Jurisprudence : CE 8/9 SSR, 29-10-1997, n° 141390

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 141390

M. VOIVRET

Lecture du 29 Octobre 1997

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 8ème et 9ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 8ème sous-section, de la Section du Contentieux,

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 septembre 1992 et 18 janvier 1993 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Michel VOIVRET demeurant 7, rue des Etuves, à Charleville-Mézières (08000) ; M. VOIVRET demande au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêt du 9 juillet 1992 par lequel la cour administrative de Nancy : 1°) après avoir annulé le jugement n° 87-772-87-773 du 31 juillet 1990 du tribunal administratif de Châlons-sur-Marne, en tant que celui-ci avait omis de statuer sur ses conclusions tendant à la communication de documents administratifs, a rejeté le surplus des conclusions de sa requête tendant, d'une part, à la décharge des suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1982 et 1983, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à lui payer une somme de 100 000 F, à titre de dommages-intérêts, ainsi que les intérêts de droit sur le montant des cotisations dégrevées ; 2°) a rejeté sa requête tendant à l'annulation du jugement n° 89-1206 du 31 juillet 1990 du même tribunal administratif, rejetant sa demande en décharge des pénalités pour mauvaise foi appliquées aux suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a été assujetti au titre des années 1982 à 1984 ; . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code général des impôts ;

Vu le livre des procédures fiscales ;

Vu la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978, modifiée ;

Vu l'article 42 de la loi n° 86-1318 du 30 décembre 1986 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de Mlle Mignon, Auditeur, - les observations de la SCP Waquet, Farge, Hazan, avocat de M. VOIVRET, - les conclusions de M. Arrighi de Casanova, Commissaire du gouvernement ; En ce qui concerne les conclusions ayant trait aux suppléments d'impôt sur le revenu auxquels M. VOIVRET a été assujetti au titre des années 1982 et 1983 ainsi qu'aux pénalités dont les suppléments du même impôt mis à sa charge au titre de l'année 1984 ont été assortis :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis à la cour administrative d'appel de Nancy que M. VOIVRET a soutenu devant celle-ci que l'administration s'était fondée sur des éléments recueillis au cours de la vérification de comptabilité à la suite de laquelle elle lui a notifié des redressements portant sur les bénéfices non-commerciaux tirés par lui, au cours des années 1982, 1983 et 1984, de l'exercice de la profession de conseil juridique, puis d'avocat, pour procéder à d'autres redressements concernant des revenus fonciers et des charges du revenu global, qui ne donnent pas lieu à la tenue d'une comptabilité ; qu'au soutiende cette contestation de la régularité de la procédure d'imposition, M. VOIVRET s'est prévalu du témoignage d'une secrétaire salariée, selon lequel l'inspecteur ayant effectué la vérification de sa comptabilité aurait demandé à consulter des documents relatifs à ses revenus fonciers et de ce que l'administration ne lui avait adressé, le 20 février 1986, qu'une seule notification de redressements faisant uniquement référence à la vérification de comptabilité dont il avait fait l'objet, et de ce qu'il avait été le seul destinataire de cette notification, envoyée à son domicile professionnel, alors que, portant sur des éléments du revenu global, celle-ci aurait d– être libellée aussi au nom de son épouse, et adressée à leur domicile personnel ;

Considérant que, pour écarter le moyen ainsi argumenté de M. VOIVRET, la cour administrative d'appel a relevé, d'une part, que l'administration n'était pas tenue de procéder, par l'envoi d'un document distinct, à la notification des rappels d'imposition qu'elle envisageait de mettre en recouvrement après avoir constaté, à l'occasion d'un contrôle sur pièces des déclarations de revenus souscrites par M. VOIVRET au titre des années 1982 et 1983, qu'ily avait lieu d'imposer, non dans la catégorie des revenus fonciers, à tort retenue dans ces déclarations, mais dans celle des bénéfices industriels et commerciaux, les produits retirés, au cours de ces deux années, par l'intéressé de la location d'un appartement meublé à CharlevilleMézières, et de réintégrer dans les bases de l'impôt afférent à l'année 1982 une somme, ind–ment déduite du revenu global, correspondant à des "frais de contentieux sur succession", d'autre part, qu'en vertu de l'article 54 A du code général des impôts, selon lequel, en matière d'impôt sur le revenu, les actes de procédure notifiés à l'un des conjoints sont opposables de plein droit à l'autre, les redressements portant sur d'autres éléments que les bénéfices non commerciaux de M. VOIVRET avaient pu n'être régulièrement notifiés qu'à celui-ci, enfin que la secrétaire salariée, dont M. VOIVRET invoquait le témoignage, s'était bornée à attester qu'elle s'était tenue à la disposition du vérificateur et du conseil de son employeur pour justifier des revenus fonciers de ce dernier à partir de 1982 ; qu'en statuant ainsi, la cour administrative d'appel n'a entaché son arrêt, ni d'insuffisance de motivation, ni d'erreur de droit, et s'est, pour le surplus, livrée à une appréciation de circonstances de fait, qui ne peut être discutée devant le juge de cassation ;

Sur le bien-fondé de la réintégration dans le revenu global imposable de M. et Mme VOIVRET, au titre de l'année 1982, de "frais de contentieux de succession" :

