Jurisprudence : CJCE, 17-07-1997, aff. C-28/95, A. Leur-Bloem c/ Inspecteur der Belastingdienst/Ondernemingen Amsterdam 2

CJCE, 17-07-1997, aff. C-28/95, A. Leur-Bloem c/ Inspecteur der Belastingdienst/Ondernemingen Amsterdam 2

A1894AW3

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Cour de justice des Communautés européennes

17 juillet 1997

Affaire n°C-28/95

A. Leur-Bloem
c/
Inspecteur der Belastingdienst/Ondernemingen Amsterdam 2



61995J0028

Arrêt de la Cour
du 17 juillet 1997.

A. Leur-Bloem contre Inspecteur der Belastingdienst/Ondernemingen Amsterdam 2.

Demande de décision préjudicielle: Gerechtshof Amsterdam - Pays-Bas.

Article 177 - Compétence de la Cour - Législation nationale reprenant des dispositions communautaires - Transposition - Directive 90/434/CEE - Notion de fusion par échange d'actions - Fraude ou évasion fiscales.

Affaire C-28/95.

Recueil de Jurisprudence 1997 page I-4161

1 Questions préjudicielles - Compétence de la Cour - Limites - Interprétation sollicitée en raison de l'applicabilité, aux situations purement internes, des dispositions d'une directive transposées en droit national, résultant d'un alignement du traitement des situations internes sur celles régies par le droit communautaire - Compétence pour fournir cette interprétation - Appréciation de la portée exacte du renvoi au droit communautaire opéré par le droit national - Compétence exclusive du juge national

(Traité CEE, art. 177)

2 Rapprochement des législations - Régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents - Directive 90/434 - Fusion par échange d'actions - Notion - Prise en compte des motifs financiers, économiques ou fiscaux de l'opération de fusion - Exclusion

(Directive du Conseil 90/434, art. 2, d) et h))

3 Rapprochement des législations - Régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents - Directive 90/434 - Opérations ayant comme objectif la fraude ou l'évasion fiscales - Vérification sous contrôle juridictionnel par les autorités nationales - Possibilité pour les autorités nationales d'instaurer une présomption de fraude ou d'évasion fiscales - Conditions et limites

(Directive du Conseil 90/434, art. 11, § 1, a))

4 Rapprochement des législations - Régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents - Directive 90/434 - Opérations ayant comme objectif la fraude ou l'évasion fiscales - Possibilité de présomption de fraude ou d'évasion fiscales en cas d'opérations non effectuées pour des motifs économiques valables - Notion de motif économique valable - Compensation fiscale horizontale des pertes entre les sociétés participantes - Exclusion

(Directive du Conseil 90/434, art. 11)

5 La Cour est compétente, au titre de l'article 177 du traité, pour interpréter le droit communautaire lorsque celui-ci ne régit pas directement la situation en cause, mais que le législateur national a décidé, lors de la transposition en droit national des dispositions d'une directive, d'appliquer le même traitement aux situations purement internes et à celles régies par la directive, en sorte qu'il a aligné sa législation interne sur le droit communautaire.$

En effet, lorsqu'une législation nationale se conforme pour les solutions qu'elle apporte à des situations purement internes à celles retenues en droit communautaire afin, notamment, d'éviter l'apparition de discriminations à l'encontre des ressortissants nationaux ou d'éventuelles distorsions de concurrence, il existe un intérêt communautaire certain à ce que, pour éviter des divergences d'interprétation futures, les dispositions ou les notions reprises du droit communautaire reçoivent une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont appelées à s'appliquer.$

Toutefois, dans un tel cas, et dans le cadre de la répartition des fonctions juridictionnelles entre les juridictions nationales et la Cour prévue par l'article 177, il appartient au seul juge national d'apprécier la portée exacte de ce renvoi au droit communautaire, la compétence de la Cour étant limitée à l'examen des seules dispositions de ce droit. La prise en considération des limites que le législateur national a pu apporter à l'application du droit communautaire à des situations purement internes relève du droit interne et, par conséquent, de la compétence exclusive des juridictions de l'État membre.$

6 La directive 90/434, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents, doit être interprétée en ce sens que le régime fiscal commun qu'elle institue, lequel comprend différents avantages fiscaux, s'applique indistinctement à toutes les opérations de fusion, de scission, d'apport d'actifs et d'échange d'actions, sans considération de leurs motifs, qu'ils soient financiers, économiques ou purement fiscaux.$

