Jurisprudence : CE Contentieux, 23-02-2000, n° 196721, M. ETANJI

CE Contentieux, 23-02-2000, n° 196721, M. ETANJI

A0436AUP

Référence

CE Contentieux, 23-02-2000, n° 196721, M. ETANJI. Lire en ligne : https://www.lexbase.fr/jurisprudence/997404-ce-contentieux-23022000-n-196721-m-etanji
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CONSEIL D'ETAT

Statuant au contentieux

N° 196721

M. ETANJI

M. Chaubon, Rapporteur
M. Seban, Commissaire du Gouvernement

Séance du 10 janvier 2000
Lecture du 23 février 2000

REPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

Le Conseil d'Etat statuant au contentieux,

(Section du contentieux, 6ème et 4ème sous-sections réunies)

Sur le rapport de la 6ème sous-section de la Section du contentieux

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 25 mai 1998 et 27 juillet 1998 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Nourredine ETANJI demeurant 38, boulevard Balzac à Strasbourg (67200) ; M. ETANII demande que le Conseil d'Etat :

1°) annule l'arrêt du 31 décembre 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté son appel tendant à l'annulation du jugement du 19 juillet 1994 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus du ministre de l'intérieur d'abroger son arrêté d'expulsion en date du 22 septembre 1993 ;

2°) condamne l'Etat à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. Chaubon, Maître des Requêtes,

- les observations de la SCP Boré, Xavier, avocat de M. ETANJI,

- les conclusions de M. Seban, Commissaire du gouvernement ;

Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens du pourvoi ;
Considérant qu'aux termes de l'article 28 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 dans sa rédaction issue de la loi du 24 août 1993 : "Il ne peut être fait droit à une demande de relèvement d'une interdiction du territoire ou d'abrogation d'un arrêté d'expulsion ou de reconduite à la frontière présentée après l'expiration du délai de recours administratif que si le ressortissant étranger réside hors de France. Toutefois, cette disposition ne s'applique pas pendant le temps où le ressortissant étranger subit en France une peine privative de liberté sans sursis" ;

Considérant que, par une décision en date du 22 septembre 1993, le ministre de l'intérieur a refusé d'abroger l'arrêté d'expulsion pris à l'encontre de M. ETANJI, le 28 décembre 1987, au motif que celui-ci résidait en France au moment de la demande d'abrogation, en méconnaissance des dispositions précitées ;

Considérant que, saisie d'une requête tendant à l'annulation du jugement du 19 juillet 1994 par lequel le tribunal administratif de Strasbourg a refusé d'annuler la décision en date du 22 septembre 1993, la cour administrative-d'appel de Nancy a estimé que ne pouvaient être utilement invoqués, à l'encontre de la décision de refus d'abroger l'arrêté d'expulsion, les moyens tirés de la méconnaissance des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; dès lors que M. ETANJI, qui résidait en France au moment de sa demande, n'était pas au nombre des étrangers dont la situation peut être soumise à l'appréciation de l'administration ;

Considérant que si, en vertu de l'article 28 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945, le ministre de l'intérieur était tenu de rejeter la demande d'abrogation dont il était saisi dès lors que M. ETANJI résidait en France au moment de sa demande, les moyens tirés de la violation des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; n'étaient pas cependant inopérants à l'encontre de cette décision de refus ; qu'il suit de là qu'en écartant comme inopérants les moyens tirés de la violation des stipulations de ces articles, la cour administrative d'appel de Nancy a entaché l'arrêt attaqué d'une erreur de droit ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. ETANJI est fondé à demander l'annulation de l'arrêt du 31 décembre 1997 par lequel la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement du 19 juillet 1994 du tribunal administratif de Strasbourg ;

Considérant qu'aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 31 décembre 1987, le Conseil d'Etat, s'il prononce l'annulation d'une décision d'une juridiction administrative statuant en dernier ressort, peut "régler l'affaire au fond si l'intérêt d'une bonne administration de la justice le justifie" ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de régler l'affaire au fond ;

Considérant que les dispositions précitées de l'article 28 bis de l'ordonnance du 2 novembre 1945 étaient applicables à la date du 22 septembre 1993 à laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande de M. ETANJI, alors même que cette demande avait été présentée avant leur entrée en vigueur; que, par suite, le ministre n'a pas méconnu le champ d'application de la loi en se fondant sur lesdites dispositions pour rejeter la demande de M. ETANJI ;

Considérant que le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; n'est, en tout état de cause, assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé ;

Considérant que l'arrêté d'expulsion pris à l'encontre de M. ETANJI était fondé sur la gravité des faits qui lui étaient reprochés et, qui lui avaient valu notamment une condamnation à cinq ans d'emprisonnement pour viol avec violence et en réunion ; que, dès lors, si M. ETANJI, qui est célibataire, est arrivé en France en 1967, à l'âge de trois ans et si sa famille, dont une partie possède la nationalité française, réside en France, la mesure attaquée n'a pas, eu égard à la nature et à la gravité des faits reprochés, porté au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, le moyen tiré d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; doit être écarté ;

Considérant que, comme il a été dit ci-dessus, il est constant que M. ETANJI résidait en France à la date de la décision attaquée ; que le ministre de l'intérieur était tenu, dans ces conditions, de rejeter la demande d'abrogation dont il était saisi ; que, dès lors, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation qu'aurait commise le ministre en rejetant la demande précitée doit être écarté comme inopérant ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. ETANJI n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement du 19 juillet 1994, le tribunal administratif de Strasbourg a refusé d'annuler la décision du 22 septembre 1993 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté la demande d'abrogation de l'arrêté d'expulsion en date du 28 décembre 1987 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 :

Considérant que les dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, soit condamné à verser à M. ETANJI la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;

DECIDE :


Article 1er : L'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 31 décembre 1997 est annulé.

Article 2 : La requête de M. Nourredine ETANJI devant la cour administrative d'appel de Nancy est rejetée.

Article 3: Les conclusions présentées par M. Nourredine ETANJI tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Nouaedine ETANJI et au ministre de l'intérieur.

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