Considérant qu'aux termes de l'article 13 du code général des impôts : "1. Le bénéfice ou revenu imposable est constitué par l'excédent du produit brut... sur les dépenses effectuées en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu" ; qu'après avoir souverainement estimé que M. VOIVRET n'établissait pas que "les frais de contentieux sur succession" qu'il entendait déduire de son revenu global imposable au titre de l'année 1982 avaient été exposés en vue de l'acquisition et de la conservation du revenu, la cour administrative d'appel a pu juger, sans erreur de droit, que l'administration avait, à juste titre, refusé d'admettre cette déduction, dès lors que, sauf disposition contraire expresse, les dépenses visées par l'article 13-1, précité, ne concernent pas les frais engagés pour maintenir ou accroître le patrimoine privé des contribuables, alors même que des revenus pourraient être retirés de certains éléments de ce patrimoine ;

Sur les pénalités pour mauvaise foi dont les suppléments d'impôts sur le revenu mise à la charge de M. VOIVRET au titre de l'année 1984 ont été assortis :

Considérant qu'aux termes de l'article 42 de la loi n° 86-1318 du 30 décembre 1986 : "I. Les décisions mettant à la charge des contribuables des sanctions fiscales sont motivées, au sens de la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public, quand un document ou une décision adressé au plus tard lors de la notification du titre exécutoire ou de son extrait en a porté la motivation à la connaissance du contribuable. II - Les décisions notifiées antérieurement à la publication de la présente loi, dans les conditions prévues au paragraphe I, sont réputées régulièrement motivées" ;

Considérant qu'il ressort des termes du paragraphe II de l'article précité que le législateur n'a pas entendu régulariser les décisions non motivées mettant à la charge des contribuables des pénalités fiscales notifiées antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 30 décembre 1986, mais donner seulement une portée rétroactive aux dispositions du paragraphe 1 de son article 42 ; que, par suite, en écartant le moyen tiré par M. VOIVRET de ce que la décision lui ayant infligé des pénalités pour mauvaise foi n'était pas suffisamment motivée, au motif qu'en vertu de l'article 42-II de la loi du 30 décembre 1986 une telle décision, notifiée avant le 31 décembre 1986, devait être réputée régulièrement motivée, la cour administratived'appel a commis une erreur de droit ; qu'il y a donc lieu d'annuler son arrêt sur ce point et, dans les circonstances de l'espèce, de régler, sur le même point, l'affaire au fond en application de l'article 11 de la loi du 31 décembre 1987 ; Considérant, d'une part, que, par une lettre du 25 mars 1986, l'administration a fait savoir à M. VOIVRET qu'elle envisageait de mettre à sa charge les pénalités prévues par l'article 1729 du code général des impôts, alors applicable ; que, dans sa réponse du même jour aux observations présentées par M. VOIVRET sur la notification de redressements qui lui avait été adressée le 20 février 1986, l'administration a relevé que l'intéressé avait fait passer des frais personnels en dépenses professionnelles et omis de réintégrer des frais de voiture correspondant à son usage personnel ; que, ce faisant, l'administration a suffisamment motivé sa décision d'appliquer à M. VOIVRET les pénalités contestées ; que, d'autre part, il est constant que M. VOIVRET a pratiqué, de manière répétée des confusions entre ses dépenses professionnelles et ses dépenses personnelles ; que, dès lors, sa bonne foi ne peut être admise ; que M. VOIVRET n'est donc pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par son jugement du 31 juillet 1990, le tribunal administratif de Châlons-sur-Marne a rejeté les conclusions de sa demande aux fins de décharge des pénalités pour mauvaise foi qui lui ont été appliquées ; En ce qui concerne les conclusions ayant trait à une demande de communication de documents administratifs : Considérant, qu'après avoir relevé qu'en vertu de l'article 7 de la loi du 17 juillet 1978, lorsqu'une demande de communication de documents administratifs a été rejetée par une décision explicite ou implicite de l'autorité administrative, il appartient à l'administré de saisir la commission d'accès aux documents administratifs et que, dans le cas où, au vu de l'avis exprimé par cette commission, l'autorité administrative compétente confirme son refus de communication, l'intéressé peut déférer cette décision au juge administratif, la cour administrative d'appel a constaté que M. VOIVRET ne justifiait d'aucun refus explicite ou implicite qui aurait été opposé, par l'administration fiscale, à une demande de sa part tendant à la communication de documents émanant de la direction nationale des enquêtes fiscales qui auraient servi de fondement à des redressements, d'ailleurs, non suivis de mise en recouvrement, notifiés, le 29 mai 1986, dans la catégorie des revenus fonciers ; qu'elle en a déduit que la demande de communication de documents administratifs présentée par M. VOIVRET n'était pas recevable ; que, ce faisant, elle n'a commis aucune erreur de droit ; En ce qui concerne les conclusions à fin d'indemnité présentées par M. VOIVRET :

Considérant qu'en jugeant que ces conclusions étaient irrecevables en l'absence de décision préalable ayant lié le contentieux, la cour administrative d'appel n'a pas commis d'erreur de droit, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qui lui était soumis que la défense, relative à ces conclusions, présentées par l'administration présentait un caractère subsidiaire et qu'une fin de non-recevoir leur avait été opposée, à titre principal ;

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêt du 9 juillet 1992 de la cour administrative d'appel de Nancy est annulé, en tant qu'il s'est prononcé sur les conclusions de la requête de M. VOIVRET ayant trait aux pénalités pour mauvaise fois dont les suppléments d'impôt sur le revenu auxquels il a étéassujetti au titre de l'année 1984 ont été assortis.

Article 2 : Les conclusions, mentionnées à l'article 1er ci-dessus, de la requête présentée par M. VOIVRET devant la cour administrative d'appel de Nancy sont rejetées.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. VOIVRET devant le Conseil d'Etat est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Michel VOIVRET et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

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