Il s'ensuit que l'article 2, sous d), de la directive, qui définit la notion de fusion par échange d'actions, n'exige pas que la société acquérante, au sens de l'article 2, sous h), exploite elle-même une entreprise ni qu'il y ait un rassemblement durable, d'un point de vue financier et économique, dans une même entité, de l'entreprise de deux sociétés. De même, la circonstance qu'une même personne physique qui était l'unique actionnaire et directeur des sociétés acquises devient l'unique actionnaire et directeur de la société acquérante ne fait pas obstacle à ce que l'opération en cause puisse être qualifiée de fusion par échange d'actions.$

7 L'article 11 de la directive 90/434 doit être interprété en ce sens que, pour vérifier si l'opération envisagée a comme objectif principal ou comme l'un de ses objectifs principaux la fraude ou l'évasion fiscales, les autorités nationales compétentes doivent procéder, dans chaque cas, à un examen global de ladite opération. Un tel examen doit pouvoir faire l'objet d'un contrôle juridictionnel.$

Conformément à l'article 11, paragraphe 1, sous a), de cette directive, les États membres peuvent prévoir que le fait que l'opération envisagée n'est pas effectuée pour des motifs économiques valables constitue une présomption de fraude ou d'évasion fiscales. Il leur appartient de déterminer les procédures internes nécessaires à cette fin dans le respect du principe de proportionnalité.$

Cependant, l'institution d'une règle revêtant une portée générale excluant automatiquement certaines catégories d'opérations de l'avantage fiscal, qu'il y ait ou non effectivement évasion ou fraude fiscales, ceci sur la base de critères tels que l'exploitation par la société acquérante elle-même d'une entreprise, le rassemblement durable, d'un point de vue financier et économique, dans une même entité, de l'entreprise de deux sociétés ou la circonstance qu'une même personne physique qui était l'unique actionnaire et directeur des sociétés acquises devient l'unique actionnaire et directeur de la société acquérante, irait au-delà de ce qui est nécessaire pour éviter une telle fraude ou une telle évasion fiscales et porterait atteinte à l'objectif poursuivi par la directive 90/434, qui consiste justement à instaurer des règles fiscales neutres au regard de la concurrence et à éviter que les opérations visées soient entravées par des restrictions, des désavantages ou des distorsions particuliers découlant des dispositions fiscales des États membres.$

8 La notion de motif économique valable au sens de l'article 11 de la directive 90/434 doit être interprétée comme allant au-delà de la recherche d'un avantage purement fiscal, tel que la compensation fiscale horizontale des pertes.

Dans l'affaire C-28/95,

ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le Gerechtshof te Amsterdam, et tendant à obtenir, dans le litige pendant devant cette juridiction entre

A. Leur-Bloem

Inspecteur der Belastingdienst/Ondernemingen Amsterdam 2,

une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation des articles 2, sous d), et 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents (JO L 225, p. 1),

LA COUR,

composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, G. F. Mancini, J. C. Moitinho de Almeida, J. L. Murray et L. Sevón, présidents de chambre, C. N. Kakouris, P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann, D. A. O. Edward, J.-P. Puissochet, G. Hirsch, P. Jann (rapporteur) et H. Ragnemalm, juges,

avocat général: M. F. G. Jacobs,

greffier: M. H. A. Rühl, administrateur principal,

considérant les observations écrites présentées:

- pour Mme Leur-Bloem, par M. J. H. W. Lenior, conseiller fiscal,

- par M. l'Inspecteur der Belastingdienst Ondernemingen Amsterdam 2,

- pour le gouvernement néerlandais, par M. J. G. Lammers, conseiller juridique remplaçant au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent,

- pour le gouvernement allemand, par MM. E. Röder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'Économie, et B. Kloke, Oberregierungsrat au même ministère, en qualité d'agents,

- pour la Commission des Communautés européennes, par M. B. J. Drijber, membre du service juridique, en qualité d'agent,

vu le rapport d'audience,

ayant entendu les observations orales du gouvernement néerlandais, représenté par M. A. Fierstra, conseiller juridique adjoint au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par M. B. J. Drijber, à l'audience du 4 juin 1996,

ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 17 septembre 1996,

rend le présent

Arrêt

1 Par ordonnance du 26 janvier 1995, parvenue à la Cour le 6 février suivant, le Gerechtshof te Amsterdam a posé à la Cour, en vertu de l'article 177 du traité CE, plusieurs questions préjudicielles relatives à l'interprétation des articles 2, sous d), et 11, paragraphe 1, sous a), de la directive 90/434/CEE du Conseil, du 23 juillet 1990, concernant le régime fiscal commun applicable aux fusions, scissions, apports d'actifs et échanges d'actions intéressant des sociétés d'États membres différents (JO L 225, p. 1, ci-après la "directive").

