Jurisprudence : CE 3/5 SSR, 29-06-1994, n° 126959

CONSEIL D'ETAT

Statuant au Contentieux

N° 126959

M. et Mme PIERARD et autres

Lecture du 29 Juin 1994

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Le Conseil d'Etat statuant au contentieux
(Section du contentieux)


Le Conseil d'Etat statuant au Contentieux, (Section du contentieux, 3ème et 5ème sous-sections réunies),
Sur le rapport de la 3ème sous-section, de la Section du Contentieux,

Vu la requête, enregistrée au secrétariat du Contentieux du Conseil d'Etat le 21 juin 1991, présentée pour M. et Mme Christian PIERARD, demeurant 15, rue de Sèvres à Boulogne (92100), M. et Mme Hubert LE CONTE, demeurant à Arsy à Pieumelle (60190), M. Patrice LE CONTE, demeurant 12/13, rue Victor Hugo à Courbevoie (92400), M. Dominique LE CONTE, demeurant 36, Villa Chaptal à Levallois (92300), M. et Mme Claude BARTHELEMY, demeurant 18, rue Alphen à Ville d'Avray (92410) et qui tend à ce que le Conseil d'Etat : 1°) annule le jugement du 19 avril 1991 par lequel le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur requête qui tendait à l'annulation de l'arrêté du 29 août 1990 par lequel le préfet de l'Oise a autorisé la société I.T.M. Entreprise à construire un entrepôt sur un terrain sis sur la commune de Canly au lieu-dit Saint-Corneille ; 2°) annule ledit arrêté ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'urbanisme et notamment les articles L.111-1-2 et R.111-14-1, R.111-14-2, R.421-2 ;

Vu le décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 pris pour l'application de l'article 2 de la loi n° 76-629 du 10 juillet 1976 relative à la protection de l'environnement ;

Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Vu l'ordonnance n° 45-1708 du 31 juillet 1945, le décret n° 53-934 du 30 septembre 1953 et la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;

Après avoir entendu en audience publique : - le rapport de M. Combrexelle, Maître des requêtes, - les observations de Me Odent, avocat de M. et Mme PIERARD et autres et de la SCP Delaporte, Briard, avocat de la société I.T.M. Entreprise, - les conclusions de M. Toutée, Commissaire du gouvernement ;

Sur le moyen tiré de l'insuffisance de l'étude d'impact :

Considérant qu'aux termes de l'article R.111-14-2 du code de l'urbanisme dans la rédaction que lui a donnée le décret susvisé du 12 octobre 1977 : "Le permis de construire est délivré dans le respect des préoccupations d'environnement définies à l'article 1er de la loi n° 76628 du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature. Il peut n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales, si les constructions, par leur situation, leur destination ou leurs dimensions sont de nature à avoir des conséquences dommageables pour l'environnement" ; que l'article R.421-2 du même code dispose que : "Le dossier comporte en outre l'étude d'impact définie à l'article 2 du décret n° 77-1141 du 12 octobre 1977 pour les projets d'une superficie hors oeuvre nette égale ou supérieure à 3 000 mètres carrés et situés dans une commune non soumise à un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ou dans une zone d'aménagement concerté dont le plan d'aménagement n'est pas approuvé" ; qu'aux termes de l'article 2 du décret du 12 octobre 1977 pris pour l'application de l'article 2 de la loi du 10 juillet 1976 relative à la protection de la nature : "Le contenu de l'étude d'impact doit être en relation avec l'importance des travaux et aménagements projetés et avec leurs incidences prévisibles sur l'environnement. L'étude d'impact présente successivement : 1° Une analyse de l'état initial du site et de son environnement, portant notamment sur les richesses naturelles et les espaces naturels agricoles, forestiers, maritimes ou de loisirs affectés par les aménagements ou ouvrages ; 2° Une analyse des effets sur l'environnement, et en particulier sur les sites et paysages, la faune et la flore, les milieux naturels et les équilibres biologiques et, le cas échéant, sur la commodité du voisinage (bruits, vibrations, odeurs, émissions lumineuses) pour l'hygiène et la salubrité publique ; 3° Les raisons pour lesquelles, notamment du point de vue des préoccupations d'environnement, parmi les partis envisagés, le projet présenté a été retenu ; 4° Les mesures envisagées par le maître de l'ouvrage ou le pétitionnaire pour supprimer, réduire et, si possible, compenser les conséquences dommageables du projet sur l'environnement, ainsi que l'estimation des dépenses correspondantes ..." ;

Considérant que, par arrêté du 29 août 1990, le préfet de l'Oise a accordé à la société I.T.M. Entreprise le permis de construire un entrepôt de stockage de produits alimentaires d'une surface hors oeuvre de 14 000 mètres carrés ; qu'à cette date, la commune de Canly dans laquelle devait être édifiée la construction n'était pas dotée d'un plan d'occupation des sols rendu public ou approuvé ; que par suite, la demande de permis de construire devait être accompagnée de l'étude d'impact prévue par les dispositions ci-dessus rappelées ;

