. 973, point 11).

24 Une prestation peut être considérée comme une prestation de sécurité sociale dans la mesure où, premièrement, elle est octroyée, en dehors de toute appréciation individuelle discrétionnaire des besoins personnels, aux bénéficiaires sur la base d'une situation légalement définie et où, deuxièmement, elle se rapporte à l'un des risques énumérés expressément à l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71 (arrêt du 2 août 1993, Acciardi, C-66/92, Rec. p. I-4567, point 14).

25 Une prestation telle que celle en cause dans le litige au principal ne saurait être considérée comme se rapportant à l'un des risques énumérés expressément à l'article 4, paragraphe 1, du règlement n° 1408/71.

26 En effet, parmi les branches de la sécurité sociale mentionnées à cet article, seule celle concernant les prestations de chômage pourrait être pertinente en l'espèce.

27 Or, pour être qualifiée de "prestation de chômage" au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous g), du règlement n° 1408/71, une prestation doit être destinée à remplacer le salaire perdu en raison du chômage afin de subvenir à l'entretien du travailleur en état de chômage (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 1992, Knoch, C-102/91, Rec. p. I-4341, point 44).

28 Tel n'est pas le cas d'une prestation comme celle en cause dans le litige au principal, caractérisée par l'ensemble des éléments suivants.

29 En premier lieu, le bénéficiaire de la prestation en cause est obligé de la rembourser s'il entre à nouveau au service de son ancien employeur au cours d'une période de douze mois suivant la fin du contrat de travail.

30 En deuxième lieu, ni le droit de percevoir la prestation ni son montant ne dépendent de la durée du chômage puisque, pour y avoir droit, il suffit que l'ancien contrat de travail ait pris fin et que le bénéficiaire soit en chômage lorsqu'il perçoit la prestation.

31 En troisième lieu, la prestation litigieuse n'est pas versée périodiquement, mais est versée en une seule fois et consiste en un montant fixe qui ne varie que selon l'âge du demandeur.

32 En quatrième lieu, ladite prestation s'ajoute aux prestations de chômage prévues par le régime de sécurité sociale national, le droit à ces dernières n'étant qu'une de ses conditions d'octroi.

33 En outre, il ressort du dossier que ladite prestation tend, à titre principal, à soutenir les conséquences sociales des adaptations structurelles dans le secteur agricole rendues nécessaires par la réglementation communautaire, en l'occurrence la mise en jachère de terres arables. Ainsi, sa finalité correspond à celle d'une indemnité de licenciement financée par des fonds publics dans le cadre de mesures d'accompagnement de cessations d'activités économiques.

34 Dans ces conditions, la prestation en cause ne saurait être qualifiée de "prestation de chômage" au sens de l'article 4, paragraphe 1, sous g), du règlement n° 1408/71.

35 Il convient dès lors de répondre à la première question que le règlement n° 1408/71 ne s'applique pas à un régime d'indemnisation, tel que celui en cause dans le litige au principal, en vertu duquel des travailleurs agricoles, dont le contrat de travail a pris fin en raison de la mise en jachère de terres de leur ancien employeur, bénéficient d'une prestation, versée en une seule fois, dont le montant dépend exclusivement de l'âge du bénéficiaire et qui doit être remboursée si ce dernier entre à nouveau au service de son ancien employeur au cours d'une période de douze mois suivant la fin du contrat de travail.

Sur la seconde question

36 Cette question comporte deux parties distinctes. La première concerne la notion d'avantage social au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, et la seconde l'éventuelle discrimination qui découlerait de la condition de résidence prévue par le régime d'indemnisation.

Sur la notion d'avantage social

37 Par la première partie de la seconde question, le juge national demande en substance si une prestation qui, telle celle en cause dans le litige au principal, est versée en une seule fois aux travailleurs agricoles dont le contrat de travail a pris fin en raison de la mise en jachère de terres de leur ancien employeur peut être qualifiée d'avantage social au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68.

38 Le gouvernement néerlandais et la Commission considèrent, à juste titre, qu'une prestation telle que celle en cause dans le litige au principal constitue un "avantage social" au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68.

