Jurisprudence : CE Contentieux, 08-06-1994, n° 141026

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 141026

M. MAS

Lecture du 08 Juin 1994

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 7ème et 10ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 7ème sous-section, de la Section du Contentieux,

Vu enregistrée le 4 septembre 1992 au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat, l'ordonnance en date du 29 août 1992 par laquelle le président de la cour administrative d'appel de Bordeaux transmet au Conseil d'Etat la requête présentée pour M. MAS, demeurant 66 rue Rogery à Saint Geniez d'Olt (Aveyron) enregistrée le 17 juillet 1992 au greffe de la cour administrative d'appel de Bordeaux ; M. MAS demande : 1°) l'annulation du jugement en date du 15 mai 1992 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision par laquelle la commission d'appel d'offres a rejeté son offre pour le lot "maçonnerie" d'un marché ouvert par la commune de Saint-Geniez-d'Olt, à l'annulation de la délibération du conseil municipal de Saint Geniez d'Olt entérinant les décisions de la commission d'appel d'offres et à l'annulation du marché passé par la commune pour la réalisation des travaux ; 2°) l'annulation de la délibération du conseil municipal et de la décision de la commission d'appel d'offres susmentionnées, du marché passé par la commune avec M. Salvador, de la décision de la commission d'appel d'offres retenant l'offre de M. Salvador, de la décision du maire de Saint Geniez d'Olt de signer le marché ; 3°) de condamner la commune à lui verser la somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des communes ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le décret n°65-29 du 11 janvier 1965, modifié par le décret n°83-1025 du 28 novembre 1983 ;

Vu la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Richard, Conseiller d'Etat, - les observations de Me Parmentier, avocat de la commune de Saint Geniez d'Olt, - les conclusions de M. Fratacci, Commissaire du gouvernement ;

Sur les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision du maire de Saint Geniez d'Olt de signer le marché correspondant au lot "maçonnerie" de l'opération d'extension de la base de canoë kayak :

Considérant que ces conclusions, présentées pour la première fois en appel, constituent une demande nouvelle et sont par suite irrecevables ;

Sur les conclusions tendant à l'annulation du marché passé avec la société Salvador :

Considérant que le marché passé par la commune de Saint Geniez d'Olt avec la sarl Salvador ne constitue pas un acte susceptible de faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir ; que le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté comme irrecevables ses conclusions dirigées contre ce marché ;

Sur la recevabilité des autres conclusions de la demande de M. MAS en première instance :

Considérant que M. MAS a présenté devant le tribunal administratif de Toulouse des conclusions dirigées contre la délibération du conseil municipal organisant l'appel d'offres relatif à l'opération d'extension de la base de canoë kayak de Saint Geniez d'Olt ; qu'il a également demandé l'annulation de la décision de la commission d'appel d'offres qui a statué sur l'attribution du lot "maçonnerie" de cette réalisation ;

Considérant d'une part qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la délibération du conseil municipal de Saint Geniez d'Olt en date du 6 juillet 1989 qui autorise le maire à signer avec les entreprises que sélectionnerait la commission d'appel d'offres les marchés correspondant à la réalisation de l'opération d'extension de la base de canoë kayak ait fait l'objet d'un affichage ou d'une publication de nature à faire courir le délai de recours contentieux àl'encontre des personnes qui peuvent en demander l'annulation au tribunal administratif en application de l'article L.121-34 du code des communes ; que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Toulouse, les conclusions de M. MAS dirigées contre cette délibération n'ont ainsi pas été présentées tardivement et ne sont par suite pas irrecevables ;

Considérant d'autre part qu'aux termes du dernier alinéa de l'article 1er du décret du 11 janvier 1965 modifié par le décret du 28 novembre 1983 : "Les délais de recours ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision"; que lors de la notification à M. MAS, par lettre du 18 août 1989, de la décision de la commission d'appel d'offres, ni les délais ni les voies de recours n'ont été précisés ; que M. MAS est dès lors fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulouse a rejeté comme irrecevables ses conclusions tendant à l'annulation de cette décision ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 15 mai 1992 doit être annulé en tant qu'il rejette comme irrecevables les conclusions de la demande de M. MAS dirigées contre la délibération du conseil municipal en date du 6 juillet 1989 et contre la décision de la commission d'appel d'offres ;

Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions susévoquées de la demande présentée par M. MAS devant le tribunal administratif de Toulouse ;

Sur la légalité de la délibération du 6 juillet 1989 :

Considérant qu'aux termes de l'article L.121-35 du code des communes : "Sont illégales les délibérations auxquelles ont pris part des membres du conseil intéressés à l'affaire qui en fait l'objet..." ; que la délibération attaquée, prise le 6 juillet 1989 par le conseil municipal de Saint Geniez d'Olt, a pour objet de décider de recourir à des marchés par appel d'offres pour la réalisation des travaux d'extension d'une base de canoë kayak, de désigner les membres de la commission d'appel d'offres et d'autoriser le maire à signer les pièces des marchés à intervenir ; que si ont pris part à l'adoption de la délibération deux conseillers municipaux qui se sont vu par la suite attribuer deux marchés concourant à l'opération et un conseiller municipal chargé par la commune de l'élaboration du projet en tant qu'architecte, cette circonstance ne conduit pas à les faire regarder comme "intéressés à l'affaire" qui a fait l'objet de la délibération attaquée, laquelle se bornait à organiser administrativement l'appel d'offres sans influer sur le choix des titulaires des marchés à intervenir ; qu'ainsi la participation de ces trois personnes à la délibération n'a pas entaché celle-ci d'illégalité ;

Sur la légalité de la décision de la commission d'appel d'offres relative au lot "maçonnerie" :

Considérant que la règle énoncée par l'article L.121-35 du code des communes, cité plus haut, est applicable à la commission d'appel d'offres qui constitue une commission du conseil municipal investie d'un pouvoir de décision ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Salvador, détenteur de parts de la société à responsabilité limitée Salvador qui a été déclarée attributaire du lot "maçonnerie", était membre de la commission d'appel d'offres chargée de désigner les titulaires des marchés concourant à la réalisation de l'opération en cause ; que, même s'il a siégé lors de la séance d'ouverture des plis et non à celle qui a achevé la sélection des offres, sa présence dans les travaux de la commission d'appel d'offres a vicié la décision arrêtée par celle-ci au regarddu lot "maçonnerie" ; que par suite, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens invoqués à l'encontre de cette décision, il y a lieu d'en prononcer l'annulation ;

Sur les conclusions de M. MAS et de la commune de Saint Geniez d'Olt tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 ;

Considérant qu'aux termes de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 : "Dans toutes les instances (...) le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991 et de condamner la commune de Saint Geniez d'Olt à payer à M. MAS la somme de 10 000 F qu'il demande au titre des sommes exposées par lui et non comprises dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse en date du 15 mai 1992 est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande de M. MAS tendant d'une part à l'annulation de la décision de la commission d'appel d'offres pour les travaux d'extension de la base de canoë kayak de Saint Geniez d'Olt et d'autre part à l'annulation de la délibération du 6 juillet 1989 du conseil municipal de Saint Geniez d'Olt.

Article 2 : La décision de la commission d'appel d'offres relative au lot "maçonnerie" de l'opération d'extension de la base de canoë kayak de Saint Geniez d'Olt est annulée.

Article 3 : La commune de Saint Geniez d'Olt versera à M. MAS une somme de 10 000 F au titre de l'article 75-I de la loi du 10 juillet 1991.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la demande présentée par M. MAS devant le tribunal administratif de Toulouse et des conclusions de sa requête sont rejetés.

Article 5 : Les conclusions de la commune de Saint Geniez d'Olt tendant à l'application de l'article 75-I de la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 6 : La présente décision sera notifiée à M. MAS , à la commune de Saint Geniez d'Olt et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

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