Considérant que le permis de construire a été délivré au vu d'un dossier auquelétait jointe une étude d'impact établie le 29 janvier 1990 ; qu'il résulte de l'examen de cette étude qu'elle comportait, contrairement à ce que soutiennent les requérants, une présentation suffisante du site et de son environnement de caractère agricole et qu'elle analysait, avec une précision suffisante, les diverses nuisances susceptibles de naître de l'activité de l'entrepôt et, notamment, les nuisances sonores imputables au fonctionnement des installations de cet entrepôt et à la circulation des véhicules poids lourds devant être utilisés pour la réception et l'expédition des produits ;

Considérant que l'étude d'impact ayant pour objet de permettre à l'autorité compétente pour délivrer le permis de construire ainsi qu'à toute personne demandant à la consulter, d'apprécier les effets sur la commodité du voisinage des seules installations faisant l'objet de la demande de permis de construire, ni la circonstance que cette étude n'ait pas pris en compte les nuisances qui pourront ultérieurement résulter d'une extension éventuelle des installations ni la circonstance qu'elle ne précise pas le nombre et l'implantation des magasins desservis par l'entrepôt ne sont de nature à faire regarder son contenu comme insuffisant ; que l'étude d'impact indiquait, en outre, avec précision quelles étaient les mesures envisagées pour réduire les conséquences dommageables du projet sur l'environnement en raison notamment de l'arrêt de véhicules supplémentaires sur le réseau environnant ; que si les requérants soutiennent que ces mesures manquent d'efficacité, cette circonstance n'est pas de nature à faire regarder l'étude d'impact comme insuffisante ;

Sur le moyen tiré de la violation des dispositions de l'article R.111-14-1 du code de l'urbanisme :

Considérant qu'aux termes de l'article R.111-14-1 du code de l'urbanisme : "Le permis de construire peut être refusé ou n'être accordé que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions sont de nature, par leur localisation ou leur destination : a) à favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, en particulier lorsque ceux-ci sont peu équipés ; (...) c) à compromettre les activités agricoles ou forestières, notamment en raison de la valeur agronomique des sols, des structures agricoles, de l'existence de terrains produisant des denrées de qualité supérieure ou comportant des équipements spéciaux importants ;

Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que la décision du préfet de l'Oise d'autoriser la construction de l'entrepôt litigieux soit entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article R.111-14-1 du code de l'urbanisme ; En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L.111-1-2 du code de l'urbanisme :

Considérant qu'aux termes de l'article L.111-1-2 du code de l'urbanisme dans sa rédaction résultant de la loi du 19 août 1986 : "En l'absence de plan d'occupation des sols opposable aux tiers, ou de tout document d'urbanisme en tenant lieu, seules sont autorisées, en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune : (...) 4° Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l'intérêt de la commune le justifie, dès lors qu'elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publique, qu'elles n'entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et que le projet n'est pas contraire aux objectifs visés à l'article L.110 et aux lois d'aménagement et d'urbanisme mentionnées à l'article L.111-1-1" ;

Considérant que par arrêté du 29 août 1990, le préfet a autorisé la construction de l'entrepôt dans une partie du territoire communal non encore urbanisée, au vu d'une délibération du 2 février 1990, par laquelle le conseil municipal de Canly s'était déclaré favorable à la réalisation d'un projet qui devait être créateur d'une centaine d'emplois ; que ce motif d'intérêt communal pouvait légalement justifier l'octroi de l'autorisation de construire demandée dans la commune de Canly même s'il existait des emplacements disponibles dans les zones d'activité créées dans les communes voisines ; que, contrairement à ce que soutiennent les requérants, d'une part, les travaux d'amélioration des voies de circulation rendus nécessaires par la construction de l'entrepôt n'entraînent pas des dépenses publiques excessives, d'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le projet ne portait pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages ; qu'il suit de là que le moyen tiré de ce que le permis de construire aurait été délivré en violation de l'article L.111-1-2 ci-dessus rappelé doit être écarté ;

Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Amiens a rejeté leur demande qui tendait à l'annulation du permis de construire du 29 août 1990 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 75-I de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 :

Considérant que les dispositions dudit article font obstacle à ce que la société I.T.M. Entreprise ou l'Etat, qui ne sont ni l'un ni l'autre la partie perdante, soient condamnés à verser la somme demandée à ce titre par M. et Mme PIERARD et autres ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme PIERARD, M. et Mme Hubert LE CONTE, M. Patrice LE CONTE, M. Dominique LE CONTE et M. et Mme Claude BARTHELEMY est rejetée.

Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. et Mme Christian PIERARD, à M. et Mme Hubert LE CONTE, à M. Patrice LE CONTE, à M. Dominique LE CONTE et M. et Mme Claude BARTHELEMY, à la société I.T.M Entreprise et au ministre de l'équipement, des transports et du tourisme.

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