39 Il convient de rappeler que la référence aux "avantages sociaux" à l'article 7, paragraphe 2, dudit règlement ne saurait être interprétée limitativement (arrêt du 30 septembre 1975, Cristini, 32/75, Rec. p. 1085, point 12). En effet, selon une jurisprudence constante, il y a lieu d'entendre par "avantages sociaux" tous avantages qui, liés ou non à un contrat d'emploi, sont généralement reconnus aux travailleurs nationaux, en raison de leur qualité objective de travailleurs ou du simple fait de leur résidence sur le territoire national et dont l'extension aux travailleurs ressortissants d'autres États membres apparaît, dès lors, comme apte à faciliter leur mobilité à l'intérieur de la Communauté (arrêt du 27 mai 1993, Schmid, C-310/91, Rec. p. I-3011, point 18).

40 En outre, comme la Cour l'a jugé dans l'arrêt du 21 juin 1988, Lair (39/86, Rec. p. 3161, point 36), certains droits liés à la qualité de travailleur sont garantis aux travailleurs migrants même si ceux-ci ne se trouvent plus engagés dans un rapport de travail.

41 Une prestation, telle que celle en cause, dont l'octroi dépend de l'existence préalable d'un rapport de travail qui a récemment pris fin répond à ces conditions. En effet, le droit à la prestation est intrinsèquement lié à la qualité objective de travailleurs des bénéficiaires.

42 Il convient donc de répondre à la première partie de la seconde question qu'une prestation qui, telle celle en cause dans le litige au principal, est versée en une seule fois aux travailleurs agricoles dont le contrat de travail a pris fin en raison de la mise en jachère de terres de leur ancien employeur doit être qualifiée d'avantage social au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68.

Sur la condition de résidence

43 Par la seconde partie de la seconde question, le juge national vise, en substance, à savoir si un État membre peut subordonner l'octroi d'un avantage social, au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, à la condition que ses bénéficiaires aient leur résidence sur le territoire national de cet État.

44 Selon la jurisprudence constante de la Cour, la règle de l'égalité de traitement inscrite tant à l'article 48 du traité CE qu'à l'article 7 du règlement n° 1612/68 prohibe non seulement les discriminations ostensibles, fondées sur la nationalité, mais encore toutes formes dissimulées de discrimination qui, par application d'autres critères de distinction, aboutissent en fait au même résultat (voir, notamment, arrêt du 23 mai 1996, O'Flynn, C-237/94, Rec. p. I-2617, point 17).

45 A moins qu'elle ne soit objectivement justifiée et proportionnée à l'objectif poursuivi, une disposition de droit national doit être considérée comme indirectement discriminatoire dès lors qu'elle est susceptible, par sa nature même, d'affecter davantage les travailleurs migrants que les travailleurs nationaux et qu'elle risque, par conséquent, de défavoriser plus particulièrement les premiers (arrêt O'Flynn, précité, point 20).

46 Tel est le cas d'une condition de résidence comme celle en cause dans le litige au principal, qui est plus facilement remplie par des travailleurs nationaux que par ceux des autres États membres.

47 Le gouvernement néerlandais souligne que le régime d'indemnisation ne prévoit pas expressément la condition de résidence, mais qu'il renvoie à la Werkloosheidswet qui contient cette condition. Or, l'objectif de la condition exigeant que le bénéficiaire ait droit à une prestation en vertu de cette dernière loi ne serait pas de réserver le droit à la prestation litigieuse aux seuls résidents néerlandais, mais d'incorporer dans le régime d'indemnisation une autre condition, contenue dans la Werkloosheidswet, selon laquelle tout demandeur qui a été mis au chômage de son propre fait est exclu du bénéfice de la prestation concernée.

48 Cette justification ne saurait être admise. L'incorporation dans le régime d'indemnisation d'une condition de résidence n'est ni nécessaire ni appropriée pour atteindre le but d'exclure du bénéfice de la prestation des personnes mises au chômage de leur propre fait. En effet, le lieu de résidence du demandeur n'a aucune pertinence quant à la question de savoir si ce dernier a été mis au chômage de son propre fait.