2 Ces questions ont été posées dans le cadre d'un litige opposant Mme Leur-Bloem à l'inspecteur des contributions des entreprises d'Amsterdam 2 (ci-après l'"inspecteur").

3 Mme Leur-Bloem, qui est actionnaire unique et directeur de deux sociétés privées de droit néerlandais, envisage d'acquérir les actions d'une troisième société privée, une holding, le paiement devant s'opérer par échange avec les actions des deux premières sociétés. Mme Leur-Bloem devait devenir, après l'opération, non plus directement, mais seulement indirectement, l'actionnaire unique des deux autres sociétés.

4 Mme Leur-Bloem est assujettie à la loi néerlandaise de 1964 relative à l'impôt sur le revenu (ci-après la "loi néerlandaise"). L'article 14 b, paragraphe 1, de la loi néerlandaise prévoit, lors d'une opération de fusion par échange d'actions, la non-inclusion dans l'imposition de la plus-value sur participation importante. L'application de cette facilité comporte en fait report de l'imposition.

5 L'article 14 b, paragraphe 2, sous a) et b), de la loi néerlandaise dispose:

"2. Sont considérés comme fusions de sociétés les cas de figure suivants:

a) Une société établie aux Pays-Bas acquiert, contre remise de ses propres actions ou titres participatifs, avec paiement éventuel d'une soulte, une quantité d'actions dans une autre société établie aux Pays-Bas lui permettant d'exercer plus de la moitié des droits de vote dans cette dernière société, afin de rassembler durablement, d'un point de vue financier et économique, l'entreprise de cette société et celle d'une autre dans une même entité.

b) Une société établie dans un État membre des Communautés européennes acquiert, contre remise de ses propres actions ou titres participatifs, avec paiement éventuel d'une soulte, une quantité d'actions dans une autre société établie dans un autre État membre des Communautés européennes lui permettant d'exercer plus de la moitié des droits de vote dans cette dernière société, afin de rassembler durablement, d'un point de vue financier et économique, l'entreprise de cette société et celle d'une autre dans une même entité."

6 Par "entreprise" au sens de la loi néerlandaise, il convient, en substance, d'entendre l'activité économique d'une personne morale, le terme "société" faisant référence à la personne juridique.

7 Mme Leur-Bloem a demandé à l'administration fiscale néerlandaise de considérer que l'opération envisagée était une "fusion par échange d'actions" au sens de la législation néerlandaise, ce qui lui permettait de bénéficier de l'exonération d'impôt sur la plus-value éventuellement réalisée sur la cession d'actions et de la possibilité de compenser les pertes éventuelles à l'intérieur de l'entité fiscale ainsi créée.

8 L'inspecteur, estimant qu'il n'y avait pas fusion par échange d'actions au sens de l'article 14 b, paragraphe 2, sous a), de la loi néerlandaise, a rejeté sa demande.

9 Mme Leur-Bloem a donc formé un recours à l'encontre de cette décision devant le Gerechtshof te Amsterdam. Elle considère en effet que, dans la mesure où l'opération vise à une coopération plus étroite entre les sociétés, elle doit être considérée comme une fusion.

10 En revanche, l'inspecteur soutient que l'opération envisagée n'a pas pour objet de rassembler durablement, du point de vue financier et économique, l'entreprise de ces sociétés au sein d'une entité plus importante. En effet, une telle entité existerait déjà, du point de vue financier et économique, dans la mesure où les deux sociétés ont déjà le même directeur et un seul actionnaire.

11 Le Gerechtshof a estimé que, pour résoudre ce litige, il convenait d'interpréter une disposition de la loi néerlandaise insérée à l'occasion de la transposition en droit national de la directive.

12 A cet égard, la juridiction de renvoi a tout d'abord constaté que, selon ses considérants, la directive vise à l'élimination des dispositions d'ordre fiscal qui pénalisent, notamment, les fusions et les échanges d'actions entre des sociétés d'États membres différents par rapport à ceux qui sont effectués entre des sociétés situées dans un seul État membre. Elle a ensuite relevé que les termes de l'article 14 b, paragraphe 2, sous a), d'une part, et sous b), d'autre part, de la loi néerlandaise n'opèrent aucune distinction entre les fusions qui ne concernent que des sociétés établies aux Pays-Bas et celles concernant des sociétés établies dans différents États membres de la Communauté.

13 Elle a enfin indiqué qu'il ressort des objectifs de la directive, du libellé de la disposition concernée de la loi néerlandaise ainsi que des travaux préparatoires de cette dernière, notamment de son exposé des motifs, que le législateur néerlandais a entendu traiter de la même manière les fusions entre sociétés établies, d'une part, uniquement aux Pays-Bas et, d'autre part, dans différents États membres.

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