49 Les gouvernements français et néerlandais font en outre observer qu'un travailleur frontalier ne saurait en aucun cas se prévaloir des dispositions de l'article 7 du règlement n° 1612/68 pour pouvoir bénéficier d'avantages sociaux. En effet, ce règlement ne prévoirait pas la possibilité de faire "exporter" de tels avantages.

50 Or, cette argumentation méconnaît le texte du règlement n° 1612/68. En effet, son quatrième considérant prévoit, de manière expresse, que le droit de libre circulation doit être reconnu "indifféremment aux travailleurs 'permanents', saisonniers, frontaliers ou qui exercent leur activité à l'occasion d'une prestation de services", et son article 7 se réfère, sans réserve, au "travailleur ressortissant d'un État membre".

51 A la lumière de ce qui précède, il y a lieu de répondre à la seconde partie de la seconde question qu'un État membre ne saurait subordonner l'octroi d'un avantage social, au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, à la condition que les bénéficiaires de l'avantage aient leur résidence sur le territoire national de cet État.

Sur les dépens

52 Les frais exposés par le gouvernement néerlandais et par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs,

LA COUR

(cinquième chambre),

statuant sur les questions à elle soumises par le Nederlandse Raad van State (Pays-Bas), par décision interlocutoire du 22 février 1996, dit pour droit:

53 Le règlement (CEE) n° 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l'application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés, aux travailleurs non salariés et aux membres de leur famille qui se déplacent à l'intérieur de la Communauté, dans sa version modifiée et mise à jour par le règlement (CEE) n° 2001/83 du Conseil, du 2 juin 1983, ne s'applique pas à un régime d'indemnisation en vertu duquel des travailleurs agricoles, dont le contrat de travail a pris fin en raison de la mise en jachère de terres de leur ancien employeur, bénéficient d'une prestation, versée en une seule fois, dont le montant dépend exclusivement de l'âge du bénéficiaire et qui doit être remboursée si ce dernier entre à nouveau au service de son ancien employeur au cours d'une période de douze mois suivant la fin du contrat de travail.

54 Une prestation qui est versée en une seule fois aux travailleurs agricoles dont le contrat de travail a pris fin en raison de la mise en jachère de terres de leur ancien employeur doit être qualifiée d'avantage social au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement (CEE) n° 1612/68 du Conseil, du 15 octobre 1968, relatif à la libre circulation des travailleurs à l'intérieur de la Communauté.

55 Un État membre ne saurait subordonner l'octroi d'un avantage social, au sens de l'article 7, paragraphe 2, du règlement n° 1612/68, à la condition que les bénéficiaires de l'avantage aient leur résidence sur le territoire national de cet État.

Agir sur cette sélection :

Revues liées à ce document

Ouvrages liés à ce document

Chaîne du contentieux

Utilisation des cookies sur Lexbase

Notre site utilise des cookies à des fins statistiques, communicatives et commerciales. Vous pouvez paramétrer chaque cookie de façon individuelle, accepter l'ensemble des cookies ou n'accepter que les cookies fonctionnels.

En savoir plus

Parcours utilisateur

Lexbase, via la solution Salesforce, utilisée uniquement pour des besoins internes, peut être amené à suivre une partie du parcours utilisateur afin d’améliorer l’expérience utilisateur et l’éventuelle relation commerciale. Il s’agit d’information uniquement dédiée à l’usage de Lexbase et elles ne sont communiquées à aucun tiers, autre que Salesforce qui s’est engagée à ne pas utiliser lesdites données.

Réseaux sociaux

Nous intégrons à Lexbase.fr du contenu créé par Lexbase et diffusé via la plateforme de streaming Youtube. Ces intégrations impliquent des cookies de navigation lorsque l’utilisateur souhaite accéder à la vidéo. En les acceptant, les vidéos éditoriales de Lexbase vous seront accessibles.

Données analytiques

Nous attachons la plus grande importance au confort d'utilisation de notre site. Des informations essentielles fournies par Google Tag Manager comme le temps de lecture d'une revue, la facilité d'accès aux textes de loi ou encore la robustesse de nos readers nous permettent d'améliorer quotidiennement votre expérience utilisateur. Ces données sont exclusivement à usage interne.